Rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel 2022-2023

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Le 30 juin 2023

L'honorable Marco Mendicino         
Ministre de la Sécurité publique         
Chambre des communes         
Ottawa, Ontario

Monsieur le Ministre,

J'ai le privilège et le devoir conformément aux dispositions de l'article 192 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de vous présenter le quarante-neuvième rapport annuel de l'Énquêteur correctionnel.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments distingués.

 

Ivan Zinger, J.D., Ph.D.         
Enquêteur correctionnel


Table des matières

Message de l’enquêteur correctionnel 

Message de la directrice générale 

Enquêtes thématiques et inspections 

Enquête thématique : L’augmentation du coût de la vie derrière les barreaux 

Inspection thématique : Cellules nues 

Mises à jour nationales 

Services en matière de défense des droits des patients dans les établissements pénitentiaires fédéraux 

Révision de la politque en matière de diversité des genres 

Options minimales pour les femmes incarcérées sous responsabilité fédérale dans des unités à sécurité minimale 

Cinquième comité d’examen indépendant sur les décès de causes non naturelles survenus en établissement 

Dix ans depuis Une question de spiritualité : Enjeux autochtones dans les services correctionnels fédéraux (Partie II) 

Promesses non tenues : Enquête sur les pavillons de ressourcement dans le système correctionnel fédéral canadien 

Une route droite et étroite : Une enquête sur les initiatives des Sentiers autochtones du SCC 

Une enquête sur le rôle et l’impact des Aînés dans le système correctionnel fédéral 

Message de conclusion 

Perspectives de l’enquêteur correctionnel pour 2023-2024 

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel 

ANNEXE A : Résumé des recommandations 

ANNEXE B : Statistiques annuelles 


Message de l’enquêteur correctionnel

Photo d’Ivan Zinger, l’enquêteur correctionnel du Canada.

Ivan Zinger, enquêteur correctionnel du Canada         
 

Le Bureau de l’enquêteur correctionnel célèbre son 50e anniversaire en juin 2023. Les anniversaires sont des moments de réflexion et de célébration des réalisations. Je suis extrêmement fier du fait que ce petit bureau au mandat démesuré ait servi et résisté à l’épreuve du temps depuis maintenant un demi-siècle. J’ai le grand privilège, en ma qualité d’enquêteur correctionnel, de pouvoir vous livrer quelques réflexions personnelles sur un lieu extraordinaire où j’ai passé la majeure partie de ma carrière professionnelle.

Comme je le dis souvent aux personnes qui ne connaissent pas notre travail, le Bureau, ou BEC , a été créé à la suite des épreuves et des tribulations qui ont failli mettre à genoux le système pénitentiaire canadien au début des années 1970. Le Bureau trouve son origine dans un système qui n’a pas réussi à fournir aux personnes incarcérées un cadre externe et indépendant pour soulever des griefs légitimes et y remédier. Aujourd’hui, en tant qu’organisme de surveillance des prisons et d’ombudsman pour les personnes condamnées à une peine fédérale, le BEC reste toujours aussi essentiel et concentré sur ce mandat fondamental.

Depuis sa création, le Bureau a répondu à des centaines de milliers d’appels et résolu des dizaines de milliers de plaintes. Au cours du demi-siècle d’activité du Bureau, notre personnel d’enquête a littéralement passé des années au sein des établissements fédéraux. À un niveau plus général, le Bureau fait partie d’un réseau global de surveillance et de responsabilité qui garantit, dans une certaine mesure, que les personnes purgeant une peine de deux ans ou plus sont traitées de manière équitable, légale et avec humanité. Dans un système qui a périodiquement toléré les abus et l’impunité, le Bureau constitue les yeux et les oreilles de la transparence.

J’ai rejoint le Bureau pour la première fois en 2004, et j’y occupais alors le poste de directeur chargé des politiques et conseiller juridique. Si je me souviens bien, le Bureau n’était pas très connu et avait de la difficulté à se faire entendre. Un nouvel enquêteur correctionnel, le troisième seulement dans l’histoire du Bureau jusqu’alors et mon prédécesseur immédiat, Monsieur Howard Sapers, a été nommé en avril 2004, un poste qu’il allait conserver pendant les 12 années suivantes. Grâce à lui, le Bureau a traversé avec succès une période de transition difficile et est entré dans une ère de visibilité et d’influence accrues. Sous sa direction, le Bureau a attiré l’attention sur les problèmes de santé mentale dans le domaine correctionnel, a commencé à couvrir publiquement les décès évitables en détention, a soulevé des préoccupations concernant la sécurité et l’humanité de la détention et a produit des rapports annuels plus ciblés sur les problèmes auxquels sont confrontés les Autochtones et les femmes condamnés à une peine fédérale en détention fédérale. Une série de rapports d’intérêt public publiés au cours de ces années a mis en lumière l’expérience d’un large éventail de personnes incarcérées, notamment les personnes âgées, les jeunes adultes, les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, les personnes d’une identité de genre spécifique et les Noirs. Ces domaines de préoccupation individuels et systémiques restent à ce jour quelques-unes des caractéristiques des rapports du Bureau.

Plus récemment, et depuis ma première nomination au poste d’enquêteur correctionnel en janvier 2017, le Bureau a continué à soulever des questions et des incidents d’importance nationale dans les services correctionnels canadiens et à les signaler dans nos rapports. Le rapport intitulé « Une réaction fatale : Enquête sur le décès en établissement de Matthew Ryan Hines » a été déposé en tant que rapport spécial au Parlement le 2 mai 2017. Depuis lors, le Bureau a mené à bien une série d’enquêtes importantes qui ont permis d’actualiser les conclusions de rapports et d’examens antérieurs, notamment les suivants :

  • Occasions manquées : L’expérience des jeunes adultes incarcérés dans les pénitenciers fédéraux (août 2017).
  • Vieillir et mourir en prison : enquête sur les expériences vécues par les personnes âgées sous garde fédérale (février 2019).
  • Mise à jour sur les expériences des personnes noires dans les pénitenciers fédéraux canadiens (Rapport annuel 2021-2022).

Au cours des dernières années, le Bureau a mené deux enquêtes sans précédent : Une culture du silence : Enquête nationale sur la coercition et la violence sexuelle au sein du système correction fédéral (rapport annuel 2019-2020), suivie d’un examen des recours à la force impliquant des détenus fédéraux noirs, autochtones, de couleur (PANDC) et d’autres populations vulnérables (rapport annuel 2020-2021). Le rapport annuel de cette année présente la deuxième partie de notre mise à jour du rapport original de 2013, Une question de spiritualité Footnote 1 , qui conclut une enquête historique de deux ans sur la surreprésentation des populations autochtones dans le système correctionnel fédéral.

Au fil du temps, nous avons publié d’importants rapports de conformité, des études de cas et des conclusions sur un certain nombre de questions d’intérêt public et de préoccupations dans le système correctionnel fédéral :

  • Qualité et quantité de la nourriture en établissement correctionnel.
  • Émeute au Pénitencier de la Saskatchewan.
  • Surreprésentation des femmes autochtones dans les unités à sécurité maximale.
  • Solutions de rechange à l’incarcération pour les personnes atteintes d’une maladie mentale grave.
  • Apprendre derrière les barreaux.
  • Isolement carcéral (isolement préventif).
  • Aide médicale à mourir (AMM) au sein des services correctionnels.
  • Utilisation de vaporisateur de poivre dans le recours à la force.
  • Programme d’échange de seringues dans les prisons.
  • Programme mère-enfant dans les services correctionnels pour femmes.

Chacun d’entre eux constitue une réalisation et un accomplissement collectifs. J’ai la chance et l’honneur de diriger un Bureau qui, depuis ses débuts, s’est efforcé d’atteindre l’excellence en matière de rapports d’enquête.

Poursuivant une tradition riche et fière de production de rapports publics opportuns, innovants et convaincants, l’éventail des enjeux de cette année comprend un regard thématique sur l’historique de la rémunération des détenus dans les établissements correctionnels fédéraux de 1981 à aujourd’hui. Comme je l’indique dans ce texte, ce sujet est une préoccupation constante des personnes incarcérées, qui remonte aux premiers jours du Bureau. Aussi incroyable que cela puisse paraître, une personne condamnée à une peine fédérale recevait en 1981 un salaire journalier réel plus élevé que le taux de rémunération actuel, qui plafonne à 6,90 dollars par jour. Le système financier et salarial actuel a été dépouillé de tout caractère incitatif et n’a plus grand-chose à voir avec sa forme ou ses intentions initiales. Avec un salaire horaire inférieur à 46 cents, le système de rémunération actuel maintient les personnes derrière les barreaux dans le dénuement, l’humiliation et l’avilissement. En outre, cette situation contribue à des tensions et des actes de violence à l’intérieur des pénitenciers, ce qui a des répercussions négatives importantes tant sur le personnel pénitentiaire que sur les personnes incarcérées. Ce système est déficient et dysfonctionnel, ne sert aucun intérêt correctionnel ou de sécurité publique, et a désespérément besoin d’une refonte en profondeur.

Notre enquête sur la politique et les procédures de détention en cellule nue, fondée sur des inspections, fait suite à notre rapport de l’année dernière sur cette question et aboutit à des résultats surprenants, en particulier à la lumière des récentes interventions des tribunaux, du Parlement et même du ministre de la Sécurité publique. Parmi les autres mises à jour du rapport de cette année figurent les lacunes de la politique en matière de diversité de genres, la sous-utilisation des unités de sécurité minimale dans les établissements pour femmes, les conclusions du cinquième comité d’examen indépendant sur les décès non naturels en détention, et l’obligation, prévue par la loi, pour le Service correctionnel de fournir un accès à des services externes et indépendants de défense des droits des patients.

Dans le rapport annuel de cette année, un nombre plus élevé que d’habitude de mes recommandations est adressé au ministre de la Sécurité publique plutôt qu’au Service correctionnel du Canada (SCC). Cette démarche est délibérée et conforme à l’article 180 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , qui stipule que je dois avertir le ministre de la Sécurité publique et lui faire rapport chaque fois que le SCC ne prend pas, dans un délai raisonnable, des mesures adéquates ou appropriées pour donner suite aux conclusions et aux recommandations de mon Bureau. Pour remplir cette obligation, je soumets dans le rapport de cette année un certain nombre de questions en suspens à l’attention du ministre, notamment la rémunération des délinquants, la détention en cellule nue, la défense des droits des patients, l’organisation d’enquêtes indépendantes sur les incidents et les interventions entraînant des décès derrière les barreaux, ainsi que d’autres domaines importants relevant des services correctionnels pour les Autochtones. Je m’attends à ce que le fait de soulever des questions pour lesquelles il n’y a pas eu de réponse ou de résolution adéquate permette de réaliser des progrès plus mesurables et plus substantiels.

Comme nous l’avons mentionné, l’élément principal du rapport de cette année est notre enquête sur la surreprésentation des Autochtones dans les prisons canadiennes. Il s’agit d’une question qui préoccupe le Bureau depuis la nomination de la première enquêtrice correctionnelle, Mme Inger Hansen, en 1973. Dans cette enquête, nous avons délibérément cherché à documenter les voix, les expériences et les témoignages, souvent manquants, des populations autochtones qui travaillent ou vivent au sein du système. Nous avons rencontré de nombreux Aînés afin de connaître leur expérience en matière de cérémonies, de guérison et d’accompagnement de leurs « proches » derrière les barreaux. Nous avons visité et écouté les participants à l’initiative des Sentiers autochtones, une initiative pénitentiaire qui offre une guérison aux populations autochtones. Nous avons visité des pavillons de ressourcement communautaires de l’article 81 de la Loi et des pavillons de ressourcement gérés par l’État afin de les comparer et d’en tirer des enseignements. Nous nous sommes également entretenus avec des intervenants, des défenseurs et des dirigeants d’organisations autochtones nationales.

En condensant ce que nous avons entendu et vu, nos conclusions sont nombreuses et significatives. Malgré la diversité des points de vue et des perspectives, il y a souvent eu convergence sur quelques points clés :

  1. Le SCC n’apporte pas le type de changements novateurs en matière de politique et de ressources qui sont nécessaires pour s’attaquer aux facteurs sur lesquels il a un contrôle afin d’atténuer et de réduire la surreprésentation chronique de la population autochtone.         
     
  2. Les pavillons de ressourcement gérés par l’État sont financés, dotés en personnel, en ressources et occupés à des niveaux nettement plus élevés que les pavillons communautaires relevant de l’article 81.         
     
  3. Les contributions des Aînés sont sous-évaluées, sous-déclarées et insuffisamment soutenues par leur employeur du SCC.         
     
  4. Les interventions phares de la stratégie du SCC en matière de continuum de soins pour les Autochtones, telles que les initiatives des Sentiers autochtones et les pavillons de ressourcement, s’adressent à une si petite minorité d’Autochtones condamnés à une peine fédérale qu’elles n’ont pas d’effet significatif ou mesurable sur la surreprésentation.         
     
  5. L’approche pan-autochtone du SCC à l’égard des services correctionnels pour les Autochtones efface les différences historiques et culturelles importantes entre les Premières Nations, les Métis et les Inuits, ce qui entraîne des lacunes et des omissions importantes.         
     

L’examen de l’héritage de la surreprésentation dans ce pays est également l’occasion d’anticiper un avenir bien plus radieux. La relation du Canada avec la population autochtone exige de faire face à l’héritage de notre passé colonial et d’emprunter le chemin de la récupération et de la réconciliation dans le présent. Le système correctionnel fédéral du Canada doit emboîter le pas et commencer à se défaire des pouvoirs, des contrôles et des ressources qui ont maintenu les Autochtones dans une situation de surreprésentation dans le système correctionnel depuis bien trop longtemps. Je pense que les conclusions et les recommandations du présent rapport, si elles sont suivies d’effet, constituent une partie du plan directeur pour le changement et la transformation. Dans un esprit de réconciliation, j’ai l’intention de compiler et de publier les parties I et II de Dix ans depuis Une question de spiritualité en un seul recueil après la présentation du présent rapport annuel au Parlement.

Enfin, pour marquer le 50e anniversaire du BEC, nous avons l’intention, au cours de l’année à venir, d’organiser quelques engagements publics, de relancer et refondre notre site Web, de développer et de partager de nouveaux documents célébrant notre histoire. Alors que nous réfléchissons à nos nombreuses réalisations des 50 années écoulées, je dois rendre hommage, ici et maintenant, aux membres de mon personnel, talentueux et remarquables, qui partagent un engagement commun à servir notre mandat avec excellence.

 

Ivan Zinger, JD., Ph.D.         
Enquêteur correctionnel         
Juin 2023 

 

Message de la directrice générale

Photo de Monette Maillet, directrice exécutive et avocate générale au Bureau de l’enquêteur correctionnel.

Monette Maillet, directrice exécutive et conseillère générale 

L’année dernière, nous sommes revenus un peu plus à notre mode de travail habituel après trois années de pandémie mondiale. Heureusement, les confinements des établissements pénitentiaires fédéraux à la suite des éclosions de Covid sont désormais derrière nous. Bien que le virus soit toujours présent, nous mettons en œuvre un retour progressif au Bureau pour tous les employés. Par conséquent, nous avons pu reprendre notre programme habituel de visites dans les établissements. Nous avons également mené nos enquêtes systémiques au moyen de centaines d’entretiens avec des personnes incarcérées, des membres du personnel et des intervenants, qui se sont déroulés en personne. Nous reconnaissons tous l’effet positif des réunions et des visites en personne, qui renforcent les liens humains. Alors que nous retournons au Bureau, nous reconnaissons les avantages des interactions en face à face avec nos clients et nos collègues.

Le Bureau se trouve à un moment charnière de son histoire puisqu’il fêtera en 2023 les 50 ans de sa création. Le travail que nous accomplissons en tant qu’organe de surveillance des services correctionnels est plus important que jamais et continue d’assurer une fonction nécessaire et inestimable dans une démocratie saine.

Nous avons commencé à mettre en œuvre les quatre piliers de notre plan stratégique triennal et quinquennal : 1 - BEC un employeur de choix (santé et bien-être), 2 - Structure organisationnelle renouvelée (soutenir une organisation souple, la progression des carrières et la gestion des talents), 3 - Enquêtes et inspections systémiques (soutenir le processus de planification et le modèle d’inspection), et 4 - Élaboration et mise en œuvre d’une stratégie de données et de rendement (soutenir les obligations en matière d’établissement de rapports). Dans le cadre de la modernisation de notre organisation, nous avons travaillé à la refonte et à l’amélioration de l’accessibilité de notre site Web, qui sera relancé dans le cadre des célébrations de notre 50e anniversaire.

Les travaux entrepris pour mettre en œuvre notre plan stratégique nous ont amenés à la conclusion que le Bureau avait un besoin urgent de ressources supplémentaires. L’année dernière, nous avons traité 4 897 plaintes et passé 227 jours dans des établissements où nous avons mené 1 270 entretiens avec des détenus sous responsabilité fédérale. Un grand nombre de nos appels et entretiens concernent des personnes souffrant de maladies mentales, de traumatismes, de dépendances et des conséquences d’abus subis pendant l’enfance. Il est devenu évident que nos employés doivent être mieux soutenus pour gérer une charge de travail plus complexe et plus difficile, et que notre modèle d’enquête devrait mieux se conformer aux normes internationales relatives aux mécanismes de surveillance des prisons, notamment en limitant le nombre de visites d’établissements que les enquêteurs effectuent seuls. Nous nous sommes rendu compte que l’allocation actuelle des ressources ne permettait pas non plus de mettre en place une structure durable de services corporatifs dans un micro-organisme, avec le même nombre d’exigences en matière de rapports aux organismes centraux que dans des ministères beaucoup plus importants. Je suis heureuse de dire que le Bureau a réussi à obtenir un nouveau financement permanent qui permettra de mieux soutenir les employés et d’offrir des services plus efficaces et plus accessibles aux détenus sous responsabilité fédérale. Ce nouveau financement témoigne de l’effet positif du Bureau et de la confiance et de la crédibilité dont il jouit auprès des parlementaires et des Canadiens.

Le rapport annuel de cette année, intitulé Dix ans depuis Une question de spiritualité : Enjeux liés aux Autochtones dans le système correctionnel fédéral (Partie II) , témoigne de l’engagement continu du Bureau à lutter contre la surreprésentation honteuse des populations autochtones dans le système correctionnel canadien. Le racisme et la discrimination systémiques dont sont victimes les peuples autochtones, souvent intégrés dans les politiques, les programmes et les lois, constituent l’un des problèmes les plus urgents en matière de droits de la personne au Canada.

Alors que nous nous engageons tous en faveur de la réconciliation et d’un système correctionnel juste et humain, j’apprécie la collaboration entre le Bureau de l’enquêteur correctionnel et le Service correctionnel du Canada. La collaboration est importante pour repérer et résoudre les domaines problématiques du Service, mais aussi du gouvernement du Canada, alors que nous nous efforçons tous d’obtenir de meilleurs résultats correctionnels dans ce pays.

Comme toujours, j’apprécie énormément l’équipe d’experts dévoués avec laquelle j’ai l’occasion de travailler chaque jour afin de remplir notre important mandat en tant qu’organe de surveillance, qui consiste à faire entendre la voix des détenus, à attirer l’attention sur les traitements injustes et les violations des droits de la personne et à y remédier.

 

Monette Maillet         
Directrice générale et avocate générale 

 

Enquête thématique : L’augmentation du coût de la vie derrière les barreaux

Introduction

À plusieurs reprises, mon Bureau a soulevé la question d’un programme inadéquat et désuet d’affectation des délinquants à des programmes et de rémunération des détenus Footnote 2 (paie du détenu) dans des rapports publics et médiatiques antérieurs, y compris une recommandation dans notre rapport annuel 2015-2016 appelant le ministre de la Sécurité publique à entreprendre un examen du système. Footnote 3 Plus récemment, j’ai soulevé la question lors d’une intervention le 10 février 2023 devant les députés du Comité permanent sur la sécurité publique et nationale. Footnote 4 Il s’agit ici d’un système de rémunération et d’indemnités qui est si fondamentalement défectueux qu’il ne répond pas à son principal objectif législatif et politique, qui est d’encourager la participation à des programmes et à des possibilités de formation professionnelle et de travail derrière les barreaux. Depuis 1998, date à laquelle l’ancien programme de rémunération a été directement lié à la participation et au rendement dans les programmes mentionnés dans un plan correctionnel, l’érosion du pouvoir d’achat derrière les barreaux a été constante et rapide.

Aujourd’hui, l’incidence d’une série d’augmentations du coût de la vie, notamment l’augmentation du coût des cantines et des biens de consommation, les retenues obligatoires sur les rémunérations, l’élimination des primes de rendement aux détenus dans les ateliers industriels des établissements, l’obligation d’acheter des articles qui étaient auparavant standard et les salaires non indexés sur l’inflation, a conduit à un environnement de pénurie et d’insécurité derrière les barreaux. De nombreuses personnes condamnées vivent dans un état d’appauvrissement et de dénuement quasi permanent, à l’intérieur comme à l’extérieur de la prison. De plus, le dénuement lié à un système de rémunération inadéquat alimente une économie souterraine carcérale de violence, d’extorsion et d’abus qui met en péril la sécurité de tous. Si éloigné de son objectif initial, le système actuel de rémunération et d’indemnités ne sert aucun intérêt correctionnel ou de sécurité publique et doit être réformé de toute urgence et en priorité.

Le « nouveau » régime de rémunération des détenus de 1981

Pour comprendre comment nous en sommes arrivés à cette situation malheureuse, il est peut-être instructif de revenir sur les origines contemporaines du système de rémunération et d’indemnités dans les services correctionnels fédéraux. Footnote 5 Les taux de rémunération actuels, qui s’élèvent à 6,90 dollars par jour avant retenues, remontent à 1981, lorsque l’ancêtre du système de rémunération actuel a été introduit dans les services correctionnels fédéraux. Footnote 6 À l’époque, l’échelle mobile de salaire pour le travail pénitentiaire était liée au revenu quotidien disponible d’un salarié célibataire percevant le salaire minimum fédéral, qui s’élevait en 1981 à 3,50 dollars de l’heure. Le taux de revenu disponible quotidien, qui mesure le montant restant à une personne après avoir payé l’impôt sur le revenu, les retenues pour hébergement et nourriture, les cotisations au Régime de pensions du Canada, les vêtements, l’éducation, le transport, etc., a été fixé à 3,15 dollars par jour. En 1981, ce chiffre est devenu le taux standard le plus bas de la rémunération journalière d’un travailleur dans un établissement à sécurité maximale. Ce taux de rémunération minimum, lié au revenu disponible, était considéré comme raisonnable et équitable à l’époque, étant donné que les coûts liés au logement, à la nourriture, aux besoins médicaux, à l’ameublement et à l’éducation étaient déjà pris en charge par le Service correctionnel fédéral. Dans la plupart des cas, la mise en œuvre du nouveau programme de rémunération en 1981 s’est traduite par une augmentation substantielle des salaires. Il se trouve que c’est aussi la dernière fois que la rémunération des personnes condamnées à une peine fédérale a été augmentée.

Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, les échelles salariales adoptées en 1981 prévoyaient des récompenses et des incitatifs monétaires, ainsi qu’un système d’augmentations progressives liées au niveau de sécurité. Une structure de rémunération journalière similaire, mais légèrement inférieure a également été adoptée pour les personnes engagées dans des programmes d’études et de formation professionnelle. Comme décrit ci-après, le programme de rémunération de 1981 atteignait 7,55 dollars par jour pour une personne travaillant dans un établissement à sécurité minimale. En valeur actuelle, corrigée en tenant compte de l’inflation et de l’indice des prix à la consommation, ce chiffre s’élève à 23,07 dollars par jour.

Tableau 1. Le programme de rémunération de 1981 du SCC par niveau de sécurité

NIVEAU DE         
RÉMUNÉRATION 

MINIMUM MOYEN MAXIMUM 

1,60 $1,60 $1,60 $

4,80-5,35-5,90 $3,70-4,25-4,80 $3,15-3,70-4,25 $

5,35-5,90-6,45 $4,25-4,80-5,35 $3,70-4,25-4,80 $

5,90-6,45-7,00 $4,80-5,35-5,90 $4,25-4,80-5,35 $

6,45-7,00-7,55 $5,35-5,90-6,45 $4,80-5,35-5,90 $

Dans le cadre du système mis en place en 1981, il était tout à fait possible, et même encouragé, pour une personne de placer de l’argent sur un compte d’épargne en vue d’une éventuelle libération, et/ou d’envoyer de l’argent à la famille ou à des proches dans la communauté. À l’époque, bien que certaines retenues obligatoires aient été prélevées sur les revenus (par exemple, la retenue pour le Fonds de fiducie des détenus était de 10 cents par jour et de 30 cents supplémentaires pour les loisirs et les divertissements), leur part globale est bien moindre que celle d’aujourd’hui. En outre, comme nous l’avons vu, la structure de rémunération initiale de 1981 tenait déjà compte des retenues pour l’hébergement, la nourriture et le téléphone, contrairement à aujourd’hui où les personnes condamnées doivent renoncer à 30 % de leur revenu pour couvrir ces coûts.

Avec l’introduction de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) en 1992, le SCC a été obligé d’aligner son programme de rémunération et d’indemnités sur les exigences de la nouvelle Loi. Compte tenu de l’accent mis sur la réadaptation et la réinsertion, les dispositions pertinentes de la LSCMLC prévoient que les paiements aux délinquants doivent encourager leur participation à des programmes (y compris des programmes correctionnels, professionnels, éducatifs et des possibilités de travail). Par conséquent, en 1998, reflétant les objectifs plus progressistes de la LSCMLC , le SCC a mis en œuvre de nouveaux critères de politique et promulgué une nouvelle Directive du commissaire (DC), qui s’intitule encore aujourd’hui Affectations des délinquants à des programmes et rétribution des détenus (DC 730). Pour l’essentiel, la nouvelle DC redéfinit les critères et les attentes en matière de participation, mais conserve pour l’essentiel les anciens taux de rémunération de 1981, à quelques exceptions notables près. Par exemple, le nouveau taux de rémunération du niveau C correspond à l’ancien niveau 3 et le niveau D à l’ancien niveau 2. Le nouveau taux d’indemnité journalière pour les personnes incarcérées qui ne sont pas en mesure de participer aux affectations aux programmes pour des raisons indépendantes de leur volonté a été porté à 2,50 dollars, contre 1,60 dollar pour l’ancien niveau 1. Une indemnité de base de 1 dollar par jour a été ajoutée pour les personnes qui refusent de participer à une affectation aux programmes.

Plus controversée, et à l’origine d’une grande partie des frustrations, plaintes et problèmes rencontrés aujourd’hui derrière les barreaux, la structure de rémunération révisée a ajouté deux niveaux de rémunération supérieurs entièrement nouveaux (niveaux A et B). En présentant les critères de ces niveaux, un Bulletin de politique révoqué datant de 1998 indique que les personnes devront satisfaire à « des normes de rendement plus exigeantes pour obtenir une rémunération aux deux niveaux les plus élevés ». Les critères d’évaluation actuels et toujours inchangés pour la rémunération de niveau A sont en effet « exigeants », comme indiqué ci-dessous :

DC 730 - Affectations des délinquants aux programmes et rétribution des détenus. Annexe B, section 1.

Le niveau A (6,90 $) s’appliquera aux détenus qui reçoivent une rétribution au niveau B depuis au moins six mois ou qui reçoivent déjà une rétribution au niveau A et satisfont aux critères suivants depuis au moins six mois:

  1. aucune absence non autorisée
  2. aucune arrivée en retard à l’affectation au programme ni départ avant l’heure, sans justification
  3. aucune condamnation pour des infractions disciplinaires
  4. niveau élevé de responsabilisation, de motivation et d’engagement […]
  5. aucun placement dans une unité spécialisée (Unité spéciale de détention, isolement pour des motifs disciplinaires, etc.)
  6. aucune affiliation à un groupe menaçant la sécurité […]
  7. participation entière et active à tous les volets de leur Plan correctionnel
  8. dépassement de toutes les attentes liées à l’affectation au programme
  9. dépassement des attentes au chapitre des relations interpersonnelles, de l’attitude, de la motivation, du comportement, de l’effort, de la productivité et du sens des responsabilités

Comme le montre le tableau 2, seulement 4,6 % de la population carcérale actuelle gagne le taux journalier maximum du niveau A (6,90 $). En raison d’une échelle mobile de critères d’admissibilité restrictifs pour les différents niveaux de rémunération, la plus grande partie de la population (50 %) perçoit une rémunération de niveau C, soit 5,80 $ par jour. Bien que la pandémie de COVID-19 ait probablement eu des répercussions sur la répartition inégale des rémunérations, le Bureau a enregistré des proportions relativement faibles de la population répondant aux attentes comportementales « exigeantes » des niveaux A et B de rémunération. Footnote 7 Plus récemment, j’ai fait état de disparités dans les niveaux de rémunération, en particulier pour les détenus noirs. Footnote

Tableau 2. Proportion de la population incarcérée sous responsabilité fédérale à chaque niveau autorisé de rémunération ou d’indemnité (exercice 2022-2023)

Niveau de rémunération/         
indemnité         


 

Montant par jour         



 
Proportion de la         
population carcérale         
fédérale         

 

A

6,90 $4,6 %

B

6,35 $18,0 %

C

5,80 $50,8 %

D

5,25 $6,8 %

Indemnité

2,50 $19,0 %

Indemnité de base

1,00 $0,1 %

Zéro

0,00 $0,9 %

Source : Entrepôt de données du SCC (3 mars 2023).

Cette leçon d’histoire sur l’économie pénitentiaire est importante, car elle permet de comprendre comment les taux actuels de rémunération et d’indemnités ont été calculés et à quel point ils se sont dégradés au fil du temps. Pour l’essentiel, les taux de rémunération n’ont pas fondamentalement changé depuis 1981, bien que les conditions d’admissibilité et les attentes comportementales qui y sont associées aient été considérablement modifiées. Les niveaux de rémunération de la population carcérale fédérale n’ont jamais été ajustés ou indexés à l’inflation, et n’ont jamais été liés à l’indice des prix à la consommation. Au fil du temps, le pouvoir d’achat s’est inévitablement et progressivement dégradé à mesure que le coût des biens augmentait et que les salaires stagnaient et s’érodaient.

D’autres décisions stratégiques et motivées par la politique ont laissé leur propre héritage historique, comme, par exemple, lorsqu’en 2013 la prime de rendement aux détenus pour les heures supplémentaires et le travail dans les ateliers industriels a été supprimée, et que les retenues pour hébergement et nourriture (22 %) et les coûts administratifs du système téléphonique (8 %) ont été ajoutés à la liste des retenues obligatoires sur les enveloppes salariales. Dans l’exemple ci-dessous, nous estimons qu’une personne recevant le niveau de rémunération le plus courant après les retenues obligatoires aura un revenu net (ou « salaire net » ) d’environ 46 cents l’heure. Au-delà de la violation de tous les principes du Code du travail, un montant aussi dérisoire est un affront à la décence et à la dignité humaines et pourrait bien contrevenir aux normes internationales du Canada en matière de droits de la personne, y compris les Règles Nelson Mandela visant à protéger les droits des personnes privées de liberté (appelées Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus, adopté par les Nations Unies). 

Comme nous l’avons vu, l’alignement des échelles salariales de l’ARC avait pour but d’encourager ou d’inciter à la participation à des programmes (par opposition au travail rémunéré). Aujourd’hui, les attentes et les normes comportementales liées aux niveaux d’indemnité les plus élevés sont tellement restrictives que l’écrasante majorité de la population est en fait disqualifiée, tout simplement incapable ou simplement réticente à les satisfaire. Les critères d’évaluation sont presque entièrement subjectifs et discrétionnaires, et peuvent être utilisés contre un individu, avec peu de possibilités de recours. Aujourd’hui, la majorité de la population « choisit » de faire le strict minimum requis (rémunération de niveau C - participation aux affectations aux programmes) et presque autant refuse de se conformer ou critères ou n’y répondent pas. Le « revenu » net ou la différence entre les niveaux de rémunération « améliorés » (A et B) ne vaut tout simplement pas la peine de respecter les critères et n’est pas réalisable dans le contexte d’un établissement fédéral. Paradoxalement, un système censé encourager la participation à des programmes et à d’autres possibilités derrière les barreaux, pour s’engager dans les composantes essentielles du plan correctionnel, est devenu lui-même un frein à l’engagement. Au fil du temps, d’autres éléments du système financier des détenus ont également été négligés. Nous nous retrouvons avec un système qui s’est éloigné de son objectif premier et qui est tellement déformé qu’il ne sert pratiquement aucun objectif correctionnel.

Retenues

Selon la DC 860 - Argent des délinquants , les retenues suivantes doivent être prélevées sur le revenu d’une personne.

Cet exemple utilise une période de paie de 14 jours, avec un maximum de 10 jours de travail (à raison d’environ 6 heures par jour) pour le niveau de rémunération le plus courant - 5,80 $ par jour, soit 58,00 $ par période de paie.

  • 22 % pour la nourriture et/ou le logement = 12,76 $
  • 8 % pour l’administration du système téléphonique = 4,64 $
  • 1 à 2 % pour la Caisse de bienfaisance des détenus Footnote 9 = 0,58 à 1,16 $
  • 10 % pour les obligations imposées par un tribunal = 5,80 $ Footnote 10 
  • 10 % pour l’épargne obligatoire = 5,80 $

Rémunération nette approximative 

  • 27,84 $ par période de paie
  • 2,78 $ par jour de travail
  • 0,46 $ par heure de travail Footnote 11 

Besoin de révision et de réforme

Selon la politique du SCC (DC 860 - Argent des détenus ), le système financier actuellement en place pour les détenus sous responsabilité fédérale vise à les encourager à budgétiser leurs revenus pour les achats et les paiements pendant leur incarcération, et à préparer des fonds pour les dépenses au moment de leur libération. Il est compréhensible qu’une partie de l’approche du SCC en matière de gestion des finances derrière les barreaux consiste à contrôler le flux d’argent dans les établissements pour des raisons de sécurité. Par conséquent, l’argent liquide n’est pas utilisé dans les établissements; toutes les transactions sont basées sur le crédit au moyen d’un système de double compte.

Comme le prévoit le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (article 111), un « Fonds de fiducie des détenus » est créé pour chaque détenu sous responsabilité fédérale. Ce fonds se compose de deux comptes différents : un compte courant pour les dépenses quotidiennes et un compte d’épargne pour les budgets à plus long terme. Grâce à ce système de compte, chaque individu est responsable de son budget personnel afin de garantir la disponibilité des fonds pour une série d’achats, notamment ce qui suit :

  • les obligations imposées par le tribunal
  • une pièce d’identité (par exemple, un certificat de naissance)
  • les dépenses privées et achats d’effets personnels (par exemple, les appels téléphoniques, les achats à la cantine, les produits d’hygiène personnelle, les loisirs personnels)
  • la correspondance (timbres) et cours postsecondaires et matériel connexe
  • les dépenses encourues pendant le placement à l’extérieur ou la permission de sortir
  • la libération ou les dépenses pendant la libération dans la communauté

Dix pour cent des revenus d’un individu sont automatiquement déposés sur son compte d’épargne à chaque période de paie. Les détenus sont autorisés à transférer de l’argent de leur compte d’épargne vers leur compte courant à des fins de dépenses. Ils ne peuvent normalement pas le faire plus de quatre fois par exercice et le montant transféré ne peut excéder un total de 750 $ par an, sauf exceptions nécessitant l’approbation du directeur de l’établissement (par exemple, honoraires pour des services juridiques, utilisation d’unités privées de visite familiale, dépenses médicales non essentielles, etc.). Le solde minimum d’un compte d’épargne individuel est fixé à 80,00 $. Lors de la libération, toutes les sommes créditées à un détenu dans son Fonds de fiducie des détenus lui sont remises, après paiement de toute somme due à l’État.

Bien qu’il existe différentes sources potentielles d’argent (par exemple, les membres de la famille peuvent transférer de l’argent à leurs proches incarcérés), comme nous l’avons vu, la principale source de revenus pour la plupart des individus est constituée par les paiements gagnés en participant à des interventions correctionnelles (par exemple, des programmes, des emplois, de la formation professionnelle). Depuis les années 1980, l’indice des prix à la consommation (IPC), qui calcule l’évolution des prix des biens et services courants tels qu’ils sont perçus par les Canadiens (y compris les coûts de l’alimentation, du logement, des transports, etc.), a augmenté de plus de 225 %. Footnote 12 Selon les estimations de la Banque du Canada en matière d’inflation, le taux de rémunération maximal de 6,90 $ par jour équivaut aujourd’hui à environ 22,50 $ en valeur 2023. Footnote 13 En tenant compte de l’inflation, cela correspondrait à 3,75 $ de l’heure avant retenues. À titre de comparaison, le salaire minimum moyen au Canada au début des années 1980 était d’environ 3,50 à 4,00 $ l’heure; la moyenne nationale se situe aujourd’hui autour de 15,00 $ l’heure. Footnote 14 Ces chiffres démontrent clairement l’écart substantiel entre les échelles salariales des personnes incarcérées et le niveau de vie de base au Canada. Même une petite différence peut avoir des répercussions importantes sur la vie d’une personne incarcérée.

Bien qu’une évaluation approfondie des pratiques internationales dépasse le cadre de la présente analyse, il convient de noter quelques comparaisons de haut niveau. Même si les taux de rémunération des prisonniers au Canada semblent meilleurs qu’aux États-Unis et quelque peu comparables à ceux du Royaume-Uni, nous sommes toujours en retard par rapport à la plupart des pays nordiques et scandinaves. Footnote 15 Même par rapport à certains taux de rémunération dans les systèmes provinciaux et territoriaux du Canada, les services correctionnels fédéraux sont à la traîne. Par exemple, dans le système correctionnel provincial du Québec, les personnes incarcérées qui occupent un emploi rémunéré sont rémunérées à un taux horaire d’environ 35 % du salaire minimum de la province (environ 5,33 $ l’heure).

Outre les niveaux de rémunération dépassés et les restrictions d’admissibilité, les politiques relatives à la rémunération et à l’argent (par exemple, DC 860 - Argent des détenus et DC 730 - Affectation aux programmes et paiements aux détenus ) auraient dû faire l’objet d’un examen et d’une révision approfondis depuis longtemps. La première directive est en vigueur depuis 2014 et la seconde depuis 2016. En outre, malgré quelques bulletins de politique provisoires qui ont intégré quelques mises à jour mineures, l’ensemble des politiques relatives au système financier des établissements pénitentiaires fédéraux (qui comprend le Fonds de fiducie des détenus) est resté pratiquement inchangé et en vigueur depuis 1998. En fait, un audit interne du SCC sur le Fonds de fiducie des détenus, achevé en juillet 2020, a recommandé la mise à jour de son cadre stratégique (DC 860). Footnote 16 Bien que la direction ait accepté de le faire, il reste à ce jour un domaine d’intérêt du SCC négligé et rigide. En fait, il faudra probablement que le ministre de la Sécurité publique ou le gouvernement du Canada, ou les deux, ordonnent au SCC de prendre les mesures qui s’imposent.

COVID-19 - Un cas particulier ?

Il faut reconnaître que le SCC a mis en œuvre certaines mesures financières compensatoires au cours de la pandémie de COVID-19 pour alléger la charge due aux arrêts et/ou aux restrictions de travail, de programmes et d’emploi. Ces mesures comprenaient un gel des salaires (d’avril 2020 à août 2022) et la suppression des frais de nourriture, d’hébergement et d’accès au téléphone. Le SCC a également autorisé à plusieurs reprises l’ajout de 5 $ pour des comptes téléphoniques, a augmenté la limite annuelle de transfert depuis le compte d’épargne des détenus vers leur compte courant de 750 à 850 dollars, et a renoncé au coût des télécopies sortantes destinées aux conseillers juridiques. Le SCC a augmenté les ressources totales pour la préparation de repas en petits groupes (PRPG) Footnote 17 au cours des dernières années, et en particulier depuis le début de la pandémie. Actuellement, une moyenne de 8,40 $ par jour est versée (contre environ 5 $ par jour et par personne il y a plusieurs années). Footnote 18 Je continue à soutenir pleinement ces efforts et d’autres visant à réduire le fardeau des augmentations du coût de la vie. Bien que ces mesures aient été mises en place au moment de la rédaction du présent rapport, je suis préoccupé par le fait que le SCC a clairement indiqué que la majorité de ces compensations ne sont que des mesures temporaires qui seront finalement supprimées.

Augmentation du coût de la vie

Pour en venir au fond, il est indéniable que les Canadiens, où qu’ils se trouvent, ont ressenti les effets de l’augmentation du coût de la vie et de la hausse de l’inflation, en particulier au cours des dernières années. Footnote 19 Les détenus sous responsabilité fédérale, en prison ou dans la communauté, ne sont pas à l’abri des caprices de ces forces financières. Au cours de la période considérée, mon Bureau a reçu de nombreux courriers et plaintes de personnes incarcérées concernant l’augmentation du coût des produits d’épicerie, des articles à usage personnel et des produits de la cantine. Compte tenu de la piètre qualité et de la mauvaise sélection des aliments fournis dans la majorité des établissements pénitentiaires qui relèvent du système de préparation des aliments par cuisson-refroidissement, les personnes détenues sur le site Footnote 20 continuent de dépendre de l’achat d’articles de cantine pour compléter leurs besoins nutritionnels, mais même certains de ces prix sont désormais hors de portée. Certaines personnes plus entreprenantes ont fait l’effort de suivre les prix des listes d’épicerie et de cantine au fil du temps afin de démontrer l’augmentation des coûts et l’incidence de la spirale inflationniste sur leurs revenus déjà réduits (voir les tableaux 3 et 4 ci-après).

Tableau 3. Comparaison des prix d’une sélection d’articles d’une liste d’épicerie domestique

Article         


 

Taille de la         
portion         

 

Prix         
février et mai         
2022 

Prix         
oct. et nov.         
2022 

Augmentation         
des prix         

 

Burgers au poulet

2 kg9,77 $14,45 $4,68 $

Cuisses de poulet

5 kg22,37 $34,80 $12,43 $

Frites prêtes à cuire

2 kg7,15 $9,16 $2,01 $

Mayonnaise

890 ml4,47 $9,10 $4,63 $

Moutarde

325 ml1,10 $1,50 $0,40 $

Sauce barbecue

455 ml1,60 $2,40 $0,80 $

Nouilles aux œufs

375 g2,00 $2,42 $0,42 $

Gâteaux de riz

180 g1,83 $3,50 $1,67 $

Lait concentré sucré

300 ml2,12 $3,66 $1,54 $

Total 

 52,41 $ 80,99 $ 28,58 $ 

Source : soumise par une personne de l’établissement de Bath.

Tableau 4. Comparaison des prix de certains articles de la liste de la cantine

Article         

 

Taille de la         
portion         
 

Prix         
juin 2022 

Prix         
janvier 2023 

Augmentation         
des prix 

Blancs d’œufs (surgelés)

1 kg4,77 $6,56 $1,79 $

Blanc de poulet (halal)

1 portion4,97 $7,03 $2,06 $

Steak au poivre

1 portion5,54 $7,24 $1,70 $

Cabillaud salé

1 portion7,07 $10,33 $3,26 $

Bœuf haché

400 g4,42 $5,32 $0,90 $

Palourdes

S.O.1,83 $3,39 $1,56 $

Thon pâle

170 g1,89 $2,08 $0,19 $

Pain blanc

S.O.1,89 $3,10 $1,21 $

Soupe aux tomates

S.O.1,97 $2,50 $0,53 $

Croustilles assaisonnées

150 g2,33 $3,37 $1,04 $

Café

200 g6,27 $7,34 $1,07 $

Lait

354 ml1,89 $2,28 $0,39 $

Total 

 44,84 $ 60,54 $ 15,70 $ 

Source : soumise par une personne de l’établissement de Cowansville.

Comme indiqué précédemment, la population carcérale est censée fournir ou acheter elle-même la plupart des produits d’hygiène de base (savon, shampoing, etc.) et tout autre article de consommation (vêtements, chaussures, produits de santé en vente libre et produits personnels, compléments alimentaires/vitamines, etc.) Footnote 21 . La plupart de ces produits sont accessibles au moyen des catalogues des fournisseurs nationaux qui proposent une liste standard d’articles. Les personnes peuvent acheter des articles avec les fonds de leur compte courant, bien qu’il y ait des limites à ce qu’ils peuvent posséder et à la valeur de tous les articles achetés. Amazon est le principal fournisseur national de marchandises pour les pénitenciers canadiens. Footnote 22 

Selon les catalogues les plus récents (avril 2023), les personnes incarcérées se voient offrir les mêmes articles disponibles sur le marché aux mêmes prix que tout autre citoyen canadien. Le catalogue indique également que les prix peuvent changer à tout moment et qu’il est recommandé aux particuliers de prévoir un supplément d’au moins 10 % à leur commande, compte tenu de la durée de traitement et de l’éventualité d’une modification des prix. Mon Bureau a examiné les catalogues et, bien que les prix de certains articles soient comparables aux prix généraux pratiqués sur le site Web d’Amazon, le problème le plus important est celui de l’accessibilité financière par rapport à la rémunération. Par exemple, sur la base des estimations mentionnées précédemment pour la rémunération moyenne au niveau C, il faudrait environ deux journées de travail complètes pour qu’une personne incarcérée puisse s’offrir une petite boîte de tampons (5,49 $ plus taxes et frais d’expédition). Footnote 23 Une période de paie complète serait nécessaire pour couvrir les coûts du shampoing et de l’après-shampoing (22,85 $ plus taxes et frais d’expédition) Footnote 24 et il faudrait deux périodes de paie pour pouvoir couvrir le coût des gants d’hiver pour hommes (41,39 $ plus taxes). Footnote 25 La prison est déjà une épreuve et, bien que la vie carcérale ne soit pas censée être confortable ou facile, ajouter délibérément des privations au-delà de la liberté va à l’encontre des objectifs de réhabilitation.

Les effets délétères d’une rémunération inadéquate

Certains pourraient se demander pourquoi les personnes qui purgent une peine dans un pénitencier fédéral devraient être rémunérées. Il y a plusieurs raisons de répondre positivement à cette question. Offrir des possibilités de travail et une rémunération adéquate constitue une incitation, aide à développer des compétences et des connaissances financières, et à utiliser de manière productive le temps passé dans l’établissement. En d’autres termes, il s’agit d’un investissement dans la réhabilitation et le retour éventuel dans la communauté en tant que personne respectueuse des lois. La réduction du pouvoir d’achat des personnes incarcérées les décourage de travailler, diminue leur qualité de vie et affecte négativement l’environnement institutionnel, contribuant à une économie souterraine où règnent les abus, l’extorsion, les altercations physiques et la violence. Cela conduit inévitablement à une spirale d’effets négatifs sur la réhabilitation. Même de petites dettes de 10 ou 20 dollars peuvent avoir des conséquences désastreuses dans un pénitencier. Le fait de limiter l’accès aux articles nécessaires à leur soin personnel et aux quelques privilèges restants qui rendent la vie plus tolérable derrière les barreaux peut encore endurcir et assombrir la perspective d’un individu sur la vie, à l’intérieur et à l’extérieur de la prison.

L’insuffisance des revenus des détenus a également une incidence sur les familles et les proches des personnes incarcérées. Comme nous l’avons vu, dans la version initiale du système actuel, les personnes incarcérées pouvaient épargner davantage et envoyer de l’argent à leurs proches, y compris pour subvenir aux besoins de leurs enfants. L’objectif était notamment d’encourager les individus à budgétiser leurs revenus afin d’apporter un soutien financier à leur famille. À cette époque, comparativement, leur salaire avait un pouvoir d’achat plus élevé. Cette dynamique a considérablement évolué ces dernières années. Nous avons entendu à plusieurs reprises, tant au sein de la population Footnote 26 que dans mon Bureau, que les familles des personnes incarcérées, dont beaucoup ont elles-mêmes des difficultés financières, ont envoyé plus d’argent pour soutenir leur proche derrière les barreaux. En d’autres termes, nous constatons aujourd’hui un flux net de contributions monétaires dans les établissements fédéraux, ce qui réduit à néant les objectifs de réinsertion, de comportement ou de formation professionnelle d’un système de rémunération et d’indemnités.

Au-delà de la vie derrière les barreaux, un revenu adéquat au moment de la libération présente des avantages évidents. Disposer de fonds suffisants pour l’hébergement, le transport et les produits de première nécessité peut grandement faciliter la transition au sein de la communauté. Malheureusement, trop souvent, l’indigence suit les individus de la prison à la rue, ce qui n’est pas dans l’intérêt de la sécurité publique. Le manque de ressources à la sortie de prison reste un obstacle important à une vie sans crime après une période d’incarcération. Footnote 27 

Pour conclure, j’ai joint une lettre du Comité chargé du bien-être des détenus de l’établissement de Mountain, qui décrit clairement et efficacement les défis permanents que représentent la hausse des prix et l’insuffisance des salaires pour l’expérience carcérale. Comme mon Bureau l’a toujours fait, je souhaite mettre en lumière l’expérience vécue des personnes qui luttent à l’intérieur du système, car elles apportent une vision et une perspective inestimables. Cette correspondance comprenait une lettre du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) du Canada, soulignant que, bien que le SCT soit l’organe décisionnel responsable de l’approbation de l’échelle salariale (conformément à l’article 78, paragraphe 1, de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ), tout ajustement devrait être initié par le ministre de la Sécurité publique.

Photo de la cantine des détenus de l’Établissement de Drumheller.

Cantine des détenus de l’Établissement de Drumhelle 

Recommendations

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique entreprenne immédiatement un examen complet du système d’affectation des délinquants aux programmes et de rémunération des détenus dans les services correctionnels fédéraux. Ce réexamen devrait permettre de s’assurer que les niveaux de rémunération améliorés sont indexés sur l’inflation afin de refléter les augmentations actuelles et prévues du coût de la vie. Au minimum, je recommande une augmentation de 3,75 $ par heure, ce qui correspond à l’équivalent horaire de la rémunération journalière maximale actuelle de 6,90 $ (ou 1,15 $ l’heure, sur la base d’une journée de travail de six heures), indexée sur l’inflation en partant de 1981. Les changements proposés à la suite de cet examen devraient faire l’objet d’une consultation auprès de la population carcérale et des organisations communautaires au service des détenus et des personnes en liberté conditionnelle. 
  1. En attendant qu’un nouveau modèle de rémunération et d’indemnités soit adopté et mis en place, je recommande au SCC de mettre immédiatement en œuvre une série de mesures provisoires qui contribueront à compenser les coûts et à augmenter le pouvoir d’achat des personnes incarcérées sous responsabilité fédérale : 
    1. Supprimer toutes les retenues obligatoires. 
    2. Ajuster les critères de niveau de rémunération pour permettre à une plus grande proportion d’individus de recevoir des paiements de niveau A et B. 
    3. Veiller à ce que les biens essentiels à l’autonomie en matière de santé et au bien-être (par exemple, les produits d’hygiène) soient fournis gratuitement. 
    4. Examiner le catalogue des achats et veiller à ce que les biens soient plus abordables et plus accessibles. 

Annexe

Lettre du Comité chargé du bien-être des détenus de l’établissement de Mountain et réponse du Conseil du Trésor 

Images de la lettre du Comité du bien-être des détenus de l'Établissement Mountain et de la réponse du Conseil du Trésor.
Images de la lettre du Comité du bien-être des détenus de l'Établissement Mountain et de la réponse du Conseil du Trésor.
Images de la lettre du Comité du bien-être des détenus de l'Établissement Mountain et de la réponse du Conseil du Trésor.

Inspection thématique : Cellules nues

En vertu de l’article 51 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), le directeur de l’établissement peut autoriser l’utilisation d’une « cellule nue » lorsque l’on pense (pour des motifs raisonnables) qu’un détenu sous responsabilité fédérale a ingéré ou dissimulé des produits de contrebande dans son tube digestif. Cette pratique consiste généralement à fouiller l’individu à nu et à le placer dans des conditions de détention en cellule nue, c’est-à-dire dans une cellule vide, sans plomberie, et sous surveillance et observation constantes. Dans de nombreux établissements, il est courant que ces cellules soient éclairées 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Une personne peut être placée dans une cellule nue pour une durée indéterminée, en espérant qu’elle finira par « expulser » la marchandise soupçonnée d’être de contrebande.

Le Bureau a fait rapport sur cette question à plusieurs reprises, et j’ai continué à affirmer que la détention en cellule nue est une procédure incroyablement restrictive, dégradante et inhumaine pour les personnes qui y sont soumises et pour le personnel qui doit superviser ces placements. J’ai recommandé à plusieurs reprises d’interdire tout placement indéfini au-delà de 72 heures. Après trois jours ininterrompus, j’estime que cette procédure est excessive et déraisonnable, voire strictement punitive.

Le 6 mai 2023, au moment de la rédaction du présent document, un projet de règlement modifiant le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition concernant la détention en cellule nue a été publié pour consultation publique. Footnote 28 L’objectif du nouveau règlement est de refléter les changements proposés à la LSCMLC concernant l’utilisation de la technologie du balayage corporel et d’établir un cadre pour la détention en cellule nue « précisant les critères d’admission, les limites de durée et la surveillance, tout en garantissant la prise en considération des besoins en matière de soins de santé ».

Lors de l’examen préliminaire des modifications réglementaires proposées, le Bureau a pris note de trois changements clés proposés pour la détention en cellule nue :

1.Technologie du balayage corporel : Les modifications proposées introduiraient de nouvelles dispositions décrivant l’utilisation de la détention en cellule nue par le SCC, y compris la façon dont la mise en œuvre de la technologie du balayage corporel aiderait le directeur de l’établissement à déterminer s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un détenu a ingéré ou transporte des produits de contrebande.

2. Limiter la durée de la détention en cellule nue : Les modifications proposées fixeraient un maximum de 72 heures pour la détention en cellule nue. Toutefois, le directeur de l’établissement pourrait autoriser jusqu’à deux prolongations de 24 heures de la détention du détenu dans des circonstances particulières. Le placement en cellule nue peut atteindre un total de 120 heures.

3. Collecte des données : Le règlement proposé exigerait que le SCC établisse des procédures pour la collecte, la compilation, la gestion et l’analyse des données relatives à l’utilisation des cellules nues afin de cerner les tendances.

Source : La Gazette du Canada, partie I, volume 157, numéro 18 : Règlement modifiant le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ce nouveau règlement a fait l’objet d’une consultation de 30 jours, la version finale devrait être publiée à l’automne 2023, et le règlement devrait alors entrer en vigueur au début de l’année 2024.

Bien que le règlement proposé fasse l’objet d’une consultation publique au moment de la rédaction du présent rapport, je tiens à souligner l’intention et l’orientation qu’il traduit. Les modifications proposées sont cohérentes avec les préoccupations exprimées par le Bureau dans ses rapports annuels, en particulier nos appels répétés en faveur d’une limite maximale de 72 heures pour les placements en cellule nue. Bien que notre examen préliminaire du règlement soit prometteur, le Bureau a l’intention de fournir des commentaires plus approfondis dans le cadre de la procédure de consultation formelle.

Entre-temps, et comme je l’ai signalé l’année dernière, en avril 2022, en réponse à une ordonnance du tribunal, le SCC a publié un Bulletin de politique provisoire (Bulletin 684) destiné à assurer une « surveillance renforcée » et à fournir des orientations supplémentaires sur la pratique de la détention en cellule nue dans les établissements pénitentiaires fédéraux. Les changements comprennent de nouvelles exigences en matière de rapports pour les durées de placement qui dépassent 48 et 72 heures (y compris la notification à l’administration centrale du SCC pour les placements de plus de 72 heures). En août 2022, le ministre de la Sécurité publique a adressé sa propre orientation ministérielle (OM) au SCC sur cette question, afin de s’assurer que le Service « maintienne des procédures sûres et sécurisées autour des cellules nues, tout en respectant la dignité et les droits de la personne des détenus ». Footnote 29 Plus précisément, le Ministre a demandé au SCC de veiller à ce que les placements soient aussi courts que possible. Il a également encouragé le Service à élaborer des lignes directrices pour donner la priorité à l’utilisation d’autres moyens moins restrictifs de détection des produits de contrebande (par exemple, la technologie de balayage corporel). D’autres orientations ministérielles demandaient au SCC de fournir « une literie adéquate, une alimentation nutritive conforme au Guide alimentaire canadien , des vêtements et des articles de toilette et, dans la mesure du possible […] un accès à des loisirs dans la mesure où les risques peuvent être atténués ». Enfin, et ce n’est pas le moins important, l’orientation ministérielle contenait des instructions pour que le SCC signale à l’administration centrale les placements dépassant 72 heures, avec des mises à jour quotidiennes au-delà de ce point pour inclure la justification de la poursuite du placement. Une intervention de ce type, à ce niveau, est très inhabituelle dans l’histoire des services correctionnels fédéraux et signifie une intention et des attentes claires du gouvernement dans un domaine qui a fait l’objet d’un examen approfondi de la part du public et du Parlement.

Toilettes de cellule nue

Photos de toilettes de cellule nue dans quatre établissements : Donnacona, Edmonton, Grande Cache et Stony Mountain.

Établissement de Donnacona 

Photos de toilettes de cellule nue dans quatre établissements : Donnacona, Edmonton, Grande Cache et Stony Mountain.

Établissement d’Edmonton 

Photos de toilettes de cellule nue dans quatre établissements : Donnacona, Edmonton, Grande Cache et Stony Mountain.

