Le 26 juin 2024
L'honorable Dominic LeBlanc
Ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales
Chambre des communes
Ottawa, Ontario
Monsieur le Ministre,
J'ai le privilège et le devoir conformément aux dispositions de l'article 192 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de vous présenter le 51e rapport annuel de l'Énquêteur correctionnel.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments distingués.
Ivan Zinger, J.D., Ph.D.
Enquêteur correctionnel
Table des matières
Message de l’enquêteur correctionnel
Message de la directrice générale
Évaluation et classification des risques avec les peuples autochtones depuis Ewert c. Canada (2018)
La procédure de règlement des plaintes et des griefs des délinquants
Pratiques prometteuses dans les services correctionnels pour Autochtones
ÉTUDE DE CAS : Décès au Centre régional de traitement – Millhaven
L’espoir au-delà des barreaux : La gestion des peines d’emprisonnement à perpétuité au fédéral
Perspectives de l’enquêteur correctionnel pour 2024-2025
Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel
ANNEXE A : Résumé des recommandations
ANNEXE B : Statistiques annuelles
Réponse au 51e rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel
Message de l’enquêteur correctionnel
Chaque année, la production de mon rapport annuel et la rédaction de mon message d’introduction offrent l’occasion de réfléchir au mandat et au travail accompli à mon bureau qui constitue en tant que tel l’ombudsman des individus qui purgent une peine d’incarcération d’ordre fédéral, et l’organisme de surveillance externe pour l’autorité correctionnelle fédérale au Canada, soit le Service correctionnel du Canada (SCC). Nos visites et nos inspections régulières aux établissements carcéraux fédéraux, nos rencontres avec le personnel du SCC et les individus incarcérés, de même que nos enquêtes visant le règlement de plaintes et d’enjeux individuels ou collectifs de détenus font partie de nos fonctions quotidiennes. Nous examinons les incidents liés au recours à la force dans les établissements fédéraux ainsi que les décès en établissement et d’autres incidents graves. Nos interventions aident à veiller à ce que les peines de ressort fédéral soient gérées en conformité avec les normes nationales et internationales en matière de droits de la personne en assurant une détention sécuritaire, humaine et respectueuse des lois.
À titre d’enquêteur correctionnel, mon focus et ma priorité est d’identifier, d’enquêter et de signaler des enjeux d’importance nationale ou systémique. Le rapport de cette année comprend des constatations et des recommandations qui découlent de deux enquêtes menées à l’échelle nationale, c’est-à-dire la gestion des peines à perpétuité et un examen comparatif des six établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes. Le Bureau s’est aventuré en terrain nouveau dans le cadre de ces deux enquêtes : il s’agit du premier rapport approfondi du Bureau sur les « condamnés à perpétuité », et l’enquête sur les établissements autonomes à sécurité maximale constitue notre première inspection à l’échelle du système et notre premier examen des conditions de détention aux établissements à sécurité maximale.
Nos constatations dans ces deux domaines abordent le fondement même de l’intention et de l’objectif du système correctionnel en explorant ce que peut signifier en pratique une peine indéfinie (une peine qui prend fin à la mort du condamné), ou l’utilité de la détention à sécurité maximale lorsque les objectifs de réadaptation et de réinsertion sociale prévus par la loi ne sont pas atteints de façon satisfaisante. Chaque enquête soulève des questions de politiques publiques qui portent sur les coûts et les conséquences des peines qui, à tous les points de vue, sont excessivement longues (comme celles des condamnés à perpétuité), coûteuses et très difficiles (comme on peut l’observer dans les établissements à sécurité maximale).
En ce qui concerne notre enquête sur les établissements à sécurité maximale, nous avons constaté que le Service correctionnel du Canada n’a élaboré aucune formulation claire de l’énoncé sur le but quant aux résultats escomptés de la détention à sécurité maximale. Nous avons observé des pratiques opérationnelles et des conditions tellement punitives et restrictives qu’elles semblaient tout à fait contraires à toute intention ou à tout principe ou résultat correctionnel énoncé. Nous avons constaté que les incidents de recours à la force dans les établissements autonomes à sécurité maximale représentent maintenant 46 % de tous les recours à la force à l’échelle nationale, bien que ces établissements accueillent environ 10 % de l’ensemble de la population de détenus.
Dans le cadre de notre enquête liée aux condamnés à perpétuité, nous avons rencontré des personnes qui purgent des peines d’une durée indéterminée qui satisfont toutes les exigences de leurs programmes, mais qui se retrouvent trop souvent à languir dans les établissements à sécurité moyenne bien après l’expiration de leur date d’admissibilité à une libération conditionnelle. Notre enquête a révélé que les condamnés à perpétuité sont maintenus aux niveaux de sécurité supérieurs durant de longues périodes alors qu’aucun objectif clair n’est établi quant à leur réadaptation et de réinsertion sociale. À différents niveaux, les détenus incarcérés dans les secteurs à sécurité maximale et les condamnés à perpétuité perdent une quantité de temps inacceptable dans ces établissements, compte tenu du faible bénéfice qui en découle sur le plan de l’intégration et de la réinsertion sociale.
Les décideurs doivent tenir compte de ce qui advient des gens emprisonnés lorsque la possibilité d’une mise en liberté ou de l’abaissement de leur niveau de sécurité est reportée de façon arbitraire ou refusée indéfiniment, ou lorsque, vraisemblablement, la détention en cellule d’une durée excessive mènera à des incidents violents. Comme le confirment les recherches depuis longtemps, les peines longues et difficiles sont statistiquement synonymes de récidive accrue, plutôt que réduite. Pour établir un but plus constructif et positif que la punition ou le châtiment qui, dans un cas comme dans l’autre, ne fait plus partie de l’objectif ou des principes du système contemporain de l’établissement des peines au Canada, la pratique correctionnelle doit miser sur les autres aspects de l’incarcération dans son offre correctionnelle, outre la nature et la gravité des infractions et le degré de responsabilité du délinquant. J’en conclus, à la lumière de ces deux enquêtes très différentes l’une de l’autre, que l’emprisonnement sans but ou sans fin est cruel, arbitraire et illégal.
Ce rapport que je vous présente comporte également plusieurs mises à jour importantes de la politique nationale. L’éventail des enjeux cette année comprend, entre autres, un examen de la conformité du système interne de plaintes et de griefs du SCC, une mise à jour sur les pressions de la population dans les établissements pour femmes, une enquête sur les examens de la qualité des soins fournis par le SCC dans le cas de décès de causes naturelles en établissement, ainsi qu’une évaluation des actions ou de l’inaction du SCC six ans après la déclaration de la Cour suprême du Canada dans sa décision liée à l’affaire Ewert c. Canada selon laquelle certains des outils d’évaluation mis en application par le SCC contreviennent à la loi lorsqu’ils sont appliqués aux Autochtones. Enfin, l’enquête du Bureau sur un décès survenu à l’un des cinq centres régionaux de traitement qui servent d’hôpitaux psychiatriques et pour la santé mentale, composés d’employés du SCC et dirigés par celui-ci, soulève une préoccupation importante au sujet du fonctionnement et de la gouvernance de ces établissements, surtout en ce qui concerne la portée et le degré de la pratique clinique dans l’offre de soins sécuritaires, efficaces et sans entrave aux patients dans les milieux pénitenciers adjacents.
Au-delà des enquêtes systémiques, des mises à jour de la politique nationale, de l’inspection des prisons et des examens des pratiques exemplaires, d’autres enjeux et préoccupations ont retenu notre attention en 2023-2024. De façon inattendue, un nombre inhabituel de décisions touchant le système correctionnel fédéral ont été prises malgré le manque apparent de consultation, d’engagement ou d’absence d’avis à mon Bureau. Par exemple, bien enfouie dans le budget fédéral présenté en avril 2024 se trouvait une proposition visant la modification de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de permettre la détention de migrants « à haut risque » dans les pénitenciers fédéraux. Ni mon bureau ni la plupart des autres intervenants qui défendent les droits de la personne n’étaient au courant de cette proposition. L’expansion proposée de la détention liée à l’immigration au sein des prisons fédérales pour des motifs allégués de risque pour la sécurité publique est une mesure draconienne, soit un manquement aux responsabilités du Canada d’offrir un lieu sûr aux migrants et aux réfugiés qui se sentent persécutés ou qui fuient la guerre, ou simplement à ceux qui souhaitent mener une vie meilleure. Je reconnais que certains ressortissants étrangers pourraient se présenter devant les autorités frontalières ou de l’immigration et constituer un risque de fuite, mais il semble que leur détention dans un pénitencier fédéral soit un geste excessif, dépourvu de sagesse et contraire aux valeurs canadiennes. Il doit y avoir des solutions de rechange plus humaine et empreinte de compassion.
Dans le même ordre d’idées, d’autres décisions prises par le SCC au cours de la période visée par le Rapport semblaient manquer de réceptivité ou brillaient par l’absence d’une consultation auprès de mon bureau. Les modifications techniques apportées aux lignes directrices sur l’aide médicale à mourir (AMM) et la seconde promulgation de celles-ci qui ont eu lieu sans avis ou consultation en sont un exemple. Dans une mesure plutôt importante, le gouvernement du Canada continue de permettre la mise en branle de cette procédure dans un pénitencier fédéral dans des circonstances « exceptionnelles » (demande du « patient »). La même chose se produit en ce qui concerne la décision de doter des postes de représentants des patients en y affectant des employés du SCC au lieu de nommer des intervenants externes et indépendants, ce qui envoie un message ambigu et déformé tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation. J’image ce résultat malheureux depuis longtemps et cela m’a poussé à prendre la décision de faire état de mes préoccupations au ministre de la Sécurité publique dans mon dernier rapport annuel. De toute façon, cette décision va à l’encontre d’autres dispositions complémentaires prévues au moment de l’adoption des services de représentation des patients qui servent aussi à protéger l’indépendance clinique et l’autonomie professionnelle des employés du SCC qui fournissent des soins de santé. En d’autres termes, le gouvernement et le SCC passent à côté d’une occasion de soutenir la prestation des soins de santé essentiels dans les établissements carcéraux sans l’influence ou l’interférence injustifiée du personnel de sécurité.
Je tiens à conclure mon message de façon positive et constructive. En appui à l’enquête du Bureau sur les établissements à sécurité maximale j’ai insisté pour visiter tous les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes. Les directeurs d’établissement et les membres des équipes de gestion m’ont reçu de façon professionnelle, chaleureuse et courtoise à chacun des établissements à sécurité maximale que j’ai visités. J’ai rencontré de nombreux membres du personnel dévoué et exceptionnel du SCC et j’ai eu plusieurs échanges instructifs avec des intervenants de programme, des enseignants et des membres du personnel de première ligne, qui pour la majorité d’entre eux m’ont parlé de leurs défis (et réalisations) de façon franche, honnête et directe. Le travail qu’ils accomplissent est exigeant, difficile, et compliqué, et ils exercent leurs fonctions dans les lieux les plus inhabituels, difficiles et empreints de privation et de traumatismes humains. Je respecte véritablement ce qu’ils font, même si je suis parfois en désaccord avec leur façon de le faire.
Nos enquêteurs font état de la même expérience quant à l’engagement professionnel, respectueux et axé sur la collaboration du personnel du SCC, me disant que leur accès au personnel et aux détenus ainsi qu’à tous les secteurs de l’établissement auxquels ils étaient affectés a été efficace et que, dans l’ensemble, tout s’est déroulé sans interférence ou complication. La date et le motif de chaque visite d’établissement sont présentés bien avant sa tenue et le personnel s’occupe de prendre les mesures qui conviennent pour faciliter l’exercice efficace et sans heurt de nos fonctions. La coopération, l’engagement et la collaboration font partie de la surveillance en établissement. Nos enquêteurs travaillent fort pour établir le lien et la confiance nécessaires avec les gens qui résident et travaillent dans les prisons. En tant que tiers, cela nous permet d’obtenir des résultats au chapitre du règlement des plaintes.
Malheureusement, le même niveau de collaboration et de coopération n’est pas toujours réciproque lorsque les membres de mon personnel communiquent avec l’administration centrale (AC) pour tenir une rencontre, discuter de certains enjeux ou demander des renseignements qui concernent une enquête en cours. Nous faisons souvent face à de longs délais quant à la réception des renseignements demandés et le Service semble hésiter à tenir des rencontres, fournir des renseignements ou se mobiliser concernant les constats et les recommandations formulées par mon bureau. Il est rare que nous recevions un appel du bureau de première responsabilité pour nous fournir des informations, confirmer ou clarifier notre demande.
Je reconnais que l’établissement de la relation et de la confiance puisse nécessiter un certain temps et la bonne foi des deux parties. Je ne m’attends pas à des relations chaleureuses, étroites ou amicales, car ce genre de lien serait peu pratique, voire contraire aux fonctions de l’ombudsman et aux principes que sont l’indépendance, la neutralité et l’impartialité. Cependant, je m’attends à tout le moins à une relation de coopération à tous les niveaux et au respect des articles 172 (pouvoir d’exiger des documents et des renseignements)et 191 (conséquences d’un empêchement ou d’une entrave) de la loi. Nous parvenons à mieux travailler lorsque les membres de notre personnel respectif comprennent et tiennent compte de nos rôles et responsabilités qui, certes, sont différents, mais complémentaires. Après tout, nos organismes partagent la même législation, la sécurité du public est notre but à chacun, nous faisons partie du même portefeuille de la Sécurité publique, nous avons le même ministre et nous sommes tous des fonctionnaires fédéraux. Nous servons le gouvernement et les Canadiens et nous travaillons tous pour favoriser une détention et des soins sécuritaires, efficaces et humains.
Ivan Zinger, JD., Ph.D.
Enquêteur correctionnel
Juin 2024
Message de la directrice exécutive
Cette année, le Bureau a continué de se concentrer sur la mise en place d’un organe de surveillance indépendant, efficace et efficient dans les prisons avec la mise en œuvre de son plan stratégique pluriannuel soutenu par un financement permanent accru. L’établissement d’un milieu de travail sain doté du personnel adéquat et veillant au bien-être de nos employés a été et continue d’être une priorité, tout comme l’excellence des services fournis aux individus incarcérés que nous servons. De mémoire, nous avons pour la première fois un nombre important d’agents de règlement préventif et d’enquêteurs qui répondent directement aux appels d’individus incarcérés, règlent des préoccupations, conduisent des visites d’établissement et enquêtent sur les enjeux prioritaires. Nous avons également entrepris un processus « lean » afin d’améliorer notre traitement des plaintes pour accroître son efficacité et de nous permettre de prêter une attention particulière aux enjeux systémiques. Nous attendons avec impatience le moment de constater et rendre compte des résultats de cet exercice au cours de la prochaine année.
En 2023-2024, nous avons créé les nouveaux postes dont nous avions désespérément besoin et mis au point notre structure organisationnelle dans le but de mieux répondre aux besoins des gens que nous représentons dans les établissements carcéraux du Canada et d’offrir des occasions d’évolution de carrière à nos employés. Nous avons également élargi notre approche d’enquête en passant des visites d’établissement, par les enquêteurs en solo, à l’élaboration d’un modèle d’inspection mettant davantage le travail d’équipe de l’avant. Cela facilite la tenue d’enquêtes encore plus approfondies et le partage de la lourde charge de travail que doit accomplir le personnel durant ces visites en établissement. Nous avons également été en mesure de former des équipes diversifiées dotées de différents secteurs d’expertise pour la tenue de nos enquêtes systémiques.
Bien qu’il reste du travail à accomplir pour la mise en place d’une structure entièrement dotée et durable et nous sommes sur la bonne voie. Durant la dernière année, le Bureau a traité 4 299 plaintes et passé 230 jours dans les établissements fédéraux au sein desquels il a mené 1 258 entrevues avec des personnes incarcérées.
Le travail acharné de nos employés talentueux, notre travail continu et notre collaboration avec le Service correctionnel du Canada et plusieurs organismes non gouvernementaux, y compris les organisations autochtones, nous rappellent que nous travaillons tous ensemble pour l’obtention d’un résultat commun, soit : un système correctionnel sécuritaire, juste et humain, orienté par les lois, les normes nationales et internationales en matière de droits de la personne. Dans un pays comme le Canada, nous devons continuer de nous efforcer, viser et nous attendre à obtenir de meilleurs résultats correctionnels. Nous pouvons y parvenir en faisant preuve de courage et de détermination, mais aussi en travaillant ensemble et, parfois, en sortant des sentiers battus. Notre bureau est très certainement prêt à relever le défi.
Monette Maillet
Directrice exécutive et conseillère générale
Mises à jour nationales
Cette section présente un résumé des enjeux stratégiques ou des cas individuels significatifs soulevés à l’échelle des établissements et au niveau national durant la période visée par le présent rapport. Les enjeux et les cas qui figurent dans ce rapport ont fait l’objet de discussions avec les directeurs d’établissement, d’un échange par correspondance, d’un suivi découlant d’un rapport annuel antérieur ou d’un point à l’ordre du jour d’une réunion bilatérale auxquelles participe la commissaire, moi-même et nos équipes de gestion supérieure respective. Ces enjeux préoccupants non résolus, non abordés ou mis à jour, continuent de faire l’objet d’enquêtes actives. Par conséquent, la présente section permet de documenter les progrès réalisés dans la résolution de problème ou de préoccupations d’importance nationale.
Évaluation et classification des risques avec les peuples autochtones depuis Ewert c. Canada (2018)
« … les fournisseurs de service, les services correctionnels et les organes professionnels sont ceux qui doivent assumer l’application responsable du risque judiciaire et de toute autre mesure d’évaluation. De telles applications devraient être employées de façon antiraciste et responsable sur le plan culturel afin de favoriser un processus décisionnel qui peut augmenter au maximum les bienfaits et réduire au minimum les préjudices pour les personnes impliquées dans le système de justice, renforcer la sécurité dans la collectivité et défendre les droits de la personne et la justice sociale. »
– Olver et al. (2024)Footnote 1
Le Service correctionnel du Canada (SCC) utilise divers outils d’évaluation et de classification pour éclairer le processus décisionnel qui porte sur la plupart des aspects de la peine d’un individu. Ces outils ont été élaborés en grande partie pour aider les décideurs à procéder à l’estimation du niveau de risque qu’un individu présente en ce qui concerne les résultats problématiques ou criminels (p. ex. inconduite en établissement ou récidive). De nos jours, les outils d’évaluation et de classification sont largement utilisés pour orienter et déterminer le cours de la peine d’une personne, de son admission à l’expiration du mandat dont il fait l’objet, y compris le placement initial, le niveau de sécurité, les aiguillages vers les programmes, l’accès aux services, le temps passé derrière les barreaux, le moment et les conditions de la libération conditionnelle, ainsi que l’intensité de la surveillance dans la collectivité. Ces outils ont été élaborés par et pour une majorité de personnes blanches et par conséquent, au cours des dernières années, leur validité et leur fiabilité lorsqu’ils sont utilisés dans le cas de populations diverses ont attiré une attention considérable sur le plan des politiques publiques, du discours académique, et celle des tribunaux canadiens.
Le plus remarqué de ces débats a été l’affaire Ewert c. Canada (2018) qui s’est rendue devant les tribunaux fédéraux et, éventuellement, devant la Cour suprême du CanadaFootnote 2. Dans cette affaire, il a été affirmé que certains outils d’évaluation utilisés par le SCC contreviennent à la loi et à des articles de la Charte lorsqu’ils sont utilisés dans les cas qui concernent des Autochtones. En particulier, le plaignant dans l’affaire, M. Ewert, un homme Métis qui purge une peine de ressort fédéral, a fait valoir que les outils actuariels et d’évaluation psychologique que le SCC utilise n’ont toujours pas été validés convenablement au chapitre de leur utilisation dans des cas qui concernent des Autochtones, et que par conséquent, ils sont discriminatoires et placent les Autochtones dans une position franchement désavantageuse. M. Ewert a soulevé pour la première fois des préoccupations qui concernent la validité des outils d’évaluation il y a près de 25 ans, lorsqu’il a présenté son grief initial au SCC à ce sujet. Un élément fondamental des arguments avancés dans le cas de M. Ewert portait sur le fait que l’utilisation de ces outils par le Service contrevenait tant à l’exigence de « respecter les différences ethniques et culturelles et tenir compte des besoins propres aux Autochtones », prévue à l’alinéa 4g) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) qu’à l’exigence de « veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets » prévue au paragraphe 24(1). M. Ewert a ajouté que l’utilisation de ces outils violait les droits conférés par la Charte (en vertu des articles 7 et 15).
Le 13 juin 2018, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire et bien que la Cour ait rejeté les arguments de M. Ewert à l’égard de la violation de ses droits en vertu de la Charte, elle a formulé une solution discrétionnaire prenant la forme d’une déclaration officielle voulant que le SCC ait manqué à son obligation prévue au paragraphe 24(1) de la LSCMLC. Il a été déterminé que contrairement à la position du SCC, les résultats des évaluations actuarielles constituent bel et bien des renseignements et qu’en conséquence, puisque la Cour a déterminé que le Service n’avait mené aucune recherche approfondie pour faire état de la validité de ces outils, celui-ci n’a pas pris toutes les mesures raisonnables pour veiller à ce que les renseignements qui concernent M. Ewert soient exacts, comme l’exige la loi.
Bien que cette affaire ait surtout concerné la validité de cinq outils actuariels et psychologiques en particulierFootnote 3, elle met en lumière des enjeux élargis et continus par rapport à la validité et à l’exactitude des outils contestés tels qu’ils sont appliqués aux Autochtones, de même que la validité, l’équité, les conséquences et le caractère applicable de tous les outils que le SCC utilise pour prendre des décisions liées à la peine d’un individu. Dans la décision de la Cour suprême du Canada, le juge Wagner, au nom de la majorité, a soulevé les trois préoccupations qui figurent ci-dessous.
« le danger évident que pose l’utilisation par la SCC d’outils d’évaluation susceptibles de surestimer le risque posé par les détenus autochtones est que cela pourrait contribuer de manière injustifiée aux disparités dans les résultats correctionnels dans des domaines où les délinquants autochtones sont déjà désavantagés. »
Au stade actuel, six ans après la formulation de cette décision, les écarts dans les résultats qui concernent les détenus autochtones persistent et, dans certains cas, sont pires qu’avant. Les Autochtones continuent d’être grandement surreprésentés dans l’ensemble des établissements fédéraux (ils représentent le tiers de la population de détenus) et dans les secteurs à sécurité supérieure, purgent une période plus grande de leur peine derrière les barreaux que d’autres et se voient imposer des délais plus longs, en plus de faire face à des obstacles sur le plan de l’accès aux programmes qui leur conviennent. Étant donné que les décisions en matière d’évaluation et de classification sont souvent le point de départ et servent de fondation sur laquelle de telles décisions reposent, il est bien évidemment crucial de comprendre le rôle qu’assument ces outils en perpétuant ces décisions parmi tant d’autres qui constituent des obstacles que les Autochtones doivent surmonter au cours de leur peine.
Rapports et recommandations antérieurs
Le 13 juin 2024 marquait la sixième année de la décision dans l’affaire Ewert, mais les préoccupations liées au caractère applicable des outils d’évaluation et de classification aux Autochtones remontent quelques décennies en arrière. Notre bureau soulève depuis longtemps des préoccupations au chapitre de la qualité, de l’exactitude et des conséquences des outils d’évaluation. Au cours des 25 dernières années, le BEC a formulé huit recommandations publiques sur les pratiques d’évaluation et de classification qui concernent les Autochtones en particulier en demandant au Service de prendre des mesures concrètes pour veiller à ce que les outils qu’il utilise soient valides, fiables et culturellement adaptés sur le plan de leur composition et de leur application, de s’assurer de mener une enquête digne de ce nom sur le niveau de classification trop élevé des détenus autochtones, en particulier celui des femmes autochtones, et de corriger le tir.
Recommandations publiques du BEC sur la classification et l’évaluation des Autochtones
2003-2004 : Le ministre entame une évaluation des politiques, des procédures et des outils d’évaluation du SCC pour veiller à ce que les obstacles discriminatoires à la réinsertion sociale en temps opportun des délinquants autochtones soient cernés et abordés. Cet examen devrait être entrepris indépendamment du SCC, avec la participation et le soutien entiers des organisations autochtones, et faire l’objet d’un rapport d’ici le 31 mars 2005.
2005-2006 : Au cours de la prochaine année, le Service correctionnel procède à la mise en œuvre d’un processus de classification de sécurité qui met fin à la classification à un niveau trop élevé des délinquants autochtones.
2009-2010 : Le Service montre clairement que les principes Gladue sont pris en comptes dans le processus décisionnel qui concerne la retenue des droits et des libertés des délinquants autochtones dans les secteurs suivants : les placements en isolement, l’accès aux programmes, l’échelle de classement du niveau de sécurité, les placements pénitentiaires, l’accès à la collectivité, la planification de la libération conditionnelle et les transfèrements non sollicités.
2012-2013 : Le SCC procède à l’audit de l’utilisation des principes Gladue dans le processus décisionnel qui touche les intérêts importants de la vie et de la liberté des délinquants autochtones afin d’y inclure les placements pénitentiaires, la classification de sécurité, l’isolement, le recours à la force, les soins de santé et la libération conditionnelle.
2015-2016 : Élaboration de nouveaux outils d’évaluation adaptés à la culture et au genre et fondés sur les principes Gladue à utiliser dans le cas tant des délinquantes que des délinquants autochtones.
2018-2019 : Réponse publique quant à la façon dont il entend aborder les écarts cernés dans la décision prise dans l’affaire Ewert c. Canada, assurance que des indicateurs de risque et de besoin davantage réceptifs sur le plan culturel (c.-à-d. les facteurs liés aux antécédents sociaux des Autochtones [ASA]) sont incorporés dans les évaluations des risques et des besoins, et l’acquisition d’une expertise externe indépendante pour la tenue de recherches empiriques dans le but d’évaluer la validité et la fiabilité de tous les outils d’évaluation utilisés actuellement par le SCC afin d’éclairer le processus décisionnel qui concerne les délinquants autochtones.
2022-2023 : Le Ministère ordonne au SCC de travailler avec les Centres de rétablissement mis sur pied en vertu de l’article 81 afin de déterminer les causes principales des taux d’inoccupation et de cerner les mesures qui seront mises en place pour accroître et maintenir des taux d’occupation supérieurs en prêtant attention à l’élaboration de nouveaux outils de classification de sécurité validés rigoureusement destinés aux Autochtones, du début à la fin, qui permettent de réduire leur surreprésentation dans les établissements à sécurité moyenne et à sécurité maximale et qui sont conformes à la décision de la Cour suprême du Canada dans Ewert c. Canada qui remonte à 2018.
En plus des recommandations formulées par ce Bureau, au cours de la dernière décennie, au moins une demi-douzaine d’autres rapports, requêtes et commissions ont présenté des recommandations semblables au SCC à ce proposFootnote 4. Dans le même ordre d’idées, depuis 2018, trois comités parlementaires ont mené des études portant sur les expériences des Autochtones dans le système correctionnel fédéralFootnote 5. Sept recommandations spécifiques liées à l’enjeu qui concerne des pratiques d’évaluation et de classification ont été formulées, notamment que le SCC effectue ce qui suit :
- Élaborer de nouveaux outils d’évaluation du risque qui sont davantage adaptés à la réalité des Autochtones.
- Examiner son processus de classification de sécurité en général, mais en prêtant une attention particulière aux femmes autochtones.
- Veiller à ce que les outils offrent aux délinquants autochtones un accès élargi à des soins appropriés sur le plan culturel et aux pavillons de ressourcement.
- Établir des partenariats avec les communautés autochtones pour repenser les outils et les processus de classification.
- S’assurer que le personnel a suivi la formation sociohistorique qui convient et a en main l’information qui permet de mener convenablement les évaluations.
- Travailler avec des experts indépendants pour veiller à ce que les outils de classification et d’évaluation fassent état des facteurs dynamiques, des facteurs contextuels et de l’expérience unique que vivent les groupes marginalisés.
La classification et l’évaluation des Autochtones qui purgent une peine de ressort fédéral ont également été soulignées comme une inquiétude importante dans deux rapports récents du vérificateur général (VG). En 2016, dans son rapport intitulé La préparation des détenus autochtones à la mise en liberté, le VG a formulé des recommandations destinées au SCC qui, entre autres, visaient à étudier d’autres outils et processus de classification de sécuritéFootnote 6. Le Service a accepté toutes les recommandations, ce qui est positif. Cependant, six ans plus tard, la VG a publié un rapport subséquent intitulé Les obstacles systémiques – Service correctionnel du Canada et révélé que la plupart des enjeux soulevés en 2016 demeuraient d’actualité. L’audit de 2022 a révélé que le SCC « n’avait pas traité ni éliminé les obstacles systémiques qui continuaient de défavoriser certains groupes de détenusFootnote 7 ». Parmi leurs constats, le taux de délinquants autochtones qui avaient été classés à un niveau de sécurité supérieur atteignait le double du taux moyen des autres délinquants. De plus, les délinquants autochtones étaient plus susceptibles de voir leur classement initial à un niveau de sécurité être élevé à la suite de dérogations aux résultats de l’Échelle de classement par niveau de sécurité (ECNS)8, ont eu moins de dérogations en faveur d’un niveau de sécurité minimale et au moment de prendre ses décisions en matière de classification de sécurité, le SCC ne s’est pas assuré que le personnel tenait compte des ASA de façon appropriée. Il s’agit là de tous les enjeux et obstacles significatifs qui concernent les pratiques d’évaluation et de classification. En plus du deuxième audit, la VG a recommandé une fois de plus au SCC d’améliorer son processus de classification de sécurité en menant un examen en collaboration avec des experts externes et en prenant toutes les mesures qui s’imposent pour améliorer la fiabilité des décisions de classification. Comme il l’a fait en 2016, le Service s’est dit d’accord avec toutes les recommandations de la VG.
Réponses et mesures du SCC à ce jour
La plupart des recommandations présentées par mon bureau et d’autres organismes sont restées inabordées, ou les intentions formulées par le Service se sont bien peu concrétisées. Durant plus de 10 ans, le SCC a répété qu’il « reconnaît la nécessité de s’assurer d’utiliser des outils adaptés à la culture », qu’il continue de veiller à ce que ses outils soient « efficaces et axés sur la culture » et qu’il examine la possibilité d’apporter des changements en vue de déterminer le « caractère approprié en matière culturelle » de la gestion de cas et de l’évaluation des Autochtones. Par exemple, en réponse à l’audit du VG de 2016, le SCC a mentionné qu’il « examinera aussi le besoin et la faisabilité d’élaborer de nouvelles mesures d’évaluation appropriées sur le plan de la culture et fondées sur les principes Gladue ». Deux ans plus tard, en réponse au rapport de 2018 du SECU, le Service a souligné ceci : « Des travaux en cours examinent la nécessité et la faisabilité de l’élaboration de nouvelles mesures d’évaluation appropriées sur le plan culturel qui sont fondées sur les principes Gladue dans le but de s’assurer que les délinquants autochtones ont accès à des programmes et à des interventions efficaces, adaptés à la culture et en temps opportun ». De plus, pas plus tôt qu’en 2021, en réponse à une recommandation faite par ce bureau, le SCC a mentionné ceci : « nous travaillons actuellement avec des partenaires universitaires concerne l’établissement d’un processus d’évaluation de la cote de sécurité dirigé par des Autochtones pour les Autochtones incarcérés dans un pénitencier fédéral… en vue de la conception, du début à la fin, d’un processus d’évaluation du risque aux fins de l’attribution aux détenus de sexe masculin et féminin d’une cote de sécurité, lequel sera adapté à la culture ». Une fois de plus, bien que ces réponses fassent état de bonnes intentions, le Service est d’une lenteur déraisonnable quant à ses progrès à l’égard de l’élaboration de nouveaux outils, de l’examen adéquat de l’exactitude des outils actuels et de la modification des outils qu’il utilise en vue de les rendre culturellement pertinents pour les Autochtones.
Ce bureau a demandé des mises à jour au SCC à ce sujet à au moins cinq reprises depuis la décision Ewert. Dans le cadre d’une demande de documentation présentée en 2022, ce bureau a été informé d’un protocole d’entente (PE) et d’un accord d’échange de services entre le SCC et l’Université de Regina qui devait prendre fin en 2024 pour certains projets. Parmi ces projets figure un examen systématique de la validité des évaluations du risque menées avec des Autochtones, de même qu’une Stratégie d’engagement auprès des communautés autochtones dont le but est de mobiliser les communautés autochtones pour l’élaboration de la conception d’une recherche dans le cadre d’un projet intitulé : Validation des outils d’évaluation du risque utilisés pour les délinquants autochtones. Bien qu’un examen systématique (mené par des experts externes) ait été mené et publié depuis, les progrès observables quant à l’élaboration de toute nouvelle recherche ou de tout nouvel outil axé sur la culture sont limités.
Ce bureau a rencontré et a été consulté par le groupe de chercheurs autochtones affilié à l’Université de Regina. Nous savons qu’ils ont présenté au Service un rapport et une proposition qui expliquent en détail ce qu’il faudrait pour élaborer un outil d’évaluation du risque pour Autochtones, mais aucun plan concret en vue des prochaines étapes ne semble être en place. En réponse à nos récentes tentatives répétées pour obtenir une mise à jour sur le travail pertinent accompli depuis la décision Ewert, le Service a soutenu qu’« il a éprouvé des difficultés quant à l’entreprise de la recherche associée au PE, y compris des changements au sein de l’équipe de recherche de l’Université de Regina, et à l’avancement des stratégies de mobilisation des Autochtones à l’échelle communautaire ». Le Service continue de soutenir que le travail est « toujours en cours » et que d’autres activités d’exploration et d’engagement seront entreprises durant les prochaines années. Cependant, outre des activités de consultation et d’élaboration de stratégies, ni calendrier précis ni livrables significatifs n’ont été cernés.
Ce bureau reconnaît que l’élaboration de nouveaux outils du début à la fin est une entreprise qui nécessite beaucoup de ressources, encore plus lorsqu’elle est dirigée par des experts externes et qu’elle nécessite une mobilisation significative de la communauté, conformément à ce qui est recommandé. Toutefois, le Service n’en est pas à sa première élaboration de nouveaux outils ou de nouvelles pratiques et ce motif ne devrait pas être invoqué pour justifier d’autres retards. Il existe un précédent dans lequel le SCC a élaboré des outils en fonction du travail sur le terrain et en tenant compte des différences de certains groupesFootnote 9. Au moment de la rédaction du présent rapport, le SCC ne s’est toujours pas exprimé publiquement au sujet de la décision Ewert. Aucun outil d’évaluation ou de classification validé n’a encore été élaboré pour ou par les Autochtones et aucun échéancier n’est prévu en ce sens. De plus, aucune recherche externe primaire n’a été menée par des experts indépendants au chapitre de l’ECNS ou d’autres outils élaborés par le SCC, et aucun progrès concret n’a été accompli pour faire état de la prise en considération efficace des ASA dans le processus décisionnel, comme en témoigne le dernier audit du VG. Cette situation est inacceptable et ne correspond pas à l’urgence et à la gravité de ce qui est en jeu.
Examen systématique des outils d’évaluation du risque
Parmi les mesures prises par le SCC jusqu’à maintenant, il convient de souligner quelques constatations qui découlent de l’examen systématique commandé à des experts universitaires indépendantsFootnote 10. Dans le cadre de leur examen de 91 études portant sur 22 outils d’évaluation du risque, Olver et coll. ont constaté que bien que la plupart des outils d’évaluation, y compris bon nombre utilisé par le Service, correspondent au moins au seuil minimal de validation statistique, pour ce qui est de la majorité des outils, la validité de la plupart des outils était constamment moindre lorsque qu’ils sont utilisés dans le cas des Autochtones. En d’autres termes, leur capacité d’évaluer le risque avec exactitude pour obtenir des résultats est toujours moindre dans le cas des Autochtones. À ce sujet, la recherche est claire et conséquente : ces outils ne fonctionnent pas toujours aussi bien dans le cas des Autochtones. En ce qui concerne certains des outils, y compris deux qui ont été élaborés et qui sont utilisés par le SCC, l’exactitude dans le cas des Autochtones était parmi les pires des 22 outils examinés; ils atteignaient à peine les niveaux de validité statistiquement « acceptablesFootnote 11 ». Les chercheurs ont étalement constaté l’absence d’outils qui intègrent des facteurs culturellement pertinents dans leurs estimations et mesures du risque. Comme le montrent ces constatations et selon ce qui a été soutenu dans Ewert, il est clair que le Service et d’autres services correctionnels ont besoin (et sont responsables) de mener des recherches pour mieux comprendre les raisons qui font que les niveaux de précision de ces outils sont toujours moindres lorsqu’ils sont utilisés pour l’évaluation des Autochtones et cerner ce qui doit être fait pour corriger cet écart. Il convient de souligner que certains outils que le SCC utilise actuellement, y compris l’Échelle de classement par niveau de sécurité, n’étaient pas inclus dans l’examen systématique et qu’en conséquence, d’autres recherches indépendantes sont requises.
Il importe de préciser qu’en plus des constatations méta-analytiques, les experts offrent certaines orientations aux services correctionnels qui valent la peine d’être soulignées dans le présent document. Par exemple, ils avertissent que les services correctionnels ne devraient pas accorder une importance inutile aux évaluations qui comportent essentiellement des facteurs historiques ou que l’on ne peut changer (c.-à-d. les facteurs « statiques »), car ils représentent le niveau de validité le plus faible dans le cas des Autochtones et « ouvrent grande la porte aux préjugés ethnoraciaux ». Comme beaucoup d’autres l’ont souligné, entre autres en formulant des critiques, la plupart des outils que le SCC utilise actuellement pour prendre des décisions reposent en bonne partie sur des facteurs statiques qui font qu’il est impossible d’évaluer tout changement en matière de risque ou tout progrès positif, en plus de faire croître le risque que présentent les individus autochtones, en apparence, pour des motifs coloniaux qui se trouvent à la base de la plupart de ces facteurs (p. ex. l’âge au moment de la première peine de ressort fédéral, la durée de la peine, le nombre de condamnations antérieures). Certains des outils qu’utilise le Service pour prendre des décisions comprennent presque exclusivement des facteurs statiques (p. ex. l’ECNS, l’EFC et l’Indice du risque criminel). L’évaluation des facteurs statiques au moyen de ces outils favorise sans contredit la surreprésentation des Autochtones dans les établissements à sécurité maximale ainsi que les difficultés et les délais quant à l’abaissement de leur cote de sécurité, limite l’accès aux pavillons de ressourcement et érige des obstacles à l’accès aux programmes, en plus de retarder leur libération conditionnelle, entre autres.
Les chercheurs recommandent d’ajouter à leurs outils statiques des mesures dynamiques valides (c.-à-d. des facteurs qui peuvent changer au fil du temps et grâce à des interventions). Comme ils le disent : « Ne pas le faire constitue un acte d’injustice sociale ». Ils invitent également les services correctionnels à mener des recherches sur les facteurs de risque qui sont axés sur la culture et il s’agit là d’une recommandation présentée à plusieurs reprises au Service. Il reste à savoir comment le SCC entend utiliser les résultats du travail commandé et la mesure dans laquelle les conseils fondés sur les données probantes éclaireront toute prochaine étape.
Aller de l’avant
Au cours de la dernière année, ce bureau a publié un rapport intitulé Dix ans depuis Une question de spiritualité. Il s’agit d’une mise à jour sur l’état de diverses initiatives destinées aux Autochtones qui purgent une peine de ressort fédéral. Le rapport marque également le 30e anniversaire de la mise en application de la LSCMLC. Conformément à ce qui figure dans ce rapport, la trajectoire troublante des obstacles et des résultats négatifs qui touchent les Autochtones dans le système correctionnel est contraire au bien-fondé de la LSCMLC et à ce qu’elle prévoit. La plupart des résultats mesurables montrent clairement que l’application d’une seule approche pour tous sur le plan de la majeure partie des pratiques et des outils des services correctionnels, y compris l’évaluation et la classification, donne lieu à des résultats correctionnels différents pour les Autochtones. Comme l’ont si bien rappelé Olver et coll. à tous les services correctionnels, ceux-ci ont la responsabilité, dans l’application de tout outil, de veiller à ce qu’il soit élaboré et utilisé d’une façon « réceptive sur le plan culturel et antiraciste dans le but de favoriser un processus décisionnel qui parvient à augmenter au maximum les bienfaits et à réduire au minimum les préjudices ». Les divers articles de la LSCMLC qui concernent le traitement des Autochtones ont été rédigés pour servir d’orientation explicite au gouvernement qui doit s’attaquer à la discrimination systémique et aux préjudices subis par les peuples autochtones au cours de leur histoire et encore aujourd’hui. Conformément à ce qui figure dans la décision Ewert : « L’exigence que le SCC respecte les différences et réponde aux besoins propres à divers groupes témoigne du principe bien établi en droit canadien selon lequel l’égalité réelle requiert plus qu’une simple égalité de traitement ». Le SCC a manqué de façon dévastatrice à cette responsabilité et cela peut être attribuable en partie à une absence d’égalité réelle pour les Autochtones dans la plupart des institutions sociales, y compris le système carcéral. L’emploi d’une approche de « traitement égal » dans le cadre de l’évaluation et de la classification des Autochtones, entre autres, est un exemple de cet échec dont les conséquences sont profondes pour ceux qui purgent une peine de ressort fédéral.
À quelques exceptions près, la pratique courante qu’est l’élaboration d’outils génériques fondés sur la majorité ainsi que leur application égale à des groupes qui ont des parcours sociohistoriques très différents dans le système de justice pénale contreviennent à ce principe. D’ailleurs, l’évidence selon laquelle ces outils sont inférieurs dans le cas des Autochtones parce qu’ils font fi de telles inégalités historiques et sociales suggère clairement qu’il est nécessaire d’élaborer des méthodes et des outils différents et meilleurs. L’acceptation tacite de ces disparités, en omettant d’apporter des améliorations significatives, équivaut à « un acte d’injustice sociale » et, selon la décision Ewert, il s’agit là d’un outrage et d’une violation de la primauté du droit.
Dans sa lettre de mandat du 27 mai 2022 à la commissaire du Service correctionnel, le ministre de la Sécurité publique du moment a félicité le SCC du travail accompli en vue de « l’élaboration et l’utilisation d’outils pour l’évaluation des risques qui tiennent compte du caractère unique des Autochtones au sein du cadre décisionnel, et de ses efforts de lutte contre le racisme systémique ». Compte tenu du manque de progrès observable, ces louanges semblent carrément prématurées. Il ne faut pas oublier la déclaration du plus haut tribunal au pays selon laquelle le SCC viole la loi. Le peu de progrès accompli quant à cet enjeu est inacceptable. Le SCC continue de recourir à ces outils et de soutenir que leur validité est suffisante dans le cas des Autochtones, malgré Ewert et la recherche externe commandée qui a été menée. Six ans plus tard, l’esprit de nombreuses préoccupations mises de l’avant dans Ewert demeure d’actualité.
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Je recommande que le Service présente un rapport public au cours du prochain exercice sur les mesures, livrables et calendriers concrets qui définissent comment et quand il entreprendra ce qui suit :
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acquérir une expertise indépendante externe pour la tenue de recherches empiriques primaires afin d’évaluer la validité et la fiabilité de l’ensemble des outils et des méthodes d’évaluation et de classification utilisés par le SCC pour éclairer le processus décisionnel qui concerne les délinquants autochtones; et,
élaborer de nouveaux outils d’évaluation et de classification conçus du début à la fin sous la direction d’Autochtones pour les Autochtones incarcérés dans les établissements fédéraux qui comprennent des indicateurs de risque et de besoin réceptifs et documentés sur le plan culturel (c.-à-d. les facteurs liés aux antécédents sociaux des Autochtones).
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La procédure de règlement des plaintes et des griefs des délinquants
Le droit d’un prisonnier de déposer une plainte pour mauvais traitement ou mauvaises conditions de détention sans craindre les représailles est un principe fondamental des droits de la personne tant au pays qu’à l’échelle internationale. Un processus efficace de règlement des plaintes et des griefs encourage la participation du détenu et cela permet de régler des problèmes et des conflits au palier le plus bas possible et de façon prosociale. Ces données probantes suggèrent que lorsque les plaintes sont prises au sérieux et que les plaignants sont traités de façon juste et respectueuse, les personnes incarcérées sont plus susceptibles d’accepter et de respecter les décisions et les règles, même si le résultat ne penche pas en leur
faveurFootnote 12. Un processus de recours efficace pour les prisonniers comprend les caractéristiques de base suivantes :
- les prisonniers ont un accès confidentiel à une procédure de règlement des plaintes ainsi que la capacité et les moyens de l’utiliser;
- les prisonniers font confiance au système et l’utilisent de bonne foi;
- les réponses aux plaintes sont justes, répondues rapidement et en temps opportun;
- les réponses sont significatives, complètes et faciles à comprendre;
- les auteurs de grief ne souffrent pas de répercussions négatives pour s’être plaints.
Sur papier, le processus et la politique de règlement des plaintes et griefs des délinquants du Service correctionnel du Canada reflètent et intègrent ces principes de base. L’article 90 de la LSCMLC prévoit une « procédure de règlement juste et expéditif des griefs des délinquants ». L’article 91 de la LSCMLC prévoit ceci : « Tout délinquant doit, sans crainte de représailles, avoir libre accès à la procédure de règlement des griefs ». L’un des principes juridiques fondamentaux de la LSCMLC est d’assurer la présence de « mécanismes efficaces de règlement de griefs ». Par ailleurs, le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (RSCMLC) prévoit de plus que tous les efforts doivent être déployés pour « régler la question de façon informelle ». D’autres dispositions requièrent de formuler les motifs de la décision rendue dans le cas d’une plainte, d’offrir un mécanisme de renvoi des questions à un comité d’examen des griefs des détenus, de définir un processus de traitement dans le cas d’un grief à auteurs multiples et de mettre en évidence les critères employés pour refuser les plaintes qui sont jugées « futiles, vexatoires ou entachées de mauvaise foi ».
La Directive du commissaire (DC) 081 – Plaintes et griefs des délinquants et les Lignes directrices 081-1 connexes présentent la politique et les procédures sur la façon dont les membres du personnel doivent interpréter ces règles juridiques et les mettre en application, y compris les critères qui concernent la façon de formuler une réponse administrative à un grief et de prendre des décisions claires, exhaustives, impartiales et justes. Elles fournissent également une orientation sur la façon de traiter certains griefs, par exemple des allégations de harcèlement ou de discrimination, ou d’autres questions comme des transfèrements à l’unité d’intervention structurée, à l’unité spéciale de détention ou dans une cellule sèche. La politique exige que ces questions soient automatiquement renvoyées au palier le plus élevé (national)Footnote 13. Depuis novembre 2019, les griefs initiaux qui concernent la santé sont présentés directement aux Services de santé à l’échelle régionale. Le sous-commissaire, Services de santé est le décideur au chapitre des griefs liés à la santé qui atteignent le palier final.
Depuis l’élimination progressive de l’examen des plaintes au niveau régional en 2014-2015, la procédure de règlement des plaintes et des griefs est aujourd’hui composée de trois paliers :
- la plainte – présentée au niveau de l’établissement et traitée par le superviseur du membre du personnel dont les actes ou les décisions sont contestés;
- le palier initial – présentée au directeur d’établissement (au niveau de l’établissement);
- le palier final – présentée à la commissaire (au niveau national).
Lorsque l’auteur d’un grief n’est pas satisfait de la décision au palier de la plainte ou au palier initial, il peut renvoyer l’affaire au niveau suivant, habituellement dans un délai de 30 jours ouvrables suivant la réception de la réponse. Selon les exigences de la politique, les griefs non prioritaires présentés au palier de la plainte ou au palier initial doivent être traités dans un délai de 25 jours ouvrables suivant leur réception, et les griefs prioritaires doivent l’être dans un délai de 15 jours ouvrables. Au palier final, l’exigence de traitement est de 60 jours ouvrables pour les griefs prioritaires et de 80 jours ouvrables pour les griefs non prioritairesFootnote 14. Ces exigences, y compris les prolongations de délai pour le traitement des griefs au palier final, sont en place depuis 2007.
La législation et la politique qui traitent de ces questions sont claires et simples. En revanche, la conformité est une question très préoccupante, surtout en ce qui concerne la capacité du Service de se pencher sur les griefs en respectant les délais de traitement. Le Bureau a fréquemment parlé du nombre élevé de plaintes et de griefs non réglés qui sont renvoyés au palier supérieur et des délais excessifs quant à leur traitementFootnote 15. Jusqu’à tout récemment, il n’était pas rare de devoir attendre jusqu’à un an pour obtenir une réponse à un grief au palier final (prioritaire ou non prioritaire) et dans le cas d’un grief reconnu, il fallait attendre encore plus longtemps pour que des mesures correctives soient prises et mises en œuvre. Le Bureau a souvent mentionné qu’un dysfonctionnement interne, des délais et des temps d’attente d’une telle ampleur équivalent à l’absence d’un recours en tant que tel.
But
Le présent examen met à jour les constatations du Bureau qui concernent cet enjeu important et comprend notre dernière évaluation de la capacité du système de fournir un recours efficace et opportun. Il tient compte des efforts récents du SCC pour s’attaquer aux arriérés sans précédent dans l’examen des griefs au palier final et réduire les temps d’attentes. Compte tenu de notre examen, nous exhortons le SCC à accorder la priorité au règlement informel des plaintes au niveau le plus bas possible avant qu’elles puissent être renvoyées au niveau supérieur et être intégrées au système formel de règlement des griefs. Nous encourageons le Service à reconnaître l’importance capitale de réaffecter des ressources pour mieux soutenir le règlement des plaintes et des griefs au niveau de l’établissement. Dans cette optique, le Bureau demande au Service d’investir dans la formation, les compétences et la capacité de mettre en œuvre un processus de médiation et d’autres pratiques de rechange pour le règlement des différends dans tous les établissements à sécurité maximale et les pénitenciers à niveaux de sécurité multiples partout au Canada, y compris les centres régionaux de traitement et les établissements pour femmes.
Analyse des tendances en matière de plaintes et de griefs
Les données qui traitent des tendances sur une période de 10 ans indiquent que le nombre global de plaintes et de griefs a diminué et il semble que ces tendances aient repris de l’ampleur au cours de la période postpandémique (voir le graphique 1). Alors que le volume de plaintes diminuait, le nombre de griefs ayant obtenu une réponse dans les délais prescrits connaissait une baisse de façon générale depuis au moins 2016-2017.
Durant la même période, les plaintes liées aux conditions et à la routine en établissement (32,6 %; p. ex. alimentation, régime, commodités), aux interactions (19,6 %; p. ex. rendement du personnel) et aux soins de santé (15,4 %) représentaient plus des deux tiers de toutes les plaintes (voir le tableau 1 à l’annexe pour une ventilation exhaustive). Ces sujets représentent généralement les catégories de plaintes principales reçues annuellement au BEC.
En ventilant les plaintes en fonction de l’ethnicité des plaignants, les chiffres et les proportions reflètent en général les changements sur le plan de la distribution démographique et de la diversité globales de la population incarcérée dans les établissements fédéraux (voir le tableau à l’annexe). Par exemple, la proportion de plaintes déposées par des prisonniers blancs a chuté de 62 % en 2013-2014 à 53 % en 2022-2023 et celle des plaintes de prisonniers noirs a augmenté de 9 % à 11 % durant la même période Pour ce qui est des prisonniers autochtones, la proportion de plaintes reflète leur représentation grandissante, c.-à-d. de 24 % de toutes les plaintes en 2013-2014 à 31 % en 2022-2023.
GRAPHIQUE 1. NOMBRE TOTAL DE PLAINTES DÉPOSÉES PAR EXERCICE
GRAPHIQUE 2. PROPORTION DE GRIEFS TRAITÉS À TEMPS PAR PALIER ET EXERCICE
Les données sur les tendances montrent également que la proportion de griefs traités à temps a diminué de façon générale (graphique 2). Ces derniers temps, le nombre de griefs traités à temps s’améliore de façon importante.
Environ 75 % de tous les griefs qui atteignent le palier final (ou national) sont désignés non prioritaires, ce qui signifie qu’ils doivent être résolus dans un délai de 80 jours. Depuis 2013-2014, moins de 30 % de tous les griefs non prioritaires ont été traités dans les délais prescrits (voir le tableau 3 à l’annexe). La proportion de griefs prioritaires traités à temps (dans un délai de 60 jours) était encore moins élevée, atteignant environ 25 % (voir le tableau 4 à l’annexe). Comme l’indiquent les tableaux statistiques, le traitement de 27,8 % de tous les griefs prioritaires a nécessité plus de 301 jours, et le traitement de 21,3 % des griefs non prioritaires a nécessité plus de 301 jours.
Au cours de cette enquête, le SCC a mentionné que les temps de traitement actuels des griefs au palier final s’approchent beaucoup plus de ce que prévoient la politique et les lignes directrices, alors qu’ils diminuent graduellement de 360 jours en 2020 à 310 jours en 2021, à 130 jours en 2022, et maintenant à moins de 60 jours. Pour la première fois dans l’histoire du SCC, le Bureau a également appris qu’il n’y aura plus de retards accumulés de traitement des griefs au palier final d’ici l’automne 2024.
Bien que les tendances récentes en matière de traitement des griefs au palier final soient encourageantes, la capacité du Service de se conformer aux délais de traitement prescrits est un symptôme causé par d’autres problèmes. De la même manière que « la justice différée est un déni de justice », la proportion de plaintes qui ne sont pas réglées de façon informelle par la discussion, et celles qui sont régulièrement renvoyées au palier initial, puis final, soulèvent de sérieuses préoccupations quant à l’engagement du système à prendre des décisions rapides et définitives et à offrir un recours opportun et efficace. Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Service, peu sont ceux qui contesteraient le fait que les enjeux non prioritaires à l’établissement devraient être réglés convenablement et rapidement à leur source. Cependant, dans les faits, une fois que l’affaire dépasse le palier de la plainte, on ne constate pas beaucoup d’écart entre les griefs renvoyés au palier initial (ou à l’établissement) et ceux renvoyés au palier final. En d’autres termes, bien que de nombreuses plaintes soient réglées au premier palier, une grande proportion de griefs initiaux au niveau de l’établissement ne sont pas réglés et sont renvoyés au palier final pour un examen du grief.
GRAPHIQUE 3. POURCENTAGE DE GRIEFS PAR PALIER (DE 2018-2019 À 2022-2023)
Il n’existe pas d’explication simple ou unique à ce degré de redondance. En fait, il existe peu de facteurs dissuasifs à l’escalade ou au déplacement des problèmes vers le haut et l’avant; certains auteurs de grief et même des membres du personnel présument faussement que le niveau national de traitement des griefs sert d’étape d’« appel » final, en quelque sorte. Certains utilisateurs semblent croire que leur plainte ne sera prise au sérieux que si elle est escaladée au prochain palier du processus. L’expression « laissons la décision au niveau national » couramment entendue devient un prétexte pour reporter le traitement de questions délicates ou potentiellement controversées au niveau de l’établissement. Bien que cette façon de faire puisse parfois aider le directeur d’établissement à ne pas perdre la face devant son personnel, cela ne permet pas de gagner du temps. En d’autres termes, il existe peu d’éléments incitatifs internes auxquels les autorités de l’établissement pourraient recourir pour régler une plainte ou répondre à un grief à temps.
Peu importe la cause, le fonctionnement actuel de la procédure de règlement des plaintes et des griefs ne semble pas conçu de manière à soutenir ou à produire des résultats rapides ou réactifs. En ce qui concerne les cas pour lesquels la formulation d’une réponse nécessite davantage de temps, la pratique normale est d’envoyer une lettre de prolongation et celle-ci devrait inclure la raison du report et la nouvelle date à laquelle l’auteur du grief peut s’attendre à recevoir une réponse. Un audit interne du système de recours des délinquants qui remonte à 2018 révélait que ces lettres de prolongation prenaient souvent la forme d’un gabarit standard et omettait de faire état de la raison précise du report de la réponse, et même du moment auquel une réponse serait fournieFootnote 16. Le SCC soutient qu’un tel dérapage administratif se produit moins souvent dorénavant au palier final de traitement des griefs, mais la question des réponses « en retard » au niveau initial (à l’établissement) demeure, peu importe si une lettre de prolongation (comportant une date révisée) a été acheminée ou non, ce qui cause de la frustration et diminue la confiance à l’égard du système.
Bien que la qualité des réponses puisse varier d’un niveau à l’autre (s’améliore généralement à mesure que la plainte progresse), la tendance est de répondre de manière impersonnelle aux griefs, à la troisième personne, et habituellement d’une manière qui adhère à la lettre et à la définition la plus stricte du régime gouvernant. Selon l’expérience du Bureau sur le plan de l’examen des réponses du SCC aux plaintes, souvent, le répondant semble bien connaître la façon de décortiquer, de limiter ou de rejeter le fond des plaintes pour des motifs procéduraux ou techniques (p. ex. hors juridiction, date limite non respectée pour le renvoi au niveau supérieur, grief soulevant un enjeu différent, ou enjeu qui a été traité dans une soumission distincte). La résolution ou le rejet s’en tient souvent au point qui comporte le moins de résistance par rapport à d’autres. L’étendue de l’action dans le cas d’un grief peut s’avérer limitée, mais il y a amplement de place accordée au renvoi du grief au niveau supérieur lorsque l’auteur du grief ne se voit pas offrir le recours qu’il voulait ou attendait.
Bien que les données et les analyses recueillies au moyen du système de plaintes et de griefs puissent permettre à la direction de se faire une bonne idée des tendances ou des questions préoccupantes qui émergent, on ne sait pas vraiment si ces outils sont utilisés de la meilleure façon possible pour surveiller ou améliorer le rendement. Le dernier audit des recours des délinquants révèle ce qui suit.
La [Directive du commissaire 081]… n’attribue pas clairement la responsabilité ou l’imputabilité du processus dans l’ensemble du service à un groupe en particulier. Cela donne un processus fragmenté au moyen duquel la Division des recours des délinquants doit diriger les activités qui concernent les réponses au niveau national, et chaque établissement est chargé de gérer son propre processus de réponse. Par conséquent, il peut y avoir des douzaines de processus de règlement des plaintes et des griefs au sein du Service et aucun plan cohésif n’est établi pour régler les plaintes et les griefs au niveau le moins élevé possible. Cela fait croître la probabilité d’une diminution des capacités de fournir des réponses, d’une baisse de confiance des détenus à l’égard du processus à l’établissement et de retards récurrents au niveau national.Footnote 17
En d’autres mots, aucun mécanisme de gouvernance n’est en place pour éviter les arriérés futurs au niveau final, la capacité du national à soutenir les établissements afin de mieux gérer les plaintes de façon informelle et au niveau le moins élevé possible est faible et aucun plan n’est établi pour mieux prévenir l’escalade des plaintes et les griefs au niveau supérieur. Cinq ans plus tard, la haute direction a eu amplement le temps de corriger les lacunes cernées. D’une façon ou d’une autre, à ce stade-ci, peu nombreux sont les indices montrant une volonté de renforcer la surveillance nationale ou l’imputabilité globale par rapport au système de plaintes et de griefs, et de redoubler d’efforts en vue de régler les questions de façon informelle ou d’améliorer l’utilisation et l’analyse des données liées aux plaintes et aux griefs pour favoriser le rendement. En l’absence d’une surveillance et d’un leadership à l’échelle nationale, il ne faut pas s’attendre à ce que les systèmes de recours qui fonctionnent indépendamment l’un de l’autre dans chaque établissement puissent fournir des réponses de façon consistante ou coordonnée.
Absence d’intérêt et de priorité pour le règlement informel
Selon la Loi, idéalement, tous les efforts doivent être déployés pour tenter de régler les questions de façon informelle avant même qu’un prisonnier dépose une plainte écrite. Pour différentes raisons, cette exigence visant le règlement des questions au niveau le plus bas possible en tenant des discussions n’est pas bien intégrée dans la pratique, surtout dans les établissements à niveaux de sécurité supérieurs. D’ailleurs, selon l’audit de 2018 « souvent, les preuves manquaient pour démontrer que les membres du personnel au niveau de l’établissement avaient déployé un effort actif pour tenter de régler les questions de façon informelleFootnote 18 ». Outre une annexe d’une page présentée à la fin des Lignes directrices, l’orientation stratégique actuelle ou active qui traite de la façon de faciliter ou de mettre en œuvre des mécanismes informels ou des Méthodes substitutives de règlement des différends (MSRD) dans les prisons fédérales est quasi inexistante. Cette même annexe précise que les MSRD doivent être offerts à toutes les étapes du processus de recours et que l’AC « est disposée à aider les établissements qui identifier et implanter ces mécanismes », alors que durant la présente enquête, le Bureau n’a constaté qu’un projet actif de MSRD, soit un projet pilote entrepris à l’établissement de Kent. Faute d’une source de financement continue et permanente, ce projet pilote prometteur est sur le point d’expirer.
De plus, selon les données recueillies, seul un petit nombre de plaintes sont réglées au moyen d’un MSRD (voir le tableau 5 à l’annexe). En ce qui concerne l’ordre des plaintes, les réponses suivent un ordre ascendant de type refusé, réglé, aucune autre mesure nécessaire, maintenue ou rejetée. Seule une petite fraction des milliers de plaintes et de griefs déposés chaque année sont « maintenus ». De plus, par rapport à la dernière décennie, pour ce qui est de tous les griefs, la proportion de griefs maintenus a chuté de 1 030 ou 3,6 % en 2012-2013 à 532 ou 2,7 % en 2022-2023 (graphique 4).
Comme le Bureau l’a constaté cette année dans son enquête sur les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes, nombreuses sont les composantes qui appuient ou alimentent les plaintes formelles et les processus de recours sont délinquants, défaillants ou déficients. Ces composantes comprennent les comités de détenus (CD), les comités externes d’examen des griefs, les comités d’examen des griefs des détenus et les préposés aux griefs. Pour ce qui est de la participation des personnes incarcérées, un processus de recours efficace repose sur un CD fonctionnel et reconnu qui tient des réunions pour faciliter la discussion et la négociation entre les membres élus du comité, et la direction pouvant aider à soulever et régler les affaires liées à un groupe avant qu’elles fassent l’objet de multiples griefs individuels. Dans les établissements à sécurité maximale, la tendance de nommer ou de reconnaître des représentants de rangée comme substituts au CD renforce les divisions et alimentent les conflits incessants entre les groupes de sous-population et les établissements.
GRAPHIQUE 4. NOMBRE TOTAL DE GRIEFS EN 2022-2023 PAR DÉCISION ET NIVEAU
Manquant de cohérence interne, le système semble répondre aux pressions périodiques en prolongeant les délais de traitement prescrits, en retardant les recours et en accumulant des arriérés. Du point de vue des utilisateurs, ces échecs pansystémiques donnent lieu à une augmentation de la méfiance et à un manque de confiance à l’égard du système pour individus qui sont incarcérés dans un établissement fédéral. Au cours des dernières années, des efforts énormes ont été déployés et des ressources ont été affectées dans le but d’éliminer les retards accumulés quant au traitement des griefs au palier final dont le nombre culminait à près de 4 000, en décembre 2020. Ces efforts extraordinaires comprenaient une formation, en novembre 2022, d’un Comité d’examen du processus de règlement des plaintes et des griefs national. Dans le cadre de son mandat, ce comité entreprend un examen et aborde les plaintes déposées par un nombre sélectionné d’auteurs de nombreux griefs, certains ayant déposé des centaines de plaintes. Quelques points importants sont ressortis des travaux du Comité, notamment celui de ne jamais sous-estimer l’importance qu’accordent les personnes incarcérées à la possibilité de présenter leur grief en personne, d’être prises au sérieux et d’être entendues par les décideurs. Bien que ce niveau d’engagement a donné lieu à sa propre part de préoccupations et de plaintes, les points d’apprentissage qui figurent ci-dessous sont instructifs.
Les entrevues en personne ont donné l’occasion aux délinquants d’exprimer leurs préoccupations, et permis au comité de favoriser leur engagement dans le règlement de leurs plaintes et griefs. La présence du comité aux établissements opérationnels signifiait que les membres du comité pouvaient constater de visu le fondement des plaintes et travailler avec le personnel opérationnel pour cerner des solutions. La participation des délinquants et le soutien des établissements opérationnels et régionaux étaient essentiels au règlement de la majorité des plaintes et la réussite du projetFootnote 19.
D’autres mesures pour réduire les retards de traitement des griefs se sont avérées plus litigieuses. En mars 2017, le financement temporaire à l’appui des projets de mode alternatif de résolution des conflits à dix pénitenciers a été suspendu et d’importantes ressources ont été réaffectées à l’AC afin de s’attaquer au retard accumulé quant au traitement des griefs au palier final. À ce moment, bien que les projets visant les MSRD montraient des signes de réussite précoce, mais constant, étant donné les retards de traitement de plus en plus importants des griefs au palier final, cet exercice prioritaire de réaffectation semblait défendable. En rétrospective, il est maintenant reconnu qu’un niveau de formation, de compétences, de ressources et de priorité réciproques est requis pour entreprendre le processus afin de soutenir et de renforcer activement la résolution informelle des plaintes au niveau le moins élevé possible et, ainsi, réduire les pressions sur les autres niveaux du système. L’apprentissage retiré de ces deux exercices de « désengorgement » devrait rejeter tout doute restant quant à la nécessité d’offrir les programmes de médiation et les mécanismes substitutifs de règlement des différends dans tous les pénitenciers fédéraux.
