Rapport annuel: 2006-2007

PDF Copy

Body

L’honorable Stockwell Day, c.p., depute  
Ministre de la Securite publique  
Chambre des communes  
Ottawa (Ontario)  
K1A 0A6

Monsieur le Ministre,

Conformement aux dispositions de I’article 192 de la Loi sur le systeme correctionnel et la mise en liberte sous condition, j’ai le devoir et I’honneur de vous soumettre le trente quatrieme rapport annuel de I’enqueteur correctionnel.

Veuillez agreer, Monsieur le Ministre, I’expression de mes sentiments distingues.

L’enqueteur correctionnel  
Howard Sapers

MESSAGE DE L’ENQUÊTEUR CORRECTIONNEL

Des bureaux d’ombudsman, comme le Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC), ont été établis au Canada et à l’étranger parce qu’on reconnaît de plus en plus la nécessité de protéger les droits individuels et de renforcer l’obligation de rendre compte des institutions publiques. Les bureaux d’ombudsman sont aujourd’hui considérés comme des instruments utiles et agissants qui aident les citoyens à assurer un traitement équitable de la part de leurs gouvernements. À l’instar d’autres bureaux d’ombudsman, le BEC exerce son influence sans posséder de réels pouvoirs. Aussi ne pouvons-nous pas obliger le Service correctionnel du Canada (SCC) à se conformer à nos recommandations. Toutefois, en tant qu’organisation démocratique créée par le Parlement, le BEC est en bonne posture pour procéder à des examens minutieux et objectifs, pour ensuite amener le SCC à revenir sur des décisions qui ne respectent pas la loi et les politiques de l’organisation, ou encore qui soulèvent des questions d’équité.

Le maintien, dans le contexte correctionnel, d’un recours efficace et extérieur au SCC est crucial. En effet, de par leur nature, les prisons sont des lieux fermés, souvent à l’abri du regard du public, où un groupe exerce un pouvoir considérable sur un autre. Et quelle que soit la qualité de la gestion qui se fait dans ces établissements, les risques d’abus de pouvoir sont toujours présents. C’est pourquoi les gouvernements ont instauré des mécanismes de surveillance indépendants, de façon à ce que tous les citoyens soient traités avec dignité et équité, dans le respect de la primauté du droit.

Pour optimiser la force agissante de ces mécanismes, la surveillance effectuée par les bureaux d’ombudsman exige que ces bureaux et les organisations dont ils sont chargés d’assurer le suivi aient une compréhension et un respect mutuels de leurs rôles et de leurs responsabilités, et qu’ils adoptent une approche constructive réciproque. Le BEC et le SCC ont, de façon générale, réussi à forger pareille relation, et je suis convaincu de la volonté qu’a le SCC de remédier aux problèmes relevés. En effet, grâce à une étroite collaboration avec le SCC, les membres de mon personnel sont parvenus de nouveau à traiter plus de 7 500 demandes et plaintes formulées par des délinquants individuels au cours de la dernière année. N’eût été de cette volonté du SCC d’appuyer mon personnel aux fins du traitement et du règlement de toutes ces questions, le BEC n’aurait pas été à même de remplir son important mandat de sécurité publique.

La charge de travail du BEC tend à s’alourdir depuis quelques années. Il est devenu plus difficile de s’occuper de bon nombre des plaintes déposées, notamment en raison du fait qu’il y a dans les pénitenciers du Canada davantage de délinquants sous responsabilité fédérale aux prises avec de graves problèmes de santé mentale. En outre, comme les questions touchant les politiques et les lois sont de plus en plus complexes, il faut multiplier les heures et les efforts investis pour examiner les plaintes dans le détail. Et encore cette année, les pressions de la charge de travail ont constitué un défi de taille pour notre capacité d’accomplir adéquatement le mandat qui nous est confié par la loi. À cet égard, nous continuerons de nous employer à obtenir des ressources additionnelles afin que le BEC vienne à bout de ces pressions.

J’aimerais d’ailleurs profiter de l’occasion qui m’est donnée pour exprimer toute ma gratitude et mon admiration pour le travail fait par les membres de mon personnel encore cette année, cette période s’étant révélée particulièrement éprouvante pour mon équipe. En novembre 2006, après des travaux de vérification qui se sont finalement échelonnés sur plus de deux ans et demi, la vérificatrice générale du Canada (Rapport de la vérificatrice générale du Canada, chapitre 11) a mis au jour des irrégularités commises par un ancien enquêteur correctionnel. La vérification portait sur la période commençant au début de l’exercice 1998-1999 et se terminant à la fin de l’exercice 2003-2004, et dans le rapport, on soulevait également des préoccupations concernant la gouvernance, la gestion financière et l’application des politiques en matière de ressources humaines. Le BEC a agi promptement et de manière décisive afin de donner suite aux préoccupations exprimées, une tâche qui exigeait notamment que nous entreprenions les mesures recommandées dans le rapport de vérification. Ce travail, aussi indispensable soit-il, a nécessité que bon nombre de mes employés et moi- même nous consacrions à autre chose qu’aux fonctions liées à notre mandat, c’est-à-dire l’examen et le traitement des plaintes déposées par les délinquants. Or, une fois de plus, le BEC a été à la hauteur, et son effectif a su faire preuve d’énormément de professionnalisme et d’enthousiasme. Pour cela, de même que pour le dévouement, le travail acharné et la contribution ô combien précieuse de mes employés, je ne saurai jamais assez les remercier.

Le prochain exercice s’annonce tout aussi exigeant pour le BEC puisqu’il y a fort à parier que la charge de travail continuera de s’alourdir. Par ailleurs, nous sommes conscients des difficultés considérables avec lesquelles le SCC est, lui aussi, aux prises pour ce qui est de l’accomplissement de son propre mandat et du maintien de sa contribution à la sécurité publique, ces difficultés étant en partie attribuables à l’évolution du profil des délinquants et aux coûts à la hausse. Comme on l’indique dans le Rapport sur les plans et les priorités du SCC pour 2006-2007, 90 % des dépenses du SCC sont de nature non discrétionnaire, comme les salaires, les services, les services alimentaires, les services de santé et l’entretien des installations qui prennent de l’âge. Ces coûts sont notamment déterminés par des facteurs qui échappent au contrôle du SCC.

Par conséquent, le SCC a de moins en moins de flexibilité pour accroître sa capacité d’accomplir le mandat qui lui est dicté par la loi, et particulièrement pour assurer la prestation de services et de soutien favorisant la réinsertion sociale. Le BEC estime, pour sa part, que cette austérité budgétaire entraîne à présent des résultats prévisibles : le SCC a besoin d’un nouveau financement permanent d’importance s’il veut être en mesure d’assumer l’ensemble de ses responsabilités en matière de sécurité publique. Il ne fait aucun doute qu’il faut remédier rapidement à toutes les lacunes considérables relevées dans les ressources du SCC de façon à mettre en œuvre les opérations correctionnelles qui permettront d’assurer la sécurité dans nos établissements et au sein de nos collectivités.

Dans le budget fédéral annoncé en mars 2007, le gouvernement fédéral a reconnu la nature critique de la situation et a alloué de nouveaux fonds pour atténuer temporairement les pressions financières que subissait le SCC. Le ministre a également établi le Comité d’examen du Service correctionnel du Canada afin qu’on se penche sur la capacité qu’a le SCC de remplir son mandat de sécurité publique. J’espère sincèrement que le Comité d’examen formulera des recommandations qui contribueront à remédier à ces problèmes de ressources et qui permettront au SCC de venir à bout des obstacles à la sécurité publique qui sont signalés dans le présent rapport. Il est clair qu’on ne peut plus s’attendre à ce que le SCC en fasse davantage avec moins de ressources.

Dans ses deux derniers Rapports sur les plans et les priorités (2006-2007 et 2007-2008), le SCC a énoncé les cinq priorités essentielles suivantes pour orienter ses efforts de façon à obtenir les meilleurs résultats correctionnels possibles :

  1. la transition en toute sécurité des délinquants dans la collectivité;
  2. la sécurité accrue du personnel et des délinquants dans nos établissements;
  3. la capacité accrue d’intervenir efficacement auprès des délinquants issus des Premières nations et des délinquants métis et inuits;
  4. la capacité accrue de répondre aux besoins en santé mentale des délinquants;
  5. le renforcement des pratiques de gestion.

Cette année, le Rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel est donc axé sur les préoccupations de délinquants qui ont trait aux cinq priorités du SCC. Le BEC estime, lui aussi, que de prendre des mesures en vue de la concrétisation de ces priorités contribuera grandement à améliorer la situation pour les délinquants. Le Rapport annuel de l’an dernier précisait d’ailleurs les objectifs correctionnels que le SCC devait, à mon sens, s’employer à atteindre. Or, les mesures prises par le SCC pour donner suite à ce rapport et le rendement subséquent de l’organisation en vue de l’amélioration des résultats correctionnels se sont avérés plutôt limités. De plus, le SCC a largement modifié son approche l’an dernier, préférant ne pas s’engager fermement à régler les questions préoccupantes soulevées dans notre rapport. Il est à souhaiter, cette année, que le SCC fera preuve de bonne volonté en s’occupant des problèmes sur lesquels portent mes recommandations. À cet égard, le BEC est résolu à poursuivre un dialogue constructif avec le SCC et à s’efforcer de résoudre les nombreuses questions relatives aux délinquants qui se révèlent des sources de préoccupation depuis fort longtemps.

Somme toute, les cinq priorités essentielles du SCC constituent le reflet des exigences de la loi. Quelles que soient les raisons à l’origine des défis faisant obstacle aux efforts déployés par le SCC en vue de satisfaire à ces exigences, les Canadiens – y compris les parlementaires – s’attendent à ce que le SCC soit en mesure de remplir son mandat. Et si tel n’est pas le cas, c’est la sécurité publique qui peut s’en trouver compromise. C’est pourquoi, dans le présent Rapport annuel, je concentrerai mon attention sur les points de préoccupation touchant les délinquants en me penchant tout d’abord sur les problèmes majeurs qui mettent une entrave à la sécurité publique. Je formulerai ensuite des recommandations concernant les cinq priorités essentielles du SCC.