Établissement de Grande Cache 

Photos de toilettes de cellule nue dans quatre établissements : Donnacona, Edmonton, Grande Cache et Stony Mountain.

Établissement de Stony Mountain 

 

Étant donné que nous avons abordé cette question dans le rapport annuel de l’année dernière et que nous anticipons un intérêt continu de la part du public et du Parlement en la matière, au cours de la dernière période d’établissement de rapport, le Bureau a mené une série d’inspections et d’examens thématiques sur le placement en cellules nues, les critères, les durées et les pratiques en matière d’établissement de rapports. Nous voulions évaluer et rendre compte de la manière dont la politique nouvellement publiée et l’orientation ministérielle étaient mises en œuvre. Nous avons fait des découvertes surprenantes sur la base d’inspections sur place, de l’examen des données relatives au placement en cellule nue, des renseignements recueillis sur les pratiques institutionnelles, ainsi qu’en documentant les expériences vécues par les personnes qui ont enduré des périodes de détention en cellule nue de plus de 72 heures.

Examen préliminaire des données sur les cellules nues

Le Bureau a pu obtenir des données sur les placements en cellule nue d’avril 2022 (date d’introduction du Bulletin de politique provisoire 684) à décembre 2022 Footnote 30 auprès de l’administration régionale, sur demande. Bien que le SCC ait modifié en 2021-2022 la manière dont les placements en cellule nue sont documentés dans le système de gestion des délinquants (SGD), les données reçues étaient limitées, avec des lacunes, des omissions et des différences régionales notables dans la manière dont ces placements étaient consignés. Étant donné que les établissements n’ont pas suivi et rapporté de manière cohérente les placements en cellule nue ou leur durée, c’est la première fois que le Bureau a eu accès à ce type de données. Bien que nous soyons en mesure de procéder à un examen préliminaire des pratiques de détention en cellule nue dans l’ensemble du SCC, il n’est pas possible de comparer nos résultats avec ceux des années précédentes ou de parler de la fréquence d’utilisation ou de la durée des placements au fil du temps. Nos conclusions sont strictement limitées dans le temps et dans le contexte, et doivent être interprétées en fonction des données et des renseignements qui nous ont été fournis par les autorités du CSC.

Le Bureau a reçu des renseignements sur 36 cas de détention en cellule nue pour la période de huit mois, provenant de quatre des cinq régions du SCC, une région indiquant qu’il n’y a pas eu de placement de 48 heures ou plus pendant cette période. Footnote 31 Les durées de placement allaient de deux à 161 heures consécutives . Étant donné qu’une seule région a volontairement fourni des renseignements sur les placements de courte durée (moins de 48 heures), notre analyse s’est limitée aux cas où la durée des placements était de 48 heures ou plus (23 cas au total). La durée moyenne de la détention en cellules nues dans les quatre régions était de 83 heures. Plus inquiétant encore, 13 des 23 cas concernaient des durées de placement supérieures à 72 heures. En raison de la mauvaise qualité et des incohérences de la collecte et de la communication des données internes, le degré de précision et d’exhaustivité de ces renseignements n’est pas clair. Selon toute vraisemblance, il existe d’autres cas où les renseignements relatifs à la durée du placement, à sa justification ou à la présence de produits de contrebande n’ont tout simplement jamais été consignés.

Bien que cette donnée n’ait pas été demandée initialement, une région a également fourni des données sur les résultats indiquant si des produits de contrebande ont été trouvés ou saisis pour chaque placement. Les résultats indiquent que près des trois quarts des cas (y compris ceux de moins de 48 heures) n’ont donné lieu à aucune preuve de contrebande, saisie ou autre. Bien qu’il ne soit pas possible de tirer des conclusions nationales à ce stade, compte tenu de la petite taille de l’échantillon provenant d’une seule région, la question se pose de savoir si cette pratique a un quelconque avantage, en particulier eu égard à l’humiliation et à la déchéance qu’elle entraîne pour toutes les personnes impliquées.

Examen des pratiques institutionnelles

Depuis la publication de la politique provisoire en avril 2022, mon équipe d’enquêteurs a effectué des inspections sur place de l’utilisation des cellules nues dans dix établissements Footnote 32 (avec une représentation de tous les niveaux de sécurité et des cinq régions). Tous les établissements visités disposaient d’une forme ou d’une autre de procédure de détention en cellule nue, qu’il s’agisse de méthodes portables, de structures statiques permanentes ou des deux. Dans leurs conclusions, les enquêteurs ont relevé des domaines de non-conformité et des incohérences notables dans les pratiques en ce qui concerne la disponibilité des ordres permanents et les conditions austères des cellules nues.

Disponibilité d’ordres permanents

Tous les établissements ont signalé l’existence d’un ordre permanent contenant des lignes directrices pour les placements en cellule nue, mais peu d’entre eux ont été en mesure d’indiquer si ou quand il avait été mis à jour pour la dernière fois, et plusieurs membres du personnel ne savaient pas exactement quelles étaient les normes ou les pratiques attendues. Sur la base de cette constatation, mon Bureau a examiné tous les ordres permanents disponibles au moment de la rédaction du présent rapport pour 25 établissements et a de nouveau constaté de nombreuses incohérences et non-conformités.

Plusieurs établissements n’avaient pas d’ordre permanent pour les placements en cellule nue, tandis que dans d’autres l’ordre permanent était nettement obsolète (par exemple, certains ont été mis à jour pour la dernière fois en 2009 et en 2013). Plusieurs ordres permanents fournissent des renseignements complets et détaillés (par exemple, une liste particulière d’articles autorisés), tandis que d’autres donnent des indications très générales (par exemple, des vêtements et une literie « adéquats ») ou ne donnent aucune instruction. Les renseignements concernant les règles et les pratiques étaient également incohérents et incorrects. Par exemple, il existe des différences notables dans les instructions concernant les horaires et l’organisation des douches (par exemple, tous les jours, toutes les 48 heures ou pas du tout) et seules quelques ordonnances mentionnent la fourniture de produits d’hygiène personnelle, tels que des brosses à dents. Plusieurs ordres permanents précisent que les contacts téléphoniques avec la famille sont interdits, bien que cette règle ne fasse pas partie des orientations politiques nationales.

Dans l’ensemble, la variabilité de la disponibilité des ordres permanents Footnote 33 , le niveau ou le manque de détails fournis, et l’interprétation et l’application incohérentes et incorrectes des lignes directrices sont tout simplement alarmants compte tenu de la nature particulièrement restrictive de ces placements.

Conditions austères des cellules nues

Compte tenu des incohérences des ordres permanents des établissements, il n’est pas surprenant que des différences considérables aient été signalées par le personnel en ce qui concerne les conditions de détention et la fourniture d’articles obligatoires. Quatre des établissements examinés n’ont pas de fenêtres extérieures pour faire entrer de la lumière naturelle dans les cellules nues, tandis que la moitié d’entre elles sont situées dans les anciennes unités d’isolement. En ce qui concerne la literie, certaines cellules sont équipées d’un cadre de lit, tandis que dans d’autres cas, les matelas sont placés à même le sol. La fourniture d’oreillers, de literie et de couvertures varie d’un site à l’autre, certains établissements n’offrant que des couvertures de sécurité à la place d’une literie normale, et d’autres ne fournissant pas d’oreillers. Tous les délinquants doivent retirer leurs vêtements et se voient proposer l’ une des options suivantes, en fonction de l’établissement :

  • Combinaison
  • Vêtement de sécurité
  • Sous-vêtements et t-shirt
  • Combinaison, sous-vêtements et chaussettes
  • Sous-vêtements, jeans, t-shirt et pantoufles.

Le personnel a indiqué que les personnes reçoivent des articles de toilette de base, mais qu’elles ont un accès limité aux douches, ou pas accès du tout.

Cellules nues

Photos de cellules nues dans quatre établissements : Donnacona, Bowden, Warkworth et La Macaza.

Établissement de Bowden 

Photos de cellules nues dans quatre établissements : Donnacona, Bowden, Warkworth et La Macaza.

Établissement de Warkworth 

Photos de cellules nues dans quatre établissements : Donnacona, Bowden, Warkworth et La Macaza.

Établissement de La Macaza 

Expériences des personnes en cellules nues

Le Bureau a entendu ou interrogé un certain nombre de personnes incarcérées qui ont été soumises à un placement en cellule nue au cours de cette enquête. Leurs voix ont apporté un éclairage précieux sur l’ expérience globale des placements en cellule nue. Plusieurs personnes ont qualifié leur expérience d’« inhumaine et dégradante », soulignant à quel point il est humiliant d’être constamment surveillé et contrôlé dans ces établissements. Elles ont fait état de conditions insalubres et dangereuses, décrivant leurs cellules comme étant « dégoûtantes et répugnantes ». Certains ont indiqué que leur cellule n’avait pas été nettoyée avant leur placement (par exemple, la présence d’excréments sur les murs et les toilettes, des sols sales sous leurs pieds nus, des fuites dans les cellules).

Compte tenu du régime extrême imposé par le placement en cellule nue, de nombreuses personnes ont fait part de leurs préoccupations concernant leur hygiène personnelle (par exemple, accès limité ou inexistant aux douches, à une brosse à dents, au savon ou au désinfectant pour les mains), ainsi que leur santé physique et mentale en général (par exemple, vêtements inadéquats et températures froides, sommeil à même le sol, absence d’accès aux loisirs et aux téléphones pour joindre les familles). Certaines personnes ont également indiqué que leur placement semblait inutile, excessif ou dépassait une période acceptable, malgré la présence de facteurs atténuants (par exemple, un balayage corporel non concluant, aucune indication de la part des chiens détecteurs de drogue, et des selles multiples ne produisant aucune preuve de contrebande dissimulée).

Le Bureau a examiné un cas particulièrement grave dans lequel une personne a été placée dans une cellule nue pendant plus de six jours et a été soumise à des pratiques qui violaient manifestement la politique. Par exemple, cette personne s’est vu refuser un matelas et a dû dormir sur une pile de couvertures. La personne Footnote 34 a dû ne porter qu’un vêtement de sécurité, mais pas de chaussettes, de sous-vêtements ou de chaussures. Selon la déclaration de cette personne, elle devait également utiliser les toilettes, nue, sous la surveillance directe du personnel, y compris parfois du personnel du sexe opposé. Elle n’a pas eu accès à des articles de toilette ou à des produits d’hygiène et n’a pas été autorisée à prendre une douche pendant toute la durée du placement, soit six jours. La cellule de cette personne était glaciale, avec un éclairage artificiel permanent qui la privait de sommeil, ce qui rejoint d’autres plaintes recueillies par le Bureau. Les conditions étaient insalubres et non hygiéniques (il n’y avait aucune preuve de nettoyage ou d’assainissement avant ou pendant le placement en cellule). Parmi les aspects les plus troublants, citons le contact limité avec les services de santé (visites limitées tous les deux jours) malgré les demandes d’aide médicale et de santé mentale formulées par cette personne, ainsi que le refus des responsables de l’établissement de lui accorder un accès téléphonique à son avocat.

Toilettes de cellule nue

Au centre : Photo d’une toilette de cellule nue à l’Établissement de La Macaza, modifiée pour empêcher le détenu d’y déféquer.

Établissement de La Macaza 

En haut : Photo d’une toilette de cellule nue avec un siège découvert à l’Établissement de Donnacona.

Établissement de Donnacona 

En bas : Photo d’une toilette de cellule nue en désordre à l’Établissement d’Edmonton.

Établissement d’Edmonton 

Conclusion and Recommendations

Bien que le nouveau règlement proposé concernant les cellules nues soit prometteur, pour les raisons évidentes exposées ici, je reste profondément préoccupé par le fait que la politique provisoire et les orientations ministérielles de 2022 demeurent, au mieux, insuffisantes en termes d’application et de conformité. Le statu quo actuel n’augure pas d’un changement progressif dans ces domaines, notamment en ce qui concerne la limitation de la durée des placements. Le Bureau suivra la mise en œuvre du nouveau règlement sur les cellules nues et l’utilisation de la technologie de balayage corporel au fur et à mesure de l’évolution de ce processus. J’évaluerai également l’incidence de la mise en œuvre du nouveau règlement sur la fréquence et la pratique globales en matière de détention en cellule nue, ainsi que la manière dont les données et les renseignements sont suivis dans les différentes régions. Au-delà des attentes suscitées par le cadre réglementaire proposé, il est clair que certains problèmes actuels requièrent une attention immédiate :

  1. Je recommande au ministre de la Sécurité publique de veiller à ce que le nouveau règlement oblige le SCC à rendre compte publiquement de la fréquence, de la durée et des résultats (qu’il y ait ou non saisie de produits de contrebande) de tous les placements en cellule nue à partir de l’exercice 2023-2024, et à l’avenir. 
  1. Je recommande au ministre de la Sécurité publique de veiller à ce que le nouveau règlement exige que la décision de prolonger le placement en cellule nue au-delà de 72 heures revienne au sous-commissaire régional. Le règlement devrait préciser que « dans des circonstances exceptionnelles », lorsque des exigences particulières sont remplies, le sous-commissaire régional peut prolonger le placement en cellule nue par période de 24 heures, jusqu’à un maximum de 48 heures. La durée du placement en cellule nue ne doit jamais dépasser cinq jours consécutifs. 
  1. Je recommande, conformément à la directive du ministre, que le SCC élabore et fournisse des lignes directrices nationales claires, spécifiques et cohérentes afin de garantir un traitement humain pour les placements en cellule nue, comprenant des critères particuliers et des conseils sur les éléments à fournir en matière de literie et de matelas, de nourriture, d’hygiène personnelle et d’articles de toilette, d’accès au téléphone, d’éclairage et d’interaction humaine significative. 

Mises à jour nationales

Cette section résume les questions politiques ou les cas individuels importants soulevés aux niveaux institutionnel et national au cours de la période couverte par le présent rapport. Les questions et les cas présentés ici ont fait l’objet de discussions avec les directeurs d’établissement, d’une correspondance, d’un suivi des rapports annuels précédents ou d’un point à l’ordre du jour de réunions bilatérales entre le commissaire, moi-même et nos équipes de direction respectives. Ces domaines de préoccupation non résolus, non traités ou mis à jour font toujours l’objet d’une enquête active. Par conséquent, cette section sert à documenter les progrès réalisés dans la résolution des questions d’importance ou de préoccupation nationale.

Services en matière de défense des droits des patients dans les établissements pénitentiaires fédéraux

Le 21 juin 2019, le projet de loi C-83 - Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) a reçu la sanction royale. En plus d’éliminer l’isolement administratif et disciplinaire, le projet de loi C-83 a introduit de nouvelles dispositions en matière de soins de santé dans la LSCMLC. L’article 86.1 de la LSCMLC reconnaît officiellement l’autonomie professionnelle et l’indépendance clinique des professionnels de la santé du SCC. L’article 89.1 exige que le SCC fournisse des services en matière de défense des droits des patients aux personnes incarcérées sous responsabilité fédérale afin de les aider à mieux comprendre leurs droits et responsabilités en matière de soins de santé. Ces dispositions définissent des obligations complémentaires et renforcées dans le contexte des soins de santé en milieu correctionnel.

Les recommandations en faveur d’un modèle indépendant de défense des droits des patients au sein du SCC ont été formulées bien avant le projet de loi C-83. Par exemple, le concept de conseiller indépendant en matière de droits et de défenseur des détenus a été décrit dans l’enquête du coroner de l’Ontario sur le décès évitable d’Ashley Smith (décembre 2013). Mon Bureau demande également depuis plusieurs années, en 2013 et à nouveau en 2017-2018, la nomination de défenseurs indépendants des droits des patients, « dont le rôle et les responsabilités consistent notamment à fournir aux patients détenus des conseils, une défense et un soutien et à veiller à ce que leurs droits soient pleinement compris, respectés et protégés ». Plus récemment, le Bureau a recommandé que « le SCC examine les modèles de défenseurs des droits des patients indépendants en place au Canada et à l’étranger, élabore un cadre pour les services correctionnels fédéraux et rende compte publiquement de ses intentions en 2020-2021, avec la mise en œuvre complète d’un système externe de défense des droits des patients en 2021-2022 ». Footnote 35 

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) 

Services en matière de défense des droits des patients 

89.1 Le Service fournit, à l’égard des détenus des pénitenciers désignés par le commissaire, un accès à des services en matière de défense des droits des patients pour :

  1. appuyer les détenus en ce qui a trait aux questions en matière de soins de santé;
  2. aider les détenus et les membres de leur famille ou une personne de confiance désignée par le détenu à comprendre les droits et les responsabilités des détenus en matière de soins de santé.

Obligations en matière de soins de santé 

  1. Article 86.1 Lorsque des soins de santé doivent être dispensés à des détenus, le Service :
  2.  
    1. soutient l’autonomie professionnelle et l’indépendance clinique des professionnels de la santé agréés ainsi que la liberté qu’ils possèdent d’exercer, sans influence inopportune, un jugement professionnel dans le cadre du traitement des détenus;
    2. soutient ces professionnels de la santé agréés dans la promotion, selon leur code de déontologie, des soins axés sur le patient et de la défense des droits des patients;
    3. favorise la prise de décisions fondée sur les critères appropriés en matière de soins médicaux, dentaires ou de santé mentale.

Actions et réponses du SCC à ce jour

Quatre années se sont écoulées depuis que les services de défense des droits des patients ont été inscrits dans la loi et que des fonds ont été engagés pour leur création. Selon les réponses antérieures du SCC, la mise en œuvre de son cadre de défense des droits des patients était prévue pour la fin de l’exercice 2022-2023, avec un engagement de mise en œuvre complète pour la fin de l’exercice 2023-2024. Footnote 36 Le délai fixé pour le cadre a maintenant expiré et je n’ai reçu que peu d’indications de la part du SCC quant à sa volonté d’aller de l’avant avec un modèle indépendant et externe de défense des droits des patients. En outre, le SCC s’est déjà engagé à revoir la Directive du commissaire (DC) 800 - Services de santé , le principal document de politique de santé de l’organisation, dans le but de clarifier et de renforcer le rôle de la défense des droits des patients au sein du SCC. Je n’ai pas encore vu de mises à jour approfondies et concrètes de cette politique, même si un examen était prévu en 2017. Footnote 37 

Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, la défense indépendante des droits est la norme communautaire et les défenseurs des droits des patients devraient être externes et fonctionnellement indépendants du SCC. Il s’agit d’une mesure essentielle pour un modèle efficace de défense des droits des patients dans le cadre d’un hôpital communautaire et encore plus importante dans un contexte correctionnel. Un modèle de défense indépendant garantit que les droits des patients sont protégés, que les patients reçoivent de l’aide pour explorer les options de traitement disponibles et qu’ils comprennent pleinement les implications de leurs décisions.

En réponse, le SCC a toujours affirmé que tous les membres du personnel des services de santé défendaient les droits de leurs patients : « Les professionnels de la santé, y compris ceux qui fournissent des services sous contrat, utiliseront leur expertise et leur influence pour défendre, au nom des patients, la fourniture de soins qui améliorent leur santé et leur bien-être ». Footnote 38 Le SCC a également indiqué qu’il facilitait l’accès aux défenseurs des droits des patients nommés par la province pour les personnes incarcérées et qu’il encourageait l’engagement avec des organismes non gouvernementaux (par exemple, la Société John Howard). La manière dont cela fonctionne dans la pratique n’est pas claire, certains exemples faisant état des difficultés rencontrées par les organismes provinciaux qui doivent assumer un rôle de surveillance auprès des autorités fédérales. Footnote 39 Néanmoins, cela ne suffit pas. Un modèle permanent et indépendant est nécessaire.

Bien que je respecte le fait que le rôle de chaque prestataire de soins de santé est de défendre les droits de ses patients, le modèle actuel de prestation des services de santé n’est pas suffisamment indépendant et crée un conflit d’intérêts inhérent qui ne répond pas à l’intention du législateur dans le projet de loi C-83. Footnote 40 Je reconnais que les professionnels de la santé sont les défenseurs des droits de leurs patients et je reconnais leur travail et leurs efforts inlassables auprès d’une population particulière, aux besoins importants, dans un environnement aussi difficile. Le fait est que les professionnels de la santé du SCC travaillent toujours pour le Service, même si leur indépendance clinique et leur autonomie professionnelle sont désormais formellement reconnues par la loi. Un niveau de surveillance supplémentaire est encore nécessaire pour apporter un soutien non seulement aux personnes incarcérées, mais aussi au personnel de santé du SCC. Un modèle de défenseur des droits des patients fonctionnellement indépendants est la norme dans les hôpitaux communautaires et constitue une pratique de soins de santé largement acceptée au niveau national et international. Le SCC devrait adopter cette norme communautaire essentielle.

Justifications de la défense indépendante des droits des patients

Les défis du consentement éclairé en milieu carcéral

Plusieurs raisons justifient que les défenseurs des droits des patients soient indépendants de l’administration correctionnelle. Comme je l’ai déjà souligné, les problèmes liés au consentement libre, volontaire et éclairé sont amplifiés dans un établissement pénitentiaire. De nombreux scénarios peuvent entraver l’indépendance et la capacité des individus à prendre des décisions éclairées en matière de soins de santé.

En plus d’avoir des besoins plus exigeants en matière de santé physique (taux plus élevé de maladies chroniques, problèmes de santé mentale, vieillissement de la population), les détenus sous responsabilité fédérale sont également plus susceptibles de souffrir de déficits cognitifs et de difficultés d’apprentissage (démence, Alzheimer, trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité [TDAH], trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale [TSAF], déficience intellectuelle), de l’impact de la toxicomanie et d’un niveau d’éducation formelle plus faible. Footnote 41 Les termes « volontaire » et « consentement » peuvent devenir flous dans un environnement institutionnel où les personnes n’ont pas accès à d’autres options ou à d’autres prestataires, peuvent ne pas comprendre pleinement leurs droits médicaux et juridiques et peuvent subir une influence indue, réelle ou perçue, de la part du personnel en tant que figure d’autorité.

Double loyauté et éthique médicale

Chaque fois que des professionnels de la santé doivent fournir des services dans un établissement pénitentiaire, il y a un conflit inévitable entre le fonctionnement de l’environnement institutionnel et les besoins médicaux du patient. Dans les établissements pénitentiaires, les professionnels de la santé sont régulièrement amenés à évaluer ou à surveiller des personnes qui ont fait l’objet d’un recours à la force, qui ont été placées dans des cellules nues ou qui ont été soumises à des fouilles à nu, etc. Ces situations placent les prestataires dans des positions difficiles de double loyauté. Footnote 42 

Un défenseur des droits des patients indépendant pourrait aider les professionnels de la santé du SCC à résoudre ces problèmes et d’autres questions complexes dans les établissements correctionnels, comme la pratique controversée de l’aide médicale à mourir, ou recommander des alternatives à l’incarcération pour les personnes qui ont besoin de soins palliatifs ou de longue durée ou dont les besoins complexes en matière de santé mentale ne peuvent pas être satisfaits dans un contexte correctionnel.

Le Bureau a d’abord suggéré de nommer des défenseurs des droits des patients dans les centres de traitement du SCC, car il s’agit d’hôpitaux psychiatriques désignés où les patients peuvent être involontairement internés, contraints physiquement à des fins de soins de santé, ou traités contre leur volonté. Un pénitencier qui peut également servir d’hôpital nous rappelle que le consentement dans le contexte des services correctionnels n’est pas toujours libre ou éclairé. De nombreux patients incarcérés, comme ceux qui se trouvent dans des centres de traitement, peuvent ne pas avoir la capacité requise pour consentir à leurs soins médicaux et prendre des décisions en la matière. Un défenseur des droits des patients pourrait aider les patients et le personnel à s’y retrouver dans ces complexités.

Problèmes de confiance dans les prestataires de soins de santé

Il existe également des problèmes de confiance, les personnes incarcérées ayant exprimé leurs inquiétudes et leur méfiance à l’égard des prestataires de soins de santé de la prison. Le respect de la vie privée et de l’autonomie des patients est essentiel pour établir la confiance entre les patients et les professionnels de la santé. Footnote 43 Toutefois, dans un contexte correctionnel, la confiance entre le patient et le prestataire n’est pas toujours respectée, car le personnel médical peut être amené à divulguer des renseignements ou à travailler en étroite collaboration avec le personnel de sécurité et les autorités carcérales. Il est compréhensible qu’un patient puisse avoir des problèmes de confiance avec le personnel de santé qui est employé par le même système que celui qui l’emprisonne. Cette situation met inévitablement à l’épreuve l’alliance thérapeutique entre le patient et le soignant et peut exacerber les besoins individuels en matière de soins de santé si les personnes incarcérées hésitent à demander une aide médicale ou à divulguer des renseignements. Là encore, un rôle de défenseur indépendant des droits des patients aiderait à surmonter certaines de ces difficultés en aidant les personnes incarcérées, d’un point de vue extérieur, à comprendre leurs droits et leurs options. Il aiderait également le personnel de santé à garantir la pratique du consentement éclairé avec l’aide d’une tierce partie.

Modèles nationaux et internationaux

Bien que le projet de loi C-83 reconnaisse l’obligation du SCC de soutenir l’autonomie professionnelle et l’indépendance clinique et que les professionnels de la santé devraient être en mesure de pratiquer sans influence indue, il ne s’agit pas de normes claires et applicables. De nombreux pays ont choisi de transférer la responsabilité des services de soins de santé dans les établissements correctionnels de leurs autorités judiciaires à leurs autorités sanitaires, notamment la Norvège, la France, l’Australie et la Finlande, par exemple. Malgré les débats en cours sur l’attribution de cette autorité, certaines juridictions ont fait état des avantages de cette indépendance, tels que l’amélioration des normes cliniques, une plus grande transparence et une plus grande confiance. Footnote 44 Plusieurs provinces (par exemple, la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador, l’Alberta) ont également transféré la gestion des soins de santé dans les prisons des autorités correctionnelles à leurs ministères provinciaux de la Santé respectifs. L’Alberta a également créé en 2014 le Bureau of the Alberta Health Advocates (Bureau des avocats de la santé de l’Alberta) afin de permettre à tous les Albertains de bénéficier d’une défense indépendante de leurs besoins en matière de santé mentale et physique. Le rôle du défenseur de la santé mentale, par exemple, relève de la Loi sur la santé mentale et consiste à aider les personnes qui sont ou ont été détenues à l’hôpital en vertu d’un certificat d’admission ou de renouvellement, ainsi que les personnes soumises à une ordonnance de traitement en milieu communautaire. Footnote 45 

Compte tenu des questions soulevées ici, un modèle externe et indépendant de défense des droits des patients permettrait de combler les lacunes de plusieurs façons, notamment en aidant les personnes incarcérées à comprendre leurs droits et leurs besoins en matière de soins de santé, en facilitant la tâche du personnel soignant du SCC du fait de la réduction du fardeau de la double loyauté et des dilemmes éthiques et en ajoutant une couche essentielle de défense des droits et de surveillance.

  1. Je recommande au ministre de la Sécurité publique de veiller à ce que le SCC prenne des mesures immédiates pour élaborer et mettre en œuvre un modèle externe et indépendant de défense des droits des patients afin de permettre à toutes les personnes incarcérées sous responsabilité fédérale d’avoir accès à des services de défense des droits en matière de soins de santé. 

Révision de la politique en matière de diversité des genres

Le 19 juin 2017, la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) a été modifiée pour ajouter « l’identité ou l’expression de genre » à la liste des motifs de discrimination interdits. Par conséquent, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (paragraphe 4[g]) prévoit que le Service correctionnel du Canada (SCC) a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes condamnées sous responsabilité fédérale en fonction de leur identité ou de leur expression de genre, Footnote 46 indépendamment de l’anatomie physique d’une personne ou de l’« indicateur de genre » figurant sur ses documents d’identité.

Le traitement des détenus de diverses identités de genre sous responsabilité fédérale Footnote 47 est une question de plus en plus importante pour le Bureau et un sujet qui a fait l’objet de rapports antérieurs. Footnote 48 Nous avons fait part de nos préoccupations concernant les placements en institution fondés uniquement sur l’anatomie, de la nécessité de mieux prendre en considération la sécurité et les droits des personnes de diverses identités de genre, et de la nécessité d’un point d’orientation politique unique plus complet sur les questions liées à l’identité et à l’expression de genre.

Depuis le dernier rapport du Bureau sur les questions de diversité de genre (2018-2019), le SCC a promulgué la Directive du commissaire (DC) 100 - Délinquants de diverses identités de genre , en mai 2022. L’objectif de cette DC qui remplace le Bulletin de politique provisoire (584), est le suivant :

Fournir des directives sur les changements apportés aux procédures qui reflètent l’engagement du Service correctionnel du Canada (SCC) à répondre aux besoins des délinquants de diverses identités de genre sous sa responsabilité, en respectant leurs droits de la personne et en assurant leur sécurité et leur dignité, ainsi que la sécurité d’autrui dans les établissements et dans la collectivité. 

Comme nous l’avons noté, cette directive autonome est un pas important vers la reconnaissance et la prise en considération des besoins des personnes incarcérées de diverses identités de genre. Sa promulgation signifie des ajustements politiques, culturels et opérationnels significatifs pour les établissements du SCC traditionnellement « assignées à un genre ».

Au cours de l’année à venir, le Bureau suivra de près la mise en œuvre de la DC-100, dans le but d’examiner comment ces changements se traduisent en mesures et, surtout, comment ils influent sur les expériences vécues par les personnes incarcérées de diverses identités de genre. Dans l’intervalle, il reste quelques sujets de préoccupation, en particulier :

  1. la nécessité d’une expertise externe sur les questions de diversité de genre dans les établissements correctionnels;
  2. l’équilibre entre les droits individuels et les considérations relatives à la sécurité;
  3. la nécessité de disposer de mécanismes sûrs pour signaler les abus.

 

La nécessité d’une expertise externe et d’un leadership spécialisé à tous les niveaux

En septembre 2020, le SCC a créé le Secrétariat sur les considérations liées au genre (SCG) à l’administration centrale (AC) afin de soutenir l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques, ainsi que la gestion continue du changement dans les domaines de la diversité des genres. Parmi ses activités figurent l’élaboration d’orientations, d’outils et de formations sur les questions liées au genre, ainsi que la formulation de recommandations sur la gestion des personnes de diverses identités de genre au sein de la direction. Bien que le SCG ait joué un rôle consultatif sur ces questions dans une certaine mesure, il est possible de renforcer le rôle de l’expertise externe au niveau national. La DC ne mentionne pas l’accès ou le développement de personnel spécialisé dans les questions liées à la diversité des genres au niveau régional ou institutionnel.

La gestion des questions liées à la diversité de genre requiert une formation, des compétences et une expérience particulières. Les personnes disposant d’une expertise externe dans ce domaine devraient, au minimum, être intégrées au SCC aux niveaux national et régional, et des rôles désignés pour le personnel spécialisé devraient être établis au niveau institutionnel. Un recours accru à l’expertise externe offrirait une perspective plus éclairée et contribuerait à concilier la nature opérationnelle du système correctionnel, qui est par nature « séparé en fonction du genre ». Par exemple, la DC précise actuellement que tous les transferts de personnes de diverses identités de genre vers des établissements pour femmes doivent être gérés par le Secteur des délinquantes (SD), tandis que les transferts vers des établissements pour hommes sont gérés par le Secteur des opérations et des programmes correctionnels. Bien que le Secrétariat soit référencé pour le soutien de cette pratique, un rôle établi à l’AC avec la spécialisation appropriée et plus d’autorité décisionnelle permettrait de combler cette lacune, de fournir une approche plus équilibrée et d’assurer la cohérence des pratiques.

Photo de l’entrée principale de l’espace de programmes à l’Établissement d’Edmonton pour femmes.
Entrée principale de l’espace de programmes à l’Établissement d’Edmonton pour femmes 

La formation générale du personnel est également mentionnée dans la DC, mais il existe suffisamment de recherches pour suggérer que la formation de base du personnel (en particulier dans les domaines des préjugés et de la discrimination) Footnote 49 n’est pas suffisante pour se traduire par des changements culturels et comportementaux significatifs. Une fois encore, nous reconnaissons les efforts du Secrétariat au niveau national; cependant, la mise en place d’un personnel spécialisé au niveau régional et au niveau opérationnel faciliterait davantage un effet d’entraînement qui contribuerait à un changement culturel et à des pratiques plus respectueuses des personnes de diverses identités de genre.

Droits individuels contre sécurité et aversion du risque

Comme le Bureau l’a déjà souligné, l’une de nos principales préoccupations concernant cette politique et le guide décisionnel correspondant Footnote 50 est l’équilibre entre les préoccupations en matière de sécurité et les droits individuels. En examinant la politique, nous avons noté que toutes les décisions doivent être prises en tenant compte de l’identité et de l’expression de genre, à moins qu’il n’y ait des « raisons impérieuses en matière de santé ou de sécurité ». Cette déclaration est largement utilisée dans de nombreux documents du SCC relatifs à la diversité des genres, sans que les paramètres de ce qui constitue un « problème de santé ou de sécurité » ne soient clairement définis. Le SCC mentionne le « seuil » de la contrainte excessive dans le cadre du processus de prise de décision, avec peu de contexte ou d’exemples concrets. Par exemple, le Bureau a reçu plusieurs plaintes de personnes faisant état de difficultés à être transférées dans un établissement correspondant à leurs besoins en matière de diversité de genre. Celles-ci ont également fourni des exemples de refus d’accès à certains vêtements et articles, bien qu’il n’y ait pas de justification claire relative à la sécurité.

Une définition plus claire est nécessaire, car refuser à une personne un transfert d’un établissement pour hommes vers un établissement pour femmes (ou vice versa), en raison de problèmes de santé ou de sécurité « dominants », pourrait mettre en péril la sécurité de cette personne dans son établissement actuel. L’imprécision de la définition et des paramètres relatifs à l’utilisation justifiée des dérogations expose le processus décisionnel à une utilisation excessive des dérogations, potentiellement en faveur d’une approche de gestion des risques, qui peut entrer en conflit avec les besoins et les droits individuels.

Protection et mécanismes de signalement des abus

La DC ne fait état d’aucun effort visant à créer des espaces sécurisés ou des mécanismes de signalement permettant aux personnes de diverses identités de genre de signaler les abus. Comme le Bureau l’a déjà signalé, les personnes de diverses identités de genre qui se trouvent dans un environnement carcéral courent un risque plus élevé d’être victimes de violence, d’intimidation, de harcèlement et d’agression sexuelle, en particulier si l’établissement dans lequel elles sont placées ne correspond pas à leur identité ou à leur expression de genre. Footnote 51 

Au cours de l’année écoulée, le Bureau a reçu de nombreuses plaintes pour discrimination, harcèlement et abus de la part du personnel et d’autres détenus à l’encontre de personnes de diverses identités de genre. Plusieurs personnes se sont inquiétées pour leur sécurité physique, certaines choisissant de s’isoler pour se protéger. Nous avons entendu parler d’agressions physiques et de harcèlement sexuel, de fouilles à nu effectuées par des membres du personnel ne respectant pas le protocole approprié, de recours inapproprié à la force et de termes désobligeants utilisés à la fois par le personnel et par d’autres personnes incarcérées. Nous avons également entendu parler de plusieurs cas où des personnes ont signalé le comportement problématique de la part d’un membre du personnel au moyen des mécanismes habituels, pour ensuite faire l’objet d’un nouveau harcèlement. Il est manifestement nécessaire que la politique définisse des pratiques concrètes pour assurer une protection renforcée et mettre en place des mécanismes de signalement des abus, ainsi que des espaces sûrs pour cette population. Par exemple, la Loi fédérale américaine sur l’élimination du viol dans les prisons (Prison Rape Elimination Act) reconnaît, dans la législation fédérale, que les personnes de diverses identités de genre sont plus exposées à la violence et à la coercition sexuelles, et recommande aux établissements de mettre en place des mécanismes de protection renforcés afin de réduire ce risque et d’offrir des espaces plus sûrs.

Aller de l’avant

En outre, le Bureau a l’intention de suivre l’évolution des domaines de pratique, notamment ce qui suit : les rôles, les responsabilités et les normes de soins pour les services de santé, la sensibilisation et la compétence en matière de diversité de genre, y compris le langage et la terminologie, et les considérations relatives aux procédures d’évaluation de l’admission, au classement de sécurité et aux besoins en matière de programmes pour les personnes de diverses identités de genre. Le Bureau reconnaît qu’il s’agit de questions complexes pour lesquelles il n’existe pas de solutions simples, en particulier dans le contexte d’environnements qui sont intrinsèquement fondés sur la ségrégation sexuelle. Pour répondre aux besoins et faire respecter les droits des personnes de diverses identités de genre qui purgent des peines fédérales, il faudra résoudre les problèmes à la pointe du progrès, tirer parti des connaissances et des pratiques prometteuses des partenaires internationaux et écouter les experts et les personnes qui ont vécu des expériences, car ils sont les mieux placés pour orienter les solutions.

  1. Je recommande au SCC de prendre des mesures supplémentaires pour répondre aux besoins et protéger les droits des personnes de diverses identités de genre, notamment les suivantes : 
    1. Créer un rôle consultatif externe pour éclairer la prise de décision concernant les personnes de diverses identités de genre. 
    2. Clarifier la pratique du recours aux « préoccupations prioritaires en matière de santé ou de sécurité » en établissant des paramètres, des lignes directrices supplémentaires et des exemples clairs. 
    3. Mettre en place de nouveaux mécanismes institutionnels permettant aux personnes de diverses identités de genre de signaler les abus en toute sécurité. 

Options minimales pour les femmes incarcérées sous responsabilité fédérale dans des unités à sécurité minimale

Au cours de l’exercice 2014-2015, des unités autonomes à sécurité minimale ont été ouvertes dans quatre des cinq établissements régionaux pour femmes Footnote 52 , dans le but d’offrir l’environnement le moins restrictif possible en vue de favoriser une réinsertion sûre et rapide. En mettant davantage l’accent sur l’indépendance et la libération progressive et supervisée, ces unités devaient permettre aux femmes d’avoir accès à la communauté et de bénéficier d’un soutien communautaire après leur libération. Malheureusement, à ce jour, ces objectifs n’ont pas été pleinement atteints. D’après les visites d’établissements et les plaintes reçues des femmes, il est évident que ces unités sont sous-utilisées et ne bénéficient pas d’un soutien suffisant. En fait, au moment de la rédaction du présent rapport, le taux d’occupation global de ces unités à sécurité minimale n’était que de 66 %. Outre le problème de vacance, le désœuvrement excessif dans les unités, le manque d’accès au personnel chargé de la gestion des cas et le manque de possibilités d’accès à la communauté de manière significative comptent parmi les obstacles les plus importants à la réinsertion rapide et sûre des femmes incarcérées.

Photo d’une fresque à l’Établissement de la vallée du Fraser illustrant les « principes du changement » introduits par le rapport La création de choix.
Fresque à l’Établissement de la vallée du Fraser illustrant les « principes du changement » introduits par le rapport La création de choix 

Un environnement incompatible avec La création de choix 

La création de choix , le plan directeur pour les services correctionnels pour femmes, propose cinq principes directeurs : 1) l’autonomisation, 2) des choix significatifs et responsables, 3) le respect et la dignité, 4) un environnement favorable, et 5) le partage des responsabilités. D’un point de vue environnemental et physique, les lacunes suivantes des unités à sécurité minimale empêchent la mise en œuvre de ces principes :

  • Toutes les unités à sécurité minimale ne disposent pas de terrains sacrés dédiés à l’extérieur du périmètre clôturé de l’établissement, ce qui peut limiter l’accès aux sueries et autres cérémonies culturelles;
  • Certaines zones de visite ne permettent pas de respecter l’intimité;
  • Les possibilités d’activités de loisirs sont considérablement réduites (par exemple, la salle de sport et la bibliothèque sont plus petites et disposent de moins de ressources);
  • Les terrains extérieurs environnants ne sont pas spacieux;
  • Les installations pour le programme mère-enfant ne sont pas suffisantes;
  • Les téléphones des délinquantes ont un accès limité et sont situés dans des zones ouvertes, ce qui ne permet que très peu d’intimité.

Désœuvrement excessif dans les unités à sécurité minimale (USM)

Comme je l’ai indiqué dans mon rapport annuel 2015-2016, un an après leur ouverture, les femmes résidant dans les unités à sécurité minimale faisaient état d’un désœuvrement extrême, avec peu de possibilités de quitter l’unité à de fins utiles. Cette triste réalité ne s’est pas améliorée au cours des années qui ont suivi. Le personnel partage également les mêmes préoccupations.

« Nous appelons cette unité la Terre oubliée »         
– Personnel des unités à sécurité minimale 

L’ennui dans ces unités semble être un obstacle important à la réinsertion. Mon équipe d’enquêteurs a été le témoin direct d’un malaise général. Dès l’entrée dans une unité à sécurité minimale, le silence est assourdissant, mais ce n’est pas parce que les femmes ne sont pas dans l’unité et participent à des activités productives qui contribuent à leur réhabilitation ou à leur processus de réinsertion. Au lieu de cela, les femmes sont souvent vues en train de flâner ou de marcher dans les couloirs sans but précis, de parler au téléphone ou de regarder la télévision. En fait, il est rare de voir des femmes activement engagées dans le travail, les programmes ou d’autres activités.

Entreposage de femmes

Une résidente de l’USM interrogée au cours de l’été 2022 a déclaré qu’elle avait l’impression d’être « entreposée » et qu’elle n’avait pas grand-chose à faire. En l’absence d’activités intéressantes, elle a déclaré qu’elle passait ses journées à bronzer dans la cour de l’USM. En outre, elle a déclaré se sentir déprimée, désespérée et généralement démotivée.

Étant donné le peu de possibilités offertes au sein des unités à sécurité minimale, certaines femmes bénéficiant d’une sécurité minimale choisissent de résider dans l’enceinte principale, à sécurité moyenne (à l’intérieur de la clôture). Actuellement, dans trois des quatre sites disposant d’une USM, des femmes bénéficiant d’une sécurité minimale résident à la fois dans l’USM et dans l’enceinte à niveaux de sécurité multiples. Le fait même que certaines femmes choisissent volontairement de rester dans un environnement plus sûr et institutionnalisé est un signal d’alarme indiquant que ces unités ne fonctionnent pas comme prévu. En outre, le personnel de mon Bureau a entendu dire que le désir et la motivation de travailler en vue d’un classement sécurité minimale et d’un retour plus progressif dans la communauté sont tout simplement absents parmi les femmes de certains établissements.Les USM sont perçues comme une option peu attrayante, de ce fait, de nombreuses femmes ne voient pas l’intérêt de s’efforcer d’obtenir un classement de sécurité minimale. Au lieu de cela, certaines choisissent d’attendre dans un environnement de sécurité moyenne jusqu’à leur date de libération d’office. Elles indiquent que les possibilités offertes par l’USM ne compensent pas le travail requis, ni les facteurs de stress et les défis associés au changement de résidence.

Des taux d’occupation des pavillons de ressourcement pour femmes étonnamment faibles

Quarante et un pour cent de toutes les femmes placées en sécurité minimale sont autochtones. Pourtant, les trois pavillons de ressourcement pour les femmes ne sont utilisés qu’à 52 % de leur capacité. Comme je l’ai expliqué plus en détail dans mon enquête Dix ans depuis Une question de spiritualité (partie 2) , les pavillons de ressourcement offrent aux femmes la possibilité de retrouver l’espoir, la dignité et le sens de leur valeur, tout en établissant un lien avec leur culture, leur famille et leur communauté. Leur rôle dans la réinsertion est crucial et leur sous-utilisation est très préoccupante. Les recherches menées par le SCC montrent que les résidents des pavillons de ressourcement sont plus susceptibles de terminer les programmes correctionnels et autres, et de participer à un plus grand nombre de permissions de sortir avec ou sans escorte, ainsi qu’à des placements à l’extérieur, autant d’indicateurs d’une mise en liberté réussie. Tout doit être mis en œuvre pour accroître l’utilisation des pavillons de ressourcement pour les femmes autochtones.

Accès inadéquat à l’équipe de gestion des cas et à la préparation à la mise en liberté dans la communauté

Les éléments fondamentaux d’une gestion de cas efficace dans un environnement centré sur la femme sont l’engagement, une communication fréquente et efficace, l’établissement de relations saines et le soutien. Footnote 53 Pourtant, trois des quatre USM n’ont pas de personnel de gestion de cas sur place. Les agents de libération conditionnelle en établissement, les agents de programmes sociaux, les agents de programmes et les Aînés travaillent surtout dans l’enceinte principale des établissements à sécurité moyenne. Les réunions n’étant organisées que sur demande, de nombreuses femmes rencontrent des difficultés pour entrer en contact avec les membres de leur équipe de gestion de cas. Au quotidien, de nombreuses femmes bénéficiant d’une sécurité minimale ne voient que du personnel correctionnel. Les femmes signalent qu’elles se sentent ainsi institutionnalisées dans un environnement qui est censé être favorable et propice à l’épanouissement. Conformément à La création de choix , les femmes ont besoin d’être soutenues et non contrôlées. Les femmes disent se sentir impuissantes et estiment que les équipes chargées de la gestion de leur cas ne font pas d’efforts concertés pour apprendre à les connaître.

« J’ai dû harceler mon agent de libération conditionnelle pour obtenir des renseignements sur les maisons de transition »         
– Résidente d’une USM 

Certains sites ont reconnu que le fait d’avoir peu de personnel dans l’USM donne aux femmes le sentiment d’être déconnectées et isolées. Dans un site, le directeur s’est engagé à travailler dans l’USM tous les mercredis, un effort qui a été baptisé « mercredi du directeur ». Bien qu’il s’agisse d’un pas dans la bonne direction, cette pratique aurait cessé et n’a certainement pas répondu au besoin permanent des femmes placées en sécurité minimale d’établir des relations avec le personnel, ni apporté le soutien et le sentiment d’inclusion dont elles ont besoin.

Pour bénéficier d’une aide à la réinsertion, comme les permissions de sortir, les placements à l’extérieur et la libération conditionnelle, il faut notamment une recommandation de l’agent de libération conditionnelle de l’intéressée. Sans contact régulier, l’obtention de ce soutien et d’une recommandation positive prend naturellement plus de temps. En conséquence, les femmes déclarent avoir du mal à « faire leurs preuves » auprès des membres de leur équipe de gestion de cas et disent qu’on leur dit d’attendre que leur agent de libération conditionnelle « apprenne à mieux les connaître », une tendance qui, malheureusement, existe depuis des années. Le processus d’obtention d’un soutien pour la mise en liberté sous condition nécessite une évaluation correcte des besoins et des risques au moyen d’une communication fréquente, ainsi que l’établissement d’un rapport et d’une relation de confiance. Pour ce faire, les agents de libération conditionnelle et les autres membres du personnel de gestion de cas doivent avoir une présence constante et donc travailler au moins à temps partiel depuis l’USM ou se rendre régulièrement dans l’unité.

Peu de permissions de sortir et de placements à l’extérieur

La création d’USM autonomes s’inscrit dans le cadre d’un effort visant à accroître les possibilités de permissions de sortir avec escorte (PSAE), de permissions de sortir sans escorte (PSSE) et de placements à l’extérieur pour les femmes bénéficiant d’une sécurité minimale. Les permissions de sortir jouent un rôle important et efficace dans la réinsertion progressive des femmes dans la communauté. En général, plus les individus participent à des permissions de sortir, plus les avantages sont importants. Les recherches menées par le SCC ont montré que plus une personne bénéficie de permissions de sortir, moins elle est susceptible de retourner en détention. Footnote 54 

Malgré ces avantages, les permissions de sortir et les placements à l’extérieur ont été largement sous-utilisés. Par exemple, au cours de l’année écoulée, la plupart des sites n’ont pu réaliser en moyenne qu’une permission de sortir avec escorte non médicale par semaine pour l’ensemble des femmes placées en sécurité minimale. S’il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID-19 a considérablement réduit les possibilités de permissions de sortir et d’accès à la communauté, le faible nombre de permissions de sortir et de placements à l’extérieur n’est pas strictement dû à la pandémie. Lorsque le Bureau a fait rapport sur cette question au cours de l’exercice 2015-2016, nous avons relevé les problèmes suivants concernant les permissions de sortir :

  • délais importants liés aux décisions de gestion de cas;
  • difficulté à trouver du personnel d’escorte;
  • difficulté à trouver des bénévoles;
  • manque de partenaires communautaires pour appuyer les permissions de sortir;
  • annulations de dernière minute des permissions de sortir.

Obstacles à une réinsertion sûre et rapide

L’expérience de la sécurité minimale se traduit différemment pour les femmes qui purgent une peine à durée déterminée ou indéterminée. Sur les 133 femmes ayant actuellement un classement de sécurité minimale, 73 % purgent une peine de durée déterminée, tandis que 27 % purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité. En l’absence de date de mise en liberté obligatoire, les femmes condamnées à perpétuité sont susceptibles de passer plus de temps dans des établissements à sécurité minimale, dans le but de se préparer à une éventuelle semi-liberté ou à une libération conditionnelle totale. Lorsqu’il existe peu de ressources et d’activités pour aider à cette préparation, ce processus stagne et les femmes finissent par passer plus de temps que nécessaire en prison.

Sur les 97 femmes ayant une date de libération d’office (DLO), un tiers a une DLO qui tombe dans l’année à venir et deux tiers ont une DLO qui tombe dans les deux ans à venir. Il est essentiel que les personnes qui approchent de la libération soient préparées en temps voulu et avec succès, et qu’elles bénéficient d’une période de surveillance de la libération conditionnelle. Les retards dans l’accès à la libération conditionnelle signifient que les femmes ont moins de temps pour bénéficier d’une surveillance et d’un soutien dans la communauté avant leur DLO et la fin de leur peine. Cela réduit inévitablement les chances d’une réinsertion sûre et réussie, et augmente la probabilité de récidive.

Actuellement, une grande partie des détenues ayant un classement de sécurité minimale restent incarcérées au-delà de leur date de semi-liberté et de leur date d’admissibilité à la libération conditionnelle totale. En fait, parmi les femmes condamnées à perpétuité, 39 % et 25 % ont dépassé leur date d’admissibilité à la semi-liberté et à la libération conditionnelle totale, respectivement. Pour les femmes purgeant une peine de durée déterminée, les taux sont encore plus alarmants, 52 % et 28 % d’entre elles ayant dépassé leur date de semi-liberté et de libération conditionnelle totale, respectivement. Cela signifie qu’au lieu de bénéficier d’une libération progressive et surveillée et d’accéder à des programmes, à une formation professionnelle et à d’autres ressources dans la communauté, elles restent peut-être inutilement incarcérées.

Photo de l’unité à sécurité minimale de l’Établissement Nova pour femmes.
Établissement Nova pour femmes – Unité à sécurité minimale 

Conclusion

Il est clair que les USM ne fonctionnent pas dans l’esprit et l’intention de La création de choix . En outre, lorsque le tiers de lits vides dans les USM est juxtaposé aux taux d’occupation en surcapacité dans certaines unités à sécurité maximale, ce qui entraîne le transfert indu de femmes de leur communauté d’origine, il est clair que des problèmes systémiques plus vastes sont en jeu. Le classement de sécurité, le passage en temps voulu à un niveau de sécurité inférieur et la capacité du SCC à gérer stratégiquement la population des femmes détenues sous responsabilité fédérale sont des questions qui doivent être améliorées.

La transition vers la communauté peut être difficile, en particulier pour les femmes qui ont été incarcérées pendant une longue période. Bien que la réussite de la réinsertion dépende en grande partie des efforts et de la motivation intrinsèques d’une personne, elle dépend également des possibilités et des ressources qui lui sont offertes. Les femmes ne représentant qu’un faible pourcentage de l’ensemble des personnes incarcérées, il peut être difficile d’obtenir des services et des aides au sein de la communauté. Nous savons que les femmes ont des besoins uniques, qu’il s’agisse de services résidentiels, de programmes et de programmes de maintien des acquis, de besoins en matière de santé mentale, de conseils sur les traumatismes, d’aide à la toxicomanie, de services à l’enfance et à la famille. Il est impératif que le SCC mette tout en œuvre pour assurer une planification de la mise en liberté opportune, appropriée et sûre, avec des ressources et des moyens adéquats pour répondre aux divers besoins des femmes. Pour ce faire, il faut que chaque établissement dispose d’une ressource spécialisée pour renforcer les partenariats avec les bénévoles et les groupes et organisations communautaires, et travailler en étroite collaboration avec toutes les femmes sur un plan structuré et pertinent pour leur mise en liberté.

  1. Je recommande au SCC de procéder à un examen des USM dans le but de réaffecter les ressources pour faire en sorte que les femmes ayant un classement de sécurité minimale bénéficient de programmes, de services et d’activités communautaires afin qu’elles soient prêtes le plus tôt possible à retourner dans la communauté.         

     
  2. Je recommande au ministre de la Sécurité publique d’ordonner au SCC d’augmenter considérablement le recours aux permissions de sortir et aux placements à l’extérieur pour les femmes ayant un classement de sécurité minimale, afin qu’elles puissent avoir régulièrement accès à la communauté, ce qui leur offrirait davantage d’options et augmenterait leurs chances de réussir leur réinsertion. 

Cinquième comité d’examen indépendant sur les décès de causes non naturelles survenus en établissement

Dans mon rapport annuel de 2017-2018, j’ai soulevé de sérieuses préoccupations concernant le processus d’enquête et le rapport du SCC sur l’émeute de décembre 2016 au Pénitencier de la Saskatchewan . Footnote 55 Les conclusions de mon Bureau, issues d’une visite et d’entretiens menés immédiatement après l’émeute, différaient considérablement des conclusions du comité d’enquête nationale (CEN) du SCC. En outre, les conclusions publiques minimales que le SCC a publiées sur son site Web concernant cet incident ne reflétaient ni ne représentaient fidèlement les conclusions de sa propre enquête. Certes, mes conclusions allaient au-delà de l’immédiateté des causes et des conséquences de cette émeute meurtrière, et comportaient quelques critiques sérieuses qui remettent en question l’adéquation et l’opportunité de l’enquête menée par le SCC à la suite d’un incident grave. En résumé, mes conclusions sur le rapport et la procédure utilisés par le SCC pour enquêter sur cette émeute sont les suivantes :

  1. Les conclusions, les leçons apprises et les recommandations des comités d’enquête nationaux sont rarement à la hauteur de la gravité des incidents examinés (troubles majeurs, agressions, émeutes, lésions corporelles graves et décès en détention).         
     
  2. La procédure utilisée par le comité d’enquête national n’est pas libre, impartiale ou indépendante du Service correctionnel du Canada, que ce soit dans sa forme, sa fonction ou son apparence.         
     
  3. Les normes d’enquête (crédibilité, rigueur, intégrité, exhaustivité, qualité) ne sont pas systématiquement respectées d’un comité d’enquête à l’autre.         
     
  4. Il n’existe aucune obligation de divulgation publique ni de diffusion interne concernant les rapports des comités d’enquête.         
     
  5. L’accent mis par le comité d’enquête sur le respect des politiques et des procédures ne permet pas souvent de s’attaquer aux causes sous-jacentes des incidents récurrents, ce qui entrave l’apprentissage et limite les améliorations.         
     

J’ai conclu mon enquête sur l’émeute du Pénitencier de la Saskatchewan en émettant cette recommandation :

Je recommande au ministre de la Sécurité publique de procéder à un examen indépendant du processus de l’article 19 du comité d’enquête national afin d’améliorer la transparence, la crédibilité, l’intégrité et la responsabilité des enquêtes organisées et menées par le Service correctionnel du Canada. Cet examen envisagerait la possibilité pour le Ministre d’autoriser une enquête externe et indépendante sur les troubles majeurs (émeutes) ayant entraîné des blessures ou la mort, les suicides en isolement et les interventions avec recours à la force ayant entraîné des blessures corporelles graves ou la mort. 

La réponse initiale du ministre de la Sécurité publique à ma recommandation a été positive, indiquant que le SCC était, à l’époque, sur le point de convoquer le cinquième comité d’examen indépendant (CEI) sur les décès en détention et que ce processus d’examen anticipé pourrait donner lieu à des suggestions sur la manière d’améliorer le processus d’enquête du SCC. En fait, il s’est avéré qu’en plus d’évaluer l’indépendance et l’impartialité du processus d’enquête du SCC, le comité a été spécifiquement chargé d’examiner les conclusions de mon Bureau dans l’affaire de l’émeute du Pénitencier de la Saskatchewan, ainsi que la recommandation qui en a résulté pour le Ministre.

Le cinquième CEI devait débuter ses travaux en 2019. Le Bureau a été informé qu’un projet de rapport du comité a été fourni à la Direction des enquêtes sur les incidents du SCC à l’automne 2020, mais qu’il n’avait pas encore été finalisé. Il a fallu une année entière et de nombreuses demandes par correspondance officielle pour qu’une copie finale du rapport (novembre 2021) soit fournie à mon Bureau. Le rapport formule 31 recommandations, dont un certain nombre de suggestions visant à renforcer l’indépendance fonctionnelle et l’intégrité de la procédure et de la structure d’enquête du Service. Bien que mon Bureau s’attende à ce que les rapports du CEI soient rendus publics, ils n’ont été publiés qu’en février 2023. Footnote 56 Au moment de la rédaction du présent rapport annuel, le Service n’a pas encore répondu aux recommandations du CEI et, d’après ce qui a été observé à ce jour, n’a pas non plus pris de mesures pour les mettre pleinement en œuvre. De tels retards dans la réponse ou la mise en œuvre des recommandations, qui remontent à mon rapport initial 2017-2018, sont déraisonnables et inacceptables.