L’enjeu des représailles
Les personnes incarcérées continuent d’exprimer un manque de confiance généralisé à l’égard du système, le qualifiant souvent de « boiteux » ou d’« inutile ». Comme le Comité sénatorial permanent des droits de la personne l’a signalé récemment, la plupart avaient cessé d’utiliser le système en raison des délais et des retards de traitement et par crainte de représailles de la part du personnel. Le Comité a appris que la confiance des prisonniers à l’égard du système est limitée, car selon eux, il manque de crédibilité et d’indépendanceFootnote 20. Par exemple, lorsqu’une plainte pour mauvais traitement est déposée contre un membre du personnel, la responsabilité de répondre aux allégations revient au superviseur immédiat de cet employé. Sur le plan de la perception et de la procédure, l’indépendance entre le membre du personnel faisant l’objet de la plainte et son collègue qui en fait l’analyse est quasi inexistante. Les plaintes et les griefs contre le personnel font souvent défaut dans la catégorie « Interaction » (voir le graphique 5), de sorte qu’ils sont très difficiles à prouver et à établir; ces plaintes sont rarement jugées fondées et encore moins susceptibles d’être maintenues. Puisque le « rendement du personnel » représente le nombre le plus élevé des plaintes déposées dans cette catégorie de plaintes, il semble tout naturel de régler ces enjeux au moyen de la médiation ou d’un MSRD.
GRAPHIQUE 5. NOMBRE TOTAL DE GRIEFS REÇUS PAR SUJET EN 2022-2023
En ce qui concerne les représailles, le rapport du Comité sénatorial report signale ce qui suit.
Le Comité a également entendu que les personnes incarcérées dans un établissement fédéral peuvent faire face à de l’intimidation et des représailles pour avoir déposé un grief, et même pour avoir posé des questions au personnel sur le dépôt d’un grief. Selon des témoins, les représailles peuvent comprendre, entre autres, le harcèlement, la destruction de biens, la perte de privilèges, l’interférence dans la correspondance, les visites et les programmes, la négligence des responsabilités, le recours excessif à la force, des retards dans le traitement de la paperasse, ainsi que l’absence de soutien en vue de l’accès aux programmes ou de la libération conditionnelleFootnote 21.
Durant cette enquête, mon bureau a souvent entendu les mêmes allégations et pourtant, la réalité des représailles attribuables à l’utilisation de la procédure de règlement des plaintes et des griefs se manifeste de façon moins subtile. L’interférence, les pressions et l’intimidation peuvent avoir lieu et ont bel et bien lieu. Il arrive souvent que des plaignants subissent des pressions pour qu’ils retirent leur plainte ou acceptent de signer un document selon lequel la question faisant l’objet d’une contestation a été « réglée », même si le plaignant n’est pas satisfait du résultat ou de la mesure corrective proposée. Dans le fond, les mesures de protection fournies aux auteurs de grief qui craignent ou qui sont aux prises avec des conséquences négatives pour avoir exercé leur droit de se plaindre sont peu nombreuses.
Le système de recours croule sous la paperasse et les rapports de conformité interminables; de l’extérieur il apparaît davantage axé sur les réunions ou la prolongation des délais établis que sur la nécessité d’offrir des solutions de rechange en matière de recours. Nous sommes donc devant un système fondé principalement sur la documentation et les réponses aux griefs formels sont élaborées et fournies par écrit. Il arrive que la réponse à la demande de l’auteur d’un grief de s’entretenir avec le personnel du SCC au sujet du fond ou de l’état de son grief ou de sa plainte soit négative, ou que la tenue d’un tel entretien ne soit pas accordée. Les réponses sont fréquemment fournies par le préposé aux griefs, et rarement par la personne visée par la plainte ou l’évaluateur de la plainte. Bien qu’il soit plus facile et pratique sur le plan administratif de demander à la personne visée par le grief de « procéder par écrit », une telle exigence ne devrait pas réduire l’intégrité ou la valeur de la plainte ou de la personne qui la dépose, comme on le voit trop souvent. Outre les obstacles liés à l’alphabétisation et à la langue, un processus de plainte qui repose exclusivement sur une présentation, un examen et la signature de formulaires n’encourage pas, en tant que tel, l’engagement « de bonne foi » de l’une ou l’autre des parties.
En général, tant les plaignants que les répondants ont l’impression que le système ne produit pas souvent de résultats satisfaisants ou de qualité. La responsabilisation directe et personnelle est souvent absente. Comme le dit l’un des répondants du SCC, ce qu’il manque à la procédure de règlement des plaintes est le véritable « engagement d’humain à humain ». Il importe de souligner que l’une des pratiques les plus efficaces qui émergent des derniers efforts déployés pour s’attaquer aux retards accumulés de traitement des griefs à l’échelle nationale était la condition de rencontrer et d’interviewer en personne les auteurs de grief. Placer un intermédiaire de confiance tenu à la confidentialité (médiation) entre le personnel et les auteurs de grief et permettre aux plaignants d’être véritablement entendus sont des pratiques exemplaires reconnues qui mènent à la possibilité d’améliorer l’efficacité et le caractère opportun des recours. Dans le cadre du processus actuel, il pourrait être bénéfique de prêter une attention accrue aux piliers de la justice procédurale, soit l’équité, la voix, le respect, la confiance, la transparence, l’impartialité et la neutralité.
LES QUATRE PILIERS DE LA JUSTICE PROCÉDURALEFootnote 22
Conclusion
Les ramifications de cet examen sur le plan stratégique et pratique devraient être bien en vue. Il est évident que l’augmentation du nombre de plaintes et de griefs non réglés renvoyés au palier supérieur est nuisible et donne lieu à des retards périodiques ainsi que des délais inutilement longs pour ce qui est du traitement et des recours. Il est en fait nécessaire d’améliorer le processus et de mettre davantage l’accent sur l’obligation légale de traiter les plaintes de façon informelle au niveau le plus bas possible. Étant donné que la loi exige une telle attention, cette constatation ne devrait pas être vue comme une nouvelle perspective.
Il y a 14 ans, en 2010, un examen externe de la procédure de règlement des plaintes et des griefs a mené à la même conclusion et révélé que le SCC ne déployait pas suffisamment d’efforts ou de ressources pour régler les plaintes de façon informelle. D’après cet examen, il était recommandé que tous les établissements à sécurité maximale et à sécurité moyenne nomment « une personne convenablement qualifiée pour agir à titre de médiateur des enjeux et des plaintes des délinquants au niveau de la directionFootnote 23 ». De plus, l’examen accordait une importance particulière à la nécessité que tous les membres du personnel qui interagissent avec des personnes incarcérées soient formés de façon appropriée et convenable au chapitre de la loi et du fonctionnement du système de recours et des techniques de base de règlement informel des différends. Maintenant que les retards de traitement des griefs au palier national sont presque chose du passé et que la conformité avec les délais de traitement prévus est finalement à notre portée, la mise en œuvre d’un processus de médiation dans toutes les prisons fédérales semble propice à ce stade-ci.
Il ne sera pas facile de rétablir les MSRD ou de mettre en œuvre un programme de médiation pour le règlement des différends dans la pratique contemporaine des services correctionnels. La formation, l’ensemble de compétences et les attributs personnels requis pour une médiation réussie dans un contexte carcéral, soit l’empathie, la neutralité, la confidentialité, la confiance, la capacité d’écoute, la résolution de problèmes et de solides compétences de communication interpersonnelle et de négociation ne sont pas facilement transférables. Il est entendu que la résolution des conflits à l’aide d’un médiateur peut être longue et exigeante et que dans un milieu carcéral, il peut s’avérer doublement difficile pour les praticiens d’être vus comme des parties impartiales ou neutres. Les deux parties doivent faire confiance à la personne et au processus. Il importe de choisir et de prendre en considération des candidats formés convenablement, qualifiés et compétents.
En tant qu’ombudsman des personnes incarcérées dans un établissement fédéral, je reconnais que mon bureau souhaite véritablement que le Service aille de l’avant sur le plan des MSRD, en particulier la médiation. Il vaut la peine de rappeler que les plaintes déposées contre le SCC concernent souvent les mêmes enjeux que ceux qui arrivent sur mon bureau aux fins de résolution. Il n’est pas surprenant de constater un chevauchement considérable quant à certaines des plaintes les plus importantes et les plus contestées, c’est-à-dire les conditions/activités normales, l’interaction avec le personnel et les soins de santé. De plus, les prisonniers n’ont pas à épuiser tous les paliers du système interne du SCC avant d’accéder aux ressources du Bureau. Des lacunes sont soulevées lorsque des enjeux, demandes et plaintes non réglés de nature mineure ou ordinaire se rendent simultanément à mon bureau. On peut dire que la législation qui gouverne le SCC et ses organismes de surveillance ne prévoyait pas ce niveau de dédoublement et de redondance. Il n’est pas dans l’intérêt du SCC, de mon Bureau, ni même des plaignants, que diverses instances s’occupent simultanément de la même plainte.
Le renvoi des plaintes à un niveau supérieur ou d’une entité à une autre a tendance à durcir les positions, causer de la frustration pour les décideurs et perpétuer la méfiance. Il arrive trop souvent que la procédure formelle de règlement des griefs ne fournisse pas de recours raisonnable ou opportun. Comme dans le cas de l’exercice de désengorgement, le système de recours doit être assujetti à un leadership au niveau national, un mentorat et une surveillance de haut niveau. La résolution par médiation doit être prise au sérieux. Elle doit être vue comme une composante fondamentale du système de recours formel et informel. L’expérience vécue antérieurement rappelle que les MSRD ne doivent pas constituer une réflexion après coup, un ajout ou un autre projet pilote qui prend fin une fois le financement épuisé. La prise en charge et la responsabilité du système national de recours reviennent proprement dites à la Division des recours des délinquants du SCC à l’AC.
Compte tenu du déséquilibre des pouvoirs qui sont inhérents entre les plaignants et les répondants dans le contexte carcéral, il est toujours de mise de maintenir les exigences d’un système formel de plaintes et griefs. Les MSRD ne sont pas qu’un moyen de rechange ou un remède convenable dans le cas de certaines violations graves des droits de la personne, et il se peut qu’ils ne conviennent pas pour aborder des allégations de discrimination ou de harcèlement. Cela dit, il importe de reconnaître que le processus actuel fondé sur la paperasse puisse finir par décourager, voire désarmer le plaignant ou, autrement, retarder le traitement approfondi de plaintes et de griefs légitimes. L’absence d’autres moyens de régler des différends donne lieu à leur renvoi inévitable au niveau supérieur et cela cause de la frustration et des retards qui nuisent à la prestation d’un recours opportun et efficace.
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En ce qui concerne la procédure de règlement des plaintes et des griefs du SCC, je formule trois recommandations sommaires à mettre en œuvre progressivement et à achever au cours du prochain exercice.
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Premièrement, le SCC devrait mener un examen interne du processus de plaintes et de griefs fondé sur des principes éclairés par les piliers de la justice procédurale, soit la voix, le respect, la neutralité et la confiance. Il serait important que les points de vue et les expériences des personnes incarcérées soient pris en considération tout au long de cet examen.
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En parallèle, le SCC devrait entreprendre un exercice de réaffectation pour veiller à l’établissement d’un centre d’intérêt, au déploiement des efforts requis et à la détermination des priorités en vue du règlement informel des plaintes et des griefs, et ce au niveau le moins élevé possible. Cela pourrait comprendre, entre autres, la réaffectation de ressources en matière de recours du niveau national au niveau de l’établissement.
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Finalement, le SCC devrait investir de façon importante dans la formation et l’enrichissement des compétences au chapitre de la médiation et des mécanismes substitutifs de règlement des différends de tout le personnel dans le but d’assurer la mise en œuvre de ces pratiques dans tous les établissements à sécurité maximale et ceux à niveaux de sécurité multiples partout au Canada, y compris les établissements régionaux pour femmes et les centres régionaux de traitement. Les MSRD seraient le point central et constitueraient les caractéristiques permanentes d’une DC 081 mise à jour et révisée presque de fond en comble.
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Annexe
Procédure de règlement des plaintes et des griefs du SCC: Les chiffres
TABLEAU 1. NOMBRE TOTAL DE PLAINTES DÉPOSÉES PAR SUJET
2013-
2014 |
2014-
2015 |
2015-
2016 |
2016-
2017 |
2017-
2018 |
2018-
2019 |
2019-
2020 |
2020-
2021 |
2021-
2022 |
2022-
2023 |
|
TOTAL | 18 382 | 18 684 | 15 861 | 15 099 | 15 042 | 14 723 | 14 777 | 14 693 | 13 661 | 13 744 |
Gestion de cas | 1 021 | 917 | 824 | 670 | 720 | 686 | 621 | 590 | 600 | 507 |
Conditions/activités normales | 6 185 | 6 599 | 5 363 | 5 315 | 4 849 | 4 684 | 4 553 | 4 643 | 4 401 | 3 826 |
Santé | 2 113 | 2 347 | 2 112 | 2 148 | 2 229 | 2 550 | 2 290 | 2 814 | 2 585 | 2 632 |
Interaction | 3 345 | 3 357 | 3 152 | 2 763 | 3 081 | 2 650 | 3 034 | 2 953 | 2 777 | 3 240 |
Autres sujets | 636 | 613 | 423 | 434 | 471 | 403 | 369 | 652 | 541 | 668 |
Programmes/rémunération | 1 795 | 1 765 | 1 377 | 1 172 | 1 107 | 1 063 | 991 | 983 | 825 | 887 |
Sécurité | 940 | 1 082 | 789 | 744 | 668 | 817 | 719 | 574 | 533 | 583 |
Transfèrement | 23 | 9 | 7 | 10 | 18 | 9 | 14 | 3 | 5 | 9 |
Visites/loisirs | 2 324 | 1 995 | 1 814 | 1 843 | 1 899 | 1 861 | 2 186 | 1 481 | 1 394 | 1 392 |
TABLEAU 2. NOMBRE TOTAL ET PROPORTION DE PLAINTES PAR ETHNICITÉ ET PAR EXERCICE
2013-
2014 |
2014-
2015 |
2015-
2016 |
2016-
2017 |
2017-
2018 |
2018-
2019 |
2019-
2020 |
2020-
2021 |
2021-
2022 |
2022-
2023 |
|
TOTAL DE PLAINTES | 18 382 | 18 684 | 15 861 | 15 099 | 15 042 | 14 723 | 14 777 | 14 693 | 13 661 | 13 744 |
Autochtones | 4 353 | 4 412 | 3 867 | 3 953 | 3 835 | 4 139 | 4 207 | 4 328 | 4 193 | 4 250 |
Non Autochtones | 14 054 | 14, 276 | 11 995 | 11 148 | 11 209 | 10 584 | 10 570 | 10 367 | 9 467 | 9, 490 |
Noirs | 1 682 | 1 779 | 1 771 | 1 468 | 1 461 | 1 174 | 1 362 | 1 256 | 1 148 | 1 445 |
Blancs | 11 390 | 11 569 | 9 445 | 8 938 | 8 955 | 8 708 | 8 434 | 8 312 | 7 481 | 7 234 |
2013-
2014 |
2014-
2015 |
2015-
2016 |
2016-
2017 |
2017-
2018 |
2018-
2019 |
2019-
2020 |
2020-
2021 |
2021-
2022 |
2022-
2023 |
|
Autochtones | 23,7 % | 23,6 % | 24,4 % | 26,2 % | 25,5 % | 28,1 % | 28,5 % | 29,5 % | 30,7 % | 30,9 % |
Non Autochtones | 76,5 % | 76,4 % | 75,6 % | 73,8 % | 74,5 % | 71,9 % | 71,5 % | 70,6 % | 69,3 % | 69,0 % |
Noirs | 9,2 % | 9,5 % | 11,2 % | 9,7 % | 9,7 % | 8,0 % | 9,2 % | 8,5 % | 8,4 % | 10,5 % |
Blancs | 62,0 % | 61,9 % | 59,5 % | 59,2 % | 59,5 % | 59,1 % | 57,1 % | 56,6 % | 54,8 % | 52,6 % |
TABLEAU 3. NOMBRE TOTAL DE GRIEFS TRAITÉS PAR JOURS OUVRABLES POUR L’ACHÈVEMENT
JOURS POUR L'ACHÈVEMENT | 2013-2014 | 2014-2015 | 2015-2016 | 2016-2017 | 2017-2018 | 2018-2019 | 2019-2020 | 2020-2021 | 2021-2022 | TOTAL |
0-15 jours | 104 | 618 | 77 | 30 | 5 | 4 | 2 | 0 | 2 | 842 |
16-25 jours | 181 | 1 649 | 311 | 84 | 23 | 16 | 5 | 81 | 5 | 2 355 |
26-60 jours | 532 | 2 544 | 420 | 497 | 196 | 125 | 59 | 35 | 17 | 4 425 |
61-80 jours | 1 018 | 706 | 289 | 219 | 110 | 68 | 59 | 29 | 8 | 2 506 |
81-150 jours | 1,374 | 606 | 505 | 464 | 515 | 276 | 158 | 87 | 33 | 4 018 |
151-300 jours | 679 | 961 | 688 | 710 | 1 492 | 1 637 | 711 | 203 | 50 | 7 131 |
301+ jours | 161 | 1 803 | 1 735 | 758 | 303 | 430 | 952 | 192 | 0 | 6 334 |
TOTAL | 4 049 | 8 887 | 4 025 | 2 762 | 2 644 | 2 556 | 1 946 | 627 | 115 | 27 611 |
TABLEAU 4. NOMBRE TOTAL DE GRIEFS PRIORITAIRES TRAITÉ AU PALIER FINAL PAR JOURS OUVRABLES POUR L’ACHÈVEMENT
JOURS POUR L'ACHÈVEMENT |
2013- 2014 |
2014- 2015 |
2015- 2016 |
2016- 2017 |
2017- 2018 |
2018- 2019 |
2019- 2020 |
2020- 2021 |
2021- 2022 |
TOTAL |
0-15 jours | 35 | 1 | 11 | 13 | 2 | 2 | 1 | 0 | 1 | 66 |
16-25 jours | 4 | 16 | 70 | 48 | 9 | 9 | 1 | 0 | 3 | 160 |
26-60 jours | 127 | 60 | 175 | 258 | 84 | 40 | 32 | 15 | 9 | 800 |
61-80 jours | 219 | 45 | 161 | 79 | 59 | 29 | 21 | 10 | 6 | 629 |
81-150 jours | 312 | 228 | 247 | 137 | 222 | 93 | 37 | 31 | 10 | 1 317 |
151-300 jours | 121 | 352 | 179 | 173 | 410 | 509 | 202 | 67 | 17 | 2 030 |
301+ jours | 46 | 412 | 559 | 259 | 86 | 134 | 377 | 51 | 0 | 1 924 |
TOTAL | 864 | 1 114 | 1 402 | 967 | 872 | 816 | 671 | 174 | 46 | 6 926 |
TABLEAU 5. NOMBRE DE TOTAL DE GRIEFS EN 2022-2023 PAR NIVEAU ET DÉCISION
DÉCISIONS DE GRIEF | PLAINTE | INITIAL | FINAL | TOTAL |
Retiré | 4 | 0 | 0 | 4 |
Refusé – Entaché de mauvaise foi | 6 | 3 | 0 | 9 |
Refusé – Ne relève pas de la compétence du SCC | 13 | 5 | 3 | 21 |
Refusé – Vexatoire | 36 | 5 | 1 | 42 |
Refusé – Futile | 71 | 4 | 0 | 75 |
Refusé – Traité autrement | 81 | 18 | 14 | 113 |
Réglé au moyen d’un MSRD | 155 | 1 | 1 | 157 |
Outrepassant les compétences | 184 | 22 | - | 206 |
Refusé – Autre | 140 | 110 | 12 | 262 |
Maintenu | 353 | 63 | 116 | 532 |
Aucune donnée | 299 | 30 | 239 | 568 |
Maintenu en partie | 491 | 157 | 224 | 872 |
Aucune autre mesure nécessaire | 3 277 | 435 | 425 | 4,137 |
Réglé | 3 899 | 640 | 842 | 5 381 |
Rejeté | 4 729 | 1 867 | 1 114 | 7 710 |
TOTAL | 13 738 | 3 360 | 2 991 | 20 089 |
Enquête sur la qualité des examens des soins dans le cas d’un décès de causes naturelles dans un pénitencier fédéral
En 2014, le Bureau a publié un rapport d’intérêt public intitulé Enquête sur le processus d’examen des cas de décès du Service correctionnel du Canada. Ce rapport a été déclenché par des décisions successives prises par le SCC entre 2005 et 2009 dans le but de réduire le fardeau lié à la tenue d’enquêtes nationales en vertu de l’article 19 de la LSCMLC, dans le cas de décès attribuable à des causes naturelles. En 2009, la responsabilité de tenir des enquêtes sur les décès de causes naturelles a passé des mains de la Direction des enquêtes sur les incidents du SCC au Secteur des services de santé à l’AC.
Les constatations de mon prédécesseur au sujet de l’ancien processus d’examen des cas de décès (PECD) étaient sans équivoque, le qualifiant de « boiteux et inadéquat », tardif et sans rigueur, contrairement à ce qu’exige la loi. De plus, le PECD n’est pas parvenu à « établir, reconstruire ou prouver de façon approfondie les facteurs qui pourraient avoir causé les décès examinés ».
Pour des motifs grandement pratiques et expéditifs sur le plan administratif, le PECD a été mis sur pied en tant que « solution de rechange » à l’exercice formel du comité d’enquête. Le processus ne satisfait ni les normes minimales d’un processus d’enquête ni l’obligation prévue dans la loi que le SCC mène une enquête sur les décès, peu importe leur cause. Il ne respecte certainement pas les caractères « immédiat » et « urgent » qui sont prévus dans la loi qui gouverne le Service. Par conséquent, le processus demeure quelque part en marge de la loi; même ses Lignes directrices n’ont toujours pas la force ou l’effet d’une directrice stratégique au sein du SCCFootnote 24.
À la lumière de la constatation selon laquelle le PECD n’a pas permis d’atteindre les normes d’enquête ou de respecter l’obligation prévue par la loi d’enquêter, peu importe la cause, j’ai été déçu lorsqu’en 2019, le Parlement a adopté le projet de loi C-83 qui éliminait l’obligation que le SCC enquête sur le décès en établissement des individus ayant reçu l’aide médicale à mourir (AMM), affaiblissant ainsi l’obligation législative d’enquêter sur les décès au lieu de la renforcer. Conformément aux nouvelles dispositions prévues à l’article 19 de la LSCMLC, le SCC n’est plus tenu d’enquêter sur les circonstances et les causes ayant mené à l’AMM dans le cas d’un individu incarcéré. De plus, lorsqu’un professionnel en soins de santé informe le Service que des motifs raisonnables permettent de croire que les causes d’un décès sont naturelles, les obligations du Service se limitent à un examen interne, aussi mené par un professionnel de la santé du SCC, qui traite de la « qualité des soins » fournis à l’individu incarcéréFootnote 25.
Certains motifs de ce changement étaient légitimes. Le Secteur des services de santé du SCC voulait du temps pour adopter un mécanisme d’examen qui correspond aux normes communautaires et qui porte principalement sur les améliorations à apporter à la qualité des soins. Cependant, on ne peut faire fi des différences entre les soins de santé dans la collectivité et ceux en établissement carcéral; les prisonniers fédéraux ne sont pas de simples patients qui reçoivent des soins palliatifs ou hospitaliers. De plus, la force morale faisant autorité de l’Ensemble des règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (ou Règles Nelson Mandela) appelle à une « autorité judiciaire ou autre autorité compétente indépendante de l’administration pénitentiaire, qui sera chargée d’ouvrir promptement une enquête impartiale et efficace sur les circonstances et les causes de [tout décès en établissement] ». Ces enquêtes ne portent pas seulement sur la qualité des soins de santé reçus. Comme je l’ai souligné dans le rapport annuel de l’année passée et à d’autres occasions, le fait que le SCC enquête lui-même continue de poser problème.
Le but de cette enquête était d’examiner les rapports produits relativement à l’examen de la qualité des soins de santé mené par le Secteur des services de santé par rapport à certaines des constatations soulevées dans notre enquête de 2014 sur le PECD. Essentiellement, 10 ans après la tenue de notre enquête initiale sur ces questions, mon bureau souhaitait étudier les deux questions suivantes :
- Quelle comparaison peut-on faire entre l’examen de la qualité des soins et le PECD?
- Dans quelle mesure examine-t-on et documente-t-on les solutions de rechange à l’incarcération avant le décès?
Méthodologie
Entre janvier 2023 et février 2024, mon bureau a reçu des copies de 96 rapports sur les décès de causes naturelles produits par le Secteur des services de santé du SCC. Parmi ces 96 rapports, 19 ont été produits sur la base de l’ancien modèle d’examen des décès et 77 sur celle du nouvel examen de la qualité des soins. Bien que les deux approches ne soient pas très différentes, mon bureau a décidé de se concentrer sur 74 des 77 examens de la qualité des soins que l’on a jugés d’« envergureFootnote 26 ».
Dans ces rapports, nous avons cerné des cas dans lesquels on pouvait s’attendre au décès, ou celui-ci était prévisible, et les efforts déployés par le SCC pour examiner la possibilité d’accorder une libération pour des motifs de compassion. De plus, nous avons examiné de près les cas dans le but de déterminer le niveau d’interaction du personnel de gestion correctionnelle et de gestion de cas avec les individus en fin de vie. Finalement, nous avons interviewé les fonctionnaires des Services de santé responsables des examens de la qualité des soins du SCC afin de confirmer nos constatationsFootnote 27.
Constatations
Comparaison entre le modèle d’examen des causes de décès en établissement et l’examen de la qualité des soins
Bon nombre des conclusions et recommandations formulées dans le rapport d’intérêt public de 2014 de mon Bureau sont toujours valables. Les modifications législatives de 2019 ont clairement rendu caduques nos conclusions liées aux exigences prévues à l’article 19, mais d’autres conclusions et constatations liées au processus en tant que tel valent la peine d’être examinées de nouveau.
1. Amélioration récente quant aux délais
Le rapport de 2014 soulignait des retards de 6,3 mois (allant de 3 à 13 mois) entre le décès et la convocation d’un comité d’examen des causes de décès. Ce n’est que tout récemment que les longs délais pour l’achèvement des examens de la qualité des soins se sont améliorés. D’ailleurs, aucun changement n’a été constaté immédiatement après la publication du rapport de 2014, et la situation s’est aggravée après l’adoption de l’examen de la qualité des soins en 2019-2020. En ce qui concerne les décès qui se sont produits entre décembre 2019 et décembre 2020, le délai entre le décès et la convocation d’un comité d’examen de la qualité des soins atteignait une moyenne de 16 mois, et trois cas ont fait l’objet d’un examen plus de deux ans après le décès. Ces retards ne peuvent être attribués à la mise en œuvre du processus en tant que tel qui a eu lieu peu avant la pandémie.
Cette situation est maintenant corrigée. Parmi les 21 rapports examinés au sujet des décès qui ont eu lieu entre avril 2022 et mars 2023, le délai moyen pour la convocation d’un comité d’examen de la qualité des soins est maintenant d’environ un mois (28 jours). Dans les faits, les données qui découlent des 74 rapports examinés montrent que le Secteur des services de santé du SCC a déployé des efforts considérables pour s’attaquer aux retards accumulés et adopter une approche plus proactive qu’auparavant. La rapidité d’exécution des examens de la qualité des soins s’est aussi améliorée. Les 21 rapports liés aux décès qui se sont produits entre avril 2022 et mars 2023 ont été achevés en moyenne dans un délai de six mois après la convocation du comité.
2. Réduction du recours à un exercice sur papier
Le Bureau a appris que l’examen de la qualité des soins comporte des communications avec le personnel de l’établissement, mais les rapports en tant que tels ne contiennent aucun renseignement en ce sens. Évidemment, l’examen porte surtout sur une étude des dossiers médicaux, mais le processus comporte également un examen préliminaire mené par le personnel de l’établissement qui est ensuite acheminé au Secteur des services de santé du SCC à l’AC. Plusieurs rapports font état de mesures correctives prises peu après le décès, et même avant la convocation du comité d’examen.
La mesure et les circonstances dans lesquelles les examinateurs à l’AC interrogent le personnel de l’établissement ne sont précisées ni dans les Lignes directrices ni dans les rapports en tant que tels. Les rapports sur la qualité des soins n’énumèrent pas les sources de documentation, qu’il s’agisse de la tenue d’entrevues et avec qui, ou de consultations d’experts (autres que le médecin-chef).
D’une façon ou d’une autre, à la lecture de ces rapports, il est clair qu’ils sont documentés au moyen d’entrevues à l’établissement et par la collecte de renseignements. Contrairement à ce que nous avons souligné dans notre rapport de 2014, les rapports sur la qualité des soins fournissent maintenant un historique médical de la personne décédée qui porte davantage sur ce qui a mené au décès ou ce qui l’a précipité. Ces rapports sont suffisamment exhaustifs et compréhensifs pour atteindre certains des buts pour lesquels ils sont rédigés. Tout de même, ces rapports fournissent rarement des renseignements sur les normes par rapport auxquelles la qualité des soins est évaluée. Dans notre rapport d’intérêt public de 2014, nous avons souligné ce qui suit.
Presque tous les rapports sur les cas de décès examinés par le Bureau soulignent que les soins prodigués aux détenus respectent les normes professionnelles applicables. Ces normes, toutefois, ne sont pas toujours indiquées précisément dans le corps du rapport (elles sont souvent citées en annexe sous la forme d’une liste). Les références et les notes des Services cliniques pour évaluer la prestation des soins de santé revêtent une forme générale, par exemple, la page d’accueil d’un portail médical en particulier (http://www.poumon.ca/home-accueil_f.php, www.ehow.com [en anglais seulement]) ou un titre général de certaines normes d’ordres professionnels.
Les seules annexes jointes aux rapports sur la qualité des soins reçues depuis 2022 sont les ordres de convocation. Par conséquent, bien que la qualité des rapports semble s’être améliorée, le modèle n’explique toujours pas de façon claire la mesure exacte dans laquelle la qualité des soins satisfait les normes professionnelles.
3. De meilleures mesures correctives et d’amélioration de la qualité
Le nombre de rapports dans lesquels des mesures correctives ont été constatées a augmenté de manière significative depuis la mise en œuvre du modèle d’examen de la qualité des soins. Cela dit, la plupart des mesures correctives ne sont pas directement attribuées aux rapports sur la qualité des soins produits par le Secteur des services de santé du SCC à l’AC, mais plutôt à l’examen au niveau de l’établissement que ce modèle nécessite. Dans la plupart des cas, les mesures correctives signalées dans les examens de la qualité des soins ont été mises en œuvre peu après le décès et avant même la signature de l’ordonnance de convocation.
Le nouveau modèle d’examen a incorporé la détermination des « mesures d’amélioration de la qualité ». Ces mesures sont adoptées par l’établissement en vue d’améliorer la qualité des soins, mais elles ne sont pas réputées correctives, car elles n’ont pas de lien avec les constatations de non-conformité aux normes professionnelles. Ces mesures d’amélioration de la qualité sont mises en œuvre à l’échelle locale et signalées seulement dans le cadre de l’examen de la qualité des soins aux fins de documentation.
Il semble y avoir un certain niveau de confusion parmi les examinateurs quant à ce qui constitue une mesure corrective, une mesure d’amélioration de la qualité et les circonstances qui mèneraient ou devraient mener à une recommandation de renvoi vers le comité d’assurance de la qualité à l’AC aux fins de discussion. Certains rapports, bien que critiques et soulevant de multiples mesures correctives, mentionnent explicitement que le cas ne nécessite pas d’être renvoyé au comité d’assurance de la qualité, étant donné qu’aucune recommandation n’est formulée. D’autres rapports soulignent que des occasions d’améliorer la qualité ont été soulevées, et parfois même adoptées par le comité d’assurance de la qualité, alors que d’autres rapports décrivent les mesures correctives qui ont été prises, mais les qualifient d’« occasions d’améliorer la qualité ».
Pour améliorer la qualité des soins de santé, il est important de faire en sorte que le personnel des Services de santé en établissement prête attention aux normes professionnelles dès que possible après le décès d’un patient. Les efforts en ce sens sont documentés dans les examens de la qualité des soins et sont remarquables. Néanmoins, le processus actuel peut faire l’objet d’une grande amélioration.
- Je recommande que le processus d’examen de la qualité des soins fasse l’objet d’un audit indépendant présidé par un médecin légiste externe.
4. Manque de documentation de sources indépendantes sur la détermination des causes de décès
Dans près du tiers (22 sur 74) des rapports examinés, la détermination des causes de décès repose uniquement sur une consultation des dossiers médicaux du SCC avec le conseiller médical en chef du SCC. Pour ce qui est des 52 autres cas, les rapports indiquent soit la présence d’un rapport ou document du coroner ou du médecin légiste ou, en rechange, la présence d’un rapport ou de documents d’autopsie provenant d’un hôpital de l’extérieur. En d’autres termes, 30 % des cas ont signalé des décès de causes naturelles sans documentation provenant de sources externes au Secteur des services de santé du SCC. Dans ces circonstances, les rapports se lisent habituellement comme suit :
Le rapport du coroner a été demandé le [DATE DE DEMANDE], mais n’étaient pas accessibles au moment de la rédaction du présent rapport. En l’absence d’un rapport du coroner, les résultats de l’examen des dossiers des Services de santé, en plus d’une consultation avec le médecin hygiéniste en chef appuient la constatation selon laquelle il est présumé que [NOM DE L’INDIVIDU] en raison de [CAUSE]. Une fois le rapport du coroner accessible, un addendum sera ajouté à ce rapport si la cause du décès n’est pas celle qui a été présumée.
Précisons clairement que nous avons examiné les 22 cas en question et qu’aucun motif raisonnable ne nous permet de douter de l’affirmation voulant que les causes de décès étaient naturelles. Dans la plupart des cas, les individus souffraient de conditions qui limitent la vie et la possibilité qu’une évaluation soit menée et que des soins soient fournis dans la collectivité a été prise en considération. Il n’en demeure pas moins que le SCC devrait en faire plus pour veiller à obtenir auprès de sources indépendantes de la documentation et des données probantes à l’appui de la détermination des causes de décès, du moins à l’étape de l’établissement de rapport. Les cas relativement auxquels aucune évaluation externe n’est accessible quant aux causes de décès devraient être des exceptions. En toute franchise, le Secteur des services de santé du SCC doit composer avec le fait que différentes approches d’échange de renseignements sont utilisées entre les bureaux provinciaux de coroner et de médecin (mon bureau a appris que des discussions régulières ont lieu avec les bureaux de coroner de l’ensemble du Canada dans le but de faciliter et d’améliorer la communication), et le SCC n’exerce aucun contrôle sur l’accessibilité à des évaluations externes. Cependant, à mon avis, le nombre de cas (22) parmi les 74 qui ne reposent sur aucune source indépendante est beaucoup trop élevé. À tout le moins, tous les efforts visant l’obtention de points de vue indépendants devraient être formulés en détail dans les examens de la qualité des soins.
- Je recommande qu’en ce qui concerne la détermination des causes de décès dans le cadre de l’examen de la qualité des soins, le Secteur des services de santé du SCC obtienne une vérification indépendante et externe ou, si cela est impossible, que tous les efforts déployés en vue d’obtenir une vérification indépendante et externe soient signalés.
5. Absence de demandes et de décisions de libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel
Au Canada, mourir de vieillesse ou d’une maladie terminale dans un pénitencier devrait être une situation exceptionnelle. L’emprisonnement sans possibilité réelle de libération conditionnelle est une punition cruelle et inhabituelle de natureFootnote 28. Il semblerait que les cas dans lesquels la libération conditionnelle d’un individu en fin de vie présenterait un risque excessif pour la société soient assez exceptionnels.
L’article 121 de la LSCMLC (souvent appelé l’article sur la « libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel » ou la « libération par compassion ») prévoit la possibilité d’accorder la libération conditionnelle en tout temps à un malade au stade terminal, peu importe les dates d’admissibilité qui le concernent.
D’ailleurs, les tribunaux font régulièrement référence à cette disposition lorsqu’ils doivent déterminer la peine d’une personne âgée ou dont la santé est en déclin. Dans le cadre d’une décision récente, la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse devait examiner la situation d’un individu atteint de cancer qui faisait face à une peine minimale de quatre ans d’emprisonnement. La Cour a souligné ceci :
[…] un juge responsable de déterminer la peine ne devrait pas formuler d’hypothèse quant à la détérioration possible de la santé d’un délinquant après la détermination de cette peine. Alors que cette possibilité augmente avec l’âge, la peine déterminée doit tout de même correspondre à la preuve lorsque celle-ci est fournie. Si la santé se détériore par la suite, les autorités correctionnelles concernées sont tenues de prendre les mesures qui conviennent en tenant compte, entre autres, de l’article 121 de la Loi sur les services correctionnels et la mise en liberté sous conditionFootnote 29.
Malgré l’accès à cette disposition en vertu de la loi fédérale, de façon générale, le nombre de décès de causes naturelles de personnes incarcérées dans les pénitenciers fédéraux est consistant.
La Commission des libérations conditionnelles du Canada rend compte du nombre de décisions visant la libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel rendues en vertu de l’article 121. Les derniers rapports accessibles au moment de la rédaction (2019-2020) montrent que la libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel a été prise en considération 20 fois au cours des cinq années précédentes visées par le rapport et n’a été accordée que 16 fois.
GRAPHIQUE 1. NOMBRE DE DÉCÈS DE CAUSES NATURELLES DE 2003-2004 À 2023-2024
TABLEAU 1. NOMBRE DE LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES À TITRE EXCEPTIONNEL EXAMINÉES PAR RAPPORT AU NOMBRE DE CES LIBÉRATIONS ACCORDÉES DE 2015-2016 À 2019-2020
SEMI-LIBERTÉ À TITRE
EXCEPTIONNEL |
LIBÉRATION CONDITIONNELLE
TOTALE À TITRE EXCEPTIONNEL |
TOTAL | |
Exercice | Accordée/Examinée | Accordée/Examinée | Accordée/Examinée |
2015-16 | 0 | 3/3 | 3/3 |
2016-17 | 0 | 1/2 | 1/2 |
2017-18 | 0 | 1/2 | 1/2 |
2018-19 | 1/1 | 6/6 | 7/7 |
2019-20 | 0/1 | 4/5 | 4/6 |
TOTAL | 1/2 | 15/18 | 16/20 |
Source : Commission des libérations conditionnelles du Canada, Rapport de surveillance du rendement (2019-2020).
Il convient toutefois de souligner que ces données ne permettent pas d’obtenir une image d’ensemble. Lorsqu’un individu présente une demande de libération conditionnelle, s’il le fait pour des motifs de compassion en raison d’une maladie terminale, ses circonstances seront vraisemblablement prises en considération, mais cet examen de libération conditionnelle ne sera pas enregistré en tant qu’examen de « libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel » en vertu de l’article 121Footnote 30. En d’autres mots, les décisions de libération conditionnelle « pour des motifs de compassion » sont probablement plus nombreuses que le nombre signalé. Actuellement, aucun moyen clair n’est en place pour une détermination annuelle du nombre de cas de ce genre qui sont présentés et pris en considération et qui obtiennent une réponse favorable.
Une fois les rapports sur la qualité des soins et les renseignements accessibles dans le Système de gestion des délinquant(e)s du SCC examinés, il est devenu évident que certains cas étaient empreints de confusion quant au moment d’évaluer les demandes de libération conditionnelle lorsqu’un individu devient admissible à la semi-liberté (SL) ou la libération conditionnelle totale (LCT). Lorsqu’une personne a atteint sa date d’admissibilité à une libération conditionnelle et que sa demande de libération est refusée par la CLCC, en temps normal, cette personne doit attendre un an avant de présenter une nouvelle demandeFootnote 31. En ce qui concerne une personne atteinte d’une maladie terminale ou dont la santé se détériore rapidement peu après le refus de la demande de libération conditionnelle, dans certains cas, le personnel du SCC a refusé d’examiner la possibilité qu’une demande de libération conditionnelle pour des motifs de compassion soit présentée.
Le Manuel des politiques décisionnelles à l’intention des commissaires de la CLCC permet à celle-ci d’entreprendre un examen avant l’écoulement de ces délais. Dans certains cas, il semble que l’idée d’un examen précoce ait été mise de côté par le personnel de gestion de cas du SCC qui, peut-être, n’a pas été mis au courant de cette possibilité ou a tout simplement cru que l’individu ne satisfaisait pas les critères établis. Dans un cas comme dans l’autre, aucun document n’indique que cette option a été prise en considération.
De toute façon, il reste qu’à l’heure actuelle, aucun mécanisme ne permet de cerner le nombre de libérations conditionnelles accordées à titre exceptionnel demandées, accordées ou refusées et les circonstances connexes. Mon bureau a appris que le SCC et la CLCC ont discuté et assuré la coordination de certaines questions liées à la libération conditionnelle à titre exceptionnel en 2018 et en 2019, mais globalement, il ne semble pas y avoir de documents liés à ces cas ou à des progrès remarquables à cet égard.
- Je recommande que le SCC consulte la Commission des libérations conditionnelles du Canada et établisse un cadre d’échange de données et de rapports connexes pour la publication des renseignements sur les demandes de libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel en vertu de l’article 121 et les demandes visant toute forme de libération accordée pour des motifs de compassion. Ces données devraient être ventilées en fonction des critères énumérés au paragraphe 121(1), peu importe si la demande de libération conditionnelle a été présentée avant ou après les dates d’admissibilité qui concernent l’individu.
6. Disparition de la prise en considération de solutions de rechange à l’incarcération
Les examens de décès ont été demandés en vertu de l’article 19 de la LSCMLC et par conséquent, ils ne peuvent se limiter à la qualité des soins de santé fournis. Une évaluation visant à déterminer si des solutions de rechange à l’incarcération ont été examinées ou si une « libération a été prise en considération » était requise sur le plan juridique. Conformément à ce qui figure dans le rapport d’intérêt public de 2014 présenté par mon bureau, cette partie de l’examen de décès a été achevée en consultation avec la Division des opérations de réinsertion sociale en établissement du SCC. Alors que le rapport de 2014 portait surtout sur les examens menés entre 2009 et 2012, mon bureau a souligné ce qui suit.
Au total, deux rapports récents sur des cas de décès renferment un plus grand nombre de constatations capitales quant à la responsabilité du SCC d’examiner des solutions de rechange à l’incarcération. Dans ces rapports établis en 2012 et en 2013, des constatations de non-conformité ont été indiquées. Dans un cas, le rapport indique qu’il n’y aucun registre des communications à l’intention de l’agent de libération conditionnelle chargé de faire une étude sur les ressources communautaires; dans l’autre cas, le rapport conclut qu’en raison d’une rupture des communications entre le personnel des soins de santé et le personnel correctionnel, aucun renvoi visant une libération conditionnelle n’a été fait en vertu de l’article 121 de la LSCMLC. Les constatations capitales dans ces deux cas restent exceptionnelles.
À ce stade-ci, les constatations capitales liées à la prise en considération de la libération ne figurent nulle part dans les examens de la qualité des soins. Bien que les ordres qui gouvernent ces examens nécessitent de faire appel à des analyses en soins infirmiers pour analyser si des solutions de rechange à l’incarcération ont été explorées avant le décès d’un individu, les rapports ne présentent qu’un résumé limité des renseignements fournis par les établissements. Ils ne font aucunement allusion à la participation de l’équipe de gestion de cas (EGC) assignée à l’individu décédé et ne présentent aucune analyse à ce sujet. À cet égard, les entrevues avec le Secteur des services de santé du SCC suggèrent une participation extrêmement limitée de la part de la Division des opérations de réinsertion sociale en établissement du SCC et aucune participation de la Direction des enquêtes sur les incidents.
Il y a bien sûr des cas auxquels un examen approfondi de la prise en considération d’une libération ne serait pas requis. Dans environ 40 % (29 sur 74) des cas examinés par mon bureau, les décès étaient sans aucun doute soudains, c.-à-d. que le personnel du SCC ne pouvait pas s’y attendre. Il faut également songer aux individus très institutionnalisés qui refuseront tout simplement de présenter une demande de libération. Par exemple, l’un des cas examinés faisait état d’un octogénaire qui ne s’était vu accorder aucune libération depuis son admission en établissement en 1980, et qui ne voulait présenter aucune demande de libération.
Cependant, bien que la plupart des rapports sur la qualité des soins de santé que nous avons examinés confirmaient la participation des équipes de gestion de cas, ces mêmes rapports soulignaient aussi fréquemment que l’examen lié à la prise en considération d’une libération « n’a pas pu avoir lieu avant le décès du détenu ». Il reste à déterminer clairement si le personnel infirmier autorisé qui mène les analyses doit formuler des commentaires à cet égard, de même que sa façon de procéder si tel est le cas. Certains rapports soutiennent simplement que la demande de libération conditionnelle n’a pu être présentée avant que le décès survienne, alors que d’autres concluent, selon une norme non officielle, que le décès a été si soudain que l’EGC n’a pas eu le temps de traiter la demande.
Deux problèmes sont constatés dans ces façons de faire :
- aucune ligne directrice ou norme bien précise pouvant aider à déterminer si une EGC a évalué et étudié de façon raisonnable les options de libération conditionnelle pour des motifs de compassion en vertu de l’article 121 n’est en place;
- il va sans dire que le Secteur des services de santé du SCC n’est pas apte à évaluer cet aspect des opérations du SCC.
Par exemple, un homme à la fin de la cinquantaine qui luttait contre le cancer a été informé par le centre de cancérologie de la communauté que sa maladie avait atteint le stade terminal. Il a fallu quelques semaines pour clarifier le pronostic, mais son EGC a fini par présenter une demande de libération conditionnelle à la fin de mai. Le rapport sur la qualité des soins souligne que « puisque ses dates d’admissibilité étaient passées, sa demande a été traitée comme une demande de libération conditionnelle normale ». Le rapport ne précisait pas si cela était attribuable à un manque de documentation ou à une erreur de l’EGC, ou s’il s’agissait de la façon habituelle de procéder. L’individu est décédé peu de temps après, soit vers la fin de l’été de la même année.
En temps normal, cet exercice ne devrait probablement pas reposer uniquement sur la documentation. Mon bureau a examiné des cas dans le cadre desquels aucune interaction significative entre la personne décédée et un agent de libération conditionnelle n’a été signalée durant plus d’un an. Dans certains cas, les seules interactions documentées dans le Système de gestion des délinquant(e)s étaient les soi-disant examens dans un délai de 45 jours entrés par les agents correctionnels qui répétaient mois après mois le même baratin durant des années sans même changer l’âge de la personne incarcérée! En d’autres termes, le fait de compter uniquement sur un examen de la documentation entraîne le risque d’omettre des renseignements pertinents.
Plus préoccupants encore, divers cas ont été rejetés par la Commission des libérations conditionnelles du Canada en raison de l’absence de plans de libération viables. La planification de la libération nécessite en grande partie la participation des membres de l’EGC et par conséquent, l’évaluation visant à déterminer si des solutions de rechange à l’incarcération qui conviennent ont été prises en considération exige une expertise que l’on ne devrait pas demander aux professionnels de la santé.
Deux autres cas soulèvent ces mêmes enjeux dans la politique tout en produisant des résultats très différents. Les deux individus faisaient face à des ordonnances d’expulsion en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Dans l’un des cas, il était souligné dans l’examen de la qualité des soins que la situation limitait la capacité de l’EGC de recommander une libération. Dans l’autre, l’examen de la qualité des soins précisait que l’établissement a communiqué avec l’Agence des services frontaliers du Canada qui a répondu qu’elle acceptait de ne pas activer l’ordonnance de retrait et qu’elle allait plutôt permettre la libération de l’individu dans le cadre d’un cautionnement au moyen d’une permission de sortir sans escortes assortie de conditions.
Conclusion
Cette enquête sur l’exercice lié à la qualité des soins utilisé par le SCC pour examiner les décès de causes naturelles, comparativement à l’ancien processus d’examen des décès a donné lieu à des constatations préoccupantes. J’ai présenté mes points de vue à de nombreuses occasions en ce qui concerne l’indépendance des processus d’enquête qui traitent des décès en détention. Je ne les répéterai pas dans le présent document. Le fait que des malades au stade terminal continuent de mourir en prison dans des conditions tout à fait indignes devrait tous nous préoccuper. Le fait que le SCC affecte de nombreuses ressources professionnelles pour l’examen de la qualité des soins en fin de vie fournis aux malades, mais n’examine pas tout aussi attentivement si des solutions de rechange à l’incarcération ont été prises en considération est inadmissible. La recommandation suivante tient compte du cadre législatif actuel.
- Je recommande que des évaluations de la prise en considération de la libération dans les examens de la qualité des soins soient menées par la Direction des enquêtes sur les incidents du SCC en collaboration avec le Secteur des services de santé du SCC. Ces évaluations devraient aborder les points soulevés dans le rapport d’intérêt public de 2014 du Bureau et mener à l’élaboration de normes qualitatives.
Pressions démographiques dans les établissements pour femmes: Surutilisation et conséquences des transfèrements interrégionaux
La surpopulation et les pressions qui en découlent ont des conséquences graves dans un milieu correctionnel. Les pressions sur la population font croître le niveau de stress et réduisent la capacité du Service correctionnel du Canada (SCC) de réaliser son mandat de façon efficace. Le nombre grandissant de femmes incarcérées dans un établissement fédéral entraîne des difficultés significatives et des répercussions négatives sur la réalité opérationnelle dans les cinq pénitenciers régionaux pour femmes. En fait, le nombre de femmes qui purgent une peine de ressort fédéral a atteint un sommet inégalé; deux établissements, soit l’Établissement d’Edmonton pour femmes (EEF) dans la région des Prairies et l’Établissement pour femmes Grand Valley (EFGV) dans la région de l’Ontario accueillent des populations qui ont dépassé les capacités pondérées initiales.
Pour aggraver la situation encore davantage, la recherche menée par le SCC a révélé que les femmes présentent des niveaux de risque et de besoin supérieurs et complexes et font l’objet d’une exigence accrue en matière de programmes correctionnels et de traitement de la toxicomanie comparativement aux cohortes précédentesFootnote 32. Comme je l’ai précisé dans des rapports antérieurs, les augmentations continues de la population de femmes incarcérées ont suivi l’érosion des principes clés formulés dans La création de choix. En 2020-2021, mon bureau a mené un examen des services correctionnels pour femmes 30 ans après le rapport intitulé La création de choix qui a révélé que les cinq principes intégraux de l’approche correctionnelle centrée sur les femmes, c’est-à-dire l’autonomisation, les choix significatifs et responsables, le respect et la dignité, l’environnement de soutien ainsi que la responsabilité partagée sont mis au défi face à la réalité d’aujourd’hui (nombre élevé d’incidents d’automutilation, de recours à la force, de voies de fait, de batailles, de tentatives de suicides et d’interruptions de surdose) dans les établissements correctionnels pour femmes, et il en résulte un système qui ne parvient pas à honorer les principes et les intentions décrites dans La création de choixFootnote 33.
GRAPHIQUE 1. LA POPULATION DE FEMMES PAR RAPPORT À LA CAPACITÉ PONDÉRÉEFootnote 34 DANS LES ÉTABLISSEMENTS RÉGIONAUX
J’ai également signalé une grave inquiétude au chapitre de la surreprésentation des femmes autochtones, en particulier lorsque la proportion de femmes autochtones a frôlé les 50 % de la population de l’établissement en 2021Footnote 35. Au moment de la rédaction du présent rapport, la surreprésentation continue d’être inquiétante : dans les cinq établissements régionaux, 46 % des femmes incarcérées sont des Autochtones et 75 % des femmes incarcérées dans un secteur à sécurité maximale sont des AutochtonesFootnote 36. Mon bureau a formulé d’innombrables recommandations dans le but d’accroître l’utilisation des pavillons de ressourcements dans la collectivité en vertu de l’article 81 et des ententes en vertu de l’article 84 pour les soins, la détention et la surveillance des femmes autochtones qui purgent une peine de ressort fédéral, de même que des recommandations visant la réaffectation de ressources vers les programmes, services et activités dans la collectivité. Les progrès insuffisants dans ces domaines favorisent indéniablement les pressions démographiques insoutenables. De plus, le SCC a informé mon bureau que selon les prévisions en matière de population, les pressions risquent d’augmenter au cours des prochaines annéesFootnote 37.
GRAPHIQUE 2. ADMISSION DES FEMMES INCARCÉRÉES DANS UN ÉTABLISSEMENT FÉDÉRAL (DE 1990-1991 À 2023-2024)
Surutilisation des transfèrements interrégionaux
Les cellules à double occupation constituent la stratégie du SCC la plus couramment utilisée de toutes pour s’attaquer à la surpopulation. Bien qu’une évaluation soit exigée avant le placement de deux personnes dans une cellule, conformément à la DC 550 – Logement des détenus, la double occupation fait croître le risque d’agitation, de tensions et de violence. Une telle situation peut avoir des conséquences graves, en particulier dans un établissement à sécurité maximale, et est contraire aux normes reconnues à l’échelle internationale qui traitent du logement des prisonniers en cellule. Comme l’a affirmé mon bureau dans le passé, la double occupation n’est pas une solution appropriée ou durable pour contrer les pressions liées à la surpopulation. Au moment de la rédaction du présent rapport, 68 personnes étaient placées dans des cellules à double occupation dans les établissements pour femmesFootnote 38, ce qui représente plus de 10 % de la population totale dans les cinq établissements régionaux. Plus troublant encore, 18 de ces personnes se trouvaient dans des cellules à double occupation dans une unité à sécurité maximale. Les femmes autochtones étant surreprésentées de façon disproportionnée dans les unités à sécurité maximale, elles sont évidemment plus susceptibles d’être placées en double occupation, causant ainsi un autre écart entre les délinquantes autochtones et les délinquantes non autochtones.
Puisque les places sont de plus en plus rares dans certains établissements, une autre tactique utilisée par le SCC pour atténuer les pressions sur la population a été de transférer des femmes dans d’autres régions. Au cours des cinq dernières années, le SCC a procédé à 260 transfèrements interrégionaux et placements de femmes en dehors de la région. De ce nombre, 176 (68 %) proviennent de la région des PrairiesFootnote 39. Comme je l’ai souligné avec insistance dans mon rapport annuel de 2020-2021, les transfèrements à l’extérieur de la région devraient être réduits au minimum et entrepris uniquement en dernier recours, et non comme un moyen de contrôler les niveaux de population. D’ailleurs, la LSCMLC prévoit ce qui suit au sujet des placements et des transfèrements.
28 Le Service doit s’assurer, dans la mesure du possible, que le pénitencier dans lequel est incarcéré le détenu constitue un milieu où seules existent les restrictions les moins privatives de liberté pour celui-ci, compte tenu [de] […]
(b) la facilité d’accès
(i) à la collectivité à laquelle il appartient
(ii) à sa famille et à un milieu culturel compatible, et
(iii) un environnement linguistique compatible;
L’intention du rapport La création de choix était que la taille de chaque établissement régional correspondrait à la population régionale et que « l’application de la stratégie communautaire devrait, avec le temps, réduire la nécessité d’un séjour en établissement de même que la durée de ces séjoursFootnote 40 ». Aujourd’hui, en partie en raison de ces transfèrements interrégionaux et placements hors région, de nombreuses femmes sont hébergées loin de leur famille, de leur collectivité et de leurs ressources de soutien et cela s’ajoute à la séparation et l’éclatement qui découlent de l’incarcération.
Au cours de la période visée par le rapport, mon bureau a constaté une augmentation du nombre de plaintes liées aux transfèrements, surtout de la part de femmes transférées à l’extérieur de la région des Prairies, et a tenté de mieux comprendre les conséquences qu’avaient ces transfèrements sur les femmes et sur les cinq établissements régionaux. Au total, 52 entrevues ont eu lieu; 25 avec des femmes incarcérées et 27 avec des membres du personnel du SCC. Il était essentiel d’entendre des femmes qui ont été directement touchées par des transfèrements régionaux qui, en grande partie, découlaient des pressions sur la population pour mieux comprendre la portée, les défis et les répercussions de ce problème. Bien que quelques femmes aient mentionné qu’un transfèrement loin de leur région d’appartenance leur a permis de repartir en neuf, la plupart ont exprimé des sentiments de mécontentement, d’incertitude, et même de détresse en ce qui a trait à leur transfèrement. Le personnel du SCC a également parlé de dynamique changeante au sein de l’établissement en raison de ces transfèrements. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour constater la vaste portée des conséquences de cette situation. Dans les faits, de nombreux problèmes ayant incité le groupe de travail à élaborer La création de choix en 1990 demeurent et s’intensifient en raison des pressions sur la population et des transfèrements interrégionaux. Aujourd’hui, les défis liés à la gestion de la population ont causé une situation de crise.
Dans le cadre de nos visites et de nos entrevues en établissement, les quatre constatations thématiques suivantes sont ressorties du lot :
- les femmes autochtones subissent de façon disproportionnée les conséquences des transfèrements interrégionaux;
- les femmes sont déracinées de leur collectivité et de leur famille et sont victimes d’un éclatement inutile;
- les niveaux de tension et les incidents sont à la hausse;
-
les barrières linguistiques posent problème dans la région du Québec.
LES VOIX DES FEMMES
« Je déteste ça, ils utilisent toujours ça : « Ta peine est longue, tu es condamnée à perpétuité. »
« Je n’aime pas ça ici. Cette place est juste (prend une pause). Je n’ai jamais autant pleuré en prison. Je ne pleure jamais (…) J’ai l’impression d’être assise ici, de m’effriter à cause de ma longue peine… Je suis à cinq provinces de la maison. Pourquoi suis-je ici? »
« [Le transfèrement interrégional] m’a tout pris. »
« On m’a envoyée ici en me disant que j’aurais plus de facilité à obtenir la sécurité moyenne et à participer aux programmes. »
« Cela me déprime énormément… Me trouver si loin, composer avec les détenues, avec les gardes, tenter de ne pas flancher pour aller dans l’enceinte. »
« Ils disent que je ne peux pas retourner là. Je prie chaque jour et j’aimerais pouvoir y aller. Mes enfants pourraient alors me rendre visite. »
« Je suis juste une cible facile ici. »
« Je pensais que c’était plus près du Manitoba, donc je suis venue ici. »
« Tout un choc culturel, c’est certain. »
Constatations
1. Les transfèrements interrégionaux touchent les femmes autochtones de façon disproportionnée
Les femmes autochtones subissent beaucoup plus les conséquences des transfèrements interrégionales que les femmes non autochtones. Au cours des cinq dernières années, 65 % (169 parmi 260) de tous les transfèrements interrégionaux et placements pénitentiaires de femmes impliquaient une femme autochtoneFootnote 41. Bien qu’il y ait un pavillon de ressourcement dirigé par le SCC et deux autres établissements visés à l’article 81 dans la région des Prairies, aucun de ces pavillons dirigés par le SCC n’est offert aux femmes au Manitoba. Cela fait croître de façon radicale la probabilité que des femmes autochtones soient envoyées à l’extérieur de leur région d’appartenance. Les déplacements et réinstallations forcés par l’État ont laissé des traces historiques profondes attribuables à la privation des droits des peuples autochtones dans ce pays, et comme nous l’avons entendu durant nos entrevues, de nombreuses femmes ont parlé d’une grande réticence à quitter leur communauté d’appartenance et leur réseau de soutien. Les bouleversements qui découlent du déplacement obligé loin de chez soi ont des conséquences négatives sur la cohésion communautaire et familiale, la santé mentale et le bien-être dans son ensemble. Outre d’autres traumatismes, un grand nombre de ces femmes s’efforcent de guérir des conséquences intergénérationnelles particulières du déplacement, ce qui fait que les transfèrements interrégionaux non sollicités peuvent avoir un effet déclencheur et interrompre le processus de guérisonFootnote 42. L’ajout indispensable de pavillons de ressourcement pour femmes visés à l’article 81 est clairement établi, en particulier des pavillons qui acceptent les femmes ayant une cote de sécurité supérieure et des besoins complexes. De plus, l’utilisation accrue d’autres options disponibles par le Service, comme des accords d’échange de services avec des organismes provinciaux, permettrait d’atténuer certaines des pressions sur la population et de réduire de façon importante le nombre de femmes autochtones séparées de leur famille, de leur communauté et de leur réseau de soutien.
2. Répercussions négatives sur l’accès aux visites, à la collectivité et aux réseaux de soutien social
Alors que le but d’avoir cinq établissements régionaux était de réduire la séparation géographique des femmes de leur famille et de leurs ressources communautaires, bon nombre de femmes continuent d’être placées loin de ces réseaux de soutien importants. Cette distance a des conséquences sur la durabilité de ces relations et nuit à la santé mentale, au bien-être et à la motivation des femmes ainsi qu’à leur estime d’elles-mêmes. Malheureusement, la réalité est que beaucoup de familles n’ont pas les moyens financiers de voyager sur de longues distances pour rendre visite à leur proche dans ces établissements. Pour alourdir encore davantage le fardeau financier, certains établissements exigent que la femme incarcérée et ses visiteurs prévus participent d’abord à trois visites régulières en personne avant qu’une visite familiale privée (VFP) soit prise en considération aux fins d’approbationFootnote 43. Cela signifie que les membres de famille qui peuvent se permettre de voyager doivent prévoir un plan et un budget en vue d’un long séjour dans le but de suivre les étapes supplémentaires qui nécessitent de prendre part avec succès à des visites régulières pour « mériter » une VFP. Cependant, aucune exigence n’est prévue dans la politique ou au chapitre de l’Évaluation de la menace et des risques pour les VFP quant à la participation à des visites en personne avant d’être admissible aux VFP.
La recherche menée par le SCC a confirmé que les individus incarcérés qui reçoivent la visite d’amis et de membre de famille et bénéficient d’un soutien dans la collectivité connaissent davantage de succès lorsqu’ils sont remis en liberté dans la collectivitéFootnote 44. Bien que l’importance d’entretenir ces liens au moment d’évaluer le caractère convenable d’un transfèrement, les pressions sur la population et l’absence d’espace devient la principale priorité opérationnelle :
L’EGC n’appuie pas le maintien de [la femme incarcérée] à l’EEF parce qu’il est jugé que sa mère est un facteur de protection pour elle et une source positive de soutien, alors qu’elle en est à l’étape de l’adaptation à sa peine à perpétuité. De plus [la femme incarcérée] bénéficie du soutien du réseau de recherche sur le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale et d’un travailleur communautaire qui a envoyé une lettre dans laquelle il recommande [qu’elle] reste à Edmonton. L’EEF fait face à des pressions extrêmes sur la population à l’Unité de garde en milieu fermé et par conséquent, l’auteur a reçu une demande de placement pénitentiaire à l’extérieur [sic] de l’EEF.
- Extrait d’une Évaluation en vue d’une décision
De plus, dans le but de justifier les transfèrements interrégionaux non sollicités, le SCC a encouragé l’utilisation d’options de rechange virtuelles pour la communication :
… Les visites par vidéo sont accessibles, peu importe l’établissement où vous vous trouvez. De plus, vous pouvez communiquer avec votre famille par d’autres moyens comme des appels vidéo, des appels téléphoniques et la correspondance écrite.
- Extrait d’une décision du SCC
Certaines femmes ont signalé à mon bureau que les visites par vidéo sont impersonnelles et peuvent causer de la confusion pour les enfants. En conséquence, elles choisissent de ne pas s’en prévaloir. Il s’agit là d’un moyen de rechange inadéquat aux visites en personnes et les femmes disent se sentir coupables, isolées, seules et déprimées en raison du manque de lien physique avec les êtres chers. De nombreuses femmes se sont montrées émotives et ont pleuré en racontant leurs expériences à mon personnel. De plus, la plupart des femmes incarcérées sont aussi des mères et un transfèrement loin de leur région ou collectivité d’appartenance rend leur participation au Programme mère-enfant quasi impossible.
3. Augmentation des incidents de sécurité
La surpopulation dans un milieu institutionnel entraîne certains défis significatifs sur le plan de la gestion de la population. Les chiffres étant à la hausse, certains établissements pour femmes ont été forcés de mettre en œuvre des stratégies d’intégration et de gestion de la population. Bien que des efforts soient déployés pour éviter la mise en place de sous-populations et de regroupements en cohorte, une hausse généralisée de la violence, des incidents et des défis opérationnels a rendu cela inévitable. La direction du SCC a mentionné à mon bureau que l’utilisation accrue de la médiation entre les résidents, de même que des réunions de maison et des cercles de discussion ont été requis pour atténuer les tensions. De plus, il est signalé qu’il est de plus en plus difficile de gérer les groupes menaçant la sécurité (GMS); 82 femmes incarcérées figurent sur la liste des personnes affiliées à un GMSFootnote 45.