Howard Sapers  
Enquêteur correctionnel

DOUZE OBSTACLES FONDAMENTAUX À LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

Au fil des ans, le BEC a relevé beaucoup d’écueils qui nuisent à la capacité du SCC d’optimiser son incidence favorable sur la sécurité publique. Nous reconnaissons que certains des 12 obstacles à la sécurité publique qui sont signalés ci-dessous découlent de l’évolution du profil de la population des délinquants ainsi que du manque de ressources. D’autres, cependant, pourraient être surmontés au moyen des ressources existantes. Ces 12 obstacles sont liés aux exigences imposées à l’organisation par la loi, et le fait de ne pas s’employer à y remédier risque de plus en plus d’entraîner des conséquences néfastes pour la sécurité publique.

1. Mise en œuvre intégrale de la Stratégie en matière de santé mentale du SCC

Le BEC a déjà donné son aval à la Stratégie en matière de santé mentale qui avait été approuvée par le Comité de direction du SCC en juillet 2004. Le SCC avait alors reconnu qu’il devait renforcer sa capacité en matière de soins de santé mentale afin de remédier aux lacunes suivantes relevées dans ses services :

  • dépistage précoce des troubles mentaux et évaluation à l’admission;
  • prestation d’un ensemble complet et coordonné de soins primaires en santé mentale;
  • prestation de soins intermédiaires aux délinquants qui souffrent de troubles mentaux;
  • établissement de centres de traitement offrant des soins actifs;
  • appui soutenu en matière de santé mentale pour les délinquants mis en liberté sous condition (soins dans la collectivité).

Nous accroîtrons la sécurité publique si nous veillons à ce que les délinquants aux prises avec des problèmes de santé mentale reçoivent des soins adéquats en cette matière pendant leur incarcération, avant qu’ils ne soient mis en liberté au sein de la collectivité. Nous estimons, en outre, que des ressources permanentes doivent être affectées à la mise en œuvre de l’ensemble de cette stratégie pour que cette importante priorité se concrétise dans son intégralité. Le BEC note que des fonds ont été attribués à cette fin dans le plus récent budget et espère que le comité créé par le gouvernement pour examiner les opérations du SCC se penchera aussi sur cette question.

2. Mise en œuvre intégrale de la Stratégie nationale du SCC concernant les Autochtones

L’écart constaté entre les résultats correctionnels obtenus pour les délinquants autochtones et les autres délinquants paraît se creuser. C’est pourquoi il importe d’agir dès maintenant en prenant les mesures qui s’imposent, en faisant preuve de leadership et en affectant les ressources nécessaires aux fins de la mise en œuvre d’une stratégie globale à l’intention des Autochtones, laquelle permettra de renverser les inquiétantes tendances mises en lumière dans des rapports annuels antérieurs du BEC. Le SCC doit donc continuer de déployer des efforts dans le but de renforcer sa capacité en vue de conclure davantage d’ententes avec des collectivités autochtones en vertu des articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition [1.Les articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition favorisent la participation directe des collectivités autochtones au soutien de la mise en liberté sous condition des délinquants.]. Selon nous, des ressources particulières et une nouvelle gouvernance – ce qui comprend la réinstauration du Comité consultatif autochtone national, comme le veut l’article 82 de la Loi – s’imposent de manière urgente pour qu’on arrive à s’occuper de cette priorité primordiale.

3. Formation du personnel

Une formation insuffisante peut certainement constituer un obstacle de taille pour la sécurité publique. Dans bien des enquêtes menées par le SCC relativement à des incidents, on a d’ailleurs souligné les lacunes en cette matière comme représentant un enjeu important, voire essentiel. Les organisations qui n’investissent pas dans l’apprentissage continu et la formation de leurs employés assistent souvent à une régression ainsi qu’à une baisse dans le moral des troupes. Nous savons que de nombreuses séances de formation ont été annulées ou reportées au cours de la dernière année pour cause de restrictions budgétaires. Cela nous paraît toutefois regrettable puisqu’il y a plusieurs aspects pour lesquels la formation s’avérerait fort utile pour aider le SCC à mieux remplir son mandat de sécurité publique.

  • Recours à la force : La formation a trop souvent été celle qui écopait des restrictions budgétaires. Dans ce contexte, les programmes de formation obligatoires, comme la certification pour le maniement des armes à feu, sont habituellement les seuls à être dispensés. Or, la Direction de la sécurité du SCC a insisté sur la nécessité d’offrir immédiatement et de façon continue une formation sur le recours à la force allant au-delà d’une simple formation en vue du port d’armes.
  • Compétences culturelles : La formation et les autres initiatives ayant trait aux compétences culturelles, notamment la sensibilisation à la diversité ethnoculturelle, sont limitées et fragmentées.
  • Santé mentale : Il y a urgence d’agir en cette matière. Tous les intervenants de première ligne devraient être formés afin de pouvoir intervenir adéquatement auprès des délinquants qui ont des problèmes de santé mentale.
  • Délinquantes : Tous les intervenants de première ligne affectés aux établissements pour femmes devraient suivre chaque année une formation de mise à jour de leurs connaissances en ce qui concerne les approches axées sur les femmes, comme le recommandait la Commission canadienne des droits de la personne. On devrait, en outre, offrir de la formation axée sur les femmes à tous les agents de libération conditionnelle dans la collectivité qui sont chargés de la surveillance des délinquantes mises en liberté sous condition.
  • Isolement préventif : La prestation d’une formation de mise à jour sur cet important secteur des services correctionnels, où il est courant de constater un grand roulement de personnel, favoriserait une conformité accrue avec la loi et les politiques, de même que la prise de décisions équitables.
  • Suicide : La formation en prévention du suicide devrait faire partie intégrante de la formation permanente offerte à tous les employés de première ligne du SCC qui travaillent en établissement et dans la collectivité, et le personnel devrait observer rigoureusement les politiques en vigueur.

4. Capacité en matière de programmes et accès aux programmes en temps opportun

La capacité restreinte en matière de programmes joue sur la capacité qu’ont les délinquants de mettre en pratique leur plan correctionnel, ce qui a pour effet de retarder le moment où ils peuvent retourner au sein de la société en toute sécurité. Une mise en liberté effectuée graduellement et en temps opportun permet d’accorder aux délinquants de plus longues périodes sous surveillance dans la collectivité, avenue qui a été prouvée comme la façon la plus efficace d’assurer la réinsertion sociale des délinquants en toute sécurité. Or, nous avons repéré les entraves suivantes à la réinsertion sociale – pour bon nombre desquelles le SCC aura besoin de ressources – dans les domaines de la préparation de cas et de l’accès aux programmes :

  • manque d’occasions d’emploi et de possibilités de perfectionnement, autant dans les pénitenciers qu’à l’extérieur des établissements;
  • longues listes d’attente pour les programmes dans la plupart des régions, faisant en sorte que les programmes sont offerts aux délinquants tard dans leur peine, parfois après leur date d’admissibilité à la libération conditionnelle;
  • renonciations, reports et retraits de demandes d’audiences de la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) à cause de problèmes d’accès aux programmes;
  • pénurie d’intervenants et d’agents de programmes, surtout ceux qui ont les compétences requises pour dispenser les programmes qui s’adressent particulièrement aux Autochtones;
  • accès limité aux programmes offerts dans la collectivité, surtout pour les délinquants autochtones et les délinquantes;
  • absence ou insuffisance de programmes de lutte contre les gangs dans beaucoup d’établissements, ce qui signifie que, par défaut, c’est le recours à l’isolement qui est rapidement en train de devenir la norme à cet égard;
  • retards dans l’évaluation et la mise en œuvre des programmes nationaux pour Autochtones;
  • manque chronique de programmes de base conçus spécialement pour les Autochtones dans les établissements à sécurité maximale, ce qui veut dire que les délinquants autochtones, qui ne peuvent pas mettre en pratique leur plan correctionnel, doivent être transférés à des établissements de niveau de sécurité moindre pour avoir accès aux programmes pour Autochtones.

5. Classement selon le niveau de sécurité et classement à un niveau trop élevé

L’impropriété des outils de classement selon le niveau de sécurité pour les délinquants autochtones et les délinquantes est jugée comme un grave problème depuis plus d’une dizaine d’années. Le SCC a pris certaines mesures positives dans le but d’adapter ses échelles aux délinquantes et s’affaire actuellement à modifier ses échelles en fonction des délinquants autochtones. À notre sens, le SCC continue de classer les Autochtones et les femmes à un niveau de sécurité trop élevé, et nous estimons que l’organisation n’a pas réagi suffisamment rapidement à ce problème capital, comme en témoignent les preuves concrètes qui existent et la recherche effectuée sur le sujet.

6. Normes professionnelles reconnues et accréditation des services de santé

Pendant bien des années, les questions relatives aux soins de santé ont représenté la principale raison ayant motivé les délinquants à déposer des plaintes au BEC ainsi qu’auprès des responsables de la procédure de règlement des griefs au SCC. D’après la loi, le SCC est tenu de fournir les services de santé essentiels à l’ensemble des détenus, en conformité avec les normes professionnelles reconnues.

Pour s’assurer de bien répondre à cette obligation, le SCC s’est engagé à faire accréditer l’ensemble de ses unités de services de santé, de ses hôpitaux régionaux et de ses centres régionaux de traitement. On a donc entamé le processus d’accréditation pour les centres de traitement au milieu des années 1990, mais le processus pour les hôpitaux régionaux et les unités de services de santé n’a commencé qu’en 2001. L’accréditation présuppose un examen minutieux des services et des méthodes de fonctionnement qui ont cours à un endroit donné.

Par ailleurs, le SCC a demandé au Conseil canadien d’agrément des services de santé (CCASS) d’étudier et de l’aider à améliorer la qualité des soins et des services qu’il offre aux détenus. Dans le Rapport annuel de l’an dernier (2005-2006), nous notions que le CCASS n’avait accordé une accréditation complète qu’à trois installations de soins de santé sur les 29 qu’il avait visitées à cette fin (10 %). Cela nous apparaît comme une situation tout à fait inacceptable. Nous incitons donc le SCC à continuer de déployer des efforts afin de préparer toutes les autres installations de soins de santé en vue d’une éventuelle accréditation et à s’employer en priorité à faire accréditer le dernier centre régional de traitement qui n’a pas encore reçu cette approbation.