Sur le point précis de savoir comment et par qui les incidents entraînant des blessures graves ou la mort devraient faire l’objet d’une enquête, le rapport du CEI recommande de « nommer des observateurs indépendants dans les cas envisagés par la recommandation formulée dans le rapport annuel 2017-2018 du BEC (émeutes, suicides en isolement, recours à la force entraînant la mort ou des blessures graves) ». Bien que le CEI reconnaisse qu’il devrait y avoir un plus grand degré d’indépendance dans le système d’enquête sur ces incidents, il n’est finalement « pas convaincu qu’il y ait un besoin pressant, à ce stade, de nommer un enquêteur externe et indépendant pour mener de telles enquêtes ».

Bien que je sois déçu par la conclusion du comité sur ces questions, je continue de penser que ma recommandation initiale, limitée aux circonstances que j’ai déterminées précédemment, reste raisonnable et justifiable. En outre, je suis d’avis que les normes internationales établies par les Règles Nelson Mandela et le Protocole du Minnesota relatif aux enquêtes sur les décès résultant potentiellement d’actes illégaux (2016) nécessitent un examen plus approfondi, en particulier en ce qui concerne les perceptions de l’indépendance des enquêtes lorsqu’une personne meurt ou est gravement blessée sous la responsabilité de l’État dans des circonstances douteuses. Par conséquent, si un incident rare et exceptionnel de cette nature se produit, le SCC ne devrait pas enquêter sur lui-même. Au lieu de cela je demanderai au Ministre d’ouvrir une enquête externe en vertu de la Loi fédérale sur les enquêtes. 

  1. Je recommande au ministre de la Sécurité publique d’ouvrir des enquêtes indépendantes en vertu de la Loi sur les enquêtes concernant les émeutes dans les prisons ayant entraîné la mort, les suicides dans les unités d’intervention structurées, les interventions avec recours à la force ayant entraîné la mort et les meurtres commis par un libéré conditionnel fédéral au sein de la communauté.         

     
Vue d'une 'passerelle' donnant sur un espace dédié aux programmes à l'Établissement d'Edmonton.
Établissement d’Edmonton – Vue d’une “passerelle” donnant sur un espace dédié aux programmes. 

MISES À JOUR NATIONALES

Dix ans depuis Une question de spiritualité : Enjeux autochtones dans les services correctionnels fédéraux (Partie II)

« Notre surreprésentation me dérange. Nous n’avions pas besoin de prisons avant le contact! Nous savions quand les gens avaient besoin de nous et nous nous soutenions mutuellement ».         
– Aîné 

« Nous estimons qu’en tant que détenus des Premières Nations, le traitement que nous recevons (…) est du même ordre que celui des pensionnats coloniaux. On nous a rabaissés, on nous a menti! Notre culture et notre spiritualité ont été confisquées, une fois de plus, par des abus. Cela ne favorise pas les relations ».         
– Autochtone incarcéré 

« Le Service correctionnel est un bon exemple d’un problème plus vaste. Ils prennent des décisions sans compréhension culturelle et le font sous couvert que ces décisions sont menées par les Autochtones ».         
– Personnel du pavillon de ressourcement géré par la communauté 

« Il y a une rupture dans le continuum de soins du SCC, et il n’y a pas de véritable continuité des soins culturels ».         
– Personnel 

Introduction et contexte

La surreprésentation des peuples autochtones dans les pénitenciers fédéraux est un sujet de préoccupation documenté depuis la création du Bureau il y a cinquante ans. La lutte contre les inégalités et la discrimination à l’égard des Autochtones dans les prisons a été l’une des premières questions soumises à la toute première enquêtrice correctionnelle, Mme Inger Hansen. Depuis lors, les préoccupations des détenus autochtones sous responsabilité fédérale font partie des rapports du Bureau, bien que les appels à la réforme soient devenus plus précis et plus urgents avec la publication des rapports annuels successifs. Dans le contexte de la relation trouble et délicate du Canada avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits, je suis profondément frustré et déçu chaque fois que je signale que l’on a atteint ou dépassé une autre triste étape dans la surreprésentation persistante des peuples autochtones sous le coup d’une peine fédérale.

Bien entendu, mon Bureau n’a pas été le seul à tirer la sonnette d’alarme à plusieurs reprises. Dès 1999, le plus haut tribunal du Canada, dans la décision fondatrice de R. c. Gladue , a observé que la surreprésentation des Autochtones reflétait une « crise » dans le système de justice pénale du Canada. Lorsque l’enquête initiale du Bureau intitulée Une question de spiritualité a été présentée sous la forme d’un rapport spécial au Parlement en mars 2013, le taux de représentation des peuples autochtones dans les prisons fédérales s’élevait à un peu moins de 25 %. Dix ans plus tard, ce taux s’élève à un peu moins de 33 %, ce qui représente plus de 4 200 Autochtones. L’augmentation constante et ininterrompue de la représentation disproportionnée des Autochtones sous le coup d’une peine fédérale n’est rien de moins qu’une parodie nationale et reste l’un des défis les plus pressants du Canada en matière de droits de la personne.

Proportions d’Autochtones (Premières Nations, Métis et Inuits) placés sous la garde du gouvernement fédéral




 
Pourcentage de la         
population incarcérée         

 
Pourcentage de personnes         
autochtones incarcérées         

 
Premières Nations22,670,1
Métis8,626,8
Inuit1,03,1
Total 32 100 

En publiant le premier rapport intitulé Une question de spiritualité (2013), mon prédécesseur, M. Howard Sapers, a conclu que les dispositions propres aux Autochtones de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), articles d’intention délibérément adoptés par le Parlement en 1992 pour réduire la surreprésentation, étaient « chroniquement sous-financés, sous-utilisés et appliqués de manière inégale par le Service correctionnel. En ne répondant pas pleinement à l’intention du Parlement […], le système correctionnel fédéral perpétue les conditions désavantageuses pour les Autochtones du Canada ». Comme le montrent clairement mes conclusions actualisées, dix ans plus tard et plus de trente ans après la promulgation de la LSCMLC , le sort des Autochtones derrière les barreaux n’a cessé de s’aggraver. En effet, la population carcérale du Canada devient de plus en plus autochtone de manière inquiétante et déraisonnable.

Photo d’une rangée ornée de fresques autochtones entre les portes des cellules à l’Établissement du Pacifique.
Rangée à l’Établissement du Pacifique 

D’autres ont documenté de manière plus complète et exhaustive les circonstances et les conditions qui contribuent à la surreprésentation des Autochtones dans le système carcéral. Néanmoins, les causes générales de la surreprésentation méritent d’être rappelées, à la fois pour comprendre comment nous en sommes arrivés là et, peut-être plus important encore, comment l’héritage du colonialisme continue d’alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination et d’apathie à l’égard des peuples autochtones. Résultant des répercussions du colonialisme, les circonstances de la délinquance des personnes autochtones incarcérées sont souvent liées à des inégalités socioéconomiques, politiques et culturelles, à des traumatismes et abus intergénérationnels, aux pensionnats autochtones, aux organismes de protection de la jeunesse et à la rafle des années 60, entre autres facteurs. Les taux de pauvreté, de toxicomanie et d’itinérance sont plus élevés dans les communautés autochtones et les taux d’éducation formelle et d’emploi sont plus faibles, autant de facteurs parmi d’autres, ce qui reflète les effets intergénérationnels et actuels du colonialisme et du racisme systémique. La toxicomanie est liée à des taux élevés de pauvreté et de chômage, ainsi qu’à l’éclatement des familles et des communautés parmi les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Ces facteurs socioéconomiques et historiques entraînent une augmentation des contacts (et des nouveaux contacts) des Autochtones avec le système de justice pénale du Canada, le fameux phénomène de la porte tournante qui maintient les peuples autochtones dans la criminalité, la marginalisation et la surreprésentation dans le système correctionnel.

La sensibilisation du public aux effets persistants de la colonisation, tels que les répercussions intergénérationnelles des pensionnats autochtones et de la rafle des années 60, s’est accrue au cours de la dernière décennie, depuis la publication du premier rapport du Bureau intitulé Une question de spiritualité . Comme nous l’avons expliqué l’année dernière, dans la première partie de notre mise à jour du rapport Une question de spiritualité , le gouvernement fédéral s’est récemment réengagé à faire progresser la réconciliation et à construire des relations de nation à nation avec les peuples autochtones. Parmi les autres moteurs de changement contemporains, citons les appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation (CVR), les appels à la justice de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA) et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA).

Parmi ces appels à l’action et à la justice pour réduire la surreprésentation des Autochtones dans le système correctionnel fédéral, les plus pertinents restent pour la plupart sans réponse :

  • La recommandation no 30 de la CVR invite les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à s’engager à éliminer la surreprésentation des Autochtones en détention au cours de la prochaine décennie.
  • Recommandation no 35 de la CVR demande au gouvernement fédéral d’éliminer les obstacles à la création de nouveaux pavillons de ressourcement autochtones au sein du système correctionnel fédéral.
  • Recommandation no 37 de la CVR demande au gouvernement fédéral de soutenir davantage les programmes autochtones dans les maisons de transition et les services de mise en liberté sous condition.
  • La recommandation no 42 de la CVR appelle les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à s’engager à reconnaître et à mettre en œuvre des systèmes de justice autochtones.
Photo d’une murale sur le thème de Chaque enfant compte réalisée par les détenus de l’unité des Sentiers autochtones à l’Établissement de Stony Mountain.
Murale sur le thème de Chaque enfant compte réalisée par les détenus de l’unité des Sentiers autochtones à l’Établissement de Stony Mountain 

Pour sa part, l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA) souligne la nécessité de remédier à la surreprésentation des femmes autochtones dans les établissements correctionnels, qui représentent aujourd’hui près de 50 % de l’ensemble des détenues, et de veiller à ce que les programmes et les services destinés aux femmes autochtones incarcérées soient adaptés à leur culture. Le rapport demande au gouvernement de mettre en œuvre les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition propres aux Autochtones, notamment en créant davantage de pavillons de ressourcement, en appliquant les facteurs de l’histoire sociale autochtone dans toutes les décisions concernant les femmes autochtones et les personnes 2ELGBTQQIA, et en garantissant le rôle des Aînés dans la prise de décision pour tous les aspects de la planification concernant les femmes autochtones et les personnes 2ELGBTQQIA.

Il est significatif que les rapports du Bureau sur les services correctionnels pour les Autochtones au cours de la dernière décennie aient inspiré ou repris pratiquement toutes ces orientations de réforme. Il y a cinq ans, dans mon tout premier rapport annuel en tant qu’enquêteur correctionnel, j’ai laissé entendre que le gros du travail pour relever l’énormité des défis que pose la surreprésentation des Autochtones dans le système correctionnel venait à peine de commencer, et que des actions plus rapides, intentionnelles et audacieuses s’imposaient :

Le SCC et le gouvernement du Canada doivent transférer plus complètement les responsabilités, mais surtout les ressources et le contrôle, aux populations autochtones. Dans la pratique, cela pourrait entraîner une réaffectation des dépenses en fonction de la proportion d’Autochtones purgeant une peine fédérale. Les fonds réaffectés seraient redéployés pour créer de nouvelles capacités de lits communautaires, en particulier dans les zones urbaines, et des installations supplémentaires au titre de l’article 81, des programmes et des services véritablement autochtones gérés par et pour les communautés autochtones. L’assouplissement des leviers et des instruments du contrôle correctionnel, que certains qualifieraient de colonial, s’inscrit dans la voie de la réconciliation entre le Canada et ses Premières Nations. Bien entendu, le transfert des pouvoirs correctionnels ne se fera que s’il y a un leadership courageux et visionnaire au sommet du Service correctionnel; une vision et un engagement qui doivent être dûment soutenus et dirigés par le gouvernement du Canada. 

L’orientation générale de ces commentaires reste d’actualité. La concrétisation des appels et des engagements répétés en faveur de la réduction de la surreprésentation des Autochtones nécessitera sans aucun doute des stratégies coordonnées et des gestes intentionnels. En fait, il semble évident que les efforts du gouvernement du Canada doivent s’orienter vers une stratégie ciblée de désincarcération des Autochtones , dont les objectifs généraux seraient les suivants :

  1. Créer et utiliser des solutions de rechange à l’incarcération pour les peuples autochtones.
  2. Accroître les soutiens et les services adaptés à leur culture pour les peuples autochtones sous le coup d’une peine fédérale.
  3. Réaffecter des ressources et des dépenses importantes du système pénitentiaire aux efforts de réinsertion dans la communauté, y compris les pavillons de ressourcement gérés par la communauté (article 81), tant au niveau de la sécurité minimale qu’à celui de la sécurité moyenne.

L’enquête en cours

Dix ans depuis Une question de spiritualité (partie II) est inspirée et alimentée par la sensibilisation et l’intérêt renouvelés du public à l’égard de la réconciliation avec les peuples autochtones. En revisitant et en actualisant certaines des questions clés et des conclusions de notre rapport initial, les objectifs de la présente enquête sont un peu plus modestes et relativement simples :

  1. Évaluer les progrès et les développements dans les services correctionnels pour les Autochtones depuis la publication du rapport Une question de spiritualité sur une période de dix ans.
  2. Documenter les perspectives, les expériences et les voix des personnes autochtones sous responsabilité fédérale, des personnes ayant bénéficié d’une mise en liberté conditionnelle, du personnel et des Aînés et conseillers spirituels.
  3. Réaliser des examens approfondis de trois interventions caractéristiques du modèle de «continuum de soins » autochtone du SCC - les pavillons de ressourcement, le rôle et l’impact des Aînés et les initiatives « Sentiers ».

La caractéristique la plus importante de l’enquête actuelle est peut-être notre intention de publier des récits et des points de vue de première main sur l’expérience de l’incarcération des Autochtones. Les personnes que nous avons interrogées et les sites que nous avons visités étaient d’envergure nationale. Les thèmes qui émergent de ces engagements s’appuient sur des méthodes et des analyses qualitatives, quantitatives et d’enquête. Dans le cadre de cette enquête, l’équipe d’enquêteurs et de chercheurs du Bureau a mené 223 entrevues avec des personnes autochtones incarcérées, des Aînés/conseillers spirituels, des assistants d’Aînés, des membres du personnel et de la direction du SCC, des directeurs exécutifs de pavillons de ressourcement et d’établissements résidentiels communautaires. Nous avons rencontré ou avons eu des entrevues avec de nombreuses personnes travaillant ou résidant dans 30 pénitenciers fédéraux, dans des pavillons de ressourcement gérés par le SCC ou relevant de l’article 81 dans l’ensemble du pays.

En outre, le Bureau a mené une série d’engagements avec un certain nombre d’organisations autochtones nationales et locales. Il s’agissait d’un effort pour échanger des connaissances et, plus important encore, pour que le Bureau écoute et découvre les perspectives de ces organisations qui ont un point de vue unique sur les questions qui affectent les Autochtones qui passent par le système correctionnel. Des consultations ont eu lieu avec les organisations suivantes : Congrès des peuples autochtones, Association des femmes autochtones du Canada, Ralliement national des Métis, Inuit Tapiriit Kanatami, Native Counselling Services of Alberta, et la John Howard Society of Manitoba.

Le rapport lui-même est structuré et présenté en trois parties distinctes, chacune correspondant au domaine de fond étudié :

  1. Promesses non tenues : Enquête sur les pavillons de ressourcement dans le système correctionnel fédéral canadien
  2. Une route droite et étroite : Enquête sur l’initiative des Sentiers dans les services correctionnels fédéraux
  3. Enquête sur le rôle et l’impact des Aînés dans les services correctionnels fédéraux         
     
Photo d’Ivan Zinger rencontrant Lynne Groulx, chef de la direction de l’AFAC (à gauche), et Carol McBride, présidente de l’AFAC.
Ivan Zinger rencontrant Lynne Groulx, chef de la direction de l’AFAC (à gauche), et Carol McBride, présidente de l’AFAC 

Comme on pouvait s’y attendre, l’éventail et la diversité des expériences et des réactions que nous avons recueillies lors des entrevues semi-structurées et des entrevues d’enquête ouvertes ont été extrêmement judicieux, souvent profonds et, parfois, émotionnels et difficiles à aborder. Cela dit, le tri et la synthèse des notes d’entrevue ont permis de compiler et de faire converger des thèmes mettant en évidence plusieurs domaines de préoccupation systémique. Par exemple, dans le contexte des pavillons de ressourcement, nous avons constaté qu’il y a encore trop peu de ces pavillons pour répondre à leur vision et à leur intention d’origine. Il en résulte un système de pavillons de ressourcement à deux vitesses, où les pavillons gérés par la communauté (en vertu de l’article 81) continuent d’être opposés à ceux qui sont gérés par l’État, en concurrence constante pour les résidents, le financement, le personnel et l’autorité. Nous avons appris que, bien que les pavillons gérés par la communauté soient confrontés à de nombreux défis, ils constituent un modèle largement sous-utilisé et pourtant prometteur, plus proche de la vision initiale, dans lequel les services correctionnels devraient investir davantage.

Les personnes interrogées sur l’initiative des Sentiers autochtones nous ont appris que le seuil de participation est élevé, que la plupart des établissements ne respectent pas les éléments clés de l’initiative et que le Ministère ne reconnaît pas le travail acharné accompli tout au long du cheminement de guérison. Les Aînés qui travaillent dans les établissements du SCC nous ont fait part de leur expérience en matière de rapprochement des conceptions occidentales et autochtones du changement de comportement et de la guérison dans un contexte correctionnel. Les Aînés ont relaté des récits et des expériences de tentative de décolonisation des services correctionnels et de fourniture de conseils à leurs « proches » derrière les barreaux. Ils ont partagé des histoires personnelles et de leurs proches sur la lutte pour que leur propre voix soit entendue, représentée et respectée au sein des cercles décisionnels du SCC.

La mise à jour d’ Une question de spiritualité dix ans plus tard représente un investissement de deux ans des ressources du Bureau. En condensant ce que nous avons entendu et vu, les résultats cumulés d’une série d’enquêtes sont les suivants :

  1. Les interventions de l’initiative des Sentiers autochtones trop restreinte pour avoir un effet dans les pénitenciers fédéraux et les placements en pavillons de ressourcement dans la communauté s’adressent à une cohorte autochtone trop restreinte pour avoir un effet significatif ou mesurable sur les taux de surreprésentation des Autochtones.
  2. Le manque de sensibilisation à la culture autochtone et de compétences à tous les niveaux du SCC compromet sa capacité à mettre en œuvre sa stratégie « Les Autochtones d’abord ». 
  3. L’approche pan-autochtone du SCC à l’égard des services correctionnels pour les Autochtones efface les différences historiques et culturelles importantes entre les peuples autochtones et les Premières Nations, les Métis et les Inuits, ce qui entraîne des limites, des lacunes et des omissions importantes.
  4. Les critères d’admissibilité étroits et restrictifs pour l’admission aux programmes de l’initiative des Sentiers autochtones et à la plupart des placements dans les pavillons de ressourcement empêchent quasiment tous les Autochtones sous le coup d’une peine fédérale d’y accéder, sauf une minorité d’entre eux.
  5. Les pavillons de ressourcement gérés par l’État sont financés, dotés en personnel, en ressources et occupés à des niveaux nettement plus élevés que les pavillons relevant de l’article 81 gérés par les Autochtones.
  6. Les contributions des Aînés et des conseillers spirituels travaillant au sein des établissements fédéraux ne sont pas suffisamment soutenues et signalées par leur employeur.
  7. Les tentatives répétées du SCC pour « transformer » son cadre et ses stratégies en matière de services correctionnels pour les Autochtones, y compris sa dernière itération (Plan national relatif aux Autochtones), n’ont donné que peu de résultats appréciables dix ans après l’enquête initiale Une question de spiritualité. 
  8. Le SCC n’a pas réussi à innover et à tirer pleinement parti des dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition visant à remédier à la surreprésentation des Autochtones.
  9. Le Service ne dispose pas d’indicateurs de responsabilité publique clairs pour les services correctionnels destinés aux Autochtones et ne rend pas compte de manière significative des indicateurs de rendement et des progrès réalisés dans la réduction de la surreprésentation des Autochtones.
  10. Le total des dépenses discrétionnaires consacrées aux initiatives autochtones au sein du SCC, y compris les pavillons de ressourcement, les sentiers et les Aînés, s’élève à 75 millions de dollars par an, ce qui représente environ 3 % de son allocation budgétaire annuelle totale.

Bien que je reconnaisse que le SCC ne contrôle ni ne décide à lui seul qui entre dans les pénitenciers fédéraux, il contrôle l’accès aux leviers de la réinsertion, de la réhabilitation et de l’éventuelle mise en liberté. Sur ce même point important, le rapport initial du Bureau en 2013, intitulé Une question de spiritualité concluait comme suit : « Le SCC n’a pas apporté le type de changements systémiques, de politiques et de ressources requis par la Loi pour s’attaquer aux facteurs qui relèvent de son contrôle et qui permettraient d’atténuer la surreprésentation chronique des Autochtones dans les pénitenciers fédéraux ». Malheureusement, dans le contexte actuel, je n’ai trouvé aucune preuve divergente ou convaincante pour modifier ou contrer cette conclusion. Les taux croissants de représentation autochtone dans les prisons fédérales, le nombre toujours élevé d’Autochtones qui ne sortent de prison qu’à l’expiration de la peine obligatoire ou du mandat, et les résultats globalement disparates et désastreux de presque toutes les mesures de rendement correctionnelles ne démentent pas la réalité très tenace selon laquelle le système correctionnel fédéral du Canada continue d’échouer à l’égard des peuples autochtones.

Photo d’un espace de programmes à l’Établissement de Donnacona, vu depuis une fenêtre grillagée et dans lequel on aperçoit une murale autochtone.
Espace de programmes à l’Établissement de Donnacona 

Jusqu’à très récemment, le SCC était quelque peu circonspect lorsqu’il s’agissait de parler directement du rôle ou de la responsabilité dans la contribution à la surreprésentation des Autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux ou dans la lutte contre cette surreprésentation ou de reconnaître ce rôle ou sa responsabilité. Les lettres de mandat du Ministre et du Commissaire abordent désormais de manière plus franche et plus constructive la question de la réduction de la surreprésentation, définissent les attentes du gouvernement et fixent les priorités du SCC en la matière. La nomination du premier commissaire adjoint chargé des services correctionnels destinés aux Autochtones au Canada est une étape bienvenue, et qui n’a que trop tardé, dans la reconnaissance de la nécessité d’un changement et d’une réforme. J’espère que l’action du gouvernement et cette nomination permettront d’établir au sein du SCC un point de contact, de responsabilité et de direction pour les services correctionnels destinés aux Autochtones, qui fait franchement défaut depuis bien trop longtemps. J’espère également que le présent rapport sera une source d’inspiration pour le renouvellement des relations du SCC avec les populations autochtones.

En même temps, il est important de reconnaître qu’il y a des limites à ce qui peut être accompli au sein du système correctionnel fédéral tel qu’il existe actuellement. Les pénitenciers sont des établissements historiquement et intrinsèquement coloniaux. L’un des premiers et des plus imposants symboles du pouvoir colonial au Canada, le pénitencier de Stony Mountain, au Manitoba, a ouvert ses portes en 1877 et est aujourd’hui le plus ancien et le plus grand pénitencier du Canada toujours en activité. Il a été utilisé pour emprisonner les personnes autochtones qui participaient à la Rébellion du Nord-Ouest en 1885.

Photo de l’Établissement de Stony Mountain, anciennement connu sous le nom de Pénitencier du Manitoba.
Établissement de Stony Mountain, anciennement connu sous le nom de Pénitencier du Manitoba 

Aujourd’hui encore, il abrite un pourcentage très élevé d’Autochtones. Compte tenu de cette histoire et de cet héritage, il semble quelque peu forcé et paternaliste de s’attendre à ce que la « guérison » se produise à l’intérieur des murs de certains de ces établissements clairement autochtones. 

Il convient de noter qu’aujourd’hui comme hier, la plupart des Autochtones qui purgent une peine dans un pénitencier fédéral ne participent à aucune des interventions du SCC en matière de « continuum de soins » destiné aux Autochtones. Comme le montre le présent rapport, la sélection et la participation aux initiatives phares du SCC en matière de continuum de soins, telles que Sentiers et les pavillons de ressourcement, semblent réservées aux Autochtones les plus motivés, les plus dociles et les plus engagés. L’écrasante majorité des Autochtones sous la garde du SCC ne bénéficient pas d’une libération conditionnelle et d’une réinsertion précoce ou opportune, ce qui contribue à des taux de récidive et de retour en prison scandaleusement élevés. Le système est tout simplement et largement insensible à leurs besoins, à leurs réalités et à leur potentiel. Même mon Bureau a dû s’efforcer d’atteindre ces personnes largement oubliées et abandonnées, dont certains témoignages figurent dans le présent rapport. Elles font partie de la majorité autochtone non entendue, non vue et souvent exclue qui croupit dans les prisons fédérales.

Si le SCC doit être tenu de définir et d’atteindre des objectifs mesurables afin d’améliorer les résultats pour les peuples autochtones dans le système correctionnel, les limites inhérentes au système soulignent également la nécessité de soutenir les efforts et les systèmes de justice pénale autochtones en dehors du système correctionnel fédéral. Sur la voie de l’amélioration de la surreprésentation, il n’y a pas qu’une seule voie, mais plusieurs, et la plus prometteuse d’entre elles pourrait bien se trouver en dehors du champ d’action des services correctionnels fédéraux.

Photo de l’espace de programmes et de cérémonies au Centre Pê Sâkâstêw.
Espace de programmes et de cérémonies au Centre Pê Sâkâstêw 

Promesses non tenues : Enquête sur les pavillons de ressourcement dans le système correctionnel fédéral canadien

« Quand j’étais un jeune Autochtone, je n’ai pas eu de possibilités d’épanouissement. J’ai fait partie des enfants enlevés lors de la rafle des années 60, je n’ai pas eu d’exutoire pour ma colère. À un moment donné, j’ai décidé que j’allais abattre ces murs, qu’ils n’allaient pas me briser, je savais que j’avais la capacité de faire le bien dans ce monde. Au début, je n’ai pas pu accéder au pavillon de ressourcement à cause de mes scores. Ils ne m’ont jamais expliqué pourquoi. Ensuite, j’ai dû former mon agent de libération conditionnelle sur comment procéder pour mon transfert. Je devais connaître mes affaires, car mon agent de libération conditionnelle était tout nouveau et le transfert était entre ses mains… Si vous voulez avoir un impact. Il s’agit de cérémonies. C’est cette connexion invisible, nous comprenons qu’elle est là… Voici ma recommandation : Croyez en nous ».         
– Ancien résident du pavillon de ressourcement 

Introduction et contexte

Les origines des pavillons de ressourcement dans le système correctionnel canadien remontent à la fin des années 1980, lorsque des défenseurs des prisons et de la communauté, notamment l’Association des femmes autochtones du Canada, l’Assemblée des femmes autochtones de la Société Elizabeth Fry et la Native Sisterhood, ont proposé le concept de pavillon de ressourcement comme moyen de décoloniser le système correctionnel. Ces femmes n’ont pas seulement proposé une solution de rechange aux prisons traditionnelles, elles ont également proposé une vision des pavillons de ressourcement, fondée sur la roue de médecine et les quatre directions du cercle de vie - spirituelle (est), émotionnelle (sud), physique (ouest) et mentale (nord) - et guidée par les enseignements, les cérémonies et les instructions d’origine. Les pavillons de ressourcement ont été conçus comme des lieux où les Autochtones purgeant des peines fédérales pourraient se sentir en sécurité pour guérir, sur la terre, idéalement près d’une eau pure et naturelle, avec le soutien des Aînés, de la communauté et des familles. Plus important encore, ils seraient situés à l’écart de l’environnement oppressif et punitif des pénitenciers.

Photo de l’extérieur d’une unité d’habitation au Centre Pê Sâkâstêw.
Unité d’habitation au Centre Pê Sâkâstêw 

Article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition 

81. (1) Le ministre ou son délégué peut conclure avec tout corps dirigeant ou organisme autochtone un accord prévoyant la prestation de services correctionnels aux délinquants autochtones et le paiement par lui de leurs coûts.

(2) Nonobstant le paragraphe (1), un accord peut aussi prévoir la prestation de services correctionnels à un délinquant autre qu’un Autochtone.

(3) Conformément à tout accord conclu en vertu du paragraphe (1), le commissaire peut transférer un délinquant aux soins et à la garde d’un organisme autochtone compétent, avec le consentement du délinquant et de l’organisme autochtone compétent.

Après des années de discussions et de planification, le premier pavillon de ressourcement fédéral à ouvrir ses portes a été Okimaw Ohci, en novembre 1995, sur le territoire de la Première Nation de Nekaneet, en Saskatchewan. Cela a marqué le début de ce que beaucoup espéraient avec optimisme, à savoir le début d’une nouvelle ère pour les services correctionnels pour les Autochtones. Elle reconnaîtrait que la surreprésentation des peuples autochtones dans le système carcéral est en partie la conséquence des échecs de la pratique correctionnelle conventionnelle. En outre, la promulgation de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en 1992, qui comprend des dispositions particulières relatives à la garde, à la prise en charge et à la libération des Autochtones purgeant des peines fédérales (par exemple, l’article 81), a permis au Ministre de conclure des accords avec les communautés autochtones pour la fourniture de services correctionnels. Bien que ces accords ne transfèrent pas les responsabilités juridictionnelles en matière de services correctionnels, la manière dont cet article de la Loi a été rédigé a permis aux communautés ou organisations autochtones d’exercer un large contrôle, ou du moins de participer à l’exécution de la peine complète d’un individu. En outre, l’article a donné aux communautés la souplesse de négocier le nombre et le profil des personnes qu’elles étaient prêtes à accepter dans leurs communautés. Il a également permis que les services et les programmes, y compris les soins et la garde, soient négociés et fournis par les communautés et les organisations autochtones, moyennant paiement par la Couronne. Étant donné que l’article 81 ne stipule pas comment les communautés autochtones doivent gérer les individus, cette souplesse a permis de financer des pavillons de ressourcement soit comme des centres basés dans des installations, comme les pavillons de ressourcement, soit au moyen d’accords de financement qui ne prévoient pas la mise en place d’installations avec les communautés autochtones qui acceptent de fournir la garde, les programmes et les soins aux personnes, sans un centre de ressourcement formel et traditionnel.

Photo de l’extérieur de la résidence du Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci.
Bâtiment cérémoniel du Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci 
Photo de l’extérieur du bâtiment cérémoniel du Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci.
Résidence du Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci 

Au cours de la décennie qui a suivi l’ouverture du pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, sept autres pavillons de ressourcement pour hommes ont été ouverts dans tout le pays, et deux autres pavillons de ressourcement pour femmes ont été créés en 2011 et, plus récemment, en 2019. Aujourd’hui, dix pavillons de ressourcement sont mis à la disposition des personnes purgeant une peine fédérale, quatre sont financés et gérés par le SCC (c.-à-d. par l’État) et six sont financés par le SCC, mais gérés par un organisme communautaire partenaire dans le cadre d’un accord en vertu de l’article 81 (c.-à-d. gérés par la communauté). Comme nous le verrons plus loin dans le présent rapport, il n’y a que 139 places de pavillons de ressourcement gérés par les communautés autochtones et beaucoup d’entre eux sont sous-utilisés.

Une question de spiritualité (2013)

Vingt ans après l’entrée en vigueur de la LSCMLC, le Bureau a évalué, dans le cadre du rapport Une question de spiritualité , la mesure dans laquelle le SCC avait respecté l’intention du gouvernement, en s’intéressant plus particulièrement à l’utilisation des accords conclus en vertu de l’article 81, qui, avec d’autres dispositions, visaient à réduire la surreprésentation autochtone dans les services correctionnels du Canada. Les conclusions de l’enquête de 2013 ont révélé que le SCC n’avait pas respecté l’intention du Parlement en ce qui concerne l’article 81 de la LSCMLC, ce qui a contribué à la détérioration des résultats correctionnels et à l’augmentation de la surreprésentation des Autochtones dans les prisons fédérales. Plus précisément, l’enquête a révélé que le SCC n’avait pas suffisamment appliqué l’article 81. En effet, seuls cinq accords ont été mis en place au cours de ces vingt années. En outre, l’enquête a révélé d’autres lacunes, obstacles et vulnérabilités majeurs, notamment ce qui suit :

  1. la nature à court terme et temporaire des cycles d’accords de contribution avec les pavillons de ressourcement gérés par la communauté;
  2. des écarts importants de financement entre les pavillons gérés par le SCC et ceux relevant de l’article 81; les pavillons gérés par la communauté bénéficiant d’un financement moins important;
  3. la faible acceptation par la communauté des pavillons de ressourcement;
  4. les critères d’admissibilité restrictifs appliqués aux pavillons de ressourcement relevant de l’article 81;
  5. des conditions de travail et des salaires nettement inférieurs dans les pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 par rapport à ceux gérés par le SCC.         
     

Depuis l’ouverture du premier pavillon de ressourcement, le Bureau a formulé dix recommandations publiques officielles, y compris celles émises dans le rapport Une question de spiritualité , portant spécifiquement sur la nécessité de créer des pavillons de ressourcement plus nombreux et mieux financés, gérés par la communauté, qui cadrent davantage avec la vision initiale. Depuis le rapport Une question de spiritualité , les conclusions, recommandations et appels à l’action de divers rapports, études parlementaires et commissions clés, telles que la Commission de vérité et de réconciliation et l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées , ont suscité une vague de reconnaissance et de pression sur le gouvernement pour qu’il élargisse l’accès aux pavillons de ressourcement gérés par les communautés, en vertu de l’article 81.

Enquête en cours

La présente enquête a examiné les progrès accomplis au cours des dix dernières années, depuis le dépôt du rapport « Une question de spiritualité » au Parlement. Grâce à une combinaison d’examen de la documentation, d’analyse des données, de visites sur le terrain et d’entrevues avec 50 employés et résidents actuels et anciens des pavillons de ressourcement, nous avons recueilli des renseignements inestimables. Les thèmes clés, les conclusions et les recommandations qui ont émergé au cours de l’enquête sont présentés ci-après. Bien que cette enquête révèle que bon nombre des défis et des lacunes fondamentales cernés dans le rapport Une question de spiritualité persistent aujourd’hui, le Bureau tient à exprimer sa reconnaissance et sa gratitude aux nombreuses personnes, personnel du Pavillon de ressourcement, résidents et membres de la communauté, qui ont accepté de partager leurs expériences et leurs points de vue. En outre, nous reconnaissons le travail important des personnes qui se trouvent en première ligne. Ces personnes, qui relèvent en grande partie les défis quotidiens avec des ressources limitées, doivent souvent trouver des solutions locales créatives afin d’améliorer de manière significative la vie des personnes avec lesquelles elles travaillent et qu’elles soutiennent.

Recommandations publiques du BEC sur les pavillons de ressourcement

Couverture d’Une question de spiritualité, le rapport de 2012 du BEC sur les services correctionnels pour Autochtones
Une question de spiritualité, le rapport de 2012 du BEC sur les services correctionnels pour Autochtones 

1995-1996 - Recommandation no 15 : Que le commissaire aux femmes purgeant une peine fédérale exerce vigoureusement le pouvoir prévu à l’article 81 pour élargir la prestation des services correctionnels offerts par les communautés autochtones afin de s’assurer que la mise en liberté sous condition en temps opportun est une option viable.

2005/2006 - Recommandation no 6 : Je recommande qu’au cours de l’année prochaine, le Service correctionnel renforce les capacités et augmente le recours aux accords conclus avec les communautés autochtones en vertu des articles 84 et 81.

2009-2010 - Recommandation no 21 : Le Service devrait utiliser davantage les articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour qu’ils produisent tous les effets escomptés.

2012-2013 - Recommandation no 2 : Le SCC devrait élaborer une stratégie à long terme pour conclure d’autres accords au titre de l’article 81 et augmenter de manière significative le nombre de places dans les régions où le besoin existe. Le financement de cette nouvelle stratégie devrait être sollicité auprès du Conseil du Trésor ou au moyen d’une réaffectation interne des fonds et ne devrait pas être inférieur aux 11,6 millions de dollars reportés en 2001 et ajustés en fonction de l’inflation.

2012-2013 - Recommandation no 3 : Le SCC devrait réaffirmer son engagement à l’égard des pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 par les mesures suivantes : (a) négocier des niveaux de financement permanents et réalistes pour les pavillons de ressourcement existants et futurs relevant de l’article 81, qui tiennent compte de la nécessité d’allouer des fonds suffisants pour le fonctionnement et l’infrastructure et d’assurer la parité salariale avec le SCC, et (b) poursuivre les négociations avec les communautés qui accueillent des pavillons de ressourcement gérés par le SCC en vue de transférer leurs activités à la communauté autochtone.

2012-2013 - Recommandation no 5 : Le SCC devrait réexaminer le recours aux accords conclus en vertu de l’article 81 qui ne prévoient pas la mise en place d’installations comme solution de rechange aux pavillons de ressourcement, en particulier dans les communautés ou les régions où le nombre de délinquants autochtones ne justifie pas la construction d’un établissement. Les résultats de cet examen feraient partie de la stratégie globale du SCC pour l’article 81.

2012-2013 - Recommandation no 10 : Le SCC devrait collaborer avec les communautés chrétiennes autochtones, les Inuits et d’autres communautés identifiables afin de conclure des accords au titre de l’article 81 lorsque cela se justifie.

2016-2017 - Recommandation no 12 : Que le SCC examine sa stratégie de mise en liberté dans la communauté pour les délinquants autochtones en vue d’augmenter le nombre d’accords au titre de l’article 81 afin d’inclure des options de logement dans la communauté pour les soins et la garde des détenus de cote de sécurité moyenne, et qu’il remédie aux divergences dans les accords de financement entre le SCC et les pavillons de ressourcement gérés par les Autochtones.

2017-2018 - Recommandation no 13 : Le SCC réaffecte des ressources très importantes pour négocier de nouveaux accords de financement avec les partenaires et les prestataires de services appropriés afin de transférer les soins, la garde et la supervision des personnes autochtones à la communauté. Il serait ainsi possible de créer de nouvelles capacités au titre de l’article 81 dans les zones urbaines et des placements au titre de l’article 84 dans des résidences privées. Ces nouvelles dispositions devraient revenir à la vision originale des pavillons de ressourcement et prévoir la consultation des Aînés.

Recommandations externes sur les pavillons de ressourcement dans les dix années qui ont suivi le rapport Une question de spiritualité 

Commission de vérité et de réconciliation - Appels à l’action (2015) 

Recommandation no 35 : Nous demandons au gouvernement fédéral d’éliminer les obstacles à la création d’autres pavillons de ressourcement autochtones au sein du système correctionnel fédéral.

Comité permanent de la sécurité publique et nationale, Les peuples autochtones dans le système correctionnel fédéral (juin 2018) 

Recommandation no 22 : Que le Service correctionnel du Canada augmente le nombre d’accords conclus avec les communautés autochtones en vertu de l’article 81 de la LSCMLC.

Recommandation no 3 : Que le gouvernement du Canada augmente le financement des communautés autochtones pour les accords conclus en vertu de l’article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de combler le fossé financier entre les pavillons de ressourcement gérés par les communautés autochtones et ceux gérés par le Service correctionnel du Canada.

Comité permanent de la condition féminine, Appel à l’action : La réconciliation avec les femmes autochtones dans les systèmes judiciaire et correctionnel fédéraux (juin 2018) 

Recommandation no 66 : Que le gouvernement du Canada, en consultation avec les peuples et les communautés autochtones, fournisse des ressources supplémentaires au Service correctionnel du Canada et aux communautés autochtones afin d’accroître l’utilisation des articles 29, 81 et 84 de la LSCMLC.

Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées - Appels à la justice (2019) 

Recommandation no 14.1 : Nous demandons au Service correctionnel du Canada de prendre des mesures urgentes pour créer les installations décrites aux articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , afin de garantir que les femmes et les filles autochtones, ainsi que les personnes 2ELGBTQQIA, disposent d’options de désincarcération. Ces installations doivent être situées à des endroits stratégiques pour permettre des placements localisés et des programmes mère enfant.

Recommandation no 14.2 : Nous demandons au Service correctionnel du Canada de veiller à ce que les installations créées en vertu des articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition reçoivent un financement équivalent à celui des installations gérées par le Service correctionnel du Canada. Les accords conclus en vertu de ces articles doivent transférer l’autorité, les capacités, les ressources et le soutien à l’organisation communautaire contractante.

Comité sénatorial permanent des droits de la personne - Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral (2021) 

Recommandation no 19 : Que le Service correctionnel du Canada utilise davantage l’article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de s’assurer que les personnes purgeant à une peine fédérale, en particulier les femmes et les hommes autochtones, soient en mesure de créer et/ou de maintenir des liens avec leur famille, leur communauté et leur culture.

Recommandation no 51 : Que le Service correctionnel du Canada augmente le nombre d’accords conclus en vertu de l’article 81 en faisant mieux connaître cet article et en guidant les collectivités tout au long du processus, ainsi qu’en finançant la mise en place de solutions individualisées et de pavillons de ressourcement collectifs.

1. Le problème du nombre insuffisant de pavillons de ressourcement gérés par la communauté reste d’actualité

Comme nous l’avons évoqué dans la première partie de cette enquête l’année dernière, le nombre insuffisant de pavillons de ressourcement et de places est un problème de longue date, qui est devenu plus pressant à mesure que la surreprésentation des Autochtones a continué à augmenter. Dans au moins six rapports publics distincts, le Bureau a recommandé au Service d’accroître le recours aux accords au titre de l’article 81 et de créer davantage de pavillons de ressourcement pour les personnes purgeant une peine fédérale. Comme le décrit le rapport Une question de spiritualité , le changement de dynamique qui s’est produit au début des années 2000, lorsque le SCC a cessé d’investir dans le modèle de pavillon de ressourcement et de développer ce type d’installations pour réorienter les fonds des pavillons de ressourcement vers des interventions en milieu carcéral, reste aussi présent aujourd’hui qu’il l’était il y a dix ans.

Au cours des dix dernières années, la croissance de la population carcérale autochtone a largement dépassé celle des pavillons de ressourcement. Plus précisément, alors que le nombre de personnes autochtones incarcérées a augmenté de près de 700 unités, un seul pavillon de ressourcement supplémentaire a été ouvert (c’est-à-dire le pavillon de ressourcement Eagle pour femmes à Winnipeg, en 2019). En outre, le nombre de places dans les pavillons de ressourcement gérés par la communauté a augmenté de 53 unités au total. Actuellement, avec seulement dix pavillons de ressourcement, le Canada dispose de 389 places pour les personnes purgeant une peine fédérale (271 pour les hommes et 118 pour les femmes). Toutefois, il est particulièrement préoccupant de constater que peu de ces places se trouvent dans des pavillons de ressourcement gérés par la communauté. Bien qu’il y ait plus de pavillons de ressourcement relevant de l’article 81, ils ne représentent en fait que 35 % du nombre total de places. Il n’y a donc que 139 places de pavillons de ressourcement gérés par les communautés autochtones.

Proportion des détenus autochtones en pavillon de ressourcement

Graphique circulaire représentant les… Détenus autochtones en pavillon de ressourcement = 6 %; Détenus autochtones dans un autre type d’établissement = 94 %.

Étant donné le grand nombre d’Autochtones en détention fédérale (4 216), le nombre de places en pavillons de ressourcement disponibles aujourd’hui ne pourrait accueillir qu’un maximum de 9 % de la population autochtone en détention. En d’autres termes, même dans un scénario de pleine occupation, 91 % des Autochtones incarcérés n’auraient pas d’autre choix, même s’ils étaient admissibles, que de rester incarcérés dans un système carcéral classique. Avec le nombre actuel de pavillons de ressourcement et seulement 6 % des personnes autochtones incarcérées qui purgent actuellement une partie de leur peine dans un pavillon de ressourcement, la grande majorité des Autochtones purgeant des peines fédérales n’auront jamais accès à un pavillon de ressourcement ou n’en bénéficieront jamais. La probabilité est encore plus faible pour les pavillons de ressourcement gérés par la communauté.

Emplacement au Canada des pavillons de ressourcement administrés par le SCC et de ceux visés à l’article 81

Carte du Canada avec des étiquettes correspondant aux dix sites énumérés au tableau 1 : nom, emplacement et désignation de chacun des dix pavillons de ressourcement.

Tableau 1. Noms, emplacements et désignations des dix pavillons de ressourcement

Pavillon de ressourcement         


 
Géré par         
le SCC ou         
relevant de         
l’article 81 
Ville, Province         


 
1 – Centre de guérison Stan DanielsArticle 81Edmonton, Alberta
2 – Pavillon de ressourcement         
O-chi-chak-ko-sipi
Article 81Crane River, Manitoba
3 – Centre de guérison WaseskunArticle 81St-Alphonse-Rodriguez, Québec
4 – Buffalo Sage pour les femmesArticle 81Edmonton, Alberta
5 – Pavillon de ressourcement du         
Grand Conseil de Prince Albert
Article 81Première Nation de Wahpeton,         
Saskatchewan
6 – Pavillon de ressourcement         
Eagle pour femmes
Article 81Winnipeg, Manitoba
7 – Village de guérison         
Kwìkwèxwelhp
Géré par         
le SCC
Harrison Mills, Colombie-Britannique
8 – Centre Pê SâkâstêwGéré par         
le SCC
Maskwacis, Alberta
9 – Centre de guérison Willow CreeGéré par         
le SCC
Duck Lake, Saskatchewan
10 – Pavillon de ressourcement         
Okimaw Ohci
Géré par         
le SCC
Maple Creek, Saskatchewan

Les lacunes du modèle des pavillons de ressourcement sont évidentes, non seulement en raison du nombre insuffisant de pavillons et de places, mais aussi en raison de leur répartition dans le pays. Comme il y a dix ans, il n’y a toujours pas de pavillon de ressourcement dans les régions de l’Ontario et de l’Atlantique, aucun dans le Nord, et aucun pavillon de ressourcement géré par la communauté dans la région du Pacifique. Étant donné que la région de l’Ontario compte le deuxième plus grand nombre de personnes autochtones sous responsabilité fédérale et que c’est là que beaucoup de ces personnes ont leur famille et leur communauté d’origine, il est clair que le besoin en pavillons de ressourcement dans cette région reste important. Pour les femmes autochtones, les trois pavillons de ressourcement pour femmes sont situés dans la région des Prairies. Si les besoins sont considérables dans les Prairies, où se trouvent plus de la moitié des femmes autochtones incarcérées, les femmes des communautés situées en dehors des Prairies, en particulier en Ontario et dans les régions du Pacifique, n’ont pas la possibilité de résider dans un pavillon de ressourcement plus proche de leur famille et de leur communauté d’origine. Cela oblige de nombreuses femmes autochtones à choisir entre une voie de guérison traditionnelle isolée, loin de chez elles, et la proximité de leur famille dans un établissement correctionnel du SCC.

Aucun progrès n’ayant été réalisé en ce qui concerne l’expansion des pavillons de ressourcement dans les communautés éloignées, il n’est pas surprenant, bien que décevant, que peu de progrès aient été réalisés en ce qui concerne l’établissement de nouveaux accords au titre de l’article 81, qu’ils prévoient ou non la mise en place d’installations, avec des organisations dans les centres urbains où les besoins sont sans doute les plus importants. En réalité, la plupart des personnes chercheront à être mises en liberté dans des centres urbains. Elles bénéficient ainsi de meilleures possibilités d’accès à l’emploi, à l’éducation ou à la formation professionnelle et, dans de nombreux cas, elles ont ainsi un accès plus facile à leur famille et à leurs enfants, ce qui pourrait s’avérer plus difficile et plus coûteux dans les communautés éloignées. L’un des avantages de l’article 81 est qu’il permet également la création d’accords qui ne prévoient pas la mise en place d’installations, dans des communautés urbaines ou rurales. Au moment de la rédaction du présent rapport Une question de spiritualité , il n’y avait eu que deux communautés avec lesquelles le SCC avait conclu des accords qui ne prévoient pas la mise en place d’installations (en 1999 et 2001) en vertu de l’article 81. Cependant, à l’époque, les dossiers montraient que le transfert d’une seule personne avait été effectué. Les demandes adressées au Service pour connaître le nombre d’accords qui ne prévoient pas la mise en place d’installations ou d’accord d’échange de services (AES) conclus avec des Autochtones en vertu de l’article 81 au cours des dix dernières années ont révélé qu’il n’y a pas eu d’accords de financement qui ne prévoient pas la mise en place d’installations ou d’AES supplémentaires avec des communautés ou des organisations en vertu de l’article 81.

En juillet 2022, le SCC a promulgué de « nouveaux » documents d’orientation pour guider le processus des accords au titre de l’article 81. En divisant ce qui était la Directive du Commissaire (DC) 541 en deux DC distincts, ainsi que des lignes directrices, le Service a créé la DC 541 - Accords interjuridictionnels d’échange de services et une nouvelle DC 543 - Accords conclus en vertu de l’article 81 de la LSCMLC . Footnote 57 L’objectif, en particulier pour cette dernière, était de fournir une « orientation interne pour parvenir à des propositions formelles élaborées en collaboration avec les communautés et organisations autochtones intéressées… permettant au SCC d’être mieux positionné pour soutenir les communautés autochtones intéressées par des accords en vertu de l’article 81, y compris celles qui ont déjà conclu de tels accords ». Bien que la nature des changements semble être en grande partie la clarification et la définition des rôles, la création de nouveaux délais, etc., l’avenir nous dira si ces nouveaux documents de politique se traduisent effectivement par de nouveaux accords en vertu de l’article 81, qu’il s’agisse d’accords avec les pavillons de ressourcement ou d’accords qui ne prévoient pas la mise en place d’installations, avec les communautés.

Au cours de cette enquête, le Bureau a cherché à obtenir des renseignements actualisés sur les projets en cours visant à créer de nouveaux accords sur les pavillons de ressourcement. En avril 2023, le SCC a fourni une réponse indiquant qu’« aucune demande formelle n’est envisagée, mais que toutes les régions s’engagent activement auprès de partenaires potentiels pour améliorer les possibilités offertes par l’article 81 ». Entre-temps, dans une réponse du 31 mars 2023 à une demande d’accès à l’information du Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN), le Service a fait savoir qu’il « négociait avec 15 communautés pour créer des pavillons de ressourcement pour les prisonniers autochtones ». Footnote 58 Si l’on fait abstraction du fait que le Service ne partage pas de tels détails avec notre Bureau, là encore, un suivi de la manière dont ces négociations progressent, le cas échéant, révélera à quel point le Service est investi dans l’expansion de l’utilisation des accords conclus en vertu de l’article 81.

En mai 2022, le ministre de la Sécurité publique a adressé une lettre de mandat au commissaire aux services correctionnels, dont le tout premier objectif est d’ordonner au commissaire de faire ce qui suit : « Donner la priorité à la collaboration avec les organisations et les communautés autochtones et au financement de celles-ci pour créer des accords supplémentaires au titre des articles 81 et 84, conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), afin de garantir que les délinquants autochtones aient accès à des programmes et à un soutien adaptés à leur culture au sein de la communauté ».

Le Bureau est conscient qu’il existe une myriade de défis et d’obstacles à l’établissement d’accords avec des communautés ou des groupes autochtones. Certains sont réticents à accepter dans leur communauté des personnes ayant commis des délits graves. D’autres voient une grande valeur dans les pavillons de ressourcement, mais sont dissuadés par les processus de demande bureaucratiques et exigeants en ressources, ou par la perspective peu attrayante de négocier avec un organisme gouvernemental qui a joué un rôle central dans l’emprisonnement massif de personnes autochtones. Si les communautés jouent effectivement un rôle actif dans le processus de l’article 81, elles ne devraient pas être tenues pour responsables de l’absence de progrès dans l’établissement de nouveaux accords au cours de la dernière décennie. L’absence de sensibilisation et d’engagement significatifs et coordonnés de la part du Service n’est pas excusable, compte tenu de la trajectoire de la surreprésentation et des dizaines d’appels à l’action sur cette même question. En donnant la priorité aux initiatives en milieu carcéral, l’inertie manifeste du Service à l’égard de l’article 81 révèle une réticence à l’utiliser pleinement, même à la demande et selon les instructions du Ministre. Un organisme qui a par ailleurs montré à la fois l’intérêt et la capacité de réfléchir de manière ambitieuse à la pratique de la détention doit appliquer cette réflexion aux solutions de rechange basées sur la communauté, en particulier lorsqu’il dispose déjà de ces outils pour le travail, qui restent inutilisés.

2. Les taux d’inoccupation restent élevés dans les pavillons de ressourcement

Compte tenu du petit nombre de pavillons de ressourcement, du besoin et de la demande considérables de places dans les pavillons et de la forte proportion d’Autochtones en prison, il est raisonnable de croire que les places des pavillons de ressourcement sont occupées. Pourtant, au moment de la rédaction du présent rapport, et malgré de longues listes d’attente dans de nombreux pavillons de ressourcement, le taux d’occupation moyen des dix pavillons de ressourcement n’était que de 65 %, ce qui signifie que plus d’un tiers des places disponibles sont inoccupées. Dans les pavillons de ressourcement gérés par la communauté, les taux d’inoccupation sont encore plus élevés, certains étant aux trois quarts vides.

Pourcentage moyen d’occupation des pavillons de cure par année fiscale

Graphique linéaire illustrant le taux d’occupation moyen des pavillons de ressourcement par exercice financier. 2013-2014 = 79 %, 2014-2015 = 86 %, 2015-2016 = 77 %, 2016-2017 = 79 %, 2017-2018 = 81 %, 2018-2019 = 80 %, 2019-2020 = 74 %, 2020-2021 = 57 %, 2021-2022 = 54 %, 2022-2023 = 65 %.

Source : Rapport SIR-M sur le dénombrement en établissement du SCC - Population carcérale par rapport à la capacité nominale. .

Photo de chaises et d’une table à l’extérieur d’une hutte de sudation au centre Pê Sâkâstêw.
Chaises et table à l’extérieur d’une hutte de sudation au centre Pê Sâkâstêw 
Photo du parloir du Centre Pê Sâkâstêw.
Parloir du Centre Pê Sâkâstêw 

Au cours des dix dernières années, les taux d’occupation des pavillons de ressourcement ont connu une tendance à la baisse, les taux moyens étant en déclin constant depuis 2017. Footnote 59 Si la pandémie de COVID-19 a effectivement eu des répercussions négatives importantes sur les taux d’occupation au cours des dernières années, les taux d’inoccupation élevés étaient déjà un problème identifié dans l’enquête Une question de spiritualité . Au cours du dernier exercice, des efforts semblent avoir été mis en œuvre, principalement au niveau local, pour remplir les places dans certains pavillons et faire baisser le taux d’inoccupation de 50 %, niveau où il se situait à la même époque l’année dernière. Toutefois, il ne semble toujours pas y avoir de stratégie à long terme pour s’attaquer systématiquement et de manière plus permanente aux causes profondes de ce qui est un problème de longue date.

Tableau 2. Comparaison sur dix ans de la capacité et des taux d’occupation par pavillon de ressourcement

  2012-2013   2022-2023   
Installation Capacité         
nominale 
Occupation         
réelle 
        
d’occupation 
Capacité         
nominale 
Occupation         
réelle 
        
d’occupation 
Moyenne         
d’occupation         
sur 2 ans         
vant la         
pandémie de         
COVID (en %)* 
Pavillon de ressourcement géré par la communauté relevant de l’art. 81        
Centre de guérison         
Stan Daniels
301963,3302273,353,3
Pavillon de         
ressourcement de la         
Première Nation         
O-chi-chak-ko-sipi
242291,672426108,381,3
Centre de         
guérison Waseskun
1515100151066,780
Buffalo Sage         
pour les femmes
1216133,33282589,391,1
Pavillon de         
ressourcement         
du Grand Conseil         
de Prince Albert
5001232583,3
Pavillon de         
ressourcement         
Eagle pour femmes**
30620
Total pour         
l’art. 81
867283,71399266,2
Pavillon de ressourcement géré par le SCC        
Village de         
guérison         
Kwìkwèxwelhp
50448850285681
Centre Pê         
Sâkâstêw
604778,3605998,366,9
Centre de         
guérison         
Willow Cree
4040100805163,866,9
Pavillon de         
ressourcement         
Okimaw Ohci
403382,5603151,785,6
Total géré         
par le SCC 
190 164 86,3 250 169 67,6 – 
TOTAL GÉNÉRAL 276 236 – 389 261 – 77,97 

Remarque : Les données sur l’occupation ont été obtenues à partir du rapport SIR-M sur le dénombrement en établissement du SCC; ns = non signalé.

*Le pourcentage d’occupation moyen sur deux ans est basé sur les chiffres d’occupation nominale par rapport à l’occupation réelle de 2018-2019 et 2019-2020, pour avoir une idée de l’occupation prépandémique.         
**Le pavillon de ressourcement Eagle pour femmes a ouvert ses portes en tant qu’établissement en 2019 (en vertu de l’art. 81).

Quels sont les facteurs à l’origine de ces places inoccupées?

