DOCUMENT D’INFORMATION - Rapport annuel 2021-2022 du Bureau de l’enquêteur correctionnel: Résumé des principales enquêtes, constatations et recommandations

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Aperçu

Le rapport annuel 2021-22 du Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC) a été déposé au Parlement le 1er novembre 2022 et comprend ce qui suit :

  1. Le message de l’enquêteur correctionnel, qui met l’accent sur la capacité du Bureau à apporter des changements dans les services correctionnels fédéraux.
  2. Plusieurs mises à jour sur des questions d’importance ou de préoccupation nationale, notamment : l’utilisation de cellules sèches, l’examen du programme mère-enfant, les véhicules d’escorte de sécurité, la stratégie antidrogue du Service correctionnel du Canada (SCC).
  3. Trois enquêtes au niveau national :
    1. Mise à jour sur les expériences des personnes noires dans les pénitenciers fédéraux canadiens
    2. Formes restrictives de détention dans les établissements correctionnels fédéraux (pénitenciers à sécurité maximale pour hommes)
    3. Dix ans depuis Une question de spiritualité : Enjeux autochtones dans les services correctionnels fédéraux (1re partie)
  4. Perspectives de l’enquêteur correctionnel pour les services correctionnels fédéraux en 2022-23.
  5. Réponses du Service correctionnel du Canada aux recommandations
  6. Annexes statistiques

 

Le rapport de cette année contient 18 recommandations, dont une adressée au ministre de la Justice et procureur général du Canada.

Enquêtes Nationales

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Mise à jour sur les expériences des personnes noires dans les pénitenciers fédéraux canadiens

Objectif et contexte

Cette enquête met à jour l’enquête historique menée par le Bureau en 2013, qui examinait les expériences et les résultats des prisonniers noirs dans les pénitenciers fédéraux. C’est l’occasion pour le gouvernement de s’attaquer à la discrimination et au racisme dans le traitement des personnes noires derrière les barreaux, sur base des constatations qui avaient déjà été documentées par le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine des Nations Unies en 2016, ainsi que par deux rapports du Comité sénatorial permanent des droits de l’homme publiés en 2019 et 2021.