7. Gestion de la population de délinquants

Après des années à réclamer une réforme en profondeur, nous constatons que le SCC continue de placer des délinquants en isolement préventif et dans d’autres environnements restrictifs puisqu’il s’agit encore de sa principale méthode pour composer avec les différends et les tensions qui surviennent dans l’environnement carcéral. Depuis la dernière décennie, plusieurs rapports établis par le SCC ainsi que par des organisations extérieures au SCC ont dressé le constat de problèmes d’équité et de non-conformité à la loi dans la gestion ou l’administration des placements en isolement. On a recommandé l’arbitrage indépendant dans les cas de placements en isolement comme seule avenue permettant de se conformer à la loi à cet égard. Mais le SCC a toujours rejeté l’arbitrage indépendant et prétend encore qu’en améliorant le processus interne d’examen des cas d’isolement, il parviendrait à des pratiques qui soient équitables et qui respectent la primauté du droit.

Or, au fur et à mesure que le SCC s’emploie à améliorer son processus interne, la situation des délinquants en isolement continue de se dégrader, de plus en plus de détenus étant placés en isolement pendant de longues périodes.

Au fil du temps, le SCC a créé bien des sous-populations de délinquants, notamment en instaurant des unités de transition. Bien que nous appuyions l’utilisation des unités de transition comme une solution de rechange temporaire et moins restrictive que l’isolement préventif, nous remarquons que de nombreux délinquants dans certaines régions du SCC en sont maintenant à purger une portion considérable de leur peine d’emprisonnement dans ces unités. Ainsi, ils ne bénéficient pas de la stratégie proactive en vue de leur retour au sein de la population carcérale générale, ni des examens réguliers qui sont prévus par la loi pour les délinquants en isolement préventif. En fait, passer de longues périodes à l’écart de la population générale et n’avoir qu’un accès limité aux programmes et aux services empêche les délinquants de travailler à leur plan correctionnel et de se trouver des moyens à mettre en œuvre pour effectuer une réinsertion sociale en toute sécurité.

Nous nous inquiétons également de la répartition générale des délinquants dans les établissements du SCC selon leur niveau de sécurité. Bon nombre des établissements à sécurité moyenne sont surpeuplés et voient leurs listes d’attente pour les programmes s’allonger de façon excessive, tandis que certains établissements à sécurité minimale sont loin d’être remplis à capacité. La CNLC, quant à elle, octroie un grand nombre de mises en liberté sous condition à des détenus d’établissements à sécurité moyenne, une réalité qui suscite de multiples questions sur le processus employé par le SCC pour le classement des délinquants selon le niveau de sécurité. Fait intéressant, une bonne proportion des délinquants qui sont incarcérés dans des établissements à sécurité moyenne jusqu’au moment de leur mise en liberté sous condition bénéficient de recommandations favorables de la part de leur agent de libération conditionnelle. De façon plus particulière, nous sommes soucieux des effets qu’ont les pratiques de gestion de la population employées par le SCC sur les délinquants autochtones.

8. Collecte et analyse de données

Une des préoccupations communes à presque toutes les questions systémiques abordées ici est le manque de données fiables et d’activités d’analyse. À plusieurs reprises au fil des ans, nous avons recommandé au SCC d’améliorer sa capacité de collecte et d’analyse de données. En 2005, le SCC nous a avisé qu’il avait formé un comité national spécialisé en communication et en analyse de données qui devait discuter du meilleur moyen de régulièrement produire des rapports éloquents et de qualité. Le SCC nous a aussi informés que son Secteur de l’évaluation du rendement mettrait désormais à profit ses connaissances spécialisées en vue d’assurer la qualité des analyses effectuées. Ces initiatives n’ont toutefois pas encore permis d’obtenir les résultats souhaités, soit des rapports uniformes de grande qualité qui fournissent à la direction l’information nécessaire pour prendre des décisions éclairées et à propos.

Certes, une organisation doit toujours effectuer le suivi de ses progrès pour voir si ses programmes et ses services donnent les effets désirés. Dans le passé, le SCC s’était engagé à amender sa méthode de collecte de données, mais au cours de la dernière année, cet engagement semble s’être essoufflé, si bien que les rapports trimestriels sont aujourd’hui devenus des rapports annuels, les résultats correctionnels essentiels ne sont plus surveillés de près et la qualité des données en général ne s’est pas bonifiée. De plus, nous n’avons rien vu qui puisse témoigner soit d’une collecte de données exactes et uniformes, soit d’une analyse approfondie des aspects clés relativement auxquels on a un urgent besoin d’amélioration, comme la réinsertion sociale des délinquants en temps opportun et en toute sécurité, les blessures et les décès de détenus, le recours à la force, les délinquants autochtones, les minorités visibles et ethniques, les problèmes de santé mentale, les griefs et les délinquants handicapés. Les rapports antérieurs du BEC explorent ces aspects dans le détail.

9. Maladies transmissibles et initiatives de réduction des méfaits

Les détenus sont de 7 à 10 fois plus susceptibles que les membres de la population canadienne générale d’être atteints du VIH et ont 30 fois plus de chances de souffrir de l’hépatite C. Comme la majorité des délinquants retournent tôt ou tard au sein de la société, il est impératif que le SCC prenne toutes les mesures raisonnables pour protéger les détenus des maladies infectieuses auxquelles ils sont exposés, de façon à ce qu’ils ne puissent les retransmettre à leur entourage une fois de retour dans la collectivité.

La propagation des maladies transmissibles par le sang à l’intérieur des pénitenciers est en partie attribuable à la consommation de drogues par voie intraveineuse. La répression des drogues ne peut pas, à elle seule, venir à bout de l’augmentation du taux d’infection parmi la population carcérale. Au cours des neuf dernières années (de 1998-1999 à 2006-2007), le SCC a intensifié ses investissements en temps et en argent dans les efforts visant à empêcher les drogues d’entrer dans ses établissements. Une mesure de la réussite de cette initiative est le pourcentage d’échantillons prélevés pour des analyses d’urine et pour lesquels on a obtenu des résultats positifs, ce qui indique l’usage de drogues. Ces contrôles aléatoires effectués dans les établissements montrent que la consommation de drogues a diminué de moins de 1 % entre les exercices 1998-1999 et 2006- 2007. Effectivement, en 2006-2007, le taux de résultats positifs se chiffrait à 12 % (837 résultats positifs sur  
6 957 analyses d’échantillons d’urine prélevés dans les établissements du SCC), alors que neuf ans plus tôt, le pourcentage s’élevait à 12,8 %.

Il est évident que les moyens mis en œuvre dans le but de réduire la consommation de drogues n’ont eu qu’une incidence limitée. Compte tenu de cette réalité et de la possibilité que des ressources financières additionnelles et des efforts d’interdiction accrus ne permettent d’accomplir que des progrès minimaux, le SCC doit aller au-delà des initiatives de réduction des méfaits qui sont actuellement en place, dont les séances de sensibilisation, le traitement d’entretien à la méthadone, et la distribution de préservatifs et d’eau de Javel.  
L’organisation doit exécuter un ensemble diversifié d’initiatives que d’autres administrations correctionnelles ont mises en œuvre et qui ont permis d’atténuer la transmission des maladies infectieuses sans compromettre la sécurité du personnel, ni celle des délinquants.

10. Leçons retenues et pratiques exemplaires

Toute organisation déterminée à apprendre de ses expériences doit s’établir des processus efficaces permettant de fournir une rétroaction continue à ses cadres supérieurs de manière à réduire le plus possible les erreurs, ainsi qu’à prendre connaissance et à mettre en place des pratiques exemplaires à l’échelle de l’organisation. Cela exige aussi des mécanismes qui favorisent l’entretien de la mémoire collective de l’organisation, quelle que soit l’intensité du roulement du personnel. À cet égard, nous avons observé plusieurs aspects clés qui permettraient au SCC d’améliorer son apprentissage continu.

  • Recours à la force : Certains pénitenciers recourent fréquemment à la force, alors que d’autres semblent parvenir à gérer les délinquants en employant des solutions de rechange moins restrictives. Le SCC devrait se pencher sur ces différences dans le but de rétablir une certaine uniformité des pratiques et d’assurer la conformité des recours à la force avec la loi et les politiques organisationnelles.
  • Blessures et décès de détenus : À la lumière de la grande quantité d’informations tirées des rapports d’enquêtes internes, le SCC devrait se doter d’une procédure rigoureuse visant à faire connaître et à mettre en œuvre les pratiques exemplaires.
  • Délinquants autochtones : On constate une foule d’initiatives, de pratiques et de programmes novateurs au niveau local, mais ces bonnes idées ne sont pas reprises par les établissements des autres niveaux de sécurité, ni par les autres régions. (Les rapports et les recommandations du Comité consultatif des soins de santé du SCC sont d’une excellente qualité. Nous espérons que le Comité consultatif autochtone national, une fois réinstauré, pourra jouer un rôle de leadership similaire en ce qui concerne les enjeux propres aux Autochtones.)
  • Griefs : La procédure interne de règlement des plaintes et des griefs au SCC constitue l’une des meilleures sources d’information et devrait servir à exposer les problèmes systémiques et à s’occuper de ces derniers de manière proactive. Malheureusement, les méthodes utilisées par le SCC pour recueillir et réunir des données à cet égard ne permettent pas de procéder régulièrement à des analyses minutieuses, ni à l’élaboration, la mise en œuvre et la surveillance de stratégies efficientes pour prévenir de futures plaintes.

11. Permissions de sortir sans escorte et placements à l’extérieur

Les permissions de sortir sans escorte et les placements à l’extérieur sont des éléments déterminants du retour graduel et en toute sécurité de bien des délinquants dans la collectivité. Or, au cours des dix dernières années, le SCC, à qui ces formes de mise en liberté sous condition incombent principalement, a considérablement réduit son utilisation des permissions de sortir sans escorte et des placements à l’extérieur, qui affichent pourtant un taux de réussite appréciable. Par ailleurs, le manque de possibilités pour les placements à l’extérieur des délinquantes est particulièrement inquiétant, puisque de tels placements peuvent grandement contribuer à la capacité de tout délinquant d’effectuer une transition réussie vers la collectivité.

12 .Questions relatives aux ressources humaines

Le SCC a établi un plan relatif à ses ressources humaines qui s’avère complet et digne de mention. Pour accroître sa capacité de remplir son mandat, le SCC a déterminé qu’il doit continuer d’augmenter la proportion d’employés autochtones à tous les échelons de l’organisation, allant au-delà des exigences de l’équité en matière d’emploi, en mettant un accent particulier sur les établissements ayant une importante population de délinquants autochtones.

