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Résumé
- Les suicides constituent la principale cause de décès dus à des causes non naturelles parmi les détenus sous responsabilité fédérale, et représentent environ un décès en établissement sur cinq chaque année.
- Chaque année, environ dix détenus sous responsabilité fédérale se suicident. Bien que le taux de suicide en détention soit généralement à la baisse, il est toujours environ sept fois plus élevé que dans la population générale.
Les raisons qui ont motivé l’examen
- Le Service correctionnel du Canada(SCC) a l’obligation de préserver la vie des détenus. Plusieurs événements récents, dont le nombre disproportionné de suicides dans les établissements carcéraux qui continuent de se produire dans les cellules d’isolement, laissent croire que les progrès dans la prévention des décès dans les pénitenciers fédéraux ont atteint un point mort, ce qui a incité le Bureau de l’enquêteur correctionnel à mener un examen indépendant.
L’examen réalisé
- Le Bureau a examiné trente suicides de détenus commis dans les pénitenciers fédéraux durant la période de trois ans s’étalant d’avril2011 à mars2014.
- Le Bureau a examiné la documentation récente sur les suicides en établissement, a analysé les rapports d’enquête du SCC portant sur les suicides commis pendant la période visée, a évalué la stratégie de sensibilisation et de prévention en matière de suicide du Service et s’est penché sur d’autres enquêtes provinciales et territoriales menées à la suite d’incidents impliquant des détenus purgeant une peine de ressort fédéral.
- Un résumé des circonstances et des événements entourant dix suicides a également été préparé; ces cas ont été expressément choisis pour illustrer les problèmes récurrents liés à la prévention du suicide en milieu carcéral.
Nos constatations
- La majorité des détenus qui se suicident sont des hommes de race blanche qui ne sont pas mariés et qui sont âgés de 31 à 40ans. La majorité des suicides en établissment se produisent dans des établissements à sécurité moyenne, presque toujours dans une cellule et souvent lorsque le nombre d’employés en devoir est peu élevé. La grande majorité des détenus qui s’enlèvent la vie le font par pendaison.
- Quatorze des trente suicides analysés ont été commis dans des cellules d’isolement. Cette proportion élevée témoigne du recours constant à l’isolement par le SCC pour gérer les individus souffrant d’une maladie mentale, aux prises avec des idées suicidaires ou ayant des comportements d’automutilation.
- Dans la majorité des cas, les autorités étaient déjà au fait d’incidents immédiats, de risques ou d’autres circonstances qui indiquaient des intentions suicidaires. La plupart des individus avaient déjà tenté de se suicider, avaient des troubles mentaux documentés ou étaient aux prises avec un problème de toxicomanie connexe. Des notes de suicide ont été trouvées dans 14 des cas, ce qui laisse présager que l’intention suicidaire s’était formée préalablement. Les enquêtes après incident laissent croire que les événements déclencheurs, les indicateurs et les risques de suicides passent fréquemment inaperçus, ou ne sont pas pris en compte ou au sérieux au moment de l’incident.
- Le processus d’enquête et d’examen du SCC comporte des lacunes importantes qui nuisent grandement à l’amélioration du bilan des suicides en établissement:
- Les enquêtes internes sont trop axées sur le respect des politiques et des procédures et ne portent pas assez attention à l’aspect de la prévention.
- Il est rare que les enquêtes aillent plus loin et tentent d’établir comment le décès aurait pu être évité si le personnel avait posé des gestes différents ou pris d’autres décisions.
- Les leçons tirées d’un incident ne sont pas communiquées à large échelle, et peu d’efforts ont été faits pour examiner les conclusions dans leur ensemble.
- Le fait que des membres du SCC enquêtent au sujet d’autres membres du SCC constitue un manquement sur le plan de l’indépendance fonctionnelle et organisationnelle.
- La prévention des décès en établissement est un travail difficile, mais un programme complet de sensibilisation et de prévention des suicides permettrait d’y arriver. Le rapport présente la conclusion que certains suicides auraient pu être évités grâce à:
- des procédures de vérification plus rigoureuse;
- un effort coordonné à l’échelle nationale pour trouver et éliminer les points de suspension dans les cellules;
- un meilleur échange de l’information;
- un accès plus rapide aux services de santé mentale.
Nos recommandations
Afin d’aider à prévenir les suicides en détention, le rapport formule onze nouvelles recommandations, dont:
- En priorité immédiate, le SCC devrait retirer les points connus de suspension dans les cellules d’isolement du pays. Si on le juge impossible des points de vue économique et technique, ces cellules (ou rangées) devraient être désactivées.
- L’isolement de longue durée des détenus atteints d’une maladie mentale grave, suicidaires ou qui s’automutilent doit être expressément prohibé.
- Un effort national, dirigé par les services de santé, devrait cibler les détenus présentant un risque élevé de suicide qui se trouvent en isolement de longue durée ou qui ont été placés à plusieurs reprises, et trouver des mesures d’atténuation appropriées à communiquer à toutes les unités opérationnelles.
- Le Comité régional sur les cas complexes de santé mentale devrait superviser directement les plans de traitement et de gestion des détenus mis sous surveillance active du risque de suicide ou faisant l’objet d’un suivi de la santé mentale et placés dans une cellule d’isolement, d’observation, de soins psychiatriques ou de comportement.
- Le SCC devrait communiquer régulièrement les conclusions des comités d’enquête aux membres désignés de la famille, ainsi qu’aux bureaux des coroners et des médecins légistes provinciaux et territoriaux, que le décès fasse ou non l’objet d’une enquête publique médico-légale ou du coroner.
De plus, le rapport réitère une recommandation déjà formulée par le Bureau: «Le ministre de la Sécurité publique devrait créer un forum consultatif national indépendant regroupant des experts, des praticiens et des groupes d’intervenants afin d’examiner les tendances, de communiquer les leçons apprises et de proposer des projets de recherche qui permettront de réduire le nombre et le taux de décès dans les établissements de détention du Canada.» (Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel 2012-2013).
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