Le principe issu de La création de choix qui appelle à la nécessité d’offrir un milieu sécuritaire et réceptif perd rapidement de sa force. Dans les deux établissements pour femmes qui dépassent actuellement leur capacité pondérée initiale, soit l’EEF et l’EGVF, les incidents semblent hors de contrôle. Au cours des cinq dernières années, les incidents ont plus que triplé à l’EEF, passant de 383 incidents en 2019-2020 au nombre renversant de 1 244 incidents en 2023-2024. Les incidents liés au comportement (c.-à-d. les problèmes disciplinaires et les perturbations) ont connu une hausse de près de 900 %, les incidents liés aux objets interdits ont augmenté de plus de 300 % et les incidents impliquant des voies de fait ont doublé. Les incidents à l’EGVF ont aussi connu une hausse importante, avec une augmentation de près de 85 % au cours des cinq dernières années, ainsi qu’une augmentation qui ne passe pas inaperçue dans les mêmes domaines qu’à l’EEF. Étant donné la prévision selon laquelle la population de femmes continuera de croître, la situation risque de devenir encore plus ingérable et dangereuse.
GRAPHIQUE 3. NOMBRE TOTAL D’INCIDENTS PAR EXERCICE À L’EGVF ET À L’EEF DE 2019-2020 À 2023 2024
4. Barrières linguistiques dans la région du Québec
Pour les femmes incarcérées dans un établissement fédéral qui ont peu l’occasion de s’exprimer dans leur langue à leur établissement d’accueil, voire aucune, les obstacles à la communication, la frustration, la solitude et l’aliénation sont des expériences courantesFootnote 46. Sur le plan historique, les femmes francophones ont dû surmonter des obstacles liés à la langue, et la construction de l’Établissement Joliette, l’établissement régional pour femmes au Québec, a réglé en grande partie ce problème. Cependant, aujourd’hui, la langue que privilégient officiellement un peu plus du quart des femmes incarcérées à l’Établissement de Joliette est l’anglais. Au cours des cinq dernières années, 26 des 28 femmes qui ont fait l’objet d’un transfèrement interrégional à l’Établissement de Joliette sont d’expression anglaise. La Loi sur les langues officielles exige que les établissements fédéraux fournissent les services dans la langue officielle choisie par l’individu. Malgré cela, la documentation sur la gestion de cas du SCC prouve que cette exigence n’est pas satisfaite :
Le manque de ressources en anglais et le personnel francophone est assez irritant pour [la personne incarcérée], alors que [la personne incarcérée] souhaite recommencer à participer à [son Plan correctionnel], mais n’en a pas l’occasion (…) [La personne incarcérée] réagit face à la barrière linguistique (…)
Le SCC contrevient à la Loi en prenant des décicions qui indiquent qu’il est possible de répondre efficacement aux besoins des femmes anglophones à l’Établissement de Joliette.
(…) Le SCC convient que ce placement pénitentiaire donne (…) accès à un milieu culturel et linguistique compatible et aux programmes appropriés.
- Extrait d’une décision du SCC
Des femmes anglophones ont signalé à mon bureau qu’elles ne se sentent pas capables d’intégrer la population de façon significative à Joliette. De plus, la capacité de cet établissement de répondre aux besoins de ces femmes en matière de programmes correctionnels ne suffit pas et cela nuit à la capacité des femmes de passer à un niveau de sécurité inférieur, de même qu’à leur potentiel de réinsertion sociale.
Une fois de plus, les femmes autochtones sont touchées de façon disproportionnelle par cet enjeu; le manque de ressources en anglais nuit à la prestation des services culturels qui sont nécessaires. L’Établissement de Joliette n’a ni Aîné à temps plein ni Aîné parlant anglais et au moment de la rédaction du présent rapport, qu’il hébergeait 14 femmes autochtones anglophones dont 10 attendaient de participer aux programmes. Malgré tout, les transfèrements sont soutenus et entrepris sous prétexte que des services de soutien culturel sont offerts :
Dans votre refus, vous soulignez que vous souhaitez communiquer avec un Aîné et renouer avec vos enfants. Le directeur d’établissement a pris vos commentaires en considération et a maintenu sa décision de vous transférer [à l’Établissement de Joliette] en raison de pressions opérationnelles à l’EEF… Ce placement vous offre des accommodements et un accès aux interventions requises, y compris celles qui ont un lien avec votre culture autochtone.
- Extrait d’une décision du SCC
Bien que les Aînés soient très ouverts et fassent preuve d’une grande souplesse en tentant du mieux qu’ils peuvent de soutenir les besoins de différentes populations en incorporant des enseignements d’autres régions et en employant des moyens non verbaux pour communiquer en présence d’une barrière linguistique, ces accommodements sont souvent très difficiles à concrétiser en temps réel, étant donné que la comparaison et la traduction des enseignements constituent une tâche ardue. Conformément à ce qui figure dans mon rapport Dix ans depuis Une question de spiritualité, les Aînés sont des conseillers spirituels qui sont au cœur du processus de guérison, dans le cadre de cérémonies, d’enseignements et de counseling, et qui doivent obtenir les ressources adéquates pour accomplir ce travail important. Il est inapproprié, injuste et irrespectueux de s’attendre à ce que les Aînés assument leurs fonctions en composant avec les entraves supplémentaires que sont les pressions et les barrières qui leurs sont imposées.
Conclusion : Un problème national de gestion de population
Bien que le SCC ait affirmé à mon bureau plusieurs fois que les pressions sur la population dans les établissements pour femmes constituent une priorité, aucune stratégie officielle de gestion de la population n’a encore été élaborée. Au niveau de l’établissement, les directeurs et leur équipe de direction examinent la population régulièrement afin de déterminer les candidates pouvant voir leur cote de sécurité abaissée, ainsi que les transfèrements vers un pavillon de ressourcement ou un établissement visé à l’article 81, et ils sondent la population pour identifier des personnes pouvant faire l’objet d’un transfèrement sollicité. Bien que ces efforts puissent être utiles, il ne s’agit pas d’une stratégie officielle à l’échelle nationale. Le SCC a informé mon bureau qu’actuellement, les placements pénitentiaires et les transfèrements interrégionaux sont pris en considération du point de vue national. Le SCC a assuré ceci à mon bureau : « Des efforts concertés sont déployés pour veiller à la préparation des cas en temps opportun et à l’efficacité du processus décisionnel en tenant compte de la durée des peines, du soutien familial et communautaire durant l’incarcération, de la préparation à la mise en liberté et de l’accès aux programmes, entre autresFootnote 47 ». Malgré les bonnes intentions du SCC, dans les faits, ces exigences, bien que légitimes, sont inatteignables dans de nombreux cas, surtout en présence d’une augmentation des pressions sur la population et d’options limitées, à ce stade-ci. Il y a là une coupure entre l’effort et l’intention et ce qui est plausible et qui se produit réellement.
Tel que démontré ci-haut, l’augmentation du nombre de femmes qui purgent une peine de ressort fédéral n’a pas été soudaine ou inattendue. Au contraire, ces tendances démographiques se produisent de façon stable depuis des dizaines d’années. Le Service a eu amplement d’avertissements, de temps et d’occasions pour élaborer un plan de gestion de la population en tenant compte de ces changements démographiques. Cela dit, l’absence de progrès observable vers une stratégie nationale de gestion de la population de délinquantes est inacceptable. Cela a fait en sorte de causer un état de crise dans les établissements correctionnels pour femmes qui aurait pu être évité. De plus, le fait que les femmes autochtones sont touchées de manière excessive par les symptômes et les résultats des pressions sur la population équivaut à de la discrimination systémique et à une violation flagrante des obligations du Canada au chapitre des droits de la personne.
Le SCC a informé mon bureau qu’il étudie activement des options dans le but de relever les défis que représentent le nombre grandissant de femmes incarcérées dans un établissement fédéral, y compris des négociations avec les provinces, les partenaires communautaires et les communautés des Premières Nations. Toutefois, au moment de la rédaction du présent rapport, mon bureau n’a été ni informé ni consulté quant à une planification ou des solutions quelconques en vue d’une gestion efficace de la population de délinquantes au Canada. Les efforts déployés par ce bureau pour obtenir de l’information sur un quelconque plan ont de plus été contrecarrés et n’ont rien donné. Je tiens à souligner clairement que mon bureau n’appuie que les efforts cohérents à l’égard du principe de La création de choix et ceux qui favorisent la mise en liberté à la première occasion des délinquantes dans la collectivité, en particulier les femmes autochtones. Toute « solution » menant à l’incarcération de plus de femmes autochtones, par exemple de nouveaux projets d’infrastructure qui visent à accroître la capacité dans des unités à sécurité maximale, ou tout simplement la capacité générale, est inacceptable et non conforme aux autres priorités du gouvernement, y compris la réconciliation. Une stratégie nationale de gestion de la population doit viser à soutenir les besoins uniques des femmes et à accélérer leur réinsertion sociale dans la collectivité. Mon bureau surveillera activement l’évolution de cette stratégie au cours de la prochaine année et s’attend à être consulté pour ce qui est des plans à court, moyen et long terme qui permettront d’aborder et d’atténuer les pressions sur la population.
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Je recommande que le SCC élabore une stratégie nationale de gestion de la population qui concerne les femmes et qui comporte :
- l’utilisation accrue des accords d’échange de services afin que les femmes puissent purger leur peine à proximité de leur communauté d’appartenance et de leurs ressources sociales;
- l’utilisation accrue des pavillons de ressourcement visés à l’article 81 dirigés par la collectivité ainsi que des ententes et des libérations en vertu de l’article 84;
- une stratégie exhaustive de libération dans la collectivité des délinquantes et la réaffectation de ressources dans la collectivité;
- Augmentation de ressources dédiées à la gestion des cas complexes.
Six ans après le Modèle d’engagement et d’intervention : Résultats mitigés quant au recours à la force dans les établissements autonomes à sécurité maximale et concernant les prisonniers vulnérables
Au cours des dernières années, mon Bureau a soulevé la question de la hausse des recours à la force comme mesure d’intervention face aux incidents qui surviennent en prison et exprimé ses préoccupations tant au sujet de la proportion accrue de tels incidents qu’au sujet des types de force (en particulier l’utilisation d’un aérosol inflammatoire) utilisés contre des prisonniers en situation de vulnérabilité. Cette catégorie de prisonniers comprend des individus qui vivent une grave détresse physique et/ou psychologique et qui peuvent afficher des comportements qui sont liés à leur santé mentale, dont des incidents d’automutilation et des tentatives de suicide.
Comme mentionné par mon Bureau dans divers rapports, la force est jugée superflue ou disproportionnée lorsqu’il est possible de gérer le risque sans recours à la force ou au moyen d’une force moindre.
La promesse du Modèle d’engagement et d’intervention (MEI)
En réponse aux constatations et aux recommandations formulées dans mon Rapport spécial soumis au Parlement en mai 2017 au sujet du décès tragique et évitable de Matthew Hines au Pénitencier de DorchesterFootnote 48, et à la lumière des conclusions des rapports d’enquêtes de trois établissements à sécurité maximaleFootnote 49, le SCC a répondu en présentant un nouveau Modèle d’engagement et d’intervention (MEI) dont le but était d’apporter des changements.
En abandonnant le Modèle de gestion de situations (MGS) en faveur du Modèle d’engagement et d’intervention (MEI) en janvier 2018, le Service a annoncé que le nouveau modèle était conçu pour mettre l’accent sur « l’importance des interventions non physiques et des techniques pour désamorcer des incidents, et pour établir des protocoles d’interventions clairs lors de situations de détresse physique ou psychologiqueFootnote 50 ». Selon la Directive du Commissaire (DC) 567, Gestion des incidents, les protocoles d’intervention du nouveau modèle nécessitaient d’effectuer ce qui suit :
- Prendre en compte la santé et le bien-être du détenu sur le plan psychologique et/ou physique, ainsi que la sécurité des autres personnes et de l’établissement.
- Favoriser, dans la mesure du possible, une résolution de l’incident par la négociation et/ou par une intervention verbale.
- Se limiter à ce qui est nécessaire et proportionnel.
- Prendre en compte l’évolution de la situation à l’aide d’une évaluation et d’une réévaluation continues.
- Au moment d’évaluer une intervention, les membres du personnel doivent prendre en compte les nombreux partenaires disponibles [comme les professionnels de la santé] pour créer une intervention concertée et appropriée.
- La présence de membres du personnel devrait être utilisée de façon générale et stratégique afin de prévenir et de régler les incidents. À elle seule, la présence d’un employé adoptant des attitudes et des comportements positifs peut permettre de désamorcer une situationFootnote 51.
À ce moment, mon Bureau a accueilli favorablement cette nouvelle approche, particulièrement en raison du nombre élevé d’incidents liés au recours à la force dans les prisons cette année-là (1 536 en 2018-2019). L’équipe de mon Bureau dédiée aux revues des recours à la force avait analysé 1 914 incidents (un niveau record pour le Bureau) produits entre octobre 2016 et février 2018. Des 1 914 incidents examinés par mon Bureau, nous avons découvert que 46 % impliquaient l’utilisation d’aérosols inflammatoires ou des agents chimiquesFootnote 52.
Durant la même période, l’examen sur les trois établissements à sécurité maximale choisis par mon Bureau a révélé que dans la plupart des cas, l’utilisation des agents inflammatoires avait remplacé les interventions verbales et les stratégies de résolution de conflit comme la négociation et le désamorçage pour gérer les incidents réels ou potentiels d’automutilation.
Si les mesures liées à la mise en œuvre du nouveau modèle devaient correspondre aux objectifs établis du Service, mon Bureau s’attendait à constater, au fil du temps, une réduction des incidents de recours à la force à travers le pays (en faveur d’autres interventions et stratégie de gestions des incidents), ainsi qu’une réduction de l’utilisation des aérosols inflammatoires et des agents chimiques au cours d’incidents impliquant entre autres des prisonniers vulnérables.
Six ans plus tard, les faits sont moins reluisants, bien que l’on puisse observer certains signes encourageants à d’autres égards. Je dois une fois de plus attirer l’attention du Service sur des tendances inquiétantes qui concernent le recours à la force.
Une tendance préoccupante
Comme rappel, dans mon rapport annuel de 2020-2021 j’avais comme centre d’intérêt une « Enquête sur les recours à la force impliquant des détenus fédéraux noirs, autochtones, de couleur (PANDC) et d’autres populations vulnérables », où j’ai constaté une augmentation des cas de recours à la force entre 2015-2016 et 2020-2021, en plus du fait que l’aérosol inflammatoire et les agents chimiques étaient les mesures les plus couramment utilisées (représentant entre 40 % et 47 % des types de force utilisés chaque année).
Étant donné que le MEI n’en était qu’à sa deuxième année, j’ai recommandé que le SCC l’évalue de façon approfondie dans le but d’apporter des changements qui réduiraient la nécessité du besoin des recours à la force dans l’ensemble, en particulier les aérosols inflammatoires. J’ai également demandé au Service de fournir des stratégies concrètes de résolutions qui excluent la force pour répondre aux incidents en établissement et que celles-ci soient fondées sur des recherches actuelles.
Dans le même rapport, un examen des incidents de recours à la force impliquant des personnes en situation de vulnérabilité a été mené en ce qui concerne tous les incidents survenus entre avril 2015 et octobre 2020. Il a révélé que près de la moitié (46 %) des personnes impliquées dans un incident de recours à la force avaient des antécédents d’automutilation ou de tentative de suicide. À cette fin, j’ai recommandé que le SCC examine et révise sa politique et ses pratiques quant à l’utilisation d’aérosol inflammatoire durant les incidents qui traitent d’automutilation et de suicide dans le but de réduire leur utilisation dans le cadre des interventions avec des détenus en crise qui éprouvent de graves problèmes de santé mentale.
Évaluation à mi-mandat du MEI par le SCC
En juin 2021, le SCC a publié une évaluation interne du MEI dans laquelle il a reconnu qu’alors que les tendances étaient positives en général à certains égards depuis la mise en œuvre du MEI, les constatations de l’évaluation n’appuyaient pas l’affirmation de réduction globale du recours à la force au cours d’incidents en établissements. De plus, selon le Service, les constatations suggéraient la nécessité d’aborder la fréquence accrue du recours à la force contre des détenus de diverses sous-populations, y compris les personnes vulnérables en raison de problèmes de santé mentaleFootnote 53.
L’évaluation a donné lieu à cinq recommandations majeures, dont deux qui ont attiré mon attention. Elles concernent deux aspects importants que vise le MEI, c’est-à-dire la prise en considération de la détresse psychologique (recommandation 2) et l’efficacité des mesures correctives et disciplinaires dans le cas de violations flagrantes de la politique par le personnel (recommandation 4)Footnote 54.
Le MEI six ans plus tard : Résultats mitigés dans les établissements autonomes à sécurité maximale
L’enquête dont il est question ci-dessous aborde les effets du MEI (en mettant en œuvre les leçons retenues par le SCC dans le cadre de sa propre évaluation de 2021) sur la gestion des incidents par le Service au cours des six années qui ont suivi l’adoption du modèle.
Dans le contexte du rapport annuel de cette année, mon Bureau a prêté attention aux établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes qui sont connus pour générer un nombre élevé d’incidents de toutes sortes. De plus, ces établissements hébergent un nombre important de personnes incarcérées vulnérables qui ont des problèmes de santé mentale, en particulier celles qui résident dans les unités et rangées de suivi thérapeutique qui sont en place pour répondre aux besoins d’intensité modérée en santé mentale.
POINTS SAILLANTS DES CONSTATATIONS CLÉS
- Bien que l’adoption du MEI ait été accompagné d’un « plan national de mise en œuvre de la formation » Footnote 55 destiné au personnel occupant différentes fonctions professionnelles, cela n’a donné lieu à aucune réduction du recours à la force dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes. Cette tendance touche aussi l’ensemble du système correctionnel fédéral.
- Le taux d’incidents uniquesFootnote 56 de recours à la force aux établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes a augmenté de 441 sur 1 000 individus incarcérés en 2018-2019 à 651 sur 1 000 en 2023-2024.
- Depuis l’adoption du MEI, les incidents de recours à la force aux établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes représentent 46 % de tous les incidents de recours à la force à l’échelle nationale, même si ces établissements abritent environ 10 % de tous les détenus incarcérés au niveau fédéral.
- Au cours des six années qui ont suivi l’adoption du MEI, 58 % des cas d’utilisation d’aérosol inflammatoire et d’agents chimiques au sein du système correctionnel fédéral ont eu lieu dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes.
- Comme durant l’année qui a précédé l’adoption du MEI, les actes d’automutilation demeurent le troisième type d’incident le plus courant qui amènent à des recours à la force dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes (8 % des incidents).
- Le taux de recours à la force reliés aux incidents d’automutilation, de tentatives de suicide et de surdoses dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes est resté stable entre 2018-2019 à 2023-2024.
Données sur le recours à la force au sein du système correctionnel fédéral (de 2018-2019 à 2023-2024)
L’analyse suivante utilise l’exercice 2017-2018 comme année de départ, étant donné qu’il s’agit de l’année fiscale durant lequel le MEI a été adopté, alors que le changement en tant que tel peut être observé à partir de 2018-2019. Comme le montrent les données du SCC, le taux de recours à la force par 1 000 personnes dans tous les établissements fédéraux a augmenté presque sans interruption entre 2017-2018 et 2020-2021 pour atteindre un sommet au plus fort durant la pandémie de COVID-19, et ce taux est resté relativement stable depuis.
GRAPHIQUE 1. TAUX DE RECOURS À LA FORCE PAR 1 000 INDIVIDUS INCARCÉRÉS PAR EXERCICE (DE 2017-2018 À 2023-2024)
En réalité, le nombre total d’incidents uniques de recours à la force dans un établissement fédéral a augmenté de 36,8 %, passant de 1 536 en 2018-2019 à 2 101 en 2023-2024, comme le montre le graphique ci-dessous.
GRAPHIQUE 2. NOMBRE D’INCIDENTS UNIQUES DE RECOURS À LA FORCE PAR EXERCICE (DE 2017-2018 À 2023-2024)
Recours à la force dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommesFootnote 57
L’augmentation globale du recours à la force dans le système correctionnel fédéral, comme le montre le tableau ci-dessus, est grandement attribuable à une augmentation de 52 % des incidents de recours à la force dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes (de 642 cas en 2018-2019 à 977 en 2023-2024). Il s’agit là d’une situation qui devrait attirer l’attention du SCC plus que jamais, étant donné son ampleur et du prolongement d’une telle tendance qui ne pourra être interrompu sans la mise en place de mesures décisives et immédiates.
GRAPHIQUE 3. POURCENTAGE DE TOUS LES INCIDENTS UNIQUES DE RECOURS À LA FORCE DANS LES ÉTABLISSEMENTS AUTONOMES À SÉCURITÉ MAXIMALE PAR RAPPORT AUX AUTRES ÉTABLISSEMENTS
On ne peut attribuer un tel écart exclusivement au fait que ces établissements hébergent des détenus à des niveaux de sécurité élevés, qui ont commis des crimes violents ou qui sont identifiés comme affiliés à des groupes menaçant la sécurité (GMS), comme le Service le soulignait dans un rapport rédigé récemmentFootnote 58. Les techniques de désamorçage comme la négociation ou l’interaction verbale demeurent des solutions de rechange qui devraient être prises en considération en tout temps, peu importe le profil de l’individu, ses infractions antérieures ou les antécédents de mesures disciplinaires des personnes impliquées dans l’incident.
Les motifs du recours à la force dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes
Les motifs des recours à la force dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes sont restés les mêmes depuis l’adoption du MEI. Les trois types d’incidents principaux qui ont entraîné des recours à la force entre 2018-2019 et 2023-2024 sont et continuent d’être le « comportement » (46 %), les « voies de fait » (39 %) et l’« automutilation » (8 %).
Au cours de cette enquête, ce qui a immédiatement attiré mon attention est le fait que le nombre de recours à la force liés à des incidents d’automutilation dans les établissements à sécurité maximale n’a pas changé dans les six années suivant l’adoption du MEI. Quarante-deux incidents d’automutilation ont été « réglés » en recourant à la force au cours de l’année précédant l’adoption du MEI (2017-2018; 8 % de tous les incidents de recours à la force), comparativement à 59 incidents au cours de la première année suivant l’adoption du MEI (ou 9 % de tous les incidents de recours à la force). Cette tendance a demeuré avec 59 incidents en 2023-2024 (ou 8 % de tous les incidents de recours à la force).
Bien qu’il puisse être encourageant de constater que la situation ne s’est pas aggravée en six ans, pour les détenus vulnérables dans les établissements autonomes à sécurité maximale, le EIM n’a eu aucun bienfait mesurable sur le succès de la recommandation de la Division de l’évaluation voulant que le SCC « conçoive des options pour accroître sa capacité d’intervention en cas d’incidents liés à la santé mentale et à la détresse physique ».
Types de recours à la force principalement utilisés dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes
Axé sur le contrôle physique
Depuis 2018-2019, les types de force les plus fréquemment utilisés dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes sont restés inchangés; les incidents de contrôle physique ont représenté 29 % (2 403) de tous les recours à la force au cours des six dernières années (N = 8 390). Le tableau suivant montre les types de force principaux utilisés dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes entre 2018-2019 et 2023-2024 regroupés en quatre catégories, soit aérosol inflammatoire, agents et munitions chimiques, mesures non inflammatoires et non létales, matériel de contrainte, armes à feu, et autres types de force.
TABLEAU 1. TYPES DE FORCE PRINCIPAUX UTILISÉS DANS LES ÉTABLISSEMENTS AUTONOMES À SÉCURITÉ MAXIMALE POUR HOMMES (DE 2018-2019 À 2023-2024)
EXERCICE |
AÉROSOL
ET MUNITIONS INFLAMMATOIRES (a) |
MESURES NON
INFLAMMATOIRES ET NON LÉTALES (b) |
MATÉRIEL DE
CONTRAINTE (c) |
ARMES À FEU (d) |
AUTRES
TYPES DE FORCE |
TOTAL |
2018-19 | 469 (43,0 %) | 326 (29,9 %) | 205 (18,8 %) | 14 (1,3 %) | 77 (7,1 %) | 1,091 (100%) |
2019-20 | 669 (49,0 %) | 378 (27,7 %) | 244 (17,9 %) | 18 (1,3 %) | 56 (4,1 %) | 1,365 (100%) |
2020-21 | 760 (48,7 %) | 469 (30,1 %) | 282 (18,1 %) | 13 (0,8 %) | 36 (2,3 %) | 1 560 (100 %) |
2021-22 | 672 (50,0 %) | 428 (31,8 %) | 216 (16,1 %) | 16 (1,2 %) | 12 (0,9 %) | 1 344 (100%) |
2022-23 | 709 (48,4 %) | 484 (33,0 %) | 228 (15,6 %) | 16 (1,1 %) | 28 (1,9 %) | 1 465 (100 %) |
2023-24 | 750 (47,9 %) | 520 (33,2 %) | 262 (16,7 %) | 15 (1,0 %) | 18 (1,2 %) | 1 565 (100 %) |
TOTAL | 4 029 (48,0 %) | 2 605 (31,0 %) | 1 437 (17,1 %) | 92 (1,1 %) | 227 (2,7 %) | 8 390 (100 %) |
Remarque : Les totaux ne représentent pas le nombre d’incidents de recours à la force, puisque plusieurs mesures peuvent avoir été prises à l’égard d’un même incident.
a. Comprend toutes les mesures utilisant des agents inflammatoires et des agents chimiques.
b. Comprend le contrôle physique et l’utilisation de boucliers, d’appareils de diversion et de matraques.
c. Comprend des menottes, des menottes flexibles, les contraintes aux pieds et des ceintures de force.
d. Comprend l’utilisation, le ciblage, le déploiement, l’affichage et la décharge d’une arme à feu.
Utilisation accrue des agents inflammatoires et d’agents chimiques
Les analystes du BEC ont constaté que, depuis l’introduction du MEI, l’utilisation d’agents déclenchant une réaction inflammatoire et d’agents chimiques n’a pas diminué entre 2018-2019 et 2023-2024 dans les établissements à sécurité maximale pour hommes. Plus précisément, il y a eu une augmentation de l’utilisation d’agents inflammatoires de 2018-2019 à 2021-2022 (de 43 % à 50 %), avec une légère diminution de 2,1 points de pourcentage depuis.
Cette constatation inquiétante reflète une tendance générale dans l’ensemble du système correctionnel fédéral. En fait, l’enquête a révélé qu’au cours des six années suivant l’introduction du MEI, 58 % des cas d’utilisation des agents inflammatoires et d’agents chimiques dans le système correctionnel fédéral ont eu lieu dans des établissements à sécurité maximale pour hommes, c.-à-d. lors de 4 029 incidents sur un total de 6 962 incidents.
De plus, un examen sommaire des données disponibles suggère que les agents inflammatoires et les agents chimiques continuent d’être utilisés sur des personnes vulnérables qui s’automutilent, tentent de se suicider ou font une surdose, et les taux sont demeurés pratiquement inchangés depuis même avant l’introduction du MEI.
Mon Bureau examinera de plus près le recours à la force chez les personnes souffrant de troubles de santé mentale et de problèmes de dépendance dans le prochain rapport annuel. Pour l’instant, nous ne pouvons que sympathiser avec le personnel non clinique du SCC qui est obligé de répondre aux personnes en détresse psychologique aiguë ou qui présentent des comportements difficiles qui nécessitent des suivis thérapeutiques spécialisés. En effet, le Bureau entend souvent des plaintes de la part du personnel sur les difficultés d’initier des transferts d’établissement à sécurité maximale vers des centres régionaux de traitement.
Comme l’illustre le graphique 4, les types de force les plus fréquemment utilisées dans les établissements à sécurité maximale pour hommes sont demeurés pratiquement inchangés depuis l’introduction du MEI. L’absence de réductions importantes pour chacun de ces types de force est inacceptable et laisse entendre que le SCC devra redoubler ses efforts pour atteindre les objectifs initiaux du MEI.
« Oui, on a eu trop souvent recours à la force contre X. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il ne devrait pas être ici. X ne devrait pas être dans un établissement à sécurité maximale. Nous avons demandé à plusieurs reprises qu’il soit transféré à un CRT, mais la région n’est pas d’accord avec nous. Nous essayons de faire de notre mieux, mais comme vous pouvez le voir, ce n’est pas facile. »
– Gestionnaire du SCC, en discussion avec un enquêteur du BEC, concernant un détenu qui a une longue histoire de troubles de santé mentale et qui a subi un grand nombre d’incidents de recours à la force au cours de la dernière année
GRAPHIQUE 4. POURCENTAGE DES CAS DE RECOURS À LA FORCE DANS LES ÉTABLISSEMENTS À SÉCURITÉ MAXIMALE SELON LE TYPE ET L’EXERCICE (2018-2019 À 2023-2024)
Conclusions et recommandations
Mon Bureau reconnaît que, lorsqu’il analyse les interventions où on a eu recours à la force, chaque incident individuel est assujetti aux deux critères susmentionnés de la « nécessité » et de « proportionnalité ». Néanmoins, le fait que les changements espérés en remplaçant le MGS par une approche « axée sur la personne » n’ont pas été reflétés dans la gestion du recours à la force dans les établissements à sécurité maximale au cours des six dernières années est une source de préoccupation. Cela ne fait que confirmer l’effet mitigé du MEI sur la gestion du recours à la force au sein du système carcéral fédéral en général, et plus particulièrement au sein des établissements à sécurité maximale pour hommes.
L’enquête montre que, lorsqu’on met l’accent sur les établissements à sécurité maximale pour hommes, l’objectif déclaré du SCC de prioriser des « interventions non physiques et axées sur le désamorçage dans le cadre des incidents » n’est pas soutenu par une diminution du nombre d’incidents de recours à la force, par un changement dans les types de force utilisés, ou par une réduction de l’utilisation d’agents inflammatoires, même dans les situations impliquant des détenus vulnérables.
Les trois incidents présentés à la fin de cette section démontrent que contrairement à deux des principales recommandations internes du SCC au moment de l’évaluation du MEI en 2021, la considération des problèmes de santé mentale, ainsi que l’importance de mesures correctives à la suite de graves violations de la loi ou de politique par certains agents de première ligne, n’a pas toujours guidé les mesures du SCC tel qu’observé dans la période visée par le présent rapport. Toutefois, sans mesure concrète à l’égard de ces deux aspects (entre autres), il serait illusoire de s’attendre à un réel changement.
- Je recommande au SCC d’évaluer toutes les stratégies mises en place en réponse aux recommandations qu’il a formulées dans l’évaluation du MEI de juin 2021 et de publier les mesures qu’il a prises pour réduire le recours à la force, accroître la capacité de réagir aux incidents reliés à la santé mentale et la détresse physique, et veiller à ce que les infractions à la loi ou aux politiques ne soient pas impunies.
Exemples de recours à la force inappropriés dans le cadre d’incidents dans les établissements à sécurité maximale pour hommes
Échec manifeste de tenir compte de l’historique de santé mentale au moment d’intervenir en cas d’incidents
Remarque : Des considérations liées au genre ont été notées à l’égard de cette personne. Elle a une longue histoire documentée de troubles de santé mentale, de comportements à risques suicidaires et de comportements d’automutilation. On a recouru à la force par moins de 60 fois contre cette personne au cours des six dernières années.
Le 5 août 2020, le prisonnier est retourné à l’Établissement de Kent après avoir séjourné au Centre régional de traitement (CRT) et a été escorté par l’Équipe d’intervention en cas d’urgence (ÉIU). Environ 30 minutes plus tard, elle a commencé à causer des perturbations en brisant des manches de balai, en bloquant la glissière supérieure et en bloquant les ports d’armes. À chaque fois que la porte du port d’arme du poste de contrôle était ouverte, elle essayait de poignarder les agents à l’aide des manches de balai.
Un agent du poste de contrôle a tiré deux projectiles à impact, et a initialement raté. Le deuxième projectile a ricoché sur le mur et a atteint l’individu à la bouche. Le personnel s’est précipité pour les sécuriser avant de les décontaminer et de les escorter vers une cellule d’observation sous surveillance accrue.
Quelques heures plus tard, la personne a rouvert deux blessures antérieures au bras, et une quantité importante de sang s’est rapidement répandue sur le sol. Elle a été escortée à un hôpital voisin pour obtenir une aide médicale et a ensuite été réadmis CRT.
Les examens locaux et régionaux initiaux effectués par le SCC étaient d’accord, en notant que le projectile à impact qui a ricoché sur le mur était un « accident », et ils ont déterminé que le recours à la force était approprié compte tenu des circonstances. L’administration régionale a par la suite modifié sa position concernant l’utilisation des projectiles à impact, jugeant qu’elle n’était pas proportionnelle à la situation.
L’examen du recours à la force effectué par le Bureau a relevé plusieurs lacunes, notamment l’absence d’intervention pour désamorcer la situation et l’insuffisance des communications entre les membres du personnel qui sont intervenus dans cet incident. On ne sait pas non plus pourquoi des projectiles à impact direct ont été tirés alors qu’une intervention était déjà en cours. Sans visibilité directe, il était irresponsable de tirer des projectiles à impact direct, tout en ayant une visibilité « principalement obstruée ».
En plus d’un certain nombre de préoccupations concernant la qualité et la rigueur générales des examens effectués par le SCC, il y avait des écarts notables entre les examens initiaux et finaux de l’administration régionale. Il est intéressant de souligner que l’examen de l’administration régionale présentait le même avis que celle dans l’examen institutionnel, puis l’administration régionale a révisé sa position environ deux mois et demi plus tard sans fournir de justification pour expliquer les changements, à part le fait que d’autres « discussions importantes » ont eu lieu au niveau régional.
Même prisonnier (ci-dessus), même approche – pas axée sur le bien-être d’une personne vulnérable
Le 22 septembre 2021, après son retour de l’hôpital, l’individu a commencé à s’automutiler en rouvrant ses blessures qui venaient d’être suturées. Elle a été placée dans une cellule d’observation après que le détecteur de métal ait détecté un objet dans les zones de l’abdomen, du rectum et de l’aine. Son comportement s’est intensifié au point où elle a arraché ses sutures, rouvrant sa blessure au bras qui avait été traitée à l’hôpital.
Les caméras ont montré une couverture devant la fente de la cellule pour les repas afin d’empêcher les officiers de regarder à l’intérieur. Les officiers ont demandé à l’individu de passer leurs mains dans la fente afin de passer les menottes et, si elle ne se conformait pas à l’ordre, elle est avisée que des agents inflammatoires seraient utilisés. Elle ne s’y est pas conformée.
Étant donné qu’elle ne s’est pas conformée à l’ordre et compte tenu de la gravité des blessures de l’individu, les officiers ont ouvert la porte de la cellule. Un officier a déployé du gaz OC, tandis qu’un autre officier a retiré la couverture de la cellule. Le même officier a déployé une deuxième fois du gaz OC après seulement une seconde. L’individu a levé les deux bras en l’air et les officiers ont utilisé une manœuvre de contrôle physique pour lui passer les menottes. L’individu a été transporté à l’unité médicale du CRT, mais elle est devenue résistante lorsque l’infirmière a tenté de traiter sa blessure. Les officiers ont déclaré que le contrôle physique était nécessaire pour restreindre l’individu au sol en attendant qu’elle se calme. Elle a ensuite été escortée à l’hôpital pour être soignée.
L’analyste du BEC était d’accord avec les trois niveaux d’examen du SCC, à savoir que le recours au gaz OC n’était pas nécessaire et n’était pas proportionnel à la situation. Toutefois, le recours au contrôle physique et l’application de menottes étaient appropriés et proportionnels à la situation. L’officier n’était pas tenu d’utiliser le gaz OC, puisque d’autres types d’interventions requérant une force inférieure étaient disponibles.
Une victime d’agression blessée par un préjugé racial?
Le 8 avril 2022, à l’Établissement d’Edmonton, cinq détenus, y compris la victime, se trouvaient dans le gymnase, tandis que deux autres se trouvaient dans la cour. Soudainement, un des détenus se trouvant à côté de la victime l’a frappé plusieurs fois à l’arrière du cou, tout en appelant à l’aide d’autres détenus qui attendaient dehors. Au total, cinq personnes ont maintenu la victime au sol pendant qu’elles administraient des coups, le poignardant environ dix fois, avant que les officiers ne se présentent à la porte.
Après que les premiers ordres ont été ignorés, des agents inflammatoires ont été déployés. Alors que les assaillants se sont finalement conformés et se sont dirigés vers la cour, la victime a eu du mal à se tenir à une distance raisonnable des instigateurs. Les officiers qui sont intervenus l’ont ensuite aspergé au poivre. La décision du personnel était problématique, puisque le détenu était isolé derrière une barrière que les officiers étaient en mesure d’identifier raisonnablement les cinq agresseurs et d’observer la passivité de la victime. Autre fait préoccupant, au lieu de restreindre les agresseurs, les officiers ont décidé de menotter la victime, qui venait de se conformer à l’ordre de quitter le gymnase.
La décision de recourir à des munitions à impact direct contre la victime est encore plus troublante. Bien que la victime ait ignoré les ordres verbaux, cela ne saurait justifier le recours à une telle force contre lui. En plus de ne présenter aucun risque réel dans cette situation, son refus de se conformer aurait pu découler de la douleur qu’il éprouvait à la suite de ses blessures.
Fait inquiétant, il semblait évident que le personnel n’avait pas considéré cette personne comme une victime. En plus de ne présenter aucun risque réel dans cette situation, au contraire, les analystes du BEC ont constaté que les officiers avaient tenté de justifier le recours à la force contre la victime en interprétant les signes de détresse comme des signes d’agression (ils ont affirmé que la victime était « menaçante » et « agitée », et qu’elle avait adopté « une posture agressive »). Dans les circonstances, étant donné que la victime était un détenu noir, les analystes du BEC n’ont pu s’empêcher d’analyser l’incident comme étant un traitement discriminatoire potentiel.
Au cours de l’enquête précédente du Bureau sur les expériences des détenus noirs sous juridiction fédérale (rapport annuel de 2022 du BEC), j’ai attiré l’attention du SCC sur le fait que plusieurs facteurs, y compris le langage corporel, ont souvent été mal interprétés par les officiers comme des menaces.
Que les préjugés raciaux aient ou non joué un rôle dans cet incident, le recours à la force n’était ni nécessaire ni proportionnel au danger que la victime aurait pu représenter, contrairement à la conclusion du SCC. La réponse à une personne en état de détresse, à la suite d’une attaque violente dont elle a subi des séquelles, y compris des blessures à la tête, était très inappropriée.
Pratiques prometteuses dans les services correctionnels pour Autochtones
Préparé par Hazel Miron, directrice adjointe, Portefeuille autochtone et championne autochtone du BEC.
Introduction de l’enquêteur correctionnel
Dans le rapport annuel de l’an dernier, mon Bureau a publié une mise à jour décennale d’Une question de spiritualité, une enquête qui offre une évaluation critique sur l’état des services correctionnels pour Autochtones au Canada. En guise de suivi, j’ai demandé à la directrice adjointe du Bureau, Portefeuille autochtone, qui est une femme crie et membre de la Première Nation de Sucker Creek en Alberta et qui possède une vaste expérience et une grande expertise en matière d’enquêtes et de services correctionnels, d’identifier et de compiler des interventions choisies qui, selon elle, ont un impact positif sur les Autochtones incarcérés dans les prisons fédérales. L’examen de Mme Hazel Miron, appuyé par des visites sur place et des entrevues, a identifié les principales caractéristiques qui contribuent à la réussite d’interventions ciblées et propres aux Autochtones au niveau local – utilisation des enseignements traditionnels; méthodes et principes de guérison; mobilisation du personnel et acceptation de la culture autochtone; facilitation d’un environnement sécuritaire et collaboratif pour l’apprentissage; et participation des Aînés, des organisations et des communautés autochtones. Ces caractéristiques essentielles pour une participation efficace des peuples autochtones (applicables aux hommes et aux femmes) ont été bien saisies dans La création de choix en 1990 et sont toujours pertinentes aujourd’hui.
Notre intention en effectuant un examen des pratiques prometteuses est de reconnaître le leadership et l’initiative au niveau local et d’encourager le SCC à financer adéquatement et à étendre les interventions et les initiatives propres aux Autochtones dans tout le pays. Les caractéristiques clés pour une participation réussie des Autochtones sous juridiction fédérale, identifiées à travers une perspective autochtone et une vision du monde, devraient guider le SCC dans l’expansion significative du nombre d’initiatives et de participants. Donner aux directeurs et aux directeurs exécutifs du SCC plus de latitude et de ressources pour financer des interventions locales pour Autochtones devrait être une priorité absolue pour le SCC.
Introduction
Je suis fière d’être une femme autochtone crie et membre de la Première Nation de Sucker Creek. Il s’agit d’une Première nation visée par le Traité no. 8. Je suis une descendante directe du chef Moostoos, qui a signé le traité no. 8, le plus grand traité du Canada. Les habitants de la région où il était chef le connaissaient comme le « Chef du peuple », un homme très aimé et respecté.
Ma famille a été profondément touchée par les abus qu’elle a subis dans les pensionnats indiens. J’ai moi aussi souffert des effets intergénérationnels de ces abus. J’étais le septième enfant et un Aîné m’a donné le nom de Te’pakoph, qui signifie « sept ». Il m’a dit que j’avais un don unique et que je verrais loin en grandissant. Ce don m’a donné une force intérieure et une relation forte avec le Créateur. Ces qualités guident les choix que j’ai faits et que je fais dans ma vie.
Ma carrière dans le système correctionnel fédéral a commencé en 1995 en tant qu’intervenante de première ligne pour le Service correctionnel du Canada. En 2000, j’ai transféré dans un pavillon de ressourcement où j’ai travaillé comme gestionnaire correctionnel pendant dix ans. Pendant cette période, j’ai obtenu un baccalauréat en justice pénale. En plus de ce diplôme, j’ai reçu une plume d’aigle et une trousse de protection de la médecine féminine. Ces titres de compétences « blancs » et autochtones m’ont assisté dans mon approche envers les personnes incarcérées dans des établissements fédéraux, à ne pas privilégier une vision du monde au détriment d’une autre, et plutôt à adopter une approche holistique.
En 2011, je suis devenue agente de programme au Bureau des libérations conditionnelles d’Ottawa, où j’ai pu mettre à contribution mes connaissances universitaires, ma vaste expérience de travail dans le système de justice pénale et mon expérience personnelle en tant que femme des Premières Nations pour m’aider à établir des liens avec mes clients et à rendre les programmes plus efficaces.
Peu après, je me suis jointe au Bureau de l’enquêteur correctionnel à titre d’enquêteuse principale. Il s’agissait là d’une autre occasion d’aider les peuples autochtones. Je me suis rendue dans des régions éloignées où se trouvent des pavillons de ressourcement et je me suis entretenue avec des aînés et des résidents sur des terres sacrées, où nous avons pu discuter de leurs préoccupations. Quand j’interagissais avec des personnes âgées, je parlais ma langue – le cri – pour qu’elles se sentent à l’aise, et je racontais des histoires qu’elles pouvaient apprécier. Je les ai aidés à comprendre que je suis une Autochtone qui examine les faits de leur cas en connaissance de cause.
Le Bureau de l’enquêteur correctionnel m’a fourni un soutien important pour m’aider à terminer ma maîtrise en études juridiques à l’Université Carleton, à Ottawa. Cela m’a permis de mieux comprendre les répercussions de la colonisation sur les peuples autochtones et les raisons de leur surreprésentation flagrante dans les services correctionnels fédéraux. Après des années à titre de championne du Bureau sur les questions autochtones, j’ai récemment été nommée en tant que première directrice adjointe du BEC pour le portefeuille autochtone.
Avec mes connaissances sur les politiques des « blancs » et de ma connaissance de la culture autochtone, je m’emploie à aider les détenus à renouer avec le respect de soi. Et je partage mon histoire de résilience et de persévérance, mon engagement à laisser une marque significative dans ce monde que nous habitons « tant que le soleil brillera et que les rivières couleront », comme l’avait envisagé mon arrière-grand-père.
Dans le rapport annuel de l’an dernier, j’ai eu l’honneur d’appliquer mes compétences, mes connaissances et ma perspective autochtone, et de contribuer à une enquête systémique novatrice intitulée « Dix ans depuis Une question de spiritualité. » L’équipe du BEC a produit une analyse critique des services correctionnels fédéraux pour les Autochtones et a fourni une feuille de route fort nécessaire pour la réforme des services correctionnels pour les Autochtones au Canada. Les constatations étaient très critiques à l’endroit de trois initiatives phares du SCC, plus précisément que les pavillons de ressourcement et les Sentiers autochtones ne rejoignent qu’un petit nombre de l’ensemble de la population carcérale autochtone, et que les Aînés demeurent sous-appuyés, sous-évalués et sous-appréciés. Je suis d’accord, mais je suis attristée par toutes les conclusions et les critiques soulevées dans cette enquête systémique. Quoi qu’il en soit, les enquêtes n’ont pas abordé les avantages des initiatives et des interventions déployées à l’échelle locale qui ont une incidence positive sur un nombre limité de participants autochtones sélectionnés. Elles n’ont pas non plus reconnu pleinement le dévouement et la détermination de certains employés du SCC qui, avec peu de ressources et de soutien, améliorent la vie de ces quelques participants sélectionnés.
Certes, il faudra beaucoup de temps pour régler les problèmes auxquels sont confrontés les services correctionnels pour les Autochtones, mais j’aimerais attirer l’attention sur les initiatives, les interventions et les pratiques qui ont un impact positif sur les autochtones incarcérés dans les prisons fédérales. Il ne manque pas d’initiatives prometteuses menées par des employés dévoués et passionnés du SCC, et celles-ci contribuent chaque jour à améliorer la situation pour les personnes sous leur juridiction. J’espère qu’en soulignant l’impact positif de certaines de ces initiatives et interventions sur la vie des Autochtones, le SCC les dotera des ressources financières appropriées et les élargira à l’échelle du pays.
Pratiques prometteuses
J’ai été ravie lorsque l’enquêteur correctionnel m’a offert l’occasion d’écrire sur les pratiques exemplaires et prometteuses en matière de services correctionnels pour les Autochtones du point de vue des Autochtones. Durant les mois d’hiver, j’ai visité trois établissements et j’ai rencontré 11 membres du personnel correctionnel et 13 participants. Bien qu’il y ait beaucoup d’autres exemples de travail extraordinaire qui sont accomplis à l’échelle locale, j’ai choisi de souligner quatre initiatives en particulier.
1. Les Quatre Saisons Missatim Ki-si-nah-ma-too-win (enseignements du cheval) – Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, Maple Creek (Saskatchewan)
Le Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci (PROO) pour femmes est le premier pavillon de ressourcement à ouvrir ses portes au Canada et à offrir maintenant un programme autochtone unique de guérison par la prestation de soins de base aux chevaux. Le pavillon est situé sur le territoire traditionnel de la Première Nation de Nekaneet, et les aînés de cette nation ont introduit les enseignements du travail avec les chevaux en 1998 à l’occasion des célébrations de l’ouverture du pavillon. Il s’agissait au départ d’un programme pilote, mais il a pris de l’ampleur et offre maintenant quatre séances représentant les quatre saisons. Le programme est maintenant connu sous le nom du programme équestre Quatre saisons.
Il est dirigé par des Aînés et son approche est holistique, ciblant tous les aspects de la vie des participants en mettant l’accent sur les enseignements de la roue de médecine notant que toute chose fait partie de la Création. Ces enseignements reconnaissent et explorent les dons sacrés de la vie, les quatre collines de la vie, les lois sacrées de la création, les quatre principes spirituels et les quatre directions de l’univers. C’est grâce à ces enseignements que les participantes apprennent à se réunir en harmonie avec le Créateur, dans le cadre du Cercle de la vie et du chemin spirituel qu’ils parcourent.
L’Aîné commence sa journée par une séance de purification du matin, une prière et un cercle de la parole, puis passe au contenu du programme quotidien, dont les soins de base aux chevaux, l’anatomie, l’alimentation, l’abreuvement, la toilette, le soin des sabots et l’entretien des installations. Les participantes ont également l’occasion d’apprendre des techniques d’équitation sécuritaires, y compris des notions de base sur l’équipement, la montée en selle, la commande de monture, le montage, l’équitation dans un enclos rond, la préparation à l’obstacle dans l’enclos rond, le chargement de chevaux dans des remorques et des randonnées sur le site et à l’extérieur de celui-ci.
Ce que j’ai entendu des participantes, c’est que le travail qu’elles font avec l’Aîné englobe les enseignements traditionnels du point de vue de la Première Nation de Nekaneet, tout en maîtrisant les fondements du soin des chevaux. Il a été démontré que le contact étroit avec les chevaux et l’acquisition de nouvelles compétences contribuent positivement à la guérison des femmes et à leur croissance personnelle. Pour poursuivre cette formation, les femmes peuvent également assister aux cérémonies de la Première Nation de Nekaneet, comme la Danse du Soleil annuelle. La participation à cette dance permet de développer et de maintenir une relation positive avec la collectivité.
À la fin de cette visite et en découvrant l’impact que ce programme a eu sur les participantes, j’ai appris que le personnel et la collectivité qui participent à ce programme sont aussi déterminés et passionnés à faire en sorte que les femmes établissent des liens avec leur culture. Ils ont confié que les femmes ont besoin de renouer avec leurs racines autochtones pour redécouvrir qui elles sont afin de pouvoir aller de l’avant et adopter un mode de vie sain ancré dans la culture autochtone. Nos Aînés nous ont toujours dit que « nous devons savoir d’où nous venons pour aller de l’avant et ne jamais oublier qui nous sommes en tant que peuples autochtones ».
Les participantes m’ont dit que ce programme modifie leur perception de leur situation et les aident à acquérir un sentiment d’estime de soi parce qu’elles ont appris sur leurs antécédents culturels et historiques. Un grand nombre des participantes n’ont jamais eu de lien avec leur culture autochtone. Il est donc important de veiller à ce que toute initiative visant à aider les femmes autochtones soit ancrée dans la culture autochtone et fondée sur les enseignements traditionnels des Aînés. Les Aînés sont les gardiens et les enseignants du savoir et de la sagesse sacrés qui sont transmis depuis plusieurs siècles.
2. Programme de guérison traditionnelle – Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, Maple Creek (Saskatchewan)
Le programme de guérison traditionnelle du pavillon de ressourcement Okimaw Ohci (PROO) a débuté à l’automne 2020. En partenariat avec la Première Nation de Nekaneet, le programme est conçu pour intégrer la médecine traditionnelle autochtone et occidentale au modèle de prestation des services de santé du PROO. Ce programme reconnaît les pratiques et les approches de la médecine autochtone traditionnelle et sa contribution à la santé et au bien-être. Les guérisseurs traditionnels soutiennent et traitent les résidents au moyen de médicaments traditionnels, d’activités culturelles et de pratiques de guérison traditionnelles, qui favorisent l’amélioration de la santé et du bien-être globaux des Autochtones.
Les guérisseurs traditionnels travaillent avec une équipe de santé intégrée, qui comprend des médecins, des infirmières, des psychologues, des travailleurs sociaux et des pharmaciens qui ont reçu une formation occidentale.
On pouvait sentir l’effet du programme sur les femmes qui y participent. La combinaison de médecines traditionnelles et occidentales s’est révélée d’améliorer leur bien-être global. Le bien-être holistique a mené à de meilleurs résultats à long terme pour les participantes, les familles et les collectivités. L’accès à des médicaments sacrés est un élément crucial de la guérison. La combinaison des médecines traditionnelles autochtones et de la médecine occidentale démontre non seulement les efforts de réconciliation, mais honore les effets bien connus des médecines traditionnelles sur les peuples autochtones depuis des temps immémoriaux.
CITATIONS DE MEMBRES DU PERSONNEL ET D’AÎNÉS :
« Le fait de parler de son identité et de ses émotions aide les femmes à déterminer où elles en sont dans la vie. Cela les aide à tisser des liens avec la collectivité et à gérer le deuil et la perte. La connexion avec le monde des esprits les aide à apprendre à gérer leurs émotions. Elles ne savent pas ce qu’est la normalité; le programme des chevaux éveille en elles leur instinct maternel, leur besoin de prendre soin. Elles apprennent à gérer le deuil et la solitude de la bonne façon. »
Aîné rencontré au Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci
« Les hommes manifestent un grand intérêt à en apprendre davantage sur les abeilles, ils sont donc grandement investis. Le programme semble aider les hommes à développer des aptitudes à l’empathie et au travail d’équipe, et il semble aussi renforcer l’estime de soi et le sentiment de satisfaction. Il représente une bonne occasion non conventionnelle d’obtenir des crédits d’études secondaires. Les hommes considèrent également l’apiculture comme une source de revenus accessible après leur mise en liberté dans la collectivité parce que les frais généraux de démarrage sont relativement peu élevés. Il y a une nouveauté cette année : les étudiants du groupe de l’an dernier fourniront de l’encadrement aux nouveaux étudiants pendant le temps d’apprentissage pratique. Ce jumelage contribue à créer un sentiment d’appartenance à la collectivité et un but pour les mentors du groupe. »
Personnel de l’Établissement de Stony Mountain
« Dans le passé, nous avons eu la chance de pouvoir compter sur la participation d’une délinquante dans un programme à la fois, et ce, pendant plusieurs années La pandémie de COVID a eu une incidence sur la participation, comme le SCC en subissait les effets et que des précautions s’avéraient nécessaires sur une base continue Pour cette raison, une longue pause s’est imposée Toutefois, on incita les délinquants à s’informer auprès de « Trade Winds to Success » après leur remise en liberté dans la collectivité Sur une note positive, le personnel de TWTS s’est toujours avéré fort conciliant envers les délinquantes d’origine autochtone incarcérées à l’Établissement pour femmes d’Edmonton, et les interactions avec ces dernières ont été empreintes de soutien, d’acceptation et de tolérance »
Enseignante à l’Établissement d’Edmonton pour femmes
3. L’Apiculture – Établissement de Stony Mountain, Winnipeg (Manitoba)
L’initiative d’apiculture a débuté en 2021 dans le secteur à sécurité minimale de l’Établissement de Stony Mountain (ESM), un établissement à niveaux de sécurité multiples où plus de 65 % de la population carcérale est d’origine autochtone. Après un an de mise en œuvre, certaines ruches ont été déménagées dans le secteur à sécurité moyenne pour permettre aux détenus qui s’y trouvaient de participer également à ce programme.
Au secteur à sécurité moyenne, le nom de l’initiative a été changé pour programme Prendre soin des abeilles. Le nouveau nom vient de la croyance selon laquelle les participants ne « gardent » pas les abeilles, mais travaillent avec elles. Un éducateur de programme a expliqué que « ce langage représente un moyen important d’explorer les perspectives autochtones et de changer le paradigme d’une hiérarchie où l’humain est situé au sommet. Ce recadrage de la compréhension de l’être humain comme faisant partie de la nature plutôt que comme le maître de la nature peut favoriser les liens culturels ainsi qu’un plus grand respect pour la nature. » Il a en outre expliqué : « au début de la nouvelle saison, le groupe de détenus a nettoyé le corps des abeilles qui sont mortes pendant l’hiver et, suivant les conseils de l’Aîné, les détenus ont pris le temps de déposer un morceau de cèdre en guise d’offrande et de prononcer des prières de remerciement pour les abeilles qui ont donné leur vie pour qu’ils puissent continuer de récolter du miel. »
Ce projet est géré par le programme scolaire de l’ESM à l’aide d’un apiculteur retraité bénévole de la collectivité et des aînés qui travaillent à l’ESM. Ils aident les détenus à entretenir les ruches, et les participants peuvent obtenir des crédits scolaires ce faisant.
Depuis 2023, l’établissement s’est associé à l’Université du Manitoba. Les participants peuvent regarder des conférences par vidéo et passer un examen final pour obtenir un certificat d’apiculteur amateur du département de l’Agriculture de l’Université du Manitoba.
Entre les deux établissements, les participants ont récolté plus de 2 000 livres de miel en 2023. La plus grande partie du miel est vendue à une coopérative manitobaine pour aider à financer le programme, tandis qu’une plus petite partie de la récolte est vendue au personnel de l’ESM et aux personnes incarcérées.
En plus d’améliorer les compétences professionnelles, le programme offre des avantages sur le plan culturel, car les participants ont appris les vertus d’aimer, de faire confiance et de respecter, lesquelles découlent des sept enseignements ancestraux et du droit autochtone. Cela représente une expression de l’aspect autochtone traditionnel de l’interconnexion voulant que tout ce qui compose le monde naturel soit connecté et que toutes ses composantes dépendent les unes des autres, que tous les êtres vivants se respectent et ont un dessein, parfois celui d’aider les autres, ce qui est un pilier de l’apprentissage autochtone. Les Aînés passent du temps avec les participants pour enseigner à respecter les abeilles et discutent des leçons que nous pouvons tirer de ces créatures. L’Aîné enseigne également à « traiter les abeilles de la façon dont on aimerait être traité ».
4. Trade Winds to Success – École de métiers autochtones, Établissement d’Edmonton pour femmes
La « Trade Winds to Success Society » a été créée en 2005 par le Fonds de fiducie conjoint pour la formation. Ce programme est un partenariat avec des organismes communautaires autochtones et des organismes de financement gouvernementaux visant à offrir aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits la possibilité de recevoir une formation de préapprentissage et d’acquérir de l’expérience en atelier dans les métiers de la construction.
Le programme « Trade Winds » offre une formation initiale de six semaines qui intègre les compétences essentielles, notamment des ateliers numériques, la littératie financière, la résolution de problèmes et la sensibilisation aux attentes en matière d’emploi et les exigences de l’apprentissage. Le programme prépare également les étudiantes à passer l’examen d’entrée de « l’Alberta Apprenticeship and Industry Training ». Les étudiantes qui réussissent cet examen d’entrée peuvent suivre la formation préparatoire, dont la durée varie de deux à douze semaines selon le métier sélectionné. Les participantes ont deux options s’ils réussissent l’examen. La première consiste à acquérir des compétences en construction résidentielle et à les utiliser pour construire une petite maison éco-intelligente conçue par Trade Winds à l’atelier du même nom à Edmonton. La deuxième est axée sur le volet industriel et commercial, où la formation est offerte par les diverses fiducies syndicales à Edmonton, notamment pour accéder aux métiers de métallurgiste, de plombière, de monteuse de conduites de vapeur, de mécanicienne industrielle et d’électricienne.
Les femmes à qui j’ai parlé étaient particulièrement reconnaissantes des aspects culturels qui sont intégrés tout au long de l’expérience d’apprentissage, à savoir la purification, les cercles de discussion et les ateliers sur la résilience. De plus, celles qui réussissent se voient offrir gratuitement de l’équipement de protection individuelle et sont admises à la formation de préapprentissage.
Citations des participantes
« Je me sens heureux après avoir interagi avec des chevaux. »
« La guérison fait mal, mais ça en vaut la peine, ce programme de chevaux a changé ma vie. J’étais déconnectée de mon esprit, maintenant je suis connectée. »
« Être en présence de chevaux m’a aidée à voir. »
« Les chevaux savent ce que vous ressentez. »
« En interagissant avec des chevaux, beaucoup d’entre nous apprennent à pleurer. »
« Ce programme fonctionne si vous croyez à la culture et aux médecines traditionnelles, et cette croyance a fait une énorme différence dans ma vie. »
« Les émotions comme la solitude et la confusion m’amènent aux guérisseuses traditionnelles. Je pleure chaque fois que je vais voir (nom du membre du personnel). Elle a brisé ma carapace. »
« Je crois à la médecine traditionnelle. Je fais des méditations quotidiennes et je pense seulement aux aspects positifs et cette positivité se manifeste d’elle-même. »
« Les guérisseuses partagent des mots emplis de sagesse qui aident beaucoup dans les relations. Ça fait beaucoup de bien de parler à des aînés. »
« Le programme m’a aidé à me réapproprier mon identité et à m’intégrer au marché du travail. Elles m’ont épaulée pendant 10 ans tandis que je poursuivais mon apprentissage. Les encouragements du personnel m’ont aidé à croire en moi. Je me sentais découragée au départ parce que j’avais échoué à mon examen d’entrée, mais je suis rentrée chez moi et j’ai étudié mes livres de mathématiques. J’ai rappelé Tradewinds, j’ai demandé si je pouvais reprendre l’examen, et ils ont dit oui, alors j’y suis retournée. Cela a grandement amélioré ma vie. J’ai travaillé fort pour que les vents alizés soufflent librement et pour améliorer ma vie et celle de mon fils. J’ai commencé le programme en juillet 2009 pendant une libération conditionnelle de l’EEF et j’y suis resté. Je travaille toujours comme plombière, et nous sommes en 2023. »
Conclusion
Avant le premier contact, les peuples autochtones enseignaient à leurs enfants par des moyens traditionnels, par la transmission orale d’enseignements sous forme de récits d’histoires. Leurs connaissances et leur sagesse étaient transmises par l’entremise des Aînés et ils encourageaient la socialisation en groupe. Ils encourageaient également la participation à des rituels culturels et spirituels et le développement des compétences par la pratique. Ils ont été guidés par les quatre principes encore fort pertinents aujourd’hui que sont le respect, la pertinence, la réciprocité et la responsabilité.
Suite à mes visites dans les divers sites, il est évident qu’il y a des employés très dévoués qui font ce qu’ils peuvent pour intégrer les enseignements traditionnels et offrir aux participants autochtones un soutien mieux informé sur les plans culturel et linguistique. Cette démarche améliore grandement les résultats et les expériences des peuples autochtones. J’ai constaté que les employés qui appuient ces initiatives sont passionnés, qu’ils acceptent la culture autochtone et qu’ils comprennent que chacun n’apprend pas et ne se mobilise pas toujours de la même façon.
Le CSC doit être guidé par des principes qui augmentent l’engagement et la réussite des interventions lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de ses programmes et initiatives pour les Autochtones. Le rapport de 1990 du Groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, intitulé « La création de choix », illustre parfaitement ces principes. Ces principes s’appliquent aussi bien aux hommes qu’aux femmes et devraient être utilisés couramment pour élaborer, mettre en œuvre et évaluer toute intervention autochtone.
Enfin, j’incite le SCC à fournir immédiatement un financement important pour permettre aux directeurs d’établissement et aux directeurs exécutifs à élaborer et à mettre en œuvre de nouvelles interventions locales auprès des Autochtones en partenariat avec des organismes ou des collectivités autochtones. Ces initiatives doivent être conformes aux principes illustrés dans « La création de choix » afin de s’assurer qu’elles répondent aux besoins uniques des Autochtones incarcérés. Trop peu de détenus ont accès à ces interventions positives, et la plupart du temps, le fonctionnement de ces initiatives exigent peu de ressources et de financement. Le fait d’appuyer cette recommandation et d’en faire une priorité contribuerait à la réconciliation.
Principales caractéristiques pour assurer l’engagement et la réussite des interventions auprès des Autochtones
- Fournir un espace sécuritaire qui soutient la culture.
- Enseignements par des Autochtones.
- Enseignements sur l’histoire permettant de découvrir d’où nous venons, d’acquérir un sentiment d’appartenance et de rétablir notre estime de soi.
- L’importance de l’interconnexion avec tout le vivant et les leçons à en tirer.
- Guérison des blessures psychologiques et émotionnelles causées par un traumatisme intergénérationnel.
- Enseignements autochtones dirigés par des Aînés fondés sur la sagesse des aînés, comme a) la roue de médecine; b) l’apprentissage du pardon, de l’amour, du deuil, de la responsabilisation, de la responsabilité et de la vie équilibrée, que les détenteurs de la sagesse autochtone s’efforcent d’inculquer au sein de leurs communautés; c) les enseignements liés à la terre, au temps, à l’environnement, aux plantes et aux animaux.
- Lien avec la collectivité.
- Compétences et connaissances traditionnelles qui offrent des possibilités d’éducation et de formation professionnelle en vue d’un emploi après la mise en liberté.
- Les quatre principes fondamentaux : Respect, pertinence, réciprocité, responsabilité.
- La langue, qui est au cœur de notre culture et de notre existence.
- La guérison des séquelles des déplacements et des abus coloniaux historiques.
ÉTUDE DE CAS : Décès au Centre régional de traitement – Millhaven
Le 17 décembre 2021, M. Stéphane Bissonnette, un détenu de 39 ans purgeant sa première peine de ressort fédéral, est décédé dans une cellule d’observation durant une période de surveillance modifiée en raison du risque de suicide au Centre régional de traitement (CRT) rattaché à l’Établissement de MillhavenFootnote 59. Il avait déjà purgé une partie importante de sa peine en isolement préventif dans des établissements à sécurité maximale et avait fait l’objet de divers placements dans des centres régionaux de traitement partout au paysFootnote 60. À titre d’alternative à son placement en statut en unité d’intervention structurée (UIS), en avril 2021, M. Bissonnette a été transféré de l’Établissement de Kent à l’Établissement de Millhaven. Il a d’abord été affecté à l’unité d’intervention structurée de l’Établissement de Millhaven en mai 2021, puis il a été transféré au CRT du même établissement en juin 2021, où il est demeuré jusqu’à son décès.