La capacité qu’a le SCC d’accomplir son mandat en ce qui concerne la prestation de soins de santé est en partie tributaire de sa capacité de recruter et de conserver des professionnels de la santé et des intervenants de programmes qui possèdent l’expérience nécessaire. Cependant, le financement à court terme affecté à la Stratégie en matière de santé mentale empêche le SCC de recruter de tels professionnels de la santé.

CINQ PRIORITÉS DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

1. La transition en toute sécurité des délinquants dans la collectivité

Nous savons que la prestation de programmes et de traitements fondés sur des preuves peut considérablement réduire la récidive et nous applaudissons aux efforts déployés par le SCC dans le but d’appuyer de telles approches. En avril 2005, le rapport du SCC intitulé Le retour en toute sécurité des délinquants dans la collectivité dressait un inventaire exhaustif des initiatives de programmes et de traitement ayant notamment trait à l’éducation, l’emploi, la toxicomanie, les compétences psychosociales, le traitement des délinquants sexuels et le traitement des délinquants violents et de la violence familiale, l’ensemble de ces initiatives ayant largement contribué à la baisse de la récidive.

Pendant près de deux décennies, le BEC a exprimé, dans ses rapports annuels, des réserves quant au fait que le SCC soit de moins en moins à même d’effectuer une préparation approfondie des cas des délinquants dans les délais exigés aux fins des examens relatifs à la mise en liberté sous condition. Un nombre significatif de retards découlent d’ailleurs directement de cette incapacité du SCC de procéder aux évaluations et à la prestation des traitements qui s’imposent avant les dates prévues des audiences de libération conditionnelle. Et maintenant que le SCC doit, en plus, composer avec des contraintes financières accrues, la situation est devenue critique. En effet, davantage de délinquants retourneront au sein de la collectivité sans y être véritablement préparés, et ils risquent, en outre, de faire l’objet de périodes de surveillance plus courtes. Pour la grande majorité des délinquants, une réinsertion sociale graduelle, effectuée en temps opportun, où le principal intéressé bénéficie du soutien nécessaire, représente le meilleur moyen d’accroître la sécurité publique.

Pour discuter de certaines des questions liées à la préparation des cas et à l’accès aux programmes dans les délais voulus, on a créé un groupe de travail mixte formé de représentants du SCC, de la CNLC et du BEC. En décembre 2004, le comité a publié son Rapport sur les facteurs causant des retards dans le traitement des demandes présentées à la CNLC, dans lequel on formulait nombre de recommandations visant à faciliter l’exécution dans les meilleurs délais des examens requis aux fins de la mise en liberté sous condition. On recommandait également que les délinquants qui auraient à comparaître devant la Commission puissent bénéficier, dans les délais voulus, de l’aide et des programmes dont ils ont besoin pour effectuer un retour en toute sécurité au sein de la société. Toutefois, jusqu’à présent, on n’a constaté aucune preuve démontrant que les résultats correctionnels se sont améliorés en ce qui concerne les aspects suivants :

  • le nombre de retards dans la comparution de délinquants devant la Commission et les raisons qui justifient ces retards;
  • les listes d’attente pour les programmes, dont il faudrait tenir compte dans les plans correctionnels, de façon à optimiser les chances d’une réinsertion sociale effectuée en temps opportun et en toute sécurité;
  • l’accès en temps opportun aux programmes et aux services qui contribueraient à considérablement réduire le temps passé par les délinquants dans des établissements à sécurité maximale et moyenne;
  • le nombre de délinquants qui font l’objet de permissions de sortir sans escorte et de placements à l’extérieur, une diminution radicale ayant été observée au cours des dix dernières années, malgré le taux de réussite impressionnant de ces privilèges de sortie.

De plus, le SCC n’a qu’une capacité limitée de surveiller et d’analyser les résultats correctionnels relatifs aux aspects susmentionnés et de veiller à ce que ses efforts donnent les effets désirés.

Nous appuyons les efforts faits par le SCC dans le but d’obtenir des ressources qui permettraient d’améliorer l’accès à une gamme complète de programmes et de services efficaces pour les délinquants. Comme le reconnaît lui-même le SCC, les programmes correctionnels permettent « un meilleur contrôle et une plus grande stabilité dans les établissements et la collectivité ».

  1. Je recommande que le SCC obtienne et affecte un financement adéquat pour améliorer sa capacité d’assurer la conduite des évaluations et la prestation des programmes requis avant les dates prévues des audiences de libération conditionnelle des délinquants.
     
  2. Je recommande que le SCC rende prioritaire la préparation des cas dans les meilleurs délais de façon à ce que les délinquants visés puissent comparaître devant la Commission, en conformité avec les politiques. Le rendement dans ce domaine essentiel devrait faire l’objet d’une surveillance étroite ainsi que d’une évaluation continue dans des rapports établis plus régulièrement.

2. La sécurité accrue du personnel et des délinquants dans nos établissements

La sécurité des membres du personnel et des délinquants est primordiale, et le SCC a mis l’accent nécessaire sur ce fait dans ses deux derniers Rapports sur les plans et les priorités. Le SCC a deux rôles fondamentaux : assurer un environnement correctionnel sûr et aider les délinquants à retourner dans la collectivité en toute sécurité. Pour accroître la sécurité, l’organisation doit donc allouer des ressources autant aux mesures de sécurité qu’au soutien donné aux délinquants. Durant les dernières années, la tendance au SCC a été d’investir davantage dans les mesures de sécurité, souvent sans que l’on accorde la même attention aux initiatives de réadaptation. Le défi consiste maintenant à reconnaître qu’au-delà d’une certaine limite, les investissements visant à mettre en place des mesures de sécurité additionnelles ne donnent pas nécessairement d’avantages supplémentaires pour la sécurité du public ou du personnel. Au contraire, créer un environnement plus fortement contrôlé où les délinquants ne bénéficient pas du soutien ou des services adéquats peut en fait nuire à la stabilité des établissements ainsi qu’au potentiel de réinsertion sociale en toute sécurité des délinquants.  

Le degré de violence dans les pénitenciers demeure trop élevé pour être acceptable. Au nombre des responsabilités qui lui sont dictées par la loi, le système correctionnel fédéral a à veiller à ce que les délinquants purgent leur peine dans un environnement sûr. Depuis des années, le BEC se demande dans quelle mesure le SCC fournit un tel environnement. L’expérience révèle que des mécanismes comme l’entretien d’interactions constructives et la mise en place de méthodes alternatives de règlement des différends pourrait réduire la violence en milieu carcéral. De plus, offrir des services de santé mentale additionnels pourrait contribuer tout autant à améliorer la situation. En effet, trop de délinquants vulnérables souffrant de maladies mentales sont la cible des mauvais traitements d’autres délinquants, ou font l’objet d’interventions comportant des recours à la force qui auraient pu être évités, ou encore sont placés en isolement pendant de longues périodes.

Rapport sur les Décès en établissement

Nous nous préoccupons du nombre élevé de décès et de blessures dans les établissements fédéraux. Dans notre dernier Rapport annuel, nous indiquions que le BEC s’inquiétait surtout des constatations et des recommandations semblables qui sont faites d’année en année par les enquêteurs nationaux du SCC, les coroners provinciaux et les médecins légistes, au terme des examens de décès de détenus. Nous nous sommes engagés à effectuer un examen exhaustif des rapports, des observations et des recommandations portant sur ces Décès en établissement ainsi que sur d’autres questions. Puis, nous avons finalement souligné que pour réduire la fréquence des décès, il faudrait procéder promptement à un suivi systématique des mesures correctives à apporter de manière à ce que des mesures préventives soient mises en œuvre.

Dans ce contexte, le BEC a retenu les services d’un professeur chevronné de l’Université d’Ottawa, qui était chargé de se pencher, de façon particulière, sur tous les décès déclarés qui sont attribuables à d’autres causes qu’à des causes naturelles et qui ont eu lieu sur une période de cinq ans dans les établissements correctionnels fédéraux canadiens. Ainsi, il s’agissait de déterminer, en étudiant tous les décès jugés par le SCC comme des homicides, des suicides, des surdoses ou des accidents, quels correctifs on devrait apporter pour accroître la capacité du SCC de prévenir les futures agressions et tentatives d’automutilation et d’intervenir lorsque de tels incidents surviennent.

Dans le cadre de cette étude, on s’est donc penché sur 82 cas de suicide, d’homicide et de mort accidentelle qui sont survenus en établissement entre 2001 et 2005 inclusivement. Le chercheur a également examiné les rapports et les plans d’action des comités d’enquête du SCC, les rapports de coroners, la correspondance entre le SCC et le BEC ainsi qu’entre le SCC et les bureaux des coroners, de même que d’autres documents ayant trait à ces décès. L’étude a permis de faire les constatations suivantes :

  • Constatation no 1 : Les comités d’enquête et les coroners ont à maintes reprises relevé plusieurs problèmes dans un nombre important de Décès en établissement.
  • Constatation no 2 : Rien n’indique, en général, que le Service correctionnel du Canada prévient mieux les Décès en établissement ou intervient mieux dans de tels cas au cours de la période étudiée de cinq ans.
  • Constatation no 3 : Le Service correctionnel du Canada a eu tendance à donner suite aux constatations et aux recommandations des comités d’enquête, mais il lui est arrivé souvent de ne pas approuver les recommandations des coroners ou de ne pas y donner suite.
  • Constatation no 4 : En règle générale, le délai est important entre un Décès en établissement et l’adoption par le Service correctionnel du Canada de mesures en bonne et due forme pour régler les problèmes qui en découlent.
  • Constatation no 5 : Il est probable que certains Décès en établissement auraient pu être évités grâce à de meilleures évaluations du risque, à des mesures de prévention plus vigoureuses et à des interventions plus rapides et efficaces de la part du personnel en établissement.

Le rapport Décès en établissement présente effectivement des constatations troublantes et démontre que le SCC doit accroître sa capacité de donner suite aux observations et aux recommandations touchant les Décès en établissement. Le SCC a négligé d’intégrer les leçons retenues de manière soutenue et de prendre les mesures correctives nécessaires au fil du temps et à l’échelle des régions, et l’on remarque que des erreurs similaires se répètent même si des constatations et des recommandations semblables sont faites de fois en fois. L’étude laisse entendre aussi que le SCC est réfractaire ou néglige de raisonnablement donner suite à une grande partie des constatations et des recommandations de coroners, comparativement à celles formulées par ses propres comités d’enquête. Le rapport arrive enfin à la conclusion que « le Service n’a pas pu appliquer ses propres politiques et pratiques et tout mettre en œuvre pour éviter un décès ».

