DOCUMENT D'INFORMATION - Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel pour l’année 2024-2025

Body

Résumé des enquêtes systémiques, des conclusions et des recommandations

APERÇU

Le Rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel (BEC) 2024-2025 a été déposé au Parlement le 30 octobre 2025 et comprend les éléments suivants 

  1. Le message de l’enquêteur correctionnel (EC), qui présente un résumé général des conclusions de six enquêtes portant sur des questions systémiques liées à la qualité et à l’accessibilité des soins de santé mentale dans les établissements correctionnels fédéraux. Au-delà des recommandations présentées tout au long du rapport, l’EC formule deux recommandations importantes à l’intention du Service correctionnel du Canada (SCC) et de Sécurité publique Canada, qui concernent plus particulièrement le fonctionnement et la surveillance des centres régionaux de traitement (CRT). Le message souligne également les principales réalisations de l’EC pendant son mandat et annonce son départ à la retraite prochain.
  2. Six enquêtes à l’échelle nationale, notamment 
    1. Les centres régionaux de traitement en crise : l’érosion des soins de santé mentale dans les établissements correctionnels fédéraux;
    2. Les laissés-pour-compte : les personnes purgeant une peine fédérale et souffrant de déficits cognitifs;
    3. Le fardeau de la collectivité : la discontinuité des services de santé mentale après la libération;
    4. Le point sur les marges thérapeutiques et les soins de santé mentale intermédiaires;
    5. Évaluation et prise en charge des traumatismes chez les femmes condamnées par les tribunaux fédéraux;
    6. Besoins et services en matière de santé mentale pour les Autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux.
  3. Au total, 425 entrevues ont été menées auprès de personnes condamnées par les tribunaux fédéraux, ce qui fait de cette enquête, la plus complète jamais réalisée par le Bureau dans les établissements correctionnels fédéraux. À la suite de ces enquêtes, 21 recommandations ont été formulées : 19 à l’intention du Service correctionnel du Canada et deux à l’intention du ministre de la Sécurité publique. Les réponses correspondantes à chaque recommandation sont intégrées dans le rapport.
  4. Perspectives de l’enquêteur correctionnel pour 2025-2026 pour les établissements correctionnels fédéraux.
  5. Annexes statistiques.

ENQUÊTES SYSTÉMIQUES NATIONALES

Centres régionaux de traitement en crise : l’érosion des soins de santé mentale dans les établissements correctionnels fédéraux

Objectif

Procéder à un examen approfondi des CRT du SCC, notamment, mais sans s’y limiter, la structure de gouvernance, la sélection et la formation du personnel, la dynamique entre la sécurité et les soins de santé, la qualité des soins de santé mentale, l’infrastructure, les défis du modèle « hybride », les décès en détention et les comités d’enquête nationale connexes, ainsi que des exemples de pratiques prometteuses.

Constatations

  • Le caractère obsolète et inadapté des infrastructures pour un hôpital psychiatrique et thérapeutique.
  • La transformation des centres de détention en centres de rétention pour un nombre croissant de personnes âgées et infirmes derrière les barreaux.
  • La priorité accordée aux mesures de sécurité au détriment des soins de santé physique et mentale.
  • Le recours excessif à la force contre les patients, y compris l'utilisation préoccupante de vaporisateur d’OC (oléorésine de capsicum) pour interrompre les automutilations.
  • La faiblesse de la structure de gouvernance et l'absence de politique nationale entraînant la confusion des rôles et compromettant la prise de décision clinique par les professionnels de la santé mentale.
  • Le recrutement, la sélection et la formation insuffisants du personnel, qui manque de spécialisation dans le domaine de la santé mentale.
  • La « stabilisation » des symptômes comportementaux de santé mentale semble être l'objectif primordial des RTC colocalisées.
  • D'après un examen des comités d'examen national, le SCC n'a systématiquement pas tiré les leçons de nombreux incidents graves et décès, ni pris de mesures pour les prévenir.
  • L'absence notable de défenseurs des droits des patients dans les CRT porte atteinte aux droits et aux besoins des patients.