M. Bissonnette avait purgé sa peine dans de nombreux pénitenciers à sécurité maximale partout au pays. Au cours de son incarcération dans un établissement fédéral, il a été placé en isolement préventif à 22 occasions distinctes et a passé 461 jours en isolement cellulaire. Plus récemment, à partir de 2019, il a passé au total 158 jours dans des unités d’intervention structurée. M. Bissonnette avait de longs antécédents de comportement suicidaire et d’automutilation chronique.
M. Bissonnette avait de longs antécédents d’implication dans des incidents en établissement, cumulant à son dossier 152 incidents de sécurité signalés, dont bon nombre étaient liés à un comportement d’automutilation. Il était souvent transféré et placé dans des centres de traitement et faisait souvent l’objet d’une observation renforcée (aussi appelée « surveillance pour risque de suicide »). Il faisait souvent l’objet de mesures de contrainte physique afin de prévenir les comportements d’automutilation, souvent pendant des périodes prolongées chaque fois. Il était connu pour intimider, être verbalement agressif, manipulateur et même agresser le personnel et d’autres détenus. Ces comportements difficiles peuvent avoir été liés aux symptômes de sa maladie mentale. Les principaux diagnostics figurant à son dossier en santé mentale étaient : trouble de stress post-traumatique, trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, trouble de la personnalité antisociale et trouble de la personnalité limite.
Depuis son placement initial au CRT de l’Établissement de Millhaven en juin jusqu’à décembre 2021, on a documenté 15 épisodes où M. Bissonnette s’est mutilé, surtout par des coupures ou en se frappant la tête contre le mur ou la porte de la cellule. Ces comportements et d’autres comportements erratiques, y compris son instabilité lorsque debout, des trébuchements, des chutes, des absences cognitives, des taches de sang sur la caméra de sa cellule d’observation et une apparence générale d’un « état autre que normal », ont tous été observés la veille de sa mort.
Chronologie des événements
En ce qui concerne les événements et les circonstances précédant immédiatement son décès, toutes les preuves documentaires et vidéo permettent de conclure que les multiples patrouilles de sécurité, dénombrements et vérifications du bien-être et de la santé effectués sur une période continue de six heures ont échoué à remarquer que M. Bissonnette était en fait inerte et sans vie ou sans respiration dans sa cellule pendant toute cette période. Le jour de son décès, il avait affiché des comportements bizarres, exprimé des idées suicidaires et s’était automutilé. On a remarqué qu’il avait de la difficulté à se lever de son lit, trébuchait et chutait dans sa cellule sans raison apparente.
L’enquête interne du SCC confirme qu’aucun de ces indicateurs troublants n’a fait l’objet d’une surveillance, d’une communication, d’une documentation ou d’une évaluation adéquate de la part des membres du personnel au cours de la période précédant immédiatement le décès de M. Bissonnette. De manière inquiétante, aucun membre du personnel en service ce soir-là, y compris le personnel infirmier responsable de la surveillance de Stéphane dans sa cellule d’observation la nuit de son décès, ne savait qu’il avait été placé sous surveillance modifiée en raison du risque de suicide, ni même quelles indications, quels comportements ou quels indices ils devaient surveiller, observer ou signaler pour garantir sa sécurité. Aucun d’entre des membres du personnel n’avait pris connaissance du courriel du coordonnateur des soins cliniques de M. Bissonnette à l’effet que M. Bissonnette avait été placé sous surveillance pour risque de suicide au moyen de caméras de télévision en circuit fermé le matin du 16 décembre 2021.
Les images prises par ces caméras confirment que les agents qui ont effectué certaines des patrouilles de sécurité menées durant cette période de six heures pendant laquelle M. Bissonnette était immobile et ne respirait pas avaient même omis de jeter un regard à l’intérieur de sa cellule. La plupart des agents qui ont effectué des patrouilles de sécurité ce soir-là ont simplement jeté un coup d’œil d’une seconde ou deux dans sa cellule en poursuivant leur chemin. Pour sa part, le personnel infirmier ne semblait pas savoir à quoi servait la conduite d’une ronde de la part des services de santé ni même, ce qui est déconcertant, comment ces rondes devaient être effectuées. Aussi étonnant que cela puisse paraître, quelques membres de l’équipe des soins de santé ont indiqué que de contrôler les signes de vie n’était pas leur responsabilité, mais plutôt celle du personnel de sécurité. Peu importe à quel point les agents correctionnels ou le personnel infirmier se sont acquittés de leurs fonctions de manière inadéquate ou inappropriée ce soir-là, certains d’entre eux pouvaient raisonnablement faire valoir qu’ils avaient peu d’expérience préalable, qu’ils manquaient de formation et de connaissances sur les procédures de base, comme la façon de travailler avec des patients ayant des besoins complexes en santé mentale ou de les surveiller dans un milieu hospitalier psychiatrique. Lors d’une visite révélatrice au CRT de l’Établissement de Millhaven après l’incident, les membres du personnel du BEC ont eu de la difficulté à confirmer, en regardant les images des caméras de surveillance dans les cellules, si un patient, qui était sous une couverture à ce moment-là, respirait vraiment.
À première vue, le décès de M. Bissonnette pourrait être attribuable à de la négligence ou de l’incompétence grossière du personnel dans l’exercice de ses fonctions. En tentant d’expliquer son décès, il convient de rappeler que même le coroner de l’Ontario n’a pas pu, même après une autopsie, déterminer la cause précise du décès; et l’a officiellement qualifiée d’« indéterminée ». En d’autres termes, aucun des manquements individuels du personnel ne peut, en soi, expliquer son décès. En fait, même le Comité d’enquête a conclu que M. Bissonnette avait fait l’objet d’un « nombre impressionnant d’interventions en santé mentale » pendant son séjour au CRT de l’Établissement de Millhaven. Le Bureau n’a trouvé aucune raison de douter de la conclusion du Comité d’enquête national à cet égard.
Cela dit, il n’en demeure pas moins que les facteurs de risque contributifs que présentait Stéphane, les graves problèmes de conformité du CRT de l’Établissement de Millhaven et les défaillances systémiques dans cette affaire étaient nombreux, cumulatifs et, pris ensemble, se sont avérés fatals. À l’échelle systémique, ces facteurs contributifs et événements déclencheurs comprenaient les suivants :
- Qualité inadéquate des patrouilles de sécurité et des vérifications du bien-être (omission systémique de s’assurer que le détenu est vivant et respire ou de détecter des signes de détresse médicale).
- Lacunes critiques dans le signalement, la communication, l’évaluation et la surveillance des comportements suicidaires et d’automutilation.
- Mauvaise gestion de personnes gravement atteintes de maladie mentale et/ou affichant des comportements d’automutilation et suicidaires, placées dans des environnements très restrictifs et se voyant imposées des conditions de détention inappropriées.
- Mauvaise communication et interactions problématiques parmi et entre le personnel des soins de santé et celui des opérations.
- Tendance à percevoir et à gérer le CRT de l’Établissement de Millhaven, un établissement psychiatrique agréé à niveaux de sécurité multiples, comme s’il s’agissait d’une simple extension de l’Établissement de sécurité maximale de Millhaven.
- Profils, sélection et formation inappropriés du personnel de sécurité travaillant en CRT.
- L’infrastructure physique en grande partie déficiente du CRT de l’Établissement de Millhaven, qui consiste essentiellement en une unité résidentielle à sécurité maximale de 96 places, est reconnue comme permettant difficilement au personnel d’assurer des soins de qualité, rapides, sécuritaires et efficaces aux patients hospitalisés.
- Une surveillance problématique et des structures hiérarchiques et de gouvernance aux contours mal définis, qui ont entraîné de la confusion quant aux rôles de chacun, des obstacles et des conflits entre le personnel des soins de santé et le personnel des opérations et de la sécurité au CRT de l’Établissement de Millhaven (double allégeance).
Il ne fait aucun doute, comme l’indiquent les enquêtes disciplinaires du personnel, que certains membres inexpérimentés du personnel des services correctionnels et des soins de santé se sont retrouvés dans une situation troublante et insoluble; ils n’avaient pas reçu une formation adéquate et n’étaient pas préparés pour gérer une personne atteinte d’une maladie mentale grave, ayant des besoins complexes et affichant un comportement très volatile, comme Stéphane. Cela dit, le Bureau est convaincu que sa mort ne peut être attribuée à une personne ou à une omission en particulier. Comme il a été mentionné précédemment, cet incident est survenu dans un contexte marqué par des problèmes importants, persistants, connus et récurrents, qui continuent d’entraîner des décès tragiques et évitables dans les établissements gérés par le SCC. La présente enquête porte sur les circonstances entourant le décès de Stéphane Bissonnette au CRT de l’Établissement de Millhaven, mais les ramifications de nos constats vont bien au-delà de ce seul cas d’espèce.
Analyse et évaluation
Le Bureau connaissait M. Bissonnette, celui-ci ayant été interviewé par deux membres de son personnel quelques jours avant son décès. Au cours de cet entretien, il a parlé ouvertement de ses antécédents d’automutilation et des idées suicidaires qui l’habitaient, qu’il a attribués à de longues périodes d’isolement cellulaire. Il a fait d’autres allégations voulant qu’il eût fait l’objet de représailles pour avoir déposé des griefs, d’une force excessive aux mains du personnel correctionnel de l’Établissement de Millhaven et du CRT, et de négligence de la part du personnel des soins de santé. Il a raconté avoir passé des périodes prolongées sous contention Pinel en raison de ses comportements d’automutilation. Il avait déposé de nombreux griefs contre le personnel, alléguant que des agents correctionnels l’avaient harcelé, avaient menacé de le blesser physiquement ou l’avaient incité à se blesser ou à se suicider.
Conformément à une recommandation du Bureau, un certain nombre de ces mêmes alégations et griefs ont également été examinés par le Comité national d’enquête du SCC (le Comité ou CNE) convoqué pour examiner cet incident. Il faut reconnaître que le rapport du Comité consacre suffisamment d’espace à la description détaillée des 17 griefs que M. Bissonnette a présentés pendant son court séjour au CRT de l’Établissement de Millhaven. Toutefois, en évaluant les réponses à ses griefs, le Bureau est d’avis que le Comité accorde une crédibilité démesurée aux affirmations répétées du personnel selon lesquelles aucun des mauvais traitements allégués n’a été directement attesté ou corroboréFootnote 61. La plupart des plaintes officielles de M. Bissonnette ont été, comme on pouvait s’y attendre, rejetées, déboutées ou retirées. Quatre ont abouti à la conclusion qu’aucune mesure corrective n’était requise et quatre autres ont tout simplement été laissées sans réponse, ce qui est contraire à la politique qui prévaut en la matière. Pour déterminer si les réponses du SCC aux nombreux griefs de Stéphane ont été traitées conformément à la politique, il est important de souligner que le Comité a interrogé 43 membres du personnel, mais n’a parlé qu’à deux autres patients du CRT.
Préoccupations préliminaires
Le SCC n’a pas avisé le Bureau de ce décès tragique; en fait, nous avons appris le décès de M. Bissonnette dans un communiqué de presse du SCC et lors de contacts subséquents avec ses proches. Dans le cadre d’un suivi, le Bureau a demandé une copie du rapport d’incident et du rapport de situation du directeur, lesquels ont été reçus le 7 janvier 2022. Après avoir examiné la documentation préliminaire et découvert que l’incident s’était produit dans une cellule d’observation d’un établissement psychiatrique tandis que le détenu était sous surveillance pour risque de suicide et en observation constante 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, j’ai jugé l’information disponible et les motifs de préoccupation suffisants pour intervenir. Le 26 janvier 2022, j’ai écrit à la commissaire pour lui faire part de mes préoccupations, qui comprenaient les recommandations suivantes sur la façon dont le SCC devrait enquêter sur ce décès très troublant en détention :
- Le Comité national d’enquête (Comité ou CNE) devrait être présidé par un professionnel de la santé mentale externe.
- Un observateur indépendant (OI) devrait être nommé et habilité à publier un rapport public à la fin des travaux du Comité afin d’accroître la confiance du public dans l’indépendance et l’intégrité de l’enquête du SCC sur cet incident.
- La portée du travail du Comité devrait être élargie pour inclure un examen du fonctionnement et de la gouvernance des cinq centres régionaux de traitement, et non seulement du CRT de l’Établissement de Millhaven.
- Le CNE devrait examiner la gestion de toute la peine du défunt, et non pas uniquement les dernières semaines de sa vie, afin d’inclure un examen de son statut de délinquant ayant des besoins complexes en matière de santé mentale.
- Le CNE devrait favoriser la participation de personnes incarcérées qui étaient en contact avec la personne décédée ou qui la connaissaient.
- Le CNE devrait mener une enquête et corroborer les allégations faites par le défunt au sujet des mauvais traitements qu’il aurait subis au CRT de l’Établissement de Millhaven.
Il faut reconnaître que le SCC a généralement réagi aux préoccupations et aux recommandations préliminaires du Bureau dans cette affaire, notamment en communiquant la correspondance de l’enquêteur correctionnel aux membres du Comité aux fins d’examen. Il est important de souligner que le Comité a nommé un observateur indépendant dont le mandat était de surveiller et d’évaluer l’impartialité, la rigueur et le professionnalisme de l’enquête interne du SCC. Bien que, dans sa réponse à l’enquêteur correctionnel, la commissaire ait indiqué qu’un rapport public serait publié à la fin de l’enquête, aucun rapport de ce genre n’a été publié à ce jour, malgré une série de rappels du Bureau. Bien qu’un membre de la collectivité ait été inclus comme membre du Comité, le président du Comité (un psychologue) était également un employé du SCC.
OBSERVATEUR INDÉPENDANT – CONSTATATIONS ET RECOMMANDATIONS
L’observateur indépendant (OI), le premier à être nommé à un CNE, avait pour mandat de surveiller et d’évaluer l’impartialité, la rigueur et le professionnalisme de l’enquête du SCC sur cet incident. L’OI a déterminé que le processus était rigoureux et exhaustif, et que tous les domaines d’enquête avaient été suffisamment examinés dans un esprit de collaboration et de professionnalisme. L’OI a également déterminé que l’enquête interne avait été menée sans causer de préjudices.
Le rapport de l’OI a révélé que certaines des recommandations antérieures du Bureau, concernant la façon dont les comités d’enquête devraient être constitués, n’avaient pas été mises en œuvre. Par exemple, même si le CNE réunissait des membres ayant de l’expérience en services de santé et en psychologie, ceux-ci (y compris le président) étaient tous des employés du SCC.
L’OI a formulé quatre conclusions et recommandations portant sur les questions suivantes :
- La rapidité avec laquelle les comités nationaux d’enquête sont convoqués, mènent leur enquête et rendent compte de leurs conclusions. L’OI a recommandé que les comités nationaux d’enquête soient mis sur pied plus rapidement (moins de six mois après l’incident) afin d’accélérer les processus menant à la présentation d’un rapport final, sans compromettre pour autant la qualité du travail.
- Le fait que certains membres du Comité ne comprenaient pas le français ou étaient incapables de communiquer en français, malgré le fait que M. Bissonnette était francophone.
- En ce qui concerne la récurrence de certaines recommandations du CNE, l’OI a recommandé que le SCC examine les rapports antérieurs sur une période de 10 ans afin de repérer les observations récurrentes (problèmes systémiques) et de cerner la mesure dans laquelle ces recommandations ont été mises en œuvre.
- Les futurs OI devraient recevoir un guide d’orientation détaillant l’information et les outils à leur disposition qui pourraient aider les personnes nommées à récupérer l’information pertinente et à examiner la documentation et les pratiques pertinentes, y compris les principes fondamentaux et les directives qui sont communiqués aux autres membres du Comité.
Le Bureau est généralement d’accord avec les conclusions de l’observateur indépendant et son évaluation de la qualité et de la rigueur de cette enquête. Le Bureau appuie ses recommandations et enjoint au SCC de publier le rapport de l’OI et les propositions de mesures correctives qu’il contient.
Le Bureau a reçu le rapport du CNE en septembre 2023, 21 mois après le décès de Stéphane. Le rapport fournit des renseignements de base exhaustifs et comprend une chronologie précise des événements immédiats et des circonstances qui ont mené à son décès. À l’exception des quelques omissions mentionnées ci-dessus, le Bureau a été généralement impressionné par la qualité du rapport du Comité. Le Bureau est d’avis que la nomination d’un observateur indépendant au Comité a fourni un niveau supplémentaire et nécessaire d’assurance que l’enquête interne serait menée de manière crédible, exhaustive et impartiale. La prochaine étape requise par souci de reddition de comptes et de transparence consiste à faire en sorte que le SCC rende public le rapport de l’OI dans son intégralité. La famille de M. Bissonnette devrait également recevoir un compte rendu complet et non caviardé des circonstances ayant mené à son décès.
Stéphane est décédé pendant la pandémie de COVID-19, alors que l’isolement médical et d’autres restrictions ont entraîné un durcissement général des routines des établissements, caractérisé par une réduction du temps hors cellule et des conditions d’isolement plus contraignantes. Bien que cela n’ait pas de lien avec les conditions liées à la COVID-19, le Comité a formulé une recommandation précise et pertinente pour que le SCC précise, dans la politique, combien de temps un patient en observation renforcée (surveillance pour risque de suicide) doit minimalement pouvoir passer hors de sa cellule chaque jour pour pratiquer ses loisirs, faire de l’exercice et avoir des interactions sociales significatives. La politique actuelle prévoit ce qui suit :
Recommandation 5 : Étant donné que la Directive du commissaire (DC) 843, Interventions pour préserver la vie et prévenir les blessures corporelles graves (1er août 2017) ne prévoit pas la formulation de recommandations par un professionnel des Services de santé quant à la durée minimale de sortie de la cellule pour des loisirs, de l’exercice et des interactions sociales significatives (pour les détenus et les patients qui font l’objet d’une surveillance accrue ou modifiée du risque de suicide) qui devrait être accordée chaque jour (en tenant compte de l’évaluation du risque menée par un professionnel des services de santé), étant donné que le formulaire Surveillance accrue du risque de suicide (CSC/SCC 1434) et le formulaire Surveillance modifiée du risque de suicide (CSC/SCC 1435) ne contiennent pas de section réservée aux recommandations de cette nature, et puisque les périodes de sortie à l’extérieur de la cellule et le soutien social pourraient avoir des incidences significatives et positives sur la santé mentale des détenus et des patients, le Comité d’enquête recommande que le commissaire adjoint, Services de santé, se penche sur ces exigences dans la politique.
Dans ce cas, le Comité a fait remarquer que même si le formulaire « Surveillance modifiée du risque de suicide » précisait que M. Bissonnette pouvait sortir de sa cellule pour faire de l’exercice, téléphoner et aller sous la douche chaque jour, il ne passait dans les faits « presque pas de temps ». Pour le personnel de sécurité, sortir les patients des cellules d’observation pour qu’ils puissent pratiquer des loisirs ou faire de l’exercice ne semblait pas représenter une priorité.
Il ne s’agit là que d’un exemple parmi plusieurs autres où le Comité estime que le personnel de sécurité ou opérationnel a limité la portée de la pratique clinique ou thérapeutique, ce qui peut avoir considérablement réduit la qualité des soins que Stéphane a reçus. Des membres du personnel ont confié au Comité que « certains agents correctionnels n’avaient pas la personnalité requise pour travailler dans un environnement clinique ». D’autres étaient considérés comme irrespectueux, belliqueux ou méprisants envers d’autres membres du personnel ou les patients. À l’époque, on disait que certains agents avaient une attitude dite de « sécurité maximale », c’est-à-dire que leurs interactions avec les détenus étaient principalement définies en fonction des enjeux sécuritaires et qu’ils ne [traduction] « possédaient pas les compétences et l’intérêt nécessaires pour travailler avec des patients ayant des problèmes de santé mentale (SM) et qu’à ce titre, ils ne devraient pas travailler au Centre régional de traitement (CRT). » Ces constats ne sont pas nouveaux. Comme le Comité le signale également, au moins un agent a été retiré du CRT de l’Établissement de Millhaven, car certains des recours à la force auxquels il a pris part ont été jugés « excessifs ».
Problèmes de conformité
Le Comité a émis plusieurs constatas importants qui ont trait à la qualité des interactions entre le personnel correctionnel et le personnel des soins de santé, et avec M. Bissonnette dans les heures précédant son décès. Les constats faisaient état d’évaluations physiques insuffisantes ou incomplètes, même si le patient présentait des symptômes réellement préoccupants, notamment une faible maîtrise de ses fonctions motrices, un manque d’équilibre, des trébuchements et même des chutes au sol en présence du personnel survenues l’après-midi et le soir de son décès. Le personnel correctionnel, qui devait constamment observer M. Bissonnette par caméra ou interagir avec lui à la porte de sa cellule, a également été critiqué pour une documentation inadéquate, une surveillance médiocre et une communication insuffisante. Même les membres du Comité, dans leur examen mené après l’incident [traduction] « ont dénoncé le fait qu’il était difficile de voir si M. Bissonnette respirait dans la vidéo enregistrée par la télévision en circuit fermé (TVCF) sur une période d’environ deux heures et 30 minutes le 16 décembre 2021 ». Quoi qu’il en soit, la seule caméra d’observation n’aurait pas suffi à exercer une surveillance adéquate, surtout après que M. Bissonnette eut éteint la lumière dans sa cellule la nuit de son décès.
Le Comité semble réserver sa critique la plus sévère à l’endroit de la qualité et de la fréquence des dénombrements, des patrouilles de sécurité et de l’observation alors que M. Bissonnette était sous surveillance pour risque de suicide modifié le jour précédant son décès. La principale recommandation du Comité mérite d’être citée en entier, car elle témoigne d’un degré inhabituel de franchise et même de frustration :
Recommandation 2 : Étant donné que les AC au CRT croyaient qu’il était suffisant de regarder une seconde ou moins d’une seconde un détenu pour s’assurer qu’il respirait, et puisque l’on juge que la qualité des dénombrements et des patrouilles de sécurité représente un problème de conformité au sein de nombreux établissements fédéraux du SCC depuis plusieurs années, et que les paragraphes 3 et l’alinéa 4a.ii) et l’annexe B de la DC 566-4, Dénombrements et patrouilles de sécurité (29 mai 2017) n’abordent pas la question des procédures du protocole d’assurance de la qualité qui font état de la diligence raisonnable exercée pour s’assurer que les détenus respirent durant les dénombrements et les patrouilles de sécurité, le Comité d’enquête recommande que le commissaire adjoint, Opérations et programmes correctionnels examine les politiques afin qu’elles comprennent des procédures bien précises en la matière (y compris le visionnement des enregistrements par la TVFC et/ou d’autres moyens efficaces en veillant à ce que les AC regardent toujours et suffisamment longtemps dans les cellules pour confirmer que les détenus respirent et ne sont pas en situation d’urgence médicale), ainsi que la documentation pour veiller à la qualité (DC 566-4, alinéa 7a), s’assurer que le corps est vivant) des dénombrements et des patrouilles de sécurité.
Comme le Comité le souligne, le caractère inadéquat des patrouilles de sécurité est loin d’être un problème unique ou isolé. Le rapport décrit en détail de nombreux autres rapports de comités d’enquête nationaux et d’experts où la qualité des patrouilles de sécurité, des rondes et des dénombrements a été jugée non conforme ou a joué un rôle dans le défaut de confirmer les signes de vie. Depuis son tout premier examen systémique de cette question en 2007, le Bureau a toujours considéré cette question comme l’un des principaux facteurs ayant contribué aux décès en établissementFootnote 62. Il n’est toujours pas clair comment ou si le Service mettra en œuvre la principale recommandation du Comité, compte tenu du fait que les syndicats de première ligne s’opposent, en principe, à l’utilisation de séquences vidéo comme mesure de responsabilisation pour évaluer ou surveiller le rendement du personnel. Comme il fallait s’y attendre, la politique actuelle est muette sur de telles mesures. Cependant, les preuves s’accumulent et démontrent qu’il ne faut rien de moins qu’un protocole d’assurance de la qualité pour sauver des vies et prévenir d’autres décès en établissement, simplement parce que les agents correctionnels négligent souvent de s’acquitter adéquatement de l’un des aspects les plus essentiels de leurs fonctions. Le Bureau surveillera de très près si et comment le SCC choisit de prendre les mesures correctives clés découlant de cet incident et de l’enquête du SCC à ce sujet.
De même, la qualité inférieure et les irrégularités d’exécution des « tournées des services de santé » (aussi appelées « tournées du personnel infirmier ») menées par le personnel infirmier le soir du décès de Stéphane ont également été mentionnées dans le rapport. Bien que les paramètres ou le but de ces « tournées » (par opposition à des patrouilles) ne soient pas décrits dans une procédure écrite, il semblerait que le rôle de tout infirmier implique d’effectuer régulièrement des examens vitaux pour s’assurer que les patients ne sont pas en détresse médicale. Encore une fois, le fait que le Comité ait déterminé qu’il s’agissait d’une lacune dans la politique et qu’il ait donc été obligé de recommander au SCC de fournir des procédures écrites sur la façon dont le personnel infirmier devrait effectuer une vérification du mieux-être des patients en milieu hospitalier ne peut que laisser perplexe. Il est peut-être instructif de savoir que le seul membre du personnel qui a été congédié pour exécution négligente ou insouciante de ses fonctions avait le titre d’infirmier-e autorisé(e) et était également en période de probation au SCC.
Dans le cas de la mort de M. Bissonnette, les patrouilles de sécurité, les dénombrements et les tournées du personnel infirmier ne peuvent être qualifiés que de non conformes comme ils ont échoué à assurer une évaluation et une vérification suffisantes des signes de vie. Malheureusement, ces lacunes généralisées ne sont corrigées que sur une base individuelle, en fonction des incidents survenus et rétroactivement, souvent à la suite d’un incident grave ou d’un décès. En ce qui concerne le processus de surveillance modifiée du risque de suicide, le CRT de l’Établissement de Millhaven a installé des écrans plus grands afin de pouvoir mieux observer les patients sous surveillance constante par télévision en circuit fermé. Cependant, la technologie de la télévision en circuit fermé est encore assez rudimentaire et manque de fonctionnalités essentielles qui permettent les plans panoramiques, le basculement de l’image ou de gros plans, lesquels aideraient le personnel à mieux évaluer si un sujet est en vie ou décédé. Un pas de plus pourrait être d’utiliser des technologies intelligentes conçues pour la surveillance à distance des signes vitaux dans les cellules – de telles technologies existent depuis un certain temps déjà.
Une question de gouvernance?
Comme l’a recommandé le Bureau, le SCC a choisi de ne pas examiner le fonctionnement et la gouvernance de l’ensemble des centres de traitement, affirmant qu’un tel examen serait trop vaste et exigerait trop de temps. À ce sujet, il convient de rappeler que bien que le CRT de l’Établissement de Millhaven soit techniquement un établissement de traitement en santé mentale à niveaux de sécurité multiples, en tant qu’établissement colocalisé, il partage les mêmes terrains, les mêmes contrôles périmétriques et même les mêmes règles, procédures et certains des mêmes membres du personnel que l’Établissement de Millhaven. Au moment du décès de Stéphane, le CRT de l’Établissement de Millhaven maintenait essentiellement la même posture de sécurité que tout autre pénitencier à sécurité maximale (et la maintient encore dans une large mesure). Comme l’indique le rapport du Comité : « Bien que le Centre régional de traitement soit un établissement à sécurité à niveaux multiples, tous les patients ont été traités comme s’ils étaient des détenus à sécurité maximale ». Fait révélateur, aucune explication n’a pu être fournie au Comité pour expliquer pourquoi le CRT suit des règles de sécurité maximale, y compris le refus d’ouvrir les portes des cellules dans les rangées (pour une évaluation des soins de santé ou la distribution de médicaments), à moins que deux agents soient physiquement présents. On sait que ces règles limitent, entravent et retardent l’accès aux soins de santé pour les patients.
Bien que le rapport du Comité soit remarquablement silencieux à propos de la gouvernance du CRT de l’Établissement de Millhaven, on sait que le directeur général des CRT de l’Ontario, qui supervise le CRT de l’Établissement de Millhaven et le CRT de l’Établissement de Bath, relève en pratique du directeur de l’Établissement de Millhaven. Ce rapport hiérarchique traduit une structure de gouvernance déroutante, qui entraîne des répercussions importantes sur la prestation sécuritaire, rapide et efficace des services de soins de santé au CRT de l’Établissement de Millhaven. Par exemple, bien qu’il ne possède pas les connaissances médicales, l’expertise ou l’expérience requise en santé mentale, on demande régulièrement au directeur de l’Établissement Millhaven d’approuver les décisions de nature clinique émanant du CRT, comme le placement ou le retrait d’un patient des cellules d’observation et de surveillance pour risque de suicide, ou l’utilisation de contraintes Pinel. Pour des raisons inconnues, qui demeurent un mystère pour le directeur lui-même, il a dû « approuver » ou autoriser l’application de ces procédures cliniques dans le cas de M. Bissonnette. De toute évidence, ce genre de structure de gouvernance ne semble pas respecter les principes d’autonomie professionnelle et de prise de décisions cliniques nécessaires pour exploiter un établissement psychiatrique agréé. Quoi qu’il en soit, il semble que les limites qui séparent l’autorité clinique et l’autorité opérationnelle du CRT de l’Établissement de Millhaven soient très floues, une situation qui entraîne de la confusion, des conflits de rôles et un outrepassement de la portée des pouvoirs des autorités correctionnelles au détriment des soins de santé. Ces faits sont connus, importants et on ne peut en faire abstractionFootnote 63.
Le problème de gouvernance au CRT de l’Établissement de Millhaven était en fait l’une des principales préoccupations liées à un décès survenu dans le même établissement en août 2020. L’une des principales conclusions du CNE était que la structure de gouvernance en place au CRT de l’Établissement de Millhaven comportait son lot de défis et entraînait des répercussions négatives sur la façon dont la personne décédée était soignée. Le Comité a expressément recommandé [traduction] « un examen de la gouvernance au CRT de l’Ontario pour s’assurer que les interventions en santé physique et mentale sont déterminées et contrôlées par les professionnels de la santéFootnote 64 ». En fin de compte, le commissaire adjoint des Services de santé du SCC de l’époque et le directeur de l’Établissement de Millhaven en poste à l’époque n’avaient pas appuyé les conclusions du Comité. Par conséquent, cette recommandation n’a jamais été mise en œuvre et l’omission de le faire a entraîné des répercussions importantes.
Plus précisément, le CRT de l’Établissement de Millhaven n’est pas un hôpital psychiatrique spécialement conçu pour offrir ce type de soins. Situé à l’arrière de l’Établissement de Millhaven proprement dit, le CRT a été conçu à l’origine pour servir d’unité résidentielle à sécurité maximale ordinaire de 96 places. Officieusement appelée « unité Y », l’installation recyclée comporte quatre sous-unités, chacune comportant un niveau supérieur et un niveau inférieur. Ouvert en juin 2016, le CRT de l’Établissement de Millhaven offre des soins aux personnes atteintes des problèmes de santé mentale les plus aigus de la région de l’Ontario qui ont besoin d’un traitement en établissement. Forcé d’entrer en service prématurément, le CRT de l’Établissement de Millhaven est aux prises avec des problèmes d’infrastructure et de conception depuis son ouverture. Bien qu’il ait été désigné comme un établissement de santé mentale à niveaux de sécurité multiples, les patients qui s’y trouvent sont traités comme s’ils étaient des détenus à sécurité maximale, un constat partagé par le CNE lui-même. Il ne s’agit assurément pas d’un environnement thérapeutique.
L’accès aux patients dans cet établissement peut être difficile étant donné que chaque rangée est considérée ou désignée comme une rangée à sécurité maximale. On n’y trouve rien qui ressemble à un gymnase ou à un espace intérieur complet de conditionnement physique pour les patients, les postes de surveillance et de soins infirmiers sont exigus, les mini-cours extérieures sont asphaltées et peu accueillantes, il n’y a pas suffisamment de salles d’entrevue confidentielles et ces salles ne sont pas sécurisées. Il y a un manque général d’espace d’entreposage pour l’équipement médical. Les bureaux de la plupart des membres du personnel des services de santé mentale, y compris les gestionnaires, sont situés à l’intérieur de l’Établissement de Millhaven, ce qui crée des obstacles physiques à des soins efficaces, sécuritaires et accessibles aux patients.
En tant qu’installation à la double identité, la sélection et la composition du personnel de sécurité affecté au CRT ont tendance à refléter les normes en vigueur à l’Établissement de Millhaven. Cependant, la culture, l’attitude, la formation et la disposition des agents choisis pour travailler au CRT peuvent ne pas convenir au travail auprès de patients dans un établissement de soins de santé mentale à niveaux de sécurité multiples. La direction du CRT confirme que les Services de santé n’ont toujours pas leur mot à dire sur les agents correctionnels de l’Établissement de Millhaven affectés en service au CRT.
Dans des rapports antérieurs, le Bureau a soulevé de graves préoccupations au sujet de l’aptitude, de la formation et de la sélection du personnel embauché pour travailler dans son hôpital psychiatrique. Dans sa réponse, le SCC a déclaré catégoriquement que « tous les membres du personnel correctionnel, y compris ceux qui travaillent dans les centres régionaux de traitement, sont recrutés, sélectionnés et formés avec soinFootnote 65 ». L’incident présenté dans cette étude de cas démontre le contraire. En fait, ce CNE est tout aussi catégorique lorsqu’il affirme que les agents correctionnels qui travaillent dans les CRT ne sont pas formés pour travailler dans un établissement psychiatrique avec des patients ayant des besoins en santé mentale. En effet, ce manque de formation spécialisée en santé mentale représente un « défi national » qui, de l’avis du CNE, devrait être abordé « à l’échelle nationale ». Le Bureau est entièrement d’accord.
Le seul gestionnaire correctionnel (GC) affecté au CRT, qui n’est sur les lieux que pendant les heures de jour, est le cinquième affecté au CRT au cours des deux dernières années, et son propre mandat a pris fin lors d’une des visites récentes du Bureau. Le roulement fréquent des GC au CRT semble révélateur d’une difficulté à concilier les rôles conflictuels des services de santé et de la sécurité dans la pratique, une tâche qui entraîne plusieurs obligations supplémentaires en matière de rapportage et de supervision.
ÉVALUATION DU MILIEU DE TRAVAIL AU CRT DE L'ÉTABLISSEMENT DE MILHAVEN
Une évaluation du milieu de travail et des défis uniques du CRT de l’Établissement de Millhaven a été lancée en janvier 2022, et le rapport a été achevé en juillet 2022. Il s’agissait de la deuxième évaluation de ce genre à traiter des problèmes en milieu de travail au CRT depuis 2020. L’évaluation a pris la forme d’entrevues à participation volontaire et confidentielles avec des membres du personnel de divers services, notamment des services de santé et des opérations. Comme l’évaluation chevauchait une partie du mandat du Comité, elle a été incluse comme preuve documentaire.
L’évaluation a donné lieu à de nombreuses constatations et comprenait près de 70 recommandations visant à améliorer la culture, l’environnement et les conditions de travail en favorisant un milieu de travail professionnel, sain et respectueux. Le rapport décrivait une relation [traduction] « un peu dysfonctionnelle » entre le personnel de la santé mentale et les agents correctionnels, qui semblait se résumer à un manque de civilité, de confiance et de compréhension mutuelle des rôles et responsabilités de l’autre dans un environnement hospitalier en santé mentale.
L’évaluation comprenait de nombreuses suggestions pratiques pour améliorer l’espace physique et les conditions de travail de l’installation, dont plusieurs sont pertinentes pour les besoins de la présente enquête :
- résoudre le problème de l’emplacement de la caméra et du risque d’obstruction délibérée dans les cellules d’observation;
- réduire les obstacles à la prestation de soins infirmiers efficaces;
- augmenter le nombre de lits disponibles en milieu hospitalier;
- créer des salles et des espaces de bureau réservés au personnel;
- accroître l’espace mis à la disposition des agents de programme et veiller à ce que les salles d’entrevue soient sécuritaires.
Enfin, l’évaluation du milieu de travail a fait état de plusieurs préoccupations liées à des problèmes chroniques d’approvisionnement et à des problèmes d’équipement inadéquat, y compris des pénuries de fournitures de base comme des thermomètres, des couches pour adultes, des lingettes, de la literie, des gants, etc. Il n’est pas facile de savoir qui gère le ressourcement et l’approvisionnement en articles de soins de santé au centre de traitement (les Services de santé ou les Opérations, le directeur général du CRT ou le directeur de l’Établissement de Millhaven).
Mesures disciplinaires du personnel
Le Bureau a demandé et reçu l’ensemble de l’information relative aux enquêtes disciplinaires du personnel découlant du décès de M. Bissonnette, y compris toutes les sanctions imposées et les réprimandes officielles formulées. Au total, quatorze enquêtes disciplinaires ont été recensées, dont huit du côté des Opérations et six du côté des Services de santé. Les enquêtes disciplinaires semblent toutes avoir été terminées en juin 2022, ce qui coïncide avec le moment de la convocation du CNE.
Au total, six membres du personnel – deux membres du personnel infirmier et quatre agents correctionnels – se sont vu imposer une sanction disciplinaire d’une forme ou d’une autre pour négligence dans l’exercice de leurs fonctions, principalement en raison de lacunes dans la qualité des patrouilles de sécurité ou des dénombrements ou de la qualité des tournées de soins de santé dans le cas du personnel infirmier. Comme il a été mentionné plus tôt dans le présent rapport, la mesure disciplinaire la plus grave ayant été prise a été le congédiement d’un membre du personnel infirmier autorisé. L’autre membre du personnel des services de santé qui a fait l’objet d’une mesure disciplinaire officielle a reçu une réprimande écrite. En ce qui concerne le personnel de sécurité, deux agents correctionnels ont été suspendus pour une période de 30 jours sans solde, un autre pour 15 jours sans solde et un quatrième pour deux jours sans solde. La documentation semble indiquer que les enquêtes disciplinaires ont été menées de façon professionnelle et appropriée, les autorités régionales des Services de santé ayant présidé les enquêtes disciplinaires sur les services de santé et le directeur de l’Établissement Millhaven celles visant le personnel de la sécurité.
D’après le ton et le contenu des lettres disciplinaires, on peut déduire qu’il y avait effectivement un problème de « culture » au CRT de l’Établissement de Millhaven, ce qui va dans le sens des propos de certains membres du personnel qui, pour défendre ou justifier leurs actions, avaient simplement mentionné que [traduction] « c’est la façon dont on fait les choses ici ». Fait important, les deux membres du personnel qui ont fait l’objet de la mesure disciplinaire la plus sévère étaient aussi les moins expérimentés. Il convient aussi de souligner que les problèmes relatifs à la qualité des patrouilles de sécurité et des tournées des services de santé sont aussi les éléments qui reçoivent le plus d’attention dans l’analyse et les commentaires du CNE.
Constats plus récents
Depuis l’exercice d’évaluation du milieu de travail, des améliorations et des changements positifs semblent avoir été apportés au CRT de l’Établissement de Millhaven. Ils ont été observés et confirmés par des visites de suivi sur place et des entrevues. Par exemple, un effectif élargi et plus permanent d’agents correctionnels travaille maintenant dans l’établissement psychiatrique à niveaux de sécurité multiples, ce qui garantit une continuité accrue des services aux patients et contribue à améliorer les rapports entre le personnel opérationnel et le personnel des soins de santé. De nombreux employés ont reconnu que les problèmes surviennent lorsque les agents correctionnels de l’Établissement de Millhaven font des quarts de travail au CRT. Certains d’entre eux manquent de compréhension et d’empathie à l’égard des besoins en santé mentale des patients; adoptent un style de communication plus abrasif ou abrupt; et, de manière générale une attitude attendue d’un AC œuvrant dans un environnement de sécurité maximale alors incompatible avec celle d’un hôpital psychiatrique à niveaux de sécurité multiples.
Au cours des visites de suivi, les membres du personnel du Bureau ont eu des interactions positives avec les membres du personnel correctionnel du CRT, dont bon nombre ont exprimé une forte volonté de travailler exclusivement dans ce milieu, en acceptant les défis uniques du travail en santé mentale. Bien qu’il semble y avoir un réel intérêt à travailler avec des personnes ayant des besoins complexes, les agents estimaient que la formation pour travailler dans un tel établissement spécialisé était insuffisante. Cela soulève des préoccupations quant au niveau de formation offerte aux recrues qui sont embauchées pour travailler avec des personnes atteintes de maladie mentale dans des établissements spécialisés en santé mentale et force à s’interroger quant au besoin d’intégrer des titres de compétence supplémentaires ou un volet distinct au Programme de formation correctionnelle. Ces constatations et d’autres qui sont ressorties au cours de notre visite ont fourni suffisamment de motifs justifiant un examen plus approfondi du modèle de gouvernance du centre de traitement, y compris de la dotation. Cette préoccupation particulière est susceptible de constituer le fondement d’une enquête systémique future.
Pour terminer, avant de formuler mes recommandations à l’égard du présent cas, j’aimerais aborder ce qui me semble être un problème récurrent dans la façon dont le SCC traite les familles qui ont perdu un être cher derrière les barreaux. Dans un rapport de 2016 intitulé « Laissés dans le noir : Enquête sur les pratiques relatives à l’échange et à la divulgation d’information sur les décès en établissement dans le système correctionnel fédéral », le Bureau a fait état des nombreux défis auxquels les familles sont confrontées lorsqu’elles tentent d’avoir accès à de l’information à la suite du décès d’un être cher dans un établissement fédéral. Le rapport souligne que le SCC ne communique pas d’emblée ou de façon proactive de l’information aux familles, ne les renseigne pas ou ne fait pas de suivi auprès d’elles pendant l’enquête et qu’elles sont tenues de demander officiellement des rapports par les voies officielles d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels. Lorsqu’elles reçoivent finalement ces rapports, les renseignements qu’ils contiennent sont souvent lourdement caviardés. À cette époque, le Bureau a demandé au SCC de bien vouloir communiquer, dans leur intégralité et en temps opportun, tous les rapports d’enquête aux membres de la famille du plus proche parent.
Bon nombre de ces problèmes étaient en cause dans l’affaire qui nous occupe ici. En partageant mon rapport préliminaire avec le SCC, celui-ci a signalé que plusieurs facteurs faisant écho à la Loi sur la protection des renseignements personnels avaient été pris en considération pour garantir la protection des renseignements personnels concernant M. Bissonnette et les employés concernés, ainsi que pour contenir des risques pour la sécurité. Le SCC soutient que les renseignements personnels ou de sécurité de nature délicate, y compris la conclusion principale de son enquête (sur la qualité inadéquate des patrouilles de sécurité), ne devraient pas être divulgués, au motif que l’intérêt public ne l’emporte pas sur l’intérêt à protéger la vie privée.
Avec toute la déférence qui s’impose, je suis en désaccord avec cette façon de voir les choses. Maintenant que mon rapport est publié et qu’il fait partie du domaine public, comme il se doit, je défendrai ma décision de divulguer des renseignements qui, à mon avis, sont pertinents aux fins de mon enquête et dans l’intérêt public. Dans le cas qui nous occupe, il convient de rappeler que Stéphane est décédé au CRT de l’Établissement de Millhaven en décembre 2021. Un membre de sa famille n’a communiqué avec le SCC pour demander des renseignements sur le décès de Stéphane qu’en avril 2023. Une copie caviardée du rapport du CNE a finalement été fournie aux membres de la famille en juin 2024. Le fait qu’ils aient dû attendre plus de deux ans et demi pour obtenir des réponses sur les circonstances dans lesquelles leur proche est décédé alors qu’il était sous la garde du SCC est franchement inadmissible et déraisonnable. Il n’est dans l’intérêt de personne de continuer à laisser dans le noir des familles endeuillées. Cette pratique est contraire à ce à quoi nous devrions nous attendre d’un service carcéral transparent et responsable.
Conclusion et recommandations
À un certain nombre d’égards troublants, le décès de M. Bissonnette alors qu’il était sous la garde et les soins du SCC s’inscrit dans une série d’incidents similaires que le Bureau a déjà documentés dans des rapports publics. Stéphane était atteint de maladie mentale et avait des comportements et des besoins complexes. Il avait une forte propension à retourner la violence contre lui-même et, à l’occasion, vers les autres. Ses antécédents d’incarcération dans des établissements fédéraux – placements prolongés en isolement préventif, nombreux placements en observation renforcée (surveillance pour risque de suicide), transfèrements fréquents à l’intérieur et à l’extérieur des établissements psychiatriques, placements multiples en confinement restrictif et utilisation fréquente du système de contention Pinel pour gérer sa tendance à l’automutilation ou ses idées suicidaires – indiquent que le SCC a peiné à gérer cette personne en difficulté de façon sécuritaire et humaine. Bien que son cas soit unique à certains égards, le décès de Stéphane suit une tendance familière et reflète la mauvaise gestion continue de la maladie mentale aiguë dans le système carcéral canadien.
Au cours de cette enquête et de cet examen, qui comprenait des visites sur place et des entrevues approfondies avec le personnel du CRT et le personnel de l’Établissement de Millhaven, le Bureau a cherché à cerner, à confirmer et à contextualiser les facteurs, les lacunes et les problèmes de conformité systémiques qui ont contribué à cet incident :
- Qualité des patrouilles de sécurité (défaut de s’assurer que la personne est bien en vie et respire).
- Réponses punitives et axées sur la sécurité aux comportements associés à la maladie mentale.
- Sélection, recrutement et formation du personnel de sécurité choisi pour travailler dans les centres de traitement du SCC.
- Infrastructure physique déficiente pour la gestion des besoins complexes en santé mentale.
- Démarcation brouillée entre les Services de santé et les Opérations (double allégeance).
- Lacunes dans la continuité des soins, notamment en ce qui concerne la communication, la production de rapports, la surveillance et l’évaluation.
Aucun de ces facteurs pris isolément n’aurait pu mener directement à la mort de Stéphane. Toutefois, dans leur ensemble et suivant leurs interactions, ils ont tous contribué à ce résultat tragique et évitable.
J’ai formulé quatre nouvelles recommandations et j’en réitère deux autres qui n’ont pas encore reçu de réponse adéquate ou qui n’ont pas été mises en œuvre comme il se doit :
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Je recommande que le SCC publie immédiatement l’évaluation de l’observateur indépendant sur l’impartialité, la rigueur et le professionnalisme de ce Comité national d’enquête.
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Je recommande au SCC de préparer et de publier un résumé des faits du cas et des conclusions de ce CNE, y compris les recommandations, les leçons apprises et les mesures correctives qui ont été mises en œuvre au CRT de l’Établissement de Millhaven à ce jour.
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Je recommande qu’un expert en santé mentale indépendant et de l’extérieur effectue un examen de conformité complet de la sécurité des patients au CRT de l’Établissement de Millhaven.
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Je recommande que le SCC évalue la pertinence et la faisabilité de l’installation de technologies de surveillance à distance des signes vitaux dans les cellules de toutes les zones de placement des détenus à risque élevé des établissements fédéraux, y compris les unités d’intervention structurée, les cellules d’observation renforcée (surveillance pour risque de suicide), les centres régionaux de traitement et les cellules des soins de santé dans les établissements ordinaires.
Réitération de recommandations antérieures
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Je recommande que le SCC veille à ce que le personnel de sécurité qui travaille dans un centre régional de traitement soit recruté avec soin, choisi et formé de façon appropriée, et à ce qu’il soit pleinement compétent pour effectuer ses tâches dans un hôpital psychiatrique sécuritaire.
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Je recommande d’élargir les solutions de rechange à l’incarcération et d’augmenter le nombre de places pour faciliter le transfèrement et le placement de personnes purgeant une peine de ressort fédéral qui sont suicidaires, qui s’automutilent de façon chronique ou qui souffrent d’une maladie mentale grave, dans des établissements psychiatriques externes dans la collectivité.
Enquête nationale systémique
Enquête sur les pénitenciers autonomes à sécurité maximale pour hommes dans les services correctionnels fédéraux
[Traduction] « … la classification en établissements à sécurité maximale, à sécurité moyenne et à sécurité minimale n’a fait qu’aggraver le problème : pour illustrer les différences entre les trois classifications, et au fil de l’application de mesures pour humaniser l’incarcération dans des établissements à sécurité moyenne et à sécurité minimale, on a observé une tendance à rendre la vie dans les établissements à sécurité maximale plus répressive, plus axée sur la sécurité et plus déshumanisante que jamais. »
- Le juge J.W. Swackhamer (24 avril 1972)
Pendant la plus grande partie du XXe siècle, divers groupes de travail et de commissions et comités fédéraux ont eu de la difficulté à définir la finalité et à améliorer le fonctionnement des établissements à sécurité maximale au Canada. Dès 1938, la Commission Archambault a constaté que le système correctionnel du Canada devait mettre l’accent sur la prévention et la réadaptation, et s’éloigner de la classification arbitraire des détenus pour atteindre ces deux objectifs complémentairesFootnote 66. Une grande partie des délibérations de la Commission portant sur le concept et le but des services correctionnels continuent d’influencer le débat public encore aujourd’hui.
Quelques décennies plus tard, les rapports émanant des travaux du Comité Fauteux (1956)Footnote 67 et du Comité Ouimet (1969)Footnote 68 plaidaient en faveur d’une augmentation du nombre d’établissements à sécurité moindre dotés de programmes spécialisés de traitement et de réadaptation. Ils estimaient qu’il n’y avait pas suffisamment de programmes de ce genre dans les établissements où les opérations visaient d’abord et avant tout à contrôler une petite proportion de la population carcérale qui exigeait que l’on mette en place des mesures de sécurité maximales. Pour leur part, les rapports du Comité Fauteux et Ouimet ont également révélé qu’il n’y avait pas suffisamment de formation professionnelle et d’offre de travail valorisant derrière les barreaux, que le programme d’éducation était déficient et que les activités récréatives proposées ne permettaient pas de contrer les effets déprimants de l’isolement cellulaire. Ils ont notamment plaidé en faveur d’établissements plus petits et non plus grands.
Plus tard, le Comité Mohr (1971) a reçu le mandat : « d’établir les besoins des détenus que le groupe d’étude définit comme à la sécurité maximale, d’établir les programmes et de déterminer le personnel nécessaire pour satisfaire ces besoins et, pour terminer, d’établir les plans et les emplacements idéaux des établissements qui permettront de mettre en œuvre ces
programmesFootnote 69. » Comme d’autres avant lui, le rapport Mohr a conclu que la réadaptation devait être la principale priorité derrière les murs de tout établissement fédéral, y compris les établissements à sécurité maximale. Bien que le Comité ait longuement tenté de définir de ce qui constitue une sécurité maximale, il a fini par abandonner l’exercice. Le Comité a exhorté les tribunaux à établir de façon concise l’objectif de l’emprisonnement – la rétribution, la neutralisation, la dissuasion ou la réadaptation – afin que le niveau de sécurité de l’établissement corresponde à la finalité de la peine. Plus concrètement, le Comité a proposé que les établissements à sécurité maximale fonctionnent de manière à ce que les détenus qui s’y trouvent soient le plus motivés possible à faire le nécessaire pour être transférés vers un établissement à sécurité moindre.
Le Rapport de la commission d’enquête sur le soulèvement survenu au pénitencier de Kingston, en avril 1971, qui fut présidé par le juge J. W. Swackhamer et a mené à la création de ce Bureau, a été chargé d’examiner la ou les causes immédiates de l’émeute meurtrière à la prison la plus abjecte du Canada, le pénitencier de Kingston (PK). La Commission a relevé plusieurs facteurs familiers qui ont contribué à la fréquence et à la gravité de la violence qui a éclaté non seulement au PK, mais qui a presque mis à genoux tout le régime pénitentiaire canadien au début des années 1970. Plus particulièrement, la Commission a constaté un manque d’opportunités de socialisation pouvant occuper le temps des détenus, ce qui a contribué à l’émergence d’une culture d’oisiveté, d’hostilité, de désespoir et de violence :
Nous avons constaté que les détenus du PK étaient obligés de passer au moins seize heures par jour pratiquement isolés dans leur cellule. Dans cet environnement limité et étroit, ils n’avaient que le droit de dormir, de lire, d’écrire des lettres « autorisées » et de se livrer à un seul passe-temps, à condition d’en avoir l’autorisation et les moyens financiers. Peut-on s’étonner que, dans de telles conditions, bon nombre d’entre eux passaient une grande partie de leur temps à ressasser leur passé et à faire de l’introspection? L’ennui et le sentiment d’impuissance et de désespoir étaient inévitables. Il s’en est suivi un sentiment exacerbé de mécontentement et un penchant à la violence et au comportement antisocial. On ne peut même pas songer à la réadaptation dans un tel milieu; à plus forte raison ne peut-on pas la mettre en pratique! En fait, à Kingston, on n’a jamais sérieusement envisagé la chose.
Comme le suggère la présente enquête, ces observations troublantes demeurent aussi pertinentes aujourd’hui que lorsqu’elles ont été émises pour la première fois il y a cinquante ans.
Les débats et les idées qui ont porté sur ces enjeux apparemment dépassés et réglés sont en fait encore pertinents aujourd’hui. En effet, la raison d’être déterminante des établissements à sécurité maximale demeure en 2024 aussi déroutante et insaisissable que par le passé. Au cours de cette enquête, la raison d’être de ces établissements et la définition de la population à qui ils sont destinés sont à nouveau au cœur du débat public et politique où prévaut souvent une parole exigeante des sanctions pénales plus longues et plus sévères. Le degré d’indignation suscité par la décision récente de transférer certains détenus très en vue dans des établissements à sécurité moyenne au cours de la dernière année reflète une partie de ce sentiment populaire.
En novembre 2023, lors de son témoignage devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale (SECU) au sujet des droits des victimes d’actes criminels, reclassement et transfèrement des délinquants fédéraux, la commissaire du Service correctionnel du Canada a donné un aperçu révélateur de l’expérience contemporaine dans un établissement à sécurité maximaleFootnote 70. Dans son allocution devant le Comité et en réponse aux questions des parlementaires, la commissaire a décrit les difficultés liées à la prestation, en milieu à sécurité maximale, d’interventions de base, comme celle de programmes correctionnels ou de programmes qui portent sur les facteurs criminogènes. Elle a souligné la nature violente des personnes condamnées à purger des peines dans ces établissements et a reconnu que la plupart des détenus purgeant des peines de durée déterminée, y compris ceux qui sont incarcérés dans des établissements à sécurité maximale, finiront par être relâchés dans la collectivité.
Sur ce dernier point, bien que le témoignage de la commissaire ait réitéré le but et l’importance de la réinsertion sociale, ses observations au Comité ont fourni un portrait franc, quoique dérangeant, des difficultés et des défis auxquels le SCC est confronté dans ses efforts visant à favoriser des attitudes et des comportements prosociaux dans des conditions de confinement telles que celles prévalant dans un établissement à sécurité maximale. Tout système correctionnel devrait aspirer à ce que les personnes qui ont passé du temps dans ce type d’établissements soient dans un meilleur état lorsqu’elles réintègrent la société. Cette enquête présente des conclusions qui mettent véritablement en doute la poursuite de cette aspiration. Il incombe au SCC d’expliquer pourquoi les objectifs et les résultats correctionnels de base, comme la réadaptation ou la réduction du risque de récidive, ne sont pas atteints dans les établissements à sécurité maximale d’aujourd’hui. L’enquête du Bureau révèle que les établissements à sécurité maximale sont des lieux violents, dysfonctionnels, imprévisibles et dangereux. Dans certains cas, nous avons constaté des pratiques opérationnelles et des conditions de détention dégradantes, voire déshumanisantes, contraires à toute intention, principe ou résultat correctionnels déclarés.
Selon la politique du SCC, les établissements à sécurité maximale sont conçus pour accueillir des personnes purgeant une peine de ressort fédéral qui :
- présentent une grande menace pour la sécurité du public;
- ont besoin d’un degré de surveillance plus élevé;
- risquent le plus de tenter de s’évader.
L’article 28 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) prévoit ce qui suit :
28 Le Service doit s’assurer, dans la mesure du possible, que le pénitencier dans lequel est incarcéré le détenu constitue un milieu où seules existent les restrictions les moins privatives de liberté pour celui-ci, compte tenu [de] […]
(b) la facilité d’accès
(i) à la collectivité à laquelle il appartient
(ii) à sa famille et à un milieu culturel compatible, et
(iii) un environnement linguistique compatible;
Bien sûr, les établissements à sécurité maximale visent d’autres objectifs non déclarés ou non officiels. Il ne fait aucun doute que des termes comme « sécurité publique » ou « menace à la sécurité » sont suffisamment élastiques pour inclure la neutralisation et la dissuasion, et même la punition et la rétribution. Après tout, le placement dans un établissement à sécurité maximale n’est pas censé être facile. Et, comme l’indique clairement cette enquête, il ne l’est certainement pas.
Au-delà des quelques références mentionnées ci-dessus, il y a étonnamment peu d’orientation juridique ou même politique sur ce qui distingue les établissements à sécurité maximale des établissements d’autres niveaux de sécurité. L’objectif correctionnel déclaré de ces établissements est de préparer les personnes qui y sont incarcérées à passer à un niveau de sécurité moyenne en participant à des programmes, en répondant aux attentes à l’égard du comportement et en participant à des activités d’éducation ou en occupant un emploiFootnote 71. La Directive du commissaire 706 – Classification des établissements énonce en outre un éventail de « normes de comportement » subjectives attendues des détenus à sécurité maximale, y compris des attentes voulant qu’ils « interagissent de manière efficace et responsable, tout en étant soumis à une surveillance fréquente et directe/indirecte et manifestent au moins un intérêt limité à participer à leur Plan correctionnel ».
Bien que le cadre stratégique et opérationnel du SCC applicable aux établissements à sécurité maximale semble ne pas contenir d’énoncé clair et précis de l’objectif ou du but recherché, notre Bureau a constaté à maintes reprises que les établissements à sécurité maximale pour hommes sont très restrictifs et limitants, au point de miner l’atteinte de la plupart des autres objectifs correctionnels. Les rapports antérieurs du Bureau ont montré que les personnes incarcérées dans les établissements à sécurité maximale pour hommes sont moins susceptibles de passer suffisamment de temps hors de leur cellule, de sortir de leur rangée et d’avoir accès à des aires communes, des espaces récréatifs et des cours extérieures appropriées. Le Bureau a signalé que les détenus à sécurité maximale n’ont pas accès à des programmes d’activités, d’emploi, d’éducation et de base valorisants à l’extérieur de leur rangéeFootnote 72.
Cette enquête met à jour et confirme de nouveau bon nombre de ces conclusions. Plus particulièrement, le Bureau a continué de constater que les NoirsFootnote 73 et les AutochtonesFootnote 74 sont surreprésentés dans les établissements à sécurité maximale, ce qui laisse entendre que des préjugés raciaux entrent en ligne de compte. De plus, les rapports annuels 2021-2022 et 2022-2023 du BEC ont démontré que les unités d’intervention structurée (UIS) continuent de jouer un rôle paradoxal dans les établissements à sécurité maximale, en ce sens que les conditions de détention dans les UIS peuvent souvent être considérées comme plus souhaitables que dans les autres unités, ce qui amène certains détenus à demander délibérément d’y être admis pour cette raison. Dans d’autres rapports publics et dans sa correspondance avec le SCC, le Bureau a formulé de nombreuses recommandations connexes à l’intention du Service :
- Élaborer une politique nationale pour l’utilisation des unités à association limitée sur base volontaire (UALBV) et de toute autre unité ou rangée destinée à une sous-population spécifique.
- Publier sans délai un registre trimestriel des autorisations de placement dans les UIS en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), y compris les raisons invoquées pour accorder l’autorisation. Ce registre devrait également comprendre le nombre de cas où le Service impose des restrictions aux déplacements des détenus en vertu du paragraphe 37.91(1) de la LSCMLC.
- Finaliser et publier un calendrier indiquant comment il prévoit de satisfaire aux exigences en matière de compte rendu prévues par la loi en vertu du paragraphe 37(2) (Obligations du service) et du paragraphe 32(3) (Obstacles physiques), ainsi que de l’article 37.2 (Recommandations en matière de soins de santé).
- Charger une tierce partie indépendante, spécialisée dans les questions de culture organisationnelle (et détenant des connaissances particulières sur le système correctionnel), d’évaluer et de déterminer les causes potentielles de la culture de l’impunité qui semble exister dans certains établissements à sécurité maximale et de proposer d’éventuelles stratégies à court, moyen et long terme qui mèneront à des changements transformationnels durables.
- Mettre sur pied un groupe de travail, comprenant des représentants externes, pour effectuer un examen de tous les incidents impliquant le recours à la force qui ont eu lieu sur une période de deux ans dans les établissements à sécurité maximale.
Contexte
En raison de ces défis continus et uniques dans les établissements à sécurité maximale et du volume de plaintes reçues chaque année par mon bureau de la part de détenus à sécurité maximale, une équipe d’enquêteurs a été affectée aux six établissements à sécurité maximale autonomes :
- Établissement de l’Atlantique
- Établissement de Donnacona
- Établissement d’Edmonton
- Établissement de Kent
- Établissement de Millhaven
- Établissement de Port-Cartier
Leur affectation a coïncidé avec ma visite à l’Établissement de l’Atlantique en avril 2023, au cours de laquelle j’ai observé des conditions de détention très troublantes. J’ai par la suite jugé nécessaire de demander à mon personnel d’effectuer un examen systémique des six établissements autonomes à sécurité maximale, au moyen d’une série complète de visites et d’inspections de toutes les parties de ces établissements au cours de la période visée par le présent rapport. Il s’agissait d’un effort mobilisant tout le Bureau auquel ont participé des équipes composées d’enquêteurs principaux, de membres de l’équipe des politiques et de la recherche et de cadres supérieurs. Chacune de ces visites et inspections a donné lieu à des constats thématiques, qui ont été communiqués en temps réel par correspondance à la commissaire. À la lumière de ces observations, j’ai soulevé à maintes reprises la nécessité d’une intervention de sa part. Au moment d’écrire ces lignes, seulement trois réponses avaient été reçues.
Au total, en incluant six visites que j’ai effectuées personnellement, 23 jours ont été consacrés à des visites dans ces établissements au cours de l’exercice 2023-2024. Le but de l’enquête était d’évaluer et de comparer le fonctionnement des six établissements afin d’en cerner les lacunes, de mettre en évidence les pratiques exemplaires et, en fin de compte, de déterminer si l’environnement à sécurité maximale établit dans les faits un équilibre entre les exigences en matière de sécurité publique et les objectifs de réadaptation et de réinsertion. Cette enquête a également été motivée par le volume, le type et la gravité des plaintes que le Bureau a reçues de la part de personnes incarcérées dans ces établissements particuliers. Plusieurs autres constatations et indicateurs (p. ex. l’augmentation du nombre de cas de voies de fait contre le personnel, les taux élevés de violence entre détenus, le recours élevé à la force de la part des agents correctionnels) brossent un tableau sombre et troublant de ce que représente la vie dans un établissement à sécurité maximale au Canada.
Méthodologie
Les méthodes suivantes ont été utilisées aux fins de la présente enquête :
- Examen des politiques, des procédures, des données et de la recherche menée par le SCC sur les établissements à sécurité maximale pour hommes.
- Inspection en personne des installations de chaque établissementFootnote 75.
-
Entrevues avec plus de 225 employés du SCC, personnes incarcérées et intervenants externes.
- Le personnel du SCC interviewé comprenait des représentants de tous les principaux services institutionnels, de la direction et du personnel correctionnel de première ligne. Des entrevues ont également été menées auprès de directeurs de secteur en communauté de plusieurs régions.
- Des entrevues ont été menées auprès de représentants de la population carcérale, y compris des comités du bien-être des détenus (CBD) et des représentants de rangées, de pavillons et d’unités. Comme ces visites étaient de nature « fermée », des entrevues ont été spécifiquement sollicitées auprès des représentants et n’ont donc pas été ouvertes à la population carcérale élargie. Cela dit, les visites « ouvertes » ordinaires se sont poursuivies simultanément pendant l’enquête et ont contribué à éclairer nos conclusions.
- Les intervenants externes comprenaient, sans s’y limiter, des avocats, des groupes de liaison des personnes purgeant une peine à perpétuité et des comités consultatifs de citoyens.
- Analyse des données du SCC et des plaintes déposées auprès du BEC.
Profil des établissements à sécurité maximale
Au moment de la rédaction du présent rapport, 1 409 personnes étaient incarcérées dans ces six établissements. La population à sécurité maximale dans les établissements autonomes est diversifiée et l’on observe une surreprésentation importante parmi certains groupes, notamment les Noirs et les Autochtones. L’Établissement d’Edmonton abrite la population de détenus autochtones la plus élevée parmi les établissements autonomes à sécurité maximale; celle-ci y représentant 66,1 % de la population carcérale totale. L’Établissement de Donnacona, dans la région du Québec, compte la plus forte proportion de détenus noirs, soit 22,8 %.