En 2005, le SCC a lancé trois initiatives dans le but d’améliorer sa capacité d’intervention dans les cas d’incidents graves ou de Décès en établissement : il a instauré des protocoles d’urgence pour l’ensemble du personnel infirmier des unités de santé; il a apporté des modifications à ses politiques en ce qui concerne les responsabilités des premiers intervenants; et il a perfectionné la formation obligatoire du personnel infirmier. Cependant, jusqu’à maintenant, le SCC n’a pas fait état des résultats de ces mesures.

Le SCC a affirmé sa volonté de donner suite à bon nombre des constatations énoncées dans le rapport sur les Décès en établissement. Par conséquent, nous discutons actuellement avec le SCC pour vérifier que l’organisation adhère bien aux procédures et aux pratiques existantes – ou, dans certains cas, y apportent les modifications qui s’imposent – dans le but de rapidement :

  • entreprendre les enquêtes;
  • effectuer une analyse approfondie des rapports d’enquête;
  • faire approuver par le Comité de direction du SCC les recommandations et les plans d’action élaborés à la suite de la communication de rapports d’enquêtes nationales;
  • mettre en œuvre et surveiller les mesures visant à donner suite aux recommandations approuvées.

Le SCC s’est déjà engagé à optimiser la rapidité et l’efficacité du processus d’enquête et à accroître sa capacité en matière de santé mentale et sa capacité d’intervention en cas d’incident. Cette étape initiale s’avère encourageante, et nous avons hâte de prendre connaissance des mesures précises qui seront mises en œuvre pour pleinement remédier aux problèmes relevés dans le rapport Décès en établissement. Nous espérons que cette approche collaborative donnera lieu à des améliorations appréciables.

  1. Je recommande que le SCC établisse un processus permettant à son Comité de direction d’approuver rapidement l’élaboration de plans d’action pour donner suite aux rapports d’enquête portant sur les cas de décès ou de blessures majeures. Ce processus ne devrait, en aucun cas, durer plus de six mois à compter de la date de l’incident.
     
  2. Je recommande que le SCC élabore un plan d’action précisant les étapes qui s’avéreront nécessaires aux fins de l’établissement d’un nouveau processus permettant d’assurer une mise en pratique uniforme et prompte des recommandations de ses comités d’enquête, des coroners et des médecins légistes, de même qu’un suivi régulier des mesures prises.
     
  3. Je recommande que le SCC :
    • établisse un cadre de travail uniforme aux fins de la collecte de données et de l’établissement de rapports sur les tentatives de suicide, les automutilations et les surdoses;
    • prévoie un examen systématique des circonstances entourant ces blessures afin de veiller à ce qu’on se penche comme il se doit sur ces cas et à ce que l’on mène les enquêtes qui s’imposent, en conformité avec la loi;
    • prenne des mesures correctives pour prévenir tout nouvel accident ou tout acte intentionnel comportant des blessures.

Maladies transmissibles et initiatives de réduction des méfaits

En avril 2005, le SCC a signé un protocole d’entente avec l’Agence de santé publique du Canada (ASPC) afin de bénéficier de conseils scientifiques et techniques sur les risques et les avantages possibles des programmes d’échange d’aiguilles. Dans le rapport de l’ASPC, qui a été rendu public en avril 2006, on arrivait à la conclusion que les programmes d’échange d’aiguilles mis en place par d’autres administrations correctionnelles avaient considérablement réduit la propagation des maladies infectieuses et que rien n’indiquait que ces programmes avaient compromis la sécurité des détenus ou des employés des prisons.

Le 10 mai 2006, le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présidé par le sénateur Michael J.L. Kirby, a déposé un rapport sur la santé mentale et la toxicomanie, De l’ombre à la lumière. Après avoir abordé les programmes d’échange d’aiguilles lancés dans le milieu carcéral, le Comité recommandait dans son rapport « que Service correctionnel Canada mette immédiatement en œuvre dans tous les établissements correctionnels fédéraux des mesures de réduction du préjudice ».

En août 2005, le SCC a entrepris la mise en place de l’Initiative sur les pratiques de tatouage sécuritaires, qui comprenait un volet de sensibilisation ainsi que la création de salles de tatouage dans six établissements fédéraux. En décembre 2006, nous avons reçu un exemplaire du rapport d’évaluation de ce programme, dans lequel on concluait que « l’Initiative a montré un potentiel de réduction des préjudices et de l’exposition à des risques pour la santé et d’amélioration de la santé et de la sécurité des membres du personnel, des détenus et du grand public ».

Cependant, le 5 décembre 2006, le gouvernement du Canada a mis fin à l’Initiative sur les pratiques de tatouage sécuritaires et a ordonné le démantèlement des six salles de tatouage. 

  1. Je recommande que le SCC évalue l’efficacité et le caractère adéquat de ses stratégies de réduction des méfaits en collaboration avec son Comité consultatif des soins de santé.

3. La capacité accrue d’intervenir efficacement auprès des délinquants issus des Premières nations et des délinquants métis et inuits

La surreprésentation des Autochtones dans les pénitenciers canadiens a fait l’objet de multiples rapports au cours des dix dernières années : à l’échelle nationale, les Autochtones représentent moins de 3 % de la population canadienne, mais correspondent à près de 19 % de l’ensemble de la population carcérale fédérale. Chez les femmes, cette surreprésentation est encore plus criante : 32 % des femmes incarcérées dans les établissements fédéraux sont des Autochtones. Il est alarmant, en outre, de constater que cette énorme surreprésentation s’est accentuée depuis quelques années. En effet, bien que la population carcérale fédérale ait connu une diminution entre 1997 et 2007, le nombre de personnes issues des Premières nations incarcérées dans les établissements fédéraux s’est accru de presque 26,4 % et, de façon plus particulière, le nombre de femmes issues des Premières nations détenues dans les pénitenciers affiche, quant à lui, une augmentation ahurissante de 151 % au cours de la même période.

Pour 2006, nous estimons que le taux global de Canadiens d’origine autochtone incarcérés était de 1 024 pour 100 000, ce qui est neuf fois plus élevé que le taux de détenus canadiens non autochtones. Certes, ce n’est pas le SCC qui régit les conditions sociales ou qui prend les décisions stratégiques qui influent sur le profil de la population des délinquants, mais c’est à lui qu’il incombe de veiller à ce que ses opérations soient conformes à la loi et tiennent compte des besoins spéciaux des délinquants autochtones.

Depuis six ans, le SCC a mis en place des initiatives et des programmes très positifs pour les délinquants autochtones, dont les suivants :

  • huit pavillons de ressourcement;
  • des programmes autochtones de base (p. ex., Cercles de changement, En quête du guerrier en vous, Programme pour délinquants autochtones toxicomanes – en cours de révision);
  • des initiatives de programmes qui concernent des unités opérationnelles particulières (p. ex., Sentiers autochtones, cercles traditionnels, Cercle d’influences, cercles de détermination de la peine pour les infractions disciplinaires en établissement, enseignements relatifs à la suerie ou à la longue maison, célébrations de traditions culturelles et de pratiques de cérémonies).

 

Malheureusement, ces initiatives locales fort louables ne sont pas bien coordonnées par le SCC et ont eu peu d’effet en vue de resserrer l’écart entre les résultats correctionnels obtenus pour les délinquants autochtones et les autres délinquants. En fait, dans notre dernier Rapport annuel (2005-2006), nous avons examiné en profondeur cette tendance persistante de résultats médiocres découlant des politiques, des procédures, des pratiques et des structures organisationnelles actuelles du SCC.

  • Le classement des détenus issus des Premières nations ou d’origine métisse ou inuite à un niveau de sécurité trop élevé est monnaie courante, ce qui signifie que la proportion de délinquants autochtones placés dans les établissements à sécurité minimale équivaut à seulement la moitié du taux de délinquants non autochtones placés dans ces pénitenciers.
  • La surreprésentation des délinquantes autochtones est plus désolante encore. Par exemple, à la fin de septembre 2006, les femmes autochtones correspondaient à 44 % des délinquantes dites à sécurité maximale, à 41 % des délinquantes dites à sécurité moyenne et à un mince 18 % de la population carcérale féminine à sécurité minimale.
  • Le placement en établissement à sécurité maximale et en isolement limite l’accès des détenus aux services et aux programmes de réadaptation dont l’objet consiste à préparer les détenus à leur mise en liberté.
  • Les détenus autochtones sont mis en liberté plus tard au cours de leur peine que les autres détenus.
  • La proportion de délinquants qui présentent des demandes de libération conditionnelle totale exigeant un examen de la CNLC est plus faible pour les délinquants autochtones.
  • La proportion de délinquants autochtones sous surveillance dans la collectivité est moins importante que la proportion de délinquants non autochtones qui purgent leur peine en liberté sous condition.
  • Les délinquants autochtones sont toujours surreprésentés parmi l’ensemble des délinquants dont les cas ont fait l’objet de renvois en vue d’un maintien en incarcération.
  • Le taux de révocation de la liberté conditionnelle pour manquement aux conditions (et non pour la perpétration d’un nouvel acte criminel) est plus élevé pour les délinquants autochtones.
  • Les délinquants autochtones sont réadmis dans les établissements fédéraux plus fréquemment que les délinquants non autochtones, ce qui, trop souvent, permet au cycle de traitement inéquitable de recommencer.

Le 16 octobre 2006, le SCC a présenté son plus récent Plan stratégique visant les services correctionnels pour Autochtones. Celui-ci comprenait un plan d’action national et cinq plans d’action régionaux, lesquels prévoyaient près de 200 mesures. La grande majorité de ces mesures avaient pour échéance le mois de mars 2007 ou avant, mais ces projets ambitieux et prometteurs n’ont pas encore été mis en œuvre dans leur intégralité et, par conséquent, ne sont pas parvenus à renverser les tendances décrites plus haut.

