Aperçu
Le Rapport annuel 2017-2018 du Bureau de l’enquêteur correctionnel contient 21 recommandations, dont deux qui s’adressent au ministre de la Sécurité publique. Il renferme aussi un examen de l’émeute mortelle survenue en décembre 2016 au Pénitencier de la Saskatchewan. Le rapport accorde une attention particulière à l’enquête menée par le Service correctionnel du Canada (SCC) sur cette émeute et soulève des questions graves à savoir s’il est approprié et adéquat que le Service mène l’enquête sur lui-même après un incident grave.
« Retour à l’essentiel »
Dans son message d’ouverture, l’enquêteur correctionnel exhorte la nouvelle commissaire à accroître l’ouverture, la transparence et la responsabilisation dans les services correctionnels fédéraux. Il recommande une approche des services correctionnels axée sur le « retour à l’essentiel » et s’articulant autour des principes suivants :
- les droits de la personne font partie intégrante de l’activité des services correctionnels;
- le détenu conserve tous ses droits, sauf ceux qui sont nécessairement limités par suite de l’incarcération;
- la prison est une punition, pas une occasion de punir;
- les politiques et les pratiques correctionnelles respectent la diversité et ne font aucune discrimination fondée sur le sexe, l’origine ethnique, la culture, etc.;
- les objectifs du système correctionnel incluent la détention sécuritaire et humaine des délinquants, leur réadaptation et leur réinsertion sociale;
- il faut trouver un équilibre entre les investissements dans les services correctionnels en établissement et dans la collectivité;
- un engagement envers les pratiques exemplaires et fondées sur des données probantes est essentiel pour maintenir un juste équilibre entre la sécurité et la réadaptation.
Enquête sur l’émeute au Pénitencier de la Saskatchewan
- Selon les conclusions de l’enquête interne du SCC, l’émeute au Pénitencier de la Saskatchewan était un événement spontané et aléatoire, impossible à prévoir ou à prévenir.
- L’examen des causes et des catalyseurs de l’émeute réalisé par le Bureau aboutit à une conclusion différente. Des problèmes liés à la quantité et à la qualité de la nourriture, notamment, ont contribué à l’émeute. Cela contredit ainsi le SCC qui affirme que l’émeute n’était pas liée aux services alimentaires.
- L’enquête du SCC était superficielle et intéressée :
- Le comité d’enquête national (CEN) n’a interviewé qu’un seul détenu et il s’est fié principalement à l’interprétation des faits présentée par les gestionnaires pour son cadre de référence.
- Le CEN n’a pas tenu compte de la présence des Autochtones et de la dynamique des gangs comme éléments sous-jacents de l’émeute.
- L’enquête est marquée par un manque d’attention, de rigueur et d'information en vue d’identifier et/ou de comprendre les déclencheurs, les causes ou les catalyseurs de l’émeute.
- L’examen du BEC sur l’émeute au Pénitencier de la Saskatchewan met en évidence des problèmes de transparence et de crédibilité concernant le mécanisme par lequel le SCC enquête sur lui-même après un incident grave et la méthode qu’il utilise pour rendre publics ces rapports.
Ouverture, transparence et responsabilisation dans les services correctionnels
- À presque tous les égards, les cadres d’examen et les mécanismes de surveillance internes du SCC n’ont pas la transparence, la rigueur ou l’efficacité qu’ils devraient avoir.
- Ces mécanismes sont axés presque exclusivement sur la conformité aux politiques et ne soulèvent pas les problèmes de la responsabilité des gestionnaires ou de l’organisation.
- Le système interne de traitement des plaintes et griefs des détenus est détraqué, inefficace et dysfonctionnel. On ne peut pas s’y fier pour obtenir de l’assurance ou de la rétroaction sur les opérations du SCC en temps réel.
- Des mesures d’assurance additionnelles sont requises pour renforcer l’intégrité et la crédibilité des enquêtes sur les perturbations majeures (émeutes) entraînant des blessures ou des décès, les suicides en isolement et les interventions avec recours à la force entraînant des blessures graves ou des décès.