Selon les données fournies à mon bureau par le SCC, le coût annuel du maintien d’une personne dans un établissement à sécurité maximale est de 231 339 $. Ce coût représente environ 60 % de plus que celui du maintien d’une personne dans un établissement à sécurité moyenne et près du double du coût associé au maintien d’une personne dans un établissement à sécurité minimaleFootnote 76. Compte tenu de ce coût important, on s’attendrait à ce que les établissements à sécurité maximale offrent une abondance de ressources pour la réinsertion et la réadaptation.
TABLEAU 1. POPULATIONS DES ÉTABLISSEMENTS SELON L’ORIGINE ETHNIQUE
ÉTABLISSEMENT | AUTOCHTONE | NOIR | NON AUTOCHTONE/NON NOIR | INCONNU |
Atlantique | 25,9 % | 19,5 % | 54,6 % | 0,5 % |
Donnacona | 15,2 % | 22,8 % | 62,1 % | 2,1 % |
Port-Cartier | 28,7 % | 7,2 % | 64,1 % | 0,0 % |
Millhaven | 31,9 % | 17,3 % | 50,8 % | 3,5 % |
Edmonton | 66,1 % | 4,2 % | 29,7 % | 2,1 % |
Kent | 44,4 % | 511,9 % | 43,7 % | 1,5 % |
TOTAL | 35,3 % | 14,0 % | 50,7 % | 1,7 % |
Source : Données tirées du Système intégré de rapports – modernisé du SCC (SIR-M; basé sur les détenus dans les établissements en date du 27 mars 2024).
Environ 60 % des personnes incarcérées dans ces établissements purgent leur première peine fédérale. Il convient également de mentionner que 15 % de la population à sécurité maximale a fait l’objet d’au moins une révocation, ou d’une suspension de la libération conditionnelle ou de la libération d’officeFootnote 77.
Ces établissements comprennent des segments de la population carcérale nationale composés de personnes qui ont été jugées, dans une large mesure, être à la fois « à risque élevé » et « à besoins élevés », selon les outils actuariels du SCCFootnote 78. Dans l’ensemble de ces établissements, plus de 95 % des détenus ont été évalués comme ayant des « besoins élevés », et près de 90 % des détenus présentaient un « risque élevé ».
Comme le niveau d’occupation de la plupart des établissements à sécurité maximale autonomes est souvent considérablement en deçà de leur capacité d’accueil, le nombre limité de mouvements imputé aux sous-populations qui y résident (cette question est abordée plus à fond plus loin) laisse encore plus perplexe. Au moment de la rédaction du présent rapport, ces établissements affichaient un taux d’occupation moyen d’environ 70 %. L’Établissement de l’Atlantique affichait le taux d’occupation le plus bas, soit 56,70 %, et l’Établissement de Port-Cartier affichait le taux le plus élevé, soit 86,50 %.
TABLEAU 2. APERÇU DE L’OCCUPATION DANS LES ÉTABLISSEMENTS AUTONOMES À SÉCURITÉ MAXIMALE
ÉTABLISSEMENT | CAPACITÉ INSTITUTIONNELLE COTÉE | ÉTABLISSEMENTS – TOTAL GÉNERAL | POURCENTAGE D'OCCUPATION |
Atlantique | 331 | 188 | 56,7 % |
Donnacona | 451 | 295 | 65,4 % |
Port-Cartier | 237 | 205 | 86,5 % |
Millhaven | 340 | 259 | 76,2 % |
Edmonton | 324 | 252 | 77,8 % |
Kent | 378 | 269 | 71,2 % |
Source : SIR-M (données basées sur les détenus dans ces établissements au 27 mars 2024).
Il ne fait aucun doute que les conditions à l’intérieur des établissements à sécurité maximale sont excessivement violentes et présentent un risque important pour le personnel et les détenus. Les personnes qui purgent leur peine dans un environnement à sécurité maximale sont beaucoup plus susceptibles de commettre des actes violents de toute forme et d’en faire l’objet, que ce soit au sein de la population de l’établissement, contre le personnel et aux mains du personnel correctionnel lors d’incidents impliquant le recours à la force. Fait à noter, bien que la population de ces six établissements ne représente que 10,3 % des détenus purgeant une peine de ressort fédéral, on a dénombré pour l’année 2022-2023 176 agressions contre des membres du personnel de ces six établissements à sécurité maximale, ce qui représente 40 % de l’ensemble des agressions perpétrées contre le personnel dans l’ensemble des établissements cette année-là. Cette même année, on a dénombré 430 cas de voies de fait entre détenus dans ces six établissements seulement, ce qui représente 33 % de l’ensemble des cas de voies de fait entre détenus dans l’ensemble des établissements fédérauxFootnote 79.
Comme il a été mentionné plus haut dans le présent rapport, les incidents survenus dans les établissements autonomes à sécurité maximale qui ont entraîné un recours à la force de la part du personnel ont connu une augmentation constante depuis l’exercice 2017-2018. On a recours à la force dans ces établissements à un taux disproportionnellement plus élevé que dans les établissements d’autres niveaux de sécurité, comme l’indiquent les tableaux suivants.
GRAPHIQUE 1. TAUX DE RECOURS À LA FORCE PAR TRANCHE DE 1 000 DÉTENUS PAR TYPE D’ÉTABLISSEMENT (EXERCICE 2023-2024)
GRAPHIQUE 2. TAUX DE RECOURS À LA FORCE PAR TRANCHE DE 1 000 DÉTENUS DANS LES ÉTABLISSEMENTS À SÉCURITÉ MAXIMALE AUTONOMES (EXERCICES 2017-2018 À 2023-2024)
Ces établissements sont également le théâtre d’un nombre important de comportements d’automutilation et de tentatives de suicide. Par exemple, en 2023-2024, on a dénombré 360 incidents d’automutilation dans les six établissements à sécurité maximale seulement, ce qui représente près du tiers de l’ensemble des incidents d’automutilation dans tous les établissements du SCC cette année-là. Au cours des cinq dernières années, on a dénombré plus de 100 tentatives de suicide dans ces mêmes établissementsFootnote 80. Dans le contexte institutionnel, ces indicateurs doivent être interprétés et utilisés comme des indicateurs de désespoir et de détresse.
Les détenus de ces établissements sollicitent régulièrement l’aide du Bureau pour régler divers problèmes. Au cours de la période de référence 2023-2024, le Bureau a reçu plus de 1 000 plaintes de personnes incarcérées dans des établissements à sécurité maximale, principalement pour des problèmes liés au personnel correctionnel, à leurs effets personnels, aux conditions de détention, aux soins de santé et aux transfèrements.
GRAPHIQUE 3. CINQ PRINCIPALES CATÉGORIES DE PLAINTES ADRESSÉES AU BEC PROVENANT D’ÉTABLISSEMENTS AUTONOMES À SÉCURITÉ MAXIMALE SELON LE NOMBRE DE PLAINTES (EXERCICE 2023-2024)
Constats thématiques
Les conclusions de cette enquête peuvent être résumées en quatre thèmes :
- Le recours excessif à la création et de la gestion de sous-populations pour gérer les risques sécuritaires perçus a un effet négatif sur les objectifs des établissements à sécurité maximale désignés par le SCC.
- L’accent mis sur la sécurité, le contrôle et le confinement nuit à l’engagement du personnel auprès de la population, limite les pratiques de sécurité dynamique ainsi que les occasions de déplacement, de rassemblement et de loisirs en groupe.
- La création et la mise en œuvre de l’Unité d’intervention structurée (UIS) ont entraîné une ponction démesurée de l’attention et des ressources institutionnelles au détriment des unités ayant des besoins plus élevés, et entraîné des problèmes de gestion de la population à l’échelle nationale.
- Les personnes incarcérées dans des établissements à sécurité maximale sont mal préparées en vue d’un transfèrement dans des établissements à sécurité moyenne ou de leur mise en liberté directement dans la collectivité.
1. Le recours excessif à la création et de la gestion de sous-populations
Il n’y a pas de définition claire de ce que représente une sous-population pour le SCC. À défaut d’une telle définition, nous avons présumé que les sous-populations sont des segments de la population carcérale qui fonctionnent indépendamment les uns des autres, qui ne sont pas autorisés à se mélanger et qui peuvent être formés pour diverses raisons. Il peut s’agir de l’affiliation à un groupe menaçant la sécurité (GMS), de problèmes d’incompatibilité, du type d’infraction à l’origine de la peine, de problèmes de santé mentale ou de profils tels que « intégré » ou « non intégré » (communément appelés, respectivement, « sous protection » et « population générale »). Il est difficile de définir ce qui constitue une sous-population, car certains groupes (ou même quelques individus) sont séparés pour toutes les activités, sauf quelques-unes, ce qui fait fluctuer les nombres de sous-populations déclarées selon le contexte. La prolifération des sous-populations dans une optique de gestion du risque présenté par la population carcérale n’est pas un phénomène nouveau. Le Rapport ministériel sur le rendement 2006-2007 du SCC donne un aperçu anticipé des problèmes engendrés par cette segmentation : « Les besoins de ces délinquants et les risques qu’ils représentent signifient qu’ils doivent souvent être gardés à l’écart du reste de la population carcérale, ce qui est très difficile pour les pénitenciers plus anciens dont les structures originales ont été conçues pour accueillir une population homogène […]Footnote 81 »
Depuis que mon Bureau a produit son rapport sur les formes restrictives de détention dans les établissements correctionnels fédéraux figurant dans le rapport annuel de 2021-2022, dans lequel j’ai souligné le fait que le nombre de sous-populations avait continué d’augmenter tout au long de la pandémie de COVID-19, le problème semble avoir persisté et, dans bien des cas, empiré. Au cours de cette enquête, nous avons constaté que trois des établissements autonomes visités géraient jusqu’à une douzaine de sous-populations, ce qui rendait très difficiles les déplacements efficaces vers les services et l’accès adéquat à ceux-ci. Bien que les autres établissements aient un nombre relativement faible de sous-populations (c.-à-d. moins de cinq par établissement), ils ont tout de même connu des difficultés semblables pour ce qui est de l’accès et des déplacements. La préoccupation au sujet des sous-populations oriente les activités normales en établissement, détermine la participation aux programmes et consomme une quantité démesurée de temps et de ressources du personnel. Il faudrait fournir un effort déterminé pour réduire le nombre de sous-populations et ne pas en créer d’autres.
Le nombre important de sous-populations a également nui à la formation d’organismes représentatifs appropriés pour la population carcérale. Les comités du bien-être des détenus (CBD) sont idéalement composés de représentants élus de diverses unités qui sont chargés de défendre les intérêts de l’ensemble de la population carcérale et de négocier au nom de celle-ci. Fait important, la Directive du commissaire 083 – Comités de détenus stipule qu’il incombe aux CBD de formuler des recommandations au directeur de l’établissement concernant l’utilisation de la Caisse de bienfaisance des détenus et de tenir des consultations sur des questions de politique. De plus, les CBD sont habituellement chargés de présenter un rapport annuel et doivent se réunir chaque mois avec le directeur adjoint, Interventions, ainsi qu’à tous les trois mois avec la direction de l’établissement, dont le directeur. Au cours de la présente enquête, j’ai vu peu de preuves que ces politiques et pratiques étaient respectées. Par exemple, au cours de ma visite à l’Établissement de l’Atlantique, le CBD en place à l’époque a déclaré qu’il ne s’était jamais réuni avec la direction de l’établissement et qu’il n’avait pas d’interlocuteur à qui communiquer ses préoccupations. Malheureusement, certains CBD sont incapables de se réunir en raison de l’incompatibilité des sous-populations, ce qui a amené les établissements à se fier uniquement aux représentants des rangées et des unités. Dans quelques cas, les établissements n’avaient pas de CBD, comme je l’ai constaté lors de ma visite de l’Établissement d’Edmonton, qui comptait 12 sous-populations distinctes à l’époque.
« Quand ça se passe à l’extérieur de la rangée, c’est pas dit si on ira ou pas. »
- Individu incarcéré à l’Établissement de Millhaven
Nous avons constaté que la division de la population carcérale en ces sous-groupes augmentait le temps de détention passé dans la rangée et l’unité, ce qui amenait souvent les établissements à structurer les routines presque entièrement à l’intérieur des unités elles-mêmes. Les restrictions imposées aux déplacements en raison des sous-populations ont tendance à empêcher les détenus d’accéder à des zones importantes des établissements, comme les espaces récréatifs (cours et gymnases centralisés), les bibliothèques et les espaces de programme. Certains de ces établissements bénéficient d’une « soupape de sûreté » dans la région, c’est-à-dire un établissement ayant un profil semblable qui peut accepter des transfèrements intrarégionaux pour atténuer les pressions liées au profil de la population, mais les régions n’ont pas toutes cette option.
Pour réduire le nombre croissant de sous-populations, les établissements ont cherché activement à combiner des groupes compatibles. Certaines d’entre elles avaient été créées pendant la pandémie de COVID-19 conformément à l’approche préconisée par le SCC afin de limiter la propagation de l’infection, soit de séparer la population en petites cohortes. Grâce à des efforts comme la médiation et le contact avec des groupes potentiellement compatibles, certains établissements ont réussi à maintenir le nombre de sous-populations aussi bas que possible. Bien qu’il soit peu probable que cela devienne une réalité dans le cas de certains groupes, comme les GMS rivaux, ces efforts se sont révélés prometteurs. Dans certains cas, des sous-populations ont été jugées incompatibles en raison de la présence d’un seul individu. D’autres établissements semblaient moins enclins à se livrer à un tel exercice, soutenant que le risque l’emportait sur les bienfaits. Malheureusement, cette aversion au risque empêche des détenus d’avoir un accès équitable à des activités constructives, ce qui nuit en fin de compte à leur capacité de participer à leurs plans correctionnels et de démontrer qu’ils sont prêts à intégrer des milieux à sécurité moyenne. Il ne s’agit ici que de l’un des nombreux exemples de l’aversion au risque et de la priorité accordée au besoin de maintenir la sécurité de l’établissement au détriment du besoin des détenus de participer à des activités prosociales qui pourraient contribuer à leur réadaptation et à leur réinsertion sociale.
PRATIQUES EXEMPLAIRES – ÉTABLISSEMENT DE MILHAVEN (EM)
Au moment de l’enquête de mon bureau, l’Établissement de Millhaven avait réussi à maintenir le nombre de sous-populations à cinq sous-groupes principaux. La haute direction semblait accorder la priorité à la réduction du nombre de sous-populations, tout en reconnaissant qu’il ne s’agissait pas d’un processus simple ni d’un processus sans risque. Elle a fait valoir qu’il s’agit d’une entreprise importante et continue qui exige une collaboration entre les divers services pour explorer les options, participer à la médiation et faire des efforts pour mener des entrevues avec les personnes incarcérées. Le personnel du Renseignement de sécurité et des Interventions a indiqué que cela s’est révélé efficace grâce au soutien de la direction qui a tenté de réduire le nombre de sous-populations dans son établissement.
- Je recommande que le SCC élabore et mette en œuvre une stratégie nationale de gestion des sous-populations d’ici la fin de l’exercice, dans le but de réduire de façon sécuritaire et considérable le nombre de sous-populations dans les établissements à sécurité maximale.
2. Répercussions de l’accent mis sur la sécurité, le contrôle et le confinement
La sécurité et le contrôle, à divers degrés, sont des éléments essentiels des établissements correctionnels qui servent à garantir la sécurité des personnes incarcérées et du personnel des établissements. Toutefois, le fait de mettre l’accent uniquement ou principalement sur ces éléments gêne l’engagement du personnel auprès de la population carcérale, nuit à la sécurité dynamique et restreint les possibilités de déplacements et de loisirs. Le temps limité passé à l’extérieur des cellules et les routines restrictives, aggravés par une infrastructure désuète et déficiente, limitent l’exercice par les détenus de leurs droits les plus fondamentaux, comme l’accès à des occasions d’exercice physique en plein air.
Temps hors de la cellule et routines
Les détenus qui purgent des peines fédérales dans des établissements autonomes à sécurité maximale sont susceptibles de passer des périodes démesurées confinés à leur cellule ou leur rangée. Au cours de notre enquête, nous avons constaté que les routines étaient très restrictives et paraissaient conçues pour isoler et contenir les détenus chaque fois que cela était possible. Nous en avons relevé quelques exemples particulièrement flagrants, notamment à l’Établissement de l’Atlantique, où l’accès à une salle commune n’est accordé qu’à la moitié d’une rangée, ou pas plus de cinq détenus à la fois, sous le prétexte de la gestion d’un incident potentiel. À l’Établissement d’Edmonton, pendant la journée, toutes les unités fonctionnent selon un horaire différent qui fait du « temps de douche » un privilège, de sorte que les détenus qui sont confinés à une rangée particulière manœuvrent pour avoir l’occasion de sortir de leur cellule pour prendre leur douche. Ce processus entraîne inévitablement des conflits entre les détenus et le personnel et tend à favoriser des « poids lourds » plus influents au détriment des autres.
« C’est un max. Il y a toujours des incidents. Il y a une fermeture complète toutes les quelques semaines. C’est cyclique, parfois c’est plus souvent. »
- Personne incarcérée à l’Établissement d’Edmonton
Le peu de temps qui est offert pour accéder aux espaces communs est réduit encore davantage par le fait que ces zones sont généralement stériles, austères et dépourvues même des commodités les plus élémentaires pour occuper son temps de façon constructive. Les rangées de style couloir à l’Établissement de Millhaven, par exemple, n’offrent pas d’occasions d’interaction, lesquelles sont des caractéristiques essentielles des aires communes appropriées; elles n’ont même pas de sièges. Les personnes qui souhaitent sortir de leurs cellules pour toute interaction sociale n’ont pas d’autre choix que de recycler des seaux à vadrouille et des poubelles en sièges, si elles souhaitent appeler leurs proches ou prendre une pause après avoir marché dans la rangée.
De plus, dans certains des établissements visités, les détenus doivent prendre leurs repas lorsqu’ils sont enfermés dans leur cellule. Cela limite encore une autre occasion d’interaction sociale de base et creuse les fossés au sein de la population. En revanche, les établissements qui permettent aux détenus de prendre leurs repas ensemble, comme l’Établissement de Port-Cartier, augmentent ainsi considérablement le temps passé par les détenus hors de leur cellule.
Infrastructure restrictive
L’infrastructure inadéquate décrite dans les rapports antérieurs du Bureau demeure en grande partie la réalité d’aujourd’hui dans les établissements à sécurité maximale, à l’image d’une époque et d’une philosophie correctionnelles révolues. Au cœur de cette question se trouve l’âge de ces établissements : les six établissements autonomes à sécurité maximale ont été construits et ont ouvert leurs portes dans les années 1970 et 1980. L’infrastructure en place a été conçue pour accueillir des populations plus consolidées et plus compatibles, un aménagement qui s’est avéré de nature à fortement entraver les déplacements et le fonctionnement compte tenu des dynamiques qui prévalent aujourd’hui. Par exemple, les aménagements des établissements entravent les déplacements vers des activités constructives et valorisantes comme l’emploi, les programmes et l’éducation. Dans de nombreux cas, la circulation est entravée par des goulots d’étranglement centraux en raison de la conception radiale des lieux, ce qui retarde le déplacement des sous-populations ou, dans certains cas, d’un seul détenu vers différents secteurs de l’établissement.
« Ils veulent savoir pourquoi il y a autant de coups de couteau, c’est parce que c’est insupportable. Tout ce que vous faites, c’est se mettre dans les pattes l’un de l’autre. Quand vous êtes coincés dans la rangée, vous commencez à chercher la petite bête. Et c’est là que ça explose. »
- Personne incarcérée à l’Établissement d’Edmonton
Les établissements en question ont été conçus dans un contexte correctionnel qui reposait principalement sur des mesures de sécurité statique. Il existe un besoin évident de barrières physiques et de mesures de sécurité pour garantir la sécurité du personnel et des détenus, prévenir l’évasion et assurer le fonctionnement général d’un établissement à sécurité maximale. Cependant, les enquêteurs ont constaté qu’une grande partie de l’infrastructure et des procédures des établissements rendait presque impossible de compléter les mesures statiques en établissant des relations constructives entre le personnel et les détenus et en augmentant la sensibilisation par des interactions régulières. La sécurité dynamique, comme pratique correctionnelle, est largement absente dans les établissements à sécurité maximale.
Légende : Les enquêteurs ont constaté que de nombreux secteurs de ces établissements se détérioraient.
En fait, une grande partie de l’interaction entre le personnel et les détenus se fait par l’entremise des barrières de la rangée et des portes des cellules, ce qui, comme de nombreux cadres supérieurs et détenus l’ont reconnu, accroît inévitablement la tension entre les parties et mène à des échanges conflictuels. De plus, ces environnements se prêtent à un comportement réactif face aux incidents et aux perturbations, plutôt qu’à une intervention anticipée ou à la prévention. Dans certains établissements, comme ceux de Millhaven et de Donnacona, les politiques informelles exigent que le personnel correctionnel s’abstienne de patrouiller la rangée à moins que tous les détenus aient été enfermés dans leur cellule. Dans de nombreux cas, les détenus qui cherchent à attirer l’attention du personnel doivent crier depuis leur rangée jusqu’aux modules de commande, ce qui entraîne d’autres conflits et tensions. De par leur conception, les modules, les locaux à bureaux et les autres aires réservées au personnel sont situés la plupart du temps loin des unités résidentielles. Le recours à la sécurité statique aux dépens de la sécurité dynamique accroît les tensions et, vraisemblablement, mène à un plus grand nombre d’incidents; pas moins.
Les rappels visibles que ces installations sont des endroits violents sont omniprésents. Par exemple, plus d’une douzaine de trous de balle avaient été laissés visibles sur les murs des établissements de Kent et d’Edmonton, malgré les demandes de notre bureau de réparer ces bris. Certains membres du personnel ont avancé qu’ils avaient été laissés intacts intentionnellement, en guise d’avertissement aux détenus.
Pour moderniser l’infrastructure existante afin qu’elle réponde mieux aux besoins de la population d’aujourd’hui, certains établissements ont réaménagé certains secteurs. Les anciennes dépenses ont été converties en espaces de programme pour les Autochtones, tandis que les passages ont été rétrécis pour aménager des salles d’entrevue avec les professionnels. Par ailleurs, d’anciennes unités d’isolement préventif sont en cours de rénovation afin d’agrandir l’espace réservé aux entrevues et les salles de programme, ou de créer de nouvelles cellules à l’UIS.
« La chapelle est censée être un lieu spirituel, mais nous devons utiliser l’espace à d’autres fins parce qu’il n’y a pas d’autres endroits pour certaines activités. »
- Aumônier
« Nous n’avons pas d’espace pour la psychothérapie. J’ai un psychothérapeute à mon service, mais pas de local pour l’accueillir. »
- Chef des services de santé
Le problème ici, c’est que toute nouvelle construction a largement reproduit aveuglément le modèle d’hébergement de 96 places, présenté pour la première fois il y a une dizaine d’années pour tenir compte de l’afflux prévu de détenus en raison d’initiatives législatives comme l’adéquation de la peine et du crime et l’augmentation des peines minimales obligatoires. Cette période de « répression de la criminalité » a fait suite à une augmentation du budget d’infrastructure du SCC qui a permis la construction de ces unités dans tous les établissements, sauf un. Ce modèle, dont la conception a été retenue en raison de son potentiel pour passer rapidement à l’étape de l’appel d’offres et à celle de la construction, a été inséré dans une propriété fermée préexistante. Bon nombre de ces unités résidentielles ont été réaménagées pour inclure divers segments de la population carcérale, y compris les unités d’intervention structurée, les rangées de soins intermédiaires en santé mentale (rangées thérapeutiques), les rangées des détenus intégrés/non intégrés et les rangées de transition. Aucun de ces espaces n’avait été spécifiquement conçu à ces fins. Bien qu’il ait depuis été réaménagé en tant que centre régional de traitement à niveaux multiples, l’unité résidentielle de 96 places de l’Établissement de Millhaven a également été jugée mal conçue pour sa population et ses fins actuelles Footnote 82.
Leur conception en forme de fer à cheval favorisant une observation directe offre le peu de sécurité dynamique qui a été observé dans les établissements autonomes à sécurité maximale. Cependant, les unités n’ont pas suffisamment d’espace pour les programmes et les bureaux, ce qui amène diverses disciplines professionnelles à se faire concurrence pour utiliser ces espaces. En outre, les espaces récréatifs sont constitués principalement de cours pavées et stériles, séparées entre les ailes des bâtiments. Vanté comme étant « autosuffisant » pour sa capacité de répondre aux besoins quotidiens des détenus dans les unités, cet aspect de la conception a, à l’inverse, limité l’accès à d’autres secteurs importants de l’établissement. À titre d’exemple, à l’Établissement de Donnacona, une unité de 96 places demeure inactive depuis plus de quatre ans en raison de problèmes structurels et électroniques.
Accès aux espaces de loisirs et à l’extérieur pour respirer de l’air frais
Dans les établissements autonomes à sécurité maximale partout au pays, il est évident qu’il n’est pas prioritaire de fournir suffisamment d’espace récréatif extérieur aux détenus qui s’y trouvent. Dans le cas de l’établissement de Kent, par exemple, deux unités de 96 places se trouvent maintenant là où se trouvait autrefois le principal espace récréatif de l’établissement. Les établissements dont les grandes cours extérieures sont encore opérationnelles ont régulièrement fait l’objet de fermetures prolongées en raison du risque perçu de largages de produits interdits provenant de véhicules aériens sans pilote, ou « drones », ou en raison de conflits de travail concernant l’intégrité des barrières physiques. Comme solution de rechange à la fermeture, un établissement donne accès à la cour par roulement, ce qui oblige souvent les détenus à faire le choix entre suivre des programmes ou respirer de l’air frais.
Compte tenu de ces problèmes et de la difficulté de fournir un accès adéquat aux cours à un grand nombre de sous-populations, les établissements ont décidé de reléguer de nombreux détenus à de petites cours restreintes aménagées au sein des unités pour leur donner un accès à l’extérieur pour respirer de l’air frais. Le SCC désigne souvent ces zones assimilables à des cages comme des « mini-cours » ou des cours miniatures.
Par définition, ces espaces sont très petits et n’offrent que l’espace nécessaire pour marcher sur une courte distance. En fait, la superficie des cours d’exercice extérieures fermées fournies aux chiens hébergés à l’Établissement de la vallée du Fraser dépasse de loin la superficie des mini-cours de la plupart des unités offertes aux détenus à l’Établissement d’EdmontonFootnote 83. Les pressions démographiques et les problèmes de déplacement ont également rendu d’importantes zones inutilisables, comme les cours intérieures des établissements d’Edmonton et de Kent, où elles servent maintenant principalement de voies de circulation directes pour les établissements. Le Bureau estime que ces espaces, sur le plan de la conception et de la raison d’être, privent et déshumanisent de façon inhérente les détenus.
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Je recommande au SCC de s’assurer que :
des routines en établissement soient établies de manière à permettre à tous les détenus, à l’exclusion de ceux incarcérés dans les UIS, d’avoir accès quotidiennement à de « grands » espaces de cour;
toutes les unités résidentielles des établissements autonomes à sécurité maximale soient équipées de commodités de base et de places pour s’asseoir;
les politiques liées aux déplacements en établissement, y compris les ordres permanents, soient examinées pour s’assurer qu’elles ne limitent plus la participation des détenus à leur Plan correctionnel.
3. Conséquences de la mise en œuvre des unités d’intervention structurée (UIS)
Dans la foulée de l’abolition, en 2019, de l’isolement cellulaire (isolement préventif), les unités d’intervention structurée ont été créées à titre de modèle de remplacement. Les nouvelles unités ont été présentées comme un nouveau modèle correctionnel par le SCC. Les unités d’intervention structurée et le cadre législatif qui les régit exigent un minimum de temps hors de la cellule (y compris un « contact humain réel »), exigent que les détenus aient un accès quotidien à l’extérieur pour respirer de l’air frais et prévoient plusieurs interventions continues par le personnel de la gestion des cas, les services de santé et le personnel en santé mentale. Leur objectif, en principe, est de réintégrer les détenus dans la population générale le plus tôt possible.
Des UIS ont été mises en place dans 15 établissements au Canada, y compris les six établissements autonomes à sécurité maximale. Le Bureau a fait rapport de leur mise en œuvre à plusieurs reprises, notamment dans ses rapports annuels de 2020-2021 et de 2022-2023. Entre autres observations, on a noté que de nombreuses personnes trouvent que les conditions de l’UIS sont plus favorables que celles de la population carcérale à sécurité maximale en général en raison d’un meilleur accès aux services et aux interventions, des visites quotidiennes de membres du personnel infirmier et de directeurs de prison, du plus grand nombre d’occasions d’interagir avec le personnel de sécurité et de la possibilité de passer plus de temps hors de leur cellule. Compte tenu de cette situation, certains détenus refusent de quitter les UIS, comme l’ont également constaté des décideurs externes indépendants.
L’enquête actuelle a révélé que ces problèmes persistent et posent un défi important aux établissements autonomes à sécurité maximale. Les UIS exigent une concentration importante de ressources et de mesures de protection, car l’objectif est d’offrir aux détenus une période minimale quotidienne de quatre heures à l’extérieur de leur cellule, y compris deux heures de « contact humain réel ». Cela comprend les interactions avec divers membres du personnel de programme, des travailleurs de soutien spirituel et ethnoculturel, du personnel de gestion de cas et des bénévoles. Les détenus incarcérés dans une UIS ont un accès en personne quotidien au directeur de l’établissement ou à ses délégués, et des visites régulières y sont effectuées par le personnel infirmier et les travailleurs en santé mentale. Pareil accès n’est pas accordé aux occupants des rangées régulières. De plus, les UIS sont en grande partie tenues à l’abri de mesures telles que les isolements cellulaires.
La grande différence entre le nombre d’employés affectés à l’UIS et ceux assignés aux autres unités était visible dans les établissements visités. Quoi qu’il en soit, lorsque les UIS sont pratiquement à pleine capacité, ce qui n’est pas rare, il devient plus difficile, voire impossible, de respecter les obligations relatives au temps hors cellule imposées par la Loi. Les cadres supérieurs ne sont pas à l’abri de ces défis opérationnels, car le flux régulier d’admissions et de transfèrements des UIS monopolise une grande partie de leurs priorités et de leur attention.
Il existe un contraste notable entre les conditions de détention dans les UIS et celles à l’extérieur de ces unités, en raison de l’importance accordée au respect, dans les UIS, des droits reconnus par la Loi et de l’examen public de leur fonctionnement. Les règles régissant les UIS ne s’appliquent pas à d’autres secteurs des établissements et, par conséquent, n’empêchent pas que des conditions assimilables à de l’isolement soient présentes ailleurs. Les enquêteurs ont constaté que les UIS ont tendance à monopoliser les ressources et le personnel spécialisé au détriment des autres unités. Par exemple, le personnel de la santé mentale de certains établissements a déclaré que la priorité est habituellement accordée aux détenus des UIS, dont les besoins évalués en santé mentale ont tendance à être modérés ou faibles, même si des détenus ayant des besoins complexes et élevés peuvent résider ailleurs dans l’établissement, comme dans leurs unités de soins de santé mentale intermédiaires d’intensité modérée ou dans leurs rangées thérapeutiques.
Ces éléments apparemment avantageux ne passent pas inaperçus dans la population carcérale. Bon nombre de détenus ont fait savoir à nos enquêteurs qu’ils ont volontairement pris les mesures nécessaires pour être admis à l’UIS pour accroître leur accès aux loisirs, leur temps passé hors de la cellule, le nombre de leurs réunions avec leur équipe de gestion de cas et leur accès aux programmes, aux services spirituels et à l’éducation. Pour certains, l’hébergement volontaire dans l’UIS est également considéré comme un moyen efficace de réduire la probabilité d’être impliqués dans des incidents de sécurité. Les cadres supérieurs ont mentionné que, dans certains cas, les détenus feront des efforts pour être admis à l’UIS afin de respecter une règle non écrite commune à un certain nombre d’établissements, c’est-à-dire de ne pas être mêlé à des incidents pendant six mois avant qu’un transfèrement à un établissement à sécurité moyenne soit envisagé. Cette attente a été réitérée dans de nombreux établissements, même si elle n’était pas ancrée dans une politique ou une loi officielle.
Ces conditions, et la facilité relative avec laquelle les détenus peuvent être admis à l’UIS, déclenchent souvent une série de transfèrements à l’échelle du pays afin de respecter les lignes directrices prescrites pour la durée maximale des périodes de détention passées dans une UIS. Les transfèrements interrégionaux ne sont pas non plus à l’abri de la priorisation des UIS, car de nombreux membres du personnel ont exprimé des préoccupations au sujet des transfèrements liés aux UIS, qui ont préséance sur tous les autres transfèrements. En retour, ces priorités opérationnelles retardent le transfèrement d’autres délinquants dans des établissements ou des régions mieux adaptés, le transfèrement dans des établissements à sécurité moindre et empêchent des détenus de progresser dans la mise en œuvre de leurs propres plans correctionnels. Ces procédures peuvent également empêcher certains établissements de transférer des détenus problématiques de leur population générale à d’autres établissements, ce qui entraîne des périodes prolongées de comportement perturbateur.
Les détenus qui souhaitent demeurer dans l’UIS refusent souvent de s’intégrer à leur établissement actuel ou dès leur arrivée ailleurs pour prolonger intentionnellement leur séjour. De nombreux détenus, y compris des détenus plus « complexes » incarcérés dans des UIS, passent régulièrement d’un établissement à l’autre, ce qui nécessite des ressources considérables et des négociations importantes entre les établissements.
« Nous savons qu’ils ne s’intégreront pas lorsqu’ils seront envoyés ici. Ils nous le disent dès qu’ils sortent de la fourgonnette. Un délinquant m’a dit : “Monsieur, je vous menace.” Comme ça. Il riait presque lorsqu’il l’a dit. Il m’a dit qu’il ne s’intégrerait jamais à l’établissement et qu’il ferait tout ce qu’il faut pour rester dans l’unité d’intervention structurée ou y être transféré. »
- Gestionnaire correctionnel de l’UIS
Ces cas font l’objet de discussions lors d’un appel entre établissements qui se produit à chaque cycle de transfèrement interrégional et qui inclut le personnel du renseignement de sécurité et des interventions. Des appels simultanés ou subséquents peuvent également avoir lieu entre les cadres supérieurs pour négocier plus à fond quel établissement peut accepter quel détenu. Fait déconcertant, le personnel d’un établissement a qualifié ce processus de « repêchage », tandis que le personnel d’un autre établissement l’a qualifié de « marchandage ». En discutant avec ces établissements, j’ai constaté que ce processus comporte des inefficacités, car il a mené à des luttes intestines entre les établissements qui sont parfois réticents à accepter certains détenus. Bien que les établissements de certaines régions aient été disposés à accepter des cas plus complexes et des transfèrements de routine pour atténuer les pressions démographiques ailleurs, d’autres ont résisté sous le prétexte des barrières linguistiques, de la « culture » régionale ou de l’absence de services suffisants dans l’autre langue officielle. Ainsi, en cas d’impasse, les établissements peuvent devoir renvoyer les cas à l’équipe des cas de transfèrement complexe à l’Administration centrale pour une évaluation plus approfondie et, s’ils sont acceptés, pour obtenir des recommandations éventuelles concernant des options de placement viables. Des exemples de ces échanges et de la discorde entre certains établissements ont été relevés dans les dossiers récents documentant ces appels fournis par le Service. Par exemple, un établissement a offert de prendre sixcas d’UIS d’un autre en échange de l’envoi en retour d’un détenu particulièrement difficile.
« C’est comme le repêchage au Hockey. Nous échangeons des joueurs avec d’autres établissements. Je vais prendre celui-ci si vous acceptez de prendre le mien. Ou vous m’en devez une à la prochaine ronde. »
- Agent du renseignement de sécurité
« Essentiellement, nous échangeons des cas difficiles contre des cas difficiles. Les gars qui purgent des peines indéterminées sont sans cesse transférés d’un établissement à l’autre. Pour le reste de leur vie, ça fait beaucoup de va-et-vient. »
- Directeur
D’un point de vue plus général, la collaboration et l’apprentissage entre les établissements à sécurité maximale sont sporadiques, souvent limités à des cas précis et en grande partie attribuables aux pressions exercées par les impératifs de gestion de la population. Les appels mensuels entre les directeurs d’établissement, qui ne semblent avoir commencé qu’à l’automne 2023, offrent à ces derniers l’occasion de participer de la formation, d’entendre des conférenciers invités et de partager les pratiques exemplaires de leurs établissements respectifs. Compte tenu de la complexité et des aspects uniques de la gestion de tels établissements, on comprend mal pourquoi un tel exercice de collaboration n’a été mis en place que récemment. Néanmoins, le transfert de connaissances entre ces établissements permettrait de mettre en évidence certaines des différences importantes dans leurs approches managériales et opérationnelles, que les enquêteurs observent régulièrement lors des visites.
- Je recommande que le SCC élabore une politique nationale concernant les cas complexes dans les UIS, qui devrait comprendre une surveillance et une orientation à l’échelle nationale, afin de rendre les processus de transfèrement des UIS plus efficaces et équitables.
4. Préparation médiocre à l’abaissement du niveau de sécurité et à la mise en liberté dans la collectivité
« Nous ne les réhabilitons pas, nous les détenons, puis nous les rendons à la rue. Nous les préparons à l’échec. »
- Gestionnaire correctionnel
« La véritable réadaptation se fait dans les établissements à sécurité moyenne. Ici, nous ne les réhabilitons pas. »
- Directeur
Manque d’emplois intéressants
L’obtention d’un emploi intéressant – et le maintien dans cet emploi – est essentielle pour que les détenus puissent occuper leur temps de façon constructive. Ces emplois contribuent également à outiller les personnes pour qu’elles puissent entrer sur le marché du travail une fois remises en liberté dans la collectivité. Bien que l’échelle de rémunération actuelle laisse beaucoup à désirer, le revenu tiré des emplois en établissement est la seule façon pour les détenus d’éviter de dépendre de leurs proches ou de se tourner vers la sous-culture de l’établissement pour gagner de l’argent. De plus, l’emploi et le rendement au travail des détenus sont des éléments envers lesquels des décideurs comme la Commission des libérations conditionnelles du Canada ont un apriori favorable.
Dans tous les établissements examinés, il y avait un manque notable d’emplois intéressants pour les personnes incarcérées. Dans l’ensemble, les emplois offerts à la population carcérale consistaient principalement en diverses formes de services de nettoyage (p. ex. nettoyeurs de rangées, nettoyeurs de douches, nettoyeurs de salles, nettoyeurs des locaux des services de l’établissement). De nombreux emplois étaient de nature subalterne ou rudimentaire et semblaient découler de la nécessité d’inventer des possibilités d’emploi à l’unité, comme les emplois de « trieurs de canettes à boissons gazeuses », de « distributeurs de rasoirs » et de « laveurs de la vaisselle de l’unité ». De plus, même si les personnes dans ces établissements peuvent sembler occuper un emploi, souvent à temps plein, les enquêteurs ont constaté que bon nombre des postes exigent peu ou pas de travail au cours de la journée et qu’il n’y a pratiquement aucune surveillance du personnel pour s’assurer que le travail est effectué de manière satisfaisante.
Bon nombre de ces postes sont recherchés dans le seul but d’obtenir du temps à l’extérieur de la cellule pendant les heures de travail. Par exemple, dans un établissement, il y avait plus d’une douzaine de coordonnateurs des griefs des détenus dont les principales fonctions consistaient à aider d’autres détenus à préparer et déposer des griefs. Les entrevues ont révélé qu’ils avaient rarement, voire jamais, accompagné l’élaboration et le dépôt d’un grief. De plus, ils n’avaient reçu aucune formation pour s’acquitter de leurs tâches, rien au-delà d’une description du poste par écrit. Le même établissement emploie plus de dix mentors, des postes dont le Bureau a défendu la création, mais ces derniers n’ont reçu aucune formation. En plus de la possibilité de fournir des compétences utiles, de tels postes pourraient s’avérer bénéfiques pour les établissements où ils œuvrent, car ils offrent un soutien aux personnes qui vivent une détresse émotionnelle aiguë, lesquelles pourraient autrement se retrouver démunies en raison de l’absence de ressources suffisantes en santé mentale.
CORCAN Industries, qui offre de la formation liée à l’emploi et des possibilités d’emploi aux personnes incarcérées dans divers secteurs manufacturiers et corps de métiers, n’a pratiquement aucune présence dans les établissements à sécurité maximale autonomes. La moitié des établissements que j’ai visités emploient entre six et huit personnes, dont certaines travaillent seulement à temps partiel. Les autres établissements, soit Millhaven, Kent et Edmonton, n’offrent aucune possibilité de travailler pour le compte de CORCAN. Par conséquent, les possibilités d’apprentissage et de formation professionnelle y sont rares, et il y a un manque de partenariats avec des organismes externes ou des établissements d’enseignement qui pourraient offrir de la formation professionnelle. Comme on l’a signalé dans le rapport annuel de l’an dernier, le système de paie désuet et inadéquat, aggravé par l’incapacité des détenus à sécurité maximale d’atteindre les niveaux de rémunération les plus élevés, n’offre pas beaucoup de motivation ou d’incitation à travailler. L’emploi dans les services alimentaires, une occasion autrefois attrayante d’acquérir des compétences culinaires pratiques sous la direction de cuisiniers professionnels, consiste aujourd’hui principalement à laver la vaisselle. Cette situation est attribuable à l’initiative de modernisation des services d’alimentation (« cuisson-refroidissement ») où, à l’exception de l’un des sites à sécurité maximale, une proportion importante de la nourriture est produite en masse à l’extérieur des installations carcérales et expédiée aux établissements pour y être réchaufféeFootnote 84. Un gestionnaire des Services d’alimentation de l’un des sites m’a informé qu’il avait de la difficulté à attirer des employés, car ils pouvaient gagner la même paie en effectuant une heure ou deux de nettoyage dans leur unité au lieu de travailler cinq jours par semaine pour s’acquitter de leurs tâches actuelles en de cuisine.
Mis à part l’ennui qui en découle, l’absence de possibilités d’emploi significatives empêche les détenus d’acquérir des compétences monnayables qui pourraient leur être utiles après leur libération. Le manque de responsabilité et de sentiment d’appartenance à l’égard des emplois légitimes mène à l’oisiveté, laquelle alimente l’angoisse et l’agitation accumulées que l’on observe généralement dans la population.
« Jamais ils ne m’ont demandé : “Que veux-tu faire quand tu sortiras?” Il n’y a eu aucune question sur la formation, rien sur les métiers, personne ne vous demande si vous voulez être chauffeur de camion, travailler dans la construction, etc. Rien. »
- Personne incarcérée à l’Établissement d’Edmonton
« On nous a forcés de faire preuve de créativité. “Trieur de boîtes de conserve.” Est-ce vraiment un travail à plein temps? Nous cherchons quelque chose, n’importe quoi, à leur faire faire ».
- Directeur adjoint, Opérations
« Les gars occupent des emplois juste pour passer du temps à l’extérieur de leur cellule. »
- Personne incarcérée à l’Établissement de Kent
Obstacles aux programmes
La réussite des programmes correctionnels est un facteur clé lorsqu’il s’agit de déterminer si une personne pourra basculer vers un niveau de sécurité inférieur ou si elle recevra du soutien pour sa libération. Les établissements autonomes à sécurité maximale sont confrontés à plusieurs défis en ce qui concerne la prestation des programmes. Le personnel du programme a signalé que la multiplication des sous-populations dans les établissements limite la capacité de réunir des groupes de taille appropriée pour offrir des programmes correctionnels. Cela réduit également le nombre de jours pendant lesquelles des programmes peuvent être dispensés. Les incidents, les mesures de confinement et les perquisitions nuisent également à l’exécution des programmes, car les déplacements des prisonniers sont souvent interrompus. De même, la lenteur des déplacements au sein de ces établissements entraîne des retards qui empêchent les participants d’arriver à temps pour les programmes. Le personnel des programmes a indiqué que, cumulativement, les retards prolongent souvent les délais prévus pour l’achèvement du programme. Dans certains établissements, le manque d’espace réservé aux programmes a forcé le personnel à offrir des programmes dans des endroits inadéquats, comme des salles communes, ce qui a réduit encore davantage le nombre de participants.
Collectivement, ces défis entraînent des répercussions sur la capacité des détenus de progresser dans la mise en œuvre de leur Plan correctionnel, en plus de provoquer le report des audiences de libération conditionnelle, d’entraver les possibilités de transfèrement et de limiter l’accès à des moyens axés sur l’aspect social par lesquels les détenus peuvent occuper leur temps de façon constructive.
« Les gars – les condamnés à perpétuité, en particulier – doivent connaître les étapes. Ils doivent savoir ce qu’ils ont à perdre. Les gars ne savent pas quelles sont leurs possibilités de sortir. Ils ne savent pas qu’ils peuvent sortir. »
- Personne incarcérée à l’Établissement de Kent
En ce qui concerne les programmes en soi, les établissements que nous avons examinés ont réduit le nombre et la fréquence des programmes de base, en mettant davantage l’accent sur les programmes d’introduction, ou les premiers « programmes de préparation » qui sont relativement courts, c’est-à-dire qu’ils comportent entre 10 et 12 séances. La commissaire a fait des commentaires à ce sujet lors d’une récente comparution devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale (SECU), confirmant qu’il n’est pas aussi facile de suivre des programmes dans les établissements à sécurité maximale que dans les établissements à sécurité moyenne, lesquels offrent plus de possibilités d’interventionFootnote 85. Autrement dit, les personnes qui ont le plus besoin de programmes peuvent également être moins susceptibles d’y avoir accès. Les listes d’attente pour commencer les programmes correctionnels dans ces établissements sont longues. En date du 7 avril 2024, la liste d’attente pour commencer les programmes correctionnels dans ces six établissements totalisait 820 personnes, ce qui représentait 1 170 programmes individuelsFootnote 86.
En plus des défis liés à la prestation des programmes « généraux », les obstacles à la prestation des programmes spécialisés sont encore plus importants. Par exemple, les Sentiers autochtones, considérés comme une intervention phare dans l’approche préconisée par le SCC pour les Autochtones, ne sont pas offerts aux personnes incarcérées dans des établissements à sécurité maximale de la même façon qu’ils le sont dans des établissements à sécurité moyenne et minimale. Au lieu de cela, certains établissements ont offert des programmes dits de « Préparation aux Sentiers » à un petit nombre de personnes pour les préparer aux Sentiers autochtones qu’ils pourront suivre une fois qu’ils seront dans des établissements à sécurité moyenne. Le programme « Préparation aux Sentiers », ou une variante de celui-ci n’était offert que dans deux des établissements, et seulement 14 personnes s’y sont inscritesFootnote 87. Cette situation est particulièrement préoccupante, car il y a près de 500 prisonniers autochtones, ce qui représente 35 % de la population totale de ces sites. Cette situation fait écho à ce que le Bureau a constaté dans le rapport Dix ans depuis Une question de spiritualité : une feuille de route pour la réforme du système correctionnel canadien pour Autochtones (2023), à savoir qu’il existe des obstacles importants à l’accès aux programmes et aux services culturels pour les Autochtones dans les établissements à sécurité maximale, puisque les initiatives des Sentiers autochtones sont principalement concentrées dans les environnements à sécurité minimale et moyenne. Comme le rapport l’a également souligné, les Autochtones sont confrontés à des obstacles qui gênent leur passage vers des niveaux de sécurité inférieurs.
PROGRAMME « PRÉPARATION AUX SENTIERS » À l'ÉTABLISSEMENT D'EDMONTON
Au cours d’une visite à l’Établissement d’Edmonton, j’ai rencontré un Aîné à l’unité « Préparation aux Sentiers », qui comptait un total de huit participants, qui ne suivaient que trois séances par semaine. Avec une liste d’attente importante, l’Aîné m’a informé qu’il croyait que l’Établissement d’Edmonton pourrait exploiter une unité complète des Sentiers autochtones et qu’il accepterait volontiers plus de participants, mais le financement est actuellement limité à huit personnes. Il est incompréhensible que le Programme « Préparation aux Sentiers » de l’Établissement d’Edmonton, dont la population est composée à 66,1 % d’Autochtones, soit limité à un si petit nombre de participants financés. Cette situation soulève d’autres questions au sujet de la réticence du SCC à mettre en œuvre un programme traditionnel des Sentiers autochtones à plus grande échelle dans les établissements à sécurité maximale. À l’Établissement d’Edmonton, j’ai constaté que les motifs spirituels utilisés pour les cérémonies étaient symboliques de l’attitude du Service à l’égard d’un tel programme. J’ai trouvé qu’il était stérile, dépourvu d’un semblant de spiritualité, et que le matériel utilisé pour les cérémonies était gardé sous clé dans un conteneur maritime à proximité.
Défis liés à l’éducation
Tout comme les programmes correctionnels, les possibilités d’éducation peuvent jouer un rôle important dans le niveau de soutien qu’une personne recevra en vue d’un transfèrement vers un établissement à sécurité moindre ou d’une libération éventuelle. Outre ces perspectives, un solide programme d’éducation aide les personnes à acquérir des connaissances et des compétences, à obtenir et à conserver un emploi après leur libération et à réduire leur risque de récidive. Nos chercheurs ont constaté que les personnes qui souhaitent participer à des programmes d’éducation sont susceptibles de compléter leurs études à partir de leur cellule et d’échanger avec le personnel enseignant de façon périodique. Les obstacles au déplacement, les nombreuses sous-populations et les contraintes opérationnelles ont une incidence négative sur la capacité d’offrir des programmes éducatifs dans un lieu s’apparentant à une salle de classe. Les occasions pour les élèves de se réunir en groupe sont limitées à de courtes périodes, et ne se présentent qu’à l’occasion. Par exemple, le personnel enseignant de plusieurs établissements m’a informé que les étudiants ne se rendaient en personne en classe qu’une ou deux fois par semaine pour une demi-journée, soit environ deux heures et demie. Bien que le nombre d’inscriptions puisse être encourageant à première vue, le mode de prestation (aggravé par une technologie désuète et inadéquate) et le temps alloué à l’enseignement en classe ou en groupe posent problème.
PRATIQUE EXEMPLAIRE – ÉTABLISSEMENT DE KENT
J’ai rencontré le personnel enseignant de l’Établissement de Kent, où depuis avril 2021, des cours de niveau universitaire sont offerts aux personnes incarcérées qui cherchent à obtenir des crédits postsecondaires. Avec l’aide du personnel enseignant du SCC, les étudiants éventuels peuvent présenter une demande pour des cours individuels offerts par deux universités agréées, mais seulement si ces universités acceptent d’offrir des cours non numériques, sur papier. Compte tenu des dépenses associées à ces cours, la plupart des étudiants présentent une demande au Fonds de bourses d’études J. D. Hobden, offert par la Société John Howard (JHS), pour couvrir ces coûts. Encore une fois, ces cours sont suivis principalement à partir des cellules, car le personnel enseignant a peu d’occasions de rencontrer des prisonniers à l’extérieur des unités pour offrir du soutien individuel. Cet arrangement n’est pas sans défis en raison de la technologie désuète du SCC, car le personnel enseignant doit négocier avec les universités pour offrir d’autres affectations si le travail de cours nécessite normalement l’utilisation d’ordinateurs, d’Internet ou d’équipement audiovisuel. Les questionnaires en ligne, par exemple, doivent être convertis en copies papier et examinés par un membre du personnel, qui doit trouver du temps et un espace de réunion pour le faire. En raison de ces obstacles, des prolongations sont demandées pour presque tous les cours, car ils peuvent rarement être terminés à temps. Les sources de financement et la logistique associée à la prestation de tels programmes présentent des lacunes évidentes. Néanmoins, cette initiative a été couronnée de succès, avec une vingtaine d’étudiants participant au programme, en grande partie grâce à des membres du personnel entreprenants et créatifs.
Gestion des cas et planification des libérations
« Ils ont moins accès à des programmes de formation professionnelle que les personnes en établissement à sécurité [minimale ou] moyenne, alors ils n’ont pas la possibilité d’acquérir des compétences professionnelles. Ils n’ont pas de permissions de sortir avec escorte (PSAE) ou sans escorte (PSSE). Il n’y a pas de transition, pas de processus graduel, rien pour les préparer à retourner dans le monde réel. »
- Directeur de secteur en communauté pour les délinquants libérés directement des établissements à sécurité maximale.
« Les délinquants des établissements à sécurité maximale qui sont libérés sont moins susceptibles de réussir. »
- Sous-directeur
« Dans un monde idéal, personne ne sortirait directement d’un établissement à sécurité maximale, mais ce n’est pas la réalité. Autrement, il faudrait qu’un intermédiaire ait la responsabilité exclusive de travailler avec les établissements et la communauté pour mieux préparer les détenus à la libération. »
- Directeur de secteur en communauté pour les délinquants libérés directement des établissements à sécurité maximale.
« Le fait de les libérer d’office directement d’un établissement à sécurité maximale est injuste; cela ne favorise pas du tout la sécurité publique. »
- Directeur adjoint, Interventions.
Le nombre de libérations directement de ces établissements est considérable. En fait, les données fournies par le Service au cours de deux derniers exercices ont révélé que, chaque année, plus de 500 personnes ont été libérées directement dans la collectivité à partir des six établissements à sécurité maximale grâce à une libération d’office, ce qui représente une partie importante de la population totaleFootnote 88.
Compte tenu de la perception des besoins des personnes dans des établissements à sécurité maximale et des risques qui leur sont associés – plus élevée que pour les autres détenus sous le contrôle du SCC - et du nombre important de détenus libérés directement dans la communauté, une gestion serrée des cas est essentielle pour appuyer l’atteinte des objectifs affichés par le SCC, et peut seule mener les détenus à être transférés dans des établissements à sécurité inférieure et permettre de planifier la mise en liberté.
Les enquêteurs ont constaté que la fréquence et la profondeur des interactions entre le personnel de gestion des cas et les personnes incarcérées sont minimes. Pour bon nombre d’entre eux, les interactions avec les agents de libération conditionnelle (ALC) se font à travers les portes des cellules et les différentes barrières, rarement dans des espaces de réunion privés, ce qui favoriserait pourtant l’établissement de relations basées sur la confiance et la gestion de cas. Lorsque les détenus ont le temps de parler à leur ALC dans un cadre privé, il n’est pas rare que certains établissements placent le personnel correctionnel juste à l’extérieur de l’espace d’entretien, ou à portée d’écoute de ces interactionsFootnote 89.
Fait inquiétant, la plupart des détenus interrogés avaient de la difficulté à nommer leur intervenant de première ligne (CX-02), ne se souvenaient pas de leur dernière rencontre et ne pouvaient pas fournir de détails quant à leurs interactions. La Directive du commissaire 710-1 – Progrès par rapport au Plan correctionnel, stipule que les personnes incarcérées doivent rencontrer leur CX-02 au moins à tous les 45 jours pour remplir un registre structuré des interventions. Les CX-02 actuellement en poste et ceux qui occupaient ce poste avant confirment que très peu de mesures sont prises en matière de gestion de cas. Par exemple, un CX-02 a eu de la difficulté à se rappeler le nombre de personnes incarcérées dont il était responsable, faisant remarquer que la variation des postes à son établissement ne se prête pas à une interaction régulière à cet égard, et qu’il n’a ni le temps ni l’espace pour parler en privé à qui que ce soit.
En théorie, les CX-02 font partie intégrante de l’équipe de gestion de cas, lorsque des interactions cohérentes et constructives ont lieu avec les personnes qui leur ont été assignées. De plus, il semble y avoir une volonté chez les CX-02 d’accroître cet engagement. Lors d’une récente comparution devant le SECU, le président du Syndicat des agents correctionnels du Canada a confirmé que le personnel correctionnel joue actuellement un rôle minime au sein de l’équipe de gestion des cas, ajoutant : [Traduction] « Nous nous demandons parfois pourquoi nous ne participons pas davantage aux évaluations des décisions, puisque nos membres sont avec les détenus en permanence et qu’ils comprennent mieux la charge de travail particulière de détenus que la plupart des membres de l’équipe de gestion de casFootnote 90. » Bien que ce ne soit peut-être pas le cas actuellement dans les établissements autonomes à sécurité maximale, il semble possible de renforcer l’approche de gestion des cas en faisant participer ces employés davantage.
J’ai entendu des préoccupations semblables de la part du personnel correctionnel responsable des services correctionnels communautaires. Par exemple, certains directeurs de secteur ont soulevé des préoccupations au sujet de l’absence de planification de la sortie des personnes libérées directement des établissements à sécurité maximale, car elles arrivent généralement dans la communauté avec des mentalités institutionnelles bien ancrées, une tendance à réagir de façon agressive, et elles manquent habituellement de compétences en communication et en relations interpersonnelles. Bien que les directeurs soient d’avis que certains de ces comportements découlent de la réticence des délinquants à travailler sur leurs plans correctionnels pendant leur incarcération, ils ont également fait remarquer que ces personnes sont libérées sans formation professionnelle, qu’elles disposent de peu de compétences professionnelles et qu’elles dépendent donc davantage des services sociaux. Ces établissements n’ont pas de planificateurs des libérations et, par conséquent, la plupart de ces responsabilités incombent aux agents de libération conditionnelle, dont la charge de travail est déjà importante.
Les conséquences potentielles de ces pratiques de gestion des cas et de planification de la mise en liberté ne sont pas négligeables. Un examen des données tirées de l’Étude exhaustive sur les taux de récidive du SCC (2019) a révélé que les taux de récidive sont considérablement plus élevés chez les personnes libérées à partir d’établissements autonomes à sécurité maximale (environ 61 %), comparativement aux établissements à sécurité moyenne (40 %) et à sécurité minimale (22 %)Footnote 91. La recherche indique également qu‘en ce qui concerne les détenus d’établissements à sécurité maximale purgeant des peines plus courtes (p. ex. trois ans ou moins), leur incapacité de voir leur classement sécuritaire réévalué avant leur date d’éligibilité à la libération d’office empêche plusieurs d’entre eux de passer à un niveau de sécurité inférieur avant leur libérationFootnote 92.
Bien que les facteurs déclencheurs de la récidive soient difficiles à cerner, l’enquête a fait ressortir des lacunes dans le déroulement de la gestion des cas dans ces établissements. Il est donc essentiel de renforcer les échanges entre les détenus et tous les membres de leurs équipes de gestion de cas, notamment en clarifiant les rôles et en attribuant les responsabilités de planification de la libération.
Je recommande que le SCC augmente la disponibilité d’emplois intéressants et de possibilités d’apprentissage dans les établissements autonomes à sécurité maximale, tout en imposant une surveillance de base de ces emplois, afin que les détenus puissent occuper leur temps de façon constructive.
Je recommande que le SCC offre un accès uniforme aux services, aux programmes et aux mesures de soutien destinés aux Autochtones, notamment l’établissement et le maintien de programmes des Sentiers autochtones, dans chacun de ces établissements, sans délai.
Je recommande que le SCC nomme des coordonnateurs des libérations au sein de chaque établissement autonome à sécurité maximale et renforce la politique applicable en la matière pour établir des responsabilités claires en matière de planification de la libération.
Je recommande que le SCC élabore une politique établissant une fréquence minimale de contacts en personne entre les agents de libération conditionnelle en établissement et les détenus. Cette politique devrait énoncer clairement les attentes à l’égard de ce qui doit être abordé lors de ces interactions et inclure un libellé supplémentaire clarifiant la participation du CX-02 dans un environnement à sécurité maximale.
Conclusion
Il est nécessaire d’énoncer clairement les buts poursuivis par les établissements à sécurité maximale pour évaluer si les objectifs énoncés sont atteints. Dans le cadre de cette enquête, le Bureau a constaté que le système correctionnel fédéral n’avait pas d’énoncé clair et commun concernant la finalité des établissements à sécurité maximale. Cette même confusion s’étend à la façon dont les attentes comportementales, les exigences en matière de programmes et la participation aux plans correctionnels individuels – ou l’absence de ceux-ci – sont communiquées aux personnes incarcérées par le personnel de gestion de cas et le personnel correctionnel. Au-delà de l’absence d’incident pendant des périodes arbitraires ou même indéfinies, les détenus à sécurité maximale semblent souvent confus, frustrés ou incertains quant à ce qui est précisément exigé d’eux en vue d’être transféré à un établissement de niveau de sécurité inférieur en temps opportun. Dans un environnement aussi imprévisible et souvent chaotique que celui qui prévaut dans un établissement à sécurité maximale, cet état d’anxiété, d’inactivité et d’incertitude constante au sein de la population crée des conflits et des tensions et mène à de la violence individuelle et institutionnelle.
L’établissement d’objectifs à atteindre concernant une telle attente minimale de comportement prosocial, un niveau de soutien généralement insuffisant pour atteindre cet objectif et l’absence d’occasions suffisantes d’acquérir des compétences utiles dans la vie courante ou de faire preuve d’un comportement respectueux de la loi, ne sont guère conformes aux objectifs primordiaux visés par l’incarcération au Canada, soit la réinsertion et la réhabilitation. En l’absence d’une orientation stratégique claire, les établissements à sécurité maximale du Canada ont développé un modèle correctionnel extrêmement rigide et restrictif, et très intolérant aux comportements non conformes. L’objectif correctionnel, en particulier dans un établissement à sécurité maximale, ne devrait pas être de créer des détenus modèles, mais plutôt de les aider à devenir de meilleures personnes.
Au cours de cette enquête, les membres du personnel du BEC ont constaté de nombreux exemples de réduction ou de suppression des droits des prisonniers, et ces droits ont rarement été rétablis à leur niveau précédent l’incident ayant miné au départ l’exercice de ces droits. Il convient de rappeler que la peine et la privation de liberté qu’elle sous-entend représentent en soi la punition de la criminalité au Canada. Le Bureau estime que les objectifs non énoncés de confinement et de neutralisation sont tout aussi susceptibles d’être les objectifs de l’incarcération à sécurité maximale à l’époque contemporaine que la réadaptation ou la réinsertion. Il est clair que des peines et des sanctions sont encore infligées à l’intérieur des murs de nos pénitenciers à sécurité maximale, même si elles ne font plus partie de l’objectif législatif de la détention fédérale. Bien que le principe de la forme de détention la moins restrictive s’applique toujours, tout comme la maxime selon laquelle l’emprisonnement devrait être utilisé avec parcimonie et la plus grande retenue, l’administration d’une peine doit également être effectuée en fonction de la nature et de la gravité de l’infraction. Il y a suffisamment de lignes directrices émanant de ces concepts pour veiller à ce que même l’incarcération à sécurité maximale soit imposée avec retenue, proportionnalité, finalité et signification.
De plus, le SCC doit faire preuve de leadership pour établir les attentes quant à la façon dont le personnel atteint les objectifs organisationnels et les objectifs carcéraux énoncés. Cela s’étend à la stratégie de recrutement, à la façon dont les nouveaux employés sont formés et à l’accent qui est mis sur certains aspects de leur rôle, car la façon dont les ressources humaines sont gérées a une incidence collective sur le message envoyé à la population institutionnelle.
Comme nous l’avons vu, les unités spécialisées comme les unités d’intervention structurée consomment énormément de ressources institutionnelles, d’attention et, dans bien des cas, elles sont ciblées par des personnes qui cherchent à échapper à la monotonie et au risque associés à la population générale. Le roulement constant des personnes dans ces unités a entraîné une division entre les établissements dans diverses régions, ce qui souligne l’absence d’une stratégie de collaboration claire.
Les installations matérielles qui hébergent ces détenus sont désuètes et elles ne sont pas propices à l’atteinte des objectifs et au respect des principes correctionnels modernes. Même les unités nouvellement construites ont été reproduites ou réaménagées dans ces divers établissements en accordant peu d’attention aux besoins des populations qu’elles abritent; elles servent plutôt à contenir et à contrôler les mouvements et à prévenir le mélange de diverses sous-populations. Ceux qui purgent des peines fédérales dans ces établissements restent trop souvent les bras croisés, dans des endroits exigus, avec peu d’options d’activités significatives ou motivantes. Le niveau de violence dans les établissements à sécurité maximale est le résultat prévisible et cumulatif de conditions de détention toujours plus restrictives et répressives. Les taux et le niveau de violence dans ces milieux sont tels que même ce qui devrait être l’exigence la plus fondamentale attendue de l’État – c’est-à-dire assurer que l’incarcération soit sûre et humaine – n’est aujourd’hui qu’un objectif et non une garantie. Cette absence générale de réinsertion et de réadaptation a transformé les établissements à sécurité maximale en lieux de neutralisation et de confinement. Dans leur forme actuelle, leur fonction principale semble consister simplement à détenir les prisonniers jusqu’à ce qu’ils soient inactifs assez longtemps pour être admissibles à un transfèrement dans un établissement à sécurité moyenne ou pire encore, jusqu’à leur date de libération, sans aucune préparation significative.