Recommendations

Le BEC recommande que 

  1. Les CRT du SCC soient redéfinis et officiellement reconnus comme des établissements de soins de santé mentale intermédiaires, avec une capacité limitée en tant que gestionnaire de cas psychiatriques d’urgence. Les personnes diagnostiquées comme souffrant d'une maladie mentale grave devraient être transférées vers des hôpitaux psychiatriques communautaires mieux adaptés à leurs besoins.
  2. Le gouvernement du Canada/ministre de la Sécurité publique reconsidère son récent investissement de 1,3 milliard de dollars dans un établissement de remplacement pour le CRT Atlantique. Les efforts et le financement devraient plutôt être réorientés vers la facilitation du transfert des personnes atteintes de maladies mentales graves vers les hôpitaux psychiatriques provinciaux. Cela comprend le soutien à la création ou à l’augmentation du nombre de lits dans les provinces confrontées à des contraintes de capacité.

Une fois que les CRT auront été reclassés en établissements de soins de santé mentale intermédiaires, le BEC recommande que 

  1. Le SCC collabore avec des professionnels de la santé mentale afin de déterminer comment l’infrastructure actuelle des CRT pourrait être considérablement améliorée afin de devenir plus thérapeutique
  2. Le ministre de la Sécurité publique examine et évalue les options de libération pour les patients âgés et de longue date qui ne présentent pas de risque excessif pour la sécurité publique et propose des modifications législatives à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en conséquence.
  3. Le SCC élabore une politique spécifique à la gouvernance et au fonctionnement des CRT, en consultation avec des professionnels de la santé mentale externes expérimentés.
  4. Le SCC examine la mise en œuvre du modèle d’engagement et d’intervention et mette fin à l’utilisation de sprays irritants comme première réponse aux incidents d’automutilation, au profit de réponses et de techniques axées sur les soins de santé, la désescalade et la thérapie.
  5. Le SCC élabore un modèle de gouvernance pour les CRT qui comprend une structure autonome de rapport et de gouvernance afin que toutes les questions liées à la santé soient décidées par des cliniciens, et non par les directeurs ou le personnel opérationnel.
  6. Le SCC élabore des formations, des programmes d’intégration, des politiques, des procédures et des directives spécifiques à la fonction et à l’objectif des CRT et au bien-être des patients.
  7. Le SCC élabore un mandat et un énoncé de mission spécifiques qui reflètent l’objectif, les buts et la méthodologie autour desquels le personnel de toutes les disciplines peut unir ses efforts pour atteindre un objectif commun.
  8. Le SCC élabore des pratiques visant à garantir que le processus de comité d’enquête national établit un équilibre entre l’examen des questions liées à la conformité et les questions relatives à la qualité, à la nature et à la fréquence des interventions fournies aux personnes ayant des problèmes de santé mentale afin de prévenir d’autres décès et blessures graves.
  9. Le SCC introduit immédiatement, au minimum, un défenseur des patients dans chaque CRT afin de soutenir les soins centrés sur le patient et de fournir une défense indépendante aux patients dans leur navigation au sein du système médical dans un contexte correctionnel.

Les laissés-pour-compte : les personnes purgeant une peine fédérale et souffrant de déficits cognitifs

Objectif

Examiner l'approche du SCC visant à recenser, soutenir et adapter les services et les interventions destinés aux personnes présentant des déficits cognitifs (en mettant l'accent sur les troubles du développement intellectuel, les troubles causés par l'alcoolisation fœtale, les troubles du spectre autistique et les traumatismes crâniens).

Constatations

  • Les politiques obsolètes, vagues, générales et succinctes fournissent peu d’indications au personnel.
  • De plus en plus d’éléments suggèrent que la prévalence des déficits cognitifs est sous-estimée et que ces personnes sont surreprésentées dans les établissements correctionnels.
  • Les personnes souffrant de déficits cognitifs sont confrontées à de multiples défis : stigmatisation, risque accru de victimisation, intimidation et difficultés à s’adapter à l’environnement institutionnel.
  • Des outils de dépistage et d'évaluation inefficaces et incohérents mènent à la négligence de certaines personnes.
  • Le SCC ne dispose pas d’une approche systématique et efficace pour répondre aux divers besoins des personnes ayant des déficits cognitifs en matière de programmation, d’éducation et de formation professionnelle.
  • Une formation inadéquate du personnel et des ressources insuffisantes compromettent la qualité des soins.