D’après nos entrevues avec le personnel et les résidents des pavillons de ressourcement, il semble que de nombreux facteurs contribuent au problème de longue date des places inoccupées dans les pavillons de ressourcement. Parmi ceux-ci, cinq facteurs clés sont apparus : 1) les obstacles au transfèrement, 2) les critères d’admission stricts, 3) le faible nombre de transferts, 4) les retards dans le processus de transfert, et 5) les pratiques qui favorisent les transferts et les taux d’occupation dans les pavillons de ressourcement gérés par le SCC.

Obstacles au transfèrement : Surclassement, services et programmes insuffisants

Le mieux que les non-Autochtones peuvent faire est d’être sensibles à ces questions afin de ne pas créer d’obstacles involontaires à l’élaboration de programmes autochtones par les Autochtones pour les Autochtones.         
– Groupe de travail sur les femmes purgeant une peine fédérale (avril 1990) 

L’un des principaux obstacles au remplissage des pavillons de ressourcement est imposé bien avant qu’une personne n’envisage de demander à y résider. Dès leur admission, les Autochtones sous le coup d’une peine fédérale se heurtent à des obstacles systémiques qui rendent difficile, voire impossible, toute demande de transfert dans un pavillon de ressourcement. Au cours de cette enquête, nous avons entendu à maintes reprises parler des nombreux obstacles, souvent créés par le Service lui-même, qui conduisent à une réduction importante du nombre de personnes susceptibles d’être placées dans les pavillons de ressourcement. L’obstacle le plus fréquent que nous avons entendu est le classement de sécurité.

Lors de leur admission, les Autochtones reçoivent un classement de sécurité disproportionné par rapport aux autres groupes. Comme l’indique le rapport de mai 2022 du Bureau du vérificateur général (BVG), lorsqu’il a examiné toutes les admissions dans les établissements pénitentiaires fédéraux entre avril 2018 et décembre 2021, parmi tous les groupes raciaux, les hommes autochtones étaient le groupe le moins susceptible de recevoir un classement de sécurité minimale. Plus précisément, seuls 19 % des hommes autochtones ont été classés en sécurité minimale, contre 36 % des hommes blancs et 30 % des admissions en général. À l’inverse, les hommes autochtones, ainsi que les hommes noirs, ont été placés dans des établissements à sécurité maximale deux fois plus souvent que les autres groupes et représentaient 51 % des placements en établissement à sécurité maximale. Les femmes autochtones ont été placées en sécurité maximale plus de trois fois plus souvent que leurs homologues non-autochtones et représentaient près de 70 % des placements en sécurité maximale au cours de cette période. Footnote 60 Comme l’a dit une personne :

« [Elles] ne savent rien de nos communautés, les personnes qui font d’admission, elles ne connaissent pas nos traumatismes ou notre culture. Pour les évaluations en cours, ce sont des non-autochtones qui prennent des décisions sur les évaluations qui les suivront dans l’ensemble du système ». 

Étant donné que la plupart des pavillons de ressourcement exigent un classement de sécurité minimale, très peu d’Autochtones seront placés directement dans un pavillon de ressourcement. La grande proportion de détenus classés en sécurité maximale signifie qu’il faudra des années avant qu’un individu puisse passer en sécurité minimale (si tant est qu’il puisse le faire) et qu’il puisse prétendre à un pavillon de ressourcement, et probablement seulement vers la fin de sa peine. Tant que le SCC continuera d’utiliser des outils insuffisamment validés auprès des populations autochtones pour déterminer leur classement (comme l’Échelle de classement par niveau de sécurité, qui prend en compte des facteurs historiques largement statiques qui servent à perpétuer ce surclassement), il y aura toujours trop peu d’Autochtones qui atteignent le niveau de sécurité minimale pour pouvoir bénéficier d’un pavillon de ressourcement.

En ce qui concerne le classement, d’autres obstacles au transfèrement ont été évoqués, notamment l’utilisation excessive de l’identification des individus comme étant affiliés à un groupe menaçant la sécurité (GMS), utilisée principalement pour les personnes « soupçonnées » d’être affiliées à un gang. Il est extrêmement difficile de mettre fin à la désignation d’affiliation à un GMS une fois qu’elle figure dans le dossier d’une personne. Avec environ 20 % d’Autochtones emprisonnés avec cet indicateur dans leur dossier, ces désignations créent des obstacles considérables. Plus précisément, elles entravent ou ralentissent le processus de passage à des niveaux de sécurité inférieurs, l’accès aux programmes et aux services, et la demande d’admission dans les pavillons de ressourcement, car de nombreux pavillons n’acceptent pas les personnes soupçonnées d’avoir des liens avec des groupes criminels organisés. En plus des pratiques douteuses utilisées pour déterminer qui reçoit un indicateur d’affiliation à un GMS et qui peut le faire enlever, sans stratégie de désaffiliation des gangs, le Service a créé un obstacle majeur au transfèrement vers un pavillon de ressourcement, sans aucune voie vers une solution pour ces personnes. Comme l’a dit l’une des personnes que nous avons interrogées :

« Le classement d’affiliation à un GMS est erroné. Si votre petit ami était affilié à un gang, vous pouvez avoir un indicateur d’affiliation dans votre dossier. Si vous avez énervé un policier, il peut vous mettre sur la liste des personnes « affiliées à un gang ». Aujourd’hui, au SCC, vous ne pouvez pas obtenir de transfèrement à cause de votre classement d’affiliation à un GMS… Les gangs donnent aux peuples autochtones un sens de la famille. Nous sommes élevés dans la rue, qui peut être une source d’amour et de soutien, et il est donc logique que nous ayons beaucoup de gangs autochtones. Le SCC a besoin d’une stratégie de sortie des gangs pour les peuples autochtones. Nous ne sommes pas des gangs qui versent dans la criminalité organisée, nous rejoignons un gang à cause de la famille et de la toxicomanie. Il faut au SCC un moyen permettant aux Autochtones d’être libérés du gang et de pouvoir être mis en liberté dans un pavillon de ressourcement ». 

Outre les obstacles créés par les outils de classement et les indicateurs administratifs, nous avons entendu dire que le manque de programmes et de services pertinents susceptibles d’aider les personnes autochtones constituait un obstacle important à la mise en place d’un système de transfèrement. Par exemple, dans l’un des pavillons pour femmes, nous avons entendu les propos suivants :

« Le faible nombre de places dans les pavillons de ressourcement s’explique par le fait qu’il n’y a pas de transfèrement pour les femmes. Il n’y a aucun programme et les femmes sont maintenues au niveau maximum à cause de problèmes de comportement; elles ont des problèmes de santé mentale non diagnostiqués ». 

Cette préoccupation a été exprimée par de nombreuses personnes que nous avons interrogées. Outre le manque de programmes pertinents, les besoins complexes en matière de santé mentale et de toxicomanie d’une grande partie de cette population nécessitent des soins tenant compte des traumatismes et un diagnostic approprié. Les établissements ne fournissent pas ces soins de manière adéquate et les pavillons de ressourcement n’ont pas les ressources nécessaires pour les fournir, en particulier les pavillons gérés par la communauté. Nous avons appris que certains pavillons de ressourcement n’acceptent tout simplement pas les personnes qui ont besoin de soins psychologiques ou médicaux importants, et que d’autres sont confrontés à la réalité de devoir renvoyer les personnes dont les besoins sont trop complexes et trop coûteux à gérer. Comme l’a dit une personne :

« C’est un cycle. Les gens finissent par purger la totalité de leur peine, sans transfèrement, en raison de problèmes de santé mentale, souvent non diagnostiqués. Ils sont libérés à la fin de leur peine, se retrouvent sans abri, ne se présentent pas et reviennent ». 

Critères stricts d’admission au pavillon de ressourcement

Les critères d’admission constituent un obstacle majeur à l’occupation des places dans les pavillons de ressourcement. Si les critères d’acceptation varient d’un pavillon de ressourcement à l’autre, certains d’entre eux se sont donné la possibilité d’accepter des personnes ayant un classement de sécurité moyenne; toutefois, la grande majorité d’entre elles n’acceptent que les personnes ayant un classement de sécurité minimale. Bien que la restriction de l’accès aux personnes ayant un classement de sécurité minimale n’ait jamais fait partie de la vision initiale des pavillons de ressourcement, et qu’il ne s’agisse pas non plus d’un critère énoncé à l’article 81 de la Loi, il s’agit d’une pratique et d’une règle qui semble avoir proliféré et s’être intensifiée au fil du temps. En outre, aucune disposition de la LSCMLC n’empêche les pavillons de ressourcement d’accepter ou de gérer des populations à sécurité moyenne. Encore une fois, comme le signale le BVG, seule une petite partie de la population autochtone incarcérée dispose d’un tel classement. Au moment de la rédaction du présent rapport, seuls 15 % des Autochtones incarcérés disposaient d’un classement de sécurité minimale, ce qui signifie que 84 % d’entre eux étaient automatiquement inadmissibles. Cet obstacle est aggravé par le fait que les taux d’inoccupation dans les prisons à sécurité minimale sont également élevés, ce qui crée une concurrence entre les pavillons de ressourcement et les établissements à sécurité minimale du SCC pour les résidents

En ce qui concerne les critères de classement de sécurité, de nombreux pavillons de ressourcement ont depuis longtemps pour pratique de ne pas accepter les personnes présentant certains profils d’infraction (par exemple, infractions à caractère sexuel), celles qui ont des problèmes permanents de toxicomanie, qui présentent un niveau de risque moyen ou élevé, qui ont des antécédents d’évasion ou qui sont soupçonnées d’avoir des liens avec le crime organisé ou les gangs. D’après nos entrevues, de nombreux membres du personnel se sont dits préoccupés par le fait que les critères du SCC et des pavillons de ressourcement gérés par la communauté ne sont tout simplement pas « à jour » et ne reflètent pas les réalités d’une population en évolution. Comme l’a dit l’un d’entre eux, « les gens se voient refuser l’accès à l’éducation en raison de leur aversion pour le risque et de leurs opinions dépassées ». Nous avons appris que, dans certains cas, la communauté locale a exercé des pressions considérables pour que ne soient pas acceptées des personnes ayant des antécédents de délits graves ou des difficultés persistantes, car elles présentent un risque pour la sécurité de la communauté. Toutefois, nous avons également appris qu’avec les récentes pressions exercées pour remplir les nombreuses places vacantes, l’état d’esprit a évolué dans certains pavillons de ressourcement, où l’on s’efforce de revoir ces critères afin d’élargir le nombre de candidats potentiels. Par exemple, ces dernières années, certains pavillons de ressourcement ont commencé à accepter des personnes ayant des antécédents de délits plus graves (par exemple, les délinquants sexuels et les délinquants dangereux) et certains ont commencé à offrir un traitement aux agonistes opioïdes pour les personnes qui luttent contre la toxicomanie. Comme l’a résumé une personne, « à une époque, il n’y avait pas de délinquants sexuels - la situation a changé. À une époque, il n’y avait pas de méthadone - aujourd’hui, nous prenons de la suboxone. Les temps ont changé ».

En plus des obstacles tangibles, un obstacle plus intangible à l’admission dans un pavillon de ressourcement est apparu au fil du temps. En d’autres termes, il existe une notion à l’échelle du système, qui sous-tend les politiques et les pratiques, selon laquelle les individus doivent prouver qu’ils sont capables d’accéder à un pavillon de ressourcement. En effet, la longueur du processus de transfèrement en est un exemple, de même que les diverses exigences que les personnes doivent d’abord remplir ou obtenir avant de passer à l’étape suivante, comme les programmes correctionnels, peut-être l’initiative des Sentiers autochtones , l’examen d’un Aîné et, dans bien des cas, un plan de guérison établi, avant d’être acceptées dans un pavillon de ressourcement. Il s’agit d’un processus emblématique d’une mentalité selon laquelle les personnes doivent mériter leur placement.

Les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus avaient des avis divergents sur la question de savoir si le système devait fonctionner de cette manière. D’une part, certains considèrent que l’approche consistant à gagner sa place dans un pavillon de ressourcement est nécessaire, car elle élimine les personnes qui sont moins engagées sur la voie de la guérison et crée un environnement qui n’accueille que les personnes prêtes à fournir les efforts nécessaires. D’autres personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus nous ont dit que certains résidents ne sont tout simplement pas prêts lorsqu’ils arrivent, qu’ils sont pris dans l’engrenage de la toxicomanie, que cela peut avoir des répercussions négatives sur d’autres personnes qui sont là « pour de bonnes raisons », et qu’ils doivent être renvoyés.

D’autre part, nous avons entendu dire que cette approche consistant à n’accepter que ce qu’une personne a appelé « les meilleurs des meilleurs » va à l’encontre de l’objectif des pavillons de ressourcement. Comme l’a dit une personne, « c’est l’idée qu’il faut mériter l’accès à sa culture et qu’en retour, en punition, on peut en être privé ». Cette approche caractérise à tort le processus de guérison comme étant unidirectionnel et linéaire. À son tour, elle fixe des paramètres punitifs et inatteignables à une progression vers la guérison qui ne correspond pas à une approche véritablement fondée sur les traumatismes. D’autres ont contesté l’implication de ce processus dans la désignation de certaines personnes comme étant « guérissables » et d’autres comme ne l’étant pas. Outre les problèmes fondamentaux que cela pose, de nombreuses personnes ayant adopté ce point de vue ont contesté le processus d’un modèle qui fait que les gens, comme l’a dit l’un d’entre eux, « attendent trop longtemps avant de commencer la partie la plus importante de leur parcours de guérison ». En fait, avec ce modèle, vous éliminez ceux qui pourraient avoir le plus besoin de ce soutien, de ces conseils et de cet environnement. Comme l’a dit un membre du personnel, en pensant à ceux qui n’atteignent jamais les pavillons de ressourcement : « Ces personnes font toujours partie des nôtres. Elles sont nos proches. Elles ont besoin de notre aide ».

Faible nombre de transferts vers les pavillons de ressourcement

L’une des explications les plus simples des taux d’inoccupation est que trop peu de personnes sont transférées dans les pavillons de ressourcement de manière générale, et en particulier dans ceux qui sont gérés par la communauté. D’après les données du Plan national relatif aux Autochtones du SCC, en 2021-2022, il y a eu au total 171 transferts réussis vers des pavillons de ressourcement, dont seulement 49 vers un pavillon relevant de l’article 81. Dans le contexte de l’importante population autochtone présente derrière les barreaux, les transferts vers un pavillon de ressourcement ne représentaient que 4 % de l’ensemble des Autochtones incarcérés et seulement 1 % ont été transférés vers un pavillon de ressourcement géré par la communauté. Avec seulement 28 % des transferts réussis vers un pavillon géré par la communauté et la grande majorité des transferts (72 %) vers l’un des quatre pavillons gérés par le SCC, il est évident que les pavillons de ressourcement du SCC sont prioritaires, et ce depuis des années.

Reconnaissant que la pandémie de COVID-19 a eu des répercussions sur la capacité d’effectuer des transferts, au cours des cinq derniers exercices, le nombre de transferts réussis vers les pavillons de ressourcement a diminué. Footnote 61 Cette situation pourrait s’expliquer en partie par le faible nombre d’Autochtones passant à des niveaux de sécurité inférieurs. Par exemple, en 2021-2022, le SCC n’a effectué que 395 transitions réussies de personnes autochtones d’un « niveau de sécurité maximale ou moyenne à un niveau de sécurité inférieure pour les délinquants ». Footnote 62 Seulement 12 % de ces transitions ont abouti à un transfert vers un pavillon de ressourcement géré par la communauté. Il est évident que des changements structurels plus importants sont nécessaires pour augmenter le nombre d’Autochtones passant à des niveaux de sécurité inférieurs et pour augmenter les transferts vers les pavillons de ressourcement, en particulier vers ceux relevant de l’article 81. Pour ce faire, il faudra s’attaquer aux nombreux obstacles au transfèrement.

Nombre total de transfèrements réussis vers un pavillon de ressourcement par exercice financier

Graphique linéaire illustrant le nombre total de transfèrements réussis vers un pavillon de ressourcement par type de transfèrement (pavillon visé par l’article 81 ou administré par le SCC) et par exercice financier. Total des transfèrements: 2017-2018 = 255, 2018-2019 = 234, 2019-2020 = 230, 2020-2021 = 183, 2021-2022 = 171. Transfèrements, pavillon visé par l’article 81: 2017-2018 = 82, 2018-2019 = 64, 2019-2020 = 62, 2020-2021 = 49, 2021-2022 = 49. Transfèrements, pavillon administré par le SCC: 2017-2018 = 173, 2018-2019 = 170, 2019-2020 = 168, 2020-2021 = 134, 2021-2022 = 122.

Source : Plan national relatif aux Autochtones du SCC (2022).

Longs délais de transfert vers les pavillons de ressourcement

Une autre raison notable de l’inoccupation, en particulier dans les pavillons de ressourcement gérés par la communauté, est le temps qu’il faut non seulement pour passer au niveau de sécurité minimale, mais aussi pour être littéralement transféré dans un pavillon de ressourcement. Les propos suivants ont été tenus par un membre du personnel d’un pavillon relevant de l’article 81 : « J’aimerais beaucoup que nous soyons complets. Nous avons une longue liste d’attente et pourtant, nous n’avons jamais été complets. Beaucoup de ces personnes sont libérées avant même d’arriver chez nous ». Dans certains pavillons gérés par la communauté, nous avons appris qu’il s’écoule souvent trois à quatre mois entre le moment où un pavillon de ressourcement envoie une lettre d’approbation à un demandeur et le moment où le transfert effectif est prévu par le SCC. À ce stade, généralement à la fin de la peine, de nombreuses personnes sont libérées directement de prison alors qu’elles auraient pu bénéficier du meilleur environnement et du processus de réinsertion dans la communauté du pavillon de ressourcement. Outre l’éventualité de retards bureaucratiques de la part du SCC, aucune des personnes interrogées n’a pu donner d’explications ou de raisons pour expliquer ces problèmes de lenteur des transferts.

Outre les retards dans le transfert des personnes de la prison vers les pavillons de ressourcement, nous avons également appris que les pavillons gérés par le SCC semblent en pratique avoir la priorité pour les résidents par rapport aux pavillons gérés par la communauté, ce qui est corroboré par le fait que les pavillons gérés par le SCC ont constamment des taux d’occupation plus élevés et davantage de transferts. Certains résidents et membres du personnel nous ont dit que, dans le cadre de l’approche gagnez votre place dans les pavillons de ressourcement, une condition préalable implicite pour accéder à un pavillon de ressourcement géré par la communauté est de séjourner d’abord dans un pavillon géré par le SCC. De nombreux résidents avec lesquels nous nous sommes entretenus ont déclaré qu’ils « avaient dû » aller dans un pavillon géré par le SCC avant d’accéder à un pavillon relevant de l’article 81. Cette situation a posé un problème pour les pavillons gérés par la communauté, dans la mesure où elle réduit le nombre de résidents qui arrivent dans ces pavillons. Comme nous l’a dit un membre du personnel, « je pense qu’ils veulent simplement garder leurs chiffres, ils s’accrochent fermement à leurs gars, ils ne veulent tout simplement pas nous les donner ». De nombreux résidents de pavillons de ressourcement nous ont dit qu’ils étaient passés à un niveau de sécurité moyenne, puis minimale, et avaient ensuite été transférés dans un pavillon géré par le SCC, et enfin à un pavillon relevant de l’article 81. Cette approche graduelle et la règle implicite selon laquelle les pavillons gérés par le SCC sont prioritaires désavantagent à bien des égards les pavillons gérés par la communauté et allongent inutilement le temps nécessaire aux résidents pour arriver dans la communauté. En outre, ces pratiques envoient un message plus fondamental et illustrent certaines idées bien ancrées qui expliquent pourquoi le SCC a créé et maintenu ce système de pavillons de ressourcement « à deux vitesses », certains étant gérés par la communauté et les autres par l’État.

3. S’éloigner de la vision - Le problème fondamental du système des pavillons de ressourcement à deux niveaux

Le temps est venu de revenir aux lois sacrées. La guérison des peuples autochtones a débuté et doit se poursuivre. La voie vers la dignité retrouvée passe par notre humanité unique. La porte du développement authentique et de la guérison s’ouvre de l’intérieur. La vision du pavillon de ressourcement offre une possibilité… À travers les enseignements du Cercle des Aînés, les Lois sacrées des femmes seront ravivées pour fournir une base spirituelle aux défis de la vie. Cette responsabilité à l’égard des femmes sous responsabilités fédérales et des sept générations à venir sera l’un des objectifs généraux du pavillon de ressourcement.         
– Extrait de la vision du pavillon de ressourcement 

L’absence de progrès dans le développement du modèle de pavillon de ressourcement peut être constatée non seulement dans les quelques nouveaux pavillons de ressourcement et accords qui ont été établis au cours des dix dernières années, mais aussi dans la création et l’apparente permanence d’un système « à deux niveaux ». Il s’agit probablement de l’exemple le plus clair de a manière dont le SCC n’a pas respecté ses responsabilités en vertu de l’article 81 de la LSCMLC, et dont il a tranquillement renié ses engagements envers les communautés autochtones en conservant le contrôle et l’autorité sur la majorité des personnes qui occupent les places des pavillons de ressourcement.

Lorsque le pavillon Okimaw Ohci a ouvert ses portes il y a près de trente ans, le SCC s’est engagé à ne conserver l’autorité qu’à titre transitoire et à confier la propriété et l’exploitation à la communauté locale, comme le prévoyait la vision initiale des pavillons de ressourcement. Cette transition n’a jamais eu lieu. Le protocole d’entente entre le SCC et la Première Nation Nekaneet ayant été récemment renouvelé pour 25 ans en juillet 2021, une transition du pavillon Okimaw Ohci vers la communauté, à court ou même à long terme, semble improbable. Les trois autres pavillons de ressourcement gérés par le SCC qui ont ouvert au cours de la décennie suivante, dont l’un a été converti à partir d’une prison pour hommes existante, semblent avoir connu une issue similaire, sans aucune indication de plans ou d’intentions de les désigner comme pavillons relevant de l’article 81 et de transférer le contrôle local à la communauté.

Paradoxalement, il en a résulté des pavillons de ressourcement gérés par l’État, un concept intrinsèquement contraire à la vision initiale et qui, par sa politique et sa pratique, les a fait ressembler davantage à des prisons classiques à sécurité minimale et moyenne, contrairement à ce que l’on attendait d’un pavillon de ressourcement géré par la communauté. Ces « établissements », comme le SCC les appelle sur son site Web, fonctionnent selon les mêmes politiques que les autres prisons, avec peu de souplesse formelle pour fonctionner différemment. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence cette réalité fondamentale. Comme nous l’avons entendu au cours de nos entrevues, lorsque l’accès à la communauté, aux programmes et aux cérémonies a été restreint au début de la pandémie, les pavillons gérés par le SCC fonctionnaient en grande partie comme des prisons à sécurité minimale. Il ne s’agit pas de dénigrer le travail important et les bonnes intentions de nombreuses personnes travaillant dans ces pavillons de ressourcement, et il existe effectivement des différences dans le fonctionnement des pavillons gérés par le SCC. Au contraire, les décisions du SCC de privilégier son propre pouvoir et son propre contrôle ont limité la capacité de ces pavillons à exercer plus librement leur activité en tant que lieux décolonisés qu’ils étaient censés être, où la gouvernance, l’autodétermination et la communauté autochtones devaient être l’éthique dominante, et non pas des corrections classiques avec une entorse à la règle. Il en résulte deux catégories de pavillons de ressourcement. Nous disposons de pavillons bien financés et gérés par l’État, dotés des ressources nécessaires pour prospérer, mais dont le succès est limité par le fait même qu’ils sont gérés par l’État et qu’ils ne répondent pas aux besoins particuliers des résidents autochtones. D’autre part, nous avons des pavillons gérés par la communauté dont la promesse fondamentale a été limitée par les pratiques de relégation qui leur ont été imposées par le Service.

Photo de l’extérieur du bâtiment principal du Village de guérison Kwìkwèxwelhp (un pavillon de ressourcement administré par le SCC).
Bâtiment principal du Village de guérison Kwìkwèxwelhp (un pavillon de ressourcement administré par le SCC) 

La solution au système à deux niveaux ne réside toutefois pas dans la création d’un nouvel ensemble de politiques accordant plus de souplesse au modèle existant des pavillons gérés par l’État. Le SCC doit plutôt revenir à l’intention et à la philosophie originelles des pavillons de ressourcement pour voir dans quelle mesure elles se sont éloignées de leur objectif. Tant que le Service continuera à gérer des pavillons gérés par l’État, il s’engagera dans un jeu colonial séculaire de récupération carcérale . Il perpétue de la sorte sa position et sa propre autorité, et apportant des ajustements au système dans un effort visant à neutraliser les critiques et les demandes extérieures. Une véritable réconciliation dans le système correctionnel ne pourra se faire qu’en tenant les anciennes promesses et en prenant des mesures sérieuses en faveur de la souveraineté autochtone et de la décolonisation des pavillons de ressourcement.

Éléments de la vision originale des pavillons de ressourcement 

Le pavillon de ressourcement permettra aux femmes purgeant une peine fédérale de faire ce qui suit :

  • retrouver leur fierté et leur dignité de femmes et de mères;
  • restaurer un sentiment de valeur, de dignité et d’espoir;
  • reconstruire leurs familles et leurs communautés;
  • jeter des ponts entre les sociétés autochtones et non-autochtones;
  • promouvoir la guérison de la Terre et de toutes ses créatures.

Le pavillon de ressourcement sera un lieu où l’on pourra… :

  1. Organiser des rassemblements saisonniers pour célébrer les quatre points cardinaux.
  2. Organiser des cérémonies, notamment la suerie, le jeûne, les cérémonies du calumet, les festins, les cérémonies U-Wipi, la tente tremblante, la cérémonie du bain de cèdre, les cérémonies du don, les danses du soleil, les cérémonies de la danse de la pluie et toutes les autres cérémonies liées au bien-être spirituel et culturel.
  3. Partager les enseignements des traditions orales où les cérémonies peuvent être protégées, où la renaissance de la langue, des coutumes, des croyances et des méthodes traditionnelles d’enseignement et de guérison peut se faire de manière naturelle.
  4. Recréer les relations avec toutes les créatures qui partagent la Terre.
  5. Promouvoir les méthodes traditionnelles d’enseignement et d’apprentissage.
  6. Héberger sur place les enfants dont les parents résident au pavillon de ressourcement.
  7. Fournir un cadre pour des expériences d’apprentissage partagées par les Autochtones et les non-Autochtones.
  8. Créer une base économique qui permette l’agriculture et l’autosuffisance de la terre, la cueillette d’herbes et de plantes pour l’alimentation et la médecine, ainsi que la culture biologique de produits de serre.
  9. Créer une base économique qui permettra l’autosuffisance et encouragera l’artisanat autochtone tel que le tannage des peaux, etc. qui débouchera sur un magasin d’artisanat authentique.         
     
Photo de l’espace de menuiserie et de formation professionnelle au Centre Pê Sâkâstêw (un pavillon de ressourcement administré par le SCC).
Espace de menuiserie et de formation professionnelle au Centre Pê Sâkâstêw (un pavillon de ressourcement administré par le SCC) 

4. Les pavillons de ressourcement gérés par la communauté continuent de manquer cruellement de ressources

L’une des différences les plus nettes entre les pavillons de ressourcement gérés par la communauté et ceux gérés par le SCC réside dans la manière dont ils sont financés. Un financement adéquat a toujours été un problème, en particulier pour les pavillons de ressourcement relevant de l’article 81. Bien que les particularités de chaque accord de financement varient, en général, ils fonctionnent selon un modèle de financement de contribution quotidienne, les pavillons facturant leurs coûts au SCC sur la base de taux pré-approuvés. Ces accords sont temporaires, fonctionnent sur des cycles de cinq ans et sont soumis à des modifications et à l’approbation du SCC. Par conséquent, ces pavillons de ressourcement, ces communautés et ces organisations n’ont aucun sentiment de permanence et très peu de contrôle. En outre, ces dispositions ne laissent que très peu de marge de manœuvre aux pavillons gérés par la communauté pour financer les dépenses quotidiennes, et encore moins pour couvrir les frais imprévus.

Si ce modèle de financement précaire présente des inconvénients inhérents en temps normal, les conséquences de la pandémie de COVID-19 ont particulièrement mis en évidence ses vulnérabilités. Avec des taux d’occupation en baisse, qui ont une incidence sur les taux de financement des allocations quotidiennes, le SCC a été contraint de mettre en place une formule de financement temporaire pour maintenir à flot les pavillons de ressourcement gérés par la communauté. À la décharge du SCC, un organisme communautaire nous a dit qu’il avait reçu des fonds d’urgence pour payer l’électricité au plus fort de la pandémie, mais que le SCC avait récupéré près de la moitié de la somme versée l’année suivante. Ces solutions permanentes, temporaires et de fortune démontrent non seulement la réticence du SCC à formaliser le transfert du contrôle et des ressources aux organisations communautaires, mais aussi un manque de confiance inhérent dans les communautés pour gérer et affecter les fonds sur la base de leur propre évaluation des besoins.

Dans le cadre de l’enquête Une question de spiritualité , le Bureau a noté en particulier les écarts considérables entre le financement des pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 et celui des pavillons gérés par le SCC. Plus précisément, on a constaté que le coût annuel par résident dans les pavillons de ressourcement contrôlés par le SCC était d’environ 113 450 $, contre 70 845 $ dans les pavillons gérés par la communauté, soit environ 62 % du taux fixé par le SCC. Dix ans plus tard, alors que le inancement global alloué aux pavillons de ressourcement a augmenté, la disparité entre les établissements gérés par le SCC et ceux relevant de l’article 81 est devenue encore plus préoccupante.

Photo d’une plaque pour le Centre de guérison Stan Daniels (un pavillon de ressourcement administré par le Native Counselling Service of Alberta).

Comparaison des coûts annuels des pavillons de ressourcement (exercice 2023-2024)

Graphique à barres comparant les coûts annuels des pavillons de ressourcement visés par l’article 81 et de ceux administrés par le SCC pour l’exercice 2023-2024. Pavillons de ressourcement visés par l’article 81 = 12 707 241 $ (34 %), Pavillons de ressourcement administrés par le SCC = 24 665 658 $ (66 %), TOTAL : 37 372 899 $.

Selon les données sur les affectations budgétaires fournies par le SCC, en 2023-2024, les dépenses du SCC pour les pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 ne représentent que 34 % de ses dépenses totales pour les pavillons de ressourcement. En outre, pour les six pavillons de ressourcement gérés par la communauté, le Service dépense la moitié de ce qu’il dépense pour les quatre pavillons gérés par le SCC. En d’autres termes, le SCC dépense actuellement environ deux fois plus pour les pavillons gérés par le Service que pour ceux qui sont gérés par la communauté. Lorsqu’on examine les coûts par personne, le SCC dépense encore en moyenne environ 40 % de moins (environ 100 000 dollars de moins par personne) par résident qui purge sa peine dans un pavillon de ressourcement géré par la communauté que par résident dans un pavillon géré par le SCC. En d’autres termes, comme c’était le cas en 2013, le SCC continue de payer un peu moins de 62 cents par dollar aux pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 par rapport à ce qu’il dépense pour les résidents des pavillons gérés par l’État. Footnote 63 L’examen du seul financement global montre clairement que le SCC a non seulement continué à privilégier le financement de ses propres pavillons gérés par le SCC, mais qu’il a également creusé l’écart qui existait déjà il y a dix ans. En outre, comme le Bureau l’a entendu lors de ses entrevues, le Service a tenu les communautés dans l’ignorance des sources de financement disponibles et de la manière de les obtenir. Comme nous l’a dit une personne,

« Le SCC ne dit pas aux pavillons de ressourcement quels fonds sont disponibles. Personne ne sait quels montants sont disponibles. Il y a beaucoup d’argent dans les Services de soins de santé et les Services correctionnels pour les Autochtones… Cet argent n’est pas dépensé. Où va-t-il? Et ils veulent que nous prenions [les Autochtones] ayant des besoins complexes, mais nous avons besoin de plus d’argent, nous devons pouvoir payer du personnel plus qualifié pour s’occuper d’eux, et le SCC ne dit à personne quels fonds sont disponibles. Pourquoi? » 

Photo d’une chambre de résident Centre de guérison Stan Daniels (un pavillon de ressourcement administré par la communauté).
Chambre de résident au Centre de guérison Stan Daniels (un pavillon de ressourcement administré par la communauté) 

Le sous-financement chronique des pavillons gérés par les communautés, en particulier par rapport aux pavillons gérés par l’État, illustre la façon dont le SCC a en fait monté ces pavillons les uns contre les autres et a mené une guerre d’usure discrète qui a mis les pavillons relevant de l’article 81 en difficulté.

Il n’est pas surprenant que les conséquences de ces écarts de financement aient une incidence sur tous les aspects du fonctionnement des pavillons de ressourcement. Sur la base des diverses visites sur place et des entrevues menées ces dernières années, le Bureau a constaté des différences significatives entre les pavillons gérés par le SCC et ceux gérés par la communauté, notamment, mais pas exclusivement, les suivantes :

  • l’infrastructure vieillissante des installations;
  • la capacité à recruter, former et maintenir en pose le personnel;
  • les disparités dans les salaires du personnel pour des emplois équivalents;
  • le financement des produits de base quotidiens, tels que la literie et les produits d’hygiène;
  • le financement de programmes, d’activités ou de cérémonies;
  • la capacité de transporter les résidents vers les programmes et services communautaires;
  • la capacité à aider les personnes ayant des besoins complexes en matière de santé mentale et physique.

La disparité du financement des salaires et de la formation du personnel est de loin la préoccupation la plus fréquemment citée lors de l’examen des charges financières pesant sur les pavillons gérés par la communauté. Certains de ces sites ont indiqué que leur personnel pouvait gagner jusqu’à la moitié du salaire d’un agent pénitentiaire dans un établissement comparable du SCC. « Nous sommes payés comme une personne travaillant dans le commerce de détail », nous a dit une employée, en précisant qu’elle avait trois emplois pour joindre les deux bouts. Une autre employée d’un pavillon relevant de l’article 81 a indiqué qu’elle gagnait 30 000 dollars de moins par an que ce qu’elle gagnerait en faisant le même travail pour le SCC.

L’une des principales conséquences de l’absence de salaires compétitifs est qu’elle crée des difficultés tant pour le recrutement initial que pour le maintien en poste du personnel, une fois qu’il a appris les ficelles du métier. Comme nous l’a dit une personne, « le salaire de départ est très dissuasif. Le personnel vient ici pour de bonnes raisons, mais il est impossible de vivre avec ce salaire ». La rotation du personnel, et en particulier la perte de personnel au profit des pavillons du SCC qui peuvent payer un salaire nettement plus élevé, est un problème de longue date dans les pavillons communautaires, qui crée un sentiment d’instabilité parmi le personnel et les résidents. Un membre du personnel nous a raconté que la première question qu’il avait reçue d’un résident lors de sa prise de fonction était : « Allez-vous rester assez longtemps pour apprendre nos noms? »

La gestion d’un pavillon de ressourcement est une responsabilité coûteuse pour les communautés, dont les coûts constituent un frein important à la conclusion d’un accord, en particulier lorsque le SCC ne les indemnise pas de manière adéquate pour assumer une telle responsabilité. Depuis des décennies, les pavillons gérés par les communautés sont obligés d’exploiter chaque dollar au-delà de ce que l’on peut raisonnablement attendre et demander d’elles, en capitalisant apparemment sur le dévouement, la bonne volonté ou la « vocation » à faire ce travail de leurs employés. Comme l’a dit un membre du personnel, « ce n’est pas l’argent, ce sont les résidents qui me font rester ici. C’est l’amour qui me fait rester ici ».

5. Les pavillons de ressourcement gérés par la communauté sont un investissement très utile

À première vue, la trajectoire des trente dernières années en ce qui concerne les pavillons de ressourcement dans le système correctionnel canadien ne semble pas être une réussite retentissante. Rétrospectivement, la décision du SCC d’abandonner ses efforts pour conclure de nouveaux accords, de réorienter les fonds des pavillons de ressourcement vers des initiatives en milieu carcéral (à un moment donné, il s’est même opposé au modèle des pavillons de ressourcement) a été un premier signe que les espoirs d’expansion étaient en train de s’évanouir. Néanmoins, le fait que le SCC n’ait pas investi dans les pavillons de ressourcement ne prouve pas que ces pavillons ne méritent pas de bénéficier d’un financement.

De nombreuses études menées par le SCC ont démontré que les pavillons de ressourcement constituent une alternative communautaire efficace aux services correctionnels. Par exemple, une étude récente menée par le service de recherche du SCC sur l’incidence des pavillons de ressourcement sur la réinsertion et les résultats communautaires s’est révélée positive. L’étude a permis de constater que, par rapport à un échantillon apparié d’individus dans des prisons ordinaires, les résidents des pavillons de ressourcement étaient plus susceptibles de terminer des programmes correctionnels et autres, et de participer à davantage de permissions de sortir avec ou sans escorte, ainsi qu’à des placements à l’extérieur. Lorsque l’on compare les résultats des résidents des pavillons gérés par le SCC à ceux des résidents des pavillons relevant de l’article 81, on constate qu’au cours de leur peine, les résidents des pavillons gérés par la communauté se sont davantage améliorés dans la plupart des domaines (p. ex. problèmes familiaux ou conjugaux, toxicomanie et comportement dans la communauté). Bien qu’il n’y ait pas de différences significatives dans les taux de suspension ou de révocation, les personnes libérées d’un pavillon de ressourcement géré par la communauté ont passé plus de temps dans la communauté avant leur première suspension ou révocation, comparé aux personnes libérées d’un pavillon géré par le SCC. Footnote 64 

Le succès et les avantages des pavillons de ressourcement ne se limitent toutefois pas à compter le nombre de nouveaux accords ou à examiner les retours en détention au SCC après la mise en liberté. Le Service a depuis longtemps l’habitude de mesurer le succès de ses initiatives en utilisant les données et les indicateurs de rendement existants et disponibles qui peuvent être facilement extraits de son propre système interne d’entrepôt de données. Si ces mesures peuvent être instructives, elles présentent des limites et des préjugés inhérents, en particulier lorsqu’il s’agit de mesurer les progrès réalisés en matière de guérison, en tenant compte des spécificités culturelles, qui plus est. Au contraire, un regard sur ce qui se passe à l’intérieur de ces pavillons et sur ce que cela signifie pour la vie des résidents, du personnel et de la communauté montre de manière plus convaincante pourquoi ils ne sont pas simplement une meilleure solution de rechange aux prisons, mais un modèle plus humain digne d’un investissement plus important. Qu’il s’agisse de l’environnement physique, de la mentalité et de la culture du personnel, de la qualité des programmes ou de l’accès à la communauté, lors de nos visites et entrevues, les résidents et le personnel des pavillons de ressourcement gérés par la communauté nous ont fait part de certains des éléments clés qui ont le plus d’incidence sur leur vie et qui démontrent leur valeur importante.

Photo de l’extérieur de la maison longue du Village de guérison Kwìkwèxwelhp.
Maison longue du Village de guérison Kwìkwèxwelhp 
Photo du site de pow-wow du Centre Pê Sâkâstêw.
Site de pow-wow du Centre Pê Sâkâstêw 

Environnement et personnel

Tout d’abord, l’environnement du pavillon de ressourcement, tant sur le plan physique que sur le plan de l’ ambiance ou du sentiment , a été cité comme l’une des caractéristiques les plus puissantes du pavillon de ressourcement. Qu’il s’agisse de l’importance moindre accordée à la sécurité et à la séparation, ou du comportement et même de la tenue vestimentaire du personnel, les pavillons communautaires font des efforts délibérés et sincères pour donner le ton d’un lieu qui est effectivement différent d’une prison. Nous avons observé le personnel et les résidents interagir dans les espaces communs, parfois en échangeant des plaisanteries, d’une manière et dans un style qui témoignent avant tout d’un sentiment de chaleur, de respect mutuel et de dignité. En outre, nous avons entendu et observé comment le personnel s’efforce d’atténuer le déséquilibre des pouvoirs, en envoyant plutôt le message que le personnel et les résidents doivent être perçus et traités comme étant sur un pied d’égalité. Comme nous l’a dit un membre du personnel, « lorsque vous les traitez comme des numéros, ils finissent par se réduire à ces numéros ». Les sortir de ce statut de simple numéro et les traiter comme des humains, c’est leur rendre leur identité ». Un résident a comparé son expérience au pavillon de ressourcement à celle dans son établissement précédent : « Ils m’ont offert un espace où je pouvais être moi-même, et je n’avais pas besoin de guérir rapidement ».

En effet, la relation entre le personnel et les résidents était l’une des différences les plus convaincantes entre les prisons, les pavillons gérés par le SCC et ceux gérés par la communauté. Un résident d’un pavillon géré par la communauté, qui avait récemment été transféré d’un centre d’hébergement géré par le SCC, nous a confié : « Ici, le personnel est plus productif; il fait des efforts, parfois en payant de sa poche, pour vous montrer qu’il se préoccupe de vous ». À la maison de ressourcement Buffalo Sage, l’un des pavillons de ressourcement pour femmes relevant de l’article 81, un membre du personnel a résumé la situation en ces termes : « Ce travail est vraiment axé sur les relations et l’établissement de rapports avec le personnel et entre les personnes. Il y a un grand respect mutuel et les femmes se sentent en sécurité. »

Outre l’espace physique et le personnel, la disponibilité de soutiens culturels, en particulier le soutien apporté par les Aînés, et l’accès à des cérémonies plus régulières ont été soulignés comme étant quelques-uns des plus grands atouts de ces pavillons. « La culture et les Aînés, voilà ce qui m’a sauvée », nous a dit une résidente. L’avantage qui a été le plus souvent évoqué est, de loin, l’importance du rôle des Aînés pour guider les résidents, leur faire connaître leur culture, les aider à mieux comprendre leur propre vie, les initier aux cérémonies, pour la première fois de leur vie, pour certains, dans un lieu et un espace qui sont plus propices à la guérison. Comme nous l’a confié une ancienne résidente du pavillon de ressourcement :

« Les pavillons de ressourcement sont la meilleure solution, ils doivent s’éloigner de cette sous-culture carcérale. Ils ont peu confiance en eux; les jeunes sont influencés par les autres, car ils n’ont pas d’identité. Il faudrait demander à un groupe d’Aînés, de véritables personnes traditionnelles qui connaissent la culture, d’enseigner aux résidents… mais faut que cela se fasse en dehors du système carcéral ». 

Photo d’un cuir étiré au Centre Pê Sâkâstêw.
Cuir étiré au Centre Pê Sâkâstêw 
Photo d’un mur du Centre Pê Sâkâstêw illustré d’enseignements sacrés écrits à côté du dessin d’un tipi.
Enseignements au Centre Pê Sâkâstêw 

Disponibilité de meilleurs programmes

Malgré les difficultés de financement, la disponibilité, la souplesse et les types de programmes et d’activités proposés aux résidents ont également été cités comme un avantage important. Par exemple, des programmes comme Esprit du guerrier et En quête du guerrier en vous , parmi d’autres programmes qui ont été abandonnés par le SCC en 2010 apparemment en faveur d’un nouveau modèle de programmes correctionnels intégrés, continuent d’être mis en œuvre dans certains pavillons gérés par la communauté. De nombreux résidents et membres du personnel ont exprimé leur frustration quant au fait que les hommes et les femmes des établissements ordinaires ne peuvent plus bénéficier de ces programmes. Un membre du personnel a résumé comme suit son point de vue sur l’ensemble des « programmes correctionnels pour les Autochtones » qui sont actuellement mis en œuvre dans les prisons du SCC :

« Le contenu ne fait qu’évoquer des concepts pan-autochtones, les passe rapidement sous silence, coche une case indiquant que les enseignements autochtones ont été couverts d’une manière ou d’une autre, et ensuite vous passez à autre chose. Mais ces enseignements ne sont pas abordés de manière assez approfondie pour avoir un impact ». 

Bien qu’un examen et une comparaison complets des programmes correctionnels du SCC ne fassent pas partie du champ de la présente enquête, les résidents ont condamné sans équivoque la qualité de l’ensemble des programmes correctionnels actuels « pour les Autochtones ». De plus, les personnes qui ont fait partie du système correctionnel assez longtemps pour avoir connu les différentes approches en matière de programmes ont exprimé leur gratitude et leur soulagement à l’égard des pavillons de ressourcement gérés par la communauté, qui reconnaissent leur valeur et continuent d’offrir à leurs résidents les anciens programmes propres aux Autochtones. En comparant l’ancien et le nouveau modèle de programmes, un résident a déclaré : « C’est plus difficile, mais c’est ce qui permet d’atteindre une véritable guérison ».

Accès à la communauté

D’autres avantages des pavillons de ressourcement gérés par la communauté ont été évoqués au cours de nos entrevues, notamment le rôle important et l’implication de la communauté. Les résidents nous ont dit que l’engagement positif dans la communauté, qu’il s’agisse d’activités de bénévolat formel pour aider à rendre la pareille, ou simplement de promenades et de présence dans la communauté, les a aidés à trouver progressivement une place et un rôle dans la communauté, d’une manière qui n’est tout simplement pas disponible pour ceux qui purgent leur peine dans une prison. Comme l’a dit un membre du personnel, « cela leur donne l’occasion de travailler sur eux-mêmes. Ils repartent avec un sentiment d’appartenance ». Les avantages se répercutent également sur les membres de la communauté, non seulement en leur offrant des possibilités d’emploi dans les pavillons, mais aussi en leur donnant l’occasion de participer de manière unique au processus de réinsertion et de renforcement de la communauté.

Dans l’ensemble, s’il existe de nombreuses preuves empiriques et anecdotiques de l’ efficacité des pavillons de ressourcement gérés par la communauté, malgré le manque de ressources et de soutien, il existe une raison plus convaincante d’investir dans ces pavillons : le fait que les peuples autochtones l’ont dit. Ces pavillons présentent un modèle prometteur, mais sous-utilisé, qui est disponible pour les services correctionnels depuis des décennies et qui pourrait avoir une incidence importante sur la surreprésentation. Si la surreprésentation n’est pas uniquement la conséquence du système correctionnel lui-même, il est très clair que les diverses initiatives, les plans stratégiques et les cadres élaborés par le système correctionnel pour « traiter » ce problème de longue date n’ont pratiquement rien fait pour remédier à la surreprésentation des Autochtones dans le système carcéral.

En outre, bien qu’ils aient contribué à tracer le cours de l’histoire, à enregistrer l’expérience humaine et à servir d’instruments pour nous demander des comptes, nous n’avons pas besoin de plus de commissions, d’études, de rapports ou d’appels à l’action sur les services correctionnels pour les Autochtones pour savoir que les solutions ne résulteront pas de l’habillage du système correctionnel existant avec les atours extérieurs de la culture . Nous avons besoin d’actions concrètes et de résultats mesurables. Pour guider ces actions, les services correctionnels doivent revenir à la vision initiale des pavillons de ressourcement gérés par la communauté et tenir les promesses qu’ils n’ont pas tenues. Ce n’est pas seulement dans l’intérêt des personnes qui se trouvent dans le système correctionnel, c’est aussi l’occasion pour les services correctionnels de faire preuve d’un véritable leadership parmi les divers établissements canadiens qui ont lutté, traîné les pieds ou carrément ignoré les plans élaborés pour eux par les peuples autochtones d’hier et d’aujourd’hui.

Photo de l’espace de programmes et de cérémonies au Centre de guérison Stan Daniels.
Espace de programmes et de cérémonies au Centre de guérison Stan Daniels 

Conclusion et recommandations

« Vous m’avez toujours dit qu’il fallait du temps. Cela a pris le temps de mon père, de ma mère, de mon oncle, de mes frères et sœurs, de mes nièces et de mes neveux. Combien de temps voulez-vous pour vos « progrès »? »         
– James Baldwin 

L’une des conclusions les plus troublantes de cette enquête est que, depuis que le Bureau a mené l’enquête Une question de spiritualité , peu de choses ont changé, pour le mieux, en ce qui concerne les pavillons de ressourcement et les personnes qui pourraient en bénéficier. De nombreux écarts qui existaient il y a dix ans subsistent aujourd’hui et, dans certains cas, semblent s’être creusés. La proportion d’Autochtones derrière les barreaux a augmenté de 11 % au cours de la décennie qui a suivi la publication du premier rapport Une question de spiritualité . Les Autochtones représentent désormais près d’un tiers de la population carcérale fédérale, et les femmes autochtones, environ la moitié de toutes les femmes derrière les barreaux. Seulement 2 % de tous les Autochtones purgent actuellement leur peine dans un pavillon de ressourcement géré par la communauté, un chiffre bien inférieur à ce que les rédacteurs de la vision des pavillons de ressourcement ou de l’article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) auraient pu espérer. Trente ans plus tard, ce que l’on peut retenir, c’est que le statu quo n’a pas permis, et ne permettra pas d’inverser cette tendance.

La stagnation générale et les revirements dans le développement des pavillons de ressourcement en particulier sont la preuve d’un système qui a choisi de ne pas tirer profit des mécanismes, des ressources et des conseils qui lui ont été donnés pour changer la trajectoire de la surreprésentation des Autochtones dans le système correctionnel. Cette situation s’explique en grande partie par le fait que les peuples et les communautés autochtones ont été tenus en marge du processus décisionnel. Pour ajouter l’insulte à l’injure, cette situation a envoyé le même message que les institutions coloniales ont envoyé à des générations d’Autochtones : continuez à attendre nos progrès. Alors que le système ne fait que bidouiller des solutions, combien de temps encore les communautés autochtones devront-elles attendre que leurs parents, leurs voisins et leurs proches continuent de croupir derrière les barreaux? En tant qu’ombudsman des établissements pénitentiaires fédéraux, mes pouvoirs se limitent à formuler des recommandations et à faire entendre ceux qui se sentent souvent sans voix. Mais je reconnais qu’un énième rapport ne contribuera guère à ramener les gens chez eux. Nous espérons toutefois qu’un exercice de rétrospection visant à évaluer les promesses et les recommandations qui n’ont pas été tenues et qui n’ont pas été respectées permettra d’éclairer les mesures concrètes qui doivent être mises en œuvre maintenant afin de parvenir à un véritable changement.

Pour conclure avec des mots qui sonnent aussi vrai aujourd’hui que lorsqu’ils ont été écrits en mars 1992, voici un extrait du rapport du comité de planification des pavillons de ressourcement et du cercle des Aînés :

À l’heure où les dirigeants de notre pays tentent de trouver de nouvelles façons de travailler ensemble et de tracer une voie différente pour le Canada, nous considérons notre engagement en faveur d’un partenariat sur les pavillons de ressourcement comme un petit exemple clair de ce même effort. Si nous réussissons, l’impact sera important. Les femmes autochtones incarcérées font partie des personnes les plus défavorisées et privées de leurs droits au Canada. Améliorer leur situation, c’est améliorer notre pays. 

Suite aux conclusions de l’enquête sur les pavillons de ressourcement, je recommande au ministre de la Sécurité publique de demander au SCC ce qui suit : 

  1. Financer une initiative nationale externe d’engagement, menée par des Autochtones, afin de créer des capacités, de l’intérêt et de l’innovation parmi les communautés et les organisations autochtones (urbaines et rurales) afin de conclure des accords au titre des articles 81 et 84 pour la prise en charge, la garde et la supervision des Autochtones sous le coup d’une peine fédérale.         

     
  2. Élaborer des actions claires, des calendriers, des objectifs mesurables et des résultats à atteindre , et en rendre compte publiquement : 
  3. impliquer plus efficacement les communautés et les organisations autochtones dans la conclusion d’un plus grand nombre d’accords relevant de l’article 81, en particulier dans les domaines où des lacunes ont été constatées (par exemple, en Ontario et dans la région de l’Atlantique, pour les femmes autochtones et les personnes originaires des régions nordiques, en milieu urbain); 
  4. établir des accords relevant de l’article 81 dans les zones urbaines et rurales; 
  5. transférer le contrôle et la propriété des pavillons de ressourcement existants gérés par le SCC à la communauté locale, ou à un groupe ou une organisation autochtone, relevant de l’article 81 de la LSCMLC, dans un délai de trois ans. 
  6. Travailler avec les pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 pour déterminer les principales causes des taux d’inoccupation et déterminer les mesures à prendre pour augmenter et maintenir des taux d’occupation plus élevés, en accordant une attention particulière aux points suivants : 
  7. Développer de nouveaux outils de classification de sécurité rigoureusement validés pour les peuples autochtones, à partir de la base, afin de réduire leur surreprésentation dans les établissements à sécurité moyenne et maximale, conformément à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Ewert , 2018; 
  8. Examiner et modifier les politiques et les pratiques relatives aux indicateurs de groupes menaçant la sécurité (gangs) en vue de faciliter la suppression de ces indicateurs, le cas échéant; 
  9. Élaborer et mettre en œuvre une stratégie de désaffiliation et de sortie des gangs gérée par des personnes et/ou des organisations communautaires autochtones; 
  10. Accroître la disponibilité de soins tenant compte des traumatismes dans les établissements pour femmes et pour hommes et la possibilité pour les personnes autochtones incarcérées de recevoir des diagnostics et des traitements appropriés en matière de santé mentale; 
  11. Augmenter le nombre d’Autochtones qui passent à des niveaux de sécurité inférieurs (par exemple, en acceptant des populations à sécurité moyenne) et accélérer les transferts vers les pavillons de ressourcement, en particulier ceux relevant de l’article 81. 
  12. Élaborer, en collaboration avec les communautés et les organisations, un nouveau modèle de financement pour les accords relevant de l’article 81 et augmenter considérablement le financement des pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 afin de mieux répondre à leurs besoins particuliers et de remédier aux disparités existantes avec les pavillons gérés par l’État, en vue d’atteindre la parité en matière de ressources. 
Photo de l’entrée du bâtiment administratif des Sentiers autochtones au Pénitencier de la Saskatchewan.
Entrée du bâtiment administratif des Sentiers autochtones au Pénitencier de la Saskatchewan 

Une route droite et étroite : Une enquête sur les initiatives des Sentiers autochtones du SCC

« J’ai voulu participer à l’initiative des Sentiers autochtones pour me connecter à la culture dont j’étais privé ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones Footnote 65 

« Pour la plupart, nous sommes là pour l’initiative de Sentiers autochtones, mais beaucoup ne sont pas là pour la culture. Leur comportement n’est pas celui de personnes qui suivent un plan de guérison. Ils ne sont là que parce que c’est bon pour eux sur le papier ». – Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

« Beaucoup de ces gars ont été affectés par le colonialisme, je crois en la résilience. Je crois, aussi sûrement que je suis assis ici, que ces gars peuvent changer. Les responsables de la libération conditionnelle doivent penser que le passé prédit l’avenir, mais je ne suis pas d’accord ».         
– Aînés de l’initiative des Sentiers autochtones 

« Ils pensent que c’est la culture qui m’a amené ici. C’est l’alcool et la douleur qui m’ont amené ici ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

« Ils disent que nous devons nous engager, mais chacun de ces gars est prêt à s’engager si vous faites les choses correctement. Le SCC ne devrait pas avoir le pouvoir discrétionnaire de déterminer qui se qualifie pour la guérison… »         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

Introduction et contexte

L’initiative des Sentiers autochtones est considérée comme une intervention emblématique de l’approche du SCC en matière de services correctionnels pour les Autochtones, bien que ses objectifs généraux ne soient pas du tout clairs et qu’elle ait connu plusieurs itérations depuis son lancement en 2001 :

Changement hasardeux des objectives de la stratégie des Sentiers autochtones 

2001 … contribuer à la réduction du taux d’incarcération des délinquants autochtones. Footnote 66 

2003 … réduire leur taux de réincarcération [des délinquants autochtones] et augmenter la probabilité d’une réinsertion réussie dans la communauté. Footnote 67 

2013 L’initiative des Sentiers autochtones est avant tout une initiative de guérison intensive dirigée par un Aîné, qui renforce un mode de vie traditionnel autochtone… en accord avec les valeurs et les croyances traditionnelles autochtones. Footnote 68 

2017 … favoriser la guérison afin que les hommes retournent dans la communauté en tant que membres à part entière de leur famille et de leur communauté. Footnote 69 

2019 … [une] initiative qui promeut la guérison holistique et renforce un mode de vie autochtone traditionnel en offrant des interventions de guérison intensives et adaptées à la culture à un groupe de délinquants dévoués et engagés. Footnote 70 

2023 … donner aux délinquants qui se sont engagés sur la voie de la guérison l’occasion de participer à des interventions culturelles et spirituelles accrues afin de s’attaquer aux facteurs de risque criminogènes. Footnote 71 

En l’absence d’un document de référence unique et avec de lignes directrices en constante évolution qui ne semblent pas s’accorder sur un objectif fondamental, l’enquête sur les initiatives des Sentiers autochtones du SCC a représenté un défi unique. D’une manière générale, nous comprenons que Sentiers autochtones :

  • est une initiative qui facilite la mise en place de programmes intensifs, d’interventions et d’autres activités pour les personnes qui suivent un « plan de guérison »;
  • a l’intention d’offrir plus que les services habituels fournis par le SCC au reste des personnes autochtones en détention;
  • est conçu comme un environnement intensif dirigé par un Aîné, dans lequel les participants sont censés maintenir un niveau élevé d’engagement dans une voie de guérison traditionnelle, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7;
  • est proposé aux trois niveaux de sécurité afin d’offrir un continuum de soins Footnote 72 :
  • Les établissements à sécurité maximale disposent d’un petit nombre de places destinées à préparer les participants à passer à des interventions de Sentiers autochtones à sécurité moyenne. On parle parfois de programme d’intervention préparatoire aux Sentiers autochtones. Footnote 73 
  • C’est dans les établissements à sécurité moyenne que les interventions et les programmes les plus intensifs de l’initiative des Sentiers autochtones sont mis en œuvre pour atteindre les objectifs du plan de guérison et de la planification correctionnelle. Les Sentiers autochtones à sécurité moyenne disposent d’une unité ou d’une rangée dédiée.
  • Les établissements à sécurité minimale accueillent des personnes qui sont passées par des initiatives de Sentiers autochtones à sécurité plus élevée et qui se préparent à la mise en liberté dans la communauté. Footnote 74 
  • En tant qu’environnements à plusieurs niveaux de sécurité, les établissements pour femmes offrent le continuum complet des initiatives des Sentiers autochtones, qui sont intégrées à d’autres interventions propres aux délinquantes.