En réfléchissant aux conclusions et aux recommandations des commissions d’enquête précédentes et des rapports et examens connexes, nous avons constaté une évolution et une régression de notre compréhension de l’objectif de l’incarcération à sécurité maximale. Le Bureau a rencontré de nombreux employés extrêmement dévoués qui travaillaient dans ces établissements. Selon le Bureau, le problème n’est pas l’engagement ou le dévouement, mais plutôt l’intention et les buts. Le Bureau estime que ces établissements sont inutilement punitifs et restrictifs, au point de remettre en question l’intérêt du Service à atteindre des résultats correctionnels positifs. De façon cumulative, la situation est troublante et mérite un examen complet afin de clarifier la raison d’être correctionnelle et, tout aussi important, la raison sociale de ces établissements.
Je recommande que le SCC établisse un énoncé d’objet clair pour les établissements à sécurité maximale, pour lequel les objectifs peuvent être évalués afin de s’assurer que les résultats optimaux sont atteints et que les droits fondamentaux et la dignité des détenus sont respectés.
L’espoir au-delà des barreaux : La gestion des peines d’emprisonnement à perpétuité au fédéral
La voix des détenus emprisonnés à perpétuité
« À quoi ça sert? Je vais mourir ici de toute façon. »
« Si tu te comportes bien pendant dix ans, ça ne compte pas, mais si tu fais quelque chose de mal, ça compte pendant 25 ans. »
« Il faut simplement que quelqu’un écoute ce que j’ai à dire, qu’il prenne le temps de m’écouter. Nous manquons d’encouragements, et nous nous sentons désespérés. »
« Beaucoup de gens abandonnent. Il devrait y avoir un système en place pour déterminer s’ils ont besoin de soutien. »
« Ça ne prend pas 25 ans pour se rendre compte qu’on a m**dé! »
« Les objectifs des peines d’emprisonnement et mesures similaires privant l’individu de sa liberté sont principalement de protéger la société contre le crime et d’éviter les récidives. Ces objectifs ne sauraient être atteints que si la période de privation de liberté est mise à profit pour obtenir, dans toute la mesure possible, la réinsertion de ces individus dans la société après leur libération, afin qu’ils puissent vivre dans le respect de la loi et subvenir à leurs besoins. »
Règle 4 (1), Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela)
Dans le cadre des activités quotidiennes, les enquêteurs du BEC rencontrent régulièrement des personnes condamnées à une peine minimale obligatoire d’emprisonnement à perpétuité en vertu de l’article 745 du Code criminel (peine à perpétuité minimale), qui sont également près de leur date d’admissibilité à la libération conditionnelle ou qui ont dépassé cette date; qui ont terminé la plupart, sinon la totalité, de leurs programmes, qui sont employés et qui participent activement à leur Plan correctionnel. Pourtant, ces mêmes personnes sont confrontées à de multiples obstacles lorsqu’elles demandent un transfèrement d’un établissement à sécurité moyenne vers un établissement à sécurité minimale. Par conséquent, mon Bureau a décidé de lancer l’enquête en cours dans le but de mettre en évidence certains des principaux problèmes liés à la gestion des cas, à la réévaluation de la cote de sécurité et à la planification des peines pour les personnes purgeant une peine à perpétuité minimale dans un établissement à sécurité moyenne en explorant les questions suivantesFootnote 93 :
- Est-ce que le processus de réévaluation des niveaux de sécurité est équitable?
- Quels sont les obstacles au transfèrement vers la sécurité minimale?
- Quelles sont les « quatre étapes d’une peine de longue durée »? Le SCC applique-t-il ces étapes à la planification de la peine?
En plus de l’examen des politiques et de la documentation du SCC et de l’analyse des données au niveau de la population, l’enquête actuelle a consisté d’une analyse de 35 cas individuels provenant de 11 établissements dans les cinq régions au moyen d’un cadre de codage normalisé. Ces personnes ont été sélectionnées après avoir été désignées comme des cas préoccupants par des enquêteurs principaux du BEC au cours de visites régulières et d’enquêtesFootnote 94. Les préoccupations concernent généralement des problèmes liés aux procédures de gestion des cas ou aux décisions reliées à la réévaluation de la cote de sécurité qui ont un lien direct avec les transferts vers des établissements à sécurité inférieure. En plus de l’examen des cas, des entrevues en personne ont été menées auprès de 24 personnes incarcérées et de 20 membres du personnel dans sept établissementsFootnote 95.
Malheureusement, deux des personnes visées par notre examen de cas se sont suicidées au cours des premières semaines de 2024. Une troisième personne dont le transfert vers un établissement de sécurité minimale avait été approuvé est décédée en mars 2023 peu de temps avant son transfert. Il était âgé et avait plusieurs problèmes de santé et de mobilité. En effet, ces décès nous rappellent constamment que « la condamnation à perpétuité, c’est pour la vie ».
LES PEINES D'EMPRISONNMENT À PERPÉTUITÉ ET LE CODE CRIMINEL
En date du 18 février 2024, il y avait environ 3 600 détenus sous responsabilité fédérale purgeant une peine d’une durée indéterminée (c.-à-d. lorsque la peine d’emprisonnement n’a pas de date de fin), aussi appelés « condamnés à perpétuité », ce qui représente 26 % de la population carcérale totale. Le terme « condamné à perpétuité » s’applique aux personnes condamnées comme suit :
- Ceux qui purgent une peine minimale obligatoire d’emprisonnement à perpétuité en vertu de l’article 745 du Code criminel et qui ne sont pas admissibles à la libération conditionnelle avant d’avoir purgé entre 10 et 25 ans (tel que déterminé par la cour). À l’heure actuelle, 80 % des détenus sous responsabilité fédérale purgeant une peine d’une durée indéterminée ont été condamnés à une peine minimale obligatoire d’emprisonnement à perpétuité (peine à perpétuité minimale).
- Ceux qui sont déclarés délinquants dangereux en vertu de l’article 752 du Code criminel. Parmi les personnes purgeant une peine d’une durée indéterminée, 17 % ont la désignation de délinquant dangereux.
- Ceux qui purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité sans peine minimale obligatoire prescrite par la loi. Ces cas sont appelés les peines maximales à perpétuité, et un juge peut imposer une période discrétionnaire maximale avant l’admissibilité à la libération conditionnelle. À l’heure actuelle, 3 % des personnes purgeant une peine d’une durée indéterminée purgent une peine à perpétuité maximale.
- Les autres (moins de 0,5 %) personnes incarcérées pour une période indéterminée sont pour la plupart des personnes déclarées « non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux » (NRCTM) et elles sont emprisonnées en vertu de l’article 672.54 du Code criminel.
Contexte politique et législatif
En 1976, avec l’adoption du projet de loi C-84, le Canada a été l’un des premiers pays à abolir la peine capitale. Après son abolition, le Canada a adopté des peines minimales obligatoires d’emprisonnement à perpétuité. Cela signifiait que ces personnes demeuraient incarcérées pendant une période prescrite avant de pouvoir présenter une demande de libération conditionnelleFootnote 96. Depuis la fin des années 1970, les tribunaux imposent de plus en plus de périodes d’inadmissibilité à la libération conditionnelle au moment de la détermination de la peine, ce qui entraîne une augmentation du temps passé derrière les barreaux, et même des périodes qui dépassent les dates d’admissibilité à la libération conditionnelleFootnote 97.
Le 2 décembre 2011, Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples est entrée en vigueur, permettant aux juges d’imposer des périodes consécutives d’inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans pour les homicides multiples au premier degré. En même temps, par l’entremise du projet de loi S-6 (Loi renforçant la sévérité des peines d’emprisonnement pour les crimes les plus graves), la « disposition de la dernière chance » a été abolie. Avant décembre 2011, cette disposition de l’article 745.6 du Code criminel permettait aux personnes purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité de demander que leur admissibilité à la libération conditionnelle soit revue après avoir purgé au moins 15 ans de leur peine. Ces modifications législatives ont été apportées en dépit des conclusions d’une étude parlementaire montrant que « [la durée moyenne d’incarcération des délinquants condamnés à perpétuité] est plus longue au Canada que dans tous les pays visés par
l’étude […] » Footnote 98. À la suite de ces modifications, la période minimale d’inadmissibilité à la libération conditionnelle obligatoire au Canada pour les meurtres au premier degré est maintenant l’une des plus sévères parmi les pays semblables de juridiction common lawFootnote 99.
Dans un rapport de 2019 publié conjointement avec la Commission canadienne des droits de la personne, le Bureau a commenté sur la portée des peines d’une durée indéterminée :
« […] les longues périodes d’incarcération ne servent plus à atteindre l’objectif ou l’intention du tribunal au moment de la détermination de la peine et ne sont peut-être plus nécessaires à la sécurité publique. De plus, ces longues périodes d’emprisonnement peuvent parfois porter atteinte à la dignité humaineFootnote 100 »
Cette préoccupation a également été soulignée par l’organisation Penal Reform International dans son exposé d’avril 2012 intitulé « La vie après la mort : Qu’est-ce qui remplace la peine de mort? ».
« Les conditions de détention pour les condamnés à perpétuité, aggravées par la nature des peines, ont un profond impact sociologique et psychologique sur les prisonniers, ce qui va à l’encontre de l’objectif de réhabilitation du châtiment. [Traduction] »
Naturellement, la réinsertion sociale n’est pas l’objectif immédiat pour les condamnés à perpétuité qui en sont encore aux premières étapes de leur peine. La plupart des condamnés à perpétuité purgeront une longue période de leur peine en établissement et demeureront sous surveillance pendant toute leur vie; c’est-à-dire pour ceux qui bénéficient du soutien pour une libération conditionnelle. Au cours des deux dernières décennies, les condamnés à perpétuité (à l’exclusion des délinquants dangereux) ont représenté 2,7 % de toutes les libérations, bien qu’ils aient représenté 20 % de l’ensemble de la population carcérale fédérale au cours de la même périodeFootnote 101.
Autre que de limiter les chances de libération, une peine d’une durée indéterminée en soi devrait avoir peu d’effet sur l’accessibilité à une cote de sécurité inférieure, pourvu que la personne atteigne le seuil établi par l’article 18 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. La classification de sécurité minimale, moyenne ou maximale est fondée sur la mesure dans laquelle la personne évaluée :
- présente un risque d’évasion et présente un risque pour la sécurité du public en cas d’évasion;
- nécessite une surveillance et un contrôle au sein du pénitencier (c.-à-d. une « adaptation à l’établissement »).
Bien entendu, la loiFootnote 102 impose des contraintes supplémentaires à l’accès à la libération conditionnelle et aux permissions de sortir, et la plupart des condamnés à perpétuité commenceront à purger leur peine dans un établissement à sécurité maximale pendant au moins deux ans (voir l’encadré sur la « règle des deux ans », ci-dessous). L’article 28 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) est également en vigueur dans les décisions de classification de sécurité et de placement et exige que « le Service doit s’assurer, dans la mesure du possible, que le pénitencier dans lequel est incarcéré le détenu constitue un milieu où seules existent les restrictions les moins privatives de liberté pour celui-ci. » Pour ce faire, on établit un équilibre entre les préoccupations en matière de sécurité (alinéa 28a) et l’accès aux mesures de soutien, à la culture et à la langue, ainsi que la disponibilité des programmes et des services.
BULLETIN POLITQUE 107 ET LA RÈGLE DES DEUX ANS
À la fin des années 1990, à la suite de la couverture médiatique de certains cas très médiatisés, des directives politiques ont été données selon lesquelles tout délinquant reconnu coupable de meurtre au premier ou au deuxième degré au Canada devrait purger les deux premières années de sa peine dans un établissement à sécurité maximale. Le SCC a réagi en ajustant l’Échelle de classement par niveau de sécurité de façon à ce que la classification au moment de l’admission s’harmonise essentiellement avec l’orientation du gouvernement. Le 23 février 2001, le SCC a publié le Bulletin politique 107, qui disait ceci :
« Étant donné que les meurtres au premier et au deuxième degré sont les infractions les plus graves qui peuvent être commises au Canada, et qu’elles sont punissables au moyen des sanctions les plus rigoureuses en vertu du Code criminel, les politiques et procédures du SCC doivent raffermir plus clairement cet aspect de notre système de justice pénale. Par conséquent, les délinquants purgeant une peine à perpétuité minimale pour meurtre au premier ou au deuxième degré seront classés au niveau de sécurité maximale pendant au moins les deux premières années de leur peine fédérale, ce qui concorde avec les raisons pour lesquelles ils ont été condamnés. Au cours des deux premières années, le SCC aura l’occasion d’observer le comportement et l’adaptation de ces délinquants au début de leur peine et de s’assurer que ces délinquants démontrent le comportement et la motivation nécessaires pour justifier une réduction de leur niveau de sécurité. » [Notre soulignement en gras.]
Cette politique est devenue la « règle des deux ans ». Le Bureau a souvent exprimé des préoccupations à l’égard de cette politique, que nous considérons comme une approche universelle qui ne respecte pas les principes de l’évaluation et de la classification personnalisées des risques énoncés dans le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Le Bulletin politique 107 a depuis été révoqué. Toutefois, bien qu’il ne s’agisse plus d’une politique officielle, il semble que la « règle des deux ans » soit maintenue en pratique en raison des effets persistants de cette politique et du cadre de classification et de placement de sécurité du SCC. La cote de classification qu’une personne reçoit parce qu’elle a commis un meurtre, par exemple, est suffisante pour assurer son placement dans un établissement à sécurité maximale. Indépendamment du risque, l’article 7 de la Directive du commissaire 710-6, Réévaluation de la cote de sécurité des détenus, exige qu’un examen de la cote de sécurité soit effectué « au moins une fois tous les deux ans » pour les détenus qui possèdent une cote de sécurité maximale ou moyenne. De plus, l’article 1 de la Directive du commissaire 705-7, Cote de sécurité et placement pénitentiaire, stipule que « l’attribution d’une cote de sécurité initiale autre qu’une cote à sécurité maximale à un détenu qui purge une peine d’emprisonnement à perpétuité » exige une décision finale de la part du commissaire adjoint, Opérations et programmes correctionnels. La politique et la pratique sous-entendent que le fait de placer un condamné à perpétuité dans un établissement à sécurité maximale à son admission est la règle, et non l’exception.
Bien entendu, il y a d’autres forces en jeu qui pèsent sur les décisions de classement de sécurité et de placement au-delà des obligations législatives et réglementaires ou des lignes directrices du SCC. Certaines personnes croient, ou supposent, peut-être, de manière générale, que les prisons devraient infliger des punitions. Ce point de vue ne reconnaît pas que l’emprisonnement en soi est la peine prescrite pour certaines infractions. Les tribunaux infligent des peines en privant les gens de leur liberté par l’emprisonnement. La sévérité de la peine est adaptée [traduction] « en choisissant la période pendant laquelle la liberté sera restreinteFootnote 103 ». Lorsqu’ils imposent des peines d’emprisonnement, les tribunaux tiennent rarement, voire jamais compte des conditions ou de la qualité de la détentionFootnote 104, des effets criminogènes de l’incarcérationFootnote 105 ou des coûts économiquesFootnote 106 et sociaux inhérents.
Le défi réside également dans les risques perçus et réels pour la sécurité publique que posent les personnes purgeant des peines d’une durée indéterminée. La réévaluation de la cote de sécurité et la réinsertion sociale des personnes condamnées à perpétuité comportent un risque politique, ce qui entraîne peu de résistance à l’égard de ces points de vue et contribue donc au fait que les condamnés à perpétuité languissent à des niveaux de sécurité plus élevés, apparemment à des fins punitives.
Cependant, les normes en matière de droits de la personne exigent l’équité et la proportionnalité dans la prise de décisions. En pratique, cela signifie que, toutes choses étant égales par ailleurs, les condamnés à perpétuité devraient obtenir les mêmes résultats correctionnels que les autres détenus sous responsabilité fédérale pour les progrès réalisés dans le cadre de leur Plan correctionnel.
« L’idée fondamentale est que la reconnaissance de la dignité humaine de tous les délinquants exige que, peu importe ce qu’ils ont fait, ils aient la possibilité de se réhabiliter. La réhabilitation est impossible sans la perspective d’une libération. Les prisonniers doivent pouvoir garder espoir pour un avenir meilleur. [Traduction] »
- Dirk van Zyl Smit, Life imprisonment and the right to hope (24 juillet 2013)
Constatations par thèmes
L’enquête actuelle a révélé plusieurs problèmes graves liés à la gestion des cas et à la planification de la peine. Bien que certaines de ces problématiques ne s’appliquent pas exclusivement aux condamnés à perpétuité, leurs effets sont aggravés par des peines plus longues et un seuil plus élevé d’examen public.
Une Échelle de réévaluation de la cote de sécurité (ERCS) biaisée et des évaluations inadéquates des risques
« On a l’impression que l’ERCS est la force motrice d’un trop grand nombre de décisions en matière de classification de sécurité. »
- Condamné à perpétuité
Les décisions de réévaluation de la cote de sécurité pour les hommes sont informées par un outil actuariel, l’Échelle de réévaluation de la cote de sécurité (ERCS), en conjonction avec une évaluation structurée et individualisée du risque pour la sécurité publique, du risque d’évasion et de l’adaptation en établissement. Dans notre examen de cas, on note que la majorité (83%) des décisions de reclassification de sécurité se soumettent à la recommandation de l’ERCS. Toutefois, nous avons également constaté que les réévaluations de cote de sécurité ne présentaient pas de façon réfléchie la consignation des risques et qu’elles ne tenaient pas compte des biais évidents de l’ERCS qui désavantagent les condamnés à perpétuité.
ÉCHELLE DE RÉÉVALUATION DE LA COTE DE SÉCURITÉ (ERCS)
L’ERCS pour les hommes est notée Footnote 107 en fonction de quinze éléments : les infractions disciplinaires graves et mineures, les incidents consignés, le niveau de rémunération, l’aiguillage vers un établissement de détention, la motivation et les progrès concernant le Plan correctionnel, la consommation de drogues et d’alcool, les permissions de sortir avec ou sans escorte qui se sont bien déroulées et les placements à l’extérieur, l’âge au moment de l’examen, les préoccupations psychologiques, l’historique d’évasions et d’incidents (selon les cotes de l’ERCS) et les transferts à des unités d’intervention structurée. On utilise un outil en neuf points (ERCS-F) pour les femmes incarcérées dans un établissement fédéral. Les éléments de l’ERCS-F diffèrent quelque peu de l’ERCS pour les hommes. Ils comprennent des facteurs validés spécifiquement pour les femmes, comme le « maintien d’un contact familial positif régulier ».
Une cote d’ERCS globale est calculée afin d’indiquer une cote ou une classification de niveau de sécurité recommandée : minimale (9,5 à 15,5), moyenne (16 à 24), et maximale (24,5 à 33). La cote de sécurité recommandée par l’ERCS est prise en compte, ainsi que d’autres facteurs, comme les antécédents sociaux des Autochtones, pour préparer une évaluation globale. À l’heure actuelle, ni la politique ni la loi n’obligent le SCC à fonder ses classifications uniquement sur les cotes de l’ERCS. Les cotes de l’ERCS sont assujetties à un jugement professionnel, c.-à-d. que la cote recommandée de l’ERCS peut être « outrepassée » et qu’une recommandation différente peut être présentée en fonction d’une évaluation complète de trois éléments, soit l’adaptation institutionnelle, le risque d’évasion et le risque pour la sécurité publique.
Permissions de sortir. Un exemple de la façon dont les ERCS désavantagent systématiquement les condamnés à perpétuité est l’inclusion des permissions de sortir. En théorie, les permissions de sortir constituent un outil correctionnel important dans le processus de réhabilitation, facilitant le passage opportun et sécuritaire des personnes condamnées vers des niveaux de sécurité inférieurs et, éventuellement, vers leur libération et leur réinsertion sociale. Toutefois, les condamnés à perpétuité dans les établissements à sécurité moyenne ont de la difficulté à obtenir des permissions de sortir, ce qui nuit à leur capacité de démontrer qu’ils sont prêts pour un niveau de sécurité inférieur, ce qui a un effet direct sur leur cotation de l’ERCS. Dans notre examen de cas, nous avons constaté que 66 % (23 sur 35) des personnes avaient appliqué pour des PSAE, dont 15 avaient été approuvées, mais seulement quatre personnes avaient pu en bénéficierFootnote 108.
« Je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai rédigé un rapport pour une demande de PSAE. »
- Membre du personnel du SCC
En même temps, de nombreux membres du personnel ont signalé une demande accrue de la part des décideurs pour des PSAE réussies avant d’appuyer les transferts des condamnés à perpétuité vers une cote de sécurité inférieure. Plus précisément, les décideurs citent l’absence de PSAE réussies pour justifier le maintien des condamnés à perpétuité à une sécurité plus élevée. Cependant, le personnel a souvent remis en question cette exigence, car ils ne sont pas convaincus que les PSAE atténuent réellement le risque ou aident à préparer les personnes à des placements vers une sécurité moindre, malgré l’insistance des décideurs, comme dans l’exemple ci-dessous.
Les PSAE sont plutôt devenues des « éléments d’une liste de vérification » qui font obstacle au soutien des réévaluations de cote de sécurité de niveau inférieur avec peu d’indications claires, voire aucune, sur la façon dont elles abordent les facteurs de risque. Dans la pratique, les PSAE peuvent aller d’une promenade en voiture en ville à la participation à des activités communautaires, bien que cette dernière activité soit beaucoup moins courante.
« Nous avons accordé une permission de sortir avec escorte au cours de laquelle nous avons fait une promenade en voiture avec un condamné à perpétuité dans la ville en offrant une visite guidée et nous avons commandé un repas par le service à l’auto pour évaluer son perfectionnement personnel. »
- Membre du personnel du SCC
Le personnel a également signalé une pénurie de programmes de PSAE conçus spécialement pour les condamnés à perpétuité. Ils ont souligné les défis importants liés au fait que le personnel opérationnel refuse de participer aux PSAE ou de soutenir les condamnés à perpétuité pour celles-ci. À certains établissements, les agents correctionnels II ont carrément retardé ou refusé d’effectuer l’examen des demandes de permission de sortir, bien qu’elle soit requise conformément à la Directive du commissaire 710-3, Permissions de sortir. Les mêmes membres du personnel exigent que les condamnés à perpétuité soient escortés par des agents correctionnels pour les PSAE plutôt que de recommander des escortes non liées à la sécurité, qu’ils aient ou non effectué une évaluation exhaustive de la menace et des risques. Par conséquent, certains condamnés à perpétuité ont droit à une PSAE, mais seulement s’ils acceptent d’être escortés par des agents correctionnels armés et s’ils portent des chaînes. Cette pratique mine non seulement les effets des permissions de sortir sur la réhabilitation, mais elle provoque aussi une résistance de la part des partenaires communautaires qui sont mal à l’aise devant la vue de prisonniers enchaînés accompagnés d’agents correctionnels armés.
Les entrevues ont également révélé un manque général de soutien pour les PSAE de contacts avec la famille dans les établissements à sécurité moyenne. Les membres du personnel ne connaissaient pas souvent les PSAE avec contact familial ou prétendaient qu’ils « ne font pas ça ici ». Et ce, malgré la valeur bien établie en matière de réhabilitation des contacts familiaux, surtout pour les condamnés à perpétuité qui sont incarcérés pendant longtemps.
« Cette prison n’appuie pas les PSAE. J’avais une rencontre proposée par l’aide à l’enfance avec eux et ma fille, mais mon agent de libération conditionnelle m’a dit que la rencontre pouvait se faire par téléphone. »
- Condamné à perpétuité
Mises à jour du Plan correctionnel. La mise à jour du Plan correctionnel joue un rôle important dans l’examen de la réévaluation de la cote de sécurité. Cependant, il est bien connu que les mises à jour du Plan correctionnel pour les condamnés à perpétuité sont rarement effectuées en temps opportun, et ils ne reflètent pas toujours les progrès réels qu’une personne a réalisés. Pourtant, les réévaluations de cote de sécurité, incluant l’ERCS, considèrent le progrès cité dans le Plan correctionnel dans la prise de décisions. En date du 18 février 2024, le Plan correctionnel des personnes purgeant une peine d’une durée déterminée a été mis à jour de deux à trois fois plus récemment que celle des personnes purgeant une peine d’une durée indéterminéeFootnote 109.
Comme l’illustre le tableau 1, les personnes purgeant une peine à perpétuité minimale attendent plus longtemps que toutes les autres pour obtenir une mise à jour du Plan correctionnel, le quart d’entre elles devant attendre entre 2 et 5 ans et 7 % (n = 198) attendent entre 5 et 13 ans.
TABLEAU 1. DÉTENUS SOUS RESPONSABILITÉ FÉDÉRALE PAR PÉRIODE DEPUIS LA DERNIÈRE MISE À JOUR DU PLAN CORRECTIONNEL ET TYPE DE PEINE
DÉTERMINÉ |
INDÉTERMINÉ
AUTRE |
PEINE À PERPÉTUITÉ
MINIMALE |
||||
Période depuis la dernière mise à jour
du Plan correctionnel |
# | % | # | % | # | % |
Inférieure ou égale à 2 ans | 8 379 | 95 % | 560 | 81 % | 1 859 | 68 % |
Plus de 2 ans et moins de 5 ans | 439 | 5 % | 125 | 18 % | 697 | 2 5% |
Plus de 5 ans et moins de 8 ans | 20 | 0 % | 5 | 1 % | 143 | 5 % |
Plus de 8 ans et moins de 10 ans | 1 | 0 % | 1 | 0 % | 30 | 1 % |
Plus de 10 ans | 0 | 0 % | 1 | 0 % | 25 | 1 % |
TOTAL | 8 839 | 100 % | 692 | 100 % | 2 754 | 100 % |
Source : Entrepôt de données du SCC.
Remarque : Cela ne comprend pas 335 mises à jour du Plan correctionnel déclenchées par des transferts à des unités d’intervention structurée.
Compte tenu de ces délais, les réévaluations de la cote de sécurité sont souvent fondées sur des événements et des évaluations désuets qui éclipsent les récents progrès réalisés par les condamnés à perpétuité. Bien que le SCC ait reconnu ce problème dans un bulletin de gestion de casFootnote 110 daté du 26 février 2024, rappelant au personnel que « […] le Plan correctionnel du délinquant permettra de déterminer les objectifs et les événements importants relatifs au déclassement du niveau de sécurité », sa mise en œuvre demeure difficile.
Les mises à jour retardées du Plan correctionnel ont été attribuées aux problèmes de ressources humaines et au nombre de cas Au cours des entrevues, les membres du personnel ont exprimé le sentiment d’être dépassés par la charge de travail élevée et le roulement du personnel, ce qui nuit à leur capacité de rencontrer des personnes incarcérées, en particulier des condamnés à perpétuité.
« Nous n’avons pas le temps d’examiner en profondeur de nombreux dossiers de condamnés à perpétuité, et nous avons de la difficulté à avoir le temps d’établir et de gérer des objectifs. Personne n’a le temps de bien comprendre leurs dossiers. »
- Membre du personnel du SCC
Risque d’évasion. L’évaluation du risque d’évasion est une autre composante importante des examens de réévaluation de la cote de sécurité. Notre examen des cas a révélé un degré élevé de subjectivité dans les évaluations des risques d’évasion. Par exemple, le dossier des personnes jugées « modérément » à risque d’évasion (près de la moitié des cas) mentionnait souvent « qu’il s’échapperait si on lui en donnait la possibilité » comme argument. Bien que ce libellé se trouve dans la politique, il est essentiellement copié et collé dans les examens de réévaluation de la cote de sécurité, puis utilisé comme motif pour renoncer à toute autre évaluation. Nous avons également constaté des renvois aux dates d’admissibilité à la semi-liberté pour justifier la conclusion d’un risque plus élevé d’évasion, la logique étant que plus une personne est éloignée de l’admissibilité à la semi-liberté, plus elle est susceptible d’envisager/ou de tenter une évasion. Aucune de ces justifications ne s’appuyait sur des indicateurs réels de risque. En effet, plus nous examinions la relation entre les antécédents d’évasion et l’évaluation du risque d’évasion, plus les évaluations semblaient arbitraires.
L’examen de la réévaluation de la cote de sécurité doit également déterminer si la personne incarcérée présente un risque faible ou nul pour le public. Dans de nombreux cas, les condamnés à perpétuité étaient maintenus à « risque plus élevé pour le public », principalement en raison de leur peine d’une durée indéterminée et d’un Plan correctionnel désuet.
Bien qu’ils participent aux programmes et réalisent des progrès dans leurs Plans correctionnels, de nombreux condamnés à perpétuité demeurent dans un établissement à sécurité moyenne pendant de plus longues périodes en raison d’évaluations du risque mal préparées qui exagèrent le risque d’évasion et de récidive. Au cours des entrevues, les enquêteurs du BEC ont appris que cela découle en partie des lignes directrices nationales sur la réévaluation de la cote de sécurité. L’accent est mis sur la démonstration de l’absence de risque plutôt que sur l’élaboration de stratégies visant à atténuer efficacement le risque pour les condamnés à perpétuité.
« Le risque ne change pas… ce sont plutôt les stratégies d’atténuation mises en place qui détermineront si le risque est “gérable” ».
- Membre du personnel du SCC
« Nous devons nous pencher sur la façon dont nous gérons les risques afin de s’éloigner d’une culture d’aversion au risque. »
- Membre du personnel du SCC
Évaluation du risque psychologique. En plus des problèmes présentés dans cette section, nos enquêteurs ont également été mis au courant des retards importants liés aux décisions de transfèrement à sécurité minimale pour les personnes qui nécessitent une évaluation du risque psychologique (ERP). Au cours de la dernière année, le Bureau a entendu parler de l’impact des retards de l’ERP sur les décisions de transfèrement et de libération. Au cours des entrevues avec le personnel et les condamnés à perpétuité, presque tous ont exprimé de grandes préoccupations au sujet de la rapidité de l’ERP, à savoir que les retards ont une incidence sur le droit de la personne incarcérée d’obtenir des décisions en temps opportun. Le personnel du BEC s’est fait dire que ces retards étaient attribuables à des pénuries de personnel; cependant, bon nombre d’entre eux ont fait remarquer que les changements de politique, comme l’exigence de faire une ERP avant d’approuver les transferts à sécurité inférieure dans certains cas, ont exacerbé le problèmeFootnote 111.
« J’ai perdu du temps en raison des retards liés à la COVID-19 et à l’ERP, à tel point que ma demande initiale a été soumise il y a quatre ans. »
- Condamné à perpétuité
Attentes comportementales déraisonnables
Dans les services correctionnels fédéraux, il n’est pas rare de voir des personnes qui s’affirment et qui parlent ouvertement, être pénalisées simplement parce qu’elles sont « difficiles » ou parce qu’elles confrontent le personnel. Ces attitudes ont été consignées dans une décision récente de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC), dans laquelle elle a fait part de ce qui suit dans son évaluation du condamné à perpétuité dans l’examen d’une demande de semi-liberté :
« Un autre domaine d’opinions divergentes au dossier, et dont vous avez discuté à l’audience, concerne votre niveau de collaboration et de coopération avec votre équipe de gestion des cas. Selon cette dernière, il y a des problèmes dans ces domaines qui nécessitent des améliorations pour faire avancer votre dossier. Lors de votre audience, vous et d’autres participants avez parlé de la question de l’interprétation des caractères. Votre façon de vous affirmer, votre passion et votre tendance à remettre en question certaines décisions peuvent avoir été interprétées comme un manque de volonté à travailler en étroite collaboration avec votre équipe. [Traduction] »
Il s’agit d’un seuil déraisonnable de comportements attendus et requis par le personnel du SCC. Le fait d’avoir une personnalité abrasive ou affirmée ne constitue pas un risque ou un acte criminel et ne devrait pas être utilisé contre les personnes incarcérées dans l’administration des peines. L’objectif du SCC est de préparer des citoyens « respectueux des lois », et non des citoyens exceptionnels. Toutefois, le respect de normes comportementales déraisonnables est précisément ce que l’on attend des condamnés à perpétuité.
« Ils recherchent la perfection chez les condamnés à perpétuité. »
- Membre du personnel du SCC
Notre examen des cas a révélé de nombreux cas de condamnés à perpétuité décrits comme ayant des opinions bien arrêtées ou de franc-parler. Certaines de ces personnes participaient activement au processus de règlement des griefs, aux litiges contre le SCC ou s’exprimaient haut et fort auprès de leur équipe de gestion des cas (EGC) au sujet de la façon dont leur cas devrait être géré. Ces mêmes EGC avaient tendance à formuler des commentaires sur les traits de personnalité, par exemple en les décrivant comme arrogants, hostiles ou égoïstes, et en apposant un lien entre leur tempérament et leur risque. Deux exemples sont fournis ci-dessous.
De plus, certaines EGC ont interprété toute participation à un litige ou à un grief contre le SCC comme étant une indication d’un risque plus élevé. En fait, il s’agit d’un moyen de dissuasion courant pour de nombreuses personnes incarcérées qui cherchent à avoir recours à ces mécanismes. Par contraste, il y a eu une exception dans notre examen de cas où un membre du personnel a remarqué les traits de personnalité désagréables d’une personne condamnée à perpétuité, les a reconnus et a ensuite expliqué qu’ils n’étaient pas assujettis à une intervention.
Intégration inadéquate des « quatre étapes d’une peine d’emprisonnement à perpétuité » dans les Plans correctionnels
Selon la Directive du commissaire 705-6 : Planification correctionnelle et profil criminel (en vigueur : 15 avril 2019), la planification de la peine pour les personnes purgeant des peines allant de 10 ans à l’emprisonnement à perpétuité « comprendra les quatre étapes d’une peine de longue durée ». Ce modèle est une version atténuée du programme Option-Vie (voir l’encadré ci-dessous), mis en œuvre en 1991 pour appuyer les délinquants qui purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité ou pour une période indéterminéeFootnote 112. Les quatre étapes n’ont pas changé depuis l’introduction du rapport du Groupe de travail sur les peines de longue durée en 1991Footnote 113. Elles sont les suivantes :
- Adaptation : Accepter la réalité de l’emprisonnement.
- Intégration au milieu carcéral : Apprendre à vivre dans ce milieu.
- Préparation à la mise en liberté : Se préparer progressivement à sa mise en liberté. Cela peut comprendre un placement ou un transfèrement dans un établissement dont le périmètre n’est pas sécurisé et directement contrôlé.
- Réinsertion sociale : Assurer un cheminement cohérent et continu menant à une réinsertion sociale sécuritaire. Cela peut comprendre un placement ou un transfèrement dans un établissement dont le périmètre n’est pas sécurisé et directement contrôlé, assurant ainsi un processus cohérent et continu menant à une réintégration en toute sécurité.
Conformément à l’article 44 de la Directive du commissaire 705-6, « Les délinquants ayant une cote de sécurité moyenne doivent se trouver à l’étape de la “préparation à la mise en liberté” ou de la “réinsertion sociale” pour être admissible à un placement ou un transfèrement dans un environnement dont le périmètre n’est pas sécurisé et directement contrôlé […] » (c.-à-d. à sécurité minimale). Il n’y a pas grand-chose d’autre dans la politique pour guider l’intégration des quatre étapes dans la gestion des cas et la planification des peines. Cette absence d’orientation stratégique était évidente dans notre examen des cas.
ÉVOLUTION DU PROGRAMME OPTION-VIE
- Le programme Option-Vie a été mis en œuvre en 1991. Il s’agissait d’un programme national offrant du soutien par les pairs aux personnes condamnées à perpétuité ou à des périodes d’incarcération indéterminées.
- La Stratégie en matière de ressources destinées aux condamnés à perpétuité (SRCP) a été élaborée en 2010 en collaboration avec des experts (Maison Saint-Léonard de Windsor, Institut canadien de formation et Maison Cross Roads) et des personnes purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité en tant qu’outil pour aider les intervenants du programme In-Reach à fournir du soutien à chaque étape d’une peine d’emprisonnement à perpétuité.
- La SRCP a été remaniée en 2019 et elle comprend 11 modules adaptés à chacune des quatre étapes d’une peine d’emprisonnement à perpétuité. La Société St. Léonard du Canada est propriétaire des droits de la SRCP.
- En 2012, le programme Option-Vie a été officiellement annulé. En réponse, plusieurs intervenants communautaires ont formé un partenariat pour créer la PeerLife Collaborative (PLC).
- PeerLife cherche maintenant à fournir des services de soutien spécialisés, notamment la prestation de la SRCP aux personnes condamnées à perpétuité dans les établissements de l’Ontario. Ils y arrivent par l’entremise de pairs expérimentés du programme In-Reach.
-
PeerLife a actuellement un contrat de quatre ans avec le SCC pour la prestation de la SRCP aux condamnés à perpétuité dans la région de l’Ontario. Le contrat porte principalement sur les femmes, les Autochtones et les personnes condamnés à perpétuité appartenant à un groupe ethnoculturel.
« Pour moi, c’est très important que les programmes communautaires soient offerts par des experts objectifs qui n’ont pas de lien avec le Service correctionnel, non pas que les programmes du Service correctionnel soient foncièrement inefficaces – ils n’existent pas pour rien –, mais je trouve que c’est plus constructif et mieux reçu par les détenus quand tout n’aboutira pas dans un rapport qu’on instrumentalisera à leur détriment. »
- Catherine Brooke, directrice générale (Maison Saint-Léonard de Windsor)
Tiré de sa comparution devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, le 18 mars 2024.
Parmi les cas de condamnés à perpétuité inclus dans notre examen, 51 % ne mentionnaient pas les quatre étapes dans leur documentation. Pour le reste, un peu plus du tiers incluait les quatre étapes, mais notre analyse a révélé qu’elles étaient totalement inadéquates. La plupart du temps, la seule mention des quatre étapes était un copier-coller de la politique. De plus, ces cas n’ont pas fait l’objet d’une évaluation et d’une analyse personnalisée permettant de déterminer l’étape du parcours de la personne et les mesures prises pour l’aider à passer à l’étape suivante.
Il n’existe actuellement aucune formation ou ligne directrice du SCC pour aider les agents de libération conditionnelle à planifier la peine des condamnés à perpétuité. La plupart ont admis qu’ils ne connaissaient pas bien la politique susmentionnée et d’autres qu’ils se satisfaisaient de copier-coller l’information des Plans correctionnels précédents. Au lieu d’offrir une évaluation complète avec un plan de planification de la peine éclairée, le Plan correctionnel présente souvent une série d’énoncés et d’opinions accompagnés d’un nombre limité de preuves à l’appui, et se termine par une liste de comportements à éviter et d’autres tâches superflues : aucun incident pendant x nombre de mois, pas de consommation de substances, doit bien s’adapter, doit compléter les programmes, doit respecter les directives de l’EGC, doit faire preuve de remords, etc.
En plus de ce problème, les condamnés à perpétuité se retrouvent à la dérive dans leurs plans de réintégration, car leur trajectoire n’est pas claire. Bien qu’on leur demande de réexaminer leurs infractions et de s’attarder sur le passé, on ne leur donne pas de directives claires sur leur avenir et sur les mesures qu’ils doivent prendre pour progresser vers une libération appropriée et réussie.
« [Il n’y a pas] de plans de réintégration; [il y a] plutôt une liste de choses que les condamnés à perpétuité doivent faire pour obtenir du soutien minimal de la part des décideurs. »
- Membre du personnel du SCC
Programme excessif et utilisation inappropriée des interventions correctionnelles
Dans presque tous les cas, les détenus condamnés à perpétuité que nous avons examinés ont été évalués « motivés » à l’égard de leur Plan correctionnel. Au moment de la rédaction du présent rapport, nous avons constaté que les condamnés à perpétuité revus dans le cadre de notre examen avaient terminé en moyenne quatre programmes correctionnels chacun, que presque tous avaient un emploi constant, que plus de 80 % avaient terminé leurs études ou étaient aux études, et que plus du quart d’entre eux étaient inscrits à des études postsecondaires.
« J’ai fait mes demandes pour le minimum. Ils n’arrêtent pas de me dire qu’il est trop tôt. On m’a dit que je ne recevrais aucun soutien avant d’avoir purgé 15 ans de ma peine. Pourtant, j’ai terminé mon programme principal, je travaille et je participe activement à mon Plan correctionnel. »
- Condamné à perpétuité
Programmes de maintien des acquis. Alors que le programme principal enseigne des compétences qui visent à aborder les comportements problématiques, les « programmes de maintien des acquis » les renforcent au moyen d’un apprentissage fondé sur des scénarios. L’objectif est d’observer les compétences acquises dans le cadre du programme et utilisées dans des situations réellesFootnote 114. Pendant les entrevues avec le personnel du programme, bon nombre d’entre eux ont insisté sur le fait que le programme de maintien des acquis ne met pas l’accent sur le perfectionnement des compétences, mais plutôt sur l’occasion de mettre en pratique les compétences dans des situations réelles.
« Les gens ne comprennent pas bien le but du programme de maintien des acquis, il y a définitivement trop de demande pour le besoin réel. »
- Membre du personnel du SCC
Néanmoins, bien que le programme de maintien des acquis ne soit pas obligatoire pour transférer vers des établissements à sécurité moindre, il est devenu un « élément de liste de vérification » pour les décideurs qui doivent évaluer les demandes de transferts vers la sécurité minimale, ce qui constitue un obstacle supplémentaire pour les condamnés à perpétuité Notre examen a révélé que les EGC ont exigé à plusieurs reprises la participation aux programmes de maintien des acquis comme condition pour appuyer les transferts dans des établissements à sécurité inférieure, même si les personnes en question avaient déjà réussi le programme avec succès C’était souvent le cas lorsque la personne suivait le programme plus tôt au cours de sa peine, alors l’EGC demande une participation supplémentaire au maintien des acquis plus près de la date d’admissibilité à la semi-liberté pour confirmer les progrès par rapport au Plan correctionnel.
L’absence de participation récente au programme de maintien des acquis ne devrait pas, en soi, servir de motif pour refuser de soutenir une diminution de la cote de sécurité. En fait, certains ont soutenu que le programme de maintien des acquis était mieux exécuté dans un environnement à sécurité minimale :
« Les condamnés à perpétuité ont de meilleurs résultats s’ils participent au programme de maintien des acquis dans un environnement à sécurité minimale, car ils ont un soutien supplémentaire dans un environnement moins restrictif. »
- Membre du personnel du SCC
Le défi pour de nombreux condamnés à perpétuité consiste à démontrer à leur EGC qu’après 10 à 20 ans d’incarcération, ils ont maintenu leur engagement et ont réalisé des progrès par rapport à leur Plan correctionnel. Afin d’obtenir le soutien des décideurs et de démontrer du progrès et de l’engagement, les condamnés à perpétuité sont aiguillés vers le programme de maintien des acquis. Cependant, même après avoir participé au programme de maintien des acquis (parfois pour une deuxième ou une troisième fois), certains n’obtiennent toujours pas de soutien pour diminution de la cote de sécurité, puisque le programme n’est pas le seul facteur évalué par les décideurs. Par exemple, il y a peu d’interventions offertes aux personnes incarcérées, et encore moins aux condamnés à perpétuité, dans les établissements à sécurité moyenne pour répondre aux facteurs de risque liés à la toxicomanie, à la santé mentale et aux traumatismes. Par conséquent, les EGC sont réticentes à évaluer le risque comme étant « zéro » ou « faible » si la toxicomanie est un facteur de risque déterminé.
« Comment pouvons-nous aider une personne à se réhabiliter lorsqu’elle est entourée de drogue et qu’elle n’a pas accès à des interventions de soutien pour régler ces problèmes? »
- Membre du personnel du SCC
Condamnés à perpétuité autochtones dans les Sentiers autochtones. L’initiative des Sentiers autochtones est parfois recommandée aux condamnés à perpétuité autochtones comme moyen d’obtenir du soutien pour un transfert vers un niveau de sécurité minimaleFootnote 115. Plus du tiers des condamnés à perpétuité dans notre examen de cas étaient des Autochtones, et presque tous ont participé aux Sentiers autochtones. Toutefois, très peu ont reçu du soutien pour un transfert à un niveau de sécurité minimale. Les Sentiers autochtones sont rarement avantageux pour les condamnés à perpétuité qui souhaitent passer à un établissement à sécurité minimale. À moins qu’ils soient sur le point d’être admissibles à la libération conditionnelle, les condamnés à perpétuité passent de longues périodes dans les Sentiers autochtones et sont rarement soutenus pour un transfert vers un niveau de sécurité minimale. Cette situation se produit même si les condamnés à perpétuité autochtones sont souvent plus motivés intrinsèquement à s’améliorer lorsqu’ils participent à un cheminement de guérison traditionnelFootnote 116. Comme l’un des employés des Sentiers autochtones l’a dit pendant notre enquête pour le rapport annuel 2022-2023 :
« Une personne condamnée à perpétuité qui vient de passer à un niveau de sécurité moyen ne devrait pas être inscrite à l’initiative des Sentiers autochtones pendant six ans – ce programme n’est pas fait pour être suivi pendant des années. L’examen après six mois est redondant pour les condamnés à perpétuité. Lorsque je fais des évaluations pour ces gars [condamnés à perpétuité], je ne change pas grand-chose, à moins qu’ils aient terminé les programmes. Ils ne réussissent pas à obtenir une reclassification. »
Au cours des entrevues, nos enquêteurs ont appris que les Sentiers autochtones sont offerts à certains condamnés à perpétuité comme un moyen de les maintenir motivés et engagés. Par conséquent, de nombreuses personnes dont la date d’admissibilité à la semi-liberté est encore loin, sont placées dans le programme des Sentiers autochtones sans qu’elles aient la possibilité de bénéficier d’un soutien à court terme en matière de transfert vers un niveau de sécurité minimale. Comme la programmation, les Sentiers autochtones sont devenus un autre « élément de la liste de contrôle ». Toutefois, en l’absence d’une date d’admissibilité à la semi-liberté ou d’une participation récente à un programme de maintien des acquis, il est peu probable qu’ils reçoivent du soutien.
« Malheureusement, il semble qu’il y ait beaucoup d’obstacles et d’opinions sur chaque cas et que cela empêche les condamnés à perpétuité d’aller de l’avant. À mon avis, de nombreux condamnés à perpétuité semblent prêts à passer à un niveau de sécurité minimale. »
- Aîné
De plus, dans le cas de ceux qui ont été inclus dans notre examen des cas, nous avons constaté que la documentation sur les progrès réalisés lors de la participation aux Sentiers autochtones laisse à désirer. De plus, la participation aux Sentiers autochtones était habituellement soulignée si l’EGC soutenait déjà une réévaluation de côte de sécurité inférieure. Dans de nombreux cas, cependant, les progrès réalisés dans le cadre des Sentiers autochtones ont été à peine pris en compte dans l’évaluation globale du risque.
De même, moins de la moitié des évaluations des antécédents sociaux des Autochtones (ASA) des Autochtones condamnés à perpétuité qui ont participé à notre examen de cas avaient été adéquatement documentées. Pour les autres, la prise en compte des facteurs des ASA était superficielle et non individualisée en fonction des expériences vécues. Nous avons trouvé seulement un exemple documenté des ASA appliqué de façon réfléchie dans l’évaluation des facteurs de risques.
Incarcération en établissement à sécurité moyenne bien après la date d’admissibilité à la libération conditionnelle
« Les établissements à sécurité moyenne sont les endroits où les condamnés à perpétuité sont pris dans la passoire. »
- Membre du personnel du SCC
En date de mai 2024, les condamnés à perpétuité inclus dans notre examen de cas avaient résidé dans un établissement à sécurité moyenne pendant 11 ans en moyenne, et 66 % avaient dépassé leur date d’admissibilité à la semi-liberté de 13 ans en moyenne.
Ces statistiques ont déclenché un examen plus complet de la population des condamnés à perpétuité. Ce que nous avons trouvé est troublant. Au total, 8 591 (63 %) des détenus sous responsabilité fédérale ont dépassé leur date d’admissibilité à la semi-liberté (DASL). De ce nombre, 6 632 (soit 49 % de tous les détenus sous responsabilité fédérale) ont également dépassé leur date d’admissibilité à la libération conditionnelle totale (DALCT). Parmi les délinquants purgeant une peine d’une durée indéterminée, 59 % ont dépassé leur DASL (49 % pour les peines à perpétuité minimales) et 49 % ont dépassé leur DALCT (39 % pour les peines à perpétuité minimales). Ces pourcentages devraient être comparés à la durée des peines d’emprisonnement à perpétuité au Canada. Une analyse des données disponibles suggère que les condamnés à perpétuité peuvent s’attendre à un emprisonnement entre 11 ans (pour ceux qui purgent une peine minimale de 10 ans) et 31 ans (pour ceux qui purgent une peine de 25 ans) avant d’atteindre le niveau de sécurité minimaleFootnote 117.
De plus, les condamnés à perpétuité et le personnel ont signalé aux enquêteurs du BEC qu’il est plus facile d’atteindre le seuil pour la semi-liberté que pour le transfert vers un établissement à sécurité minimale. Le SCC a ici l’occasion d’apprendre de la Commission des libérations conditionnelles concernant l’évaluation et la gestion du risque, puis d’intégrer ces apprentissages dans les examens de réévaluation de la cote de sécurité. Inversement, on nous a dit qu’il est plus facile de « renvoyer un condamné à perpétuité dans un établissement à sécurité moyenne » que de trouver du soutien pour passer à un établissement à sécurité minimale. Malgré les obstacles insurmontables qu’un condamné à perpétuité doit surmonter pour être soutenu et transféré à un établissement de sécurité minimale, le seuil pour réévaluer un condamné à un établissement à sécurité moyenne est faible. Il arrive souvent qu’un seul événement déclenche un transfert involontaire vers un établissement à sécurité moyenne sans tenir compte des stratégies d’atténuation qui pourraient maintenir ces détenus dans un établissement à sécurité minimale. Cela pourrait expliquer pourquoi un si grand nombre de condamnés à perpétuité refusent d’envisager le passage à un niveau de sécurité minimale, souhaitant plutôt concentrer leurs efforts sur la possibilité d’une semi-liberté. Les personnes condamnées à perpétuité croient généralement que les attentes de la Commission des libérations conditionnelles sont plus réalistes et réalisables.
« J’ai eu connaissance de détenus qui ont été renvoyés dans un établissement à sécurité moyenne pour avoir fumé une cigarette alors qu’ils avaient déployé de grands efforts pour atteindre la cote de sécurité minimale. »
- Membre du personnel du SCC
Conclusion
Comme il a été démontré dans le cadre de la présente enquête, le biais inhérent à l’Échelle de réévaluation de la cote de sécurité (ERCS) et les évaluations des risques mal préparées constituent des obstacles systémiques pour les condamnés à perpétuité lors de la réévaluation de leur cote de sécurité. Cette situation est exacerbée par une gestion et une planification des peines. L’effet cumulatif de ces lacunes dans les politiques et les pratiques est que les condamnés à perpétuité sont maintenus dans des établissements à des niveaux de sécurité plus élevés pendant de plus longues périodes, sans avoir d’objectif clair de réhabilitation ou de réinsertion. Plutôt que d’exiger que le personnel remplisse des « listes de vérification » longues et arbitraires, le Service correctionnel du Canada devrait élaborer des stratégies d’atténuation des risques pour appuyer les condamnés à perpétuité dans leur éventuelle réinsertion sociale. Trop souvent, afin d’apaiser les déclarations et les critiques du public, des décisions opérationnelles et des directives nationales sont prises à la lumière d’un petit nombre de cas très médiatisés qui entravent le processus de réinsertion d’un grand nombre d’autres personnes. Nous reconnaissons que le soutien à la réinsertion des condamnés à perpétuité peut comporter un risque politique; cependant, le maintien arbitraire de personnes à des niveaux de sécurité plus élevés est illégal et contribue peu, voire pas du tout, à la sécurité publique des Canadiens.
Recommendations
-
Je recommande que le SCC examine et révise les processus de réévaluation de la cote de sécurité pour :
-
fournir un soutien supplémentaire au personnel dans la préparation des évaluations de risque et des recommandations;
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assurer un examen approfondi et obligatoire des décisions qui permettraient de réévaluer les condamnés à perpétuité d’un établissement à sécurité minimale à un établissement à sécurité moyenne. Ces décisions devraient exiger un examen exhaustif et l’évaluation de stratégies d’atténuation des risques.
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Je recommande que le SCC revoie ses politiques relatives aux mises à jour du Plan correctionnel dans le but de:
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réduire les délais d’exécution des mises à jour pour les condamnés à perpétuité;
-
mettre fin à l’imposition d’attentes déraisonnables en matière de comportement.
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Je recommande que le SCC revoie son processus de planification de la peine afin d’offrir au personnel le soutien nécessaire afin d’élaborer des plans de peine individualisés pour les condamnés à perpétuité.
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Je recommande que le SCC fasse appel à l’expérience et à l’expertise d’organismes bénévoles nationaux, comme la Société St. Leonard du Canada et PeerLife Collaborative, pour offrir du soutien aux condamnés à perpétuité dans les établissements fédéraux, de leur admission à leur libération dans la communauté. De plus, ces organismes devraient bénéficier d’un soutien :
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en augmentant de manière significative le financement et leur accès en fonction de leurs besoins;
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en les intégrant dans les discussions, la planification, le développement de projets et de stratégies concernant les personnes condamnées à perpétuité;
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en soutenant leurs efforts pour offrir un soutien par les pairs et pour offrir des possibilités de dissociation des gangs dans les prisons fédérales.
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Je recommande que le SCC revoie l’exigence relative aux évaluations du risque psychologique pour les personnes qui souhaitent être transférées à un établissement à sécurité minimale, dans le but de réduire les délais qui nuisent à la prise de décisions en temps opportun.
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Je recommande que la Stratégie nationale pour les condamnés à perpétuité du SCC :
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reconnaisse et intègre explicitement les conclusions de cette enquête;
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ait une portée nationale et tienne compte des expériences des condamnés à perpétuité à tous les niveaux de sécurité;
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s’appuie sur des consultations avec les condamnés à perpétuité incarcérés, le personnel participant directement à la gestion des cas de condamnés à perpétuité et les intervenants externes;
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soit rendue publique, avec des échéanciers précis sur la façon dont le SCC prévoit répondre aux préoccupations soulevées dans le cadre de cette enquête, ainsi que d’autres préoccupations soulevées au cours des consultations.
-
Annexe
Population de peines à perpétuité minimales: Profil et statistiques de localisation
La représentation des Autochtones purgeant une peine à perpétuité minimale est inférieure à celle de la population carcérale totale (29,4 % comparativement à 33,1 %); cependant, les détenus noirs sont plus représentés parmi les personnes condamnées à une peine à perpétuité minimale (12,2 % comparativement à 9,7 % de tous les détenus sous responsabilité fédérale). Les femmes représentent une proportion légèrement plus faible des personnes purgeant une peine à perpétuité minimale (4,6 %) comparativement à leur représentation au sein de la population carcérale totale (5,6 %). En ce qui a trait à l’âge, les personnes purgeant une peine à perpétuité minimale ont tendance à être plus âgées (47,9 ans comparativement à 41,8 ans pour tous les détenus sous responsabilité fédérale), peut-être en raison de leurs peines plus longues et des périodes plus longues d’inadmissibilité à la libération conditionnelle.
TABLEAU A. PROFIL DES DÉTENUS SOUS RESPONSABILITÉ FÉDÉRALE PAR TYPE DE PEINE (INSTANTANÉ, 19 FÉVRIER 2024)
DÉTERMINÉ | INDÉTERMINÉ |
PEINE À PERPÉTUITÉ MINMALE |
POPULATION CARCÉRALE TOTALE |
|||||
# | (%) | # | (%) | # | (%) | # | (%) | |
TOTAL | 10 022 | (100,0) | 3 599 | (100,0) | 2 874 | (100,0) | 13 21 | (100,0) |
Genre | ||||||||
Femme | 622 | (6,2) | 139 | (3,9) | 131 | (4,6) | 761 | (5,6) |
Homme | 9 398 | (93,8) | 3 460 | (96,1) | 2 743 | (95,4) | 12 858 | (94,4) |
Intersexué | 2 | (0,0) | - | - | - | - | 2 | (0,0) |
Ethnicité | ||||||||
Blanc | 4 514 | (45,0) | 1 737 | (48,3) | 1 367 | (47,6) | 6 251 | (45,9) |
Autochtone | 3 413 | (34,1) | 1,096 | (30,5) | 844 | (29,4) | 4 509 | (33,1) |
noir | 907 | (9,1) | 418 | (11,6) | 850 | (12,2) | 1 325 | (9,7) |
Autre | 1 188 | (11,9) | 348 | (9,7) | 313 | (10,9) | 1 536 | (11,3) |
Âge moyen | 39,0 ans | 49,4 ans | 47,9 ans | 41,8 ans | ||||
Niveau de sécurité | ||||||||
Maximum | 1 131 | (11,3) | 751 | (20,9) | 654 | (22,8) | 1 882 | (13,8) |
Moyen | 5 831 | (58,2) | 2 117 | (58,8) | 1 584 | (55,0) | 7 948 | (58,4) |
Minimum | 1 826 | (18,2) | 687 | (19,1) | 601 | (20,9) | 2 513 | (18,4) |
Manquant | 1 234 | (12,3) | 44 | (1,2) | 37 | (1,3) | 1 278 | (9,4) |
Région | ||||||||
ATL | 1 035 | (10,3) | 258 | (7,2) | 219 | (7,6) | 1 293 | (9,5) |
QUE | 2 149 | (21,4) | 772 | (21,5) | 636 | (22,1) | 2 921 | (9,5) |
ONT | 2 729 | (27,2) | 1 099 | (30,5) | 849 | (29,5) | 3 828 | (28,1) |
PRA | 3 241 | (32,3) | 682 | (18,9) | 549 | (19,1) | 3 923 | (28,8) |
PAC | 868 | (8,7) | 788 | (21,9) | 621 | (21,6) | 1 656 | (12,2) |
DASL dépassée | 6 342 | (63,3) | 2 111 | (58,7) | 1 418 | (49,3) | 8 453 | (62,1) |
DALCT dépassée | 4 753 | (47,4) | 1 759 | (48,9) | 1 112 | (438,7) | 6 512 | (47,8) |
Niveau de rémunération | ||||||||
Aucune | 94 | (0,9) | 7 | (0,2) | 6 | (0,2) | 101 | (0,7) |
Allocation | 2 422 | (24,2) | 436 | (12,2) | 342 | (11,9) | 2 858 | (21,0) |
Niveau D | 649 | (6,5) | 307 | (8,5) | 233 | (8,1) | 956 | (7,0) |
Niveau C | 5 645 | (56,3) | 1 375 | (38,2) | 1 105 | (38,4) | 7 020 | (51,5) |
Niveau B | 1 079 | (10,8) | 1 026 | (28,5) | 821 | (28,6) | 2 105 | (15,5) |
Niveau A | 133 | (1,3) | 448 | (12,4) | 367 | (12,8) | 581 | (4,3) |
Niveau de risque | ||||||||
Aucune | 758 | (7,6) | 26 | (0,7) | 24 | (0,8) | 784 | (5,8) |
Faible | 375 | (3,7) | 42 | (1,2) | 41 | (1,4) | 417 | (3,1) |
Moyen | 3 227 | (32,2) | 391 | (10,9) | 362 | (12,6) | 3 618 | (26,6) |
Élevé | 5 662 | (56,5) | 3 140 | (87,2) | 2 447 | (85,1) | 8 802 | (64,6) |
Besoin requis | ||||||||
Aucune | 772 | (7,7) | 26 | (0,7) | 24 | (0,8) | 798 | (5,9) |
Faible | 187 | (1,9) | 86 | (2,4) | 77 | (2,7) | 273 | (2,0) |
Moyen | 2 154 | (21,5) | 971 | (27,0) | 798 | (27,8) | 3 125 | (22,9) |
Élevé | 6 909 | (68,9) | 2 516 | (69,9) | 21 975 | (68,7) | 9 425 | (69,2) |
Responsabilité | ||||||||
Aucune | 1 029 | (10,3) | 35 | (1,1) | 31 | (1,1) | 1 064 | (7,8) |
Faible | 1 859 | (18,5) | 1 017 | (28,3) | 780 | (27,1) | 2 876 | (21,1) |
Moyen | 6 169 | (61,6) | 1 890 | (52,5) | 1 532 | (53,3) | 8 059 | (59,2) |
Élevé | 965 | (9,6) | 657 | (18,3) | 531 | (18,5) | 1 622 | (11,9) |
Motivation | ||||||||
Aucune | 805 | (8,0) | 29 | (0,8) | 27 | (0,9) | 834 | (6,1) |
Faible | 1 360 | (15,0) | 686 | (19,1) | 511 | (17,9) | 2 046 | (16,1) |
Moyen | 6 033 | (63,8) | 1 972 | (55,3) | 1 600 | (56,2) | 8 005 | (61,5) |
Élevé | 1 225 | (13,1) | 873 | (24,8) | 701 | (24,9) | 2 098 | (16,2) |
Niveau de réintégration | ||||||||
Aucune | 796 | (7,9) | 29 | (0,8) | 27 | (0,9) | 825 | (6,1) |
Faible | 3 962 | (39,4) | 2 379 | (66,1) | 1 799 | (62,6) | 6 328 | (46,5) |
Moyen | 3 962 | (39,5) | 1 115 | (31,0) | 978 | (34,0) | 5 077 | (37,3) |
Élevé | 1 315 | (13,1) | 76 | (2,1) | 70 | (2,4) | 1 391 | (10,2) |
Les personnes purgeant une peine à perpétuité minimale se trouvent généralement dans des établissements à sécurité plus élevée. En date du 18 février 2024, 41 % d’entre elles étaient détenues dans des établissements à sécurité maximale et moyenne autonomes (voir le graphique A). De plus, les personnes purgeant une peine à perpétuité minimale représentent 20 % de tous les détenus dans des établissements à sécurité moyenne autonomes et 34 % dans des établissements à sécurité maximale autonomes.
Trente pour cent des personnes condamnées à une peine à perpétuité minimale résident dans la région de l’Ontario, suivie du Québec (22 %) et de la région du Pacifique (22 %), des Prairies (19 %) et de la région de l’Atlantique (8 %). Il est intéressant de noter que, même si la région du Pacifique représente 12 % de la population carcérale totale, près de la moitié des détenus de cette région purgent une peine d’une durée indéterminée et 38 % purgent une peine à perpétuité minimale (voir le graphique 2).
GRAPHIQUE A. POURCENTAGE DE PERSONNES CONDAMNÉES À UNE PEINE À PERPÉTUITÉ MINIMALE PAR TYPE D’ÉTABLISSEMENT
Un tiers de toutes les personnes condamnées à une peine à perpétuité minimale sont détenues dans seulement six prisons fédérales : Établissement de Beaver Creek (ONT; 7,5 %), Établissement de Mission (PAC; 6,5 %), Établissement de Bat (ONT; 5,0 %), Établissement de Collins Bay (ONT; 4,9 %), Centre fédéral de formation (QUE; 4,8 %) et Établissement de Cowansville (QUE; 4,8 %).
GRAPHIQUE B. POURCENTAGE D’INCARCÉRATION PAR RÉGION ET TYPE DE PEINE
Perspectives de l’enquêteur correctionnel pour 2024-2025
Après avoir célébré et souligné le 50e anniversaire du Bureau, la dernière année a été une période de changement et de renouvellement pour nous. En regardant vers l’avenir, et avec la mise en œuvre de nouveaux fonds, nous avons amélioré notre façon d’aborder tous les aspects de notre travail. Comme en témoigne l’enquête sur les établissements à sécurité maximale autonomes, le Bureau a mené des inspections préventives plus complètes et axées sur le travail d’équipe afin d’éclairer et d’effectuer son travail d’enquête de façon thématique et systémique, et il continuera de le faire.
Au cours de la prochaine année, mon bureau se concentrera sur les questions liées à la santé mentale dans les services correctionnels fédéraux. L’accès aux services, la gestion des cas complexes, l’équilibre entre les préoccupations en matière de sécurité et la pratique clinique efficace et humaine, la prévalence des problèmes de santé mentale dans les services correctionnels, les solutions de rechange à l’incarcération pour les personnes atteintes de troubles mentaux graves, entre autres, sont des préoccupations de longue date pour mon bureau. Comme nous l’avons décrit plus haut dans le présent rapport, l’enquête et les conclusions de l’étude de cas sur le décès survenu au Centre régional de traitement (CRT) de l’Ontario ont révélé de nombreuses lacunes structurelles, stratégiques et pratiques qui donnent un élan important à un examen systémique de ces établissements. Avec la participation de spécialistes externes, nous avons l’intention de mener une enquête approfondie sur les cinq CRT, qui servent d’hôpitaux psychiatriques pour patients hospitalisés.
Mon bureau fera également rapport sur d’autres sujets de préoccupation, notamment les pressions démographiques dans les établissements fédéraux pour femmes. De plus, je continuerai de surveiller les progrès réalisés par rapport aux engagements pris antérieurement par le gouvernement pour faire avancer une étude de prévalence sur la coercition et de la violence sexuelles dans les prisons fédérales, et nous effectuerons un examen quinquennal des unités d’intervention structurée ainsi que sur la mise en œuvre de nouveaux règlements sur l’utilisation de cellules nues et de la technologie des scanners corporels. J’ai également hâte d’être consulté sur les résultats et les mesures découlant du tout premier audit de la culture organisationnelle du SCC.