Décès en établissement
- Le décès de M me Terry Baker en isolement préventif dans l’un des établissements régionaux pour femmes est un rappel tragique de plus que les pénitenciers ne sont pas équipés pour gérer de façon sécuritaire et adéquate les personnes qui ont des troubles chroniques, qui s’automutilent ou qui sont suicidaires. Pendant qu’elle était sous garde fédérale, cette jeune femme :
- s’est automutilée plus de 300 fois (incidents documentés);
- a accumulé 64 accusations d’infractions disciplinaires (27 graves et 37 mineures);
- a été placée en isolement 20 fois;
- a fait l’objet de 56 interventions avec recours à la force documentées;
- a été internée 12 fois en vertu de la Loi sur la santé mentale de l’Ontario.
Soins de santé dans les services correctionnels
- Le SCC n’a pas encore fourni de documents qui corroborent son affirmation selon laquelle ses services de santé satisfont aux Règles minima révisées des Nations Unies pour le traitement des détenus (« Règles Mandela »), y compris la Règle 27 (2), qui précise ceci : « Les décisions cliniques ne peuvent être prises que par les professionnels de la santé responsables et ne peuvent être rejetées ou ignorées par le personnel pénitentiaire non médical. »
- Les problèmes faisant intervenir le consentement libre, volontaire et en toute connaissance de cause et l’indépendance clinique sont amplifiés en milieu correctionnel et s’étendent de façon égale (sinon plus) aux délinquants qui ont des problèmes de santé mentale complexes ou graves, y compris les délinquants âgés et les délinquants en phase terminale.
- Un modèle de défense des patients est requis pour protéger les droits des détenus et s’assurer qu’ils comprennent parfaitement les conséquences de leurs décisions (c.-à-d. consentement éclairé et capacité).
- Il faut transférer à des établissements psychiatriques externes le soin des patients qui ont des troubles mentaux graves, qui sont suicidaires ou qui s’automutilent de façon chronique et qui ne peuvent être gérés de façon sécuritaire en milieu carcéral.
Services correctionnels pour Autochtones
- Les Autochtones représentent environ 28 % de la population totale de détenus sous responsabilité fédérale; 40 % des femmes détenues dans les établissements fédéraux sont autochtones. Le SCC et le gouvernement du Canada doivent transférer plus entièrement la responsabilité, mais surtout les ressources et le contrôle, aux collectivités autochtones.
- Même si 20 % des détenus autochtones appartiennent à des gangs, le SCC n’a toujours pas de stratégie nationale antigang et de désaffiliation des gangs.
- Pour donner suite aux appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation, les dépenses et l’affectation des ressources du SCC dans la collectivité doivent refléter davantage la proportion d’Autochtones qui purgent une peine de ressort fédéral.
- La structure organisationnelle actuelle du SCC n’est pas adéquate pour prioriser (p. ex. ententes aux termes des articles 81 et 84 et solutions de rechange dans la collectivité) ou garantir l’amélioration des résultats des Autochtones qui purgent une peine de ressort fédéral.
Autres préoccupations
En 2017-2018, le Bureau a mené une série d’examens et d’enquêtes prioritaires sur les questions suivantes :
- suivi de l’aide médicale à mourir dans le système correctionnel;
- recours aux dispositions de libération pour des raisons de compassion pour les délinquants en phase terminale;
- problèmes de conformité et de responsabilisation concernant les interventions avec recours à la force;
- éducation derrière les barreaux;
- niveaux de déplacement dans les unités de garde en milieu fermé (sécurité maximale) dans les établissements régionaux pour femmes.
Principales recommandations
- La nouvelle commissaire devrait lancer un examen prioritaire de l’efficacité et des mécanismes internes de surveillance et d’évaluation du rendement du SCC.
- Le SCC ne devrait pas enquêter sur lui-même dans les rares circonstances impliquant une émeute, un décès ou un suicide en isolement, ou un décès survenu après une intervention avec recours à la force.
- Le SCC devrait créer le poste de sous-commissaire pour les services correctionnels pour Autochtones.
- Le SCC devrait externaliser le soin des patients qui ont des besoins complexes et qui ne peuvent pas être gérés de façon sécuritaire dans un établissement correctionnel fédéral.
- Le SCC devrait renforcer l’indépendance clinique et les structures de gouvernance des soins de santé.
Date de modification
2018-10-30