     

Unités et rangées des Sentiers autochtones dans divers établissements fédéraux

Photos d’unités et de rangées des Sentiers autochtones dans des établissements fédéraux.
Établissement de la vallée du Fraser 
Photos d’unités et de rangées des Sentiers autochtones dans des établissements fédéraux.
Établissement de Grande Cache 
Photos d’unités et de rangées des Sentiers autochtones dans des établissements fédéraux.
Établissement du Pacifique 
Photos d’unités et de rangées des Sentiers autochtones dans des établissements fédéraux.
Établissement de Stony Mountain 
Photos d’unités et de rangées des Sentiers autochtones dans des établissements fédéraux.
Pénitencier de la Saskatchewan 

Les premières unités de vie ou de type résidentiel de l’initiative des Sentiers autochtones ont été ouvertes en 2002 dans trois établissements à sécurité moyenne pour hommes. À l’époque, l’objectif de l’initiative des Sentiers autochtones était d’offrir aux délinquants autochtones un environnement de type pavillon de ressourcement dans le cadre d’un établissement classique. L’expansion initiale et subséquente de l’initiative des Sentiers autochtones, qui sont passés de trois à sept en 2006, a en fait été financée par des ressources du Conseil du Trésor qui ont été détournées du développement des pavillons de ressourcement communautaires pour être affectées à des interventions en milieu carcéral. Footnote 75 Un financement supplémentaire en 2009-2010 a permis d’augmenter le nombre d’initiatives des Sentiers autochtones à 25 (avant le regroupement).

Aujourd’hui, avec un budget total de 3,6 millions de dollars (2022-2023) représentant 5 % des allocations budgétaires du SCC pour toutes les initiatives autochtones, il y a environ 350 places pour Sentiers autochtones répartis dans 22 établissements fédéraux. En janvier 2023, 262 personnes étaient affectées à Sentiers autochtones (75 % de la capacité d’accueil) et 72 étaient sur liste d’attente. Au total, les personnes inscrites sur la liste d’attente ou participant à l’initiative des Sentiers autochtones représentent 8 % de l’ensemble de la population autochtone en détention. Footnote 76 Dans les établissements autonomes à sécurité maximale du SCC, Footnote 77 le programme d’intervention préparatoire aux Sentiers autochtones a une capacité totale de 21 places, dont 12 (57 %) étaient occupées en janvier 2023. Ces douze personnes représentent 3 % de l’ensemble des Autochtones détenus dans les établissements autonomes à sécurité maximale du SCC (N = 400).

Nombre total de places sur liste d’attente, de places attribuées et de lits pour les initiatives de passerelles, par région Aperçu à partir de janvier 2023

Graphique à barres illustrant la capacité d’accueil des initiatives des Sentiers autochtones et le nombre total de personnes en attente et affectées, par région. Les données sont un instantané de janvier 2023. Sur liste d’attente: Atlantique = 2, Ontario = 7, Pacifique = 13, Prairies = 49, Québec = 1, TOTAL = 72. Affectées: Atlantique = 15, Ontario = 17, Pacifique = 49, Prairies = 166, Québec = 15, TOTAL = 262. Capacité d’accueil des Sentiers autochtones: Atlantique = 30, Ontario = 29, Pacifique = 55, Prairies = 200, Québec = 35, TOTAL = 349.
 

Pour ajouter à la complexité générale, chaque initiative des Sentiers autochtones est adaptée aux besoins et à la capacité de l’établissement et au niveau de sécurité. Il existe toutefois certains critères standard qui orientent la sélection des candidats, l’examen des progrès et les évaluations visant à déterminer si les candidats sont prêts à être transférés à un niveau de sécurité inférieur :

  • Engagement avec les Aînés/conseillers spirituels;
  • Abstinence de consommation de substances illicites;
  • Pas de violence;
  • Pas de frais institutionnels;
  • Engagement et participation à leur plan de guérison/planification correctionnelle;
  • Participation au programme;
  • Comportement respectueux envers le personnel et les autres délinquants;
  • Participation constante aux cérémonies, aux cercles et aux séances de conseils;
  • Lien avec la communauté et plan pour l’avenir.

Comme le montre le présent document, bien que le respect et l’application de ces critères varient d’un établissement à l’autre, il est clair que la participation à l’initiative des Sentiers autochtones ne convient pas à tout le monde et exclut la plupart des personnes. En fait, la barre semble être placée si haut que seuls les candidats les plus dociles, les plus engagés et les plus dévoués sont admis. Par conséquent, étant donné le petit nombre de places consacrées à l’initiative des Sentiers autochtones, son impact global sur la lutte contre la surreprésentation, et a fortiori sur sa réduction, est négligeable.

L’enquête initiale intitulée Une question de spiritualité n’a pas examiné en détail l’initiative des Sentiers autochtones. Dans son rapport annuel 2014-2015, le Bureau a indiqué que les résultats positifs attribués à l’initiative des Sentiers autochtones sont probablement dus au profil unique des participants eux-mêmes et que « ceux qui réussissent dans l’initiative des Sentiers autochtones Footnote 78 bénéficieraient d’une libération conditionnelle supervisée plus tôt ». Dans le même ordre d’idées, le rapport annuel 2017-2018 du Bureau a fait quelques références à l’initiative des Sentiers autochtones, suggérant ce qui suit :

De même qu’il existe plusieurs cheminements jusqu’à la prison pour les Autochtones (pauvreté, violence familiale, toxicomanie, traumatismes et abus intergénérationnels), il doit y avoir plus d’une voie de sortie. ... Attendre d’une personne d’ascendance autochtone qu’elle suive un chemin de guérison ou des traditions culturelles autochtones lorsqu’elle est emprisonnée est une chose, mais en faire un facteur déterminant pour sa libération en est une autre. ... L’approche de l’initiative des Sentiers autochtones… semble quelque peu étroite d’esprit, voire condescendante. 

L’initiative des Sentiers autochtones s’est développée et a bénéficié de ressources externes et internes considérables depuis plus de 20 ans. Cependant, il y a eu très peu d’examens externes sur la façon dont elle fonctionne, qui elle sert, ou même si elle fonctionne. En tant qu’intervention correctionnelle dans le cadre du continuum de soins du SCC pour les personnes autochtones, l’initiative des Sentiers autochtones n’a pas fait l’objet d’une validation indépendante ou d’une évaluation externe.

Enquête en cours

Les objectifs de cette enquête sont triples :

  1. Examiner la politique, les procédures et les pratiques de l’initiative des Sentiers autochtones, en se concentrant sur les critères d’admissibilité, les objectifs et les résultats.         
     
  2. Examiner le fonctionnement quotidien des unités et des rangées de l’initiative des Sentiers autochtones, principalement dans les établissements à sécurité moyenne pour hommes.         
     
  3. Documenter les expériences vécues par le personnel et les participants de l’initiative des Sentiers autochtones avec leurs propres mots.         
     

Avant de nous lancer dans le présent rapport, nous tenons à remercier toutes les personnes qui continuent à s’efforcer de faire fonctionner l’initiative des Sentiers autochtones. Malgré les nombreux obstacles et défis auxquels ils sont confrontés, le personnel de l’initiative des Sentiers autochtones, les Aînés et les aidants persévèrent pour soutenir les personnes autochtones incarcérées. Nous exprimons également notre gratitude aux nombreuses personnes autochtones purgeant des peines fédérales qui ont rencontré les membres de notre Bureau en toute bonne foi, pour partager leurs histoires et leurs expériences dans l’espoir que leurs voix puissent faire la différence. En rédigeant ce rapport, nous sommes conscients de la responsabilité qui nous a été confiée de partager leurs expériences vécues.

En plus de l’examen de la documentation du SCC relative à l’initiative des Sentiers autochtones, des entrevues semi-structurées en personne ont été menées avec des personnes incarcérées et des membres du personnel de huit établissements, soit 124 personnes au total.

Établissement (niveau de sécurité)         


 
Province         


 
Participants         


 
Personnel         


 
Aînés, conseillers         
spirituels et         
assistants         
 
Springhill (moyenne)N.-É.541
Dorchester         
(minimale/moyenne)
N.-B.721
Archambault         
(minimale/moyenne)
Qc741
Grand Valley (multiple)Ont.311
Stony Mountain         
(minimale/moyenne)
Man.29113
Pénitencier de la         
Saskatchewan.         
(minimale/moyenne)
Sask.1471
Grande Cache         
(moyenne)
Alb.952
Pacifique         
(moyenne)
C.-B.321
Total 77 36 11 

Au cours de cette enquête, mon Bureau a constaté qu’une minorité de participants avaient une opinion favorable de l’initiative des Sentiers autochtones. Nous avons également observé que, de la sélection des participants à l’implication des Aînés et à l’accès aux activités culturelles, il y avait beaucoup de différences et d’incohérences dans la mise en œuvre et le fonctionnement de l’initiative des Sentiers autochtones. Plus important encore, nous avons constaté que l’initiative des Sentiers autochtones s’adresse à une cohorte trop restreinte pour faire la différence et que les personnes qui bénéficient le plus de cette initiative pourraient être tout aussi bien, voire mieux, servies dans un cadre non carcéral.

Ce qui suit est un résumé de ce que nous avons entendu de la part du personnel, des Aînés et des participants dans toutes les régions, ainsi que des recommandations qui ont émergé au cours de l’enquête. Les principales conclusions sont regroupées en cinq thèmes plus larges, chacun identifiant les lacunes, les défis et les insuffisances de l’intervention.

1. Problèmes de conformité avec les éléments clés des lignes directrices de l’initiative des Sentiers autochtones

Une initiative rarement dirigée par un Aîné

Conformément aux lignes directrices (LD) 702-1 du SCC - Création et fonctionnement des initiatives des Sentiers autochtones , l’initiative des Sentiers autochtones est « avant tout une initiative de guérison intensive dirigée par un Aîné Footnote 79 ». Dans la pratique, nous n’avons trouvé qu’une seule initiative des Sentiers autochtones qui pouvait se targuer d’être dirigée par un Aîné. Footnote 80 Les autres, en raison de l’absence d’Aînés ou d’une culture institutionnelle qui en diminuait la valeur, n’ont pas respecté ce qui est sans doute la caractéristique la plus innovante et la plus centrale de l’initiative.

« L’initiative des Sentiers autochtones devrait être dirigée par un Aîné, mais ils nous utilisent quand cela leur convient. ... Les décisions ne tiennent généralement pas compte des perspectives culturelles des Aînés ».         
– Aîné de l’initiative des Sentiers autochtones 

Un certain nombre d’établissements ont eu du mal à retenir les Aînés de l’initiative des Sentiers autochtones ou leur disponibilité n’était pas constante. Dans un établissement, le personnel a cité la pénurie d’Aînés due aux effets persistants de la COVID-19, qui a contraint les Aînés à trouver « d’autres sources de revenus » comme ils « éprouvaient des difficultés à honorer leurs contrats ». D’autres ont proposé une explication différente. Un membre du personnel a donné cette explication : « De nombreux Aînés en ont eu assez de ne pas être écoutés, ce qui fait qu’ils sont peu motivés pour revenir et s’engager ». Les personnes interrogées ont souvent parlé du « manque de respect flagrant » dont sont victimes les Aînés. Les participants ont exprimé leur frustration d’avoir vu des Aînés de l’initiative des Sentiers autochtones être écartés et rejetés par le personnel du SCC :

« Les Aînés ont leur propre mandat. Ils aimeraient qu’il y ait plus d’interaction, plus de chants et de cérémonies. Les Aînés et les détenus de l’initiative des Sentiers autochtones partagent la même vision, mais la direction crée des obstacles et des restrictions ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

Dans les établissements où des Aînés de l’initiative des Sentiers autochtones n’étaient pas toujours disponibles, presque tous les participants ont exprimé des inquiétudes quant à l’absence de tentes de sudation, de séances de purification matinale, de conseils personnalisés et d’activités en soirée. En conséquence, les participants ont déclaré qu’ils se sentaient négligés.

« Nous avons besoin d’Aînés à qui parler ou d’une communauté avec laquelle faire des choses. L’Aîné a cessé de venir. Je pensais que nous participions à l’initiative des Sentiers autochtones pour découvrir notre culture et d’autres choses, mais il ne se passe rien ici ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

Lacunes dans la fourniture de services culturels

L’initiative des Sentiers autochtones a été conçue pour fournir « des conseils individuels plus intensifs, un accès accru aux cérémonies et une plus grande capacité à suivre un sentier de guérison autochtone plus traditionnel… » (LD 702-1). En outre, ces lignes directrices précisent que « les services offerts doivent être supérieurs aux services que le SCC est tenu de mettre à la disposition de tous les délinquants autochtones ». Lors des visites d’établissements, nous avons observé que, dans l’ensemble, l’initiative des Sentiers autochtones fournit davantage de services et de soutiens culturels que ce dont peuvent bénéficier les participants qui ne participent pas à l’initiative. Cependant, les services culturels destinés aux personnes qui ne participent pas à l’initiative des Sentiers autochtones sont souvent insuffisants pour répondre à une interprétation, même modeste, des articles 4 (g), 80 et 83 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition . Footnote 81 Le rapport de l’automne 2016 du Bureau de l’auditeur général fait écho à ce constat :

Dans l’ensemble, nous avons constaté que les délinquants autochtones n’avaient pas accès en temps opportun aux programmes correctionnels du Service correctionnel du Canada, y compris ceux qui sont conçus expressément pour répondre à leurs besoins. ... Le Service correctionnel du Canada n’avait pas vérifié s’il offrait un accès suffisant à des interventions correctionnelles adaptées à la culture pour répondre aux besoins de la population délinquante autochtone. Footnote 82 

Bien que les participants à l’initiative des Sentiers autochtones reçoivent plus de services que ceux qui ne participent pas à l’initiative, ils ont soulevé de nombreuses préoccupations concernant la prestation d’activités et de services culturels, notamment les conflits avec les programmes correctionnels, le manque d’espace et la disponibilité d’aliments culturels.

Un participant plus âgé, qui avait initialement l’intention de s’engager dans un sentier de guérison traditionnelle, a décidé qu’il en avait assez : « J’ai demandé à mon [agent de libération conditionnelle] de me retirer de l’initiative des Sentiers autochtones parce que je n’en retire rien ». Ce sentiment était communément exprimé dans la plupart des établissements que nous avons visités.

Photo de la hutte de sudation de l’unité à sécurité maximale de l’Établissement de Stony Mountain.
Hutte de sudation de l’unité à sécurité maximale de l’Établissement de Stony Mountain 

Dans certains établissements, bien que des activités et des services culturels soient disponibles, ils entrent souvent en conflit avec les horaires des programmes correctionnels et professionnels de base. En tant qu’organisation, le Service semble systématiquement accorder moins d’importance aux services destinés aux Autochtones. Au cours des entrevues, nous avons souvent entendu dire que les activités du parcours de guérison des Autochtones étaient reléguées au second plan par rapport aux programmes de base , qui sont les marqueurs établis des progrès et de la réhabilitation pour les décideurs. En conséquence, les participants à l’initiative des Sentiers autochtones sont souvent pris entre des priorités contradictoires : s’améliorer en participant aux cérémonies et à la culture et en s’engageant avec l’Aîné, ou améliorer ses chances de libération en participant à des programmes correctionnels :

« Les programmes l’emportent sur tout. Le temps des détenus est accaparé par les programmes. Les cérémonies et les activités liées aux plans de guérison sont en concurrence avec les programmes. Si quelqu’un participe à l’un et pas à l’autre, il est pénalisé par l’autre ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

« Je travaille à l’atelier d’artisanat et il arrive que les sueries ou les cérémonies se déroulent pendant que nous travaillons. Nous nous sentons déchirés entre les programmes correctionnels et le plan de guérison de l’initiative des Sentiers autochtones ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtone 

Lorsque les Aînés sont absents et qu’il n’y a pas de soutien pour maintenir l’engagement des participants, l’initiative des Sentiers autochtones s’appuie fortement sur d’autres interventions, telles que les programmes correctionnels, l’emploi, l’école et la formation professionnelle. Cependant, comme l’a expliqué un membre du personnel, « il n’y a qu’un nombre limité de places dans les programmes et un nombre limité d’emplois pour les gens, donc si les gens s’ennuient, c’est là que nous commençons à voir des problèmes ». Pour une initiative qui attend de ses participants qu’ils « suivent leur sentier de guérison 24 heures sur 24, sept jours sur sept » et qui rend obligatoire « la participation aux activités, aux cérémonies et aux séances de conseils de l’initiative des Sentiers autochtones », il n’y a vraiment aucune excuse à l’oisiveté involontaire ou excessive.

Au cours des entrevues, les participants à l’initiative des Sentiers autochtones, les Aînés et les membres du personnel ont fait un certain nombre de suggestions pour améliorer les services culturels pour tous les Autochtones derrière les barreaux (et pas seulement pour l’initiative des Sentiers autochtones). Par exemple, de nombreuses personnes interrogées ont indiqué qu’il fallait davantage d’espaces, de possibilités et de ressources matérielles pour les loisirs et l’artisanat culturels. Parmi les autres demandes, citons l’augmentation du nombre d’endroits où l’on peut faire de la purification (les sites de purification sont limités par la présence de détecteurs de fumée et d’une ventilation appropriée), l’amélioration de l’accès aux aides communautaires et de la communication avec ces communautés, ainsi que l’amélioration de la communication avec les groupes communautaires.

Un certain nombre de participants ont demandé plus d’apprentissages des langues : « Certains d’entre nous veulent apprendre leur langue. Nous voulons des livres, des cours, ou même que l’Aîné vienne nous enseigner les bases - bonjour, au revoir, asseyez-vous , mais nous n’obtenons aucune réponse ». La relation entre la culture, la spiritualité et la langue est indissociable. Comme l’explique l’écrivain Bob Joseph, la perte de la langue « rompt le lien entre un peuple et sa culture ».

Photo d’un emplacement au bout de l’unité des Sentiers autochtones du Pénitencier de la Saskatchewan, où sont parfois organisées des cérémonies de purification par la fumée.
Emplacement au bout de l’unité des Sentiers autochtones du Pénitencier de la Saskatchewan, où sont parfois organisées des cérémonies de purification par la fumée 

« Dans les sociétés orales, lorsque les mots disparaissent, les histoires, les systèmes de valeurs, les connaissances spirituelles et écologiques, les visions du monde, les récits et les chansons disparaissent également. Cette perte est irremplaçable ». Footnote 83 

Les aliments culturels et les traditions alimentaires figuraient souvent dans la liste des demandes. Au cours des entrevues, les participants au programme Sentiers autochtones et les Aînés ont parlé de l’accès aux aliments culturels et de l’importance de la nourriture dans les cérémonies. Un participant a déclaré : « Les fêtes après les sueries ont été supprimées; il y a trop de règles et de restrictions concernant les cérémonies. Certains Aînés préfèrent ne pas avoir de suerie s’ils ne peuvent pas avoir de festin ». Un Aîné d’un autre établissement a parlé de l’importance de la nourriture et des traditions alimentaires dans le processus de guérison : « Nous devons mettre davantage l’accent sur la préparation des aliments, le partage de la nourriture, le fait de manger ensemble et le concept de famille. C’est très symbolique et beaucoup de participants n’ont pas connu ces expériences dans leur enfance ».

Les cérémonies saisonnières, les repas communautaires, les potlatchs, les marches médicales, les pow-wows, l’allumage des qulliq, les festins et les cadeaux, les réveillons métis et les célébrations de la communauté inuite sont autant d’activités qui favorisent la guérison grâce à des relations positives.         
– Commission de vérité et de réconciliation Footnote 84 

Dans certains établissements, cependant, les participants à l’initiative des Sentiers autochtones ont établi des liens similaires entre l’absence ou le refus de traditions alimentaires et les privations coloniales auxquelles ils ont été soumis dans les pensionnats indiens. Comme l’a dit une personne : « Ma mère était dans un pensionnat; nous sommes traités de la même manière ici que dans les pensionnats. Pas de festin. Pas de culture. Pas de nourriture traditionnelle ».

Il s’agit là encore d’un exemple d’institution coloniale dictant les termes de l’engagement avec les peuples autochtones, les forçant à adapter leurs manières à la culture dominante. Si l’intention du SCC est d’offrir un « accès accru aux cérémonies » et des possibilités de suivre un sentier de guérison plus traditionnel, il doit alors reconnaître l’importance des espaces et des remèdes sacrés, le rôle des communautés et des familles élargies, et le caractère central de la langue et de l’alimentation dans les conceptions autochtones de la santé et du bien-être.

« J’ai fréquenté un pensionnat et j’ai l’impression de revivre cela. On me gronde et on me dit quoi faire. Je souffre d’anxiété depuis mon enfance et j’y fais face en consommant des drogues et de l’alcool. ... Je ne ressens pas d’anxiété dans la cérémonie de la suerie, mais lorsque les portes des cellules se referment avec fracas, je suis très angoissé. Après le décès de mes [PROCHES], je me suis engagé à aller danser pour eux, mais j’avais besoin d’aide pour m’y préparer. J’essaie de rester abstinent et positif, mais il n’y a rien ici pour nous ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

Tolérance zéro pour la consommation de drogues et d’alcool

Selon les lignes directrices 702-1, « La consommation de substances intoxicantes de toutes sortes y est bannie ». Dans la pratique, cependant, nous avons entendu des opinions divergentes concernant l’exigence d’abstinence et nous avons observé une grande discrétion dans l’application de cette ligne directrice. La question de la consommation de drogues chez les Autochtones qui suivent un sentier de guérison exige une approche beaucoup plus nuancée et équilibrée que la simple abstinence.

D’une part, la nécessité de critères d’admission clairs et d’attentes fermes à l’égard des personnes résidant dans une unité de l’initiative des Sentiers autochtones a fait l’objet d’un consensus général. L’initiative des Sentiers autochtones offre un espace sûr et la possibilité aux individus de se stabiliser, de se réorienter et de se réengager vis-à-vis des enseignements, de la spiritualité et d’un mode de vie traditionnel. La présence de drogues dans un tel espace peut perturber ce processus.

« Ce serait une bonne chose de responsabiliser les gars. C’est pour éliminer ceux qui ne veulent pas être ici. Si les gars consomment des substances au sein de l’unité, ils n’aident pas leurs frères. Les gens peuvent voir la drogue et la sentir. Vous activez des déclencheurs qui nous mèneront à notre perte ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

« La tolérance zéro est la meilleure solution. Lorsque nous sommes indulgents et que nous agissons au cas par cas, nous laissons trop de place aux problèmes et il est difficile de les gérer si les participants sont autorisés à s’en tirer à bon compte. Comment gérer les risques si les personnes inscrites dans l’initiative des Sentiers autochtones consomment des substances? Nous devons veiller à ce que les attentes soient claires ».         
– Personnel de l’initiative des Sentiers autochtones 

« L’augmentation de la consommation de drogues affecte les interactions avec le personnel et les autres détenus. Nous accomplissons notre travail avec un esprit sain, un corps sain et une bonne conscience. Ils ne sont pas censés être sous l’influence de drogues pendant la cérémonie et le pavillon, mais lorsqu’ils le sont, cela interfère avec notre travail et c’est épuisant ».         
– Conseiller spirituel 

D’autre part, une approche de tolérance zéro est intrinsèquement punitive et incompatible avec un traitement de la toxicomanie fondé sur des preuves. L’esprit même de l’initiative des Sentiers autochtones est de rétablir les relations, de réparer les torts et de renforcer les capacités. Dans l’ensemble, les membres du personnel que nous avons interrogés ont reconnu les mérites d’une approche plus réaliste de la consommation de drogues dans le cadre de l’initiative des Sentiers autochtones. Une personne a parlé de la consommation de substances comme d’un « facteur d’histoire sociale », au même titre que l’appartenance à un gang, les séquelles de la violence intergénérationnelle.

« Je crois au cas par cas. Je donnerais une chance aux Autochtones, étant donné que la toxicomanie est un facteur dynamique important. Il n’est pas juste d’exclure des personnes sur la base de ce facteur. D’autres peuvent se plaindre de l’équité des évaluations au cas par cas, mais c’est la décision de l’Aîné. La tolérance zéro est comme une peine minimale obligatoire. À ceux qui s’opposent au système du cas par cas, je dis que la rechute fait partie de la guérison. L’initiative des Sentiers autochtones est une unité de guérison, pas une unité « guérie » ».         
– Personnel de Sentiers autochtones 

En réalité, les Autochtones placés sous la garde des autorités fédérales sont aux prises avec des problèmes de consommation et d’abus de substances. Selon une étude menée par le SCC Footnote 85 , 97 % des femmes autochtones purgeant une peine fédérale ont fait état d’une toxicomanie problématique au cours de l’année précédant leur arrestation, contre 71 % des femmes non-autochtones. Par rapport à 49 % des femmes non-autochtones, 80 % des femmes autochtones ont un problème de toxicomanie modéré ou grave. Les recherches du SCC ont également révélé que 84 % des hommes autochtones ont un besoin modéré ou élevé de toxicomanie, contre 55 % des hommes non-autochtones Footnote 86 ). Nous avons été confrontés à cette réalité lors des entrevues.

« J’ai fréquenté des pensionnats, des externats et douze foyers d’accueil. Beaucoup d’entre nous qui sommes allés en prison sont sortis des pensionnats, donc la prison n’est rien pour nous. Depuis, je n’ai jamais cessé de violer les règles. Consommation d’alcool, non-respect des règles. Je ne suis pas un criminel, je suis un alcoolique! »         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

En fait, nous avons constaté que la toxicomanie n’empêche pas l’admission à l’initiative des Sentiers autochtones. Pratiquement tous les établissements que nous avons visités s’efforcent de lutter contre la consommation problématique de drogues dans le cadre de l’initiative des Sentiers autochtones, tout en répondant aux besoins individuels et collectifs. Le personnel nous a expliqué ce qui suit : « Les personnes qui ont des ordonnances peuvent être surveillées. Si nous constatons qu’ils éprouvent des difficultés, nous les orientons vers un médecin. Quand les participants vont bien, nous devons être plus indulgents à l’égard des rechutes ». Un participant a raconté ce qui suit :

« J’ai échoué à deux tests d’urine, mais je voulais m’inscrire à l’initiative des Sentiers autochtones pour retrouver mes habitudes culturelles. J’ai rencontré les Aînés dans les cercles de résolution. ... Ils savent que je me bats contre des dépendances. Ce jour-là, j’ai pris un engagement vis-à-vis des Aînés et de mon parcours de guérison ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

Espace de programmes, de cérémonies et de cercles au Pénitencier de la Saskatchewan

Photo d’un espace de programmes, de cérémonies et de cercles au Pénitencier de la Saskatchewan.
Photo d’un espace de programmes, de cérémonies et de cercles au Pénitencier de la Saskatchewan.

Un certain consensus s’est dégagé sur la valeur de la médiation dans les « cercles » avec les Aînés et sur l’importance d’un dépistage régulier et aléatoire des drogues, non pas à des fins de punition, mais pour réglementer la présence de drogues dans l’unité et pour soutenir le processus de guérison. Un système de tests urinaires réguliers, de conseils et de traitements, géré conjointement par les services de santé et les Aînés, semble justifié. Le point de désaccord semble être la question de savoir si la consommation de drogues devrait entraîner une exclusion automatique de l’initiative des Sentiers autochtones, comme l’illustre la déclaration suivante :

« La médiation est importante dans le cercle pour déterminer l’engagement sur le sentier. Dans le cadre de la politique de tolérance zéro, nous organiserions un cercle à discuter, mais le détenu serait exclu de l’initiative des Sentiers autochtones. Maintenant, dans le modèle moins rigide, un cercle est organisé pour prendre une décision ».         
– Personnel de l’initiative des Sentiers autochtones 

En réalité, l’absence d’Aînés et d’activités peut accroître l’oisiveté et aggraver la consommation de drogues dans l’unité de l’initiative des Sentiers autochtones. La majorité des personnes interrogées ont indiqué que pendant la pandémie de COVID-19, les initiatives de l’initiative des Sentiers autochtones dans tout le pays ont été gravement perturbées, ce qui, selon le personnel et les participants, a entraîné une augmentation de la consommation de drogues. Comme l’a expliqué un participant, « la COVID est arrivée et il n’y avait pas de progrès à faire, alors nous sommes tous tombés dans l’oubli et avons consommé des drogues ». C’était également le cas à l’Établissement Stony Mountain. Cependant, à l’automne 2022, les aînés de l’Établissement ont rencontré la direction de l’établissement pour évaluer l’approche de tolérance zéro, et ont finalement décidé d’abandonner l’abstinence en faveur d’un modèle qui traite la rechute au cas par cas. D’autres établissements semblent suivre cet exemple, et les lignes directrices récemment révisées du SCC semblent prêtes à supprimer complètement cette exigence. Footnote 87 

2. Seuils d’admission restrictifs pour la participation à l’initiative des Sentiers autochtones

Au cours de l’enquête, mon Bureau a constaté que la manière dont les lignes directrices et les critères d’admission étaient interprétés et appliqués variait considérablement d’un établissement à l’autre, la moitié des participants affirmant que la procédure était équitable et l’autre moitié, qu’elle ne l’était pas. Malgré des lignes directrices nationales relativement simples Footnote 88 (c’est-à-dire l’engagement des Aînés, l’engagement dans le sentier traditionnel, la volonté de s’abstenir de consommer des substances illicites, de commettre des actes de violence et de participer à l’activité de gangs), nous avons constaté une grande variabilité dans la manière dont les candidats étaient effectivement sélectionnés pour l’initiative des Sentiers autochtones. Alors que certains établissements admettent pratiquement toute personne exprimant un intérêt pour l’initiative des Sentiers autochtones, d’autres ont relevé le seuil. La barre était parfois placée si haut que seuls les candidats les plus dociles, les plus engagés ou les plus dévoués Footnote 89 pouvaient espérer y être acceptés.

En outre, il n’est pas évident qu’il y ait une différence substantielle entre les personnes « prêtes » pour l’initiative des Sentiers autochtones et celles « prêtes » pour le pavillon de ressourcement. L’évaluation normative des exigences en matière de comportement pour la sélection, la participation et le placement semble plus ou moins la même dans les deux cas : motivation, engagement, dévotion. Ce que nous suggérons, c’est que, selon toute vraisemblance, les Autochtones qui répondent aux critères d’admission à l’initiative des Sentiers autochtones n’ont pas vraiment besoin d’être maintenus dans les pénitenciers et pourraient tout aussi bien poursuivre leur sentier de guérison dans un pavillon de ressourcement communautaire. Reproduire l’environnement d’un pavillon de ressourcement dans le cadre d’un pénitencier semble non seulement redondant, mais aussi condescendant.

Les initiatives des Sentiers autochtones et les pavillons de ressourcement semblent fonctionner sur la base de l’exclusivité plutôt que de l’inclusion, et constituer des lieux de résidence pour les détenus les plus prometteurs, les plus méritants ou les plus « gérables ». Les statistiques semblent confirmer la convergence de ces deux conclusions. En moyenne, au cours des cinq dernières années, 6 % des personnes autochtones détenues sous responsabilité fédérale ont participé à l’initiative des Sentiers autochtones et 6 % à des pavillons de ressourcement.

Instantané d’une journée des personnes indigènes dans le monde Sentiers, pavillons de guérison et garde fédérale (2019 à 2023)

Graphique à barres illustrant un instantané d’un jour du nombre d’Autochtones dans un sentier, un pavillon de guérison ou un établissement fédéral de détention de 2019 à 2023. Avril 2019: Participants au programme des Sentiers autochtones = 261, Résidents d’un pavillon de ressourcement = 272, Autochtones en détention = 4 167. Avril 2020: Participants au programme Sentiers autochtones = 243, Résidents d’un pavillon de ressourcement = 237, Autochtones en détention = 4 130. Avril 2021: Participants au programme des Sentiers autochtones = 255, Résidents d’un pavillon de ressourcement = 193, Autochtones en détention = 3 916. Avril 2022: Participants au programme des Sentiers autochtones = 243, Résidents d’un pavillon de ressourcement = 195, Autochtones en détention = 4 026. Janvier 2023: Participants au programme des Sentiers autochtones = 262, Résidents d’un pavillon de ressourcement = 245, Autochtones en détention = 4 185.

Remarque : Les totaux pour les Autochtones en détention comprennent les participants à l’initiative des Sentiers autochtones et les résidents des pavillons de ressourcement.

Une autre façon de formuler la question est d’utiliser le langage des droits et des privilèges. Le sentier vers la guérison et de la récupération ne devrait-il être accessible qu’à un sous-ensemble des peuples autochtones en détention, ceux qui y gagnent leur accès et prouvent qu’ils ont droit à ce privilège ? D’autre part, la guérison et la récupération sont-elles un droit reconnu aux Autochtones sous le coup d’une peine fédérale? Dans la pratique, il semble que la participation à l’initiative des Sentiers autochtones, et la voie vers la guérison et l’amélioration qu’il promet soit proposée comme une sorte d’avantage ou de privilège. Certaines des personnes interrogées ont insisté sur le fait qu’il s’agissait d’une approche préjudiciable.

« On nous dit que l’accès à l’[unité de ressourcement] est un privilège, mais selon moi, c’est mon droit en tant que Métis, qu’Autochtone… Chaque autochtone devrait automatiquement avoir droit à la guérison en vertu du fait qu’il est autochtone. L’initiative des Sentiers autochtones est utilisée comme une arme pour permettre ou refuser la guérison d’une personne… ils utilisent l’initiative des Sentiers autochtones pour nous récompenser et nous punir sous le couvert de la guérison et de l’amélioration ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

En créant un système dans lequel une poignée de personnes qui s’engagent à suivre un mode de vie traditionnel peuvent accélérer leur accès aux options de libération, alors que la grande majorité ne se voit jamais offrir un tel choix ou s’en voit exclue et reste en prison, le SCC peut perpétuer des conditions d’inégalité et de discrimination qui conduisent à la surreprésentation des prisonniers autochtones. Le fait de ne pas s’engager auprès de la majorité des peuples autochtones ou de les disqualifier de manière efficace conduit à un enracinement accru des gangs, de la drogue et de la violence derrière les barreaux. Le SCC doit continuer à identifier les candidats prometteurs pour les options de réinsertion accélérée, mais il doit également élargir son champ d’action et offrir les avantages de l’initiative des Sentiers autochtones à tous les Autochtones incarcérés dans des établissements fédéraux, y compris les 90 % qui n’y participent pas actuellement.

Photo d’un espace de programmes à l’Établissement de Kent.
Espace de programmes à l’Établissement de Kent 

L’initiative des Sentiers autochtones n’est pas pour tout le monde

« Tout le monde ne veut pas vivre dans la culture autochtone et nous ne pouvons pas les forcer à le faire. En disant aux détenus autochtones qu’ils doivent faire ceci et penser comme cela, etc., c’est comme si nous recréions les pensionnats à l’envers ».         
– Personnel de l’initiative des Sentiers autochtones 

Bien que certains accueillent favorablement la possibilité de suivre un sentier de guérison traditionnel et que d’autres considèrent les sentiers comme une solution de rechange sûre et attrayante à la population générale, la grande majorité des personnes autochtones détenues par le gouvernement fédéral ne sont pas impliquées dans le continuum de soins autochtones du SCC. En nous demandant ce qui peut retenir les candidats admissibles, nous avons appris que, pour certains, les attentes en matière de comportement sont vraiment décourageantes. Comme l’a dit un participant, « si vous ne vous identifiez pas vraiment à la culture, cela peut faire beaucoup ».

Il y a aussi ceux qui ne s’intéressent pas au « chemin rouge de la guérison » ou qui n’ont pas l’intention de se désaffilier des gangs. L’obligation de s’abstenir de consommer des drogues ou d’éviter d’être impliqué dans des gangs peut être perçue comme un seuil trop élevé. De ce fait, certains Autochtones pensent qu’ils enfreindront inévitablement la loi s’ils sont libérés sous conditions, et considèrent leur peine comme « la vie par échelonnement ». Nous avons entendu dire que certains Autochtones (en particulier les plus jeunes) se sont résignés à un retour inévitable en détention.

« Certains trouvent qu’il est plus facile de sortir et d’enfreindre la loi, de revenir et de sortir à la [date d’expiration du mandat] sans condition ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

« Les gars dont la date de libération est proche sont moins susceptibles de participer à l’initiative des Sentiers autochtones. Ils ne veulent pas bâcler le programme parce qu’ils le respectent et qu’ils ne veulent pas faire semblant de vivre une vie qu’ils ne poursuivront pas dans la rue. Rester sobre est un seuil trop difficile à atteindre. Ils se connaissent ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

Les personnes qui souscrivent à cette vision du monde se retrouvent souvent parmi les personnes identifiées comme solides en dehors des unités de vie spéciales telles que celles de l’initiative des Sentiers autochtones. Pour ces personnes, participer à l’initiative des Sentiers autochtones peut être perçu comme un signe de faiblesse. Comme l’a expliqué une personne incarcérée depuis longtemps :

« Dans un quartier ordinaire, on ne parle pas aux agents correctionnels ni aux Aînés, on ne profite pas des avantages des systèmes de soutien. Tout le monde fait son temps normal. Ils font leur temps et rien d’autre, et ils se forgent la réputation de détenus dits « solides » … Les jeunes et les autres membres de gangs considèrent que l’initiative des Sentiers autochtones est destinée aux faibles, et lorsque vous faites partie d’une unité de détenus « dignes de confiance » ou [de gang], vous ne voulez pas être considéré comme faible, mais plutôt comme aussi puissant que possible ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

Enfin, de nombreuses personnes autochtones incarcérées peuvent préférer un meilleur accès à l’enseignement supérieur et à des opportunités professionnelles intéressantes plutôt que de suivre une voie traditionnelle vers la guérison.

Photo de l’espace culturel de l’Établissement de Port-Cartier
Espace culturel de l’Établissement de Port-Cartier 

Quel est l’avantage de l’initiative des Sentiers autochtones pour les condamnés à perpétuité?

Les Autochtones représentent un peu plus d’un quart des personnes détenues condamnées à une peine d’emprisonnement à perpétuité ou à une peine d’une durée indéterminée. Footnote 90 En pratique, les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement à perpétuité ou à une peine d’emprisonnement de durée indéterminée (ci-après les condamnés à perpétuité ) ne sont pas censées participer à des programmes correctionnels visant à accélérer le passage à des niveaux de sécurité inférieurs et la réinsertion dans la communauté. Cette attente est même ancrée dans la culture correctionnelle, car il est plus difficile pour les condamnés à perpétuité d’accéder aux programmes et autres activités correctionnelles au début de leur peine. Dans ce contexte, les initiatives telles que Sentiers autochtones, qui facilitent le transfèrement et préparent les détenus à la libération dans la communauté dans un laps de temps restreint, ne sont généralement pas considérées comme étant adaptées aux condamnés à perpétuité, à moins qu’ils ne soient proches de l’admissibilité à la libération conditionnelle ou d’une réévaluation vers un niveau de sécurité minimale. Comme l’a dit un membre du personnel de Sentiers autochtones :

« Un condamné à perpétuité qui vient de passer au niveau de sécurité moyenne ne devrait pas participer à l’initiative des Sentiers autochtones pendant six ans; il n’est pas prêt pour ce programme pendant des années. L’examen semestriel est inutile pour les condamnés à perpétuité. Lorsque je fais des évaluations pour ces personnes [condamnés à perpétuité], je ne change pratiquement rien, à moins qu’elles n’aient achevé des programmes. Leur niveau de sécurité ne change pas ». 

Photo des portes des groupes de condamnés à perpétuité dans les établissements de Drummond et de Grande Cache.
Établissement Drummond 
Photo des portes des groupes de condamnés à perpétuité dans les établissements de Drummond et de Grande Cache.
Établissement de Grande Cache 

Il n’est pas surprenant que les condamnés à perpétuité connaissent des résultats différents en tant que participants de l’initiative des Sentiers autochtones par rapport aux personnes (souvent plus jeunes) condamnées à une peine de durée déterminée . Footnote 91 Le SCC décrit les participants idéaux comme étant ceux « à qui il ne resterait pas plus d’un an avant de passer à un niveau de sécurité inférieur » (lignes directrices 702-1). Comme l’a dit l’une des personnes interrogées, « les délinquants purgeant de longues peines et les délinquants dangereux sont souvent négligés, alors que les jeunes, les détenus récemment admis ou les personnes condamnées à de courtes peines sont rapidement transférés ». Un autre participant a fait part de son expérience comme suit :

« Cela fait deux ans que je suis au centre et six mois que je participe à l’initiative des Sentiers autochtones. En tant que condamnés à perpétuité, nous sommes mis à l’écart et il faut plus de temps pour obtenir un transfèrement. Il est difficile d’obtenir des évaluations, comme pour les évaluations en vue d’un transfèrement. À moins qu’il n’y ait une date de libération conditionnelle à venir, vous serez ignoré ». 

Cependant, malgré des résultats moins bons et moins de mesures d’incitation, nous avons constaté au cours des entrevues que les condamnés à perpétuité autochtones, que ce soit en raison de leur âge plus avancé ou d’une plus grande affinité avec la culture et la spiritualité, étaient souvent plus intrinsèquement motivés pour suivre un cheminement de guérison traditionnel. Pourtant, de par sa conception, le processus d’admission à l’initiative des Sentiers autochtones est plus restrictif pour les condamnés à perpétuité. Conformément aux lignes directrices 702-1 du SCC Footnote 92 :

Les condamnés à perpétuité ou les autres délinquants qui n’ont pas la possibilité d’être transférés à un niveau de sécurité inférieur ou de bénéficier d’une libération conditionnelle dans les trois ans peuvent participer à l’initiative des Sentiers autochtones, le cas échéant. Le nombre de places disponibles pour les condamnés à perpétuité ne devrait normalement pas dépasser 20 % de la capacité d’accueil. 

Pour ne rien arranger, les condamnés à perpétuité motivés qui progressent dans leur plan de guérison, qui sont engagés et qui font preuve d’une « bonne conduite » sont toujours rejetés pour des transferts vers des placements de niveau de sécurité inférieure. Au lieu d’interrompre la participation des condamnés à perpétuité au bout de trois ans, le SCC pourrait reconnaître leur engagement par des récompenses plus significatives (par exemple, des permissions de sortir avec escorte [PSAE], des transferts vers un niveau de sécurité inférieure et des transferts vers des pavillons de ressourcement).

Utiliser les unités de l’initiative des Sentiers autochtones pour alléger la pression démographique

Lors des entrevues, nous avons appris que le personnel des établissements ne respecte pas toujours les critères d’admission et de placement pour l’initiative des Sentiers autochtones. Lorsque des cellules vides sont disponibles sur l’unité des Sentiers autochtones, elles peuvent être utilisées comme n’importe quelle autre cellule. Dans certains établissements, les problèmes de dépassement de capacité sont résolus en attribuant des places réservées aux participants de l’initiative des Sentiers autochtones à des personnes (souvent non-autochtones) qui n’y participent pas. Dans ces situations, la priorité semble être de « remplir les places » plutôt que de déterminer les participants admissibles à l’initiative des Sentiers autochtones. Lorsque nous avons présenté ce problème aux responsables des opérations du même établissement, ils nous ont fourni l’explication suivante :

« Il y a des délinquants difficiles qui sont placés dans la rangée parce qu’il n’y a pas d’autre endroit où les placer dans l’établissement. Ce sont des Autochtones, mais ils ne répondent pas aux critères de l’initiative des Sentiers autochtones. C’est un endroit de rechange où l’on peut mettre les détenus quand il n’y a pas d’autre solution. Ces personnes sont prioritaires par rapport aux délinquants déjà inscrits sur une liste d’attente. Parfois, cela fonctionne et ces personnes s’intègrent bien. Parfois, ce n’est pas le cas ». 

Dans un autre établissement, un cadre supérieur de l’initiative des Sentiers autochtones a expliqué comment les détenus sont « balancés dans l’unité… pour réduire la pression démographique ». En décembre 2022, douze des personnes résidant dans l’unité des Sentiers autochtones à sécurité moyenne (financée pour 40 places) n’avaient pas participé à l’intervention. Bien que la situation se soit améliorée, il n’est pas facile de faire partir les personnes qui ne font pas partie de l’initiative des Sentiers autochtones. Le membre du personnel s’est plaint de ce qui suit : « Je dois les remplacer par quelqu’un d’autre, et cette personne ne convient pas toujours ». Un autre membre du personnel a décrit la situation comme suit :

« Si une place se libère, on y met quelqu’un.… Tout le monde est mélangé, ce qui contamine le fonctionnement de l’initiative des Sentiers autochtones. Mais nous recevons aussi des demandes [légitimes] pour l’initiative des Sentiers autochtones au moyen de lettres et de candidatures, et nous devons donc faire en sorte de les intégrer dans l’initiative lorsqu’une place se libère ». 

L’entreposage des détenus qui ne participent pas à l’initiative des Sentiers autochtones et les difficultés rencontrées pour les faire sortir de l’unité ont provoqué un goulot d’étranglement. Comme l’a dit un participant, « il y a d’autres gars qui veulent participer à l’initiative des Sentiers autochtones, mais qui ne peuvent pas le faire parce qu’il n’y a pas de place ».

Le nombre de participants étant déjà faible, le fait que les places de l’initiative des Sentiers autochtones soient utilisées pour entreposer des personnes qui ne participent par à l’initiative remet en question l’intégrité de celle-ci. Elle montre également que les initiatives institutionnelles visant à soutenir les Autochtones sont vulnérables à l’obstruction de la part du personnel opérationnel.

Cellules des Sentiers autochtones au Pénitencier de la Saskatchewan

Photos de cellules des Sentiers autochtones au Pénitencier de Saskatchewan.
Photos de cellules des Sentiers autochtones au Pénitencier de Saskatchewan.

3. Mauvais traitements infligés par le personnel opérationnel

Photo d’une affiche apposée sur la porte d’une cellule des Sentiers autochtones à l’Établissement du Pacifique. L’affiche indique : « Cette cellule abrite un faisceau de médecine sacrée. Merci de la respecter. »
Affiche sur la porte d’une cellule des Sentiers autochtones à l’Établissement du Pacifique 

« Les participantes [à l’initiative des Sentiers autochtones] ne sont pas traitées comme des femmes autochtones en voie de guérison par le personnel du SCC. Elles sont toujours des détenues. Il faut s’efforcer de changer le discours. Le terme « détenue » est synonyme de colonisation ».         
– Aîné 

La plainte la plus fréquente que nous avons entendue de la part des participants à l’initiative des Sentiers autochtones et du personnel de tous les établissements concernait de loin l’insensibilité culturelle et le manque de respect de certains agents correctionnels. Bien qu’il s’agisse d’une minorité, la présence d’agents correctionnels insensibles à la culture perturbe fortement la stabilité de l’initiative des Sentiers autochtones.

« Certains gardiens font preuve de racisme. Ils partent du principe que nous avons tout, que nous sommes spéciaux. Le [GARDE] m’appelle toujours « chef » et pense que parce que je suis « Autochtone », j’ai tout, et je ne le mérite pas. En ce qui concerne la rénovation de la salle de bain, ils disent que nous n’avons pas besoin de rénover et de peindre l’endroit. Ils pensent que nous agissons comme si nous étions dans notre bon droit. Je dirais que huit gardiens sur dix ont cette attitude ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

Au cours des entrevues, nous avons appris que certains membres du personnel opérationnel, en particulier les agents involontairement Footnote 93 affectés aux unités de l’initiative des Sentiers autochtones, font preuve d’un manque de compréhension et de volonté d’apprendre la culture et l’histoire autochtones, ainsi que les traumatismes subis par les Autochtones. Ces attitudes se reflètent également dans la manière dont ils ont traité le personnel de l’initiative des Sentiers autochtones et les Aînés. Certains membres du personnel opérationnel font également des remarques désobligeantes ou méprisantes sur l’initiative des Sentiers autochtones, faisant preuve d’insensibilité, de discrimination et d’un manque d’information :

« Les agents sont notre plus grand défi; parfois, ils ne comprennent pas notre culture ou manquent de sensibilité culturelle ».         
– Personnel de l’initiative des Sentiers autochtones 

De nombreuses personnes interrogées ont évoqué le fait que certains agents exprimaient leur dégoût face à l’odeur de la cérémonie de purification par la fumée ou empêchaient les Aînés d’accéder à l’initiative des Sentiers autochtones alors qu’ils n’avaient pas le pouvoir discrétionnaire de le faire.

Pénitencier de la Saskatchewan, avec une plume sculptée dans du bois arborant le mot « Pathways »
Pénitencier de la Saskatchewan 

« Les gardes adoptent des attitudes qui remettent en question notre guérison culturelle, comme lorsque nous faisons la cérémonie de purification par la fumée et qu’ils se plaignent de l’odeur. Nombreux sont ceux qui considèrent qu’il s’agit de racisme. Lorsque nous nous plaignons de leur attitude, nous sommes accusés d’agressions verbales ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

« Le personnel CX est tellement irrespectueux, nous avons besoin d’un personnel qui se préoccupe de nous. Ils se bouchaient le nez quand ils passaient à côté de nous lors de la cérémonie de purification par la fumée ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones 

Dans un établissement, des agents correctionnels ont déposé une plainte en vertu de l’article 127.1 (1) du Code du travail du Canada pour fumée secondaire à cause d’une cérémonie de purification par la fumée organisée dans l’unité ». Footnote 94 Les aînés, les agents de liaison autochtone (ALA) et les participants sont maintenant tenus d’organiser la cérémonie à l’extérieur. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi les agents n’étaient pas sélectionnés avec plus de soin, le gestionnaire correctionnel responsable de l’unité de l’initiative des Sentiers autochtones a répondu :

« Aucun agent correctionnel ne veut travailler ici parce qu’il est difficile de travailler avec des détenus autochtones. Vous savez, ils jouent la carte de la race, et je comprends, ils sont provoqués par des agents en uniforme en position d’autorité, il est donc difficile pour les agents correctionnels de travailler ici ». 

Bien que le SCC se soit engagé à plusieurs reprises à fournir à son personnel une formation sur la « compétence culturelle », notre enquête sur l’initiative des Sentiers autochtones suggère qu’il y a beaucoup de possibilités d’amélioration. Il s’agirait notamment de recruter, de maintenir en poste et de promouvoir davantage de personnel de première ligne et d’encadrement partageant des expériences vécues.

4. Gestion des cas et établissement de rapports

Exigences en matière d’établissement de rapports rigides et souvent redondantes

Dans son audit de 2016 sur le fonctionnement du SCC, intitulé La préparation des détenus autochtones à la mise en liberté , le Bureau du vérificateur général (BVG) a émis la recommandation suivante :

Le SCC devrait veiller à ce que les délinquants autochtones soient évalués en vue d’une éventuelle réduction de leur niveau de sécurité à la suite d’un événement important, comme la réussite d’un programme correctionnel, afin de favoriser leur réinsertion sociale.

En réponse, le SCC a déclaré qu’il « veillerait à ce que la planification correctionnelle initiale de chaque délinquant décrive clairement les événements importants […] qui nécessiteront une réévaluation du niveau de sécurité du délinquant […] ». Deux ans plus tard, en janvier 2018 (voir le Bulletin de politique 586), le SCC a ajouté ce qui suit aux articles 8 et 9 de la Directive du commissaire 710-6, Réévaluation de la cote de sécurité des détenus :

8. Pour les détenus autochtones, un examen de la cote de sécurité… sera effectué dans les trente jours suivant la réussite d’un programme principal (selon la date du rapport final du programme) pour les détenus ayant une cote de sécurité maximale ou moyenne.         

9. Pour les détenus autochtones qui participent à des interventions préparatoires à l’initiative des Sentiers autochtones ou à des unités de l’initiative, un examen du classement de sécurité… sera entrepris au moins tous les six mois et terminé dans les trente jours suivant la réunion d’examen des progrès de l’initiative des Sentiers autochtones.         

Remarque : Texte mis en gras par notre bureau.

Les cadres supérieurs de l’initiative des Sentiers autochtones ont indiqué qu’en raison du rapport et de la recommandation du BVG, il y a eu une demande accrue de rapports réguliers, de suivi et d’examens, y compris l’examen semestriel du classement de sécurité des délinquants. Le personnel chargé de l’initiative des Sentiers autochtones dans tous les établissements a exprimé sa frustration face à la rigidité et à la redondance des examens du classement de sécurité des délinquants.

« Une bonne gestion des cas exige de passer du temps avec les détenus pour faire des interventions significatives, parler des traumas, mais je perds mon temps avec ces examens. J’aimerais savoir ce qu’il y a de bon dans tout cela ». 

« C’est beaucoup si l’on considère que [les agents de libération conditionnelle] doivent déjà effectuer des examens du classement de sécurité des délinquants à la fin du programme. Il n’y a pas de marge de manœuvre dans le délai si, par exemple, le détenu est à un mois de l’achèvement du programme. Il serait plus logique de pouvoir attendre que cela se produise ». 

Avec des ressources limitées, une charge de travail importante, de multiples exigences ministérielles en matière de rapports et les réalités opérationnelles du travail dans une prison, le personnel a déclaré se sentir écarté de ses importantes responsabilités en matière de gestion de cas. Un membre du personnel a déclaré : « L’établissement de rapports tous les six mois avec un personnel limité nous prive des interactions importantes que nous devrions avoir ». Un autre cadre supérieur a évoqué le caractère arbitraire des délais inscrits dans la politique : « Les délais devraient être plus souples. La guérison est un voyage qui dure toute la vie, elle ne se produit pas dans un laps de temps particulier ».

Le personnel n’est pas opposé au principe selon lequel les participants au programme Sentiers autochtones doivent faire l’objet d’un examen régulier du classement de sécurité des délinquants. Le problème de l’examen semestriel est lié à son utilité dans les cas où le changement ne peut être démontré sur une période de six mois, ou lorsque l’examen semestriel a lieu avant la fin d’un programme correctionnel. Un cadre supérieur de l’initiative des Sentiers autochtones a expliqué la situation comme suit :

« Des examens [du classement de sécurité des délinquants] ont lieu à la fois après le programme et après six mois d’engagement dans l’initiative des Sentiers autochtones. Il est regrettable que nous soyons souvent confrontés à des situations dans lesquelles un examen des parcours de six mois est requis, alors que 30 à 40 jours plus tard, un programme correctionnel se termine. Cette situation a eu pour conséquence que [les équipes de gestion des cas] ont réalisé deux mises à jour distinctes de la planification correctionnelle et [une évaluation pour les décisions] concernant l’examen du classement de sécurité des délinquants afin de garantir la conformité avec les délais et les rapports… 

Il existe de nombreux exemples de directives visant à « suivre et signaler » les domaines de préoccupation, y compris la réalisation d’examens trimestriels des statistiques sur les dérogations à l’examen du classement de sécurité des délinquants, l’élaboration et la tenue d’une feuille de calcul sur l’article 81 et la semi-liberté, et l’augmentation de 25 % des placements à l’extérieur et des permissions de sortir avec escorte (PSAE) pour les délinquants autochtones au cours de l’exercice 2019-2020. Ces exigences en matière de rapports semblent, une fois de plus, se focaliser sur les rapports et le contrôle de l’entreprise, et pas nécessairement sur le développement et la mise en œuvre de stratégies significatives pour avoir un impact positif sur la réinsertion des délinquants autochtones ». 

Le cheminement de guérison ne correspond pas aux exigences en matière de rapports ministériels

Au sein du SCC, Footnote 95 l’initiative des Sentiers autochtones est considérée comme une initiative de guérison intensive menée par les Aînés, « fondée sur la roue de médecine autochtone, également connue sous le nom de roue de médecine à quatre directions ». La roue de médecine au centre du continuum de soins autochtones du SCC vise à illustrer la nature holistique de ce modèle en reliant les individus à leur histoire, à leur culture et à leur spiritualité. Le cheminement de guérison décrit par le continuum de soins est accessible aux personnes « qui font preuve d’une motivation et d’un engagement véritables » pour progresser dans les quatre quadrants du changement : émotionnel, mental, physique et spirituel.

La gamme de soins liés aux services correctionnels

Diagramme créé par le Service correctionnel du Canada présentant le continuum de soins pour les Autochtones en établissement de détention.

On reconnaît que les participants à l’initiative des Sentiers autochtones reçoivent généralement plus de soutien de la part de leur équipe de gestion de cas que les personnes qui ne participent pas à l’initiative. On attend du personnel affecté à l’initiative des Sentiers autochtones qu’il rédige davantage de rapports et formule davantage de recommandations pour s’assurer que les participants progressent rapidement, conformément aux lignes directrices de l’initiative.