Recommendations

En partenariat avec des organismes communautaires externes spécialisés dans les déficits cognitifs, le BEC recommande ce qui suit au SCC 

  1. Réviser et mettre à jour la ligne directrice 800-10 : Déficience intellectuelle et lignes directrices en matière de santé mentale afin de fournir une politique et des lignes directrices plus complètes pour la gestion et la supervision des personnes atteintes de déficits cognitifs d’ici la fin de l’exercice 2025-2026.
  2. Définir et mettre en œuvre une approche cohérente, complète, rapide et normalisée pour le dépistage et l'évaluation des personnes présentant des déficits cognitifs.
  3. Veiller à ce que des programmes correctionnels adaptés soient disponibles dans tous les établissements, que les animateurs soient correctement formés et que les critères d’admission soient élargis afin d’améliorer l’accès à ces programmes.
  4. Mettre en œuvre d’ici 2026-2027 une nouvelle formation obligatoire sur le travail avec les personnes présentant des déficits cognitifs dans un environnement correctionnel pour tout le personnel, y compris du matériel plus complet pour la formation des agents correctionnels.

Le fardeau de la collectivité : la discontinuité des services de santé mentale après la libération

Objectif

Examiner la continuité des services de santé mentale pour les personnes condamnées par les tribunaux fédéraux qui, selon l’évaluation du SCC, ont des besoins importants en matière de santé mentale et nécessitent un soutien supplémentaire à leur libération dans la communauté.

Constatations

  • On constate une diminution progressive du financement et une érosion générale des services de santé mentale communautaires du SCC.
  • Il existe un décalage évident entre la politique et les réalités auxquelles sont confrontés les membres du personnel communautaire.
  • Un outil d’évaluation de la santé mentale défaillant exclut de nombreuses personnes qui ont besoin d’un soutien communautaire.
  • Le manque d’engagement et de partage d’informations entre les établissements et la communauté entrave la planification efficace de la libération et la continuité des soins pour les délinquants.
  • Les personnes libérées se heurtent à des obstacles importants pour accéder aux services de santé mentale en raison de l’interruption brutale des soins fournis par le SCC et de l’absence de pièce d’identité.
  • Les obstacles importants à l’accès au logement créent des difficultés supplémentaires pour les personnes de la communauté qui ont des besoins en matière de santé mentale.

Recommendations

Le BEC recommande ce qui suit au SCC 

  1. Doubler le budget alloué aux établissements résidentiels communautaires, aux centres correctionnels communautaires (CCC) et aux services communautaires de santé mentale au cours des cinq prochains exercices afin de répondre à l’évolution du profil de santé mentale des libérés conditionnels; rémunérer de manière appropriée les partenaires externes et les prestataires de services; et veiller à ce que les services communautaires de santé mentale et de transition disposent de ressources suffisantes.
  2. Mettre en œuvre des changements dans la planification des congés et la santé mentale communautaire d’ici la fin de l’exercice 2025-2026, notamment les suivants : 

    • Mettre à jour et rationaliser les politiques et les outils nationaux;
    • Mettre en œuvre un outil d’évaluation des besoins en matière de santé mentale qui permette de planifier la réintégration;
    • Améliorer la formation, l’éducation et les politiques en matière de partage d’informations;
    • Veiller au respect des politiques relatives à la libération des personnes munies d’une pièce d’identité délivrée par le gouvernement;
    • Supprimer les obstacles à l’accès aux soins de santé et de santé mentale financés par le gouvernement à la libération en mettant l’accent sur l’amélioration de la collaboration avec les autorités sanitaires provinciales et territoriales ainsi qu’avec les partenaires communautaires.

Le point sur les marges thérapeutiques et les soins de santé mentale intermédiaires

Objectif

Effectuer un examen de suivi des marges thérapeutiques et étudier plus largement les soins de santé mentale intermédiaires (SSMI).

Constatations

Les conclusions concordaient avec les préoccupations soulevées dans le rapport du groupe de travail du SCC sur les SSMI (2023).

  • Cinq ans plus tard, les progrès globaux en matière de marges thérapeutiques, qui n’existent que de nom, restent stagnants.
  • L’absence d’approche normalisée entraîne des soins incohérents et des demandes et ressources concurrentes.
  • Des infrastructures inadéquates, notamment des lacunes dans l’apparence et l’ambiance des unités, nuisent à l’environnement thérapeutique et les rendent impossibles à distinguer des autres zones de la prison.
  • Le manque de sécurité dynamique et de personnel qualifié compromet la qualité des soins.
  • La discontinuité des soins de santé mentale lors des transitions entre les SSMI et la population générale ou la communauté entraîne un effet de « porte tournante », les personnes revenant en raison d’un manque de soutien adéquat.

