Écarts creusés entre les résultats : Délinquants autochtones par comparaison aux délinquants non autochtones
Les délinquants autochtones accusent un retard important par rapport à leurs homologues non autochtones sur presque chaque indicateur de rendement et résultat correctionnel. Ces hommes et femmes :
- présentent régulièrement un taux de risque plus élevé et des besoins plus grands dans des domaines tels que l’emploi, la réinsertion dans la collectivité et le soutien familial;
- sont libérés plus tard au cours de leur peine (faible taux d’octroi de la libération conditionnelle), la plupart quittent le pénitencier à la date de leur libération d’office ou à la date d’expiration de leur mandat;
- sont surreprésentés dans la population carcérale en isolement et dans les établissements à sécurité maximale;
- sont visés dans des interventions de recours à la force et susceptibles de s’automutiler, et ce, de façon disproportionnée;
- risquent davantage d’être réincarcérés si leur liberté conditionnelle est révoquée, et ce, souvent pour des raisons administratives et non pour avoir commis des crimes.
Taux élevés et grimpants d’incarcération chez les Autochtones
Alors que les Autochtones représentent environ quatre pour cent de la population canadienne, en date de février 2013, les Premières nations, Métis et Inuits représentaient 23,2 pour cent de la population carcérale sous responsabilité fédérale. Il y a environ 3 400 délinquants autochtones détenus dans les pénitenciers fédéraux, et environ 71 pour cent sont des Premières nations, 24 pour cent des Métis et cinq pour cent sont Inuits.
En 2010‑2011, le taux général d’incarcération au Canada était de 140 pour 100 000 adultes. Le taux d’incarcération pour les adultes autochtones au Canada est environ dix fois plus élevé que celui des adultes non autochtones.
La surreprésentation des peuples autochtones dans le système correctionnel canadien a continué d’augmenter au cours de la dernière décennie. Depuis 2000‑2001, la population carcérale autochtone a augmenté de 56,2 pour cent, et le taux général de représentation des Autochtones dans la population carcérale est passé de 17 pour cent en 2000‑2001 à 23,2 pour cent aujourd’hui.
Depuis 2005‑2006, la population carcérale autochtone sous responsabilité fédérale a augmenté de 43,5 pour cent, par comparaison à la population carcérale non autochtone, qui a augmenté de 9,6 pour cent.
Femmes autochtones : Dans le système correctionnel fédéral, les femmes autochtones sont encore plus surreprésentées que les hommes autochtones, puisqu’elles représentent 33,6 pour cent de toutes les délinquantes sous responsabilité fédérale au Canada. Selon Statistique Canada : « Le nombre disproportionné d’Autochtones en détention était semblable dans l’ensemble des provinces et des territoires et s’appliquait particulièrement aux contrevenantes. En 2010‑2011, 41 % des femmes et 25 % des hommes en détention après condamnation étaient Autochtones » ( Juristat , octobre 2012).
Jeunes autochtones : Les délinquants autochtones ont tendance à être plus jeunes que les délinquants non autochtones. En 2013, 21,3 pour cent de tous les délinquants autochtones ayant été incarcérés après une condamnation au criminel avait tout au plus 25 ans, par comparaison à 13,6 pour cent chez les non autochtones. Au Canada, la population autochtone est jeune. Selon le recensement de 2006, près d’un tiers (32 pour cent) des 698 025 personnes qui se déclarent comme étant des Amérindiens (tant inscrits que non inscrits) étaient âgées de 0 à 14 ans. Selon les projections démographiques qu’a publiées en 2005 Statistique Canada, les Autochtones pourraient former une partie de plus en plus importante de la population des jeunes adultes au cours de la prochaine décennie. D’ici 2017, les Autochtones ayant de 20 à 29 ans pourraient représenter 30 pour cent de ce groupe d’âge en Saskatchewan, 24 pour cent au Manitoba, 40 pour cent dans le territoire du Yukon et 58 pour cent dans les Territoires du Nord‑Ouest.
Augmentation des taux régionaux de délinquants autochtones
Pour la période allant de mars 2010 à janvier 2013, les établissements correctionnels du SCC de la région des Prairies (principalement dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta) comptaient pour 39,1 pour cent de la croissance totale de délinquants fédéraux, et la majorité d’entre eux était des Autochtones. Ceux‑ci représentent maintenant 46,4 pour cent de la population carcérale de la région des Prairies. Le mois dernier :
- à l’Établissement de Stony Mountain au Manitoba, 389 des 596 détenus (65,3 pour cent de la population carcérale) étaient des Autochtones;
- au Pénitencier de la Saskatchewan, 63,9 de tous les détenus étaient Autochtones;
- au Centre psychiatrique régional de Saskatoon, 55,7 pour cent des détenus étaient Autochtones;
- à l’Établissement d’Edmonton pour femmes, 56 pour cent de la population était Autochtone.
Jusqu’à maintenant, cette année, la région des Prairies a le plus haut taux de double occupation des cellules, d’incidents d’auto‑mutilation ainsi que d’homicides et de voies de fait contre des délinquants au pays.
Facteurs ayant une incidence sur la surreprésentation des Autochtones dans les services correctionnels
Les taux élevés d’incarcération des Autochtones ont été liés à de la discrimination systémique et à des attitudes fondées sur des préjugés raciaux et culturels, ainsi qu’à des désavantages économiques et sociaux, à de la toxicomanie et à des pertes, de la violence et des traumatismes intergénérationnels.
La Cour suprême du Canada a reconnu ces facteurs sociaux, économiques et historiques bien documentés, à l’origine dans l’arrêt R. c. Gladue puis, plus tard, dans l’arrêt R. c. Ipeelee (en 2012), où on peut lire : « Les tribunaux doivent prendre connaissance d’office de questions telles que l’histoire de la colonisation, des déplacements de populations et des pensionnats et la façon dont ces événements se traduisent encore aujourd’hui chez les peuples autochtones par un faible niveau de scolarisation, des revenus peu élevés, un taux de chômage important, des abus graves d’alcool ou d’autres drogues, un taux élevé de suicide et, bien entendu, un taux élevé d’incarcération » (juge LeBel, s’exprimant au nom de la majorité dans R. c. Ipeelee , 2012).
Les responsables des décisions dans le domaine correctionnel doivent prendre en compte les antécédents sociaux des Autochtones lorsque les intérêts relatifs à la mise en liberté d’un délinquant autochtone sont en cause (c.‑à‑d. cote de sécurité, placement pénitentiaire, mise en liberté dans la collectivité, décisions disciplinaires). Les facteurs visés à l’arrêt Gladue comprennent :
- Répercussions du régime des pensionnats.
- Expérience avec les organismes de protection de la jeunesse ou d’adoption.
- Répercussions du déplacement massif et de la dépossession des peuples autochtones.
- Antécédents de suicide, de toxicomanie ou de victimisation dans la famille ou la collectivité.
- Perte ou problème d’identité culturelle/spirituelle.
- Niveau de scolarité ou manque d’instruction du délinquant.
- Pauvreté et mauvaises conditions de vie.
- Exposition ou adhésion aux gangs de rue autochtones.
Date de modification
2013-09-16