Toutefois, la quasi-totalité du personnel que nous avons interrogé a indiqué que les progrès réalisés dans le cadre des plans de guérison n’étaient pas facilement transposables dans les outils d’évaluation et de classification du SCC. Par exemple, les changements des facteurs dynamiques qui se produisent lors de cérémonies, d’activités culturelles et de conseils individuels ou toute équivalence aux programmes de base qui sont abordés dans l’initiative des Sentiers autochtones ne sont pas correctement saisis dans les dossiers. Comme l’a expliqué un membre du personnel autochtone de l’initiative des Sentiers autochtones :

« La culture aide les hommes et notre peuple. Il est difficile de transposer cela sur papier de manière à persuader les décideurs, les agents de libération conditionnelle et la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) que ces personnes font des « progrès ». Il est difficile de saisir et de documenter le « changement » sur un cheminement de guérison d’une manière occidentale. En fin de compte, nous [les peuples autochtones] sommes dans un système et nous devons apprendre à travailler dans le système qui nous est imposé. Je veux montrer comment les facteurs dynamiques sont liés aux progrès réalisés dans l’initiative des Sentiers autochtones ». 

Un autre cadre supérieur de l’initiative des Sentiers autochtones a indiqué ce qui suit :

« La traduction des résultats autochtones et des progrès des interventions autochtones au moyen de feuilles de calcul et d’outils de suivi ministériels est problématique. Récemment, lors d’un Comité d’évaluation des progrès réalisés dans le cadre de l’initiative des Sentiers autochtones, [l’Aîné] a déclaré que le fait de participer à la suerie constitue en soi un progrès et entraînera des changements. Il a estimé que ce changement ne peut être mesuré par les normes, les outils et les échelles du SCC, car il est lent, interne et profondément personnel. D’après ce que j’ai appris en travaillant avec le personnel autochtone et les partenaires ici…, les tentatives constantes du SCC de mesurer les progrès au moyen de feuilles de calcul et de calendriers d’examen rigides ne sont pas conformes aux principes de la spiritualité et de la tradition autochtones ». 

Les progrès réalisés sur le cheminement de la guérison n’influencent pas la planification de la réintégration

Le personnel et les participants ont convenu que l’initiative des Sentiers autochtones (du moins, en théorie) offrait plus de soutien aux personnes autochtones que ce qui était offert à la population générale. Certains indicateurs de réussite sont censés inclure un passage plus rapide à des niveaux de sécurité inférieurs, davantage de placements dans des pavillons de ressourcement, une augmentation des permissions de sortir, une libération conditionnelle anticipée et une réintégration dans la communauté avec une structure de soutien adéquate. Si les ressources sont en place et si l’initiative fonctionne comme prévu, les personnes interrogées pensent qu’il sera possible d’atteindre ces résultats. Toutefois, ces résultats ne sont pas nécessairement atteints. Comme l’a dit un participant à l’initiative des Sentiers autochtones :

« Depuis que je suis ici, je n’ai vu qu’une poignée de gars passer à un niveau de sécurité inférieur. L’un des Aînés a déclaré que l’objectif de ce programme était de faire passer tout le monde à un niveau de sécurité inférieur, mais les personnes que j’ai vues passer au niveau de sécurité minimale sont celles qui étaient déjà au niveau de sécurité minimale. Depuis que je suis ici, rien de tout cela ne s’est produit ». 

Les participants ont expliqué que, bien qu’ils soient engagés sur le cheminement de leur guérison, le personnel chargé de la gestion de cas semble concentré sur l’évaluation et la gestion des risques. Les personnes interrogées ont fait part du manque de compréhension de certains décideurs concernant les évaluations des antécédents sociaux des Autochtones (ASA), qui sont souvent utilisées à mauvais escient pour renforcer les perceptions négatives du risque. Footnote 96 Comme l’a dit un membre du personnel de l’initiative des Sentiers autochtones :

« Il existe toujours un fossé entre les progrès réalisés dans le cadre de l’initiative des Sentiers autochtones et l’évaluation des risques par l’équipe de gestion de cas. Souvent, on estime que l’équipe de gestion de cas n’évalue pas les progrès du détenu dans le contexte de ses antécédents sociaux des Autochtones (ASA) et qu’elle se concentre uniquement sur l’analyse du risque ». 

L’un des participants avec qui nous nous sommes entretenus a décrit la manière dont les évaluations correctionnelles sont utilisées à l’encontre des Autochtones et le racisme systémique dont ces derniers sont victimes tout au long de leur vie :

« Vos documents sont toujours plus négatifs que ceux des délinquants blancs. Ils parlent des antécédents sociaux des Autochtones (ASA), et toutes ces choses sont écrites à propos du manque de soutien familial et de la vie dans les réserves - et ils sont censés en tenir compte pour la détermination de la peine et d’autres choses, mais comment en tiennent-ils compte? S’en servent-ils pour vous remonter le moral? La plupart du temps, ils l’écrivent, mais ils n’ont pas l’air de le lire ou quoi que ce soit d’autre. Bien sûr, en grandissant dans cet environnement, on est beaucoup plus susceptible de commettre des actes criminels quand on est jeune; des actes pour lesquels aucun enfant blanc ne serait inquiété parce qu’il s’agit de trucs d’ enfants . C’est inscrit dans nos dossiers et nous nous retrouvons à dix-huit ans avec un tas d’accusations, et dès le départ, nous écopons de plus de temps pour le même délit parce que nous avons des antécédents. L’accent devrait être mis sur des antécédents pro-sociaux, et pas seulement sur la rédaction de documents ». 

En fait, dans son rapport de 2016, le BVG a indiqué que « les dossiers des délinquants n’ont pas documenté l’impact des interventions fournies aux délinquants ou la mesure dans laquelle ces interventions ont contribué à la réinsertion réussie des délinquants dans la communauté ». Le rapport poursuit en disant :

… nous avons constaté que les évaluations préparées par les agents de libération conditionnelle en vue de la mise en liberté sous condition ne contenaient aucune documentation sur les avantages de la participation d’un délinquant à des interventions correctionnelles adaptées à sa culture, comme les initiatives des Sentiers autochtones ou les pavillons de ressourcement. 

Dans certains établissements, nous avons également observé un décalage entre le personnel de l’initiative des Sentiers autochtones et le personnel chargé de la gestion des cas. Plus précisément, le personnel de l’initiative des Sentiers autochtones n’est pas consulté en ce qui concerne les décisions relatives à la planification correctionnelle et à la gestion de cas (comme mentionné précédemment, l’unique objectif semble être la sécurité et la gestion des risques). Les Aînés et le personnel peuvent s’engager et dispenser des enseignements, mais il n’est pas clair comment ces interventions sont prises en considération dans la planification correctionnelle et les décisions de gestion de cas. Certaines personnes interrogées ont indiqué que les participants considérés comme « engagés » obtiennent un bon retour de l’agent de liaison autochtone et de l’Aîné, mais que les agents de libération conditionnelle continuent de les considérer comme présentant un risque élevé, voire un risque accru. Par conséquent, ils ne bénéficient pas d’un appui pour les permissions de sortir avec escorte Footnote 97 , les reclassements de sécurité, les transferts vers les pavillons de ressourcement, etc. Footnote 98 

« Je ne pense pas que les ALA aient leur mot à dire sur l’attribution des permissions de sortir avec escorte… Si les ALA prenaient les décisions, il y aurait peut-être plus de permissions de sortir avec escorte pour un plus grand nombre de personnes ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones. 

Malgré le fait que la grande majorité des placements en pavillon de ressourcement proviendraient directement de l’initiative des Sentiers autochtone Footnote 99 et qu’un tiers des places des pavillons de ressourcement sont vides, de nombreux participants avec lesquels nous nous sommes entretenus participent à l’initiative des Sentiers autochtones depuis plus d’un an et n’ont pas encore reçu d’aide pour un reclassement de leur niveau de sécurité. Ils ne savent pas très bien ce qu’ils doivent faire pour obtenir un reclassement à un niveau de sécurité inférieur. Certains envisagent de quitter l’initiative, estimant que l’initiative des Sentiers autochtones n’est qu’une façade destinée à montrer comment le SCC met en œuvre son Plan national relatif aux Autochtones. Comme l’a dit un cadre supérieur :

« Il y a une pression nationale pour obtenir des résultats et collecter des données sur les détenus qui terminent avec succès l’initiative des Sentiers autochtones, pour qu’un plus grand nombre de détenus passent par l’initiative des Sentiers autochtones et le terminent avec succès. Cependant, l’intégration de l’équipe de gestion de cas dans ce plan peut s’avérer difficile lorsque son objectif est uniquement l’analyse des risques. L’objectif devrait être de réduire la durée d’incarcération et de favoriser les progrès grâce à la planification de la peine.... Ce n’est souvent pas le cas ». 

Délais déraisonnables

La politique exige que les participants terminent l’initiative des Sentiers autochtones dans un délai donné. Conformément aux lignes directrices 702-1 Footnote 100 , article 15 (o) :

Dans l’idéal, un participant à l’initiative des Sentiers autochtones ne resterait pas plus d’un an avant de passer à un niveau de sécurité inférieur (à l’exception des condamnés à perpétuité qui peuvent avoir besoin d’une intervention plus longue). 

De nombreux membres du personnel ont exprimé leur frustration face aux délais prévus par le modèle de l’initiative des Sentiers autochtones. Un cadre supérieur du personnel a expliqué ce qui suit : « Il est trop rapide d’attendre des changements de la part de la plupart des détenus; parfois, ils régressent avant de progresser ». D’autres ont qualifié d’« irréalistes » et d’« insensibles » les délais fixés pour ce qui est essentiellement un cheminement de guérison . Pratiquement toutes les personnes interrogées s’accordent à dire que les délais fixés dans les lignes directrices sont trop rigides et ne laissent pas le temps nécessaire pour traiter les traumatismes, ni même pour entamer le processus de guérison. Il s’agit là d’un autre exemple où le SCC impose ses propres délais et objectifs à un processus qui nécessite de la souplesse, de la compréhension et de la patience.

5. Manque de continuité et de soutien dans la communauté

« Suivre le cheminement spirituel à l’intérieur n’est pas si difficile. Une fois à l’extérieur, les pressions sont différentes ».         
– Intervenant de la communauté 

« Vous pouvez nous enseigner tout ce que vous voulez dans le cadre de l’initiative des Sentiers autochtones, mais c’est dans la rue que nous avons le plus besoin de vous ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones. 

Selon les propres termes du SCC, le continuum de soins autochtones « se termine par la mise en place d’un soutien communautaire visant à maintenir les progrès au-delà de la fin de la peine et à prévenir la récidive ». Toutefois, les entrevues avec le personnel et les personnes incarcérées nous ont appris que le soutien prend fin la plupart du temps à la libération. Comme l’a indiqué un membre du personnel, « le continuum de soins pour les Autochtones devrait être continu jusqu’à l’expiration du mandat - nous les soutenons pendant des années, mais lorsqu’ils sont libérés, ils doivent se débrouiller seuls ».

« Les gars ont besoin de savoir que des gens sont là pour eux lorsqu’ils sont dehors. Quand ils sortent parfois, on les oublie. On attend de nous que nous fonctionnions ici [en faisant le geste « vers le haut » avec les mains], mais ils ne peuvent pas le faire. Ici, tout nous est donné, et ce n’est pas ainsi que les choses se passeront dans la communauté ».         
– Participant à l’initiative des Sentiers autochtones. 

Une personne interrogée a parlé de l’institutionnalisation et du problème que constitue l’habitude de recevoir un soutien dans le cadre de l’initiative des Sentiers autochtones. Elle a expliqué combien il serait difficile de trouver les mêmes soutiens dans la communauté, et a ensuite parlé de son anxiété lorsqu’il envisageait la réinsertion :

« Je ne pense pas qu’il y ait un bon modèle en place pour assurer la continuité de la libération et du soutien dans la communauté. ... Il est difficile de surmonter la nervosité et l’anxiété avant de se rendre dans la communauté. Surtout lorsqu’il s’agit de trouver un emploi avec le système de justice pénale au-dessus de ma tête. Je suis très inquiet. ... Vivre dans une prison à sécurité minimale est plus facile que d’aller dans la communauté ».

Malgré les appréhensions susmentionnées concernant la libération et la réinsertion, les participants et le personnel ont tendance à penser que le « délinquant » est en fin de compte responsable de sa propre réussite. En effet, le modèle correctionnel du SCC présume que la « réforme des individus » devrait atténuer la récidive.

« Nous avons eu un gars qui est sorti et revenu, mais c’est parce qu’il n’a pas profité de ses soutiens. Il avait le numéro de cellulaire de l’Aîné. Les Aînés nous disent clairement qu’ils sont à notre disposition dans la communauté. Ils nous donnent un numéro de cellulaire. Ils vous emmèneront à la cérémonie et vous soutiendront, mais c’est à vous de demander de l’aide - c’est à vous de jouer ».         
– Personnel de l’initiative des Sentiers autochtones 

« Si une personne est sérieuse dans son cheminement de guérison, elle emporte ces outils avec elle. Les ALA et les Aînés aideront à mettre en place des mesures de soutien au sein de la communauté, mais c’est à la gestion de l’établissement d’établir des priorités et de s’engager dans cette voie ».         
– Personnel de l’initiative des Sentiers autochtones 

Conclusion et recommandations

Notre enquête a permis de tirer les conclusions suivantes sur l’initiative des Sentiers autochtones du SCC, telle qu’elle fonctionne actuellement :

  1. Le respect des lignes directrices ministérielles s’est avéré difficile dans la plupart des établissements; les Aînés prennent rarement l’initiative, ce qui a une incidence sur la qualité et la fourniture des services culturels et spirituels;         
     
  2. Les participants à l’initiative des Sentiers autochtones de tous les établissements ont été régulièrement maltraités par certains membres du personnel opérationnel affectés involontairement à l’initiative;         
     
  3. Le SCC réduit systématiquement la priorité aux modes d’existence et de connaissances autochtones, voire les ignore complètement, et ne peut souvent pas traduire les progrès réalisés dans le cadre des plans de guérison en rapports de gestion de cas et en résultats;         
     
  4. Les participants subissent des perturbations importantes dans la continuité, la qualité et l’intensité des services au moment de leur libération dans la communauté.         
     

En soi, ces conclusions pourraient être traitées en modifiant certaines parties du système existant, par exemple en améliorant la formation, en renforçant la conformité, en élargissant les critères de gestion de cas, en augmentant le soutien communautaire, etc. Cependant, notre Bureau a une préoccupation plus fondamentale qui va au-delà des améliorations apportées à l’initiative des Sentiers autochtones existante. En particulier, le seuil d’admission à l’initiative des Sentiers autochtones est si déraisonnablement élevé qu’il exclut la grande majorité de la population autochtone. Moins de 10 % des personnes autochtones incarcérées bénéficient de l’initiative des Sentiers autochtones; par conséquent, la grande majorité de la population autochtone ne remplit tout simplement pas les conditions requises pour y participer et ses besoins sont largement négligés.

En avril 2023, le SCC a transmis à notre bureau une version actualisée du Manuel national de l’initiative des Sentiers autochtones pour examen. Dans le présent document, il est indiqué que les participants à l’initiative des Sentiers autochtones doivent « démontrer leur réussite dans les domaines suivants » :

  • Réduction accrue de la sécurité;
  • Augmentation des transferts à un niveau de sécurité minimale ou vers un pavillon de ressourcement;
  • Augmentation de l’achèvement des programmes;
  • Mise à niveau des niveaux d’éducation plus élevés avant d’atteindre la pleine admissibilité à la libération conditionnelle totale;
  • Libération discrétionnaire accrue (semi-liberté ou libération conditionnelle totale) lors de la première libération;
  • Augmentation des mises en liberté au titre de l’article 84;
  • Augmentation des permissions de sortir avec escorte/permissions de sortir sans escorte à des fins d’engagement communautaire et de développement personnel.

Nous estimons que les « indicateurs de réussite » énumérés ci-dessus sont pratiquement garantis étant donné le seuil élevé d’entrée dans l’initiative des Sentiers autochtones. On peut soutenir que les personnes dont on estime qu’elles sont susceptibles d’atteindre ces résultats dans les six à douze mois suivant leur admission dans l’initiative des Sentiers autochtones devraient être transférées rapidement dans les pavillons de ressourcement ou libérées dans la communauté.

En d’autres termes, la cohorte actuellement admissible à l’initiative des Sentiers autochtones pourrait probablement être gérée dans des établissements à moindre sécurité ou dans le cadre de placements sans mise sous garde. L’initiative des Sentiers autochtones est littéralement un pavillon de ressourcement situé dans un pénitencier, et de nombreux employés et Aînés avec lesquels nous nous sommes entretenus pensent qu’ils pourraient obtenir des résultats encore meilleurs en dehors des murs de la prison.

« Si nous avions notre propre lieu, comme un pavillon de ressourcement, à l’abri de la drogue et de la violence, où les détenus à haut risque peuvent être pris en charge dans un environnement protégé des déclencheurs, des tentations et des provocations, ce serait l’idéal ».         
– Personnel de l’initiative des Sentiers autochtones 

Les initiatives institutionnelles ciblant les Autochtones devraient se concentrer davantage sur l’amélioration des résultats pour ceux qui ne parviennent pas à atteindre le seuil élevé pour participer à l’initiative des Sentiers autochtones. Le système correctionnel fédéral a besoin d’un plus grand nombre d’initiatives et de sentiers plus larges hors de la prison.

  1. Je recommande au SCC d’améliorer l’impact et la portée des initiatives institutionnelles en faveur des populations autochtones des façons suivantes :
    1. Mener un examen des participants actuels à l’initiative des Sentiers autochtones afin de déterminer et de recommander des personnes pour des placements en pavillon de ressourcement et d’autres solutions sans mise sous garde (par exemple accords en vertu de l’article 84). 
    2. Élaborer une approche globale adaptée à la culture et comprenant des initiatives institutionnelles pour les personnes autochtones qui ne bénéficient pas du modèle actuel de l’initiative des Sentiers autochtones. Il s’agirait notamment d’étendre les avantages offerts par l’initiative des Sentiers autochtones (par exemple, l’accès aux Aînés, aux ALA, aux plans de guérison, aux conseils personnalisés) à un plus grand nombre de personnes. 
    3. Élaborer des objectifs clairs et concrets de la planification correctionnelle qui guident la planification des peines pour les délinquants purgeant des peines de 10 ans à perpétuité, et fournir des mesures d’incitation plus significatives aux condamnés à perpétuité autochtones (par exemple, les permissions de sortir avec escorte, les transferts à un niveau de sécurité inférieur et les placements dans des pavillons de ressourcement). 
    4. Collaborer avec les initiatives autochtones aux niveaux régional et institutionnel afin d’élaborer des plans d’action nationaux annuels qui permettent aux communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits, aux organisations communautaires, aux organisations à but non lucratif, aux établissements d’enseignement postsecondaire et à d’autres intervenants d’établir des liens et des systèmes de soutien avec les personnes incarcérées, dès l’admission et après l’expiration du mandat. 
Quelques objets cérémoniels sur une table au Centre Pê Sâkâstêw.
Objets cérémoniels au Centre Pê Sâkâstêw 

Une enquête sur le rôle et l’impact des Aînés dans le système correctionnel fédéral

La voix des Aînés 

« Après avoir passé des années à me décoloniser, j’hésitais à travailler pour cette institution très coloniale ». 

« Les personnes qui travaillent au SCC doivent être prises en charge. Certains d’entre nous portent le traumatisme des gars, et ils ne peuvent pas le porter. Ils tombent malades ». 

« Je suis ici pour enseigner aux détenus ce qu’est vraiment la vie, l’origine de la vie à travers tous nos remèdes, nos cérémonies et nos prières, ainsi que la prise de responsabilité en tant que père ou membre de la communauté. Nous essayons de les réintégrer dans notre société, de les faire participer aux cérémonies… d’essayer de les aider à apporter des changements dans leur vie ». 

« Ils nous ont dit que [cet] endroit était censé être dirigé par les Aînés. Mais man c’est sûr que c’est pas le cas. Je pense que c’est le système correctionnel qui est en charge ». 

« Je suis un homme tranquille des Premières Nations. Nous avons appris des pensionnats à être tranquilles ». 

« Vous (le SCC) utilisez les dossiers de cas pour juger et connaître les hommes, ce n’est pas comme ça que nous les connaissons et que nous travaillons avec eux… Le SCC les traite comme des (méchants/mauvais) criminels, mais nous leur offrons des remèdes… Les gars me diront que le SCC ne m’a pas aidé, que ce sont les Aînés qui m’ont aidé ». 

Introduction et contexte

Dans le premier rapport, Une question de spiritualité (2013), publié il y a plus de dix ans, le Bureau a fait les observations suivantes concernant le rôle et l’impact des Aînés (Conseillers spirituels) travaillant sous contrat dans les établissements correctionnels fédéraux :

Les Aînés sont au cœur du processus de guérison, que ce soit en raison des cérémonies, des enseignements ou des services de counseling qu’ils offrent. Ils sont une ressource très précieuse. Dans le cas des pavillons de ressourcement établis en vertu de l’article 81, le sous-financement a souvent pour effet de limiter la disponibilité des Aînés. Tant et aussi longtemps que les Aînés ne pourront pas se concentrer sur les besoins en matière de guérison des délinquants, auront une charge de travail déraisonnable et ne recevront pas une rémunération adéquate, le modèle de continuum des soins du SCC ne permettra de réaliser le plein potentiel de réinsertion sociale des délinquants autochtones dans leur collectivité. (p. 36) 

Photo de la maison des Aînés du Centre Pê Sâkâstêw.
Maison des Aînés du Centre Pê Sâkâstêw 

À l’époque, comme l’a noté le Bureau, les Aînés étaient confrontés à des obstacles importants, notamment la charge de travail, les limites opérationnelles et contractuelles, des défis qui les empêchaient de fournir leurs services uniques au sein du SCC. Le rapport, publié au Parlement, demande au Service Correctionnel du Canada (SCC) de « fixer des normes réalistes en matière de services, de charge de travail et de paiement pour les services d’Aînés » et de rapporter les progrès accomplis dans la réalisation de ces normes.

Dans le cadre de la mise à jour de notre rapport initial Une question de spiritualité , le Bureau a planifié et mené, tout au long de l’année 2022-23, une série d’engagements et d’entrevues d’enquête avec les Aînés. Nous cherchions à documenter ce qu’ils avaient à dire sur leur relation actuelle avec le SCC. Pour nous aider, le Bureau a passé un contrat avec l’agence Archipel Research and Consulting. Footnote 101 Au total, 55 Aînés/Conseillers spirituels et Assistants d’Aînés ont été interrogés, au cours de cette enquête, comprenant également une série de cercles de partage et d’entrevues individuelles menées par l’agence contractante. Un certain nombre de membres du personnel et de participants aux initiatives menées par les Aînés ont également été interrogés. Finalement, l’examen de la documentation ministérielle du SCC - directives et lignes directrices du commissaire, rapports internes, audits et évaluations, mandats et énoncés des travaux, procès-verbaux des réunions des comités régionaux et nationaux Footnote 102 - est venu compléter les idées et les points de vue exprimés par les participants.

De portée nationale, l’objectif de cette enquête était de capturer, collecter et synthétiser les points de vue, les expériences et les conseils des Aînés autochtones travaillant au sein du système correctionnel fédéral canadien. Lors de la mise à jour du rapport Une question de spiritualité , nous avons délibérément cherché à solliciter la voix et l’expérience des Aînés, reconnaissant qu’ils sont en contact le plus étroit et le plus fréquent avec les populations autochtones qu’ils guident, instruisent et conseillent, à l’intérieur et à l’extérieur de la prison. Les Aînés sont ceux qui connaissent le mieux leurs « proches » et sont intrinsèquement motivés pour les servir et défendre leur bien-être. Ceci étant dit, les points de vue et les idées des Aînés sont indispensables pour forger des relations plus solides entre le SCC, les peuples autochtones et les communautés dans l’esprit et l’orientation de la réconciliation.

Les résultats de cette enquête fournissent un contexte important permettant d’illustrer un sous-ensemble de problèmes, de longue date, liés à la « vulnérabilité des Aînés » dans les établissements correctionnels fédéraux.103 Des témoignages personnels et de première main donnent également un aperçu pratique de la gestion et de la surveillance par le SCC des services contractuels des Aînés. Footnote 104 Tout au long de cette enquête, le Bureau a pu cerner plusieurs problèmes non résolus dans les relations entre le SCC et les Aînés : charge de travail et conditions de travail, questions contractuelles, traitement, respect et reconnaissance, rémunération et indemnisation, soins personnels, bien-être, sécurité et soutien. La résolution de ces problèmes est essentielle afin de créer un espace de confiance auquel une approche du système correctionnel autochtone, menée par les Aînés, pourrait véritablement s’enraciner et s’épanouir. Aborder ces problèmes bénéficieraient grandement les soins et la garde des personnes autochtones incarcérées.

Le Bureau remercie les Aînés pour leur participation et pour avoir généreusement partagé leurs perspectives et leurs expériences. Ce qui suit est un résumé thématique et interprétatif de ce que nous avons entendu lors de plusieurs consultations avec des Aînés à travers le pays. Quatre thèmes principaux se sont dégagés de ces consultations, chacun indiquant la voie à suivre pour mieux apprécier le rôle et l’impact inestimables, mais souvent négligés, du travail des Aînés au sein du SCC.

  1. Rôle et gestion des services d’Aînés au sein du SCC
  2. Charge de travail et conditions de travail des Aînés
  3. Respect et reconnaissance des Aînés
  4. Questions relatives à la vulnérabilité des Aînés

La section finale de la présente enquête comprend une discussion, un résumé des préoccupations et des recommandations pratiques pour soutenir le travail des Aînés au sein du SCC et, à son tour, soutenir les Autochtones sous le coup d’une peine fédérale.

1. Rôle et gestion des services d’Aînés au sein du SCC

Le rôle de l’Aîné

Le terme « Aîné » désigne toute personne reconnue par la communauté autochtone comme ayant une connaissance et une compréhension de la culture traditionnelle de la communauté, y compris les cérémonies, les protocoles, les enseignements et les techniques de guérison, conformément aux croyances et aux traditions sociales de leurs communautés et de leurs enseignants/Aînés, et peut également être connu comme un conseiller spirituel. Le savoir et la sagesse, associés à la reconnaissance et au respect des membres de la communauté, sont les caractéristiques essentielles d’un Aîné. Les Aînés acquièrent ces dons en adoptant un mode de vie traditionnel et en suivant les enseignements des Aînés et des guérisseurs pendant une longue période. Certains Aînés peuvent avoir des attributs supplémentaires, comme ceux de guérisseur traditionnel. Les Aînés peuvent être identifiés comme tels par les communautés autochtones, d’autres aînés et leurs enseignants.

Source : SCC, Énoncé des travaux - Services des Aînés. 

En faisant participer des Aînés aux programmes destinés aux délinquants autochtones, le SCC affirme le rôle essentiel qu’ils jouent, dans les communautés autochtones, en tant que leaders pour les générations futures. Dans les cultures des Premières Nations, des Inuits et des Métis, les Aînés sont vénérés en tant que gardiens du savoir, détenteurs de la sagesse et leaders culturels et spirituels. Les Aînés ont toujours été les conseillers de leurs communautés et ont apporté soutien et conseil à leurs pairs et aux jeunes générations. Footnote 105 Les Aînés utilisent des approches autochtones pour le bien-être, comprenant l’interdépendance entre le bien-être de l’individu et les contextes sociaux plus larges, notamment la famille, la communauté, la nature et le Créateur. En retour, les Aînés sont très respectés et soutenus par leurs communautés, qui leur fournissent des soins et les aident à organiser des cérémonies.

La politique et le cadre de gouvernance du SCC pour les services d’Aînés semblent respecter ces interprétations, par exemple, en reconnaissant que seule une communauté autochtone peut définir qui est, effectivement, un Aîné. Les Aînés sont responsables de la préparation, de la coordination et de la conduite des cérémonies traditionnelles et de certaines activités culturelles dans les prisons fédérales.

Selon la Nation dont ils sont issus et les honneurs qu’ils portent, les Aînés peuvent être amenés à diriger des sueries, des prières matinales, des commémorations, l’enseignement de la langue, les enseignements des Grands-pères, des cérémonies du calumet, des danses, des bains, des cérémonies de la maison longue, des cérémonies de la couverture, des cercles de tambours, etc. Aujourd’hui, environ 130 Aînés/Conseillers spirituels sont engagés pour fournir des services spirituels, des services cérémoniels, des services de conseils et de programmation dans les établissements du SCC à travers le pays.

Photo d’une table contenant des médicaments et des objets cérémoniels utilisés par les Aînés à l’Établissement de Stony Mountain.
Médicaments et objets cérémoniels utilisés par les Aînés à l’Établissement de Stony Mountain 

Les Aînés du SCC peuvent être affectés à des programmes, tels que l’initiative des Sentiers autochtones, ou à travailler dans des secteurs désignés de l’établissement, tels que les unités d’intervention structurée, les unités sécurisées dans les établissements régionaux pour femmes et les rangées pour la population générale dans les établissements ordinaires. Des Aînés travaillent également dans les pavillons de ressourcement gérés par le SCC. Bien que toutes les personnes autochtones incarcérées ne cherchent pas à travailler avec un Aîné, avec environ 4 200 Autochtones en détention fédérale, ces chiffres se traduisent par un ratio global d’environ 30 prisonniers autochtones pour un Aîné, un ratio qui ne répond pas aux besoins ou à la demande.

En ce qui concerne la politique, le SCC n’a pas de directive du commissaire (DC) particulière consacrée uniquement à la prestation de services d’Aînés, bien que la DC-702 ( Délinquants autochtones ), les lignes directrices qui y sont associées et de nombreux autres instruments politiques définissent les attentes à l’égard des Aînés, y compris leur participation à des initiatives et à des interventions autochtones. Par contrat, les Aînés sont censés participer à la gestion de cas du SCC et, sur demande, fournir au SCC des conseils et des orientations sur les questions régionales ou nationales concernant les peuples autochtones sous le coup d’une peine fédérale.

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoit ce qui suit : i. Les Aînés bénéficient du même statut que les autres chefs religieux, y compris les aumôniers; ii. Les services d’Aînés doivent être mis à la disposition de tous les Autochtones pris en charge par le SCC et sous sa garde; iii. Le SCC doit demander l’avis des Aînés lorsqu’il fournit des services correctionnels à un détenu autochtone. Reflétant la nature contractuelle de la relation, le SCC doit fournir aux aînés (et à leurs assistants) le soutien, les ressources, les installations confidentielles (espaces sacrés intérieurs et extérieurs), l’autorité et la formation (orientation) nécessaires pour mener à bien leurs activités. Considérée dans son ensemble, une combinaison de lois, de politiques et d’attentes contractuelles définit le cadre de gouvernance pour l’engagement du SCC auprès des Aînés.

Comme le montre le présent document, il y a lieu de s’inquiéter du fait que le SCC ne respecte pas ces obligations de manière aussi complète ou intentionnelle que prévu. En fait, comme nous le verrons plus loin, les relations entre le SCC et les Aînés présentent un certain nombre de lacunes. Comme l’a montré un récent audit interne (août 2022) de la gestion des services d’Aînés :

  1. La surveillance de la prestation et de la gestion des services d’Aînés est limitée au sein du SCC.
  2. Il n’existe pas de plan stratégique définissant les ressources, le financement ou les besoins des services d’Aînés au niveau des établissements.
  3. Au-delà des révisions des Aînés, d’autres services d’Aînés tels que les cérémonies, les conseils et les avis à la direction du SCC ne sont pas mesurés ou ne font pas l’objet d’un rapport.
  4. L’indicateur de ressources qui alloue des fonds pour les postes d’Aînés au sein du SCC n’a pas été mis à jour depuis sa création initiale en 2006.
  5. Les Aînés sont trop peu nombreux et trop dispersés pour répondre à la population et aux besoins croissants des personnes autochtones placées sous responsabilité fédérale.
  6. Les processus mis en place par le SCC pour identifier, sélectionner et embaucher des Aînés sont insuffisants.

Plus étonnant encore, l’audit révèle essentiellement que le SCC n’est pas en mesure de démontrer de manière raisonnable qu’il fournit correctement et de façon cohérente les services d’Ainés d’un établissement à l’autre. On ne sait pas non plus qui est responsable de veiller à ce que les Aînés fournissent des services conformes à leurs attentes contractuelles. Sur la base de ces seules constatations, il y a toutes les raisons de croire que les services d’Aînés au sein du SCC sont sous-financés, sous-évalués, sous-déclarés et sous-appréciés.

2. Charge de travail et conditions de travail des Aînés

Tout au long de cette enquête, les Aînés ont à plusieurs reprises exprimé leurs préoccupations concernant la structure de recrutement, d’emploi et de rémunération au sein du SCC. En ce qui concerne ce dernier point, les Aînés ont expliqué que la structure du travail contractuel signifie qu’ils ne bénéficient pas de congés de maladie, de congés payés, d’un régime de pension ou de prestations de maladie :

« Quand vous êtes sous contrat, vous n’avez pas de congés maladie, pas de pension, pas de vacances. Essentiellement, vous devez vous débrouiller tout seul. À la fin de la journée, nous sommes là, nous n’avons rien, nous n’avons pas de pension. Ça nous maintient dans un état d’esprit de pauvreté. Parce que nous ne tirons pas d’avantages de notre travail. Nous ne sommes pas là à long terme. Je veux dire, nous aidons les gens, oui. Mais, vous savez, sur le plan financier, ça ne fonctionne pas très bien ». 

En plus d’une rémunération inadéquate, les Aînés ont noté que l’une des principales lacunes du processus d’embauche était l’absence de sécurité d’emploi.

« Il n’y a pas de sécurité d’emploi, ça c’est une de mes plus grandes peurs. Je ne me sens pas du tout en sécurité ici, quand on parle d’emploi. Tous les deux ans, nous signons un contrat et s’ils veulent se débarrasser de toi, il ne font que pas signer ton contrat. C’est comme ça qu’ils font et tout le monde avait cette crainte, tous les Aînés qui travaillaient ici dans [cette] région ». 

En raison de l’absence de sécurité d’emploi, des nombreux Aînés ont estimé que leur emploi au SCC était précaire, en particulier s’ils exprimaient des préoccupations ou s’élevaient contre les pratiques ou le personnel du SCC.

« Nous n’avons aucune sécurité d’emploi en tant qu’Aînés dans l’établissement. Je me souviens de quand j’ai commencé à travailler ici, j’avais vraiment peur qu’on me mette à la porte. Parce que j’ai entendu plusieurs de mes Aînés quitter l’établissement, vraiment sans raison. Je connais quelques Aînés qui ont expérimenté ça, se faire mettre à la porte. En tant qu’Aînés, nous avons besoin de cette protection de la part de l’établissement. […] Il devrait y avoir un système si un Aîné va être renvoyé, il devrait y avoir une procédure d’appel. Il n’existe aucune procédure d’appel ». 

Pour des nombreux Aînés, le risque d’être licenciés ou de « se faire mettre à la porte » les empêchaient de dénoncer les pratiques injustes ou les comportements inappropriés sur le lieu de travail. Certains ont raconté avoir subi des représailles de la part du personnel du SCC lorsqu’ils se sont exprimés. Un aîné, qui a participé à ce projet, a appris que son contrat ne serait pas renouvelé, après avoir critiqué les programmes du SCC :

« Vous savez que le cancel culture est très répandue de nos jours et que lorsque quelqu’un s’exprime contre une organisation, il est banni. Ils m’ont informé qu’à son échéance le 31 mars, mon contrat ne serait pas renouvelé. Alors j’ai dit : « Si c’est dans l’intérêt des délinquants de se débarrasser de moi, qu’il en soit ainsi. Mais je pense que c’est une énorme erreur ». 

Il est compréhensible que les participants estiment que l’absence de sécurité d’emploi est préjudiciable à leur santé et à leur bien-être. Comme l’a expliqué un Aîné : « J’ai vraiment, j’ai des gros problèmes, mais je ne veux pas porter plainte. Je ne veux pas faire de vagues. Je sais à quel point mon revenu est fragile et j’ai vraiment besoin de ce travail ». D’autres ont estimé que l’absence de procédure d’appel pour les Aînés licenciés était tout à fait injuste.

De nombreux Aînés ont eu le sentiment que le système contractuel était conçu à l’avantage de leur employeur, et non du leur. Ils ont expliqué qu’ils étaient soumis aux mêmes règles et à la même surveillance que les employés du SCC, mais qu’ils n’avaient pas accès aux mêmes avantages, droits et pensions que les employés du SCC. Dans le même temps, certaines personnes interrogées ont reconnu qu’elles préféraient la souplesse du système contractuel. D’autres encore refusent la dichotomie tant que leur indépendance et leur autonomie soient protégées. Cependant, lorsqu’on les interroge, la majorité des Aînés participants indiquent clairement qu’ils souhaitent avoir la possibilité de travailler en tant qu’employés permanents afin de bénéficier d’avantages et de protections tels qu’une augmentation de salaire, une stabilité d’emploi, des congés de maladie, des prestations de maladie et un régime de pension. Actuellement, aucun choix n’est offert en la matière.

Photo de l’intérieur de la chapelle de l’Établissement de Springhill, avec cercle de chaises au premier plan.
Chapelle de l’Établissement de Springhill 

Plusieurs Aînés ont comparé leur traitement et leur position au sein du SCC à ceux des aumôniers. Ils ont noté que nombre de leurs homologues conseillers spirituels sont syndiqués et reçoivent donc un meilleur salaire et ont accès à d’autres avantages sociaux tels qu’un régime de pension. À compter d’avril 2023, en fonction des années d’expérience, l’échelle de rémunération actuelle d’un Aîné/conseiller spirituel au SCC est de 72 600 à 83 800 dollars. Les contrats ne dépassent pas 1 717,5 heures par an. Il n’est pas clair comment, ou si, ce barème reconnaît les honneurs et les compétences conférés par les communautés autochtones pour accomplir certaines cérémonies spirituelles et culturelles.

L’idée était que les Aînés autochtones n’étaient pas traités avec le même respect que celui accordé aux autres chefs religieux ou conseillers spirituels, tel qu’il est garanti par la loi :

« Je veux savoir [si] les aumôniers bénéficient d’un meilleur traitement que nous. Parce que c’est de la discrimination. Ils ont un syndicat, et leur syndicat négocie. Ils ont des congés maladie, des congés annuels, et le syndicat négocie le contrat ». 

Dans le même ordre d’idées, de nombreux participants ont fait remarquer à juste titre qu’ils étaient nettement moins bien payés que la plupart des autres membres du personnel du SCC, alors qu’ils fournissent ce que même leur employeur considère comme un service inestimable et irremplaçable. Par exemple, le taux de rémunération annuel le plus élevé pour les aumôniers au sein du gouvernement fédéral varie entre 82 223 et 89 892 dollars. En outre, plusieurs Aînés ont souligné que leur travail était à temps plein, mais que les administrateurs régionaux les désignaient (ou les considéraient) comme des contractants occasionnels ou à temps partiel.

En ce qui concerne l’embauche et la sélection, les Aînés souhaitent un processus cohérent, clair et plus rapide, ce qui laisse entendre que le processus actuel est loin d’être efficace ou transparent. Comme l’a raconté un Aîné :

« … (Nous) avons tellement d’Aînés de valeur, de très bons Aînés. Cependant, ils ne travaillent pas dans les établissements en raison du processus de maltraitance que subissent les Aînés dans ce système ». 

Un certain nombre de personnes interrogées ont indiqué que les diverses pressions exercées sur les Aînés et les attentes contradictoires entraînent des taux de roulement élevés, même dans des établissements qui semblent bien fonctionner et disposer de ressources suffisantes. Les conclusions de l’audit interne indiquent que les Aînés ont trouvé la procédure régionale des contrats longue et onéreuse, et qu’ils ont ressenti une incertitude quant à la sécurité de leur emploi compte tenu du calendrier annuel de passation des contrats. Comme l’a indiqué un membre du personnel, « il est difficile pour les Aînés de travailler ici. De remplir les postes. Des fois, lorsqu’un Aîné pose sa candidature, il faut des mois pour qu’elle soit approuvée ». Il n’est pas rare que des candidats qualifiés finissent par accepter d’autres emplois. Parmi les autres obstacles à la sélection et au recrutement des Aînés figurent le refus de travailler pour le SCC, la réticence à quitter leur communauté d’origine, l’insuffisance des rémunérations et l’incertitude quant à la sécurité d’emploi. Ces obstacles sont loin d’être insurmontables, et le point reste que le SCC doit faire beaucoup mieux pour soutenir, valoriser, attirer et maintenir en poste les Aînés.

Outre les problèmes liés à la précarité de l’emploi et à l’insuffisance des rémunérations, de nombreux Aînés ont fait part de leurs inquiétudes quant à leur capacité à répondre aux exigences et aux attentes qui leur sont imposées. Plusieurs Aînés considèrent la bureaucratie au sein du SCC comme un obstacle majeur, faisant remarquer qu’ils consacrent trop de temps aux tâches administratives, au détriment de leurs responsabilités premières :

Photo du programme d’activités des résidentes autochtones de l’Établissement de la vallée du Fraser.
Programme d’activités pour les résidentes autochtones de l’Établissement de la vallée du Fraser 

« Au fil du temps, la quantité de paperasse qui nous a été attribuée commence à nous éloigner des aspects cérémoniels. Et pire encore, en ce qui me concerne, je rédige des évaluations d’Aînés, et je suis vraiment impliqué dans tout ce qui concerne les agents de libération conditionnelle et tout ce qui s’y rapporte. Il semble que ça prenait de plus en plus de temps, et que de moins en moins de temps était consacré aux cérémonies et aux personnes. Ce que je devais faire à l’origine a dérapé ». 

« Ici, c’est de la paperasse, de la paperasse, de la paperasse ». 

« Les aînés viennent pour une suerie. Les Aînés travaillent vraiment vraiment vraiment dur pendant une suerie, et on attend maintenant d’eux qu’ils terminent la suerie, puis qu’il aillent au bureau et qu’ils rédigent tous ces rapports pour garder le SCC heureux. « Combien de personnes ont participé à la suerie? » « Combien de problèmes? » Pourquoi l’Aîné ne peut juste pas rentrer chez lui, se détendre, revenir le lendemain avec l’esprit clair et rédiger ce texte? » 

Les Aînés estiment que leur capacité à fournir des soins de qualité est compromise par le poids des tâches administratives qui ont été ajoutées à leur charge de travail. Nombreux sont ceux qui estiment que le SCC pourrait offrir un meilleur soutien aux Aînés confrontés à des missions inutiles ou à des charges de travail plus lourdes ou plus exigeantes.

Pratiquement tous les Aînés avec lesquels nous avons discutés ont exprimé leur gratitude à l’égard de leurs oscapio (aidant), de leurs assistants et de leurs agents de liaison autochtones (ALA). Les assistants des Aînés apportent leur soutien en animant des séances de purification et en contribuant à l’organisation d’activités culturelles. Les ALA apportent un soutien essentiel aux Aînés en organisant des séances individuelles avec les résidents, en répondant à leurs besoins permanents et en s’occupant de tâches administratives qui, autrement, incomberaient aux Aînés. Leurs responsabilités peuvent également consister à faire part des préoccupations des résidents à la direction, à préparer des notes de service pour les sueries, à coordonner les cercles de partage, à participer aux fêtes et à aider à la rédaction des évaluations des Aînés. Une personne interrogée dans un établissement a déclaré que l’initiative des Sentiers autochtones « fonctionne mieux lorsqu’il y a une bonne relation de travail entre l’Aîné et l’ALA ». Toutefois, comme nous l’ont également dit les Aînés, les ALA ne sont pas non plus rémunérés à leur juste valeur. Comme il s’agit d’un poste de premier échelon avec une charge de travail difficile, le taux de roulement du personnel autochtone est élevé. Nous avons appris que nombre d’entre eux cherchent à obtenir des promotions dans le secteur des programmes du SCC.

Les Aînés ont régulièrement évoqué le fait que le manque d’accès à des espaces réservés aux programmes, aux cérémonies et à la confidentialité les empêchait d’organiser des cérémonies, des rassemblements et des séances de conseil individuelles. Cette constatation s’applique également aux mesures d’adaptation (ou à l’absence) de leur bureau et de leurs espaces spirituels, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des établissements fédéraux. Certains Aînés ont décrit la situation comme une « bataille constante » pour obtenir un espace approprié, dédié et confidentiel pour fournir des services, comme le reflètent les observations suivantes :

« [Mon établissement] n’a pas des lieux cérémoniels. Comme il y en a mais c’est pas clôturé comme dans d’autres établissements. Il n’y a comme pas d’endroit désigné pour se changer en hiver, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres établissements ». 

« Bien sûr, la salle qui n’est pas utilisable est celle qui a été réservée aux services d’Aînés ». 

« Les aumôniers disposent d’un espace qui leur est réservé, les Aînés non ». 

« Je partage un bureau avec l’ALA qui vient d’être engagé. Ce n’est pas toujours la meilleure situation pour [les détenus] de venir pour un tête-à-tête ». 

« Quand je suis arrivé ici, l’espace réservé aux programmes des délinquants était absolument dégoûtant. C’était rempli d’araignées recluses brunes et certains de nos hommes ont été mordus. Il y avait des tiques, des excréments de pigeons, et j’ai crié du sommet de la montagne aussi fort que j’ai pu pour les faire venir et nettoyer. Pour qu’au moins l’environnement dans lequel on attendait de nous que nous mettions en œuvre nos programmes soit aussi sain que possible ». 

« Les programmes autochtones sont mis en œuvre dans une salle infestée de moustiques et de mouches, sans air conditionné et avec des fenêtres fermées à clé. Il n’y a pas de fenêtre qui s’ouvre correctement. Il faut trouver un bâton ou quelque chose pour les ouvrir et les maintenir ouvertes. […] Il n’y a donc pas un vrai endroit où les Autochtones peuvent organiser leurs cérémonies, où leurs Aînés peuvent venir leur dispenser des enseignements culturels traditionnels ». 

« Pourquoi suis-je assis dans une petite cabane dont le toit s’effond à moitié et dont les portes sont à un centimètre du seuil, de sorte que les oiseaux et les souris peuvent entrer? 

Un certain nombre d’Aînés ont indiqué que le manque d’accès prioritaire aux espaces spirituels et cérémoniels les empêchait de prodiguer des soins à leurs proches. Dans un établissement, l’espace mis à la disposition des Aînés pour les sueries ne dispose pas d’eau courante à proximité, ce qui peut représenter un défi majeur pour les Aînés et pose également des problèmes de santé et de sécurité. Le manque d’espace dédié aux Aînés pour effectuer leur travail et pour soutenir de manière adéquate les détenus autochtones alourdit la charge de travail des Aînés, qui doivent souvent improviser pour organiser leurs activités.

En ce qui concerne l’implication et la participation des Aînés aux conférences de gestion de cas et leur représentation aux tables de décision, l’expérience des Aînés est résolument mitigée. Les Aînés ont généralement raconté qu’ils avaient dû travailler très dur pour obtenir leur place et leur voix aux tables de décision. Dans certains établissements, la participation des aînés est intégrée au modèle de gestion de cas et certains ont fait état d’un accès régulier et direct à la direction, notamment en assistant aux réunions de gestion du matin ou en participant aux conseils d’intervention des directeurs d’établissement. D’autres ont indiqué que leur contribution et leur participation n’étaient sollicitées que lorsqu’elle s’avérait pratique ou utile pour le personnel. Dans l’ensemble, la communication et la confiance sont décrites comme déficientes, et ils rapportent être couramment refoulés. Un certain nombre d’Aînés ont parlé de réunions avec le personnel qui étaient régulièrement annulées.

Un Aîné a raconté l’expérience, assez courante, de la rédaction interminable de rapports, ce qui l’empêche de s’acquitter de ses tâches principales :

« Les antécédents sociaux des Autochtones et les traumatismes intergénérationnels sont les principaux éléments sur lesquels le personnel est formé. Tout ce qui est écrit doit être lié à ceux-ci. Tout le personnel est donc formé en la matière. Mais dans cette formation, ils disent toujours, demande l’avis de l’Aîné, demande aux Aînés de faire des commentaires, demande à l’Aîné de…, et donc tu es impliqué dans toutes les rédactions de rapports ou les programmes. Alors c’est ça qui arrive, lorsqu’ils veulent écrire quelque chose, il faut avoir la contribution de l’Aîné. Donc, nous ne passons pas autant de temps avec les détenus ». 

En ce qui concerne les points généraux relatifs aux tâches administratives et à la rédaction de rapports, les Aînés ont fait part de diverses anecdotes. Travaillant dans le cadre de traditions orales, certains Aînés ne sont pas particulièrement doués pour la rédaction de rapports ou pour l’informatique. Naviguer dans la bureaucratie du SCC, travailler au sein de sa structure d’entreprise rigide ou même apprendre le langage spécialisé du système correctionnel pose des défis considérables, en particulier en l’absence ou l’insuffisance de toute formation d’orientation avant de mettre les pieds dans un établissement correctionnel.

En effet, en matière d’influence, les points de vue et la voix des Aînés sont en constant risque de ne pas être entendus ou écoutés dans un système qui s’appuie sur des documents écrits, une hiérarchie et une structure. Sur un plan substantiel, des inquiétudes ont été exprimées quant à l’utilisation (ou non) des rapports de progrès et des évaluations des Aînés dans les décisions du SCC ou de la Commission des libérations conditionnelles. Certains ont parlé de la frustration de voir les perspectives culturelles négligées, ignorées ou rejetées par les gestionnaires de cas. Un Aîné a parlé de l’importance des audiences de libération conditionnelle assistées par des Aînés : « Il est important que je puisse m’asseoir avec mes proches lorsqu’ils comparaissent devant la CLCC (Commission des libérations conditionnelles du Canada). Je peux attirer l’attention sur leurs réussites et leurs progrès, sinon, on ne les voit pas ».

Des préoccupations plus générales ont été exprimées quant à l’obligation d’intégrer les modèles et méthodes occidentaux dans les évaluations des progrès réalisés par les Aînés. La participation à un cercle de guérison peut ne pas sembler très importante ou méritée d’être notée dans les dossiers, mais pour une personne autochtone incarcérée dans un établissement à sécurité maximale, cela peut être un moment de transformation. Une personne qui suit un cheminement de guérison autochtone peut ne pas très bien se traduire par le fait de cocher une case d’achèvement de programme ou de respecter une date d’admissibilité à la libération conditionnelle lointaine ou illusoire. Il n’y a pas beaucoup de place dans un dossier d’évaluation en vue d’une décision pour traduire ce que la notion d’un « corps, un esprit et une âme propres » signifie pour le potentiel de réinsertion ou la préparation à la réinsertion. Le SCC doivent encore trouver le moyen de faire le lien entre ces expériences et ces visions du monde, même si les Aînés empruntent ces deux voies tous les jours.

De nombreux Aînés ont évoqué les concepts occidentaux qui imprègnent les programmes autochtones et qui mettent l’accent sur le comportement plutôt que sur la guérison. D’autres ont noté une tendance au sein du SCC à utiliser la participation des Autochtones, à des activités culturelles ou spirituelles, comme moyen d’évaluer l’engagement ou les progrès réalisés dans le cadre de la planification correctionnelle. Certains ont fait référence à l’hypothèse répandue, mais erronée, au sein du SCC selon laquelle tous les Autochtones voudront suivre une variante de ce que l’on appelle le « chemin rouge » de la guérison. Comme l’a décrit en détail un Aîné :

« En 2017, ils ont vraiment mis l’accent sur la culture et la spiritualité. D’après ce que j’ai vu et ce qui se passe avec le personnel et les délinquants, la culture et la spiritualité sont en quelque sorte imposées. Ils disent : « Vous devez revenir à votre culture, vous devez revenir à votre spiritualité, et alors vous serez guéri ». C’est une approche qui me semble questionnable. J’ai également dit à la direction que la culture [et] la langue sont bonnes, mais [qu’ils] ont besoin de plus que ça pour réussir dans la société d’aujourd’hui. J’ai entendu des détenus me dire qu’ils étaient en quelque sorte obligés de se plonger dans leur culture et leur spiritualité, même s’ils n’en ont pas vraiment envie. Ils doivent s’inscrire à ceci, s’inscrire à cela. Et s’ils ne s’inscrivent pas et ne s’engagent pas dans la culture, je pense qu’ils font l’objet d’un rapport. Même avec la commission des libérations conditionnelles, lors des audiences auxquelles j’ai participé, on demandait toujours aux détenus ‘Qu’en est-il de ta culture et de ta spiritualité?’. Si un détenu ne s’engage pas dans cette voie, c’est un peu négatif pour l’octroi d’une semi-liberté ou d’une libération conditionnelle totale ». 

Il va sans dire que le choix de ne pas accéder aux soutiens culturels et spirituels traditionnels (ou de ne pas suivre un « cheminement de guérison ») ne devrait pas être utilisé contre un délinquant autochtone en ce qui concerne les décisions relatives à l’administration de la peine. La même attente ne serait jamais tolérée dans un contexte non autochtone, chrétien ou caucasien.

La plupart des Aînés ont souligné la nécessité de mettre en place des programmes davantage axés sur les Autochtones, y compris l’enseignement des langues autochtones, des interventions en matière de santé et de bien-être, comme l’ Esprit du guerrier, Soigner les cœurs brisés , Mères de la tradition, WellBriety . De même, les Aînés ont évoqué la nécessité d’offrir une gamme plus étendue d’activités traditionnelles, telles que des aliments traditionnels, des festins saisonniers et traditionnels, des activités de récolte et de cueillette sur la terre et d’autres sorties en groupe. Presque tous ont plaidé en faveur d’un plus grand nombre de personnel autochtone à tous les niveaux.

3. Respect et reconnaissance des Aînés

Les rôles des aînés sont multiples et complexes et la charge de travail est exigeante et lourde. De la gestion de crise à l’éducation culturelle en passant par les conseils individuels, la rédaction de rapports et le mentorat, les Aînés répondent à de nombreux besoins au sein du SCC. Pourtant, de nombreux Aînés que nous avons interrogés ont indiqué qu’ils n’avaient reçu que peu ou pas de formation formelle, de mentorat ou d’orientation. Un certain nombre d’Aînés ne se souvenaient pas si quelqu’un au sein du SCC les avait informés de leurs attentes contractuelles, des considérations en matière de sécurité et de sûreté ou des politiques pertinentes avant qu’ils n’occupent leur poste. Une Aînée a raconté qu’elle avait littéralement erré dans l’enceinte du pénitencier pendant quelques jours avant de tomber sur une unité qui avait besoin de son aide.

Alors que l’impact des Aînés sur la vie des détenus est au cœur de leur travail, leur influence dépasse ce cadre et a aussi des répercussions positives sur la vie de leurs proches. Les détenus autochtones que nous avons interrogés nous ont raconté de nombreuses histoires positives sur leur expérience de travail avec les Aînés. Comme l’a dit un résident, avec l’aide d’un Aîné, « nous creusons en profondeur et nous travaillons sur des choses ». Les personnes interrogées ont souvent établi des parallèles entre le travail des Aînés et celui des professionnels de la santé mentale. Les résidents nous ont expliqué comment les Aînés abordaient le travail de guérison :

« Ils nous aident avec nos sentiments, notre psychologie. Ils sont des conseillers spirituels, mais leur formation repose sur leur expérience avec la culture, la communauté, les cérémonies et les traditions. Ils peuvent nous aider à surmonter nos peurs et à gérer nos émotions, à aller au fond des choses (pour) aborder nos problèmes ». 

« Les Aînés ne nous poussent jamais à ne rien dire. Ils écoutent simplement, sans critiquer, rien. Ils font juste me laisser savoir qu’ils sont là pour moi ». 

« En prison, ton esprit est brisé. Ton esprit est constamment attiré par la soumission. Voir un Aîné me tire toujours vers le haut. L’Aîné est comme le gars à la boxe qui met de la crème sur ton visage et t’aide à continuer le combat jusqu’à ce que tu gagnes éventuellement ». 

Il convient de noter que l’impact des aînés s’étend au-delà des murs des établissements et même de la durée du séjour d’un détenu. De nombreux Aînés ont indiqué qu’ils offrent un soutien continu aux personnes de leur cercle de soins après leur libération.

« Nous avons notre propre suerie, mais nous ne l’ouvrons pas à tout le monde. Il s’agit davantage d’une suerie familiale, car elle a lieu chez nous. Lorsque les condamnés à perpétuité sortent, je leur donne notre numéro, ils peuvent nous appeler s’ils ont besoin de parler à quelqu’un, ou simplement pour prendre des nouvelles et dire : « Hé, je fais ceci ou cela, ou j’ai trouvé un emploi ou, vous savez, je fais ceci ou cela ». J’ai donc créé des liens avec les détenus qui ont été libérés ou qui se trouvent dans un pavillon de ressourcement ou une maison de transition ». 

Le travail des Aînés a un impact positif à l’intérieur et à l’extérieur des établissements du SCC, tant pour le personnel autochtone que pour le personnel non autochtone. Comme l’a fait remarquer un Aîné : « J’ai eu la chance de travailler au SCC pendant plusieurs années. Vous savez, certaines des choses positives que j’ai vues, je pense que nous, en tant qu’Aînés, avons un impact positif sur les personnes avec qui on travaille ». Les Aînés soutiennent directement la mission du SCC, qui est de « changer des vies ».