Constatations

  • Comme en 2013, l’enquête a révélé que les personnes noires continuent d’être surreprésentées en milieu carcéral fédéral. Aujourd’hui, les prisonniers noirs représentent 9,2 % de la population carcérale totale, alors qu’ils constituent environ 3,5 % de la population canadienne globale. La majorité des personnes noires incarcérées sont des jeunes hommes, la plus grande proportion se situant entre 18 et 30 ans (38 %).
  • Les discriminations et les désavantages suivent les Noirs dans les prisons fédérales. En tant que groupe, les prisonniers noirs obtiennent de mauvais résultats de façon disproportionnée dans des domaines clés de l’administration des peines. Plus précisément, l’enquête a révélé que les prisonniers noirs sont plus susceptibles d’être :
    • surreprésentés dans les établissements à sécurité maximale (14 %)
    • sous-représentés dans les établissements à sécurité minimale (6,5 %)
    • surimpliqués dans les incidents de recours à la force, quel que soit le niveau de risque, le niveau de sécurité, l’âge, la durée de la peine ou le sexe (12 %)
    • transférés involontairement (14,6 %)
    • placés dans des unités d’intervention structurées (15 %)
    • accusés d’infractions aux règles de l’établissement (16,7 %)
    • identifiés comme affiliés à un groupe menaçant la sécurité (GMS) (23,8 %)
    • sous-représentés dans les emplois de l’industrie pénitentiaire (7 %)
    • sous-représentés dans le grade de rémunération le plus élevé des détenus (3,7 %)
    • évalués comme présentant un risque plus élevé, une faible motivation et un faible potentiel de réintégration, malgré des taux de récidive et de révocation globalement plus faibles
    • libérés aux deux tiers (libération d’office) de leur peine (60 %)
  • L’enquête comprend les témoignages de prisonniers noirs relatant leurs expériences de discrimination, de traitement différencié, de stéréotypes, de préjugés raciaux et d’étiquetage. Les personnes noires interrogées dans le cadre de cette enquête ont systématiquement signalé l’utilisation d’un langage désobligeant ou raciste par le personnel du SCC, ainsi que le fait d’être ignorées ou méprisées d’une manière qui accroît les sentiments de marginalisation, d’exclusion et d’isolement. Ils ont également souligné l’inégalité de traitement dans l’accès aux soins de santé, aux articles de soins personnels, à un emploi intéressant et aux options de libération anticipée dans la communauté.
  • De nombreuses personnes noires ont déclaré avoir été étiquetées ou traitées comme des membres de gangs par le personnel du SCC, même si elles n’ont pas d’affiliation officielle ou active à un groupe menaçant la sécurité. Ils ont indiqué que le personnel les qualifiait de membres de gangs sur la base de divers facteurs, notamment le quartier où ils ont grandi, les personnes qu’ils fréquentaient dans leur quartier, leur présence au sein des groupes de Noirs qui se rassemblent, les vêtements qu’ils portent ou la façon dont ils interagissent avec les autres.
  • La tendance à considérer les comportements, le langage, les interactions ou les antécédents par le biais des gangs est particulièrement préjudiciable, car elle rend difficile le passage à des niveaux de sécurité inférieurs, l’obtention d’un emploi intéressant ou le soutien de l’équipe de gestion des cas assignée. Une fois qu’une personne est affiliée à un gang, il est presque impossible de faire disparaître cette affiliation, car le SCC offre peu de possibilités et de ressources en vue d’une désaffiliation.
  • Au cours des entretiens, les personnes noires ont décrit avoir été ciblées par le personnel et avoir été plus fréquemment soumises à des accusations pour des infractions aux règles de l’établissement. L’enquête a révélé que les personnes noires étaient systématiquement surreprésentées dans les catégories d’accusations qui sont de nature plus discrétionnaire, comme la désobéissance à un ordre ou à une règle, le manque de respect envers un membre du personnel ou la mise en danger de la sûreté ou de la sécurité de l’institution. À l’inverse, les détenus noirs se sont révélés sous-représentés dans les chefs d’accusation nécessitant des preuves plus concrètes, comme l’endommagement ou la destruction de la propriété, la possession d’un objet non autorisé ou des résultats positifs à un test d’urine.
  • Comme en 2013, l’enquête a révélé que le soutien actif de la communauté aux prisonniers noirs était faible, voire inexistant; les groupes communautaires extérieurs ont souvent des difficultés à accéder aux prisons fédérales, la plus part du temps pour des raisons de sécurité. Par conséquent, les prisonniers noirs ont des difficultés à accéder à des services culturellement pertinents et doivent participer à des programmes et interventions correctionnels qui ne tiennent pas nécessairement compte de leurs expériences vécues.
  • L’enquête se conclut par huit recommandations visant à améliorer la vie et les possibilités des prisonniers noirs. Il est essentiel que le SCC travaille en étroite collaboration avec les groupes de la communauté noire, les intervenants et les experts en vue d’élaborer et de mettre en œuvre des changements pour les détenus noirs. Entre autres, l’enquête demande au Service correctionnel du Canada de :
    1. Mener une étude comparative, afin d’examiner le temps cumulé passé par les personnes noires avant leur reclassification et leur passage à des niveaux de sécurité inférieurs.
    2. Procéder à un examen systémique de l’utilisation des critères de classification des individus au sein des groupes menaçant la sécurité.
    3. Améliorer la formation du personnel sur la diversité afin d’inclure une représentation des groupes de la communauté noire et des experts externes.
    4. Élaborer une stratégie nationale qui aborde spécifiquement les expériences vécues et les obstacles uniques auxquels sont confrontés les Noirs purgeant une sentence fédérale.

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Formes restrictives de confinement dans les établissements pénitentiaires fédéraux

Objectif

Cette enquête examine les conditions et les pratiques d’isolement restrictif (définies comme celles qui permettent moins de quatre heures de sortie hors cellule par jour) dans les établissements à sécurité maximale pour hommes depuis l’abolition de la ségrégation administrative (isolement cellulaire) en 2019.