Nous remarquons par ailleurs que le SCC n’a pas fait grand progrès pour ce qui est de l’amélioration du traitement des populations de délinquants dans le Nord. Un document de discussion intitulé Élaboration et gestion d’un cadre correctionnel pour le Nord révèle d’ailleurs qu’on commence seulement à comprendre les questions complexes dans ce domaine et que bien peu de progrès ont réellement été accomplis en ce qui a trait au Cadre stratégique du Nord (décembre 2004). Un autre document de discussion a été diffusé sur le sujet en janvier 2006, mais jusqu’à maintenant, aucune mesure déterminante n’a été mise en œuvre.

Dans des Rapports annuels antérieurs, le BEC recommandait que le SCC nomme un sous-commissaire responsable de façon particulière des services correctionnels pour Autochtones de manière à ce que l’organisation prenne en considération les enjeux propres aux délinquants autochtones dans toutes les décisions prises par la direction relativement aux opérations et aux politiques organisationnelles. Au lieu de cela, le SCC a élargi les rôles et les responsabilités du sous-commissaire principal en y ajoutant les fonctions relatives aux Autochtones. Nous considérions cette solution comme un compromis praticable et nous espérions que cela aiderait le SCC à se concentrer davantage sur cette importante priorité. Malheureusement, les résultats ne nous paraissent guère encourageants pour le moment. De plus, l’examen des neuf rapports d’activités et des  
mesures de suivi faisant suite aux réunions du Comité de direction ne révèle pas que des questions propres aux Autochtones ont été soumises à la discussion.

En revanche, le SCC continue de consulter activement les collectivités autochtones, et nous saluons les efforts faits pour inclure ces communautés dans la planification des services correctionnels pour Autochtones. Malgré cela, le SCC ne satisfait pas à l’obligation légale qu’il a de consulter une formation officielle. En effet, selon la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le SCC est tenu de créer un Comité consultatif autochtone national, qui serait chargé de le conseiller sur la prestation de services correctionnels aux délinquants autochtones. Le Comité consultatif autochtone national n’a pas tenu séance depuis juin 2004, mais nous avons appris qu’on s’emploie actuellement à établir un nouveau mandat pour ce groupe et à en déterminer la composition.

Nous nous inquiétons encore du fait que le SCC ne dispose pas d’un système de collecte de données adéquat pour surveiller et évaluer ses progrès en ce qui concerne les services correctionnels pour Autochtones. Depuis plusieurs années, nous recommandons que le SCC mette à la disposition du public des rapports trimestriels détaillés dans lesquels les résultats correctionnels seraient analysés, notamment en ce qui a trait aux transfèrements, à l’isolement, au régime disciplinaire, aux permissions de sortir et aux placements à l’extérieur, aux renvois en vue d’un maintien en incarcération, aux reports d’examens en vue de la libération conditionnelle, de même qu’aux suspensions et aux révocations de la mise en liberté sous condition. Le SCC a indiqué dans son Plan stratégique visant les services correctionnels pour Autochtones qu’il établirait et mettrait en application, d’ici mars 2007, un système de suivi intégré en vue de l’évaluation de l’incidence des changements apportés aux politiques sur les délinquants autochtones. Cette échéance a finalement été modifiée. En fait, nous n’avons vu encore aucune preuve d’une quelconque amélioration des méthodes de collecte et d’analyse des données, et on nous a informés que le SCC ne produira désormais que des rapports annuels sur la situation des délinquants autochtones puisque, affirme-t-on, les tendances ne changent pas beaucoup dans le temps.

Au fil des années, le BEC et d’autres observateurs ont exprimé une inquiétude grandissante à l’égard de la tendance consistant à classer les délinquants autochtones à un niveau de sécurité trop élevé et relativement à l’application par le SCC des outils actuariels d’évaluation du risque, y compris les échelles permettant de mesurer le potentiel de réinsertion sociale. Ces outils actuariels d’évaluation du risque sont des échelles qui mesurent le risque de récidive ou d’évasion, ou encore le potentiel d’adaptation au milieu carcéral.

En 1996, la juge Louise Arbour a été la première à se soucier de la validité et de la fiabilité de l’échelle de classement initial employée par le SCC, laquelle permet d’évaluer plusieurs facteurs, dont l’emploi, les relations matrimoniales et familiales, les fréquentations et les relations sociales, la toxicomanie, le fonctionnement dans la collectivité, l’orientation personnelle et affective, et l’attitude générale.

À l’heure actuelle, le SCC mène une étude pour déterminer s’il convient de réviser son échelle de réévaluation du niveau de sécurité. Selon les résultats de cette étude, le SCC explorera plusieurs options, soit de conserver l’échelle existante telle quelle, de la réviser ou de carrément la remplacer. Des consultations sont donc en cours, et l’on s’attend à pouvoir prendre connaissance d’une version préliminaire du rapport interne à cet égard en décembre 2007. Nous nous inquiétons beaucoup du fait que, si l’adoption d’un nouvel outil s’avère nécessaire, le SCC mettra bien des années avant que cet outil soit établi. Or, comme il existe déjà une foule d’indices qui permettent de conclure à l’impropriété des outils actuels pour les délinquants autochtones, nous encourageons le SCC à prendre des mesures provisoires pendant le processus d’élaboration de ses nouveaux outils de réévaluation du niveau de sécurité.

Nous avons également appris que le SCC n’a aucune intention d’examiner les outils qui servent à l’évaluation initiale des délinquants afin d’en valider la pertinence pour les délinquants autochtones. La combinaison de la tendance consistant à classer les délinquants autochtones à un niveau de sécurité trop élevé et du manque de programmes conçus spécialement pour les Autochtones illustre bien à quel point des obstacles systémiques peuvent nuire à la réussite de la réinsertion sociale en temps opportun des délinquants. D’abord, les délinquants autochtones sont souvent classés à des niveaux de sécurité trop élevés parce que l’échelle actuarielle utilisée n’a pas été conçue spécialement pour eux. Puis, ces délinquants se retrouvent en nombre disproportionné dans les établissements à sécurité élevée, où l’on offre peu ou pas du tout de programmes de base visant à répondre à leurs besoins particuliers. Aussi cet accès insuffisant aux programmes limite-t-il la possibilité pour les délinquants concernés d’être transférés vers des établissements de niveau de sécurité moindre, réduisant du même coup leurs chances d’effectuer une mise en liberté sous condition en temps opportun et en toute sécurité. Ce scénario explique en partie pourquoi la réinsertion sociale des délinquants autochtones se révèle aussi ardue, comparativement au retour des autres délinquants au sein de la société. Certes, les différences observées quant aux résultats correctionnels ne sont pas uniquement attribuables à des inégalités dans les risques ou les facteurs criminogènes.

  1. Je recommande que le SCC envisage de nouveau de nommer un sous-commissaire pour les délinquants autochtones, à qui serait conférée l’autorité nécessaire pour mettre en œuvre le Plan stratégique visant les services correctionnels pour Autochtones.
     
  2. Je recommande que, chaque année, le SCC rende public un rapport sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de son Plan stratégique visant les services correctionnels pour Autochtones. Ce rapport devrait notamment faire état des améliorations accomplies en ce qui concerne d’importants indicateurs de rendement correctionnel, comme les transfèrements, l’isolement, le régime disciplinaire, les permissions de sortir et les placements à l’extérieur, les renvois en vue du maintien en incarcération, les reports d’examens en vue de la libération conditionnelle, de même que les suspensions et les révocations de la mise en liberté sous condition.
     
  3. Je recommande que le SCC réinstaure immédiatement le Comité consultatif autochtone national, en conformité avec la Loi.

Le nombre de délinquants incarcérés dans les pénitenciers et présentant d’importants besoins en matière de santé mentale a presque doublé au cours de la dernière décennie. En 1997, 7 % des détenus de sexe masculin et 13 % des détenus de sexe féminin ont eux- mêmes signalé qu’on avait diagnostiqué chez eux des problèmes de santé mentale. En 2007, c’est 12 % des hommes et 21 % des femmes qui ont eux-mêmes signalé avoir fait l’objet de pareil diagnostic. Il apparaît que le SCC n’a pas su ajuster les services de santé mentale qu’il offre en fonction de cette augmentation spectaculaire et, dans certains cas, la qualité des services s’est même détériorée.

4. La capacité accrue de répondre aux besoins en santé mentale des délinquants

C’est avec plaisir que nous constatons que le SCC a fait des progrès pour ce qui est de remédier au caractère inadéquat des soins de santé mentale dispensés aux délinquants sous responsabilité fédérale. Cependant, la mise en œuvre de la Stratégie du SCC en matière de santé mentale dans son intégralité constitue une nécessité immédiate si l’organisation veut satisfaire à l’obligation qui lui est imposée par la loi, celle de veiller à ce que chaque détenu reçoive les soins de santé essentiels et qu’il ait accès, dans la mesure du possible, aux soins non essentiels, comme le veulent les normes professionnelles reconnues. Il est indispensable d’améliorer les résultats obtenus à cet égard puisque, à l’heure actuelle, il arrive encore que les délinquants qui souffrent de maladies mentales soient placés en isolement lorsque les symptômes de leur maladie se manifestent et, trop souvent, ces délinquants sont privés des traitements auxquels ils auraient droit d’après les normes professionnelles reconnues.

Comme on l’affirme dans le Rapport sur les plans et les priorités (2007-2008), les problèmes de santé mentale sont jusqu’à trois fois plus fréquents chez les détenus que parmi la population canadienne générale. En effet, à l’admission des délinquants dans le système correctionnel, on a reconnu des problèmes de santé mentale chez plus de 1 détenu de sexe masculin sur 10 et chez 1 détenu de sexe féminin sur 4, ce qui représente des augmentations respectives de 71 % et de 100 % par rapport aux chiffres de 1997.

En juillet 2004, le SCC a approuvé une Stratégie en matière de santé mentale faisant la promotion de l’adoption d’un continuum de soins depuis l’évaluation initiale jusqu’à la mise en liberté des délinquants en toute sécurité. En décembre 2005, le SCC a obtenu des fonds pour resserrer le suivi de l’ensemble des soins de santé mentale offerts dans la collectivité. Aussi le BEC a- t-il accueilli l’annonce d’un nouvel investissement se chiffrant à environ 6 millions de dollars par année pendant cinq ans pour les soins de santé mentale dans la collectivité. De plus, le financement alloué au renforcement de la planification de la mise en liberté et du soutien communautaire aidera les délinquants durant leur période de mise en liberté sous condition. Nous saluons, en outre, le fait que le gouvernement du Canada ait prévu, dans son budget annoncé en mars 2007, un nouvel investissement d’environ 21 millions de dollars sur deux ans pour remédier à l’absence d’un processus d’évaluation détaillée en matière de santé mentale dans le cadre de l’évaluation initiale, de même que pour améliorer la qualité des soins primaires de santé mentale offerts dans les établissements du SCC.