Sur une note personnelle et professionnelle, je me réjouis également à l’idée de poursuivre mon travail à titre de président du Réseau d’experts sur la surveillance externe des prisons et les droits de la personne de l’Association internationale des affaires correctionnelles et pénitentiaires (AIACP). Au cours de la dernière année, j’ai eu l’honneur d’être choisi comme lauréat du Prix du chef d’organisme par l’AIACP. Cette reconnaissance internationale témoigne de la rigueur et de la portée du travail du Bureau. Je me réjouis à l’idée de continuer à réunir ce réseau international d’ombudsmans pour échanger des connaissances et des pratiques exemplaires dans le domaine de la surveillance des prisons, alors que nous nous efforçons collectivement d’améliorer sans cesse la façon dont nous respectons les principes du système correctionnel humain et légal.
Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel
Le Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel a été créé en décembre 2008, en l’honneur de M. Ed McIsaac, qui a longtemps occupé le poste de directeur exécutif du Bureau de l’enquêteur correctionnel. Il commémore les réalisations et les engagements exceptionnels en faveur de l’amélioration du système correctionnel au Canada et de la protection des droits de la personne des personnes incarcérées.
En 2023, le Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel a été décerné à Susan Haines. Susan occupe actuellement le poste de directrice générale des Associations nationales intéressées à la justice criminelle, et elle possède une vaste expérience professionnelle et bénévole dans le contexte correctionnel, notamment les services correctionnels communautaires. En tant qu’ardente défenseure des droits de la personne et de la justice sociale, Susan continue de jouer son rôle de longue date dans le soutien des personnes incarcérées et de leurs familles au moyen d’initiatives comme le Groupe de soutien des condamnés à perpétuité de Millhaven et, auparavant, le Groupe de soutien des condamnés à perpétuité Infinity à l’Établissement de Collins Bay.
ANNEXE A : Résumé des recommandations
-
Je recommande que le Service fasse rapport publiquement, au cours du prochain exercice, sur les mesures concrètes, les produits livrables et les échéanciers quant à la façon et au moment où il :
- acquerra une expertise externe et indépendante pour mener des recherches primaires empiriques afin d’évaluer la validité et la fiabilité de tous les outils et méthodes d’évaluation et de classification existants utilisés par le SCC pour éclairer la prise de décisions auprès des délinquants autochtones;
- élaborera de nouveaux outils d’évaluation et de classification, dirigés par des Autochtones et à partir de la base, pour les Autochtones purgeant une peine de ressort fédéral, qui comprennent des indicateurs culturellement adaptés et éclairés des risques et des besoins (c.-à-d. les facteurs des antécédents sociaux des Autochtones).
-
En ce qui concerne le processus interne de traitement des plaintes et des griefs du SCC, je formule trois recommandations sommaires, qui seront mises en œuvre progressivement et achevées au cours du prochain exercice :
- Premièrement, le SCC devrait effectuer un examen fondé sur des principes du processus de traitement des plaintes et des griefs en s’appuyant sur les piliers de la justice procédurale – la voix, le respect, la neutralité et la fiabilité. Les opinions et les expériences des personnes incarcérées devraient être prises en compte tout au long de cet examen.
- Simultanément, le SCC devrait entreprendre un exercice de réaffectation pour veiller à ce qu’une attention, des efforts et des priorités appropriés et soutenus soient consacrés à la résolution informelle des plaintes et des griefs, et ce, au niveau le plus bas possible. Il s’agit notamment de la réaffectation des ressources des mesures de redressement au niveau national à la résolution dans les pénitenciers.
- Enfin, le SCC devrait investir des sommes importantes dans la formation et le renforcement des compétences en médiation et en modes alternatifs de résolution des conflits (MARC) pour l’ensemble du personnel, dans le but de mettre en œuvre ces pratiques dans tous les pénitenciers à sécurité maximale et à niveaux de sécurité multiples du Canada, notamment les cinq centres régionaux de traitement pour femmes. Les MARC et la médiation seraient les caractéristiques centrales et permanentes de la Directive du commissaire 081 considérablement mise à jour et révisée.
- Je recommande que le processus d’examen de la qualité des soins fasse l’objet d’une vérification indépendante présidée par un médecin examinateur externe.
- Je recommande que, pour déterminer la cause du décès dans le cadre de l’examen de la qualité des soins, le Secteur des services de santé du SCC fasse l’objet d’un audit indépendant et externe ou, lorsque cela n’est pas possible, que tous les efforts visant à obtenir un audit indépendant et externe soient déclarés.
- Je recommande que le SCC consulte la Commission des libérations conditionnelles du Canada afin d’établir un cadre d’échange de données et de production de rapports, de publier de l’information sur les demandes de libération conditionnelle par exception présentées en vertu de l’article 121, ainsi que sur les demandes de toute forme de mise en liberté pour des motifs d’ordre humanitaire. Ces données devraient être ventilées selon les critères énumérés au paragraphe 121(1), que la demande de libération conditionnelle soit présentée avant ou après la date d’admissibilité d’une personne.&
- Je recommande que la Direction des enquêtes sur les incidents du SCC, en collaboration avec le Secteur des services de santé du SCC, évalue les considérations relatives à la mise en liberté dans le cadre des examens de la qualité des soins. Ces évaluations devraient tenir compte des éléments soulevés dans le rapport d’intérêt public de 2014 du Bureau, et mener à l’adoption de normes qualitatives.
-
Je recommande que le SCC élabore une Stratégie nationale de gestion de la population féminine, qui comprend :
- le recours accru aux accords d’échange de services, afin que les femmes puissent purger leur peine plus près de leur collectivité d’origine et de leur soutien social;
- l’utilisation accrue des pavillons de ressourcement communautaire administrés en vertu de l’article 81 et des ententes et des libérations en vertu de l’article 84;
- une stratégie globale de libération dans la collectivité pour les femmes et la réaffectation des ressources dans la collectivité;
- l’affectation accrue des ressources consacrées à la gestion des cas complexes.
- Je recommande que le SCC évalue toutes les stratégies mises en place en réponse à ses recommandations issues de l’évaluation du Modèle d’engagement et d’intervention de juin 2021, et qu’il fasse connaître les mesures qu’il a prises pour réduire le recours à la force; accroître la capacité d’intervention en cas d’incidents mettant en cause la santé mentale et la détresse physique; et de veiller à ce que les violations de la loi ou des politiques ne passent pas inaperçues.
- Je recommande que le SCC publie immédiatement l’évaluation de l’observateur indépendant sur l’impartialité, la rigueur et le professionnalisme du Comité d’enquête nationale conjointe.
- Je recommande au SCC de préparer et de publier un résumé du cas des faits et des conclusions de ce Comité, notamment les recommandations, les leçons et les mesures correctives qui ont été mises en œuvre au CRT de Millhaven à ce jour.
- Je recommande qu’un spécialiste indépendant et externe en santé mentale effectue un examen de conformité complet de la sécurité des patients au CRT de Millhaven.
- Je recommande que le SCC évalue la pertinence et la faisabilité de l’installation de technologies de surveillance à distance des signes vitaux dans les cellules de toutes les zones de placement à risque élevé des prisons fédérales, notamment les unités d’intervention structurée et les cellules d’observation intensifiée (surveillance du suicide), les centres régionaux de traitement et les cellules de soins de santé dans les pénitenciers ordinaires.
- Je recommande que le SCC veille à ce que le personnel de sécurité qui travaille dans un centre régional de traitement soit soigneusement recruté, dûment sélectionné, bien formé et pleinement compétent pour s’acquitter de ses tâches dans un environnement hospitalier psychiatrique sécurisé.
- Je recommande d’élargir les solutions de rechange à l’incarcération et d’augmenter le nombre de places pour faciliter le transfert et le placement dans des établissements psychiatriques communautaires externes de personnes purgeant une peine de ressort fédéral qui sont suicidaires, qui s’automutilent de façon chronique ou qui souffrent d’une maladie mentale grave.
- Je recommande que le SCC élabore et mette en œuvre une stratégie nationale de gestion des sous-populations d’ici la fin de l’exercice, dans le but de réduire de façon sécuritaire et considérable le nombre de sous-populations dans les établissements à sécurité maximale.
-
Je recommande au SCC de s’assurer que :
- des routines institutionnelles soient établies pour permettre à toutes les personnes incarcérées, à l’exclusion de celles qui se trouvent dans les UIS, d’avoir accès quotidiennement à de « grands » espaces de cour primaires;
- toutes les unités résidentielles des établissements autonomes à sécurité maximale sont équipées de commodités de base et de sièges;
- les politiques liées aux déplacements en établissement, notamment les ordres permanents, doivent être examinées pour s’assurer qu’elles ne limitent plus la participation des personnes à leur Plan correctionnel.
- Je recommande que le SCC élabore une politique nationale concernant les cas complexes d’UIS, qui devrait comprendre une surveillance et une orientation à l’échelle nationale, afin de rendre les processus de transfert des UIS plus efficaces et équitables.
- Je recommande que le SCC offre un accès uniforme aux services, aux programmes et aux mesures de soutien destinés aux Autochtones, notamment l’établissement et le maintien de programmes des Sentiers autochtones, dans chacun de ces établissements, sans délai.
- Je recommande que le SCC affecte des coordonnateurs des libérations à chaque établissement autonome à sécurité maximale et renforce la politique connexe pour établir des responsabilités claires en matière de planification de la libération.
- Je recommande que le SCC affecte des coordonnateurs des libérations à chaque établissement autonome à sécurité maximale et renforce la politique connexe pour établir des responsabilités claires en matière de planification de la libération.
- Je recommande que le SCC élabore une politique établissant une fréquence minimale de contacts en personne entre les agents de libération conditionnelle en établissement et les détenus. Cette politique devrait énoncer clairement les attentes à l’égard de ce qui doit être abordé lors de ces interactions et inclure un libellé supplémentaire clarifiant la participation du CX-02 dans un environnement à sécurité maximale.
- Je recommande que le SCC établisse un énoncé d’objet clair pour les établissements à sécurité maximale, en fonction duquel ses objectifs peuvent être évalués afin de s’assurer que les résultats optimaux sont atteints et que les droits fondamentaux et la dignité des détenus sont respectés.
-
Je recommande que le SCC examine et révise les processus de réévaluation de la cote de sécurité pour :
- fournir un soutien supplémentaire au personnel pour la préparation des évaluations des risques et des recommandations;
- assurer un examen approfondi et obligatoire des décisions qui permettraient de réévaluer les condamnés à perpétuité d’un établissement à sécurité minimale à un établissement à sécurité moyenne. Ces décisions devraient exiger un examen exhaustif et la mise en œuvre de stratégies d’atténuation des risques.
-
Je recommande que le SCC revoie ses politiques relatives aux mises à jour du Plan correctionnel dans le but de :
- réduire les délais d’exécution des mises à jour pour les condamnés à perpétuité;
- mettre fin à l’imposition d’attentes déraisonnables en matière de comportement.
- Je recommande que le SCC revoie son processus de planification de la peine et aide le personnel à élaborer des plans de peine individualisés pour les condamnés à perpétuité.
-
Je recommande que le SCC fasse appel à l’expérience et à l’expertise d’organismes bénévoles nationaux, comme la Société St. Leonard’s du Canada et PeerLife Collaborative, pour offrir du soutien aux condamnés à perpétuité dans les établissements fédéraux, de leur admission à leur libération dans la communauté. De plus, ces organismes devraient bénéficier d’un soutien :
- en augmentant de manière significative le financement et l’accès en fonction de leurs besoins;
- en les intégrant dans les discussions, la planification, les projets et les stratégies concernant les personnes condamnées à perpétuité;
- en soutenant leurs efforts pour offrir un soutien par les pairs et des possibilités de dissociation des gangs dans les prisons fédérales.
- Je recommande que le SCC revoie l’exigence relative aux évaluations du risque psychologique pour les personnes qui souhaitent être transférées à un établissement à sécurité minimale, dans le but de réduire les délais qui nuisent à la prise de décisions en temps opportun.
-
Je recommande que la Stratégie nationale pour les condamnés à perpétuité du SCC :
- reconnaisse et intègre explicitement les conclusions de cette enquête;
- ait une portée nationale et tienne compte des expériences des condamnés à perpétuité à tous les niveaux de sécurité;
- s’appuie sur les consultations avec les condamnés à perpétuité incarcérés, le personnel participant directement à la gestion des cas de condamnés à perpétuité et les intervenants externes;
- soit rendue publique, avec des échéanciers précis sur la façon dont le SCC prévoit répondre aux préoccupations soulevées dans le cadre de cette enquête, ainsi que d’autres préoccupations soulevées au cours des consultations.
ANNEXE B : Statistiques annuelles
TABLEAU A. TOTAL DES PLAINTES
ACTIVES | TRAITÉES | TOTAL | |
Total des plaintesFootnote 118 | 387 | 3 912 | 4 299 |
CINQ CATÉGORIES DE PLAINTES LES PLUS FRÉQUEMMENT IDENTIFIÉES, PAR GROUPES PRIORITAIRES
TOTAL SOUS GARDE | ||
CATÉGORIE | # | % |
Personnel | 489 | 11,4 % |
Soins de santé | 484 | 11,3 % |
Conditions de détention | 387 | 9,2 % |
Effets des cellules | 308 | 7,2 % |
Transfert | 254 | 5,9 % |
AUTOCHTONE | ||
CATÉGORIE | # | % |
Soins de santé | 155 | 12,3 % |
Personnel | 154 | 12,2 % |
Conditions de détention | 111 | 8,8 % |
Effets des cellules | 92 | 7,3 % |
Transfert | 78 | 6,2 % |
FEMME | ||
CATÉGORIE | # | % |
Soins de santé | 50 | 11,9 % |
Conditions de détention | 46 | 11,0 % |
Personnel | 42 | 10,0 % |
Classification de sécurité / Effets des cellules / Mise en liberté sous conditionFootnote 119 | 27 | 8,1 % |
TABLEAU B. CAS, PLAIGNANTS INDIVIDUELS ET POPULATION CARCÉRALE PAR RÉGION
RÉGION | CAS | PARTICULIERSFootnote 120 | POPULATION SOUS GARDEFootnote 121 |
Atlantique | 386 | 180 | 1 324 |
Québec | 1 053 | 481 | 3 000 |
Ontario | 815 | 408 | 3 834 |
Prairies | 877 | 456 | 3 981 |
Pacifique | 845 | 321 | 1 716 |
TotalFootnote 122 | 3 976 | 1 846 | 13 855 |
TABLEAU C. PLAIGNANTS ET CAS INDIVIDUELS PAR TYPE D’ÉTABLISSEMENT
TYPE D'ÉTABLISSEMENT | CAS | PARTICULIERS |
Établissements pour hommes | 3 362 | 1 548 |
Plusieurs niveaux de sécurité | 1 451 | 766 |
MaximaleFootnote 123 | 1 071 | 373 |
Moyenne | 829 | 401 |
Minimale | 11 | 8 |
Établissements pour les femmes | 372 | 185 |
Centres de traitement | 372 | 185 |
CCC-CRC | 115 | 79 |
Communauté | 76 | 41 |
Pavillons de ressourcement | 21 | 16 |
TOTALFootnote 124 | 4 167 | 1 966 |
TABLEAU D. PLAIGNANTS ET CAUSES SELON L’ORIGINE ETHNIQUE AUTODÉCLARÉE
FEMME | HOMME | |||
ETHNICITÉ | CAS | PARTICULIERS | CAS | PARTICULIERS |
Blanc | 217 | 102 | 1 661 | 823 |
Autochtone | 169 | 85 | 1 094 | 562 |
Noir | 15 | 11 | 610 | 208 |
Autres minorités visibles | 10 | 8 | 246 | 95 |
Multiethnique ou non précisé | 9 | 5 | 136 | 67 |
TOTALFootnote 125 | 420 | 211 | 3 747 | 1 755 |
TABLEAU E. DISPOSITION DES CAS
MESURE | # |
Résolution interne | 2 175 |
Enquête | 2 443 |
TOTAL | 4 618Footnote 126 |
Communications sans frais en 2023-2024
Les personnes purgeant une peine de ressort fédéral et les membres du public peuvent communiquer avec le BEC en composant notre numéro sans frais (1-877-885-8848) n’importe où au Canada. Toutes les communications entre les personnes purgeant une peine de ressort fédéral et le BEC sont confidentielles.
Nombre de communications sans frais reçues au cours de la période visée : 19 005
Nombre de minutes enregistrées sur la ligne sans frais : 58 126
TABLEAU F. EXAMENS OBLIGATOIRESFootnote 127 PAR TYPE D’INCIDENT (2023-2024)
TYPE D'INCIDENT | EXAMENS |
Décès (cause naturelle)Footnote 128 | 74 |
Agression | 8 |
Surdose | 7 |
Suicide | 6 |
Meurtre | 5 |
Tentative de suicide | 2 |
Automutilation | 1 |
Surdose interrompue | 1 |
Total | 104 |
TABLEAU G. EXAMENS DU RECOURS À LA FORCE MENÉS PAR LE BEC EN 2023-2024Footnote 129
ATL | QUE | ONT | PRA | PAC | NATIONAL | |
Incidents signalés examinés par le BEC | 19 | 108 | 108 | 158 | 471 | 464Footnote 130 |
Mesures les plus couramment utiliséesFootnote 131 | ||||||
Aérosol inflammatoire (AI) ou agent chimique (AC)Footnote 132 | 4 | 27 | 19 | 62 | 58 | 170 |
Manipulation physique | 0 | 9 | 35 | 21 | 2 | 67 |
Rondes d’impact | 0 | 0 | 0 | 1 | 2 | 3 |
TABLEAU H. PLAINTES DU BEC PAR CATÉGORIE ET PAR STATUS DE RÉSOLUTIONFootnote 133
CATÉGORIE DE PLAINTE | ACTIVE | RÉSOLUE | TOTAL |
Isolement préventif | 0 | 4 | 4 |
Préparation du dossier | 0 | 25 | 27 |
Effets des cellules | 12 | 296 | 308 |
Placement en cellule | 8 | 33 | 41 |
Action contre l’État | 0 | 9 | 10 |
Surveillance dans la communauté | 1 | 9 | 10 |
Mise en liberté sous condition | 8 | 124 | 132 |
Conditions de détention | 50 | 351 | 401 |
Décès d’un détenu | 2 | 3 | 5 |
Régimes | 3 | 46 | 49 |
Discipline | 3 | 53 | 56 |
Discrimination | 21 | 80 | 101 |
Emploi | 6 | 31 | 37 |
Renseignements sur le dossier | 13 | 105 | 1118 |
Questions financières | 5 | 126 | 131 |
Services d’alimentation | 6 | 49 | 55 |
Grief | 10 | 90 | 100 |
Harcèlement par un détenu | 1 | 17 | 18 |
Réduction des méfaits | 1 | 16 | 17 |
Santé et sécurité | 5 | 22 | 27 |
Soins de santé | 42 | 442 | 484 |
DEI | 0 | 3 | 3 |
Processus de demande du détenu | 4 | 26 | 30 |
Accès légal | 10 | 91 | 101 |
Courrier | 4 | 52 | 56 |
Santé mentale | 6 | 64 | 70 |
Programme mère-enfant | 1 | 6 | 7 |
Bureau de l’enquêteur correctionnelFootnote 134 | 10 | 98 | 108 |
Langues officielles | 0 | 11 | 11 |
Hors de la compétence | 3 | 91 | 94 |
Programmes | 10 | 90 | 100 |
Procédures de libération | 1 | 17 | 18 |
Sécurité et sûreté | 12 | 155 | 167 |
Fouille | 2 | 34 | 36 |
Classification de sécurité | 8 | 83 | 91 |
Administration des peines | 1 | 25 | 26 |
Observance spirituelle ou religieuse | 5 | 4 | 9 |
Personnel | 40 | 449 | 489 |
Unité d’intervention structurée (UIS) | 8 | 57 | 65 |
Téléphone | 7 | 117 | 124 |
Permission de sortir | 5 | 40 | 45 |
Transfert | 26 | 228 | 254 |
Analyse d’urine | 1 | 16 | 17 |
Recours à la force | 113 | 49 | 62 |
Visites | 9 | 127 | 136 |
RALV | 0 | 2 | 2 |
Pas assez d’information pour catégoriser à la résolution | 2 | 33 | 35 |
TOTAL | 387 | 3 912 | 4 299 |
TABLEAU I. INTERACTIONS ET ENTREVUES PAR RÉGION ET ÉTABLISSEMENT
RÉGION OU ÉTABLISSEMENT | INTERACTION | ENTREVUESFootnote 135 |
JOURS EN ÉTABLISSEMENTFootnote 136 |
Atlantique | 400 | 126 | 29 |
Atlantique | 132 | 39 | 5 |
Dorchester | 104 | 25 | 7 |
Établissement Nova pour femmes | 83 | 41 | 7 |
Centre de guérison Shepody | 16 | 0 | 0 |
Springhill | 54 | 20 | 7 |
CCC-CRCFootnote 137 | 7 | 0 | 0 |
Communauté | 4 | 0 | 0 |
Québec | 1 180 | 339 | 56 |
Archambault | 123 | 49Footnote 138 | 9 |
Centre régional de santé mentale | 28 | – | – |
Cowansville | 181 | 12 | 1 |
Centre régional de réception | 60 | 16 | 2 |
Donnacona | 130 | 28 | 7 |
Drummond | 66 | 46 | 8 |
Centre fédéral de formation | 145 | 53 | 6 |
Joliette | 87 | 47 | 7 |
La Macaza | 81 | 44 | 5 |
Port-Cartier | 177 | 36 | 6 |
Unité spéciale de détention | 40 | 5 | 2 |
Waseskun | 1 | 1 | 1 |
CCC-CRC | 46 | 2 | 1 |
Communauté | 15 | 0 | 1 |
Ontario | 911 | 264 | 44 |
Bath | 125 | 59Footnote 139 | 9/p> |
Beaver Creek | 88 | 23 | 3 |
Collins Bay | 38 | 0 | 0 |
Établissement pour femmes Grand Valley | 66 | 37 | 6 |
Joyceville | 55 | 50Footnote 140 | 6 |
Unité d’évaluation de Joyceville | 101 | – | – |
Millhaven | 236 | 68Footnote 141 | 6 |
Centre régional de traitement - Bath | - | – | – |
Centre régional de traitement - Millhaven | 40 | – | – |
Warkworth | 93 | 27 | 3 |
Communauté | 34 | 0 | 0 |
CCC-CRC | 35 | 0 | 0 |
Prairies | 928 | 259 | 53 |
Bowden | 130 | 14 | 2 |
Maison de ressourcement Buffalo Sage | 1 | 0 | 0 |
Drumheller | 100 | 15 | 3 |
Pavillon de ressourcement pour femmes Eagle | 0 | 5 | 4 |
Edmonton | 140 | 65 | 14 |
Établissement d’Edmonton pour femmes | 62 | 43 | 3 |
Grande Cache | 85 | 12 | 3 |
Grierson | 3 | 0 | 0 |
Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci | 0 | 9 | 4 |
Centre Pê Sâkâstêw | 9 | 5 | 1 |
Pavillon de ressourcement du Grand conseil de Prince Albert | 2 | 0 | 0 |
Centre psychiatrique régional | 91 | 16 | 3 |
Saskatchewan | 208 | 46 | 8 |
Centre de guérison Stan Daniels | 4 | 0 | 0 |
Stony Mountain | 58 | 29 | 8 |
Pavillon de ressourcement Willow Cree | 2 | 0 | 0 |
Communauté | 15 | 0 | 0 |
CCC-CRC | 18 | 0 | 0 |
Pacifique | 888 | 270 | 48 |
Établissement pour femmes de la vallée du Fraser | 81 | 27 | 7 |
Kent | 228 | 60 | 9 |
Village de guérison Kwìkwèxwelhp | 2 | 0 | 0 |
Matsqui | 94 | 24 | 4 |
Mission | 259 | 67 | 8 |
Mountain | 120 | 48 | 11 |
Pacifique | 21 | 43Footnote 142 | 4 |
Centre régional de réception | 18 | – | – |
Centre régional de traitement | 28 | – | – |
William Head | 8 | 1 | 1 |
Communauté | 15 | 0 | 0 |
CCC-CRC | 11 | 0 | 0 |
Établissement non préciséFootnote 143 | 3 | 0 | 0 |
TOTAL | 4 307 | 1 258 | 230 |
Réponse au 51e rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel
Introduction
Je tiens à remercier l’enquêteur correctionnel et son équipe pour leur 51e rapport annuel. Le Service correctionnel du Canada (SCC) gère 43 établissements correctionnels et s’efforce d’aider des êtres humains à se réhabiliter. C’est un travail sans relâche qui exige la contribution et les points de vue de nombreux intervenants et groupes d’intérêt. Nous sommes toujours ouverts à l’idée d’améliorer davantage notre système correctionnel de calibre mondial, et j’apprécie la réflexion et les efforts consacrés à ces rapports.
Nous avons à cœur d’assurer des services correctionnels efficaces. Dans notre réponse au rapport de l’enquêteur correctionnel, nous décrivons en détail les façons dont nous donnons suite aux recommandations formulées, tout en nous attaquant à des problèmes plus vastes. Pour mettre les choses en contexte, au cours du dernier exercice, nous avons entrepris plusieurs initiatives clés pour appuyer les priorités correctionnelles et pangouvernementales.
Une organisation n’est rien sans son personnel. Cette affirmation est encore plus vraie dans le domaine correctionnel. Au SCC, nous sommes conscients que les relations sont au centre de notre travail. Nous avons déployé des efforts considérables et soutenus pour améliorer le climat organisationnel au Service. Les initiatives d’envergure nationale qui contribuent à la santé mentale et au bien-être de notre personnel ont pris de nombreuses formes et continuent d’évoluer. Parmi les initiatives importantes qui ont été menées, mentionnons l’audit de la culture organisationnelle, qui nous aide à mieux comprendre les défis et les possibilités caractérisant nos divers milieux de travail d’un océan à l’autre.
Le Service a récemment publié le rapport de l’audit, qui présente de l’information importante sur l’expérience des employés diversifiés du SCC en milieu de travail. Cette initiative me tient à cœur. C’est pourquoi nous avons mis sur pied une équipe chargée d’élaborer un plan d’action détaillé et de surveiller l’évolution de notre culture à l’avenir.
Une autre initiative importante est le développement d’un nouveau Système de gestion des délinquant(e)s (SGD) qui sera plus convivial, efficient et efficace, et qui introduira plusieurs nouvelles méthodes de travail. Il s’agit d’une avancée importante qui aidera le SCC à remplir son mandat au moyen de technologies et de pratiques modernisées. Le nouveau SGD constitue un changement important à nos modes de fonctionnement quotidiens. C’est pourquoi nous intégrons la rétroaction des employés à chacune des étapes du développement du système.
Sur le plan de la détection des objets interdits, nous tirons parti des mesures de sécurité active éprouvées et fiables déjà en place au SCC et continuons de collaborer avec Innovation, Sciences et Développement économique Canada et les responsables du programme Solutions innovatrices Canada dans le but de trouver des solutions efficaces pour pallier les difficultés posées par les objets interdits. Les établissements sont maintenant équipés de divers systèmes de détection des drones, qui s’avèrent efficaces. Du 1er janvier au 30 juin 2024, 290 incidents liés à un drone ont été recensés et dans 98 % des cas, l’activité des drones avait été détectée. De plus, dans les cinq régions, le SCC peut compter sur des chiens détecteurs capables de détecter des dispositifs de stockage électronique, y compris des téléphones cellulaires.
Cette année, le SCC a montré qu’il pouvait répondre rapidement à toute situation urgente. Par exemple, en juin, nous avons transféré, dans un délai de 24 heures, plus de 220 détenus à sécurité maximale de l’Établissement de Port-Cartier, dans la région du Québec, pour échapper aux feux de forêt qui menaçaient l’établissement. Dans une lettre datée du 8 août 2024 que j’ai reçue de l’enquêteur correctionnel, ce dernier a qualifié que l’opération de transfèrement sans précédent « relève de l’exploit » et a convenu que « cette opération d’envergure dans un contexte d’urgence et de haute sécurité fut menée de main de maître. » Il faut souligner que, sans le travail acharné, le dévouement et la résilience de son personnel, de ses partenaires, des bénévoles et des intervenants de la collectivité, le SCC ne pourrait surmonter ces défis extraordinaires.
Le SCC a pour mandat de contribuer à la sécurité publique en aidant et en soutenant les délinquants dans le cadre de leur réhabilitation et de leur éventuel retour dans nos collectivités en tant que citoyens respectueux des lois. L’un des éléments clés consiste à leur fournir des possibilités d’éducation, des programmes, des interventions et des services qui contribuent à l’atteinte de cet objectif. Depuis 2021 2022, le pourcentage de délinquants qui ont :
- amélioré leur niveau de scolarité avant leur première mise en liberté a augmenté de plus de 15 % pour atteindre 77,4 %;
- suivi un programme correctionnel requis avant leur première mise en liberté a augmenté de près de 10 % pour atteindre 77,8 %;
- reçu un certificat de formation professionnelle a augmenté de 38 %.
En outre, le SCC a déployé des efforts considérables pour améliorer l’accès à des interventions et à des programmes adaptés à la culture pour les délinquants autochtones. En 2022-2023, le nombre total de délinquants autochtones transférés vers un pavillon de ressourcement visé à l’article 81 ou un pavillon de ressourcement géré par le SCC a augmenté de 144 % par rapport à l’exercice précédent et, en 2023-2024, ce nombre a augmenté de 45 % par rapport à l’exercice précédent.
Dans l’ensemble, au cours de la dernière décennie, on a constaté une amélioration constante et importante du pourcentage de délinquants sous responsabilité fédérale qui ne sont pas retournés dans un établissement fédéral dans les cinq ans suivant l’expiration de leur peine. Ce pourcentage est passé :
- de 83,3 % en 2014-2015 à 89,9 % en 2023-2024 pour l’ensemble des délinquants :
- de 74,8 % en 2014-2015 à 83,8 % en 2023-2024 pour les délinquants autochtones;
- de 88,7 % en 2014-2015 à 90,4 % en 2023-2024 pour les délinquants noirs.
Le SCC et le Bureau de l’enquêteur correctionnel travaillent en partenariat à la réalisation de leur mandat crucial et important qui consiste à maintenir la sécurité publique et soutenir la réhabilitation des délinquants. Il y a six ans, j’ai été nommée commissaire du SCC. Je suis chargée de diriger cet incroyable organisme et de contribuer à assurer la sécurité de la population canadienne. Je suis fière de l’équipe exemplaire du SCC, y compris de la contribution de nombreux bénévoles et intervenants, qui continuent de nous aider à atteindre notre objectif commun.
Anne Kelly
Commissaire
Service correctionnel du Canada
Réponses aux recommandations
-
Je recommande que le Service fasse rapport publiquement, au cours du prochain exercice, sur les mesures concrètes, les produits livrables et les échéanciers quant à la façon et au moment où il :
-
acquerra une expertise externe et indépendante pour mener des recherches primaires empiriques afin d’évaluer la validité et la fiabilité de tous les outils et méthodes d’évaluation et de classification existants utilisés par le SCC pour éclairer la prise de décisions auprès des délinquants autochtones;
-
élaborera de nouveaux outils d’évaluation et de classification, dirigés par des Autochtones et à partir de la base, pour les Autochtones purgeant une peine de ressort fédéral, qui comprennent des indicateurs culturellement adaptés et éclairés des risques et des besoins (c.-à-d. les facteurs des antécédents sociaux des Autochtones).
-
acquerra une expertise externe et indépendante pour mener des recherches primaires empiriques afin d’évaluer la validité et la fiabilité de tous les outils et méthodes d’évaluation et de classification existants utilisés par le SCC pour éclairer la prise de décisions auprès des délinquants autochtones;
Réponse : En 2023-2024, la Direction de la recherche a entrepris un exercice de validation de l’Échelle de classement par niveau de sécurité (ECNS) visant les délinquants, les délinquants noirs, les délinquantes autochtones et les délinquants non autochtones, conformément aux avis et aux recommandations d’un groupe d’experts-conseils externes composé d’universitaires de divers milieux ne travaillant pas pour le SCC. L’étude a permis de confirmer la validité prédictive de l’ECNS à l’admission pour divers groupes de délinquants.
La méta-analyse réalisée par Olver et al. (2023) a permis d’approfondir grandement nos connaissances en examinant les évaluations des risques et les Autochtones incarcérés dans les établissements fédéraux. Au total, 91 études puisées dans la littérature sur l’évaluation des risques ont été examinées. Ces études portaient sur 22 outils d’évaluation des risques et 15 domaines liés aux risques, aux besoins et à la culture. La méta analyse reposait sur un échantillon constitué d’Autochtones (N = 59 693) et de non-Autochtones/Blancs (N = 237 729). Les auteurs signalent ce qui suit [traduction] : bien que les mesures existantes liées aux risques puissent être améliorées, on dénote très peu de prédicteurs possibles liés à la culture, et la recherche menée à ce jour sur cette question est limitée.
Les conclusions de la méta-analyse soulignent d’importants points à prendre en compte pour le SCC et les autres intervenants concernés. Ces points comprennent le renforcement des compétences professionnelles du personnel, notamment en ce qui a trait à la sécurité et à l’humilité culturelles, et à la réceptivité générale. Ils comprennent également :
- L’intégration de mesures de sécurité active dans la prestation de services aux Autochtones (c’est-à-dire des mesures comprenant des éléments pouvant faire l’objet de changements, comme celles ayant trait à l’éducation et à l’emploi, à la toxicomanie, etc.) ainsi que de mesures liées au risque statique.
- La prise en compte des forces et des facteurs de protection qui peuvent atténuer les risques. Les facteurs de protection peuvent permettre de réduire les cotes de risque élevées des Autochtones en mettant l’accent sur les facteurs qui favorisent l’obtention de résultats positifs (p. ex. stratégies d’adaptation prosociales, sources de soutien culturel et familial, spiritualité, loisirs positifs). Il convient de mener d’autres travaux de recherche sur les forces et les facteurs de protection des Autochtones, et de tels travaux pourraient permettre d’améliorer la planification des services correctionnels et de la réinsertion sociale.
- La prise en compte des perspectives autochtones en sollicitant des avis et de l’aide au moyen de la consultation d’experts sur les cultures autochtones (p. ex. Aînés, personnel spécialement formé sur les cultures autochtones). Ces consultations peuvent contribuer à l’interprétation du contexte culturel d’un comportement, et l’information recueillie peut s’avérer fort utile pour évaluer et comprendre les facteurs de risque ainsi que pour utiliser les outils d’évaluation du risque de manière efficace.
À la lumière des conclusions ci-haut, le SCC :
- examinera des façons d’incorporer des mesures de sécurité active et des mesures liées au risque statique dans la prestation de services aux Autochtones;
- explorera les forces et les facteurs de protection susceptibles d’atténuer le risque.
Dans le cadre d’un protocole d’entente de quatre ans avec l’Université de Regina, le SCC a mené à bien des travaux de recherche afin de déterminer la faisabilité d’élaborer un outil ou un processus d’évaluation du risque adapté à la culture. Ce partenariat a permis de recueillir des observations utiles au sujet des stratégies de mobilisation des collectivités autochtones, des questions juridiques entourant l’évaluation des risques que présentent les Autochtones, ainsi que de l’utilisation et de l’efficacité des outils actuariels chez les Autochtones incarcérés dans les établissements fédéraux.
La Direction de la recherche continue de collaborer avec des experts externes indépendants pour élaborer des approches fondées sur des données probantes et adaptées sur le plan culturel afin de renforcer et d’améliorer le processus d’évaluation et de classement des Autochtones purgeant une peine de ressort fédéral.
De plus, la Direction de la recherche mettra sur pied le Cercle consultatif en matière de recherche autochtone pour soutenir ces travaux. Le Cercle consultatif sera chargé d’orienter et de conseiller la Direction de la recherche du SCC pour favoriser le respect de la culture dans les travaux en lien avec les Autochtones purgeant une peine de ressort fédéral et veiller à ce que ces travaux soient adaptés à la culture. La création du Cercle consultatif est un engagement important du SCC et s’inscrit dans ses efforts de réconciliation visant à établir des relations respectueuses et réciproques avec les partenaires autochtones. Le Cercle consultatif engagera un dialogue constructif avec des Aînés, des chercheurs et des universitaires autochtones, ainsi que des praticiens et des dirigeants des collectivités autochtones à l’appui de travaux de recherche adaptés à la culture. Il fournira également des conseils sur l’intégration des perspectives, des connaissances, des enseignements, des valeurs, des traditions orales et des visions du monde autochtones dans les approches et les pratiques de recherche.
Prochaines étapes et échéancier : À compter de la fin de l’exercice 2024-2025, pour assurer une communication efficace, la Direction de la recherche rendra publiques des mises à jour annuelles sur ses activités de recherche et de développement en lien avec les outils d’évaluation et de classement, ainsi que sur les méthodes utilisées par le SCC pour orienter la prise de décisions concernant les délinquants autochtones.
-
En ce qui concerne le processus interne de traitement des plaintes et des griefs du SCC, je formule trois recommandations sommaires, qui seront mises en œuvre progressivement et achevées au cours du prochain exercice :
- Premièrement, le SCC devrait effectuer un examen fondé sur des principes du processus de traitement des plaintes et des griefs en s’appuyant sur les piliers de la justice procédurale – la voix, le respect, la neutralité et la fiabilité. Les opinions et les expériences des personnes incarcérées devraient être prises en compte tout au long de cet examen.
- Simultanément, le SCC devrait entreprendre un exercice de réaffectation pour veiller à ce qu’une attention, des efforts et des priorités appropriés et soutenus soient consacrés à la résolution informelle des plaintes et des griefs, et ce, au niveau le plus bas possible. Il s’agit notamment de la réaffectation des ressources des mesures de redressement au niveau national à la résolution dans les pénitenciers.
-
Enfin, le SCC devrait investir des sommes importantes dans la formation et le renforcement des compétences en médiation et en modes alternatifs de résolution des conflits (MARC) pour l’ensemble du personnel, dans le but de mettre en œuvre ces pratiques dans tous les pénitenciers à sécurité maximale et à niveaux de sécurité multiples du Canada, notamment les cinq centres régionaux de traitement pour femmes. Les MARC et la médiation seraient les caractéristiques centrales et permanentes de la Directive du commissaire 081 considérablement mise à jour et révisée.
Réponse 2(a) :
Le SCC a apporté plusieurs changements transformationnels à son processus de règlement des plaintes et des griefs des délinquants au cours des trois dernières années. Parmi ces changements, notons les suivants :
- des ajouts à la formation et à l’orientation des analystes des griefs, des chefs d’équipe et des gestionnaires, ce qui a permis d’augmenter la productivité;
- le recours à la technologie (signature électronique) pour la prise de décisions, ce qui a permis de réduire les délais administratifs;
- une communication directe avec les responsables des unités opérationnelles afin de fournir un soutien stratégique et en matière de politiques à l’égard de leurs processus administratifs de règlement des plaintes et des griefs;
- une participation accrue des délinquants au processus de règlement des griefs, qui peuvent se faire entendre davantage;
- un contrôle accru de la mise en œuvre des mesures correctives;
- la restructuration de la Division des recours des délinquants afin qu’elle puisse exercer ses tâches et ses fonctions de manière plus agile; et
- la mise sur pied du Comité d’examen du règlement des plaintes et des griefs.
Ces changements ont permis au SCC d’accroître sa capacité à fournir des réponses impartiales et complètes aux délinquants, de s’attaquer aux délais historiques de règlement des griefs afin de se conformer à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et de rehausser la confiance des délinquants et des autres parties concernées dans le processus de règlement des plaintes et des griefs du SCC.
À titre d’exemple, le SCC a mis sur pied le Comité d’examen du règlement des plaintes et des griefs en novembre 2022 afin de répondre aux délinquants qui déposent des plaintes et des griefs en grand nombre ou de manière fréquente à l’échelle du pays. L’initiative a permis aux délinquants (avec leur consentement) et à un représentant de leur choix de participer à l’examen direct de leurs plaintes et griefs. Un membre du comité consultatif de citoyens de l’unité opérationnelle a aussi participé au processus d’examen en tant qu’observateur. En participant à l’examen des griefs qu’ils ont déposés, les délinquants ont été en mesure de fournir un bref contexte au sujet de leurs griefs et de déterminer collectivement les mesures correctives qui permettraient de régler les plaintes et les griefs.
Quoique transformatrice, cette approche est conforme aux quatre piliers de l’équité procédurale et est censée être incorporée dans la prochaine version de la Directive du commissaire 081.
Prochaines étapes pour donner suite à la recommandation 2 (a) : Le Secteur de l’audit interne et de l’évaluation du SCC examine actuellement le Comité d’examen du règlement des plaintes et des griefs dans le but de cerner de nouvelles possibilités d’amélioration et de tirer parti des réussites et des pratiques exemplaires du Comité dans le processus de règlement des plaintes et des griefs. Les conclusions tirées de l’examen orienteront la prochaine révision de la Directive du commissaire 081 et des Lignes directrices 081-1.
Échéancier : L’examen du Comité d’examen du règlement des plaintes et des griefs est en cours et la mise à jour de la Directive du commissaire 081 et des Lignes directrices 081-1 devrait être achevée d’ici l’été 2025.
Réponse 2(b) :
Le SCC reconnaît l’importance de répondre aux plaintes et aux griefs des délinquants de manière informelle et au plus bas niveau possible. Par conséquent, il s’est engagé à fournir du soutien aux unités opérationnelles pour voir au respect de cette exigence législative.
À titre d’exemple, la Division des recours des délinquants a participé à la tenue de séances d’information destinées aux employés des régions et des établissements pour les rendre plus aptes à répondre aux plaintes et aux griefs des délinquants en temps opportun, en conformité avec les quatre piliers de l’équité procédurale. De plus, des discussions continues avec la Direction de l’apprentissage et du perfectionnement du SCC ont mené à l’amélioration de la formation destinée aux agents et aux gestionnaires de première ligne pour insister sur l’importance pour le personnel de première ligne de répondre aux préoccupations des délinquants de manière informelle et au plus bas niveau possible dans le cadre de l’exercice de leurs tâches et de leurs fonctions.
La Direction des droits, des recours et des résolutions entend continuer de fournir le soutien nécessaire au personnel de première ligne du SCC pour s’assurer qu’il est adéquatement outillé pour répondre aux préoccupations des délinquants de manière proactive et équitable et en temps opportun au plus bas niveau possible. C’est pourquoi la Division des droits de la personne travaille en étroite collaboration avec la Division des recours des délinquants pour aider les unités opérationnelles et les responsables des politiques à sensibiliser les gens à l’importance de favoriser des interactions dynamiques valorisantes avec les délinquants, y compris lorsqu’il s’agit de répondre à leurs préoccupations.
Prochaines étapes pour donner suite à la recommandation 2 (b) : Le SCC continuera d’aider les unités opérationnelles à offrir des séances d’information dans le but de favoriser le règlement expéditif et équitable des plaintes et des griefs. La Division des recours des délinquants veillera à ce que de l’information et des outils à l’appui de cet objectif soient accessibles sur l’intranet du SCC.
Échéancier : La Direction des droits, des recours et des résolutions offrira des séances d’information sur une base régulière au cours de l’exercice.
Réponse 2(c) :
Le SCC est déterminé à offrir du soutien au personnel de première ligne afin qu’il soit adéquatement outillé pour répondre aux plaintes et aux griefs des délinquants au plus bas niveau possible, y compris au moyen de la médiation et de mesures de résolution de conflits de rechange.
Le SCC a demandé et obtenu des fonds dans le budget fédéral de 2022 pour améliorer les résolutions en lien avec les recours, y compris les plaintes relatives aux droits de la personne. L’une des principales activités découlant de l’initiative énoncée dans le budget fédéral de 2022 consiste à mettre en place des méthodes substitutives de règlement des différends à cinq unités opérationnelles à l’échelle du pays. Le SCC a lancé le projet pilote sur les méthodes substitutives de règlement des différends à l’Établissement de Kent, dans la région du Pacifique. Ce projet pilote permettra d’élaborer des processus opérationnels et administratifs en vue de les instaurer à quatre autres unités opérationnelles d’ici la fin de l’exercice financier en cours.
Prochaines étapes pour donner suite à la recommandation 2 (c) : Le SCC tirera des leçons de l’utilisation de méthodes substitutives de règlement des différends à l’Établissement de Kent et sélectionnera d’ici la fin de l’exercice en cours quatre autres unités opérationnelles aux fins de la mise en place de méthodes substitutives de règlement des différends au cours de 2025-2026. Les principales activités efficaces de l’initiative seront prises en compte lors de la révision de la Directive du commissaire 081 et des Lignes directrices 081-1.
Échéancier : printemps 2026
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Je recommande que le processus d’examen de la qualité des soins fasse l’objet d’une vérification indépendante présidée par un médecin examinateur externe.
Réponse : Le SCC prend très au sérieux le décès de toute personne incarcérée dans ses établissements. Chaque décès en établissement fait l’objet d’un examen externe réalisé par un coroner ou un médecin légiste provincial. Le SCC continue d’appuyer ces enquêtes externes et facilite une communication et une transmission d’informations continues dans le cadre de celles-ci, ce qui comprend la transmission de la version définitive de son rapport d’examen de la qualité des soins au coroner provincial.
Le SCC a mis sur pied le Comité consultatif national des professionnels de la santé, qui est composé de professionnels de la santé, tels que des médecins de soins de santé primaires, des psychiatres, des dentistes et des membres du personnel infirmier praticien. Le Comité fournit des conseils et des recommandations au SCC sur des questions touchant la pratique professionnelle ainsi que sur les politiques qui concernent ou qui touchent les professionnels de la santé de même que la qualité et l’organisation des services de santé offerts aux détenus sous responsabilité fédérale. Le Comité est présidé par le médecin hygiéniste en chef du SCC, qui est chargé d’examiner les questions de santé liées à la prestation de soins et de fournir des conseils en matière de santé à la haute direction des Services de santé du SCC. Dans son rôle, le médecin hygiéniste en chef examine et signe tous les rapports d’examen de la qualité des soins.
Les délais de production des rapports d’examen de la qualité des soins se sont améliorés, mais comme mentionné dans le rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel de 2023-2024, le SCC reconnaît qu’il y a place à l’amélioration. Par conséquent, le SCC s’affaire à revoir son processus d’examen de la qualité des soins et les lignes directrices connexes en vue de l’amélioration de la qualité, notamment en faisant appel à un expert externe. Cet exercice vise à mieux harmoniser le processus d’examen de la qualité des soins du SCC avec les normes communautaires en matière d’enquête sur les incidents liés à la sécurité des patients incarcérés. Durant l’examen, le SCC évaluera les définitions et la mise en œuvre des recommandations, les possibilités d’amélioration de la qualité et les mesures correctives. De plus, le SCC envisagera d’autres solutions, comme l’identification des facteurs déterminants pour la priorisation de la prestation de soins holistiques et préventifs en conformité avec les stratégies de l’Organisation des normes en santé, qui est affiliée à Agrément Canada. On s’attend à ce que le processus renouvelé fasse ressortir de nouvelles possibilités de cibler les problèmes systémiques et permette de stimuler l’innovation fondée sur les données et de cerner des possibilités d’amélioration continue de la qualité.
Prochaines étapes : Avec l’aide d’un expert externe, le SCC passera en revue le processus d’examen de la qualité des soins et les lignes directrices connexes en vue de l’amélioration de la qualité.
Échéancier : été 2025
- Je recommande que, pour déterminer la cause du décès dans le cadre de l’examen de la qualité des soins, le Secteur des services de santé du SCC fasse l’objet d’un audit indépendant et externe ou, lorsque cela n’est pas possible, que tous les efforts visant à obtenir un audit indépendant et externe soient déclarés.
Réponse : Dans le cadre de son processus d’examen de la qualité des soins, le SCC présente une demande officielle au coroner provincial afin d’obtenir une copie du rapport de l’autopsie ou du rapport du coroner afin de confirmer la cause du décès. La demande est présentée dès que possible suivant l’ordonnance de la tenue d’un examen de la qualité des soins. Il importe de noter que, comme mentionné dans le rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel, le SCC doit composer avec les différentes façons de communiquer de l’information des bureaux provinciaux de coroners ou de médecins légistes, et n’exerce aucun contrôle sur les délais associés aux rapports finaux des coroners.
Comme mentionné dans le rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel, le SCC déploie des efforts avec l’aide de son médecin hygiéniste en chef contractuel pour amorcer des discussions avec les bureaux des coroners de l’ensemble du Canada en vue d’améliorer la communication et la transmission d’informations. La plupart des coroners provinciaux se sont récemment engagés à renforcer notre collaboration et à insister sur l’importance de transmettre l’information. Le SCC a bon espoir que le renforcement des partenariats lui permettra de réduire le nombre de rapports achevés sans la confirmation de la cause du décès.
De plus, le SCC reconnaît l’importance de documenter les efforts déployés pour obtenir une vérification externe. C’est pourquoi toutes les communications avec les coroners et les médecins légistes provinciaux seront maintenant sauvegardées dans le dossier médical électronique des patients incarcérés. Dans le cadre de la revue du processus d’examen de la qualité des soins, qui a été mentionnée dans la réponse à la recommandation 3, le SCC envisagera aussi des possibilités d’incorporer des délais normalisés pour les contacts initiaux avec les coroners et les médecins légistes, de même que le besoin d’inclure des suivis qui sont documentés dans le rapport final d’examen de la qualité des soins.
Prochaines étapes : Le SCC amorcera des discussions avec tous les bureaux des coroners de l’ensemble du Canada afin d’améliorer la communication et l’échange d’information. Il veillera également à ce que les communications avec les coroners et les médecins légistes provinciaux soient adéquatement documentées.
Échéancier : hiver 2024
- Je recommande que le SCC consulte la Commission des libérations conditionnelles du Canada afin d’établir un cadre d’échange de données et de production de rapports, de publier de l’information sur les demandes de libération conditionnelle par exception présentées en vertu de l’article 121, ainsi que sur les demandes de toute forme de mise en liberté pour des motifs d’ordre humanitaire. Ces données devraient être ventilées selon les critères énumérés au paragraphe 121(1), que la demande de libération conditionnelle soit présentée avant ou après la date d’admissibilité d’une personne.
Réponse : Le SCC collaborera avec la Commission des libérations conditionnelles du Canada à l’établissement d’un mécanisme qui permettra le partage de données et la production de rapports afin que les demandes d’audience de libération conditionnelle présentées pour des raisons de santé (que le détenu ait atteint ou non sa date d’admissibilité à la libération conditionnelle) ou au titre de l’article 121 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition puissent être adéquatement identifiées et surveillées.
Prochaines étapes : Les écrans pertinents du Système de gestion des délinquant(e)s seront examinés en se fondant sur les processus de consultation antérieurs afin d’améliorer notre processus de partage de données et d’établissement de rapports. Le SCC participe actuellement aux discussions sur les modifications techniques à apporter et prévoit que les changements seront faits d’ici l’hiver 2025. Le SCC continuera de travailler avec la Commission des libérations conditionnelles du Canada en vue d’établir un mécanisme collectif qui permet la transmission d’informations entre les deux organismes.
Échéancier : hiver 2025
- Je recommande que la Direction des enquêtes sur les incidents du SCC, en collaboration avec le Secteur des services de santé du SCC, évalue les considérations relatives à la mise en liberté dans le cadre des examens de la qualité des soins. Ces évaluations devraient tenir compte des éléments soulevés dans le rapport d’intérêt public de 2014 du Bureau, et mener à l’adoption de normes qualitatives.
Réponse : L’examen de la qualité des soins comprend une brève analyse des considérations en vue d’une mise en liberté anticipée. En revanche, étant donné la manière dont ces examens ont été menés à ce jour, le SCC n’est pas en mesure de procéder à l’analyse rétroactive détaillée des considérations en vue d’une mise en liberté proposée dans la recommandation. Le SCC reconnaît le besoin de déterminer si les considérations appropriées en vue d’une éventuelle mise en liberté à titre exceptionnel pour motif de compassion ont été prises en compte dans le cas des délinquants en phase terminale qui sont morts de causes naturelles dans un établissement du SCC. En conséquence, le SCC commencera dès l’automne 2024 à recueillir des données sur les cas de décès de causes naturelles et à réaliser des examens systémiques réguliers afin de déterminer s’il doit élaborer les normes qualitatives recommandées par le Bureau de l’enquêteur correctionnel.
Prochaines étapes : Le SCC procédera à un examen des décès de causes naturelles chez les personnes pour qui une mise en liberté à titre exceptionnel aurait dû être considérée et déterminera si des normes qualitatives sont requises.
Échéancier : printemps 2026
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Je recommande que le SCC élabore une Stratégie nationale de gestion de la population féminine, qui comprend :
- le recours accru aux accords d’échange de services, afin que les femmes puissent purger leur peine plus près de leur collectivité d’origine et de leur soutien social;
- l’utilisation accrue des pavillons de ressourcement communautaire administrés en vertu de l’article 81 et des ententes et des libérations en vertu de l’article 84;
- une stratégie globale de libération dans la collectivité pour les femmes et la réaffectation des ressources dans la collectivité;
- l’affectation accrue des ressources consacrées à la gestion des cas complexes.
Réponse : Les femmes représentent une faible proportion de la population de personnes incarcérées dans les établissements fédéraux du Canada, mais au cours des 20 dernières années, le taux de femmes incarcérées dans les établissements fédéraux a augmenté de 50 % (Balfour, 2020). Qui plus est, les femmes autochtones constituent toujours la population dont la croissance est la plus rapide. Cette croissance est troublante, et tous les efforts sont déployés pour veiller à ce que les délinquantes bénéficient du soutien dont elles ont besoin pour obtenir des résultats en matière de réinsertion sociale positifs et durables. De récentes recherches ont démontré que le profil national des femmes incarcérées a évolué, et que les profils de risques et de besoins sont plus complexes que ceux des femmes précédemment incarcérées. Plus précisément, les récents profils sont caractérisés par une augmentation de la proportion de femmes ayant obtenu une cote faible ou très faible à l’Indice du risque criminel, ayant un faible potentiel de réinsertion sociale, étant susceptibles de purger une peine pour infraction avec violence, et étant susceptibles d’être classées comme présentant des besoins globaux élevés liés aux facteurs criminogènes. De même, la proportion de délinquantes dans les établissements pour femmes qui sont affiliées à un groupe menaçant la sécurité a augmenté (Motiuk et Keown, 2022, Wanamaker, K. et Chadwick, N., 2023).
Le SCC entreprend l’élaboration concertée d’une stratégie nationale intersectorielle pour relever les défis et atténuer les pressions en matière de gestion de la population du début de la peine jusqu’à l’expiration du mandat. Des intervenants internes et externes, tels que le Bureau de l’enquêteur correctionnel et l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry y participent. Cette stratégie sera axée sur les principales pressions en matière de gestion de la population de délinquantes, notamment en ce qui a trait aux délinquantes ayant des profils de risques et de besoins complexes, afin de voir au placement des délinquantes au bon endroit en fonction de leurs risques et de leurs besoins. Cela comprendra le recours aux accords d’échange de services, aux pavillons de ressourcement visés à l’article 81 qui sont gérés par la collectivité et aux accords et mises en liberté au titre de l’article 84. La stratégie permettra aussi de veiller à ce que des mesures et des processus soient mis en place pour aider les délinquantes à se préparer à leurs examens en vue d’une libération conditionnelle à la date d’admissibilité à la libération conditionnelle, afin de favoriser la réussite de leur réinsertion dans la collectivité. Cet objectif sera atteint grâce à un volet axé sur la mise en liberté dans la collectivité, lequel orientera les décisions en matière de gestion, la planification des activités et les modifications aux politiques, le cas échéant.
Prochaines étapes : Le SCC :
- examinera les accords d’échange de services en vigueur et envisagera les possibilités de conclure d’autres accords pour offrir davantage d’options aux femmes afin qu’elles puissent purger leur peine plus près de leurs collectivités d’origine et de leurs réseaux de soutien social tout en tenant compte de leurs risques et de leurs besoins;
- continuera de surveiller et d’examiner l’utilisation des places dans les pavillons de ressourcement visés à l’article 81 dans le but d’accroître leur utilisation (en cours);
- continuera d’appuyer les directeurs d’établissement afin d’accroître le recours aux mises en liberté au titre de l’article 84 ou la participation des collectivités autochtones à la préparation des cas en vue de la mise en liberté chez les délinquantes autochtones (en cours);
- élaborera une stratégie pour la mise en liberté des femmes dans la collectivité (été 2025);
- examinera les ressources affectées à la gestion des cas complexes (automne 2024); et
- élaborera de manière concertée une stratégie nationale intersectorielle pour relever les défis et atténuer les pressions en matière de gestion de la population du début de la peine jusqu’à l’expiration du mandat. Cette stratégie orientera les décisions en matière de gestion, la planification des activités et les modifications aux politiques, le cas échéant (été 2025).
- Je recommande que le SCC évalue toutes les stratégies mises en place en réponse à ses recommandations issues de l’évaluation du Modèle d’engagement et d’intervention de juin 2021, et qu’il fasse connaître les mesures qu’il a prises pour réduire le recours à la force; accroître la capacité d’intervention en cas d’incidents mettant en cause la santé mentale et la détresse physique; et de veiller à ce que les violations de la loi ou des politiques ne passent pas inaperçues.
Réponse : Le SCC est déterminé à veiller à ce que les interventions soient conformes au Modèle d’engagement et d’intervention, et à ce qu’elles soient les plus sécuritaires et les plus raisonnables. Depuis son lancement, plusieurs mesures ont été mises en œuvre afin de promouvoir et de renforcer les principes du modèle.
Concrètement, le SCC a donné suite aux recommandations issues de l’évaluation du Modèle d’engagement et d’intervention réalisée en juin 2021 en procédant à l’examen du programme lié au Modèle d’engagement et d’intervention et en élaborant une formation traitant du rôle des coordonnateurs de secteur ainsi qu’un guide sur le travail d’équipe interdisciplinaire. Ces travaux avaient pour but d’accroître la compréhension du personnel au sujet des rôles et des responsabilités des divers membres de l’équipe interdisciplinaire dans le cadre de la gestion des incidents. Le SCC a aussi conçu et mis en place une formation efficace fondée sur des scénarios qui traite entre autres de la satisfaction des besoins en santé physique et mentale de sa population diversifiée de détenus. De nouveaux sujets de formation sont proposés chaque année pour veiller à ce que les formations sur la sécurité demeurent pertinentes, répondent aux besoins opérationnels et correspondent aux priorités organisationnelles.
Toutes les interventions impliquant un recours à la force sont assujetties à un processus dans le cadre duquel on procède à un examen exhaustif des mesures prises durant l’incident, on détermine si des infractions graves aux lois et aux politiques ont été commises, on assure la reddition de comptes et on veille à ce que les mesures correctives et/ou disciplinaires requises soient prises. Des directives ont été fournies dans un bulletin de sécurité publié en novembre 2022 afin d’exiger que les unités opérationnelles mettent en place des mesures pour assurer la surveillance et le suivi des éléments de non-conformité, y compris des mesures correctives. On a insisté sur le fait que les mesures correctives doivent être prises de manière efficace et en temps opportun, tout en veillant à ce que des mesures correctives progressives soient mises en place pour les éléments de non-conformité persistants relevés durant les examens du recours à la force.
Le SCC continuera de promouvoir et de renforcer les principes du Modèle d’engagement et d’intervention en prenant les mesures appropriées pour veiller à ce que toutes les interventions représentent la réponse la plus sécuritaire et la plus raisonnable et se limitent à ce qui est nécessaire et proportionné pour gérer la situation. Le recours à la force n’est qu’un élément du Modèle d’engagement et d’intervention. Bien qu’une réduction du nombre d’interventions impliquant un recours à la force serait idéale, plusieurs facteurs situationnels entrent en ligne de compte dans le processus décisionnel lorsqu’il s’agit de déterminer si un recours à la force est requis pour gérer la situation.
Le SCC publiera le plan d’action de la gestion élaboré en réponse à l’évaluation du Modèle d’engagement et d’intervention menée en 2021. Ce plan indiquera clairement les mesures qui ont été prises et les résultats qui ont été obtenus pour donner suite aux cinq recommandations formulées à la suite de l’évaluation. Il convient de noter que tous les résultats attendus ont été obtenus.
Prochaines étapes : Dans le cadre de l’élaboration de son prochain Plan d’audit et d’évaluation fondé sur les risques, le SCC analysera et évaluera plus en profondeur les risques liés aux stratégies mises en œuvre en réponse aux recommandations afin de déterminer quelles missions ciblées pourraient être entreprises.
Échéancier : hiver 2025
- Je recommande que le SCC publie immédiatement l’évaluation de l’observateur indépendant sur l’impartialité, la rigueur et le professionnalisme du Comité d’enquête nationale conjointe.
Réponse : Le SCC publiera sur son intranet et sur son site Web la copie caviardée du rapport de l’observateur indépendant sur l’enquête.
Prochaines étapes : Avant de publier le rapport de l’observateur indépendant, la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels du SCC l’examinera en vue d’assurer le respect de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Suivant son examen, le SCC publiera le document sur son intranet et sur son site Web en conformité avec les exigences de publication du gouvernement du Canada.
Échéancier : automne 2024
- Je recommande au SCC de préparer et de publier un résumé du cas des faits et des conclusions de ce Comité, notamment les recommandations, les leçons et les mesures correctives qui ont été mises en œuvre au CRT de Millhaven à ce jour.
Réponse : Le SCC publiera sur son intranet et sur son site Web et dans les deux langues officielles un résumé du cas caviardé au sujet de l’enquête. Le résumé comprendra des faits, des constatations, des leçons et des mesures correctives en lien avec les 10 recommandations formulées dans le rapport d’enquête.
Prochaines étapes : Avant de publier le résumé du cas, la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels du SCC l’examinera en vue d’assurer le respect de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Suivant son examen, le SCC publiera le document sur son intranet et sur son site Web en conformité avec les exigences de publication du gouvernement du Canada.
Échéancier : automne 2024
- Je recommande qu’un spécialiste indépendant et externe en santé mentale effectue un examen de conformité complet de la sécurité des patients au CRT de Millhaven.
Réponse : Le Service s’est doté d’un modèle intégré de prestation de services en santé mentale. Il fournit des services selon un continuum de soins allant de l’admission à l’expiration de la peine ou de l’ordonnance de surveillance de longue durée d’un délinquant, et tient compte du niveau de soins requis.
Dans le cadre de ce modèle, le SCC compte cinq centres régionaux de traitement qui sont réputés être des hôpitaux psychiatriques (exception faite du Centre régional de santé mentale du Québec), et qui sont agréés par Agrément Canada. Les centres régionaux de traitement fournissent des évaluations cliniques et des traitements en milieu hospitalier aux personnes souffrant de graves problèmes de santé mentale. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et la politique en matière de santé du SCC énoncent toutes deux les exigences relatives au processus clinique d’admission et de congé des centres régionaux de traitement.
Le SCC est toujours à la recherche de possibilités d’améliorer sa prestation des services de santé. C’est pourquoi il procède à un examen national des centres régionaux de traitement, qui vise entre autres celui de la région de l’Ontario. L’examen permettra d’orienter l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et de programmes normalisés à l’appui de la prestation cohérente de services de santé dans l’ensemble des centres régionaux de traitement. Les processus et les exigences en lien avec la sécurité des patients incarcérés feront partie de l’examen. De plus, le SCC et le psychiatre principal national consulteront les intervenants internes et externes, y compris le Bureau de l’enquêteur correctionnel et les experts externes. L’examen permettra aussi de favoriser l’harmonisation avec les travaux en cours en lien avec la mise en œuvre du modèle de soins de santé primaires appelé Centre de soins de santé de la personne, la prestation de soins de santé mentale intermédiaires et les travaux entourant le Centre d’excellence en santé du SCC.
Prochaines étapes : Le SCC mènera une initiative d’amélioration de la qualité visant le processus d’admission et de congé des centres régionaux de traitement d’ici le printemps 2025.
De plus, le SCC élaborera et mettra en œuvre des processus pour la normalisation des politiques et des programmes des centres régionaux de traitement à l’appui de la prestation cohérente des services à l’échelle nationale, de la vision de l’avenir des soins en milieu hospitalier du SCC et de l’harmonisation avec le modèle du Centre de soins de santé de la personne et les soins de santé mentale intermédiaires.
Échéancier : printemps 2025 et 2026
- Je recommande que le SCC évalue la pertinence et la faisabilité de l’installation de technologies de surveillance à distance des signes vitaux dans les cellules de toutes les zones de placement à risque élevé des prisons fédérales, notamment les unités d’intervention structurée et les cellules d’observation intensifiée (surveillance du suicide), les centres régionaux de traitement et les cellules de soins de santé dans les pénitenciers ordinaires.