Constatations

  • L’enquête a révélé que le cadre législatif des unités d’intervention structurées (UIS), qui a remplacé l’ancien régime d’isolement administratif, n’a pas empêché la création, l’utilisation ou le prolongement de conditions proches de l’isolement. L’enquête fait état d’un large éventail de conditions et de pratiques d’isolement restrictives dans lesquelles les détenus passent moins de quatre heures hors de leur cellule, notamment les quartiers d’association volontaire limitée, les quartiers thérapeutiques (dans les établissements à sécurité maximale pour hommes) et les unités sécurisées pour femmes.
  • De nombreux prisonniers interrogés dans le cadre de cette enquête ont déclaré qu’ils choisissaient, comme d’autres, de rester dans leur cellule même lorsqu’on leur proposait de sortir de leur cellule. Ils ont cité de nombreuses raisons pour lesquelles ils choisissent de ne pas profiter du temps hors cellule :
    1. Les activités significatives en dehors de la cellule sont limitées ou peu attrayantes. Pas de programmes, pas de possibilités de travail rémunéré, et l’accès à l’éducation est limité aux études en cellules.
    2. Le temps passé hors de la cellule est limité à la zone située derrière des barrières verrouillées.
    3. Les espaces communs, les espaces de loisirs et les cours sont souvent peu attrayants et austères.
    4. Les repas sont généralement pris dans les cellules ou dans les salles communes.
  • À de nombreuses reprises, les prisonniers ont déclaré qu’ils n’avaient absolument rien à faire. Les emplois étaient rares ou peu attrayants et les programmes de base n’étaient tout simplement pas disponibles en raison du manque de personnel ou des restrictions liées à la COVID-19. Le nombre croissant de sous-populations (différents membres de gangs, incompatibles, détenus « difficiles ») gérées dans les établissements de sécurité maximale conduit aussi, dans bien de cas, à des situations où les détenus sont confinés dans leur cellule ou leur unité pendant de longues périodes.
  • L’enquête rend compte de l’utilisation des unités à association limitée sur une base volontaire (UALV). Ces unités de vie sont destinées aux « détenus qui ne veulent pas s’intégrer dans la population carcérale ordinaire » et qui ne répondent pas aux critères de placement dans les unités d’intervention structurées. Les visites sur place ont permis de constater que les détenus des UALV sont souvent limités en permanence à leur rayon d’action et que les conditions de confinement étaient bien plus restrictives que celles des UIS. L’enquête conclut que les UALV existent en dehors d’un cadre légal et demande au SCC d’élaborer une politique nationale pour l’utilisation des UALV, y compris les motifs de placement hors population générale, ainsi que les droits, libertés et privilèges dont ces prisonniers devraient bénéficier.

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Dix ans depuis Une question de spiritualité : Enjeux autochtones dans les services correctionnels fédéraux (1 re partie)

Objectif et contexte

Il s’agit de la première partie d’une enquête nationale en deux parties, destinée à examiner les progrès réalisés dans le domaine des services correctionnels autochtones dix ans après Une question de spiritualité : Les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , déposée comme rapport spécial au Parlement en mars 2013.