Dans l’ensemble du SCC, cependant, il y a un manque fondamental de compréhension des cultures autochtones, des cérémonies et du rôle des Aînés au sein des établissements. Le manque de compréhension a des conséquences retentissantes, qui se manifestent souvent par un traitement discriminatoire, désobligeant ou irrespectueux. De nombreux Aînés ont indiqué qu’ils avaient rencontré des résistances à leurs enseignements et à leurs interventions au sein du SCC. Ils ont fait part de leur expérience en matière d’insensibilité culturelle et de réactions négatives de la part du personnel. Les Aînés attribuent ces attitudes à un manque de compréhension des problèmes auxquels sont confrontés les peuples autochtones et la communauté autochtone au sens large. Il est difficile de savoir si la résistance aux leçons, enseignements et activités des Aînés est due à un manque de compréhension ou de sensibilisation de la part du personnel du SCC ou à des attitudes racistes et discriminatoires plus générales dans la société. Quoi qu’il en soit, les exemples suivants de rencontres irrespectueuses ont été partagés :

« Nous n’avons pas de bonnes relations avec notre service de sécurité dans l’unité de garde en milieu fermé. Je suis ici depuis des années. C’est pas juste mon expérience ». 

« Ce (manque de respect) est un problème constant que j’observe depuis sept ans, une attitude générale à l’égard de nos femmes [et] une attitude générale à l’égard de notre implication auprès de nos femmes ici ». 

« Nous recevons des plaintes du reste de l’établissement concernant l’odeur de la cérémonie de purification par la fumée. Ça ne laisse qu’un sentiment de grand inconfort [ici]. Une année après l’autre, vous ne cessez de vous plaindre de nos remèdes ». 

« Mon expérience m’a appris qu’il est bon d’avoir la peau dure. Il faut avoir la peau dure ici avec toute la politique qui s’y déroule ». 

« La façon dont je le vois, je pense que les Premières Nations sont au fond du trou en ce qui concerne le service correctionnel, parce qu’on a aucune protection, aucune protection syndicale ou quoi que ce soit d’autre ». 

« Les Aînés sont traités comme des enfants ou des nourrissons. Il en va de même pour les détenus autochtones ». 

La plupart des Aînés ont raconté comment ils ont essayé de combattre l’apathie et l’insensibilité par l’éducation, la sensibilisation et les séances de compétence culturelle :

« J’ai essayé d’engager le dialogue avec la direction sur la nécessité de sensibiliser et d’éduquer davantage à l’histoire autochtone et aux problèmes actuels, mais j’ai toujours reçu une réponse négative. Je voulais créer ce genre de programme […] où il y aurait beaucoup d’activités qui sensibiliseraient à l’éducation sur ce que nous sommes aujourd’hui. Mais ils ont toujours dit non, nous ne voulons rien de ça. Ils ne m’ont pas donné de raison. Mais j’ai offert ces, ces services. À la fin, je pense que ce n’est pas vraiment mon rôle, d’après mon contrat et la manière dont il est rédigé, en ce qui concerne la sensibilisation et l’éducation aux questions autochtones. Mais je pense que ce serait une très bonne idée d’aller de l’avant avec le personnel et la direction pour comprendre qui nous sommes ». 

D’autres ont fait état d’expériences plus positives et réussies :

« La semaine dernière, j’ai organisé une cérémonie de la suerie pour le personnel de [nom de l’établissement]. Le directeur et 10 autres participants sont venus. Ils sont tous nouveaux à nos méthodes, ils n’en savent rien. Il y a trois mois, le directeur a lancé l’idée d’organiser une cérémonie de la suerie pour le personnel, afin de leur présenter le type de travail que nous faisons. J’ai donc pris l’initiative d’organiser une cérémonie de la suerie pour eux vendredi dernier… Elle a commencé à neuf heures du matin et s’est terminée à quatre heures de l’après-midi. Je les ait eu pour toute une journée. Je leur ai essentiellement appris nos méthodes traditionnelles. [Les] résultats ont été très positifs. Aujourd’hui, quand je viens travailler, d’autres gardiens me disent que la cérémonie à laquelle l’un d’entre eux a participé a eu un impact positif sur eux et qu’ils veulent tous venir. Vous savez, ça me fait plaisir de voir, d’entendre qu’ils veulent apprendre, comme même le personnel ici à [nom de l’établissement] veut apprendre nos méthodes et ce que nous faisons, et comment nous aidons nos hommes dans ces établissements. Ils commencent à le comprendre. Ça me donne de l’espoir. Je travaille avec le directeur de l’établissement qui me soutient pleinement dans mon travail, ce [qui] fait une énorme différence. Il donne le ton [et] tous les autres suivent ». 

« Cet agent correctionnel a dit : ‘Maintenant, je vais traiter ces gars différemment’. Vous savez, dans une unité, c’était si bon à entendre. Chacun d’entre nous, que tu sois un Aîné, un agent de probation ou [un] bar for bar , se trouve dans une position extraordinaire qui lui permet de faire la différence dans la vie de quelqu’un. Chacun d’entre nous a cette opportunité chaque jour ». 

Les Aînés ont indiqué que la participation du personnel et son intérêt pour l’apprentissage des méthodes autochtones dépendent de la réceptivité et de la volonté du personnel non autochtone, ainsi que du soutien de la direction, en particulier du directeur de l’établissement. La valeur de l’engagement et de la formation du personnel fait une énorme différence, comme l’a expliqué un participant : « Avant d’entrer dans un établissement, je devrais faire un enseignement à l’intérieur de la grande conférence de cas, où je pourrais expliquer aux gardiens et au personnel ce que je fais là et quelles sont mes intentions ».

Malgré la diversité des traditions et des cérémonies autochtones, les Aînés ont parlé d’une appartenance pan-autochtone omniprésente au sein du SCC. En effet, on pourrait supposer que le système correctionnel fédéral approuve de nombreuses pratiques, enseignements et cérémonies culturels largement inspirés par les Cris. Bien que les Aînés reconnaissent une certaine universalité à leurs enseignements, il existe également des distinctions claires d’une nation à l’autre et d’un océan à l’autre à l’autre. Comme l’a dit un participant : « Certains Aînés viennent des Prairies et organisent des cérémonies de sueries et des cérémonies du calumet, mais nous, les Salish de la Côte, nous organisons d’autres cérémonies, comme nos bains ». Un autre Aîné a donné son avis : « Beaucoup de pan-amérindianisme au SCC. Ils veulent que nous prenions des raccourcis pour organiser des cérémonies dans le cadre du SCC et ça ne fonctionne pas ». Un autre Aîné a déploré le fait que « leur système de gestion ne permet pas d’indiquer si le jeune est inscrit, non inscrit, métis ou inuit. Ils font de tout le monde des Premières Nations parce qu’ils ne savent pas ce que cela signifie ».

Cet amalgame des différences culturelles a des conséquences importantes, comme l’a indiqué un Inuit interrogé :

« Au début, quand j’ai commencé à travailler là-bas, la direction, etc., je pense qu’ils supposaient que nous [les Inuits] étions comme les Premières Nations, avec toutes les cérémonies, les sueries, les pavillons, la purification par la fumée et les cérémonies du calumet. Quelques semaines après mon entrée en fonction, on m’a demandé ‘qu’est-ce qui se passe? Tu n’organises pas de cérémonies ni rien de ce genre’. J’ai dit : Tu sais quoi? Nous ne sommes pas tous pareils! Ne faites jamais cette supposition. Je vais sensibiliser les gens à ce que nous sommes en tant qu’Inuits, parce que dans notre culture, il n’y a pas de cérémonies comme celles des Premières Nations ». 

Les compréhensions non nuancées des méthodes traditionnelles du savoir et d’existence autochtones sont aggravées par les règles et protocoles institutionnels qui peuvent gravement déformer ou perturber les pratiques ou enseignements traditionnels. Plusieurs expériences ont été partagées concernant la façon dont le personnel du SCC s’impose ou applique des règles qui interfèrent avec les cérémonies :

« Je trouve que parfois la sécurité s’est impliquée dans certaines de nos cérémonies, et maintenant ils l’imposent à nos sueries […] Ce que j’ai réalisé avec le temps est que nos cérémonies commençaient à être changées, elles sont dans une certaine salle en fonction de la sécurité [par exemple]. […] Ensuite, ils imposent toutes les règles, et nous devons les suivre. Alors je pense, man , c’est vraiment en train de changer beaucoup de choses dans nos cérémonies et on n’est pas censé changer quoi que ce soit, comment nous faisons nos sueries, on est pas censé changer nos cérémonies [en] ajoutant ou en supprimant des éléments. Et je trouve que c’est un vrai problème ». 

L’ingérence extérieure peut s’avérer particulièrement difficile lorsque l’application des politiques de sécurité du SCC oblige les Aînés à faire des compromis dans la prestation de leurs services. « Ça ne fait que cinq ans que je suis ici, mais je constate des changements où des non-autochtones essaient de nous dire comment organiser nos cérémonies, et il n’y a pas assez de personnes au-dessus de nous qui sachent comment faire ces choses ». Plusieurs Aînés ont raconté la nécessité d’obtenir des « autorisations » pour organiser des cérémonies : « Nous devons obtenir l’approbation des services de sécurité pour les grandes cérémonies, puis les réduire, alors je ne fais que des cérémonies plus petites ». Un autre Aîné a parlé de la nécessité de faire des cérémonies « quand il le faut, et non pas quand cela convient aux opérations ». Avec un certain humour, une personne interrogée a parlé de l’importance de préserver l’intégrité et l’authenticité des enseignements :

« J’essaie de m’assurer que je partage de bons enseignements, pas ceux de Grand-père Google. Nous devons préserver l’intégrité de nos enseignements et de nos cérémonies, faute de quoi nous suivrons le chemin du peuple Wendat. Nos cérémonies seront réduites. Le SCC doit nous donner la possibilité de maintenir l’intégrité des cérémonies ». 

Aux niveaux de sécurité supérieurs, les Aînés ont parlé des restrictions de mouvement et d’association de la population qui entravent l’accès aux unités de vie et leur capacité à fournir et à mener des interventions. Sur ce point, les Aînés qui travaillent dans des établissements à sécurité maximale pour la population générale ont donné des exemples où leur seule présence a un effet apaisant. Ils ont signalé des cas où ils ont été appelés pour désamorcer des situations avant qu’elles ne deviennent incontrôlables. Quelques Aînés ont eu le sentiment qu’ils étaient utilisés par le personnel de sécurité qui semble ne pas se préoccuper de leur travail au-delà de la gestion des crises et du désamorçage des tensions.

Plusieurs Aînés ont raconté des histoires concernant le tabac, qui est considéré comme un produit de contrebande dans les établissements fédéraux. Ils ont parlé des contrôles exercés sur leurs remèdes et les éléments de leurs cérémonies, y compris l’obligation d’être « témoin » de la distribution ou de l’utilisation des remèdes en fonction des besoins. Dans certains établissements, l’accès des Aînés aux remèdes traditionnels, tel que le tabac, est limité, ces produits sont mis sous clé ou carrément interdit. Plusieurs Aînés ont raconté qu’ils s’étaient fait confisquer des objets culturels ou cérémoniels par le personnel de sécurité et qu’ils ne leur avaient pas été rendus. Quelques-uns ont fait état d’un manque d’endroits sécuritaires pour conserver les objets sacrés et cérémoniels tels que les tambours, les calumets et les remèdes. Les contrôles d’accès aux objets traditionnels peuvent parfois friser le ridicule, comme le rationnement des trousses pour les cérémonies de purification par la fumée ou le décompte hebdomadaire des allumettes.

Photo d’une boîte et d’un sac remplis de sauge cérémonielle au Centre Pê Sâkâstêw.
Sauge cérémonielle au Centre Pê Sâkâstêw 
Photo de médicaments divers utilisés par les Aînés de l’Établissement de Stony Mountain.
Médicaments divers utilisés par les Aînés de l’Établissement de Stony Mountain 

Dans un certain nombre de cas, les Aînés ont parlé de la nécessité de s’adapter et de faire preuve de créativité pour contourner la myriade de règles lors de l’organisation de la cérémonie : « Parfois, nous devons faire de petits changements parce que nous n’avons pas le droit d’avoir du tabac ici et nous ne pouvons donc pas faire ces offrandes de tabac dans le feu. Nous ne pouvons pas utiliser de tabac lors de la cérémonie de la suerie. Nous utilisons donc de la sauge à la place du tabac ». Lorsque confronté aux griefs du personnel au sujet de la purification, un Aîné s’est montré particulièrement direct quant à la réalité à laquelle ses proches font face: « Lorsque le personnel se plaint de l’odeur de la cérémonie de purification par la fumée, il devrait peut-être déménager, car nos proches ne le peuvent pas ».

Il y a un point plus large et beaucoup plus important à noter ici. Tout d’abord, l’accès et la participation à la culture et à la spiritualité autochtones ne constituent pas un programme, un privilège ou une simple intervention de plus, comme certaines personnes au sein du SCC voudraient le faire croire. Ce sont des droits. Les remèdes destinés à la pratique spirituelle, y compris l’usage et les offrandes de tabac, ne doivent pas être refusés si l’on estime qu’ils sont nécessaires à la cérémonie. L’accès aux Aînés ou à la spiritualité autochtone ne peut être annulé, retiré ou supprimé à la discrétion des autorités correctionnelles. En dehors du SCC, les Aînés sont vénérés, honorés, respectés et on leur fait confiance, en fonction de leur statut dans la communauté. Ils ont besoin d’espace et d’autonomie pour accomplir leur travail au sein d’un système qui comprend, adopte et prend en compte les pratiques spirituelles et cérémonielles correspondant à leur rôle et à leur statut.

4. Vulnérabilité des Aînés

Bien que les Aînés autochtones ne soient pas définis par leur âge, il est indéniable que les dons de la sagesse, du savoir et des compétences spirituelles et culturelles s’accumulent au cours de toute une vie d’expérience. Le fait est qu’un grand nombre d’Aînés du SCC sont des personnes âgées ou très âgées, souvent à la retraite et ayant largement dépassé l’âge de la retraite. Ce seul fait suggère la nécessité d’un meilleur soutien, plus complet et plus compatissant de la part de leur employeur.

De nombreux Aînés ont indiqué que la nature de leur travail créait un environnement dans lequel ils se sentaient souvent isolés et non soutenus par leur employeur :

« Parfois, on se sent vraiment seul. Je pense que le simple fait d’avoir cette [conversation] aujourd’hui signifie beaucoup pour moi de pouvoir entendre les autres et de savoir ce qu’ils vivent ». 

« Je pense que je fais du bon travail, j’essaie de faire de mon mieux. Je pleure. J’ai des journées difficiles, quand la plupart des gens seraient en position fœtale après une journée passée avec moi. Après ce que j’écoute et ce que les autres Aînés écoutent ». 

« Nous avons besoin de soutien. Nous avons besoin de personnel autochtone, nous devons arrêter d’embaucher uniquement des personnes intéressées par notre culture. Il est bon d’avoir des alliés, mais nous avons vraiment besoin d’une gestion par les Autochtones ». 

De nombreux Aînés ont exprimé le besoin de se réunir plus souvent, dans un cadre confidentiel et sûr, pour échanger et prendre soin les uns des autres :

« Nous n’avons pas assez de réunions en face à face ou de conférences avec les autres Aînés, nous en avons besoin, je pense que c’est très important parce que le travail que nous faisons est très spécialisé. Nous n’avons pas vraiment d’occasions de renforcer l’esprit d’équipe pour apprendre à nous connaître et à interagir. Comprendre que nous ne sommes pas seuls dans le travail que nous essayons de faire ». 

« Les Aînés doivent se rassembler pour se soutenir mutuellement. Ici, nous nous réunissons, mais dans d’autres établissements, ce n’était pas le cas. Nous avons besoin de plus de partage et de rassemblement entre les Aînés aux niveaux régional et national ». 

« Nous, les Aînés, devons pouvoir prendre du temps pour nous réunir, nous soigner, manger ensemble, nous soutenir mutuellement ». 

« Il serait bon de rencontrer d’autres Aînés de tout le pays pour comprendre ce qu’ils font et pour dire au SCC ce dont nous avons besoin ». 

« Des réunions d’Aînés, au moins une fois par année, seraient parfait. Je suis juste un jeune homme et je pourrais apprendre beaucoup des autres qui ont plus de connaissances ». 

Quelques Aînés ont fait remarquer que les seuls rassemblements semblent avoir lieu lorsqu’il y a un conflit ou une discorde entre eux. Footnote 106 Les Aînés ont également estimé qu’une meilleure formation était nécessaire, notamment en ce qui concerne les traumas. La plupart des questions que les Aînés tentent de résoudre avec les détenus sont troublantes et peuvent avoir un impact profond sur eux en tant que membres de la communauté autochtone. Les Aînés ont souvent fait remarquer qu’ils devaient supporter les traumatismes qui leur étaient rapportés et que leur propre bien-être en souffrait :

« Certains des obstacles que je vois sont liés au fait que nous avons besoin d’une formation plus poussée en matière de trauma. Plus de formation sur les questions de santé mentale. Les problèmes de santé mentale sont considérables ici dans les [établissements]. Et je n’ai pas les outils pour les aider. Je fais face à des cas de dépression, d’anxiété et d’institutionnalisation. Ce sont quelques-uns des obstacles auxquels je fais face ». 

Une formation adéquate sur la gestion des traumatismes, à la fois pour aider les détenus à faire face à leurs traumatismes et pour éviter qu’ils ne se fassent du mal à eux-mêmes, serait un moyen efficace de soutenir les Aînés travaillant pour le SCC.

L’effet combiné des problèmes de vulnérabilité des Aînés soulevés dans cette enquête (manque de soutien, mauvaise gestion, rémunération inadéquate, manque de respect, lourdes charges de travail) fait que de nombreux Aînés se sentent stressés, isolés et épuisés.

« Quel est l’intérêt pour moi de travailler pour… Tout le monde démissionne. Tous les Aînés que je connais. Je connais tant d’Aînés partout au Canada et même mon propre père occupe ce travail depuis 14 ans, par intermittence. Il a dit que c’est le pire emploi au Canada. Nous devrions avoir la place de stationnement à côté du directeur, mais au lieu de ça, nous sommes le sous-traitant à l’arrière, traités comme des briseurs de grève sans rien pour nous protéger ». 

« Nous nous épuisons si nous ne travaillons pas ensemble. Si nous avons besoin de prendre un jour, un jour pour la santé mentale, pourquoi ne pouvons-nous pas le faire sans perdre notre salaire? […] Pourquoi ne pas prendre cet après-midi pour parler à un autre Aîné? ». 

Une dernière préoccupation soulevée par les Aînés participants et qui nécessite une certaine réflexion de la part du SCC est la question de l’auto-identification des Autochtones. Footnote 107 Les non-Autochtones qui prétendent être autochtones est un phénomène qui s’est récemment développé au Canada, et il existe peu de guides institutionnels sur la manière de vérifier l’appartenance à une population autochtone. L’absence de contrôles dans ce domaine entraîne une charge de travail supplémentaire pour les Aînés qui doivent s’occuper de personnes ayant un lien ténu avec l’héritage autochtone. Le fait que des personnes non-autochtones se fassent passer pour des Autochtones afin d’avoir accès à des mesures de soutien réservées aux détenus autochtones prive ces derniers de l’aide dont ils ont besoin et empêche les Aînés de leur apporter un soutien total.

La gestion de cette question, avec peu ou pas d’orientation de la part du SCC, ajoute au défi et au stress de la charge de travail des Aînés, comme l’illustrent les commentaires ci-dessous :

« Le deuxième problème le plus important que nous rencontrons est celui de l’auto-identification lorsque les détenus arrivent dans l’établissement et qu’ils cochent la case « Métis ». C’est tellement démoralisant. […] J’essaie de construire un groupe et tout le monde se bat. Les francophones qui s’auto-déclarent se battent avec les vrais Cris qui ne le sont pas vraiment. Je dis simplement qu’il y a de gros problèmes d’auto-identification ». 

« Tout le monde me parle de ses problèmes, mais la moitié de ces personnes n’ont même pas d’antécédents sociaux des Autochtones. La moitié de ces personnes se disent autochtones parce qu’elles veulent un hamburger de bison gratuit une fois par mois ». 

« Par le temps qu’ils arrivent jusqu’à moi, ils devraient déjà être autochtones. Je ne devrais pas enseigner à ces personnes comment être Indien ». 

« Cela fait 20 ans que nous travaillons à l’intérieur, et ce qui a changé, c’est l’afflux de détenus qui s’auto-identifient. Ils ne sont pas vraiment autochtones, mais ils affirment que leurs racines remontent à très, très loin. Ils entrent dans le groupe, mais n’ont pas le même lien avec les communautés. Ils créent des problèmes pour le groupe ». 

« Ils [le SCC] leur demandent simplement « êtes-vous autochtone » et il [le détenu] répond « je ne sais pas, peut-être que mon arrière-arrière-grand-mère l’était ». Il décide donc d’être autochtone. [...} Ces jeunes qui viennent ici ont grandi en étant blancs, ils ne savaient pas qu’ils étaient autochtones en grandissant. Mais on leur a dit que s’ils disaient qu’ils étaient autochtones, ils obtiendraient des privilèges particuliers ». 

Un Aîné a fait remarquer que son contrat ne mentionnait qu’il fournirait des services qu’aux Autochtones, mais que certains membres de l’établissement attendaient de lui qu’il travaille avec l’ensemble de la population de l’établissement. Dans certains cas, les prisonniers non autochtones étaient tellement frustrés de ne pas pouvoir accéder au soutien destiné aux Autochtones qu’ils en sont venus à crier sur l’Aîné et à l’accuser de racisme. En outre, certains Aînés ont indiqué qu’ils seraient heureux de fournir des services à l’ensemble de la population carcérale, à condition que cela soit fait de manière appropriée et que cela n’empiète pas sur les services qu’ils fournissent aux détenus autochtones :

« Je suis prêt à venir vous voir et à vous rencontrer pour savoir si vous suivez notre voie ou nos méthodes autochtones. Si c’est le cas, j’aimerais que vous participiez à une cérémonie de la suerie avec nous ». 

« J’essaie d’être ouvert d’esprit et de ne pas imposer une seule voie. Enseigner les enseignements par l’exemple, le respect, la gentillesse, l’ouverture d’esprit. Tu n’as pas besoin de rien dire. Il suffit de montrer l’exemple par la manière dont on se comporte et dont on traite les gens, et ils apprennent ». 

Conclusion et recommandations

Les résultats de la présente enquête ne sont pas entièrement nouveaux, ni même révolutionnaires, mais les engagements et les méthodes par lesquels les opinions des Aînés ont été recueillies le sont. En donnant la parole aux Aînés et en relatant leurs expériences, les participants à l’enquête ont fait part de certaines préoccupations fondamentales et d’engagements non tenus :

  1. Manque de compréhension du rôle et de la contribution des Aînés au sein du SCC.
  2. Absence d’une approche cohérente et nationale de l’engagement des Aînés.
  3. Absence de représentation des Aînés au sein des structures décisionnelles du SCC.
  4. Reconnaissance, rémunération et soutien des Aînés insuffisants à tous les niveaux.

Il n’est pas certain que ces problèmes systémiques soient résolus par un nouvel examen du modèle contractuel pour les Aînés ou par une clarification des indicateurs de ressources pour les services d’Aînés, bien que le SCC semble obstinément refaire sans cesse la même chose. Les efforts déployés pour assurer un soutien et une gestion adéquats des services d’Aînés au sein du SCC ne seront pas couronnés de succès si l’on ne décide pas comment et où le contrôle, l’évaluation et le suivi de ces activités s’inscrivent au sein de l’agence. Plus directement, si les Aînés n’ont pas leur place à la table, si leurs nations ne sont pas représentées ou accueillies comme des partenaires égaux lors de la prise de décisions du SCC, si les dépenses du système correctionnel continuent de ne pas être liées aux taux de représentation autochtone, alors le risque persiste que les initiatives autochtones au sein du SCC ne soient jamais dirigées par des Autochtones.

Les Aînés ont une sagesse et un savoir à partager, mais le SCC doit être beaucoup plus disposé à accepter et à intégrer ces dons et à faire un meilleur usage de la vaste expérience des Aînés en ce qui concerne les modes de connaissance et d’existence autochtones. Le SCC a intégré les Aînés dans son plan et son cadre de travail sur le système correctionnel autochtone, mais il est loin d’avoir adopté une approche axée sur les Autochtones . Les services correctionnels pour les Autochtones combinent les connaissances occidentales et les perspectives autochtones. Les Aînés sont le lien entre ces deux visions du monde et la ressource la plus importante pour les détenus autochtones. Ils ont été engagés pour apporter un soutien spirituel et culturel aux hommes et aux femmes autochtones sous le coup d’une peine fédérale. L’intégrité de leurs enseignements et de leurs pratiques doit être honorée et respectée. Le SCC a le devoir d’offrir aux Aînés un espace sûr pour effectuer leur travail, à l’abri du harcèlement, de la discrimination et du manque de respect.

Le SCC reconnaît à juste titre qu’il a besoin d’Aînés pour répondre aux besoins des Autochtones en détention. Toutefois, l’une des principales conclusions de cette enquête est qu’il ne semble pas savoir où et comment les interventions des Aînés s’intègrent dans ses structures globales organisationnelles et d’établissement de rapports. Les Aînés qui ont accepté de participer à cette enquête ont souvent fait part de leur confusion et de leur incertitude quant aux personnes auxquelles ils rendent compte, à celles qui les supervisent et les contrôlent, ou à la manière dont leurs contributions sont intégrées au sein du SCC. À tous les niveaux de l’organisation, il semble y avoir un manque fondamental de compréhension du rôle des Aînés. Comme l’ont indiqué les Aînés eux-mêmes, il y a très peu de cohérence dans la manière dont le SCC s’engage dans leur travail, dans la manière dont il sélectionne, embauche et conserve leurs services ou dans la manière dont l’agence reconnaît ou soutient leur travail. Malheureusement, cette mauvaise administration et cette mauvaise gestion généralisées font que de nombreux Aînés se sentent extrêmement vulnérables, isolés, marginalisés, exclus, non soutenus, non respectés et épuisés.

Au sein du SCC, les services d’Aînés sont souvent qualifiés de « complémentaires », comme si, à petites doses, les interventions des Aînés contribuaient à un ensemble plus grand ou plus complet. Il serait peut-être plus judicieux de considérer les services d’Aînés comme des services substantiels, ayant une valeur indépendante et significative, qui ne doivent pas être subordonnés ou considérés uniquement en relation avec les interventions du SCC. Dans l’état actuel des choses, il y a peu de place dans le monde du SCC pour traiter les Aînés comme des partenaires complémentaires et égaux dans le but de « changer des vies ». Cette situation doit changer.

Bien que le SCC reconnaisse souvent publiquement l’importance des Aînés, ceux qui ont participé à cette étude ont indiqué qu’ils étaient constamment confrontés à des obstacles, des interférences et des pressions au sein du SCC, un milieu de travail qui exacerbe leur vulnérabilité dans leur rôle. Les Aînés ont fait état de responsabilités accrues, en particulier de tâches administratives, sans soutien supplémentaire, ce qui les détourne de leur obligation première de répondre aux besoins culturels et spirituels des délinquants autochtones. Le manque de sensibilisation et de compétences culturelles au sein du SCC sape l’autorité des Aînés sur les interventions autochtones, comme l’initiative des Sentiers autochtones, qu’ils sont chargés de diriger. Les Aînés ont décrit faire face à la discrimination et au manque de respect à tous les niveaux du SCC, en grande partie en raison d’un manque de compréhension de leur contribution et de leur rôle. Ces conditions de travail peuvent les rendre vulnérables à l’épuisement émotionnel et professionnel.

Lorsque les Aînés se sentent soutenus et valorisés, ces sentiments dépendent de la culture et de la direction des établissements dans lesquels ils travaillent. Pratiquement tous les Aînés ont cité les administrations centrales et régionales comme un obstacle à leur travail; peu d’entre eux ont pu comprendre la logique ou le raisonnement des autorités régionales qui agissent en tant que « détenteurs » et « superviseurs » de leurs contrats. Les Aînés se sentent beaucoup plus valorisés lorsqu’ils travaillent en collaboration avec leur établissement d’origine :

« Les gens d’Ottawa, loin d’ici (geste de la main pour montrer la distance), nous donnent toujours des indications, mais ne connaissent pas notre façon de faire. La situation n’a pas été meilleure à l’administration régionale. L’administration centrale nous a demandé si nous voulions que nos contrats soient gérés par l’Administration nationale ou par un établissement, nous voulions que ce soit l’établissement, mais le contrat a quand même été envoyé à l’Administration nationale ». 

« La direction (de l’établissement) nous comprend, nous écoute et veut nous laisser faire des choses, mais le bureau de la (RÉGION) dit « non ». Parfois, l’administration régionale et l’établissement sont d’accord, mais ensuite Ottawa dit « non ». Ottawa est si loin et la façon dont ils font les choses là-bas en Ontario n’est pas la façon dont nous faisons les choses ici ». 

« Personne ne se sent soutenu par la région. Une partie de ça est que l’administration régionale est responsable pour toute la région, ils sont trop occupés pour nous! ». 

Les Aînés accordent une grande importance à leur autonomie et à leur indépendance (et les défendent farouchement), ce qui ajoute à la complexité de la relation, mais il est manifestement inutile que leur travail soit supervisé par des autorités régionales qui sont très éloignées ou incapables de résoudre les problèmes sur leur lieu de travail local.

En outre, comme de nombreux Aînés employés par le SCC ne restent pas longtemps dans leurs fonctions, leur mémoire et leur point de vue sur l’évolution de ces structures au fil du temps (y compris depuis le rapport Une question de spiritualité ) sont limités. Il est important que le SCC travaille à l’élaboration d’indicateurs de suivi et de mécanismes de rétroaction afin que les Aînés puissent faire part de leurs préoccupations et formuler des recommandations d’amélioration pour l’avenir sans crainte de représailles.

Les changements durables et à long terme qui favorisent le bien-être des Autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux, notamment en soutenant les Aînés qui travaillent au sein du SCC pour offrir une guérison culturelle et spirituelle, des conseils, une orientation et un leadership, nécessiteront des actions plus transformationnelles. Certaines de ces mesures peuvent être prises au sein du SCC, par exemple en donnant aux Aînés plus de contrôle sur les programmes culturels destinés aux délinquants autochtones, en offrant des incitations au maintien de poste telles qu’une plus grande sécurité de l’emploi et une meilleure rémunération plutôt qu’un emploi contractuel, et en intégrant des Aînés et des chefs d’autres populations autochtones dans les structures de gouvernance et la planification stratégique du SCC.

Cette enquête détaille les expériences des Aînés qui travaillent dans les établissements correctionnels du Canada. Les idées partagées offrent une orientation et une voie à suivre pour mieux reconnaître et soutenir les Aînés au sein du SCC. Ces recommandations correspondent à l’analyse thématique du présent rapport.

  1. Je recommande au SCC de créer une sécurité d’emploi et des aides financières supplémentaires pour les Aînés :
  2. Les Aînés devraient être rémunérés de manière comparable au personnel du SCC, ainsi qu’à ceux qui occupent des fonctions similaires, comme les employés du gouvernement fédéral qui travaillent comme aumôniers. 
  3. Les Aînés devraient se voir proposer l’accès à un régime de prestations qui favorisera leur bien-être à long terme, y compris l’accès à des ressources et un soutien en matière de santé mentale et de traumatismes, aux congés de maladie, aux vacances, au régime de pension et à l’épargne, ainsi qu’aux soins auto-administrés, au même titre que les employés du gouvernement fédéral. 
  4. Le SCC devrait supprimer les énoncés de travail onéreux qui imposent un fardeau administratif excessif aux Aînés. 
  5. Le SCC devrait repenser la manière dont les Aînés rendent compte et à qui ils rendent compte. 
  6. Le SCC devrait veiller à ce que les idées des Aînés soient correctement prises en compte et intégrées dans les dossiers et les décisions de gestion de cas.         
     
  7. Je recommande au SCC d’intégrer les Aînés dans ses structures de direction et de gouvernance, dans le respect de leur autonomie et de leur indépendance avec la même révérence, la même reconnaissance et le même statut que ceux accordés aux Aînés dans les communautés autochtones.         
     
  8. Je recommande au SCC de mettre au point une formation d’accueil normalisée pour les Aînés, qui décrive les attentes, les règles et les pratiques en matière d’établissement de rapport du SCC. Le SCC devrait s’efforcer de réduire les écarts et les différences entre les établissements et leurs pratiques à l’égard des Aînés. Il pourrait s’agir de l’élaboration de lignes directrices ou de politiques nationales pour le travail avec les Aînés, ainsi que d’un soutien par les pairs.         
     
  9. Je recommande que le SCC fournisse aux Aînés, dans le cadre de leurs conditions de travail, des espaces intérieurs et extérieurs appropriés, prioritaires et dédiés à l’organisation des cérémonies et des programmes, ainsi qu’à des consultations confidentielles. Les Aînés devraient garder le contrôle sur tous les objets utilisés pour les cérémonies culturelles et spirituelles, y compris les remèdes sacrés. Pour plus de clarté, le SCC ne doit pas interférer avec le droit des peuples autochtones à la propriété, au contrôle, à l’accès et à la possession (PCAP) de la propriété intellectuelle autochtone, y compris les programmes d’études, les cérémonies et les connaissances, partagées par les Aînés, dans le cadre de leur travail avec le SCC. 

Message de conclusion

Considérée dans son ensemble, cette enquête, en deux parties et menée sur deux ans, révèle des thèmes communs et des problèmes fondamentaux dans le cadre d’ Autochtones d’abord du SCC. Basé sur la voix de plus de 200 personnes qui vivent et travaillent dans le système correctionnel fédéral, ainsi que sur des perspectives des organisations et des groupes autochtones externes que nous avons rencontrés en cours de route, il est plus clair que jamais que les composantes du continuum de soins autochtones du SCC (c.-à-d. les pavillons de ressourcement, l’initiative des Sentiers autochtones et les Aînés) ne fonctionnent pas comme prévu, et que la poursuite des mêmes activités ne contribuera guère à régler les problèmes sous-jacents. Il est devenu tout à fait clair qu’un changement radical est nécessaire au niveau institutionnel, structurel, culturel et même philosophique du système correctionnel fédéral, afin de redéfinir le rôle que le Service correctionnel a joué dans la perpétuation de la surreprésentation, et de contribuer à sa résolution.

Selon nos estimations, l’aboutissement de nos enquêtes et de leurs conclusions fournissent des preu         
ves irréfutables de l’existence de problèmes plus vastes et dominants au sein du système correctionnel, suggérant ce qui suit :

  • le paternalisme organisationnel et les risques liés à la politique de reconnaissance;
  • l’homogénéisation et la prescription de l’appartenance autochtone ;
  • l’utilisation de la culture comme programme;
  • les critères d’exclusion et les investissements à courte portée du continuum de soins autochtones;
  • la nécessité de mieux exploiter les possibilités existantes pour progresser.

Paternalisme organisationnel et politique de reconnaissance

Le service correctionnel ne peut pas nier son histoire. Il s’agit d’une institution profondément coloniale, parmi d’autres, qui a joué un rôle central dans la marginalisation et la criminalisation des peuples autochtones dans ce pays. Aujourd’hui, alors que les institutions publiques semblent faire des efforts délibérés pour se réconcilier avec les peuples autochtones, le système correctionnel doit lui aussi naviguer dans ces vagues de changement. Si les pressions publiques et sociales se sont effectivement intensifiées ces dernières années, comme indique le présent rapport, les attentes en matière de système correctionnel pour redresser la barre, en particulier en ce qui concerne la surreprésentation des Autochtones dans le système correctionnel, sont littéralement en gestation depuis des dizaines d’années. Comme nous l’avons suggéré, le manque d’innovation et l’inertie ont conduit à un héritage ininterrompu de promesses non tenues.

Dans le meilleur des cas, le SCC est enclin à conserver le pouvoir, l’autorité et le contrôle, ce qui limite sa capacité à réaliser sa propre forme de prise en compte de la décolonisation. Cette incapacité à l’autoréflexion s’est faite au détriment de son engagement envers les peuples autochtones. Que ce soit intentionnel ou non, le SCC a utilisé la situation critique des peuples autochtones pour se donner de plus en plus de ressources et investir ces fonds dans des modèles obsolètes de pratiques correctionnelles courantes sous de nouveaux noms (p. ex. l’initiative des Sentiers autochtones, les pavillons de ressourcement gérés par l’État, le continuum de soins, la gestion par les Autochtones).

Les outils législatifs et les soutiens politiques mis à la disposition du système correctionnel depuis des décennies, qui ont offert des moyens nouveaux et originaux de bâtir des ponts avec les communautés (par exemple, les pavillons de ressourcement, les accords au titre des articles 81 et 84), ou des possibilités d’élever et d’habiliter un ensemble différent de voix et de dirigeants tels que les Aînés, ont été négligés et leur potentiel a été gâché. Sous prétexte d’être « dirigé par les Autochtones », le SCC s’est toujours placé dans le siège du conducteur, tenant les peuples autochtones à distance, sans les inviter à la table des décisions au niveau local, régional et national. Malheureusement, le Service correctionnel a conservé les vestiges d’une institution coloniale, en s’accaparant l’autorité, les ressources et la capacité de dicter ce qui doit être fait, comment et pour qui. Ce faisant, le rôle et la portée des individus et des communautés autochtones sont tellement marginalisés et insuffisamment financés qu’il est difficile d’ignorer la conclusion selon laquelle ils ont été voués à l’échec. Les dés sont tournés en faveur du système correctionnel traditionnel, d’une manière qui garantit que « la maison gagne toujours ».

Plus inquiétant encore, on a l’impression que le Service correctionnel a joué un jeu de politique de reconnaissance, où il a appris à parler de réconciliation pour augmenter sa base de ressources, calmer les inquiétudes des détracteurs et des défenseurs, et gagner encore du temps. Cela n’a été d’aucune utilité pour les Autochtones qui se trouvent derrière les barreaux, ni pour leurs familles à la maison. En outre, comme il est clairement ressorti de nos entrevues, cette situation a contribué à nuire à la crédibilité des efforts de réconciliation dans leur ensemble, en inspirant la méfiance à ceux qui considèrent que le système correctionnel vit « sur le dos des populations autochtones ». L’un des plus grands risques d’une reconnaissance creuse est qu’elle donne au système une excuse pour continuer à gagner du temps, en envoyant le message qu’il est dans un processus constant de prise de conscience, d’apprentissage et de transformation . On peut dire sans risque de se tromper qu’il n’est plus temps de plaider pour la patience des peuples autochtones de ce pays, en particulier de ceux qui passent leur temps derrière les barreaux.

S’engager dans une démarche de reconnaissance implique une grande responsabilité. La reconnaissance d’un problème crée l’attente que vous fassiez quelque chose pour le résoudre. Il est donc compréhensible que la situation invite à l’examen public et à la reddition de comptes. Feindre les efforts de réconciliation ne fera pas seulement reculer le système correctionnel dans l’opinion des peuples autochtones, mais risque également de ternir la réputation d’autres institutions publiques qui tentent de s’engager plus sérieusement dans l’établissement de relations sérieuses de nation à nation.

Prescrire l’appartenance autochtone

Comme nous l’avons décrit, le fait d’assumer le travail et la responsabilité d’une véritable réconciliation comporte des risques. Il y a à la fois le danger de le faire de manière malhonnête (ou pour servir de prétexte à d’autres motifs) et le danger de le faire mal. Une partie de ce travail consiste à décider qui est le mieux placé pour mener la charge. Par conséquent, ces risques soulignent encore davantage la raison pour laquelle la direction de ce type de travail ne devrait pas du tout relever du système correctionnel. Pour illustrer ce dernier risque, l’une des principales conclusions des trois enquêtes est que le système correctionnel s’est aventuré sur le terrain délicat de la définition de ce que signifie être Autochtone . En utilisant une approche largement pan-autochtone et un point de vue principalement non-autochtone, le SCC a pris l’habitude de prescrire une marque particulière de l’appartenance autochtone, exigeant que les détenus y souscrivent afin d’avoir accès à tout type de services et de programmes « adaptés à la culture », ou à des formes plus opportunes de libération. C’est ce que nous avons entendu à maintes reprises au cours de nos entrevues. Il en résulte souvent des conceptualisations grossières, exagérées et homogénéisées de la culture, superposées aux interventions correctionnelles classiques. La marque de l’appartenance autochtone établie par le SCC ne tient pas compte du fait que la plupart des Autochtones vivent dans deux mondes et que la diversité de la culture autochtone existe dans un riche éventail de cultures et d’identités individuelles. En outre, une approche unique ne tient pas compte des différences culturelles importantes qui existent entre les Premières Nations, les Métis et les Inuits.

Le système correctionnel ne devrait pas avoir pour mission de choisir ou d’imposer une marque de culture ou d’identité à qui que ce soit. Il ne doit pas non plus faire de l’acceptation d’une telle marque la condition pour accéder aux services, aux programmes et à la libération en temps opportun. Si nous avons appris quelque chose du passé, exiger que des Autochtones s’assimilent ou s’émancipent, pour avoir accès à la justice, n’est rien d’autre qu’une violation des droits de la personne.

La culture en tant que programme

L’un des nombreux risques liés à la définition et à la prescription de la culture est qu’elle ouvre la porte à l’utilisation de la culture comme une sorte de programme « souple » qui peut être conditionné, dosé et mis en œuvre comme n’importe quelle autre intervention correctionnelle. D’après les résultats des enquêtes, on a l’impression que le SCC a greffé son propre langage, ses attentes et ses critères (respect de la planification correctionnelle, potentiel de réinsertion, modification du comportement) sur ces initiatives et les a ensuite renommées comme si elles étaient en quelque sorte dirigées par des Autochtones ou accordent la priorité aux Autochtones. La culture n’est pas un programme. De plus, en traitant la culture comme un programme, elle caractérise mal les expériences de culture, de formation de l’identité et de guérison comme un processus simpliste, linéaire, additif ou graduel, pour lequel les signes de régression peuvent être pénalisés, comme dans le cas d’autres programmes correctionnels (par exemple, expulsion du programme, renvoi en prison). L’accès ou la participation à la culture ou à la guérison d’une personne ne devrait pas se mériter. Il ne devrait pas être nécessaire de démontrer que l’on est prêt à suivre un cheminement de guérison traditionnelle ou que l’on a le potentiel pour le faire. La culture ne doit pas être utilisée comme une incitation ou une récompense pour un placement plus favorable. Le SCC ne semble guère reconnaître que l’accès à la culture, aux cérémonies et à la guérison traditionnelle est en fait un droit et non un privilège . Comme nous l’avons documenté, il y a peu de conséquences observables lorsque le personnel entrave, obstrue, nie, manque de respect ou interfère avec l’intégrité ou l’authenticité de la cérémonie autochtone ou l’accès à ces droits dans un contexte correctionnel.

Critères d’exclusion et investissements à court terme

Comme le montrent les règles d’accès aux programmes et initiatives tels que les pavillons de ressourcement et l’initiative des Sentiers autochtones, le Service correctionnel a fixé des normes largement inatteignables pour la plupart des peuples autochtones afin qu’ils puissent bénéficier des dispositions prévues par la loi. De son propre fait, le SCC a établi des obstacles et des critères qui excluent intentionnellement les personnes qui ont le plus besoin de ce soutien. Il y a des avantages évidents à placer la barre très haut pour les placements dans le cadre des initiatives des Sentiers autochtones ou des pavillons de ressourcement : cela permet de sélectionner les personnes qui semblent les plus susceptibles de réussir, ce qui fait que ces interventions semblent « efficaces » selon leurs propres critères et mesures étroits, et franchement, ces personnes peuvent être plus obéissants et donc faciliter le travail avec elles. Cependant, le nombre de bénéficiaires potentiels a été réduit à un point tel que plus de 90 % des Autochtones emprisonnés n’y ont pas accès. En outre, si les fonds alloués aux initiatives autochtones sont faibles par rapport à la population importante qu’elles sont censées servir, ils ne sont en fait utilisés que pour soutenir une minorité des personnes parmi les plus prometteuses. Trop d’efforts et de ressources sont réservés à un si petit groupe de personnes, qui n’ont probablement pas besoin autant de ce niveau de soutien que la majorité exclue, ce qui explique pourquoi ces initiatives ont si peu contribué à faire avancer les choses en ce qui concerne le problème plus important de la surreprésentation.

Un diagramme en forme de pyramide inversée illustrant la disparité dans l'allocation des ressources pour les Autochtones condamnés à une peine fédérale. Les quatre sections du diagramme sont les suivantes : Pavillon de ressourcement communautaire (n = 90 / 2 %) 13 millions de dollars, Pavillon de ressourcement du SCC (n = 170 / 4%) 25 millions de dollars, Initiatives des Sentiers autochtones (n = 260 / 6 %) 4 millions de dollars, Reste de la population autochtone en détention (n = 3 680 / 88 %) 34 millions de dollars.

Possibilités existantes de pistes pour l’avenir

Dix ans après Une question de spiritualité , il est clair que très peu de progrès ont été réalisés pour améliorer la situation de la majorité des Autochtones qui purgent des peines fédérales. Des changements fondamentaux doivent d’abord avoir lieu pour permettre de telles transformations systémiques. Cela dépendra en grande partie si et quand les communautés autochtones se voient confier ou non une part importante du contrôle et des ressources. Il y a là matière à un optimisme prudent. Comme nous l’avons constaté, une voie plus prometteuse consiste à investir davantage dans les communautés, par exemple, par l’intermédiaire de pavillons de guérison gérés par les communautés, d’accords relevant de l’article 81 avec les communautés et les organisations, afin de favoriser la réconciliation et de réduire l’incarcération excessive des Autochtones.

L’une des pratiques les plus prometteuses, que nous avons entendues dans les trois enquêtes, est l’importance des Aînés et le rôle essentiel qu’ils jouent dans le soutien profondément significatif aux personnes, autant aux personnes incarcérées qu’aux membres du personnel. Pour des nombreuses personnes que nous avons rencontrées, ce sont les Aînés qui ont fait toute la différence en les aidant à retrouver le chemin de leur culture, de leur identité et de leur objectif. En fin de compte, le Service correctionnel n’a pas nécessairement besoin de comprendre ce que font les aînés, et il ne devrait pas non plus s’efforcer d’emballer et d’offrir en masse ce que font les aînés dans le cadre d’un autre programme correctionnel. Le SCC doit simplement être convaincu que les Aînés apportent quelque chose d’intangible que le Service correctionnel ne peut et ne doit pas offrir; le Service est donc le mieux placé pour écouter, respecter, protéger et investir dans les Aînés, comme ces derniers et tant d’autres le demandent.

Il y a beaucoup à dire sur le fait de confier des ressources à des initiatives locales prometteuses. Au cours de nos enquêtes, nous avons entendu de nombreux exemples d’idées testées et non testées, conçues en grande partie au niveau local, qui ont été développées dans le but de résoudre des problèmes qui ne sont probablement pas propres à un établissement, à un groupe ou à une région en particulier. Par exemple, nous avons entendu parler du programme de guérison traditionnelle du pavillon de ressourcement Okimaw Ohci. Il s’agit d’un programme qui a cherché à combiner les approches occidentales et traditionnelles de la médecine en intégrant des guérisseurs traditionnels, des remèdes et des cérémonies, afin de mieux répondre aux besoins de santé des résidents d’une manière plus respectueuse de leur culture. Le Programme de guérison traditionnelle, qui était au départ un projet de démonstration de deux ans, a reçu un soutien pour une période supplémentaire de cinq ans afin de pouvoir continuer à fonctionner dans ce pavillon de guérison.

D’autres nous ont fait part de leurs idées, y compris des suggestions de cliniques mobiles autochtones pour mieux soutenir les établissements qui sont soit sous-financés, soit éloignés. Nous avons entendu des idées sur la manière de diversifier les expériences culturelles des individus avec, par exemple, la création d’un Programme de visite des Aînés. Cette initiative permettrait de faire appel à des Aînés spécialisés dans diverses médecines, cérémonies, à ceux qui sont les gardiens de l’histoire, des clans familiaux, des structures politiques ou des grandes lois. Les individus auraient ainsi davantage d’occasions d’interagir avec les Aînés de leur nation ou groupe linguistique respectifs. L’initiative pourrait servir à contrer la pan-autochtonisation au sein du SCC. De nombreuses idées créatives et réfléchies existent au niveau local, mais il leur manque la plateforme, le financement de démarrage et/ou la conviction de la direction pour les tester ou les mettre en œuvre. La création d’occasions de partage et d’exploration d’idées développées localement pourrait offrir des solutions plus crédibles aux problèmes locaux, régionaux ou nationaux. Là encore, la situation nécessite des investissements et le respect de l’autonomie au niveau de la communauté locale.

Message de clôture

Les considérations relatives à la redistribution des pouvoirs et à la réaffectation des ressources ne sont pas uniquement des questions du Service correctionnel fédéral. Des nombreux autres établissements publics s’efforcent actuellement d’apprendre comment s’engager dans un travail de nation à nation, sans répéter par inadvertance les erreurs du passé. Le Bureau a lui-même beaucoup appris tout au long du processus d’enquête, grâce au soutien, à l’orientation, à la voix et à la tutelle de divers partenaires autochtones. Le changement systémique dans l’ADN d’un établissement n’est en aucun cas une tâche facile. Le changement est intrinsèquement inconfortable. Mais la réalité est que les peuples autochtones subissent depuis des générations un inconfort bien plus grand. C’est pourquoi nous ne nous contentons pas d’uniquement formuler des recommandations, nous mettons au défi le Service correctionnel de faire face à cet inconfort. Ce travail de changement nécessitera non seulement un changement de méthode, mais aussi d’identité institutionnelle, car le Service correctionnel devra se repositionner à une place différente de celle qu’il a l’habitude d’occuper dans le spectre de la résolution des problèmes. Nous mettons au défi le Service correctionnel, comme nous l’avons intégré dans nos recommandations, de se défaire d’un grand nombre d’autorités, de contrôles et de ressources qu’il a conservés depuis bien trop longtemps et qui n’ont pas apporté grand-chose en termes de progrès pour les peuples et les communautés autochtones. Nous demandons au Service correctionnel de faire confiance aux peuples, communautés et organisations autochtones qui ont le plus de chances de créer des changements significatifs et durables pour le mieux, aujourd’hui et pour les générations à venir et de leur accorder des fonds.

Pour conclure la mise à jour par le Bureau de notre rapport initial « Une question de spiritualité » de 2013, je lance trois appels à l’action :

  1. Je recommande au SCC de veiller à ce que l’ensemble de son personnel suive une formation obligatoire et annuelle sur la sécurité et la sensibilisation à la culture autochtone, dispensée par un organisme externe. Cette formation doit reconnaître la diversité des Premières Nations, des Métis et des Inuits afin d’éviter de perpétuer des hypothèses pan-autochtones. 
  2. Je recommande que le SCC rende compte chaque année et publiquement d’indicateurs de rendement, de résultats et de gains afin de réduire la surreprésentation des Autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux. Ces indicateurs et résultats doivent être élaborés en collaboration avec les intervenants autochtones, notamment les Aînés et les dirigeants communautaires, et refléter les concepts autochtones de guérison et de progrès. 
  3. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique travaille conjointement avec les ministres des Relations entre la Couronne et les Autochtones et des Affaires du Nord Canada et des Services aux Autochtones Canada, ainsi qu’avec le ministre de la Justice et le procureur général du Canada, afin d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie nationale de remise en liberté des Autochtones. 

Perspectives de l’enquêteur correctionnel pour 2023-2024

Alors que nous entrons officiellement dans une réalité post pandémique, mon Bureau ne manque pas de priorités pour notre travail au cours de l’année à venir. Soutenus par un nouveau financement, nous travaillerons à la construction et au renforcement de l’organisation en vue d’une durabilité à long terme. L’année prochaine, nous nous concentrerons sur les inspections proactives et les enquêtes systémiques, ainsi que sur l’augmentation de la capacité des services généraux et d’autres programmes.

Après réflexion, le Service correctionnel fédéral a encore beaucoup à faire, en particulier en ce qui concerne la lettre de mandat adressée au commissaire par le ministre de la Sécurité publique en mai 2022. Pour notre part, mon Bureau suivra de près les progrès accomplis sur les points clés du mandat, parmi d’autres domaines nécessitant encore une attention particulière. Nous continuerons à réclamer des réformes et des progrès sur des questions telles que la réponse du Service correctionnel à la coercition et à la violence sexuelle dans les prisons fédérales, les obstacles affectant le coût de la vie pour les personnes derrière les barreaux, les réglementations et les pratiques en matière de cellules nues, et la mise en œuvre de nouvelles directives concernant les personnes de diverses identités de genre qui purgent des peines fédérales. Mon Bureau cherchera à faire progresser les enquêtes ciblées et à explorer les partenariats sur les questions qui touchent les femmes sous sentence fédérale, les personnes vivant avec des troubles de santé mentale et des déficits cognitifs, ainsi que d’autres populations mal desservies qui sont confrontées à des défis uniques. Nous avons également l’intention d’effectuer une série de visites et d’inspections approfondies dans les établissements à haute sécurité pour hommes tout au long de la période 2023-2024.

Compte tenu de l’importance considérable accordée par mon Bureau envers les services correctionnels pour les Autochtones, au cours des deux dernières années, et dans le contexte d’initiatives gouvernementales plus vastes, telles que la Stratégie de justice autochtone et le Cadre fédéral visant à réduire la récidive , nous continuerons de surveiller les progrès réalisés à l’égard des recommandations formulées, dans Dix ans depuis Une question de spiritualité (parties 1 et 2) , ainsi que d’autres recommandations, formulées par notre Bureau, au sujet des services correctionnels pour les Autochtones. J’ai bien hâte de collaborer directement avec la nouvelle sous-commissaire des services correctionnels pour Autochtones afin de soutenir et d’orienter le Service correctionnel sur la manière dont il peut faire de ces recommandations une réalité.

En conclusion, sur une note personnelle et professionnelle, j’ai été très honoré d’avoir été reconduit dans mes fonctions d’Enquêteur correctionnel pour un nouveau mandat de cinq ans, à compter de janvier 2023. Mon engagement en faveur de l’amélioration des droits de la personne pour les détenus sous responsabilité fédérale reste inébranlable. C’est avec un sentiment d’énergie et de dévouement renouvelés que j’entame ce nouveau mandat. Avec mon Bureau, j’ai l’intention d’assumer les responsabilités de ce rôle avec l’urgence, le courage et la persévérance nécessaires pour progresser sur des questions de longue date et apporter des changements durables, dans l’intérêt et la protection des personnes qui purgent des peines fédérales, et donc dans l’intérêt et la protection de tous les Canadiens. Pour terminer, en tant que président du Réseau d’experts sur la surveillance externe des prisons et les droits de la personne , je continuerai à promouvoir et à défendre le leadership dans ces domaines, au niveau national et international.

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel

Photo de Louise Leonardi.
Photo de Louise Leonardi 

Le Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel a été créé en décembre 2008, en l’honneur de M. Ed McIsaac, ardent promoteur et défenseur des droits de la personne dans le système correctionnel fédéral qui a longtemps occupé le poste de directeur exécutif du Bureau de l’enquêteur correctionnel. Il commémore les réalisations et les engagements exceptionnels en faveur de l’amélioration du système correctionnel au Canada et de la protection des droits de la personne des personnes incarcérées.

En 2022, le Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel a été décerné à Louise Leonardi. Au cours des dix dernières années, Mme Leonardi a occupé le poste de directrice exécutive du Regroupement canadien d’aide aux familles des détenu(e)s (RCAFD), une organisation nationale qui fournit des recherches, du soutien, des ressources et des programmes aux membres des familles des personnes incarcérées. Reconnaissant l’impact collatéral de l’incarcération sur les enfants en particulier, les efforts de Mme Leonardi ont inclus un projet avec l’Institution Nova pour les femmes, où le RCAFD aide à maintenir les liens familiaux entre les femmes incarcérées et leurs enfants. En outre, elle a dirigé le projet Papa HÉROS (aider chacun à saisir les opportunités) visant à répondre aux besoins des pères incarcérés. Ses efforts ont contribué à ce que les familles des personnes incarcérées ne soient pas laissées pour compte.

