Dernier rapport annuel de l’enquêteur correctionnel résultent en des enquêtes novatrices sur l’expérience des détenus à sécurité maximale et condamnés à perpétuité au Canada

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Ottawa, 29 octobre 2024 - Le Rapport annuel 2023-2024 du Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC) a été déposé au Parlement le 29 octobre 2024. Le dernier rapport annuel du Bureau ouvre de nouvelles perspectives dans deux enquêtes nationales portant sur les conditions de détention dans des pénitenciers à sécurité maximale pour hommes et sur l’expérience des personnes qui purgent une peine à vie (ou indéterminée) au Canada, une peine qui n’a pas de date de fin. 

« Mes observations dans ces deux domaines vont directement au cœur de l’intention et de l’objectif correctionnels », a déclaré Dr Ivan Zinger, enquêteur correctionnel. « Ces deux enquêtes soulèvent des questions de politiques publiques qui portent sur les coûts et les conséquences des peines qui, à tous les points de vue, sont excessivement longues (comme celles des condamnés à perpétuité), coûteuses et très difficiles (comme on peut l’observer dans les établissements à sécurité maximale). Les détenus incarcérés dans les secteurs à sécurité maximale, y compris les condamnés à perpétuité en confinement, perdent un temps intolérable dans ces établissements à divers degrés qui ne servent aucun but de réadaptation ou de réinsertion sociale », a fait savoir l’enquêteur correctionnel. 

Dans L’espoir au-delà des barreaux : La gestion des peines d’emprisonnement à perpétuité au fédéral, le Bureau signale qu’il y a environ 3 600 personnes qui purgent des peines d’emprisonnement à durée indéterminée au Canada. Les prisonniers condamnés à perpétuité représentent maintenant un peu plus du quart de la population en détention. L’enquête a noté que ces personnes se retrouvent trop souvent à languir dans les établissements à sécurité moyenne bien après avoir complété leurs programmes correctionnels requis et l’expiration de leur date d’admissibilité à une libération conditionnelle. Le rapport souligne que ces détenus condamnés à perpétuité sont tenus de respecter des normes comportementales déraisonnables, et le non-respect est souvent interprété comme un signe de risque accru. L’enquête a également révélé de graves lacunes et des biais dans les échelles, les examens et les critères de reclassification de sécurité qui désavantagent considérablement les personnes condamnées à perpétuité, y compris les restrictions sur les absences temporaires et les retards déraisonnables dans la mise à jour du plan correctionnel ou des transferts à la sécurité minimale. L’effet de ces lacunes dans les politiques et les pratiques est que les détenus condamnés à perpétuité sont maintenus à des niveaux de sécurité plus élevés pendant de plus longues périodes. 

En ce qui concerne l’enquête sur les prisons à sécurité maximale pour hommes, le rapport indique que les incidents liés au recours à la force dans ces établissements représentent maintenant un peu moins de la moitié des cas dans tout le pays, même s’ils ne représentent que 10 pour cent de la population carcérale totale du Canada. L’accent mis sur la sécurité, le contrôle et le confinement limite la sécurité dynamique et la participation à des activités de travail, de loisirs et de programmation utiles. Le rapport indique que les « mini-cours » reléguées pour l’exercice en plein air basé sur l’unité sont intrinsèquement privatives et représentent des espaces déshumanisants. L’enquêteur correctionnel a souligné que les peines longues et sévères ont entraîné une augmentation de la délinquance à la libération. « Un confinement cellulaire excessif dans des conditions répressives conduit de façon tout à fait prévisible à des tensions et à la violence », a déclaré le Dr Zinger.

« La conclusion que je tire de ces deux enquêtes très différentes est que l’emprisonnement sans but ni fin est cruel, arbitraire et illégal. Dans les deux enquêtes, j’ai constaté que les objectifs de l’emprisonnement au Canada prévus par la loi n’étaient pas atteints adéquatement. Il faut se rappeler que la nature et la gravité de l’infraction sont prises en compte et appliquées lors de la détermination de la peine. La loi stipule que notre système correctionnel doit offrir plus qu’une peine ou une incapacité pour ces deux catégories de détenus », a déclaré Dr Zinger. 

Outre les deux enquêtes nationales, le rapport de Dr Zinger contient également une étude de cas sur la mort de M. Stéphane Bissonnette, un homme de 39 ans qui est décédé dans une cellule d’observation alors qu’il était sous surveillance pour risque de suicide au Centre régional de traitement (CRT) de Millhaven. À plusieurs égards troublants, le décès de M. Bissonnette sous les soins et la garde du SCC s’inscrit dans une tendance d’incidents tragiques qui ont donné lieu à des cas semblables que le Bureau a documentés dans des rapports publics antérieurs. Comme l’a fait remarquer l’enquêteur correctionnel dans son rapport : « Stéphane était une personne avec des comportements et des besoins complexes. Il avait une forte propension à diriger la violence vers lui-même, et, à l’occasion, vers les autres. Son historique d’incarcération fédérale, placements prolongés en isolement préventif, nombreux placements en observation renforcée (surveillance pour haut risque de suicide), transferts fréquents à l’intérieur et à l’extérieur des établissements psychiatriques, multiples placements dans un confinement restrictif et utilisation fréquente de dispositifs de contention mécanique Pinel pour gérer les idées suicidaires ou d’automutilation, indiquent que le SCC a eu du mal à gérer cette personne perturbée en toute sécurité et avec humanité. »