Constatations

  • L’enquête note qu’au cours des années qui ont suivi Une question de spiritualité, un certain nombre de commissions et d’enquêtes nationales, d’études et de rapports de commissions parlementaires se sont penchés sur les besoins et les expériences des personnes autochtones incarcérées. Les appels au changement convergent vers quatre domaines clés :
    1. Accroître le recours aux pavillons de ressourcement en vertu de l’article 81, aux libérations anticipées dans la communauté en vertu de l’article 84 et à une mobilisation auprès des communautés autochtones;
    2. Améliorer la qualité des programmes tenant compte des spécificités culturelles;
    3. Créer des outils de dépistage, d’évaluation des risques et de classification spécifiquement adaptés aux personnes autochtones;
    4. Consolider le leadership, la représentation des employés et la compétence culturelle autochtone de l’ensemble du personnel.
  • Malgré des niveaux accrus d’intérêt public et la surveillance exercée par le parlement, l’enquête a révélé que peu de progrès opportuns ont été réalisés dans les services correctionnels autochtones depuis 2013 dans les domaines clés prévus par la loi:
    • Un seul nouveau pavillon de ressourcement été créé conformément à l’article 81, au cours de la dernière décennie.
    • Toujours aucun pavillon de ressourcement en Ontario et dans les régions de l’Atlantique.
    • Un faible taux d’occupation des installations existantes, ce qui n’est pas conforme à l’article 81.
    • Pas de changement notable dans les taux de libération, ce qui n’est pas conforme à l’article 84 sur la surveillance communautaire.
  • L’enquête note que la surreprésentation des Autochtones dans les établissements pénitentiaires fédéraux s’est accélérée et que les disparités entre Autochtones et non-Autochtones se sont accentuées. Les Autochtones entrent de plus en plus tôt dans le système, passent beaucoup plus de temps derrière les barreaux et retournent dans les établissements pénitentiaires fédéraux à un rythme sans précédent par rapport aux personnes non-Autochtones. Aujourd’hui, les peuples autochtones représentent 32 % des personnes incarcérées au niveau fédéral et les femmes autochtones représentent 50 % de l’ensemble des femmes détenues au niveau fédéral, mais ne comptent que pour 5 % de l’ensemble de la population canadienne.
  • Les Autochtones continuent d’obtenir de moins bons résultats que les non-Autochtones en ce qui concerne toute une série d’indicateurs relatifs aux prisons :
    • Taux plus élevé de détention par rapport à la surveillance dans la collectivité (68,3 % de détention).
    • Plus susceptibles d’être impliqués dans un incident de recours à la force (39 %).
    • Surreprésentés dans les établissements à sécurité maximale (38 %).
    • Surreprésentés dans les placements en unités d’intervention structurées (50 %).
    • Plus susceptibles d’être identifiés comme affiliés à un groupe menaçant la sécurité ou à un gang (22 % contre 9 % pour les non-Autochtones).
    • Plus susceptibles de s’automutiler (55 % de tous les incidents)
    • Plus susceptibles de faire des tentatives de suicide (40 %).
    • Surreprésentés dans les suicides en prison au cours de l’exercice 2020-2021 (83 %).
    • Purgent une plus grande partie de leur peine en étant incarcérés — Libération d’office (78,6 %).
    • Taux de récidive plus élevé (65 %).
    • Taux plus élevé de révocation de la libération conditionnelle (50 %).
  • En ce qui concerne la compétence culturelle et professionnelle au sein du SCC, l’enquête a révélé que :
    1. La représentation des Autochtones au sein du personnel du SCC, en particulier aux postes clés de direction, accuse un retard (10 % du personnel du SCC s’identifie comme autochtone contre 32 % des personnes incarcérées).
    2. Les aînés sont trop peu nombreux et trop dispersés (ratio de 30 personnes autochtones pour un aîné).
    3. Absence d’une stratégie nationale d’engagement communautaire élaborée en collaboration avec les communautés autochtones./li>
  • Au plus haut niveau, le SCC ne semble pas accepter qu’il ait un rôle ou une influence quelconque sur le renversement de la surreprésentation carcérale des Autochtones; la culture organisationnelle ne voit pas comment ses politiques, programmes et pratiques créent ou contribuent à générer des obstacles systémiques et de moins bons résultats correctionnels pour les Autochtones.
  • Par exemple, toutes proportions considérées, peu de nouveaux fonds ont été alloués aux initiatives correctionnelles communautaires contrôlées ou gérées par des Autochtones. Les efforts et les interventions du SCC en matière de services correctionnels pour les Autochtones demeurent principalement axés sur les prisons. Des investissements et des ressources continuent d’être consacrés à des initiatives institutionnelles de longue date, telles que Sentiers autochtones, ou à de nouvelles initiatives, telles que les centres d’intervention autochtones, sans que leur efficacité fasse l’objet d’évaluations externes ou de validation.
  • L’enquête a émis deux recommandations :
    1. Créer un poste de commissaire adjoint aux services correctionnels autochtones — un poste dédié qui sera occupé par une personne autochtone — et que le SCC rende compte publiquement de ses plans et de ses échéances à court terme pour mener à bien cette mesure de dotation.
    2. Le Service correctionnel du Canada et le Bureau de l’enquêteur correctionnel devraient être associés à l’élaboration et à la mise en œuvre de la Stratégie en matière de justice autochtone (SJA), pilotée par le ministère de la Justice du Canada. De plus, la SJA devrait redistribuer une partie importante des ressources du SCC aux communautés autochtones pour la prise en charge, la garde et la supervision des peuples autochtones.

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AUTRES RECOMMANDATIONS

  1. Interdire tout placement à durée illimitée en cellules sèches au-delà de 72 heures.
  2. Mettre à jour la stratégie nationale antidrogue du SCC de 2007, qui continue de promouvoir une approche de tolérance zéro à l’égard des drogues derrière les barreaux.
  3. Donner la priorité à l’examen en cours du processus de classification de sécurité, en particulier en ce qui concerne les femmes autochtones.
  4. Abroger le système discriminatoire de niveau de mouvement pour les femmes dans les établissements de sécurité maximale.
  5. Fournir des options de logement aux femmes hébergées dans les unités de sécurité et travailler à la fermeture éventuelle de ces unités.
  6. Revoir les exigences et les critères d’admissibilité au Programme mère-enfant, en vue d’en accroître l’accès et la participation et d’en supprimer les obstacles, en particulier pour les mères autochtones.
  7. Équiper les véhicules de transport des prisonniers, y compris ceux actuellement en service, de ceintures de sécurité, de poignées et d’autres dispositifs de sécurité et de garde-fou.

Date de modification 
2022-11-01 



 

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Office of the Correctional Investigator - Report