Les principales limites des efforts déployés jusqu’à présent résident dans le fait que le financement fourni n’est qu’une infime fraction de ce dont on aurait besoin pour régler cette crise qui prend de l’ampleur. Qui plus est, le financement a été attribué aux besoins immédiats et à court terme, mais on n’a obtenu aucun financement permanent. Le SCC reconnaît les difficultés associées à la dotation de postes additionnels. Par exemple, il lui est impossible de créer de nouveaux postes permanents – pour des professionnels comme du personnel infirmier psychiatrique, des psychologues et des technologues en sciences du comportement – parce que le financement ne couvre qu’une période limitée de deux à cinq ans. Cela nuira sans aucun doute à la capacité organisationnelle de recrutement de personnel professionnel.

  1. Je recommande que le ministre considère comme une priorité clé du Portefeuille l’obtention d’un financement permanent adéquat pour la mise en œuvre intégrale de la Stratégie du SCC en matière de santé mentale.
     
  2. Je recommande que le SCC intensifie ses initiatives de formation de façon à ce que tous les employés de première ligne soient adéquatement formés pour interagir avec les délinquants qui ont des problèmes de santé mentale.

5. Le renforcement des pratiques de gestion

Dans son Rapport sur les plans et les priorités (2007- 2008), le SCC s’engage à renforcer ses pratiques de gestion pour « être une organisation solide et efficace, capable de réaliser, à l’aide de moyens économiques, ses principales activités opérationnelles et d’autres activités, tout en respectant les valeurs de la fonction publique qui sont à la base d’un environnement de travail sain et de la confiance des Canadiens et Canadiennes ». Pour ce faire, le SCC indique qu’il s’emploiera à améliorer les résultats obtenus en ce qui a trait au harcèlement, aux griefs des employés, au respect, à la confiance, à la responsabilisation, aux pratiques de gestion, à l’éthique, aux ressources, à l’intégrité, à l’équité et à l’inclusivité de l’environnement de travail. Il convient tout à fait d’applaudir aux efforts de leadership déployés par le SCC en vue du renforcement de ses pratiques de gestion. Toutefois, nous limiterons nos commentaires et nos observations sur cette importante priorité aux initiatives qui nous paraissent préoccupantes en raison de leur incidence sur la population des délinquants. Certes, les pratiques de gestion peuvent avoir et ont effectivement une incidence sur le traitement des délinquants.

Vérifications et évaluations

Depuis deux ans, le SCC a accru sa capacité de vérification et d’évaluation et a intégré les avis de spécialistes extérieurs à l’organisation dans ses processus et ses pratiques. Nous saluons cette initiative et estimons qu’il s’agit là d’une approche qui a contribué à relever la qualité et la rigueur des vérifications internes et des évaluations effectuées par le SCC. Nous encourageons d’ailleurs l’organisation à se servir de cette approche pour le traitement de diverses préoccupations, notamment en ce qui concerne les enquêtes, les griefs déposés par les détenus, les blessures subies par les détenus et les incidents violents en établissement.

Griefs et plaintes de harcèlement

À la suite du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux 2005, le SCC a élaboré, en collaboration avec ses six agents de négociation, un plan d’action visant à amener du changement relativement à trois enjeux importants pour les employés : le harcèlement, les griefs, ainsi que le respect, la confiance et la responsabilisation. Ce plan d’action prévoit, pour l’exercice en cours, les efforts suivants :

  • renforcer la formation sur le harcèlement et les griefs de façon à sensibiliser davantage le personnel à ces questions;
  • établir, en consultation avec les agents de négociation, une nouvelle politique sur la gestion des cas de harcèlement;
  • clarifier les rôles, les responsabilités et les obligations redditionnelles ayant trait à la gestion des cas de harcèlement et des griefs;
  • favoriser le recours aux services d’intervenants et d’enquêteurs de l’extérieur dans le cadre des enquêtes portant sur les cas de harcèlement;
  • resserrer la surveillance des processus de règlement des cas de harcèlement et des griefs;
  • former les gestionnaires en gestion des conflits.

Par ailleurs, dans son Plan stratégique pour la gestion des ressources humaines 2007-2010, le SCC indique qu’il évaluera les résultats de ses efforts visant « une amélioration de la santé au travail et des relations de travail efficaces et souples » en se servant des points de référence suivants :

  • une amélioration avérée de la gestion des plaintes déposées par des employés concernant des situations de harcèlement, rendue manifeste par :
    • une amélioration des délais relatifs à la conduite des enquêtes sur les cas de harcèlement;
    • une réduction dans le nombre de plaintes de harcèlement déposées;
  • une amélioration avérée de la gestion des griefs d’employés à chaque palier de la procédure, rendue manifeste par :
    • une diminution dans le nombre de griefs au troisième palier;
    • une baisse dans le nombre de cas en arbitrage.

Le BEC se réjouit du fait que le SCC soit allé de l’avant avec les initiatives susmentionnées, qui comprennent des échéances et des objectifs précis pour réduire les griefs et les plaintes de harcèlement déposés par les employés. À notre sens, il est essentiel de traiter ces griefs et ces plaintes équitablement et promptement. Le BEC est aussi d’avis que les obligations en matière de droits de la personne exigent, quelles que soient les circonstances ou la situation des personnes concernées, que toute procédure de règlement des griefs ou des plaintes de harcèlement reflète les mêmes principes fondamentaux. L’application de ces principes aide, en effet, à créer un environnement sain et propice à la mise en œuvre d’opérations correctionnelles efficaces, autant pour le personnel que pour les délinquants.

Par ailleurs, nous incitons le SCC à appliquer des principes cohérents lorsqu’il traite les griefs et les plaintes de harcèlement des délinquants. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition requiert que ces derniers aient un accès illimité et non préjudiciable à « une procédure de règlement juste et expéditif des griefs des délinquants ». Dans ses Rapports annuels, le BEC est arrivé à la conclusion, année après année, que la procédure en place ne fonctionne pas comme il le faudrait en ce sens qu’elle ne permet pas de résoudre rapidement les griefs des délinquants, surtout au palier national. Le système s’est révélé inefficace, en outre, pour le traitement de l’arriéré de travail chronique. Et cette situation continue de se répercuter sur les activités du BEC puisque les délinquants s’adressent de plus en plus à nous pour faire entendre leurs préoccupations. La Cour fédérale a d’ailleurs récemment commenté le rendement du SCC à cet égard (Caruana v. Attorney General of Canada, T-1889-05, 9 novembre 2006) :

[Traduction]  
Cette instance met en lumière – et il ne s’agit certainement pas de la première fois – la procédure de règlement des griefs du Service correctionnel du Canada, laquelle doit assurer un « règlement juste et expéditif des griefs des délinquants sur des questions relevant du commissaire ». En effet, l’expérience du requérant, qui a déposé un grief qui n’est pas déraisonnable, mais qui a néanmoins mené à cette révision judiciaire, montre que la procédure de règlement des griefs du SCC, du moins au deuxième palier, dans la région de l’Ontario, au moment en question, ne s’est absolument pas révélée expéditive et allait même à l’encontre de ce qu’on entend par une procédure rapide dans la Directive du commissaire.

En 1998, le SCC qui était alors aux prises avec des retards excessivement longs ainsi qu’une inobservation flagrante de sa propre politique, a prolongé les délais de façon à ce qu’ils reflètent mieux le temps réellement requis aux fins du traitement des griefs. Le BEC avait, à l’époque, soulevé des préoccupations à cet égard, faisant valoir qu’une telle prolongation ne cadrait pas avec l’engagement pris par le SCC d’assurer une procédure efficace et rapide pour les délinquants et ne tenait pas compte des exigences imposées par la loi. Près de dix ans plus tard, durant l’exercice 2006-2007, seulement 22 % des griefs considérés comme hautement prioritaires au niveau du commissaire ont été réglés dans les délais prolongés, et le SCC envisage de nouveau d’allonger davantage les délais déjà étirés.

Il y a quatre ans, le SCC a adopté une procédure révisée dans le but de traiter les plaintes de harcèlement déposées par les délinquants dans des délais raisonnables. À cette fin, l’organisation a également diffusé un bulletin de politique amélioré sur le harcèlement, le harcèlement sexuel et la discrimination en septembre 2006. Dans nos Rapports annuels, nous avons maintes fois répété nos inquiétudes relatives à cette priorité que représentent les griefs de harcèlement, et en 2004, la Commission canadienne des droits de la personne nous a emboîté le pas. Bien que le SCC semble avoir finalement réussi à mettre au point une politique raisonnable en matière de harcèlement, nous demeurons très préoccupés puisque nous constatons que bien peu de progrès ont été réalisés pour assurer la conformité des opérations avec la politique et les dispositions législatives touchant un enjeu aussi critique. Le SCC ne dispose pas de suffisamment d’enquêteurs formés et dont la compétence a été reconnue pour traiter les quelque 400 plaintes de harcèlement reçues chaque année, et il en ressort que des retards déraisonnables constituent aujourd’hui la norme pour ce qui est du traitement de ces griefs aussi importants que délicats.

Questions relatives aux ressources humaines

Dans son Plan stratégique pour la gestion des ressources humaines 2007-2010, le SCC reconnaît qu’il doit mettre en place de solides mesures pour être à même de recruter et de conserver un effectif représentatif. Le SCC a également souligné la nécessité d’augmenter davantage la proportion d’employés autochtones à tous les échelons de l’organisation, au-delà des exigences relatives à l’équité en matière d’emploi, particulièrement au sein de la direction et dans les établissements qui comptent une importante population de délinquants autochtones. Le SCC entend par conséquent lancer une stratégie nationale visant à recruter des cadres supérieurs et des employés autochtones pour répondre aux besoins de l’organisation, et ce à compter de mars 2008.

  1. Je recommande que le SCC procède dès maintenant à une vérification de ses opérations pour voir à ce qu’elles répondent à l’obligation légale qu’a le SCC de régler les plaintes et les griefs des détenus équitablement et rapidement. Cette vérification devrait permettre d’examiner l’utilisation de l’information issue du traitement des griefs et de l’analyse des tendances dans le but de mettre en œuvre des stratégies visant à prévenir toute plainte ultérieure et à remédier systématiquement aux problèmes soulevés par les délinquants.
     