ANNEXE A : Résumé des recommandations

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique entreprenne immédiatement un examen complet du Système d’affectation des délinquants aux programmes et de rémunération des détenus dans les services correctionnels fédéraux. Ce réexamen devrait permettre de s’assurer que les niveaux de rémunération améliorés sont indexés sur l’inflation afin de refléter les augmentations actuelles et prévues du coût de la vie. Au minimum, je recommande une augmentation de 3,75 $ par heure, ce qui correspond à l’équivalent horaire de la rémunération journalière maximale actuelle de 6,90 $ (ou 1,15 $ l’heure, sur la base d’une journée de travail de six heures), indexée sur l’inflation en partant de 1981. Les changements proposés à la suite de cet examen devraient faire l’objet d’une consultation auprès de la population carcérale et des organisations communautaires au service des détenus et des personnes en liberté conditionnelle. 
  2. En attendant qu’un nouveau modèle de rémunération et d’indemnités soit adopté et mis en place, je recommande au SCC de mettre immédiatement en œuvre une série de mesures provisoires qui contribueront à compenser les coûts et à augmenter le pouvoir d’achat des personnes incarcérées sous responsabilité fédérale : 
    1. Supprimer toutes les retenues obligatoires; 
    2. Adjusting the pay level criteria to allow for a larger proportion of individuals to receive Level A and Level B payment; 
    3. Veiller à ce que les biens essentiels à l’autonomie en matière de santé et de bien-être (par exemple, les produits d’hygiène) soient fournis gratuitement; 
    4. Examiner le catalogue des achats et veiller à ce que les biens soient plus abordables et plus accessibles. 
  3. Je recommande au ministre de la Sécurité publique de veiller à ce que le nouveau règlement oblige le SCC à rendre compte publiquement de la fréquence, de la durée et des résultats (qu’il y ait ou non saisie de produits de contrebande) de tous les placements en cellule nue à partir de l’exercice 2023-2024, et à l’avenir. 
  4. Je recommande au ministre de la Sécurité publique de veiller à ce que le nouveau règlement exige que la décision de prolonger le placement en cellule nue, au-delà de 72 heures, revienne au sous-commissaire régional. Le règlement devrait préciser que « dans des circonstances exceptionnelles », lorsque des exigences particulières sont remplies, le sous-commissaire régional peut prolonger le placement en cellule nue par période de 24 heures, jusqu’à un maximum de 48 heures. La durée du placement en cellule nue ne doit jamais dépasser cinq jours consécutifs. 
  5. Je recommande, conformément à la directive du ministre, que le SCC élabore et fournisse des lignes directrices nationales claires, spécifiques et cohérentes afin de garantir un traitement humain pour les placements en cellule nue, comprenant des critères particuliers et des conseils sur les éléments à fournir en matière de literie et de matelas, de nourriture, d’hygiène personnelle et d’articles de toilette, d’accès au téléphone, d’éclairage et d’interaction humaine significative. 
  6. Je recommande au ministre de la Sécurité publique de veiller à ce que le SCC prenne des mesures immédiates pour élaborer et mettre en œuvre un modèle externe et indépendant de défense des droits des patients afin de permettre à toutes les personnes, incarcérées sous responsabilité fédérale, d’avoir accès à des services de défense des droits en matière de soins de santé. 
  7. Je recommande au SCC de prendre des mesures supplémentaires pour répondre aux besoins et pour protéger les droits des personnes de diverses identités de genre, notamment les suivantes : 
    1. Créer un rôle consultatif externe pour éclairer la prise de décision concernant les personnes de diverses identités de genre. 
    2. Clarifier la pratique du recours aux « préoccupations prioritaires en matière de santé ou de sécurité » en établissant des paramètres, des lignes directrices supplémentaires et des exemples clairs. 
    3. Mettre en place de nouveaux mécanismes institutionnels permettant aux personnes de diverses identités de genre de signaler les abus en toute sécurité. 
  8. Je recommande au SCC de procéder à un examen des USM dans le but de réaffecter les ressources pour que les femmes ayant un classement de sécurité minimale bénéficient des programmes, des services et des activités communautaires afin qu’elles soient prêtes le plus tôt possible à retourner dans la communauté. 
  9. Je recommande au ministre de la Sécurité publique d’ordonner au SCC d’augmenter considérablement le recours aux permissions de sortir et aux placements à l’extérieur pour les femmes ayant un classement de sécurité minimale, afin qu’elles puissent avoir régulièrement accès à la communauté, ce qui leur offrirait davantage d’options et augmenterait leurs chances de réussir leur réinsertion. 
  10. Je recommande au ministre de la Sécurité publique d’ouvrir des enquêtes indépendantes en vertu de la Loi sur les enquêtes concernant les émeutes dans les prisons ayant entraîné la mort, les suicides dans les unités d’intervention structurées, les interventions avec recours à la force ayant entraîné la mort et les meurtres commis par un libéré conditionnel fédéral au sein de la communauté. 
  11. Je recommande au ministre de la Sécurité publique d’ordonner au SCC de financer une initiative nationale externe d’engagement, menée par des Autochtones, afin de créer de la capacité, de l’intérêt et de l’innovation parmi les communautés et les organisations autochtones (urbaines et rurales) afin de conclure des accords au titre des articles 81 et 84 pour la prise en charge, la garde et la supervision des Autochtones sous le coup d’une peine fédérale. 
  12. Je recommande au ministre de la Sécurité publique d’ordonner au SCC d’élaborer des actions claires, des calendriers, des objectifs mesurables et des résultats à atteindre , afin d’atteindre les objectifs suivants : 
    1. impliquer plus efficacement les communautés et les organisations autochtones pour établir un plus grand nombre d’accords relevant de l’article 81, en particulier dans les domaines où des lacunes ont été constatées (par exemple, en Ontario et dans la région de l’Atlantique, pour les femmes autochtones et les personnes originaires des régions nordiques, en milieu urbain); 
    2. établir des accords relevant de l’article 81 dans les zones urbaines et rurales; 
    3. transférer le contrôle et la propriété des pavillons de ressourcement existants gérés par le SCC à la communauté locale, ou à un groupe ou une organisation autochtone, relevant de l’article 81 de la LSCMLC, dans un délai de trois ans. 
  13. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique ordonne au SCC de travailler avec les pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 pour déterminer les principales causes des taux d’inoccupation et déterminer les mesures à prendre pour augmenter et maintenir des taux d’occupation plus élevés, en accordant une attention particulière aux points suivants : 
    1. développer de nouveaux outils de classification de sécurité rigoureusement validés pour les peuples autochtones, à partir de la base, afin de réduire leur surreprésentation dans les établissements à sécurité moyenne et maximale, conformément à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Ewert , 2018; 
    2. examiner et modifier les politiques et les pratiques relatives aux indicateurs de groupes menaçant la sécurité (gangs) en vue de faciliter la suppression de ces indicateurs, le cas échéant; 
    3. élaborer et mettre en œuvre une stratégie de désaffiliation et de sortie des gangs gérée par des personnes et/ou des organisations communautaires autochtones; 
    4. accroître la disponibilité de soins tenant compte des traumatismes dans les établissements pour femmes et pour hommes et la possibilité pour les personnes autochtones incarcérées de recevoir des diagnostics et des traitements appropriés en matière de santé mentale; 
    5. augmenter le nombre d’Autochtones qui passent à des niveaux de sécurité inférieurs (par exemple, en acceptant des populations à sécurité moyenne) et accélérer les transferts vers les pavillons de ressourcement, en particulier ceux relevant de l’article 81. 
  14. Je recommande au ministre de la Sécurité publique d’ordonner au SCC d’élaborer, en collaboration avec les communautés et les organisations, un nouveau modèle de financement pour les accords relevant de l’article 81 et augmenter considérablement le financement des pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 afin de mieux répondre à leurs besoins particuliers et de remédier aux disparités existantes avec les pavillons gérés par l’État, en vue d’atteindre la parité en matière de ressources. 
  15. Je recommande au SCC d’améliorer l’impact et la portée des initiatives institutionnelles en faveur des populations autochtones des façons suivantes : 
    1. Mener un examen des participants actuels à l’initiative des Sentiers autochtones afin de déterminer et de recommander des personnes pour des placements en pavillon de ressourcement et d’autres solutions sans mise sous garde (par exemple accords en vertu de l’article 84). 
    2. Élaborer une approche globale adaptée à la culture et comprenant des initiatives institutionnelles pour les personnes autochtones qui ne bénéficient pas du modèle actuel de l’initiative des Sentiers autochtones. Il s’agirait notamment d’étendre les avantages offerts par l’initiative des Sentiers autochtones (par exemple, l’accès aux Aînés, aux ALA, aux plans de guérison, aux conseils personnalisés) à un plus grand nombre de personnes. 
    3. Élaborer des objectifs clairs et concrets de la planification correctionnelle qui guident la planification des peines pour les délinquants purgeant des peines de 10 ans à perpétuité, et fournir des mesures d’incitation plus significatives aux condamnés à perpétuité autochtones (par exemple, les permissions de sortir avec escorte, les transferts à un niveau de sécurité inférieur et les placements dans des pavillons de ressourcement). 
    4. Collaborer avec les initiatives autochtones aux niveaux régional et institutionnel afin d’élaborer des plans d’action nationaux annuels qui permettent aux communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits, aux organisations communautaires, aux organisations à but non lucratif, aux établissements d’enseignement postsecondaire et à d’autres intervenants d’établir des liens et des systèmes de soutien avec les personnes incarcérées, dès l’admission et après l’expiration du mandat. 
  16. Je recommande au SCC de créer une sécurité d’emploi et des aides financières supplémentaires pour les Aînés : 
    1. Les Aînés devraient être rémunérés de manière comparable au personnel du SCC, ainsi qu’à ceux qui occupent des fonctions similaires, comme les employés du gouvernement fédéral qui travaillent comme aumôniers. 
    2. Les Aînés devraient se voir proposer l’accès à un régime de prestations qui favorisera leur bien-être à long terme, y compris l’accès à des ressources et de soutien en matière de santé mentale et de traumatismes, aux congés de maladie, aux vacances, au régime de pension et à l’épargne, ainsi qu’aux soins auto-administrés, au même titre que les employés du gouvernement fédéral. 
    3. Le SCC devrait supprimer les énoncés de travail onéreux qui imposent un fardeau administratif excessif aux Aînés. 
    4. Le SCC devrait repenser la manière dont les Aînés rendent compte et à qui ils rendent compte. 
    5. Le SCC devrait veiller à ce que les idées des Aînés soient correctement prises en compte et intégrées dans les dossiers et les décisions de gestion de cas. 
  17. Je recommande au SCC d’intégrer les Aînés dans ses structures de direction et de gouvernance, dans le respect de leur autonomie et de leur indépendance avec la même révérence, la même reconnaissance et le même statut que ceux accordés aux Aînés dans les communautés autochtones. 
  18. Je recommande au SCC de mettre au point une formation d’accueil normalisée pour les Aînés, qui décrive les attentes, les règles et les pratiques en matière d’établissement de rapport du SCC. Le SCC devrait s’efforcer de réduire les écarts et les différences entre les établissements et leurs pratiques à l’égard des Aînés. Il pourrait s’agir de l’élaboration de lignes directrices ou de politiques nationales pour le travail avec les Aînés, ainsi que d’un soutien par les pairs. 
  19. Je recommande que le SCC fournisse aux Aînés, dans le cadre de leurs conditions de travail, des espaces intérieurs et extérieurs appropriés, prioritaires et dédiés à l’organisation de cérémonies et de programmes, ainsi qu’à des consultations confidentielles. Les Aînés doivent garder le contrôle sur tous les objets utilisés pour les cérémonies culturelles et spirituelles, y compris les remèdes sacrés. Pour plus de clarté, le SCC ne doit pas interférer avec le droit des peuples autochtones à la propriété, au contrôle, à l’accès et à la possession (PCAP) de la propriété intellectuelle autochtone, y compris les programmes d’études, les cérémonies et les connaissances partagées par les Aînés dans le cadre de leur travail avec le SCC. 
  20. Je recommande au SCC de veiller à ce que l’ensemble de son personnel suive une formation obligatoire et annuelle sur la sécurité et la sensibilisation à la culture autochtone, dispensée par un organisme externe. Cette formation doit reconnaître la diversité des Premières Nations, des Métis et des Inuits afin d’éviter de perpétuer des hypothèses pan-autochtones. 
  21. Je recommande que le SCC rende compte chaque année et publiquement d’indicateurs de rendement, de résultats et de conséquences mesurables afin de réduire la surreprésentation des Autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux. Ces indicateurs et résultats doivent être élaborés en collaboration avec les intervenants autochtones, notamment les Aînés et les dirigeants communautaires, et refléter les concepts autochtones de guérison et de progrès. 
  22. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique travaille conjointement avec les ministres des Relations entre la Couronne et les Autochtones et des Affaires du Nord Canada et des Services aux Autochtones Canada, ainsi qu’avec le ministre de la Justice et le procureur général du Canada, afin d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie nationale de remise en liberté des Autochtones         
     

ANNEXE B : Statistiques annuelles

TABLEAU A : TOTAL DES PLAINTES

 ACTIVES RÉSOLUES TOTAL GÉNÉRAL 
Total des plaintes 108 2104 6874 897

 

LES CINQ CATÉGORIES DE PLAINTES LES PLUS FRÉQUEMMENT IDENTIFIÉES PAR LES POPULATIONS PRIORITAIRES

 

TOTAL EN DÉTENTION

CATÉGORIE N BRE 
Conditions de détention 64413,2%
Soins de santé 58712,0%
Personnel 4449,1%
Effets gardés en cellules 3557,2%
Transfert 2615,3%

 

AUTOCHTONES

CATÉGORIE N BRE 
Soins de santé 19212,7%
Conditions de détention 18512,2%
Personnel 1419,3%
Cell Effects 1218,0%
Transfert 946,2%

 

FEMMES

CATÉGORIE N BRE 
Conditions de détention 5917,6%
Soins de santé 3510,4%
Personnel 298,7%
Transfert 278,1%
Renseignements sur le dossier 154,5%

 

TABLEAU B : CAS, PLAIGNANTS ET POPULATION CARCÉRALE PAR RÉGION

RÉGION CAS INDIVIDUS 109 POPULATION EN DÉTENTION 110 
Atlantique3771881 194
Québec1 1984192 794
Ontario8754133 628
Prairies1 1715963 778
Pacifique8312861 660
Total 111 4 452 1 902 13 054 

Table C: Individual Complainants and Cases by Institution Type

TYPE D’ÉTABLISSEMENT CAS INDIVIDUS 
Établissements pour hommes 3 904 1 636 
Niveaux multiples 1,670815
Maximale 1 142323
Moyenne 1 084492
Minimale 86
Établissements pour femmes 300 165 
Communauté 110 80 
CCC-CRC 103 75 
Centres de traitement 208 73 
Pavillons de ressourcement 34 22 
Non spécifié 
Total général 112 4 667 2 058 

Table D: Complainants and Cases by Self-Reported Ethnicity

 

FEMMES 

HOMMES 

 
ORIGINE ETHNIQUE CAS INDIVIDUS CAS INDIVDUS TOTAL  
Blanc 134902 069901991  
Autochtone 168761 348603679  
Noir 1511614215226  
Autre minorité visible 752139499  
Origines ethniques multiples ou non spécifiées 1111885263  
Total 113 335 193 4 332 1 865 2 058  

Table E: Disposition of Cases

ACTION N BRE 
Résolution interne3 169
Enquête2 035
Total 5 204 114 

Communications sans frais en 2022-2023

Les personnes purgeant une peine de ressort fédéral et les membres du public peuvent communiquer avec le BEC en composant notre numéro sans frais (1-877-885-8848) partout au Canada. Toutes les communications entre les personnes purgeant une peine fédérale et le BEC sont confidentielles.

Nombre de communications sans frais reçues au cours de la période visée par le rapport : 19 132

Nombre de minutes d’enregistrement sur la ligne téléphonique sans frais : 55 489

Tableau F : Examens prévus par la loi Footnote 115 par type d’incident (2022-2023)

Type d’incident Examens 
Décès (cause naturelle) Footnote 116 59
Agression14
Surdoses interrompues4
Blessures accidentelles4
Tentative de suicide3
Suicide7
Meurtre0
Agression sexuelle présumée1
Recours à la force4
Décès (surdose)5
Total 101 

Tableau G : Examens d’incidents de recours à la force menés par le BEC en 2022-2023 Footnote 117 

 ATL QUE ONT PRA PAC NATIONAL 
Incidents signalés et examinés par le BEC 87 181 127 198 52 645 Footnote 118 
Mesures les plus couramment utilisées Footnote 119       
Contrôle physique 621247913941445 
Matériel de contrainte (menottes, entraves aux pieds) 49578211028326 
Gaz inflammatoire (GI) ou agent chimique (AC) Footnote 120 3869489121267 

Tableau H : Plaintes présentées au BEC par catégorie et état de résolution Footnote 121 

Catégorie de plainte Active Résolue Total Général 
Préparation du dossier  3838
Effets gardés en cellules 7348355
Placement en cellule 45761
Réclamations contre la Couronne  2929
Surveillance communautaire  1717
En rapport avec la libération conditionnelle 4105109
Conditions de détention 18626644
Décès d’un détenu 7310
Régimes alimentaires 15051
Discipline 25557
Discrimination 47478
Emploi  6262
Renseignements sur le dossier 2167169
Questions financières 5135140
Services de restauration 34144
Griefs 11112
Harcèlement par un détenu 11112
Réduction des risques  1111
Santé et sécurité 14748
Soins de santé 21566587
Unités d’intervention structurées (UIS) 54045
Processus de requête des détenus 11617
Accès juridique 3104107
Courrier 38487
Santé mentale 3100103
Programme mère-enfant 314
Langues officielles  88
Hors juridiction Footnote 122 2125127
Programmes 48589
Procédures de libération 24244
Sûreté et sécurité 8205213
Recherche 33942
Classification de la sécurité 78895
Administration de la peine  1515
Personnel 19425444
Téléphone 3133136
Absence temporaire 22628
Transfert 19242261
Analyse d’urine  88
Recours à la force 74148
Visites 7118125
Unités d’association limitée volontaire (UALV)  33
Autres 2533
Total général 210 4 687 4 897 

Tableau I : Interactions et entrevues par région et établissement

Région / Établissement Interaction Entrevues Footnote 123 

Jours dans les établissements 

 

Atlantique 393 136 28 
Atlantique113366
Dorchester10546 Footnote 124 10
Établissement Nova pour femmes46112
Centre de rétablissement Shepody16
Springhill834310
CCC-CRC Footnote 125 10
Communauté20
Québec 1 180 334 66 
Archambault13367 Footnote 126 10
Centre régional de santé mentale19
Cowansville1307310
Centre d’accueil régional6242 Footnote 127 11
Donnacona117256
Drummond23215
Centre fédéral de formation101347
Joliette39164
La Macaza173163
Port-Cartier1734010
Unité spéciale de détention142
CCC-CRC35
Communauté33
Ontario 880 222 45 
Bath10669 Footnote 128 12
Beaver Creek169508
Collins Bay3194
Établissement Grand Valley pour femmes90457
Joyceville239 Footnote 129 3
Unité d’évaluation de Joyceville35
Millhaven19719 Footnote 130 6
Centre de traitement régional - Bath5
Centre de traitement régional - Millhavenn18
Warkworth134184
Communauté46
CCC-CRC2631
Prairies 1 116 386 62 
Bowden102406
Maison de ressourcement Buffalo Sage1111
Drumheller91498
Pavillon de ressourcement Eagle pour femmes1
Edmonton172629
Établissement d’Edmonton pour femmes74172
Grande Cache183405
Grierson301
Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci2
Centre Pê Sâkâstêw19121
Centre psychiatrique régional97348
Saskatchewan200519
Centre de guérison Stan Daniels261
Stony Mountain1096411
Pavillon de ressourcement Willow Cree13
Communauté27
CCC-CRC20
Pacifique 850 195 27 
Établissement Fraser Valley pour femmes4662
Kent194499
Village de guérison Kwìkwèxwelhp1
Matsqui39233
Mission304625
Montagne67184
Pacifique7837 Footnote 131 4
Centre d’accueil régional - Pacifique29
Centre de traitement régional - Pacifique50
William Head6
CCC-CRC12
Communauté24
Établissement non précisé Footnote 132 83 – – 
Total général 4 502 1 273 228 

Footnote 1

Bureau de l’Enquêteur correctionnel (BEC). (2013) Une question de spiritualité : les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition . Ottawa, ON.

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Footnote 2

Le Bureau s’efforce consciemment de s’éloigner de certains termes, tels que « détenus », « délinquants » ou « prisonniers ». Dans le présent cas, la majorité des documents, y compris les documents de politique générale du SCC et la terminologie juridique, font référence au « barème/système de rémunération des détenus », au « Fonds de fiducie des détenus » ou au « système de comptabilité des détenus ». Dans la mesure du possible, nous avons remplacé ces termes et, lorsque ce n’est pas possible, nous avons utilisé les désignations officielles.

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Footnote 3

BEC. (2016). Rapport annuel 2015-2016. .

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Footnote 4

Canada, Parlement, Chambre des communes, Comité permanent de la sécurité publique et nationale (SECU), Témoignages du 44e séance, 1re session, no 056 (10 février 2023), à la p. 850; voir aussi Fraser, D. (11 février 2023). Federal watchdogs, MPs slam corrections official on treatment of prisoners. CBC News. 

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Footnote 5

Voir Nouveau régime de rémunération des détenus (1981), document archivé consulté sur le site Web de la Sécurité publique le 4 mai 2023, à l’adresse : https://www.publicsafety.gc.ca/lbrr/archives/hv%208931.c2%20n4%201981-fra.pdf

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Footnote 6

Historiquement, les détenus fédéraux ont reçu une certaine forme de rémunération pour leur travail. Toutefois, avant les réformes de 1981, la rémunération des détenus était surtout utilisée pour récompenser le bon comportement et la bonne conduite dans l’établissement. Avant 1981, le système de rémunération des détenus comportait cinq niveaux, le niveau 1 équivalant à 1,30 dollar par jour et le niveau 5 à 2,30 dollars par jour.

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Footnote 7

BEC. (2016). Rapport annuel 2015-2016 .

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Footnote 8

BEC. (2022). Rapport annuel 2021-2022. 

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Footnote 9

Les montants de la caisse de bienfaisance des détenus varient selon les établissements. Le montant indiqué est basé sur un établissement à sécurité moyenne.

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Footnote 10

Obligation imposée par un tribunal et remboursement de toute dette envers l’État : cette estimation comprend les ordonnances des tribunaux, les « demandes de paiement » de l’Agence du revenu du Canada (ARC), l’attribution des dépens à l’État et d’autres sommes dues à l’État. Pour les amendes et les dédommagements résultant d’une procédure disciplinaire, le taux de paiement est de 25 % maximum du revenu total à déposer dans le Fonds de fiducie des détenus (ce pourcentage tient compte du montant à déposer), sauf si le président indépendant de l’audience disciplinaire en décide autrement.

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Footnote 11

Le SCC note que, bien que les heures ne fassent pas l’objet d’un suivi particulier, la journée de travail typique est généralement d’environ 6 heures par jour.

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Footnote 12

Outil de visualisation des données de l’indice des prix à la consommation de Statistique Canada - Tendances des prix : de 1914 à aujourd’hui .

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Footnote 13

Calculateur d’inflation de la Banque du Canada.

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Footnote 14

Taux généraux du salaire horaire minimum au Canada depuis 1965

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Footnote 15

Voir American Civil Liberties Union (ACLU) and the University of Chicago Law School Global Human Rights Clinic (GHRC). (2022). Captive labor: Exploitation of incarcerated workers; Mantouvalou, V. (12 decembre 2022). Pay for work in prison. UK Labour Law Blog ; et Sawyer, W. (10 avril 2017) How much do incarcerated people earn in each state? The Prison Policy Initiative .

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Footnote 16

SCC. (9 juillet 2020). Audit du Fonds de fiducie des détenus. 

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Footnote 17

Le programme de préparation de repas en petits groupes (PRPG) fonctionne dans les établissements pour hommes à sécurité minimale et dans certains établissements à sécurité moyenne, ainsi que dans tous les établissements pour femmes. Les personnes qui participent à ce programme vivent de manière indépendante dans des unités de logement où elles sont responsables d’établir le budget pour leurs propres courses et la préparation de leurs repas. Les délinquants reçoivent une indemnité journalière pour commander des produits alimentaires à partir de la liste d’épicerie de l’établissement. Les commandes sont passées par chaque unité de logement chaque semaine, et les denrées alimentaires sont distribuées aux unités au moyen d’un fonctionnement de type épicerie. Les prix des listes d’épicerie des établissements sont gelés chaque exercice afin d’aligner leur indemnité journalière sur les coûts alimentaires utilisés pour déterminer l’indemnité journalière du PRPG.

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Footnote 18

Sur la base d’un examen des rapports internes du SCC sur l’ affectation des ressources de l’exercice 2012-2013 à l’exercice 2022-2023.

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Footnote 19

Macklem, T. (6 octobre 2022). What’s happening to inflation and why it matters. Remarks made at the Halifax Chamber of Commerce . Halifax, NS: Banque du Canada.

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Footnote 20

BEC. (2016). Rapport annuel 2015-2016 ; BEC. (2019). Rapport annuel 2018-2019 .

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Footnote 21

Au cours de l’examen des faits, le SCC a apporté les précisions suivantes : i. « Les compléments alimentaires sont fournis gratuitement lorsqu’ils sont recommandés par un diététicien agréé du SCC à la suite d’une évaluation nutritionnelle ». ii. « Les détenus bénéficient d’un crédit de 4 $ par période de paie pour l’achat de produits d’hygiène personnelle ». iii. « Le SCC a récemment introduit un gel annuel des prix des produits d’épicerie ».

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Footnote 22

SCC. (2022). Programme national d’achat des détenus - Résumé des activités de l’année. 

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Footnote 23

SCC. (avril 2023). Catalogue d’Amazon Canada, Compléments alimentaires et autres remèdes, médicaments en vente libre et produits de santé et de soins personnels. 

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Footnote 24

ibid 

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Footnote 25

SCC. (avril 2023). Catalogue d’Amazon Canada, Vêtements, chaussures et accessoires pour hommes. 

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Footnote 26

Brownwell, C. (avril 2017). Prisoners making $1.95 a day want a raise. Taxpayers want a break. Financial Post; Dorson, D. (mars 2022). Work, pay in Canadian prisons, part one. Law360 Canada. .

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Footnote 27

Babchishin, K.M., Keown, L.A. et Mularczyk, K.P. (2021). Ottawa, ON : Débouchés économiques des délinquants sous responsabilité fédérale au Canada, 2021. Sécurité publique Canada; Boyce, J., Te, S. et Brennan, S. (2018). Profil économique des contrevenants en Saskatchewan . Juristat. Statistique Canada.

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Footnote 28

Gazette du Canada. (6 mai 2023). Partie I, volume 157, numéro 18 : Règlement modifiant le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. 

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Footnote 29

Sécurité publique Canada. (29 août 2022). Directive ministérielle à l’intention du Service correctionnel du Canada : Utilisation des cellules nues. 

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Footnote 30

La région du Québec n’a fourni des données que pour la période allant de septembre 2022 à décembre 2022.

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Footnote 31

L’obligation d’assurer le suivi du placement ne commence à s’appliquer qu’à partir du moment où le délai de 48 heures est atteint.

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Footnote 32

En raison de limitations opérationnelles, des questionnaires succincts et des inspections ont été effectués dans deux des dix établissements. Seuls des établissements pour hommes étaient concernés par l’examen.

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Footnote 33

Un ordre permanent est un document créé pour mettre en œuvre une directive ou des lignes directrices du Commissaire lorsqu’il est nécessaire de préciser des règles et des processus propres à l’unité opérationnelle (comme indiqué dans la Directive du commissaire 200 - Cadre de politiques ).

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Footnote 34

Les termes « personne » et « elle » sont utilisés ici pour garantir la confidentialité.

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Footnote 35

BEC. (2020). Rapport annuel 2019-2020. 

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Footnote 36

Dans le cadre de l’exercice d’examen des erreurs et omissions, le SCC a formulé le commentaire suivant : « Pour clarifier, bien que le SCC ait indiqué dans sa réponse au rapport annuel du BEC les dates de 2023 2024, après confirmation des dates auxquelles le SCC a reçu des fonds pour soutenir cette initiative, une date d’engagement de mars 2025 pour la mise en œuvre complète du cadre de défense des droits des patients [sic] ».

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Footnote 37

Bien que le SCC ait publié le Bulletin de politique provisoire 638 pour aborder la question de la défense des droits des patients, le Bureau n’est pas du tout d’accord avec son approche. Dans le cadre de cette politique provisoire, la DC 800 a été modifiée par la déclaration suivante : « Conformément aux exigences de leur ordre professionnel, les professionnels de la santé, y compris ceux qui fournissent des services sous contrat, utiliseront leur expertise et leur influence pour défendre, au nom des patients, la fourniture de soins qui améliorent leur santé et leur bien-être ». La déclaration précise également que « la politique énonce désormais clairement que les professionnels de la santé, y compris ceux qui fournissent des services sous contrat, sont responsables de la défense des droits des patients ». Le Bureau estime que les défenseurs des droits des patients détenus sous responsabilité fédérale doivent être indépendants et externes à l’administration du SCC, qui comprend les services de santé du SCC.

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Footnote 38

BEC. (2020). Rapport annuel 2019-2020 - Réponses du SCC aux recommandations du BEC. .

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Footnote 39

Latimer, C. (18 février 2020). Canada’s universal health care stops at the gates of federal prisons. Ottawa Citizen. 

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Footnote 40

Dans le cadre de l’exercice d’examen des erreurs et omissions, le SCC a formulé le commentaire suivant : « Pour clarifier, la loi n’exige pas l’indépendance, mais l’accès à des services de défense des droits des patients ». L’interprétation de l’article 89.1 de la LSCMLC par le SCC est beaucoup trop littérale et semble privilégier sa propre compréhension. En outre, le résumé législatif du projet de loi C 83 renvoie à la recommandation no 22 de l’enquête du coroner sur le décès d’Ashley Smith lorsqu’il décrit les services de défense des droits des patients. Cette recommandation stipule que les détenus doivent avoir accès à « un système indépendant de défense des droits des patients ».

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Footnote 41

Stewart, L. A., Wilton, G. et Sapers, J. (2016). Offenders with cognitive deficits in a Canadian prison population: Prevalence, profile, and outcomes. International Journal of Law and Psychiatry, 44 , 7-14.

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Footnote 42

Pour une vue d’ensemble du concept de double loyauté, voir Pont, J., Stöver, H. et Wolff H. (2012) Dual loyalty in prison health care. American Journal of Public Health, 102 (3), 475 80.

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Footnote 43

Eichelberger, M., Wertli, M.M. et Tran, N.T. (2023) Equivalence of care, confidentiality, and professional independence must underpin the hospital care of individuals experiencing incarceration. BMC Medical Ethics, 24 (1), 1-5.

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Footnote 44

McLeod, K.E., et coll. (2020). Global prison health care governance and health equity: A critical lack of evidence. American Journal of Public Health, 110 (3), 303-308.

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Footnote 45

Pour en savoir plus, visitez le site Web à : https://www.alberta.ca/alberta-mental-health-advocate.aspx

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Footnote 46

Pour un aperçu de la terminologie et des définitions appropriées, Coleman, E., et coll. (2022). Standards of Care for the Health of Transgender and Gender Diverse People, Version 8. International Journal of Transgender Health, 23 (S1), S1-S260.

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Footnote 47

Personnes de diverses identités de genre : terme utilisé pour décrire les personnes dont l’identité et/ou l’expression de genre diffère des attentes sociales et culturelles attribuées au « sexe » assigné à la naissance. Il peut s’agir, entre autres identités diverses, de personnes qui s’identifient comme non binaires, transgenres, de genre expansif, non conformes au genre, bispirituelles, et d’autres personnes qui ne s’identifient pas comme cisgenres.

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Footnote 48

Voir le Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel 2015-2016, 2016-2017 et 2018-2019. 

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Footnote 49

Atewologun, D., Cornish, T. et Tresh, F. (23 mars 2018). Unconscious bias training: An assessment of the evidence for effectiveness. Equality and Human Rights Commission; National Institutes of Health. (27 septembre 2021). Scientific workforce diversity seminar series: Is implicit bias training effective? 

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Footnote 50

SCC. (février 2023). Délinquants de diverses identités de genre : Guide pour faciliter la prise de décision. 

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Footnote 51

BEC. (2020) Rapport annuel 2019-2020 

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Footnote 52

L’établissement de Joliette, dans la région de Québec, ne dispose pas d’une unité autonome à sécurité minimale. Les femmes bénéficiant d’une sécurité minimale résident dans l’établissement à niveaux de sécurité multiples.

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Footnote 53

La Formation axée sur les femmes – Programme d’orientation (FAFPO) du SCC.

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Footnote 54

Helmus, L. et Ternes, M. (2015). Les permissions de sortir réduisent le chômage et les retours en détention des délinquantes (Rapport de recherche R 354). Ottawa, ON : Service correctionnel du Canada.

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Footnote 55

BEC. (2018). Rapport annuel 2017-2018. Voir, Attention particulière sur : Enquête sur l’émeute au Pénitencier de la Saskatchewan. 

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Footnote 56

Cinquième comité d’examen indépendant sur les décès de causes non naturelles survenus en établissement entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2017.

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Footnote 57

Selon le SCC, des accords d’échange de services sont conclus entre le ministre de la Sécurité publique et les gouvernements provinciaux et territoriaux en ce qui concerne la détention temporaire, le transfert et la surveillance communautaire des délinquants. Ils détaillent les rôles et les responsabilités de chaque juridiction et comprennent des protocoles particuliers concernant les indemnités journalières, l’échange de renseignements sur les délinquants et la facturation.

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Footnote 58

Blackburn, M. (25 avril 2023). Can Kathy Neil fix Canada’s prison system for Indigenous inmates? Some people aren’t so sure. APTN News. Consulté le 26 avril 2023 sur : https://www.aptnnews.ca/national-news/indigenous-corrections-kathy-neil-correctional-service-of-canada-section-81/

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Footnote 59

Alors que les taux d’occupation sont en baisse constante depuis 2017, ils ont augmenté en 2022 2023 pour atteindre 67 % d’occupation. Un suivi plus long est toutefois nécessaire pour déterminer si cette augmentation se maintient en tant que tendance ou s’il s’agit simplement d’une augmentation sur une année.

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Footnote 60

Bureau du Vérificateur général (mai 2022). Rapport 4 - Obstacles systémiques - Service correctionnel du Canada. 

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Footnote 61

Alors que les transferts ont régulièrement diminué au cours des cinq derniers exercices, ils ont augmenté en 2022 2023 pour atteindre un total de 240. Un suivi plus long est nécessaire pour déterminer si cette augmentation se maintient en tant que tendance ou s’il s’agit simplement d’une augmentation sur une année.

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Footnote 62

SCC. (2022). Données du Plan national relatif aux Autochtones du SCC (2021-2022). 

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Footnote 63

SCC. (2022). Coûts de maintenance et des délinquants - 2021 2022. 

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Footnote 64

Hanby, L., Ridha, T., Sullivan, R. et Farrell MacDonald, S. (2022). Pavillon de ressourcement pour Autochtones : répercussions sur la réinsertion sociale des délinquants et sur les résultats dans la collectivité (Rapport de recherche R 437). Ottawa, ON : Service correctionnel du Canada.

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Footnote 65

Tout au long du présent rapport, les personnes participant à Sentiers autochtones seront souvent désignées par le terme « participants ».

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Footnote 66

Green, N. (2002). Sentiers autochtones dans les services correctionnels fédéraux. FORUM sur la recherche correctionnelle. Ottawa, Ontario : Service correctionnel du Canada.

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Footnote 67

SCC. (2004). Rapport final - Initiative pour des services correctionnels efficaces - Réintégration des Autochtones. 

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Footnote 68

SCC. ( en vigueur , novembre 2013). Lignes directrices 702-1 : Création et fonctionnement des initiatives des Sentiers autochtones. Remarque : Depuis, le SCC a revu les lignes directrices 702-1 et a d’abord communiquée ses révisions provisoires au BEC en avril 2023. Sauf indication contraire, toutes les références aux lignes directrices 702-1 renvoient à la version 2013.

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Footnote 69

SCC (2017). Les voies de la guérison : un guide pour les Sentiers autochtones dans les établissements pour hommes à sécurité moyenne. 

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Footnote 70

SCC. (5 septembre 2019). Plan national relatif aux Autochtones — Un cadre de travail national visant à transformer le processus de gestion des cas et les services correctionnels destinés aux Autochtones. Site Web. Consulté le 27 avril 2023.

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Footnote 71

Lignes directrices 702 1 non publiées et révisées - Initiatives des Sentiers autochtones . Document communiqué pour la première fois avec notre bureau en avril 2023.

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Footnote 72

Le continuum de soins des services correctionnels pour Autochtones (voir le plan stratégique 2006 2011 du SCC pour les services correctionnels destinés aux Autochtones) commence dès l’admission dans les centres d’intervention autochtones, ou lors de l’engagement initial avec les Aînés et les interventions préparatoires aux Sentiers autochtones dans les établissements à sécurité maximale. Il passe ensuite par les niveaux de sécurité décrits ici. En théorie, tout au long de ce processus, un soutien doit être apporté pour assurer la continuité des soins et une réintégration réussie dans la communauté.

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Footnote 73

Les candidats en liste d’attente dans les sites à sécurité moyenne résident dans la population générale et sont considérés comme des interventions préparatoires aux Sentiers autochtones.

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Footnote 74

L’objectif ultime du SCC avec Sentiers autochtones est de transférer les participants à sécurité moyenne directement dans les pavillons de ressourcement, mais cela n’est pas toujours possible. Les mouvements de sécurité minimale sont considérés comme des « transitions » jusqu’à la détermination d’un pavillon de ressourcement approprié.

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Footnote 75

SCC. (2004). Rapport final - Initiative pour des services correctionnels efficaces - Réintégration des Autochtones. Les dépenses initiales pour Sentiers autochtones entre 2000 et 2005 se sont élevées à 2,9 millions de dollars.

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Footnote 76

Cela suppose que tous les participants à l’initiative des Sentiers autochtones sont autochtones; or, nous savons qu’une minorité d’entre eux ne sont pas autochtones. Cette proportion est donc surestimée.

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Footnote 77

Établissement de l’Atlantique, Établissement d’Edmonton, Établissement de Kent, Établissement Port Cartier et Établissement de Millhaven. En 2022 2023, l’établissement de Millhaven n’avait pas de places affectées au programme d’intervention préparatoire aux Sentiers autochtones, bien qu’il en ait eu dans le passé. L’établissement de Donnacona n’avait pas d’initiative des Sentiers autochtones au moment de la collecte des données.

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Footnote 78

Voir, par exemple, le Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones - Rapport annuel (2019-2020) du SCC, qui indique que l’initiative des Sentiers autochtones génère « des résultats positifs pour les délinquants autochtones, notamment une amélioration du niveau d’étude, moins d’accusations graves dans les établissements, un taux plus faible d’implication dans des incidents de sécurité, moins de résultats positifs aux analyses d’urine par échantillonnage aléatoire et un taux plus élevé de mises en liberté discrétionnaire, par rapport aux délinquants autochtones qui ne participent pas à l’initiative des Sentiers autochtones ».

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Footnote 79

Dans sa version révisée des lignes directrices 702-1, communiquée pour la première fois à notre bureau en avril 2023, le SCC explique ce que l’on entend par dirigée par un Aîné : « Le conseiller spirituel est le chef spirituel de l’initiative des Sentiers autochtones et il est donc responsable de l’intégrité spirituelle et culturelle de l’initiative. Un Aîné ou un conseiller spirituel doit participer à temps plein à l’initiative des Sentiers autochtones, car il s’agit d’une initiative dirigée par les Aînés. L’Aîné/conseiller spirituel détermine, avec le délinquant, le cheminement spirituel/de guérison qu’il doit suivre pendant sa participation à l’initiative des Sentiers autochtones. L’Aîné/conseiller spirituel établit le calendrier des cercles, des cérémonies et des séances individuelles avec le délinquant, en collaboration avec la direction de l’établissement. L’Aîné/le conseiller spirituel est la personne la mieux placée pour déterminer si un délinquant est prêt à être accepté dans une initiative des Sentiers autochtones et aucun délinquant ne doit être placé dans une telle initiative ou sur la liste d’attente sans avoir consulté l’Aîné/le conseiller spirituel et obtenu son accord ».

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Footnote 80

Établissement Stony Mountain. En fait, bien qu’il s’agisse de l’un des plus anciens établissements du SCC, notre Bureau a constaté que dans l’ensemble, l’établissement Stony Mountain était le plus réceptif, le plus progressif et le mieux géré en termes d’initiatives autochtones. Cependant, il est difficile de comparer l’établissement Stony Mountain à d’autres pénitenciers fédéraux. L’établissement Stony Mountain est un établissement regroupé où les trois niveaux de sécurité sont situés dans la même prison, et où l’on trouve des variantes de l’initiative des Sentiers autochtones ou de programme d’intervention préparatoire aux Sentiers autochtones à tous les niveaux. L’établissement Stony Mountain est également unique en ce sens qu’il bénéficie de la proximité d’un grand centre urbain (Winnipeg), ce qui lui permet d’avoir un meilleur accès aux ressources humaines et une stabilité de la main-d’œuvre peu commune dans les pénitenciers fédéraux. En outre, la direction de l’établissement Stony Mountain est relativement avant-gardiste, ce qui crée de fréquentes possibilités pour les intervenants et les organisations communautaires d’offrir des services aux détenus. Il serait difficile, voire impossible, de reproduire ce type d’activité dans les établissements plus éloignés du SCC.

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Footnote 81

Articles 4 (g) de la LSCMLC stipule que les « directives d’orientation générale, programmes et pratiques » respecteront les différences et l’identité des détenus sous responsabilité fédérale et « tiennent compte » des besoins propres aux personnes autochtones. L’article 80 exige que le SCC offre « des programmes adaptés aux besoins des délinquants autochtones ». Enfin, l’article 83 fournit aux détenus autochtones « les services d’un chef spirituel ou d’un aîné autochtones… »

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Footnote 82

Bureau du vérificateur général. (2016). Rapport 3 - La préparation des détenus autochtones à la mise en liberté - Service correctionnel du Canada. Ottawa, ON.

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Footnote 83

Joseph, B (2018). 21 Things You May Not Know About the Indian Act: Helping Canadians Make Reconciliation with Indigenous Peoples a Reality. Page, 67. Indigenous Relation’s Press.

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Footnote 84

Commission de vérité et de réconciliation du Canada. (2015). Canada’s Residential Schools: The Legacy – The Final Report of the Truth and Reconciliation Commission of Canada, volume 5. Page, 171. McGill-Queen’s University Press.

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Footnote 85

Cram, S. et Farrell MacDonald, S. (2019). Habitudes de consommation d’alcool et de drogues chez les délinquantes autochtones et les délinquantes non autochtones. Ottawa, ON : Service correctionnel du Canada.

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Footnote 86

Stewart, L., K. Wardrop, G. Wilton, J. Thompson, D. Derkzen et L. Motiuk (2017). Fiabilité et validité de l’Instrument de définition et d’analyse des facteurs dynamiques, révisé (Rapport de recherche R-395). Ottawa, ON : Service correctionnel du Canada.

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Footnote 87

Au lieu de cela, un nouveau texte a été ajouté, soulignant l’importance de définir des attentes claires et du fait « que les délinquants qui participent aux initiatives des Sentiers autochtones resteront abstinents ». Le texte indique encore que la violation de la politique d’abstinence peut avoir des conséquences, mais que celles-ci seront « déterminées au cas par cas et prendront en compte le passé social autochtone du délinquant ». Il conclut en soulignant que « le test d’urine n’est pas un critère spécifié pour l’admission ou la participation à une initiative des Sentiers autochtones ».

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Footnote 88

Même avec la version révisée des lignes directrices 702 1 (2023), le modèle continue de s’adresser à une petite cohorte de personnes motivées, autodisciplinées et dociles, prêtes à s’engager dans des approches de guérison traditionnelles.

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Footnote 89

Bien que nous n’ayons pas été en mesure de dresser un profil des participants pour l’ensemble des initiatives des Sentiers autochtones, nous avons analysé quelques-unes des initiatives les plus importantes et avons constaté que l’initiative des Sentiers autochtones s’adresse à une diversité de personnes ayant des profils correctionnels différents. Cependant, la grande majorité de ceux qui ont été inclus dans notre analyse a obtenu une note élevée pour l’ engagement dans la planification correctionnelle. 

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Footnote 90

Motiuk, L. et Hayden, M. (mai 2021). Délinquants sous responsabilité fédérale purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité : 2015-2016 à 2019-2020. Voir également Sécurité publique Canada (2022). 2020 Aperçu statistique du système correctionnel et la mise en liberté sous condition. 

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Footnote 91

Certains de ces jeunes trouvent leur chemin vers l’initiative des Sentiers autochtones par l’intermédiaire des centres d’intervention autochtones . Selon le SCC (Hanby et Beauchamp, 2022), les centres d’intervention autochtones ont été conçus pour « répondre aux besoins individuels des délinquants autochtones grâce à une approche intégrée et culturellement adaptée de la gestion des cas ». Grâce au processus des centres d’intervention autochtones, les candidats sont identifiés et leur cas est accéléré dans le continuum de soins autochtone, généralement par l’intermédiaire de l’initiative des Sentiers autochtones. Officieusement, nous avons constaté que les centres d’intervention autochtones visent également à éviter le recrutement de gangs dans la population générale. Entre avril 2018 et mars 2020, 21 % (477 / 2 263) des hommes autochtones et 64 % (172 / 267) des femmes autochtones admis dans les établissements pénitentiaires fédéraux ont été identifiés comme participants à des centres d’intervention autochtones. En outre, 297 hommes et 32 femmes étaient « admissibles, mais n’ont pas participé pour diverses raisons ». Bien que l’on pense que les personnes recrutées par l’intermédiaire des centres d’intervention autochtones bénéficient d’un transfèrement et/ou d’une libération conditionnelle plus rapidement que les autres, ces mesures sont généralement dues au fait que leurs peines sont plus courtes qu’à un engagement dans le cheminement de guérison. En fait, nous avons constaté que les résidents des centres d’intervention autochtones semblaient moins attachés aux enseignements traditionnels, aux cérémonies et aux interventions culturelles.

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Footnote 92

L’article 7 de l’annexe B de la version révisée des lignes directrices 702 1 du SCC propose de supprimer le libellé suivant concernant les condamnés à perpétuité, à savoir que les places disponibles pour les condamnés à perpétuité ne doit normalement pas dépasser 20 % des places disponibles. Plus loin dans ce document de politique, à l’annexe C, on peut lire ce qui suit : « Les délinquants condamnés à une peine indéterminée ou à perpétuité peuvent participer à l’initiative des Sentiers autochtones pour une période déterminée n’excédant pas trois ans ».

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Footnote 93

Au cours des entrevues, nous avons également appris que de nombreux membres du personnel opérationnel se portaient volontaires pour travailler dans les unités des Sentiers autochtones et souhaitaient le faire pour les bonnes raisons. Ces personnes sont disposées à suivre une formation et sont pleinement engagées dans le modèle/la vision de l’initiative des Sentiers autochtones, mais elles ont déclaré avoir rencontré des obstacles dans leurs efforts pour obtenir des affectations dans ces unités.

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Footnote 94

Il était possible d’atténuer le problème de la fumée secondaire en installant un nouveau système de ventilation, mais il semble que le projet n’avance pas.

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Footnote 95

Récupéré du site Web le 19 avril 2023. Date de modification : 2019-09-05.

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Footnote 96

Bien que le service de recherche du SCC nie qu’il s’agisse d’une préoccupation, il a admis que les facteurs liés aux antécédents sociaux des Autochtones ne semblent pas influencer les évaluations pour les décisions relatives au classement de sécurité et à la mise en liberté discrétionnaire (voir Keown, L. A., Gobeil, R., Biro, S. et Beaudette, J. N., 2015. Facteurs liés aux antécédents sociaux des Autochtones dans la gestion des cas [Rapport de recherche R 356]. Ottawa, ON : Service correctionnel du Canada).

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Footnote 97

Les permissions de sortir avec escorte sont utilisées dans les établissements pénitentiaires pour faciliter la réinsertion progressive et rapide des détenus sous responsabilité fédérale. Les permissions de sortir avec escorte sont l’occasion pour les individus de nouer des liens dans la communauté et de montrer qu’ils sont prêts à être libérés. Dans le contexte de l’initiative des Sentiers autochtones, les permissions de sortir avec escorte sont une étape obligatoire avant le passage à un niveau de sécurité minimale ou le transfert dans les pavillons de ressourcement. Les permissions de sortir avec escorte peuvent consister à rendre visite à des proches et à des soutiens communautaires ou à participer à des activités culturelles. Un membre du personnel a expliqué que les détenus font souvent une permission de sortir avec escorte dans un pavillon de ressourcement ou au minimum pour participer à des cérémonies et avoir une connaissance directe de leur fonctionnement ». En résumé, l’objectif des permissions de sortir avec escorte est de faire progresser les plans de guérison et la planification correctionnelle, et de se préparer à une remise en liberté progressive dans la communauté. Cependant, au moment des entrevues, les permissions de sortir avec escorte étaient retardées (ou complètement arrêtées) dans de nombreux établissements depuis des mois en raison des répercussions persistantes de la COVID 19 et de l’absence des Aînés et du personnel de la gestion de cas. Par conséquent, les résidents de l’initiative des Sentiers autochtones n’ont pas pu progresser dans le continuum des soins.

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Footnote 98

Il semble que ce soit particulièrement le cas pour les condamnés à perpétuité.

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Footnote 99

Sur la base des commentaires du personnel et des Aînés des initiatives des Sentiers autochtones et des pavillons de ressourcement.

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Footnote 100

Lorsque le SCC a communiqué à mon bureau ses lignes directrices révisées en avril 2023, il lui a également transmis un projet de « Manuel national de l’initiative des Sentiers autochtones » à des fins d’examen. À la page 12 dudit manuel, on peut lire : « Après six mois de participation à l’initiative des Sentiers autochtones, les participants ont généralement fait des progrès significatifs dans leur guérison, ce qui est démontré par leur comportement ». Dans notre réponse, nous avons indiqué qu’il était irréaliste et culturellement insensible de fixer un délai pour la « guérison » des personnes autochtones touchées par un traumatisme direct et intergénérationnel. Nous avons suggéré de supprimer ce délai ou de modifier la formulation afin qu’il n’apparaisse pas que le SCC attend d’un Autochtone qu’il « guérisse » en six mois, dans une prison. 

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Footnote 101

Dans le cadre de cette enquête, le Bureau remercie Archipel Research and Consulting Inc., une entreprise autochtone dirigée par des femmes, pour son soutien, son rapport circonstanciel et ses recherches. L’équipe du BEC et les chercheurs d’Archipel ont travaillé en collaboration pour partager des idées, élaborer des questionnaires et affiner les méthodologies. Bien que les réunions et les entrevues avec les Aînés aient été menées séparément et simultanément par chaque organisme, les conclusions du présent rapport représentent une compilation conjointe et consensuelle de la collecte de données internes et externes et de l’analyse thématique. Grâce à ce partenariat, le Bureau a bénéficié et a énormément appris sur la façon de mener des activités enracinées dans les méthodes et les pédagogies autochtones.

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Footnote 102

Il s’agissait notamment d’examiner les notes et les procès-verbaux du Comité consultatif national sur les questions autochtones (CCNQA) et du Groupe national de travail sur les Aînés (GNTA).

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Footnote 103

SCC. (2017). Vulnérabilité des Aînés au sein du Service correctionnel du Canada (SCC): Un résumé des discussions avec les aînés, des recommandations et des plans d’action. 

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Footnote 104

SCC. (05 août 2022). Audit de la gestion des services d’Aînés. 

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Footnote 105

Rowe, G., Straka, S., Hart, M., Callahan, A., Robinson, D. et Robson, G. (2020). Prioritizing Indigenous Elders’ knowledge for intergenerational well-being. Canadian Journal on Aging, 39 (2), 156-168.

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Footnote 106

Plusieurs Aînés ont parlé de l’expérience de la violence latérale ou horizontale (une forme d’intimidation ou de harcèlement ou d’autres comportements préjudiciables dirigés contre d’autres collègues). Au-delà de la portée de cette enquête, ces expériences concernent souvent les tâches et les relations de travail entre les Aînés et les autres membres du personnel autochtone. Une partie de cette violence est liée à des pratiques d’embauche et de sélection inappropriées ou à un manque perçu de compétences culturelles (comme le fait de détenir les titres nécessaires à l’accomplissement de certaines cérémonies). Il n’est pas surprenant que les différences et les politiques, à la fois au sein des différentes nations et entre elles, débordent parfois en créant des tensions et des luttes intestines entre collègues. Comme l’a fait remarquer une personne interrogée, « il y a aussi beaucoup de violence latérale, à cause de l’histoire coloniale entre nous tous. Même les initiatives autochtones ».

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Footnote 107

L’autoidentification autochtone fait référence au processus d’autodéclaration par lequel toute personne détenue dans un établissement correctionnel fédéral peut s’identifier comme autochtone sans aucun processus de vérification pour s’assurer que cette revendication est authentique et légitime. Cette pratique a été jugée problématique par certains Aînés, car ils avaient l’impression que certaines personnes prétendaient être autochtones alors qu’elles ne pouvaient démontrer d’aucune façon leur identité autochtone, tout cela pour avoir accès aux mesures de soutien destinées aux détenus autochtones.

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Footnote 108

Les données présentées dans les présentes annexes sont un instantané des données internes du BEC pour la semaine du 29 mai 2023. Les rapports futurs pourront être différents au fur et à mesure de la mise à jour des cas.

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Footnote 109

Le nombre de personnes qui ont contacté notre bureau pour déposer une plainte (c’est-à-dire les plaignants).

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Footnote 110

Compte de fin d’année de la population carcérale ventilée par région pour l’exercice 2022-2023, selon le Système intégré de rapport - modernisé (SIR M) du Service correctionnel du Canada.

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Footnote 111

Les totaux ne comprennent pas les centres correctionnels communautaires et les centres résidentiels communautaires (CCC CRC), ni les libérés conditionnels dans la communauté. Il y a eu 155 contacts uniques de la collectivité. En outre, 230 cas ont été supprimés parce que le(s) plaignant(s) souhaitait(-ent) rester anonyme(s), et un cas concernant une région non spécifiée a été supprimé.

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Footnote 112

Les totaux n’incluent pas les 230 cas de plaignants anonymes.

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Footnote 113

Ibid 

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Footnote 114

Un dossier peut être rouvert et résolu à nouveau plus d’une fois, et les raisons pour fermer le dossier peuvent être différentes chaque fois. C’est la raison pour laquelle le total de ce tableau est plus élevé que le nombre réel de plaintes rapporté au tableau A..

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Footnote 115

Conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), le Bureau de l’enquêteur correctionnel examine toutes les enquêtes du SCC concernant des incidents relatifs à des blessures graves ou au décès de détenus.

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Footnote 116

Les décès survenus en raison de « causes naturelles » font l’objet d’une enquête menée en vertu d’un processus d’examen des cas de décès distinct qui comprend un examen du dossier à l’administration centrale.

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Footnote 117

Les données du présent tableau ne représentent que les incidents examinés par le BEC en 2022-2023, ce qui constitue un sous-ensemble de tous les cas de recours à la force reçus au cours de la même période. Le Service correctionnel du Canada fournit au Bureau tous les documents relatifs au recours à la force, qui comprennent généralement : un rapport sur le recours à la force, une copie de l’enregistrement vidéo de l’incident, la liste de contrôle pour l’examen du recours à la force par les services de santé, une liste de contrôle après l’incident, la déclaration ou le rapport d’observation de l’agent, et un plan d’action visant à remédier aux lacunes.

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Footnote 118

Parmi ces incidents, 23 concernaient des établissements pour femmes.

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Footnote 119

Un incident de recours à la force peut impliquer plus d’une mesure.

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Footnote 120

Les agents inflammatoires, communément appelés aérosol capsique ou « gaz poivré », contiennent un ingrédient actif naturel, la capsicine, provenant de la plante du poivre. Les agents chimiques contiennent un ingrédient chimique actif qui crée une irritation extrême des yeux et des tissus, ce qui provoque la fermeture involontaire des yeux.

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Footnote 121

Le BEC peut commencer une enquête à la réception d’une plainte présentée par ou au nom d’une personne purgeant une peine fédéral, ou de sa propre initiative. Les plaintes sont reçues par téléphone, par lettre et durant des entrevues avec du personnel d’enquête du BEC dans les établissements correctionnels fédéraux.

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Footnote 122

Comprend les décisions de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, les cas provinciaux/territoriaux, les questions relatives à l’immigration/expulsion et les cas des tribunaux extérieurs.

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Footnote 123

Entre les exercices 2020-2021 et 2021-2022, le Bureau est passé à un modèle de visite virtuelle, qui a guidé la manière dont les enquêteurs ont mené leurs activités pendant la pandémie. Ces visites ont comporté une combinaison de vidéoconférences et d’entrevues téléphoniques. Le lecteur doit garder cela à l’esprit lorsqu’il compare les données de ce tableau à celles des rapports annuels précédents. Pour les besoins de ce tableau, les « entrevues » ne comprennent que celles réalisées en personne. 

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Footnote 124

Comprend le Centre de rétablissement Shepody.

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Footnote 125

Les centres correctionnels communautaires et les centres résidentiels communautaires.

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Footnote 126

Inclut le Centre régional de santé mentale.

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Footnote 127

Comprend l’unité spéciale de détention.

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Footnote 128

Comprend le Centre de traitement régional de Bath.

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Footnote 129

Comprend l’unité d’évaluation et l’unité de détention temporaire de Joyceville..

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Footnote 130

Comprend le centre de traitement régional, l’unité d’évaluation et l’unité de détention temporaire.

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Footnote 131

Comprend le centre régional de traitement et le centre d’accueil régional.

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Footnote 132

Comprend 75 cas où le plaignant a demandé à rester anonyme. Sur les huit autres, trois concernaient des questions ne relevant pas de la compétence du BEC.

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Rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel 2022-2023