Réponse : Le SCC est résolu à maintenir un milieu de vie et de travail sécuritaire dans toutes ses installations, tout en s’acquittant de son mandat en matière de sécurité publique. Le SCC mettra en œuvre une tournée horaire systématique dans les centres régionaux de traitement à l’appui de la surveillance continue des besoins en santé. Il s’agit d’une pratique systématique et proactive effectuée par le personnel infirmier et fondée sur des données probantes qui peut favoriser la sécurité des patients incarcérés et la communication au sein de l’équipe, et améliorer la satisfaction des patients incarcérés. Cette tournée sera mise en œuvre dans tous les centres régionaux de traitement du SCC à l’automne 2024.
Le SCC déterminera également la pertinence et la faisabilité d’installer des dispositifs de surveillance à distance des signes vitaux dans les cellules des secteurs désignés présentant le plus haut risque des établissements fédéraux en mettant en œuvre un projet pilote à un établissement d’ici l’automne 2027.
Prochaines étapes : Le SCC mettra à l’essai des dispositifs de surveillance à distance des signes vitaux dans les cellules à un établissement pour en déterminer la pertinence et la faisabilité d’ici 2027. Dans le cadre du projet pilote, le SCC réalisera une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée et élaborera une stratégie de communication et un plan de collecte de données d’ici le printemps 2025; rédigera l’énoncé des travaux et achèvera le processus de passation de marchés d’ici le printemps 2026; procédera à l’installation du dispositif d’ici l’été 2026; et procédera à la mise à l’essai et à l’évaluation postérieures à la mise en œuvre d’ici l’automne 2027.
Échéancier : automne 2027
- Je recommande que le SCC veille à ce que le personnel de sécurité qui travaille dans un centre régional de traitement soit soigneusement recruté, dûment sélectionné, bien formé et pleinement compétent pour s’acquitter de ses tâches dans un environnement hospitalier psychiatrique sécurisé.
Réponse : Le SCC continue de recruter, d’évaluer et de sélectionner des personnes talentueuses qui satisfont aux exigences des postes décrites dans les énoncés des critères de mérite approuvés. Tous les employés reçoivent de la formation tout au long de leur période d’emploi pour les aider à exercer leurs fonctions.
Le Secteur de la gestion des ressources humaines du SCC continue de collaborer avec la direction, notamment dans le cadre de son examen national des centres régionaux de traitement, qui vise entre autres à déterminer la composition optimale de l’équipe. Le SCC examinera les conclusions de l’examen des centres régionaux de traitement dans le contexte du recrutement et des plans et activités de formation au sein de l’organisation.
Prochaines étapes : Le SCC tiendra une séance annuelle de discussion aux fins de la planification pour cerner les besoins en recrutement des centres régionaux de traitement.
Échéancier : Les travaux sont en cours et sont récurrents.
- Je recommande d’élargir les solutions de rechange à l’incarcération et d’augmenter le nombre de places pour faciliter le transfert et le placement dans des établissements psychiatriques communautaires externes de personnes purgeant une peine de ressort fédéral qui sont suicidaires, qui s’automutilent de façon chronique ou qui souffrent d’une maladie mentale grave.
Réponse : Il est indispensable d’assurer la liaison avec les ressources externes en santé mentale pour concrétiser la priorité du SCC qui consiste à répondre aux besoins en santé mentale des détenus sous responsabilité fédérale. C’est pourquoi le SCC mobilise sans cesse ses partenaires à l’appui de la prestation de services. À titre d’exemple, le SCC a un protocole d’entente de longue date avec l’Institut national de psychiatrie légale Philippe Pinel pour la prestation de services psychiatriques et médicolégaux spécialisés dans les deux langues officielles.
Il importe de reconnaître que le SCC ne peut contraindre les hôpitaux externes à conclure un accord d’échange de services. Avec l’aide de son psychiatre principal national contractuel, le SCC élabore un plan pour l’établissement de partenariats en matière de services de santé afin d’envisager les possibilités d’établir et de renforcer des partenariats pour offrir des évaluations, des traitements et des soins en milieu hospitalier en santé mentale aux patients incarcérés du SCC. De plus, le SCC continue de collaborer efficacement avec divers partenaires et intervenants, y compris avec des hôpitaux externes. Des experts conseils en santé sont aussi embauchés à contrat en cas de besoin pour effectuer des examens exhaustifs des cas complexes et fournir des conseils sur le plan clinique.
Le SCC entend envisager des possibilités de travailler en collaboration avec des experts externes en santé mentale sur une base permanente afin de s’assurer qu’il continue de fournir des soins de la plus haute qualité qui satisfont aux normes communautaires.
Prochaines étapes : Les Services de santé élaboreront à l’automne 2024 un plan d’établissement de partenariats pour renforcer la collaboration avec des prestataires de services de santé dans la collectivité.
Les Services de santé communiqueront d’ici le printemps 2025 avec les hôpitaux offrant des services de psychiatrie légale afin d’envisager des possibilités de conclure des protocoles d’entente pour offrir des évaluations, des traitements et des soins en milieu hospitalier en santé mentale aux patients incarcérés du SCC.
Échéancier : printemps 2025
- Je recommande que le SCC élabore et mette en œuvre une stratégie nationale de gestion des sous-populations d’ici la fin de l’exercice, dans le but de réduire de façon sécuritaire et considérable le nombre de sous-populations dans les établissements à sécurité maximale.
Réponse : Comme on peut l’imaginer, les établissements représentent un microcosme de la société. Il y a des détenus qui ne s’entendent pas ou qui sont jugés incompatibles avec d’autres en raison d’affiliations à des gangs, de personnalités, de comportements, de profils, de statuts (p. ex. des dettes) ou autres. Par conséquent, la désignation de sous-populations est un outil nécessaire pour maintenir des conditions de vie et de travail sécuritaires dans tous les établissements, et spécialement dans les environnements à sécurité maximale. Le SCC est conscient des défis que cela représente sur le plan des déplacements des détenus. C’est pourquoi des efforts constants sont déployés de manière concertée au niveau des unités opérationnelles et des régions afin d’atténuer les risques liés aux sous-populations et d’en réduire le nombre.
En 2023-2024, le SCC a revitalisé le Comité national de gestion de la population, l’organe stratégique supérieur et décisionnel pour la gestion de la population. Le Comité surveille les tendances à l’échelle nationale, assure une surveillance stratégique des pressions en matière de gestion de la population et fournit une tribune pour les analyses et les examens intersectoriels concernant les décisions ayant des répercussions sur la gestion de la population. Cela comprend le nombre de sous-populations et d’horaires dans les établissements. De plus, le Comité national de gestion de la population facilite la communication intersectorielle d’information au sujet des initiatives (proposées ou en cours) propres à une région ou à un secteur, des considérations/défis actuels, ainsi que des changements de politiques proposés et à venir. À ce jour, sept des neuf établissements à sécurité maximale ont réduit leur nombre d’horaires distincts au cours des dernières années.
Dans son Plan d’audit et d’évaluation fondé sur les risques de 2023-2024, le SCC s’est engagé à procéder à une évaluation de ses établissements à sécurité maximale. Cette évaluation comprend deux volets. Le premier volet consiste en un examen exhaustif des objectifs, des activités et des résultats attendus en ce qui concerne les établissements à sécurité maximale et devrait être achevé d’ici décembre 2024. Le deuxième volet consiste à déterminer si les unités à sécurité maximale obtiennent les résultats attendus et devrait être achevé d’ici décembre 2025. Les conclusions de cette évaluation permettront au Comité national de gestion de la population d’orienter ses travaux pour continuer à régler les questions propres aux établissements à sécurité maximale, afin de trouver des moyens de pallier les difficultés posées par les incompatibilités et de réduire le nombre de sous-populations.
Prochaines étapes : Le SCC achèvera le premier volet de l’évaluation.
Échéancier : décembre 2024
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Je recommande au SCC de s’assurer que :
- des routines institutionnelles soient établies pour permettre à toutes les personnes incarcérées, à l’exclusion de celles qui se trouvent dans les UIS, d’avoir accès quotidiennement à de « grands » espaces de cour primaires;
- toutes les unités résidentielles des établissements autonomes à sécurité maximale sont équipées de commodités de base et de sièges;
- les politiques liées aux déplacements en établissement, notamment les ordres permanents, doivent être examinées pour s’assurer qu’elles ne limitent plus la participation des personnes à leur Plan correctionnel.
Réponse : La sécurité du personnel, des détenus et des visiteurs est d’une importance capitale pour le SCC. Le SCC doit composer avec des contraintes puisqu’un certain nombre de ses installations ne sont pas dotées de grandes cours en raison de l’âge des infrastructures. Malgré ces contraintes, les directeurs d’établissement ont mis en place des ordres permanents pour optimiser les déplacements et les horaires quotidiens en établissement afin de favoriser la santé, le mieux-être et la sécurité des détenus. Cela comprend la mise en place d’une rotation pour assurer l’accès équitable des sous populations au gymnase principal et à la cour principale, à l’équipement de conditionnement physique et aux places dans les salles communes et à usages multiples. On encourage régulièrement tous les détenus à participer aux diverses interventions et activités récréatives et sociales qui leur sont offertes, même lorsque des changements sont apportés aux déplacements en raison de modifications aux infrastructures ou de travaux de construction temporaires.
Prochaines étapes : Les directeurs d’établissement ont mis en place des ordres permanents liés aux déplacements en établissement. Cela a pour but d’accroître l’accès aux programmes et aux interventions afin d’améliorer les résultats et d’appuyer les efforts de réinsertion sociale.
Le SCC lancera à l’automne 2024 des consultations en vue de l’élaboration de son Plan d’audit et d’évaluation fondé sur les risques et veillera à ce qu’un examen des politiques relatives aux déplacements en établissement soit réalisé dans le cadre de ces travaux.
Échéancier : hiver 2025
- Je recommande que le SCC élabore une politique nationale concernant les cas complexes d’UIS, qui devrait comprendre une surveillance et une orientation à l’échelle nationale, afin de rendre les processus de transfert des UIS plus efficaces et équitables.
Réponse : Le SCC a mis en place un processus interdisciplinaire regroupant des membres du personnel de différentes disciplines (santé mentale, programmes de réinsertion sociale, gestion de la population, renseignement et opérations des unités d’intervention structurée). Ce processus vise à trouver des options en matière d’intégration pour les cas complexes dans les unités d’intervention structurée et à faciliter le processus décisionnel connexe. Dirigé à l’échelon national, le processus sert de complément au processus de transfèrement et offre des outils et des renseignements additionnels à l’appui de la prise de décisions à l’égard des détenus pour qui aucune option de transfèrement hors de l’unité d’intervention structurée n’a été trouvée.
Le processus d’examen des cas de transfèrement complexes fait partie de l’approche du SCC en matière de gestion des cas complexes. Les cas complexes dans les unités d’intervention structurée sont régulièrement soumis à l’examen de cadres supérieurs nationaux et régionaux afin de trouver des solutions de rechange viables.
Outre l’équipe chargée des cas de transfèrement complexes, le SCC a mis sur pied le Comité national des services de santé axés sur la personne et le Comité national intersectoriel sur les cas complexes de santé, qui appuient les équipes de soins et facilitent l’échange de renseignements à l’échelle nationale sur des cas complexes à l’appui d’un continuum de soins efficaces pour les détenus. Ces comités examinent les cas des détenus appartenant à une petite sous-population de personnes qui présentent d’importants besoins en santé mentale ou qui se sont gravement automutilées ou ont tenté de se suicider pendant leur séjour dans une unité d’intervention structurée. En 2023-2024, environ 25 % des cas (soit un ou deux cas par mois) examinés par le Comité national intersectoriel sur les cas complexes de santé concernaient des détenus placés dans une unité d’intervention structurée.
Les efforts concertés déployés ont une incidence positive sur la durée des séjours dans une unité d’intervention structurée. Plus particulièrement, en 2023-2024, le nombre médian de jours passés dans une unité d’intervention structurée était de 13 jours.
Prochaines étapes : Dans le cadre de son examen de la politique relative aux unités d’intervention structurée, le SCC déterminera s’il convient d’ajouter des orientations au sujet de la gestion des cas complexes.
Échéancier : juin 2025
- Je recommande que le SCC augmente la disponibilité d’emplois intéressants et de possibilités d’apprentissage dans les établissements autonomes à sécurité maximale, tout en imposant une surveillance de base de ces emplois, afin que les détenus puissent occuper leur temps de façon constructive.
Réponse : Le SCC est conscient de l’importance d’offrir des emplois valorisants aux détenus afin qu’ils occupent leur temps de manière constructive et pour les aider à acquérir des compétences en demande sur le marché du travail pour qu’ils puissent se trouver et conserver un emploi valorisant après leur mise en liberté. Cela comprend des possibilités de formation en cours d’emploi et de formation professionnelle, y compris dans les établissements à sécurité maximale autonomes. Le SCC a noué de nombreux partenariats avec des organismes et des établissements d’enseignement pour offrir des certifications par l’entremise d’organismes de certification tiers sous plusieurs formats, comme de la formation en salle de classe et à rythme libre.
Le SCC est en train de réaliser un examen des systèmes d’emploi à l’échelle nationale afin d’optimiser ses pratiques relatives aux affectations d’emploi des délinquants et d’en accroître l’efficacité dans le but d’établir un modèle d’emploi intégré axé sur des protocoles opérationnels normalisés. Ce modèle intégré devrait permettre d’accroître les possibilités de formation en cours d’emploi valorisante et d’assurer une surveillance des affectations à ce type de formation. Le SCC tire aussi avantage des possibilités de formation en cours d’emploi actuellement offertes en offrant une formation professionnelle certifiée par un tiers en nettoyage à l’échelle nationale. La formation, qui sera offerte dans les établissements à sécurité maximale autonomes, pourra être suivie à un rythme libre, ce qui permettra aux délinquants de suivre une formation professionnelle sans que cela interfère avec les autres interventions correctionnelles.
En ce qui concerne les programmes d’apprentissage d’un métier, le SCC permet aux détenus de s’inscrire à divers programmes d’apprentissage d’un métier. Les détenus peuvent ainsi accumuler des heures dans le cadre d’affectations d’emploi et passer les examens. Ces programmes sont offerts aux détenus placés dans un établissement à sécurité moyenne ou minimale dont la date de mise en liberté approche afin que ceux-ci puissent les achever dans la collectivité. Dans les établissements à sécurité maximale, l’objectif consiste actuellement à offrir de la formation en cours d’emploi et de la formation professionnelle ainsi que d’autres interventions correctionnelles. En prenant appui sur ces travaux, le SCC déterminera la faisabilité d’offrir des programmes d’apprentissage d’un métier dans les établissements à sécurité maximale, tout en veillant à ce que cela n’interfère pas avec les autres interventions correctionnelles qui aident les détenus à obtenir un transfèrement vers un établissement à sécurité moyenne.
Prochaines étapes : Le SCC mènera à bien un examen des systèmes d’emploi dans le but d’élaborer un modèle d’emploi intégré. De plus, le SCC évaluera et élaborera une stratégie en matière d’emploi pour les établissements à sécurité maximale, au besoin.
Échéancier : hiver 2024
- Je recommande que le SCC offre un accès uniforme aux services, aux programmes et aux mesures de soutien destinés aux Autochtones, notamment l’établissement et le maintien de programmes des Sentiers autochtones, dans chacun de ces établissements, sans délai.
Réponse : Les cinq comités régionaux de gestion ont fait de l’accès aux interventions adaptées aux Autochtones, du soutien offert dans le cadre de ces interventions et de la surveillance de ces interventions une priorité. À l’administration centrale, la présence de la sous-commissaire des services correctionnels pour Autochtones au sein du Comité de direction permet de prendre davantage en compte les besoins des délinquants autochtones dans le cadre des discussions. La sous commissaire des services correctionnels pour Autochtones et les sous commissaires régionaux ont entrepris plusieurs initiatives pour veiller à ce que les services, les interventions et les soutiens destinés aux Autochtones demeurent facilement accessibles et soient bien appuyés afin de répondre aux besoins complexes des délinquants autochtones. Ces initiatives tiennent compte des besoins des délinquants autochtones placés dans un établissement à sécurité maximale dans le but de réduire la cote de sécurité de ces délinquants et de les préparer à réussir leur réinsertion dans la collectivité.
Prochaines étapes : Le SCC revitalisera les initiatives des Sentiers autochtones dans les établissements à sécurité maximale et veillera à ce que des services adaptés aux cultures autochtones soient offerts et documentés.
Échéancier : e SCC publie un rapport sur les indicateurs des Sentiers autochtones chaque trimestre. On procède de façon continue à des examens des unités opérationnelles.
- Je recommande que le SCC affecte des coordonnateurs des libérations à chaque établissement autonome à sécurité maximale et renforce la politique connexe pour établir des responsabilités claires en matière de planification de la libération.
Réponse : Les agents de libération conditionnelle sont déjà responsables de la planification des mises en liberté. La politique et la loi prévoient un cadre clair quant au processus de décision prélibératoire, lequel comprend la participation de plusieurs membres du personnel pour adopter une approche holistique et personnalisée, comme les agents de libération conditionnelle en établissement et dans la collectivité, le personnel des Services de santé, les agents de développement auprès de la collectivité autochtone et les agents de liaison autochtones. Qui plus est, il importe de reconnaître que la collaboration et la participation des délinquants sont déterminantes dans la planification des mises en liberté, car les agents de libération conditionnelle ne peuvent le faire seuls. Les délinquants doivent participer activement à l’élaboration d’un plan de mise en liberté avec leur agent de libération conditionnelle et atteindre les objectifs énoncés dans leur Plan correctionnel.
On procède aussi à la planification de la continuité des soins pour tous les délinquants libérés d’un établissement dans la collectivité. En tant que membres d’une équipe interdisciplinaire à laquelle fait partie le délinquant, les professionnels de la santé collaborent à l’évaluation des besoins en santé du délinquant et élaborent un plan de continuité des soins. Le délinquant est aiguillé vers des services de santé communautaires, notamment vers des médecins, des services de réduction des méfaits et des pharmacies, avant sa mise en liberté. Avec le consentement du délinquant, les professionnels de la santé communiqueront les renseignements pertinents sur sa santé à son équipe de gestion de cas et aux fournisseurs de services communautaires pour favoriser la continuité des soins.
Outre ce qui est susmentionné, les données actuelles montrent que depuis 2018-2019, environ 550 délinquants par année sont libérés d’un établissement à sécurité maximale, soit moins de 2 % de tous les délinquants libérés des établissements fédéraux et des pavillons de ressourcement dans chaque région. Le SCC a entrepris une analyse des données en vue d’examiner le cas des délinquants qui ont été libérés d’un établissement à sécurité maximale. Parmi les données extraites, on retrouve de l’information sur les caractéristiques démographiques des délinquants, leur peine et leur infraction, leurs risques liés aux facteurs criminogènes et leurs besoins connexes, leurs comportements en établissement (incidents, accusations, placements dans une unité d’intervention structurée), les décisions relatives à leur cote de sécurité, etc. Cette analyse des données permettra d’extraire de l’information qui sera examinée pour déterminer si des changements doivent être apportés à nos politiques et à nos procédures en ce qui concerne la prise de décisions prélibératoires et la planification des mises en liberté.
Prochaines étapes : Le SCC mènera à bien une analyse des données en vue d’examiner le cas des délinquants qui ont été libérés d’un établissement à sécurité maximale et de déterminer si des changements doivent être apportés aux politiques.
Échéancier : printemps 2025
- Je recommande que le SCC élabore une politique établissant une fréquence minimale de contacts en personne entre les agents de libération conditionnelle en établissement et les détenus. Cette politique devrait énoncer clairement les attentes à l’égard de ce qui doit être abordé lors de ces interactions et inclure un libellé supplémentaire clarifiant la participation du CX-02 dans un environnement à sécurité maximale.
Réponse : L’actuel cadre de politiques du SCC dans lequel est décrit le processus de gestion des cas prévoit plusieurs contacts en personne entre un agent de libération conditionnelle en établissement et les détenus dont il s’occupe. Ces contacts comprennent, mais sans s’y limiter, la conférence de cas pour mener l’entrevue initiale, l’entrevue à l’admission, les rencontres pour la mise à jour du Plan correctionnel et les rencontres visant la réévaluation de la cote de sécurité du détenu. Des rencontres en personne peuvent aussi avoir lieu à la demande du détenu.
De plus, la fréquence des contacts pour l’agent correctionnel II/intervenant de première ligne, qui fait aussi partie de l’équipe de gestion de cas, est établie à au moins une fois tous les 45 jours. Il est clairement indiqué dans la politique que l’agent correctionnel II/intervenant de première ligne doit rencontrer le détenu et faire un compte rendu dans une inscription structurée au Registre des interventions.
Nonobstant ce qui précède, dans son Plan d’audit et d’évaluation fondé sur les risques de 2023-2024, le SCC s’est engagé à procéder à une évaluation de ses établissements à sécurité maximale. Cette évaluation comprend deux volets. Le premier volet consiste en un examen exhaustif des objectifs, des activités et des résultats attendus en ce qui concerne les établissements à sécurité maximale et devrait être achevé d’ici décembre 2024. Le deuxième volet consiste à déterminer si les unités à sécurité maximale obtiennent les résultats attendus et devrait être achevé d’ici décembre 2025. D’après les résultats de l’évaluation, le SCC envisagera d’éventuels changements au modèle d’intervention, y compris des changements touchant les équipes de gestion de cas.
Prochaines étapes : Le SCC achèvera le premier volet de l’évaluation.
Échéancier : décembre 2024
- Je recommande que le SCC établisse un énoncé d’objet clair pour les établissements à sécurité maximale, en fonction duquel ses objectifs peuvent être évalués afin de s’assurer que les résultats optimaux sont atteints et que les droits fondamentaux et la dignité des détenus sont respectés.
Réponse : Dans son Plan d’audit et d’évaluation fondé sur les risques de 2023-2024, le SCC s’est engagé à procéder à une évaluation de ses établissements à sécurité maximale. Cette évaluation comprend deux volets. Le premier volet consiste en un examen exhaustif des objectifs, des activités et des résultats attendus en ce qui concerne les établissements à sécurité maximale et devrait être achevé en décembre 2024.
D’après les résultats de l’évaluation, le SCC envisagera d’élaborer un énoncé de mission clair pour les établissements à sécurité maximale.
Prochaines étapes : Le SCC achèvera le premier volet de l’évaluation.
Échéancier : décembre 2024
Cette section du document traitera des recommandations 23 à 28 étant donné qu’elles portent sur les condamnés à perpétuité, à l’exception de la recommandation 27, qui sera traitée séparément.
- Je recommande que le SCC examine et révise les processus de réévaluation de la cote de sécurité pour :
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fournir un soutien supplémentaire au personnel pour la préparation des évaluations des risques et des recommandations;
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assurer un examen approfondi et obligatoire des décisions qui permettraient de réévaluer les condamnés à perpétuité d’un établissement à sécurité minimale à un établissement à sécurité moyenne. Ces décisions devraient exiger un examen exhaustif et la mise en œuvre de stratégies d’atténuation des risques.
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fournir un soutien supplémentaire au personnel pour la préparation des évaluations des risques et des recommandations;
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Je recommande que le SCC revoie ses politiques relatives aux mises à jour du Plan correctionnel dans le but de :
- réduire les délais d’exécution des mises à jour pour les condamnés à perpétuité;
- mettre fin à l’imposition d’attentes déraisonnables en matière de comportement.
- Je recommande que le SCC revoie son processus de planification de la peine et aide le personnel à élaborer des plans de peine individualisés pour les condamnés à perpétuité.
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Je recommande que le SCC fasse appel à l’expérience et à l’expertise d’organismes bénévoles nationaux, comme la Société St. Leonard’s du Canada et PeerLife Collaborative, pour offrir du soutien aux condamnés à perpétuité dans les établissements fédéraux, de leur admission à leur libération dans la communauté. De plus, ces organismes devraient bénéficier d’un soutien :
- en augmentant de manière significative le financement et l’accès en fonction de leurs besoins;
- en les intégrant dans les discussions, la planification, les projets et les stratégies concernant les personnes condamnées à perpétuité;
Je recommande que la Stratégie nationale pour les condamnés à perpétuité du SCC :
- reconnaisse et intègre explicitement les conclusions de cette enquête;
- ait une portée nationale et tienne compte des expériences des condamnés à perpétuité à tous les niveaux de sécurité;
- s’appuie sur les consultations avec les condamnés à perpétuité incarcérés, le personnel participant directement à la gestion des cas de condamnés à perpétuité et les intervenants externes;
- soit rendue publique, avec des échéanciers précis sur la façon dont le SCC prévoit répondre aux préoccupations soulevées dans le cadre de cette enquête, ainsi que d’autres préoccupations soulevées au cours des consultations.
Réponse aux recommandations 23, 24, 25, 26 et 28 : Le SCC est conscient des réalités uniques des délinquants purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité et des préoccupations exprimées à leur égard, et des travaux sont déjà en cours en vue de l’élaboration d’une stratégie relative aux condamnés à perpétuité.
Le principe directeur de l’élaboration de cette stratégie consiste à veiller à l’intégration d’une perspective holistique dans tout le continuum correctionnel, y compris des points de vue des condamnés à perpétuité et de leurs expériences vécues, ainsi que des observations des intervenants et des divers membres du personnel du SCC qui participent à la gestion des cas des condamnés à perpétuité. Parmi les autres principes directeurs, notons le fait de favoriser une participation significative en encourageant les condamnés à perpétuité à fixer et à maintenir des objectifs orientés vers le futur, et de mobiliser les ressources dans le but de veiller à ce que la stratégie cadre avec les recherches et les stratégies existantes.
L’un des principaux objectifs consiste à examiner les lignes directrices fournies dans le cadre de politiques sur la planification de la peine en lien avec les quatre phases d’une peine de longue durée afin de s’assurer que les plans correctionnels sont utiles et mis à jour régulièrement pour favoriser la participation continue des condamnés à perpétuité aux efforts nécessaires pour atteindre des objectifs précis, atteignables et pertinents. Un examen des processus d’évaluation des risques et de classement par niveau de sécurité sera aussi mené dans le cadre de l’élaboration de la stratégie pour veiller à établir les particularités de la planification de la peine des délinquants purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité et s’assurer que ces derniers sont placés au niveau de sécurité et dans l’établissement appropriés pour pouvoir avoir accès aux programmes, aux services et aux interventions dont ils ont besoin.
Un groupe de travail a été mis sur pied en vue de l’élaboration de la stratégie relative aux condamnés à perpétuité. Il regroupe des représentants de diverses équipes à l’administration centrale et des représentants régionaux. De plus, comme il est susmentionné, des intervenants internes et externes, des personnes ayant une expérience vécue, des experts et des organisations nationales volontaires seront consultés dans le cadre de ces travaux.
Parallèlement, le SCC s’affaire aussi à élaborer une stratégie nationale visant les groupes menaçant la sécurité pour remédier aux obstacles auxquels sont confrontés les délinquants affiliés à un groupe menaçant la sécurité et assurer une gestion sécuritaire de ces délinquants tout au long de leur peine. La stratégie orientera la façon dont le SCC pourra fournir du soutien supplémentaire pour aider les délinquants affiliés à un groupe menaçant la sécurité. Elle comprendra entre autres des initiatives conçues pour aider les délinquants à se dissocier du style de vie des groupes menaçant la sécurité. À ce jour, les consultations menées au sujet de la stratégie ont permis de relever le besoin d’augmenter les interventions en multipliant les partenariats avec des organismes communautaires qui se spécialisent dans les mesures de prévention et/ou la dissociation des gangs, et d’envisager des initiatives de mentorat par des pairs. Dans toutes les régions, le SCC collabore déjà avec divers organismes communautaires, dont certains offrent des services de dissociation des gangs dans le cadre de leur travail auprès des délinquants.
Le groupe de travail chargé d’élaborer la stratégie nationale visant les groupes menaçant la sécurité examinera plus à fond ces précieux partenariats dans le cadre des efforts déployés pour mieux soutenir la dissociation des groupes menaçant la sécurité et la réinsertion sociale. De plus, un répertoire interne d’intervenants est actuellement élaboré pour faciliter l’accès à l’information sur les organismes et les personnes qui travaillent ou cherchent à travailler avec le SCC. Les responsables des régions et des unités opérationnelles pourront notamment y effectuer des recherches d’information en fonction des spécialités, comme la dissociation des gangs.
Le SCC entretiendra un partenariat avec les intervenants et les organismes communautaires pour tirer profit des services de soutien offerts aux condamnés à perpétuité. Le SCC collaborera avec un réseau d’intervenants pour soutenir pleinement les condamnés à perpétuité alors qu’ils cheminent à travers les quatre phases de leur peine d’emprisonnement à perpétuité, soit l’adaptation, l’intégration, la préparation et la mise en liberté dans la collectivité. Des organismes tels que la Société Saint-Léonard du Canada et le réseau collaboratif PeerLife seront consultés dans le cadre de ces processus. On envisagera de mener un examen pour déterminer la possibilité et la faisabilité d’allouer plus de fonds à ces organisations.
Prochaines étapes : Les questions soulevées par le Bureau de l’enquêteur correctionnel seront prises en compte par le groupe de travail chargé de l’élaboration de la nouvelle stratégie pour les condamnés à perpétuité. Dans le cadre de ces travaux, le SCC mobilisera ses partenaires pour tirer parti de leurs connaissances et de leurs expériences.
Échéancier : printemps 2026
- Je recommande que le SCC revoie l’exigence relative aux évaluations du risque psychologique pour les personnes qui souhaitent être transférées à un établissement à sécurité minimale, dans le but de réduire les délais qui nuisent à la prise de décisions en temps opportun.
Réponse : Le SCC et la Commission des libérations conditionnelles du Canada procèdent à un examen des exigences des politiques relatives à l’évaluation psychologique du risque. L’objectif est de veiller à ce que les évaluations psychologiques du risque tiennent compte des plus récentes recherches et connaissances dans le domaine de l’évaluation des risques et à ce qu’elles soient uniquement réalisées lorsqu’elles sont jugées nécessaires et permettent de formuler des recommandations aux décideurs. L’examen devrait être réalisé d’ici la fin du printemps 2026.
Prochaines étapes : Le SCC examinera les exigences relatives à l’évaluation psychologique du risque et déterminera les changements qui s’imposent aux politiques et aux pratiques.
Échéancier : printemps 2026
Notes
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Note 1
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Olver, M. E., Stockdale, K. C., Helmus, L. M., Woods, P., Termeer, J. et Prince, J. (2024). Too risky to use, or too risky not to? Lessons learned from over 30 years of research on forensic risk assessment with Indigenous persons. Psychological Bulletin. Prépublication en ligne.
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Note 2
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Ewert c. Canada, 2018 CSC 30 [2018] 2 R.C.S. 165.
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Note 3
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La liste type de psychopathie (révisée) (PCL-R); le Guide d’évaluation du risque de violence (VRAG); le guide d’évaluation du risque chez les délinquants sexuels (SORAG); l’échelle Statique-99; l’Échelle d’évaluation du risque de violence – version pour les délinquants sexuels (EERV-VDS).
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Note 4
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Dans son rapport final intitulé Réclamer notre pouvoir et notre place, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA) a lancé 14 appels à la justice qui traitent des services correctionnels, notamment en demandant au SCC d’améliorer ses échelles de classification et niveaux de sécurité pour les femmes autochtones qui représentent la moitié des femmes incarcérées dans un établissement fédéral, et près de 70 % des femmes incarcérées dans un établissement à sécurité maximale. Malheureusement, le Plan d’action national du gouvernement (2021) en réponse aux appels à la justice lancés par FFADA n’offrait que le vague but de « mettre en œuvre les principes Gladue qui permettent d’aborder les obstacles systémiques »; aucun engagement officiel n’a été formulé en vue d’aborder les préoccupations bien précises qui concernent l’évaluation et la classification des femmes autochtones.
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Note 5
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Comité permanent de la Chambre des communes sur la sécurité publique et nationale (SECU), 2018; Condition féminine (FEWO), 2018; Comité sénatorial permanent des droits de la personne (RIDR), 2021.
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Note 6
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Bureau du vérificateur général. (2016). Rapport 3 – La préparation des détenus autochtones à la mise en liberté – Service correctionnel du Canada. Ottawa (Ont.).
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Note 7
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Bureau de la vérificatrice générale (mai 2022). Rapport 4 – Les obstacles systémiques – Service correctionnel du Canada. Ottawa (Ont.).
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Note 8
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L'Échelle de classement par niveau de sécurité est un outil d'évaluation actuarielle et de classification utilisé pour toutes les personnes admises en détention fédérale. L'Échelle sert à déterminer la classification de sécurité initiale d'un délinquant.
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Note 9
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Par exemple, Blanchette, K. et Taylor, K.N. (2007). Development and Field Test of a Gender-Informed Security Reclassification Scale for Female Offenders. Criminal Justice and Behavior, 34/3.
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Note 10
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Idem Note 1.
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Note 11
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Voir les résultats dans Olver et coll. (2024) sur l’Évaluation des facteurs statiques (EFS) et l’Instrument de définition et d’analyse des facteurs dynamiques révisé.
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Note 12
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Voir, par exemple, van der Valk, S., & Rogan, M. (2023). Complaining in Prison: ‘I suppose it’s a good idea but is there any point in it?’ Prison Service Journal.
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Note 13
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Un processus d’examen administratif distinct est en place pour ce qui est des incidents nécessitant le recours à la force. Tout grief lié à un incident nécessitant le recours à la force ou au processus d’examen des recours à la force est aussi renvoyé au palier final.
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Note 14
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Conformément à la DC 081, les plaintes et les griefs « prioritaires » sont ceux qui concernent des questions ayant un effet direct sur la vie, la liberté ou la sécurité de la personne; les autres sont désignés « non prioritaires ».
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Note 15
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Voir, par exemple, Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC). Rapports annuels : 2010-2011, 2014-2015 et 2016-2017.
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Note 16
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Service correctionnel du Canada (2018). Audit des recours offerts aux délinquants.
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Note 17
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Idem
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Note 18
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Idem
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Note 19
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SCC. (2024). Prendre des mesures pour régler les plaintes et les griefs. Extrait du Hub le 20 mars 2024.
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Note 20
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Comité sénatorial permanent des droits de la personne (juin 2021). Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral.
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Note 21
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Idem
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Note 22
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Yale Law School. (avril 2024). Procedural Justice. The Justice Collaboratory website.
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Note 23
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Mullan D. (2010). Report of External Review of Correctional Service of Canada Offender Complaints and Grievance Process.
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Note 24
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Bureau de l’enquêteur correctionnel. (17 février 2014). Enquête sur le processus d’examen des cas de décès du Service correctionnel du Canada.
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Note 25
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Alinéa 19(1.1)b) et article 19.1 de la LSCMLC.
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Note 26
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Au total, trois rapports ont été exclus. Selon nous, l’un d’eux a été renvoyé par erreur au processus d’examen de qualité des soins (PEQS) par erreur, car le décès est survenu avant le 31 novembre 2019, moment auquel l’article 19.1 est entré en vigueur. Il semble que le SCC ait décidé que la date de décès devrait déterminer si un cas doit être examiné au moyen du PEDC ou du PEQS. Le deuxième a été exclu en raison d’un rapport du coroner reçu après l’achèvement du rapport qui montrait que la cause de décès était accidentelle plutôt que naturelle. Le troisième avait trait à un décès qui, bien que jugé naturel sur le plan médical, a soulevé un nombre si élevé de préoccupations que le SCC a décidé de convoquer un comité d’enquête national en vertu de l’article 20 de la LSCMLC.
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Note 27
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Le Bureau n’a pas demandé d’évaluation des examens de la qualité des soins par un expert indépendant au moyen d’une comparaison des documents médicaux avec les constatations du Secteur des services de santé du SCC, car cela ne correspondait pas à la portée ou à l’objectif du présent examen.
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Note 28
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Voir R. c. Bissonnette, 2022 CSC 23.
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Note 29
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R. c. MacNeil, 2021 NSPC 4. Voir aussi : R. c. Kanthasamy, 2021 CAO 33; R. c. Premji, 2021 CAO 732; R. c. Shilling, 2021 CAO 926; R. c. Hill, 2007 CACB 319; R. c. Gaudreault, 2024 QCCQ 601; R. c. Swope, 2015 BCCA 168; R. c. Fast, 2015 CAS 57; O’Reilly c. R., 2017 QCCA; R. c. Milani, 2021 CAO 578. La Cour suprême du Canada fait allusion à cette approche dans R. c. Morrisey, 2000 CSC 40, par. 43.
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Note 30
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Une interprétation soutenue par la Cour fédérale dans Baldovi c. Canada (procureur général), 2021 CF 790.
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Note 31
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Paragraphes 123(4) et 124(6) pour la SL et la LCT respectivement. Dans le même ordre d’idées, au paragraphe 140(5), il est prévu que la CLCC n’est pas tenue d’examiner avant une année la situation d’un individu dont la libération conditionnelle a été révoquée..
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Note 32
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Capacités pondérées comme publiées dans le « Hub » du SCC. Cela reflète la capacité pondérée initiale prévue de chaque établissement régional.
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Note 33
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Wanamaker, K. et Chadwick, N. (2023). Regional Profiles of the Canadian In-Custody Women Federal Offender Population (Rapport de recherche R-478). Ottawa (Ontario) : Service correctionnel du Canada.
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Note 34
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Bureau de l’enquêteur correctionnel. (2021). Rapport annuel de 2020-2021.
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Note 35
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Bureau de l’enquêteur correctionnel. (2021). La proportion de femmes autochtones détenues par le gouvernement fédéral approche les 51 %. Communiqué.
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Note 36
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Données extraites du module SIR-M le 7 mai 2024.
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Note 37
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Comme fournies par l’agent de liaison du BEC le 19 avril 2024 : Réponse : Demande de données et d’information – surpopulation dans les établissements pour femmes.
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Note 38
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Données extraites du module SIR-M le 30 avril 2024 : Module automatisé sur les capacités – taux de cellules partagées (« double occupation »).
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Note 39
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Cette figure montre les transfèrements entre les cinq établissements régionaux et ne comprend pas les transfèrements vers les établissements psychiatriques, les pavillons de ressourcement ou les installations visées par l’article 82.
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Note 40
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Service correctionnel du Canada (11000). La création de choix : Rapport du groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale.
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Note 41
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Les données ne sont pas ventilées par type de transfèrement pour ces chiffres. Bien que certains transfèrements puissent être enregistrés comme « sollicités », les entrevues menées avec des femmes incarcérées dans un établissement fédéral ont révélé que certaines femmes ont été poussées à présenter une demande de transfèrement sollicité vers une autre région en échange d’une promesse d’accès rapide aux programmes ou de réduction de leur niveau de sécurité, en raison des pressions sur la population.
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Note 42
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Gouvernement du Canada. (Extrait en mai 2024). Points saillants du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (modifié le 15 septembre 2010).
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Note 43
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Conformément à ce qui figure dans la DC 720-8, les visites familiales privées sont des « visites qui ont lieu dans des bâtiments distincts à l’intérieur du périmètre de l’établissement, où le détenu peut rencontrer des visiteurs autorisés en privé afin d’améliorer ses habiletés de vie quotidienne, d’entretenir des relations constructives avec la collectivité et sa famille (p. ex. ses compétences parentales), de s’acquitter de ses responsabilités et/ou de diminuer les effets négatifs de l’incarcération sur les relations familiales ».
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Note 44
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Wardrop, K., Sheahan, C. et Stewart, L. (2019). Examen quantitatif des facteurs liés à une mise en liberté réussie accessible dans le système de gestion des délinquant(e)s. Ottawa : Service correctionnel du Canada.
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Note 45
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Données extraites du module SIR-M le 30 avril 2024.
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Note 46
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Service correctionnel du Canada (11000). La création de choix : Rapport du groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale.
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Note 47
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Fourni par l’agent de liaison du BEC le 8 avril 2024 : Réponse : Demande de données et de renseignements – surpopulation dans les établissements pour femmes.
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Note 48
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Bureau de l’enquêteur correctionnel. (2 mai 2017). Une réaction fatale : Enquête sur le décès en établissement de Matthew Ryan Hines. Rapport spécial au Parlement.
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Note 49
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Il s’agissait des Établissements Millhaven, Kent et de l’Atlantique.
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Note 50
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SCC. (décembre 2017). Mises à jour sur la formation sur le Modèle d’engagement et de formation – fiche mensuelle d’information des RH. Extrait de l’intranet du SCC.
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Note 51
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Idem
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Note 52
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Les données reçues du SCC au cours de l’exercice d’examen factuel dans le cadre du rapport actuel montraient que dans les faits, les agents inflammatoires ont été utilisés dans 49 % de tous les incidents de recours à la force en 2018-2019.
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Note 53
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Service correctionnel du Canada. (juin 2021). Rapport d’évaluation : évaluation du modèle d’engagement et d’intervention du Service correctionnel du Canada.
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Note 54
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Idem.
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Note 55
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Service correctionnel du Canada (octobre 2017). Plan national de mise en œuvre de la formation.
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Note 56
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Un incident de recours à la force peut comprendre plusieurs mesures de recours à la force.
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Note 57
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Le SCC opère six établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes au pays : l’Établissement de Kent à Agassiz, en Colombie-Britannique; l’Établissement d’Edmonton à Edmonton, en Alberta; l’Établissement de l’Atlantique à Renous, au Nouveau-Brunswick; l’Établissement de Millhaven à Bath, en Ontario; l’Établissement de Port-Cartier à Port-Cartier, au Québec; l’Établissement de Donnacona à Donnacona, au Québec.
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Note 58
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Hanby, L., Smeth, A. et Cram, S. (2023) Profil et expérience en établissement des délinquants impliqués dans des incidents avec recours à la force. Service correctionnel du Canada, p. 18 à 21.
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Note 59
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La divulgation de l’identité et des renseignements personnels de M. Bissonnette est faite en vertu du sous-alinéa 184(1)(a)(ii) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. À mon avis, en tant qu’enquêteur correctionnel, la divulgation de renseignements personnels de nature délicate est jugée nécessaire pour établir les conclusions et les recommandations de mon enquête. Bien que j’aie le pouvoir légal de divulguer des renseignements que j’estime être dans l’intérêt public, j’ai respectueusement demandé le consentement et le soutien de la famille de M. Bissonnette avant de divulguer des renseignements personnels sur Stéphane dans mon rapport. Le Bureau souhaite encore une fois exprimer ses condoléances à la famille de M. Bissonnette.
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Note 60
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Les centres régionaux de traitement (CRT) sont désignés et agréés comme hôpitaux psychiatriques. Ces établissements sont dotés et exploités par le Service correctionnel du Canada et fournissent des services psychiatriques aux patients qui y sont hospitalisés. M. Bissonnette était un patient du CRT de l’Établissement de Millhaven au moment de son décès subit.
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Note 61
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Dans le cadre de l’exercice d’examen factuel, le SCC conteste l’évaluation faite par le Bureau de la façon dont le CNE a examiné les griefs de M. [Bissonnette] après son décès. Selon le SCC, le mandat du CNE consiste à [traduction] « déterminer si les griefs ont été traités conformément à la politique, et non à évaluer le bien-fondé des griefs présentés ». Je suis respectueusement en désaccord. Indépendamment de toute divergence dans l’interprétation de la politique ou l’application de celle-ci par le Comité, j’avais expressément recommandé que le CNE fasse enquête et corrobore les allégations faites par le défunt au sujet des mauvais traitements qu’il aurait subis au CRT de l’Établissement de Millhaven. L’ordre de convocation à cette enquête enjoint au Comité d’analyser [traduction] « toute plainte, tout grief ou toute allégation de mauvais traitements de M. Bissonnette… formulés à d’autres détenus, aux membres de sa famille ou à son équipe d’intervention, ou tout autre signe avant-coureur qui aurait pu présager la survenue de l’incident ».
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Note 62
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Gabor, T. (28 février 2007). Étude sur les décès en établissement – Rapport final. Ottawa : Bureau de l’enquêteur correctionnel.
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Note 63
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Dans le cadre de l’exercice d’examen factuel, le SCC affirme que bon nombre des observations figurant dans ce paragraphe sont « inexactes ». Par exemple, le SCC affirme qu’il est inexact de qualifier de décision « clinique » l’autorisation du directeur d’établissement de placer au CRT de l’Établissement de Millhaven des patients sous surveillance pour risque de suicide ou sous contrainte Pinel. De plus, on dit que l’application de ces procédures ne devrait pas être considérée comme un traitement ou une décision clinique, mais plutôt comme [traduction] « un recours à des outils de gestion de crise et de sécurité ». Enfin, le SCC fait remarquer que l’approbation du directeur d’établissement est requise pour des [traduction] « raisons juridiques en tant que responsable de l’établissement, puisque le CRT est situé au sein de l’établissement » avant de mettre en place de telles procédures dans des centres de traitement situés au même endroit qu’un établissement correctionnel. Ces « clarifications » sont à la fois déroutantes et prêtent à confusion, en plus de ne pas respecter la nature unique de ces établissements, qui fonctionnent comme des hôpitaux psychiatriques agréés dans un milieu carcéral de ressort fédéral. Le Bureau est d’avis que les directeurs des établissement correctionnels situés au même endroit qu’un centre de traitement n’ont pas à intervenir ou à autoriser ce qui devrait être considéré comme des décisions cliniques ou médicales. Les précisions du SCC sur ces questions ne reconnaissent pas ou n’acceptent pas que les structures de gouvernance et de reddition de comptes actuellement en place dans ses centres de traitement situés au même endroit qu’un établissement correctionnel ont une incidence négative sur la sécurité des patients et nuisent à la prestation efficace et sans entrave des services de santé.
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Note 64
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Service correctionnel du Canada. Board of Investigation into the death of an inmate at the Regional Treatment Centre – Millhaven Institution (Multilevel), File Number: 1421-1-20-08-22-421.
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Note 65
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Réponse du SCC à la recommandation du rapport annuel de 2017-2018 lui enjoignant de : « veille[r] à ce que le personnel de sécurité qui travaille dans un centre régional de traitement soit recruté avec soin, choisi et formé de façon appropriée, et à ce qu’il soit pleinement compétent pour effectuer ses tâches dans un hôpital psychiatrique sécuritaire. »
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Note 66
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Archambault Commission. (1948). Rapport de la Commission royale d’enquête sur le système pénal du Canada.
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Note 67
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Fauteux, G. (1967). Rapport d’un comité institué pour faire enquête sur les principes et les méthodes suivis au Service des pardons du ministère de la Justice du Canada.
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Note 68
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Ouimet, R. et coll. (1980). Rapport du Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle.
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Note 69
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Solliciteur général du Canada. (1982). Design of Federal Maximum Security Institutions.
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Note 70
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale. (27 novembre 2023). Témoignages – Numéro 086, 1re session, 44e législature.
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Note 71
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Gouvernement du Canada. (août 2019). Service correctionnel du Canada – Classifications de sécurité (Date de modification : août 2019).
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Note 72
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BEC. (juin 2022). Formes restrictives de détention dans les établissements correctionnels fédéraux (pénitenciers à sécurité maximale pour hommes).
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Note 73
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BEC. (juin 2022). Mise à jour sur les expériences des personnes noires dans les pénitenciers fédéraux canadiens.
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Note 74
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BEC. (octobre 2023). Dix ans depuis Une question de spiritualité : Enjeux autochtones dans les services correctionnels fédéraux (1re partie).
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Note 75
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En raison de la structure d’affectation aux établissements susmentionnée, les établissements à niveaux de sécurité multiples, qui comprennent également des unités de sécurité maximale, ont été exclus de cette enquête thématique.
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Note 76
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Le document Global Summary – Cost of Maintaining an Offender fourni par le SCC indique les coûts, à l’exclusion de ceux des centres régionaux de traitement, des pavillons de ressourcement et des centres d’accueil, à savoir : 231 339 $ (max.), 137 998 $ (moy.) et 112 678 $ (min.).
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Note 77
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Services d’entrepôt de données du SCC (données basées sur les personnes incarcérées dans ces établissements en date du 9 mars 2024).
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Note 78
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Au moment de déterminer le niveau de sécurité d’une personne, le SCC évalue le risque ou une mesure de la probabilité de récidive, ainsi que les besoins ou les facteurs qui peuvent avoir mené à son comportement criminel et qui peuvent avoir une incidence sur la réinsertion sociale.
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Note 79
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Services d’entrepôt de données du SCC (période représentant l’exercice 2019-2020 jusqu’au 9 mars 2024).
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Note 80
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Ibid.
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Note 81
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CSC. (mars 2007). Rapport ministériel sur le rendement.
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Note 82
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Information tirée d’un rapport d’évaluation du milieu de travail compilé pour le RTC-EM (juillet 2022), en plus des constatations incluses dans un rapport du Comité d’enquête récemment obtenu.
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Note 83
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Spécifications tirées des diagrammes des Services immobiliers du SCC.
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Note 84
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L’Établissement de Port-Cartier a conservé une grande partie de sa préparation alimentaire en raison de problèmes de chaîne d’approvisionnement liés à l’éloignement.
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Note 85
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Novembre 2023. 44e législature, 1re session.
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Note 86
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Entrepôt de données (à jour jusqu’au 2024-05-05). Remarque : Sur le nombre total de personnes inscrites sur la liste d’attente, 229 « devraient participer », 13 « devraient participer au cours de la prochaine année fiscale » et 190 autres étaient « en attente ».
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Note 87
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Au moment de la rédaction du présent document, alors que d’autres établissements avaient des fonds disponibles pour financer des places pour le programme « Préparation aux Sentiers », seuls les établissements d’Edmonton et de Port-Cartier comptaient respectivement huit et six inscrits à ce dernier.
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Note 88
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Les données sur les libérations provenant directement des six établissements autonomes à sécurité maximale ont été fournies par le SCC avec les renseignements extraits de l’entrepôt de données pour 2021-2022 et 2022-2023.
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Note 89
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Le Bureau reconnaît que certains segments de la population sont réticents à collaborer avec le personnel de la gestion des cas, car la culture institutionnelle est telle que les communications avec le personnel peuvent être perçues comme suspectes. Cependant, le déroulement actuel de ces interactions n’est pas propice à un dialogue productif ou honnête.
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Note 90
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Novembre 2023. 44e législature, 1re session.
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Note 91
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Pourcentage de toute nouvelle infraction (c.-à-d. révocation, nouveau mandat de dépôt ou demandes au CIPC) après la libération.
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Note 92
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Gobeil R., et coll. 2015. Releases of Men Offenders Classified as Medium and Maximum Security. Ottawa : Service correctionnel du Canada.
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Note 93
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Pour plus de clarté, cette enquête n’incluait pas les personnes qui ont été désignées délinquants dangereux en vertu du paragraphe 753(4) du Code criminel ni les personnes condamnées à la peine maximale d’emprisonnement à perpétuité lorsqu’il n’y a pas de peine minimale obligatoire prescrite par la loi (peine à perpétuité maximale).
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Note 94
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Au moment de l’examen, ces personnes résidaient dans les établissements suivants : Dorchester, Springhill, Bath, Beaver Creek, Collins Bay, Mission, Mountain, Archambault, Cowansville, Bowden et Grande Cache. Une personne venait d’être libérée d’un établissement à sécurité moyenne et résidait à l’époque dans un centre correctionnel communautaire de la région de l’Atlantique.
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Note 95
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Des entrevues en personne ont été menées entre février et mars 2024 dans les établissements de Mountain, Bath, La Macaza, Beaver Creek, Pacific, Matsqui et Mission.
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Note 96
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Voir Manson, A. 11000. The easy acceptance of long term confinement in Canada. Criminal Reports, p. 265–275. Dans cet article, M. Manson examine les compromis qui ont été faits pendant cette période pour obtenir le vote d’abolition au Parlement. Plus précisément, il soutient que la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans a été créée à titre d’opportunisme politique en raison de données convaincantes indiquant une peine minimale inférieure.
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Note 97
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Parkes, D., Sprott, J. et Grant, I. 2022. The evolution of life sentences for second degree murder: Parole ineligibility and time spent in prison. Revue du Barreau canadien.
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Note 98
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MacKay, R. 5 mars 2010. Résumé législatif du projet de loi C-54 : Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale en conséquence (Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples) Bibliothèque du Parlement : Division des affaires juridiques et législatives.
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Note 99
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Voir van Zyl Smit, D. et Appleton, C. 2019. Life Imprisonment: A Global Human Rights Analysis. Harvard University Press. Au Canada, les personnes condamnées en vertu de l’article 745 du Code criminel pour meurtre au premier degré doivent purger une peine de 25 ans avant d’être admissibles à la libération conditionnelle. En comparaison, bien que la période minimale d’inadmissibilité à la libération conditionnelle varie selon l’État ou le territoire, la moyenne en Australie est d’environ 22 ans; en Angleterre et au Pays de Galles, 15 ans; en Nouvelle-Zélande, 10 ans; et en Irlande, 12 ans.
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Note 100
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Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC). 2019. Vieillir et mourir en prison : enquête sur les expériences vécues par les personnes âgées sous garde fédérale.
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Note 101
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Données obtenues par le BEC dans l’entrepôt de données du SCC.
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Note 102
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Voir l’article 746.1 du Code criminel.
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Note 103
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Kerr, L. 2019. How the prison is a black box in punishment theory. University of Toronto Law Journal, 69:1, 86–117.
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Note 104
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Ibid, bien qu’aux paragraphes 136 et 137 de R. c. Hills (2023 CSC 2), le juge Martin affirme : « Les tribunaux devraient tenir compte de l’effet de la peine sur la personne délinquante en cause. […] lorsque l’emprisonnement a un effet plus grand sur une personne délinquante en particulier, il pourrait y avoir lieu de lui accorder une réduction de peine […] »
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Note 105
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Plusieurs décennies de littérature sur la criminologie, dont une grande partie s’appuie sur des recherches canadiennes, ont révélé que l’emprisonnement en soi augmente la probabilité de récidive. Voir, par exemple, Cullen, F. T., Jonson, C. L. et Nagin, D. S. 2011. Prisons do not reduce recidivism: The high cost of ignoring science.; Gaes, G. G., et Camp, S. D. 2009. Unintended consequences : Experimental evidence for the criminogenic effect of prison security level placement on post-release recidivism. Journal of Experimental Criminology, 5(2), 140–162; et Gendreau, P., Cullen, F. T., et Goggin, C. 1999. L’incidence de l’emprisonnement sur la récidive, p 4-5. Ottawa, Ontario : Solliciteur général du Canada.
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Note 106
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Voir Bureau du directeur parlementaire du budget. 22 mars 2018. Mise à jour sur les coûts d’incarcération, qui montre que le coût estimatif par délinquant augmente avec le niveau de sécurité.
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Note 107
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Voir l’annexe C de la Directive du commissaire 710-6 : Réévaluation de la cote de sécurité des détenus (en vigueur : 15 janvier 2018).
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Note 108
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Le 9 février 2024, conformément à l’article 172 de la LSCMLC, une demande a été envoyée au SCC pour obtenir des données sur toutes les absences (PSAE, PSSE et placements à l’extérieur) de 2012-2013 à 2023-2024, ventilées par type de peine et autres variables. Ces données auraient permis au Bureau d’évaluer la disponibilité et l’accès des permissions de sortir pour les condamnés à perpétuité dans les établissements à sécurité moyenne. Bien qu’il y ait eu de multiples suivis, aucune donnée n’a été reçue au moment de la rédaction.
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Note 109
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Entrepôt de données du SCC.
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Note 110
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Voir Directive du commissaire 705-6 : Planification correctionnelle et profil criminel.
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Note 111
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Voir le Bulletin politique provisoire 642 (19 décembre 2019), qui stipule ce qui suit : « Une évaluation psychologique du risque datant des deux dernières années est requise si l’équipe de gestion de cas d’un détenu appuie l’attribution d’une cote de sécurité minimale au détenu dans les cas suivants : 1. le détenu est déclaré dangereux; ou 2. le détenu a été condamné pour une infraction d’ordre sexuel (peine actuelle); ou 3. le détenu satisfait aux trois critères suivants : il a obtenu une cote initiale « maximale » selon l’Échelle de classement par niveau de sécurité; et l’infraction à l’origine de sa peine a causé la mort ou un dommage grave; et il lui reste plus de trois ans à purger avant sa date d’admissibilité à la semi-liberté. »
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Note 112
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SCC. Décembre 2009. Evaluation Report : LifeLine Program. Direction générale de l’évaluation, Secteur des politiques.
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Note 113
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Dans sa réponse de 2016-2017 à une recommandation de notre Bureau, le SCC a déclaré qu’il était « est déterminé à répondre aux besoins particuliers des délinquants qui purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité et à offrir des programmes ciblés qui fournissent un soutien approprié à tous les délinquants pendant qu’ils cheminent vers leur réhabilitation ». Il souhaite y arriver au moyen de sa Stratégie en matière de ressources destinées aux condamnés à perpétuité (SRCP) qui, selon le SCC, était « disponible dans tous les établissements ». Depuis le 16 avril 2024, la page Web du « Hub » interne du SCC consacrée à la SRCP comprend la note suivante : « Le programme Option-Vie n’est plus offert aux délinquants du SCC. L’information fournie ici est fournie à des fins de ressources seulement. Elle a été rédigée à l’intention du personnel travaillant auprès de délinquants purgeant une peine d’une durée indéterminée. » Le 9 février 2024, conformément à l’article 172 de la LSCMLC, une demande a été envoyée au SCC pour « Tout document […] concernant la “Stratégie nationale pour les condamnés à perpétuité” de [SCC] dirigée par la Direction des programmes pour délinquants et de la réinsertion sociale. » Au moment d’écrire ces lignes, aucune réponse n’avait été reçue.
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Note 114
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Selon la page Web interne du Hub du SCC intitulée Programmes correctionnels pour hommes (consulté le 26 mars 2024), « Les programmes de maintien des acquis sont offerts en établissement et dans la collectivité […] Ils s’adressent aux délinquants présentant un risque modéré ou élevé qui ont suivi un programme (MPCI). L’objectif principal de ces programmes est de gérer le risque de récidive en assurant le suivi des programmes principaux. Les délinquants passent en revue leurs compétences de base en matière d’autogestion et les appliquent à des situations réelles. »
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Note 115
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L’initiative des Sentiers autochtones est l’une des principales interventions du SCC auprès des Autochtones. Il s’agit d’une initiative dirigée par les Aînés qui facilite la prestation de programmes intensifs, d’interventions et d’autres activités pour les personnes suivant un « plan de guérison ». Comme l’indique le rapport annuel de l’an dernier, le Bureau est d’avis que : « […] les Autochtones qui répondent aux critères d’admission à l’initiative des Sentiers autochtones n’ont pas vraiment besoin d’être maintenus dans les pénitenciers et pourraient tout aussi bien poursuivre leur sentier de guérison dans un pavillon de ressourcement communautaire. »
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Note 116
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Voir l’enquête du BEC de 2022-2023 sur l’initiative des Sentiers autochtones du SCC dans le rapport annuel 2022-2023.
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Note 117
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Ces chiffres sont fondés sur les données acquises de l’entrepôt de données du SCC (en date du 18 février 2024). Les personnes purgeant une peine à perpétuité minimale dans un établissement à sécurité minimale qui ont également dépassé leur DASL ont, en moyenne, entre 4 et 9 ans de retard. Pour une explication du calcul de la peine, voir : Sécurité publique Canada (2021). Le calcul de la peine : faits en bref – Délinquant purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité pour meurtre au premier degré. Bureau national pour les victimes d’actes criminels; et Sécurité publique Canada (2021). Le calcul de la peine : faits en bref – Délinquant purgeant une peine d’une durée indéterminée Bureau national pour les victimes d’actes criminels.
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Note 118
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Les données présentées dans ces annexes sont un instantané des données internes du BEC pour la semaine du 8 avril 2024. Les rapports futurs pourraient être différents à mesure que les cas sont mis à jour.
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Note 119
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Il y a eu 18 plaintes pour chacune de ces trois catégories : Classification de sécurité/Effets des cellules/Mise en liberté sous condition.
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Note 120
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Le nombre de personnes qui ont communiqué avec notre bureau pour déposer une plainte (c.-à-d. des plaignants).
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Note 121
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Dénombrement de fin d’exercice de la population carcérale, divisée par région pour l’exercice 2023-2024, selon le Système intégré de rapports – modernisé (SIR-M) du Service correctionnel du Canada.
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Note 122
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Les totaux ne comprennent pas les centres correctionnels communautaires et les centres résidentiels communautaires (CCC-CRC), ni les libérés conditionnels dans la communauté. Il y a eu 191 contacts uniques de la communauté. De plus, 133 cas ont été retirés parce que les plaignants souhaitaient demeurer anonymes.
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Note 123
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Comprend l’Unité spéciale de détention (USD)
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Note 124
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Le total ne comprend pas 133 cas de plaignants anonymes.
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Note 125
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Ibid.
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Note 126
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Un cas peut être rouvert et résolu plus d’une fois, avec différentes raisons de fermeture ou de réouverture. C’est la raison pour laquelle le total dans ce tableau est plus élevé que le nombre réel de plaintes déclarées dans le tableau A.
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Note 127
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Conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), le Bureau de l’enquêteur correctionnel examine toutes les enquêtes du SCC sur les incidents de blessures graves ou de décès mettant en cause une personne incarcérée. Toutefois, les chiffres présentés dans ce tableau représentent les examens effectués au cours de l’exercice 2023-2024, et non le nombre total d’incidents.
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Note 128
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Les décès attribuables à des « causes naturelles » font l’objet d’une enquête dans le cadre d’un processus distinct d’examen de la mortalité comprenant un examen des dossiers mené à l’administration centrale.
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Note 129
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Les données de ce tableau ne représentent que les incidents examinés par le BEC en 2023-2024, soit un sous-ensemble de tous les cas de recours à la force reçus au cours de la même période. Le Service correctionnel du Canada fournit tous les documents sur le recours à la force au Bureau, ce qui comprend habituellement un rapport sur le recours à la force, une copie de l’enregistrement vidéo lié à l’incident, la liste de vérification pour l’examen du recours à la force par les Services de santé, une liste de vérification après l’incident; la déclaration ou le rapport d’observation de l’agent en cause et un plan d’action pour corriger les lacunes.
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Note 130
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De ce nombre, 23 incidents ont eu lieu dans des établissements pour femmes. Les lecteurs remarqueront une baisse du nombre de cas de recours à la force examinés par le BEC en 2023-2024 par rapport à 2022-2023. Cette situation est attribuable à une réorganisation des ressources du BEC au cours du dernier trimestre de 2022-2023 et des deux premiers trimestres de 2023-2024. Cette réorganisation a permis de consacrer une partie importante des ressources à l’examen des allégations liées aux incidents de recours à la force, plutôt qu’à des analyses approfondies de ces incidents.
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Note 131
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Un incident de recours à la force comporte souvent plus d’une mesure. Les chiffres fournis ici reflètent la principale mesure utilisée dans ces incidents qui nécessitent un examen approfondi.
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Note 132
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Les vaporisateurs inflammatoires communément appelés OC (oléorésine de capsicum) ou « gaz poivré » contiennent un ingrédient actif naturel (capsaïcine) dérivé de plantes de poivre. Les agents chimiques contiennent un ingrédient chimique actif et causent une irritation extrême des tissus oculaires, ce qui entraîne la fermeture involontaire des yeux.
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Note 133
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Le BEC peut lancer une enquête à la réception d’une plainte par une personne purgeant une peine de ressort fédéral ou en son nom, ou de sa propre initiative. Les plaintes sont reçues par téléphone, par lettre et pendant les entrevues avec le personnel d’enquête du BEC dans les établissements correctionnels fédéraux.
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Note 134
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La majorité de ces demandes sont des demandes de renseignements généraux et des appels administratifs qui ne sont pas des plaintes.
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Note 135
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Entre les exercices 2020-2021 et 2021-2022, le Bureau a adopté un modèle de visite virtuelle, qui a guidé la façon dont les enquêteurs ont mené leurs activités pendant la pandémie. Ces visites comprenaient une combinaison de vidéoconférences et d’entrevues téléphoniques. Les lecteurs doivent garder cet élément à l’esprit lorsqu’ils comparent les données de ce tableau à celles des rapports annuels précédents. Aux fins du présent tableau, les « entrevues » comprennent uniquement celles qui ont lieu en personne.
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Note 136
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« Jours en établissement » représente le nombre de jours que le BEC a passés à visiter les établissements du SCC au cours de l’année de déclaration. La plupart des visites sont effectuées par des personnes; cependant, le personnel du BEC visite parfois les établissements en équipes de deux personnes ou plus. Dans ces situations, chaque jour de visite est compté une fois.
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Note 137
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Centres correctionnels communautaires et centres résidentiels communautaires.
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Note 138
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Comprend le Centre régional de santé mentale.
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Note 139
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Comprend le centre régional de traitement de Bath.
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Note 140
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Comprend l’unité d’évaluation de Joyceville et l’unité de détention temporaire.
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Note 141
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Comprend le centre régional de traitement, l’unité d’évaluation et l’unité de détention temporaire.
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Note 142
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Comprend le centre régional de traitement et le centre régional de réception.
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Note 143
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Dans les trois cas, le ou les plaignants ont demandé de demeurer anonymes. L’une de ces affaires portait sur des questions ne relevant pas de la compétence du BEC.