Recommendations

Le BEC recommande au SCC de 

  1. Répondre immédiatement à la recommandation et aux questions soulevées précédemment par le BEC concernant les marges thérapeutiques et la prestation des SSMI.
  2. Répondre immédiatement et donner suite à chacune des 38 recommandations énoncées dans le rapport du groupe de travail sur les SSMI intitulé « Examen des services de santé mentale intermédiaires dans les établissements traditionnels du Service correctionnel du Canada et recommandations connexes » (11 janvier 2023).

Évaluation et prise en charge des traumatismes chez les femmes purgeant une peine fédérale

Objectif

Explorer la manière dont les traumatismes sont évalués et traités dans le système correctionnel fédéral, et déterminer si les approches actuelles tiennent compte des différences entre les sexes, sont adaptées à la culture et tiennent compte des traumatismes.

Constatations

  • L’environnement carcéral comme source de traumatisme – l’incarcération et les pratiques institutionnelles (p. ex. fouilles à nu, confinements, récits d’histoires personnelles) traumatisent souvent à nouveau les femmes.
  • Sans outils d’évaluation et de dépistage des traumatismes adéquats, le SCC n’est pas suffisamment préparé pour travailler efficacement et en toute sécurité avec les femmes sur les causes profondes des traumatismes.
  • La formation insuffisante du personnel en matière de traumatismes et d’approches tenant compte des traumatismes compromet la qualité des soins.
  • Le manque de services psychologiques spécialisés, la priorité accordée aux besoins urgents et le recours excessif à du personnel non formé aux interventions en matière de traumatismes font que de nombreuses femmes ne bénéficient pas de soins appropriés en prison.
  • Il est nécessaire de mettre en place des interventions spécifiques aux traumatismes pour les femmes autochtones.

Recommendation

Le BEC recommande au SCC de 

  1. Collaborer étroitement avec un organisme externe spécialisé en santé mentale afin d’élaborer et de mettre en œuvre, d’ici juin 2026, une stratégie globale fondée sur des données probantes pour la prestation de services tenant compte des traumatismes et de traitements spécifiques aux traumatismes pour les femmes purgeant une peine fédérale.

La nouvelle stratégie devrait être pleinement mise en œuvre d’ici juin 2026. Le nouveau modèle devrait ensuite être évalué par le SCC, et une approche similaire devrait être étendue aux établissements pour hommes à l’échelle nationale.


Besoins et services en matière de santé mentale pour les Autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux

Objectif

Examen des besoins en matière de santé mentale, des approches actuelles en matière de services offerts, ainsi que des lacunes et des obstacles à la prise en charge de la santé mentale des détenus autochtones.

Constatations

  • La discrimination et les préjugés inconscients dans les soins de santé mentale créent des défis particuliers pour les détenus autochtones.
  • Les services de santé mentale adaptés à la culture et aux traumatismes des Autochtones sont insuffisants et difficilement accessibles.
  • La continuité des soins de santé mentale pour les peuples autochtones après leur libération dans la communauté est médiocre.
  • La décolonisation des soins de santé mentale dans le système pénitentiaire est nécessaire pour parvenir à l’équité pour les Autochtones purgeant des peines fédérales

Recommendation

Le BEC recommande au SCC de 

  1. Réaffecter et augmenter les ressources afin de financer la création de nouveaux centres de guérison au titre de l'article 81 et d'augmenter le financement des centres de guérison existants au titre de l'article 81 au cours de l'exercice 2025-2026, afin de fournir des services holistiques de santé mentale et de bien-être dirigés par les Autochtones qui répondent mieux aux besoins des Autochtones souffrant de troubles mentaux, d'une manière qui tienne compte de la culture et des traumatismes subis, et qui soit exempte de discrimination et de préjugés inconscients.

Le Rapport annuel 2024-2025 et un dossier d'information complet sont disponibles à www.oci-bec.gc.ca.

Banner Image
Office of the Correctional Investigator - Report