Bien que le cas de Stéphane soit unique à certains égards, sa mort suit un schéma tragique bien connu : il n’a pas été possible d’assurer correctement la respiration du corps pendant les rondes de sécurité et illustre la mauvaise gestion continue des maladies mentales graves dans le système carcéral canadien. L’étude de cas soulève une préoccupation importante au sujet du fonctionnement et de la gouvernance des hôpitaux psychiatriques dans le système carcéral fédéral, surtout en ce qui concerne la portée et le degré de la pratique clinique dans l’offre de soins sécuritaires, efficaces et sans entrave aux patients dans les milieux pénitentiaires adjacents. Dans son rapport, Dr Zinger demande au SCC de procéder à un examen indépendant de la sécurité des patients au CRT de Millhaven, afin de s’assurer que le personnel du CRT est correctement recruté, formé et compétent pour exercer ses fonctions dans un milieu psychiatrique sécuritaire et pour que les services correctionnels fédéraux élargissent les solutions de rechange à l’incarcération pour les personnes qui ont des troubles mentaux graves.

Le rapport annuel de cette année comprend également un certain nombre d’importantes mises à jour sur les politiques nationales et opérationnelles, y compris : évaluation des risques et classification des peuples autochtones depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans Ewert c. Canada (2018); un examen du système interne de plaintes et de griefs du SCC; un examen de la qualité des soins concernant les décès pour cause naturelle en détention sous responsabilité fédérale; les pressions démographiques dans les établissements pour femmes; et un examen de l’incidence du Modèle d’engagement et d’intervention (MEI) sur les incidents liés au recours à la force. 

Le rapport annuel 2023-2024 du Bureau contient 28 recommandations, dont 13 sont formulées dans les enquêtes sur les détenus à perpétuité et les détenus dans des établissements à sécurité maximale. Toutes les recommandations du rapport de cette année sont adressées au SCC. Les recommandations importantes de la section des mises à jour nationales du rapport demandent au SCC :

  1. Élaborer, du début à la fin, de nouveaux outils d’évaluation et de classification qui sont dirigés par les Autochtones et adaptés culturellement aux indicateurs éclairés du risque et des besoins (c.-à-d. facteurs historiques sociaux autochtones)
  2. Élaborer une stratégie nationale de gestion de la population qui concerne les femmes.
  3. Mettre en œuvre des modes alternatifs de résolution des conflits dans tous les pénitenciers à sécurité maximale et à niveaux multiples, y compris les cinq établissements régionaux pour femmes et centres de traitement.
  4. Mener un audit indépendant du processus d’examen de la qualité des soins pour des décès en détention pour cause naturelle.
  5. Rendre compte de ses efforts visant à réduire les incidents liés au recours à la force, à accroître sa capacité de répondre aux incidents liés à la santé mentale et à la détresse physique et à veiller à ce que les violations de la loi ou des politiques ne restent pas incontrôlées.

L’enquêteur correctionnel a exprimé son mécontentement envers le manque de sensibilité vis-à-vis ses observations et ses recommandations, en particulier aux deux enquêtes nationales. « Le Service a eu suffisamment de temps et d’occasions de préparer une réponse réfléchie et significative, a déclaré l’enquêteur correctionnel. Trop de mes recommandations sont effectivement rejetées ou ignorées par le SCC, qui se contente d’affirmer qu’il procédera à son propre examen de la question, sans nécessairement jamais accepter, rejeter ou même reconnaître les préoccupations soulevées dans mon rapport. » Dr Zinger ajoute : « Si le SCC n’accepte pas mes observations ni mes recommandations, la responsabilité publique et la transparence nécessitent qu’il le dise publiquement. Le fait que le SCC procède à son propre examen est redondant, déplacé et est un gaspillage des ressources publiques. »

En tant qu’ombudsman pour les délinquants purgeant une peine fédérale, le Bureau de l’enquêteur correctionnel sert les Canadiens et contribue à des services correctionnels sécuritaires, légaux et humains par la supervision indépendante du Service correctionnel du Canada en leur offrant des enquêtes sur les problèmes individuels et systémiques en temps opportun. Le rapport annuel 2023-2024 ainsi qu’un résumé exécutif peuvent être consultés au www.oci-bec.gc.ca.

Pour obtenir plus de renseignements, veuillez contacter :

Mme Monette Maillet   
Directrice exécutive   
Monette.Maillet@oci-bec.gc.ca   
613-791-0170   
 

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