  2. Je recommande que le SCC augmente considérablement (au-delà du niveau requis pour l’équité en matière d’emploi) le taux global de représentation d’employés autochtones à tous les niveaux de son organisation, et surtout dans les établissements dont la population carcérale se compose majoritairement de délinquants d’origine autochtone.

Autres activités

Nous tenons à profiter de l’occasion qui nous est donnée ici pour parler de notre engagement continu à multiplier les efforts visant à favoriser la participation des citoyens et à améliorer le programme d’information à l’intention des délinquants. Au cours de la dernière année, nous avons de nouveau pris part à un certain nombre d’activités de liaison et nous nous sommes efforcés d’intensifier davantage notre participation à des événements publics de façon à sensibiliser la population aux responsabilités de l’ombudsman des prisons fédérales au Canada. Nous avons fait paraître des articles dans diverses publications et avons fait des exposés dans une panoplie d’endroits, entre autres, dans des universités, des collèges et des centres communautaires, et devant différents publics, notamment des psychologues, des criminologues, des avocats, des juges, des professionnels de la santé mentale, des administrateurs de prisons et des citoyens intéressés. Ces activités ont été autant d’occasions de mieux faire comprendre aux membres de la population notre rôle de surveillance indépendante des établissements correctionnels au sein du système de justice pénale.

Nous aimerions également faire le point sur deux autres entreprises du BEC. D’abord, le BEC a été sélectionné comme partenaire principal dans le cadre d’un projet déterminant, qui est financé dans son intégralité par l’Agence canadienne de développement international et qui concerne l’administration du système carcéral chinois. Relevant du ministère de la Sécurité publique de la Chine, la Division de la supervision des prisons (DSP) du Bureau d’administration pénitentiaire a ouvertement reconnu être aux prises avec de graves problèmes touchant les droits de la personne dans ses établissements correctionnels et a dit vouloir donner suite à un rapport publié récemment par le Rapporteur spécial des Nations Unies chargé d’examiner la question de la torture. Dans ce document, l’auteur se montre critique à l’égard des autorités chinoises et du traitement réservé à leurs prisonniers. Ainsi, il s’agit d’un projet spécial parce que la DSP collabore directement avec le BEC, dont le mandat comprend de formuler des recommandations aux fins du respect des droits de la personne. Le BEC a été choisi parmi d’autres pour cette initiative en raison du mandat unique qui lui est conféré et de l’expertise acquise relativement aux droits de la personne dans le contexte correctionnel.

Ensuite, en avril 2006, la Revue canadienne de criminologie et de justice pénale a publié un numéro spécial qui portait le titre Surveillance des autorités correctionnelles et droits de la personne et qui se voulait une évaluation de la situation des prisonniers au Canada et à l’étranger du point de vue du respect des droits de la personne. C’est le directeur des Politiques et avocat- conseil principal du BEC qui a agi à titre de directeur de la rédaction invité pour ce numéro spécial, où un certain nombre d’articles réclamaient des réformes prônées dans le passé par le BEC, dans des Rapports annuels présentés au Parlement. On proposait notamment d’instaurer l’arbitrage indépendant pour les cas d’isolement préventif; de perfectionner la procédure de règlement des griefs des détenus de façon à ce que le traitement des plaintes des délinquants soit assuré équitablement et promptement; d’améliorer l’accès aux programmes et aux services correctionnels conçus spécialement pour les besoins des femmes, des Autochtones et des personnes souffrant de problèmes de santé mentale; et d’encourager le Canada à signer et à ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture des Nations Unies de façon à renforcer les mécanismes de surveillance externe.

Conclusion

Nous espérons pouvoir collaborer avec le SCC aux fins de la réalisation de ses cinq priorités et de la prise de mesures permettant de surmonter les 12 obstacles à la sécurité publique qui ont été relevés dans le présent Rapport annuel. Nous reconnaissons qu’aucun de ces problèmes ne sera facile à régler, mais nous espérons sincèrement que le SCC réagira autant à nos recommandations qu’aux problèmes comme tels, en se fixant des objectifs ambitieux et en s’engageant à s’occuper d’une manière raisonnable et rapide de ces préoccupations de longue date ayant trait aux délinquants. La population canadienne ne mérite rien de moins que le meilleur système correctionnel qui soit compte tenu de tout ce qu’elle y a investi.

Pour ce qui est de l’an prochain, le BEC se concentrera sur les progrès réalisés par le SCC concernant les cinq priorités de l’organisation, du point de vue des sources de préoccupation pour les délinquants, de même que sur les mesures permanentes qu’il aura mises en œuvre pour donner suite au rapport Décès en établissement. De plus, nous continuerons de travailler avec diverses parties intéressées et nous nous efforcerons d’accroître la participation des citoyens aux activités du BEC et d’améliorer son programme d’information destiné aux délinquants.

Certes, nous poursuivons notre cheminement, persuadés d’avoir tenu compte des recommandations formulées par la vérificatrice générale, mais nous devons néanmoins accroître notre capacité d’enquête et d’élaboration de politiques. En effet, après avoir organisé une séance de réflexion ainsi que des consultations auprès du personnel, nous avons mis en œuvre des moyens concrets pour examiner et améliorer plusieurs processus internes du BEC, dont ceux des communications, des procédures d’enquête, du perfectionnement professionnel et de la formation du personnel.  

Nous avons hâte de nous pencher sur l’année en cours ainsi que sur les difficultés évidentes qu’elle comporte. Aussi sommes-nous convaincus, comme nous le disions en introduction, que les problèmes qui sous-tendent les situations mises en lumière dans le présent rapport peuvent être réglés. C’est pourquoi le BEC continuera de travailler avec le SCC dans un climat d’ouverture de collaboration afin de s’occuper des préoccupations qui touchent les délinquants et, ainsi, de contribuer à la sécurité publique.


ANNEXE A : STATISTIQUES


Les tableaux dans cette annexe sont disponibles en format PDF.


Réponse du Service correctionnel du Canada au 34e Rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel 2006-2007

INTRODUCTION

Le système de justice pénale canadien a pour but de contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité. De par le mandat [1. L'Annexe A énonce le mandat que nous confère la loi.] que lui confère la loi, le Service correctionnel du Canada (SCC) contribue activement à assurer la sécurité publique :

  • en assurant l'exécution des peines imposées par les tribunaux au moyen d’un contrôle raisonnable, sûr, sécuritaire et humain sur les délinquants dans les établissements correctionnels et d’une surveillance efficace des délinquants dans la collectivité;
  • en contribuant, au moyen de programmes et d'autres interventions dans les établissements et la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.

À la fin de l’exercice 2005-2006, le SCC avait la charge d’environ 12 700 délinquants sous responsabilité fédérale incarcérés (ce nombre n’inclut pas les 1 200 délinquants réincarcérés temporairement après avoir été mis en liberté sous condition) et 6 800 délinquants surveillés dans la collectivité. Au cours de l’année, en incluant toutes les admissions et toutes les mises en liberté, le SCC a géré un roulement de population de 25 500 délinquants.

Priorités

Afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles sur le plan de la sécurité publique, le SCC continue de mettre l’accent sur les mêmes priorités qui ont été définies pendant l’année précédente :

  1. La transition en toute sécurité des délinquants dans la collectivité;
  2. La sécurité accrue du personnel et des délinquants dans nos établissements;
  3. La capacité accrue d'intervenir efficacement auprès des délinquants issus des Premières nations et des délinquants métis et inuits;
  4. La capacité accrue de répondre aux besoins en santé mentale des délinquants;
  5. Le renforcement des pratiques de gestion.

Défis et prochaines étapes

Depuis plusieurs années, le SCC éprouve des difficultés de plus en plus grandes en raison d’un financement insuffisant, d’une infrastructure vieillissante et d’une population carcérale de plus en plus complexe et difficile à gérer. Les changements observés dans le profil de la population carcérale comprennent une augmentation du nombre de délinquants possédant de longs antécédents de violence ou des affiliations avec le crime organisé ou des gangs, une augmentation de la prévalence des maladies infectieuses et des troubles mentaux graves ainsi qu’une représentation toujours plus disproportionnée des Autochtones dans les populations carcérales.

Le gouvernement s’est attaqué à ces problèmes en prévoyant un scénario en deux volets dans le Budget de 2007. Dans le premier volet, d’une durée de deux ans, des fonds sont prévus pour permettre au SCC de régler les problèmes les plus pressants, soit pour :

  • procéder à des travaux d’entretien correctif dans nos établissements
  • assurer la sécurité de notre personnel et des délinquants
  • satisfaire aux prescriptions de base de la loi et des politiques, y compris la gestion de l’information et le soutien technologique
  • fournir une capacité supplémentaire pour faire face directement au changement du profil de la population carcérale.

Deuxièmement, un examen indépendant des opérations correctionnelles a été lancé. Cet examen, qui est en cours, est réalisé par un comité indépendant qui analyse les priorités et les stratégies opérationnelles du SCC ainsi que ses plans d’activités.

Le comité a été chargé d’évaluer l’efficacité des contributions du SCC à la sécurité publique et de recommander des améliorations possibles. Cet examen devrait aider à fixer une orientation à long terme claire pour le système correctionnel fédéral et à obtenir des niveaux de ressources durables. Le comité remettra son rapport au Ministre au plus tard le 31 octobre 2007 et, celui-ci le rendra public, comme cela a été annoncé.

La réponse du SCC aux recommandations de l’enquêteur correctionnel de cette année doit être interprétée dans le contexte du scénario en deux volets énoncé ci-dessus. Les mesures à long terme ne pourront être mises en œuvre seulement lorsque le comité indépendant aura terminé son travail et que le gouvernement y aura réagi.

De plus, certaines recommandations de l’enquêteur correctionnel de cette année concernent des secteurs faisant déjà l’objet de changements ou d’un processus pour régler les problèmes observés. En conséquence, la réponse du SCC à ces recommandations prend la forme d’une description des progrès en cours.

LA TRANSITION EN TOUTE SÉCURITÉ DES DÉLINQUANTS DANS LA COLLECTIVITÉ

Recommendation 1 : Je recommande que le SCC obtienne et affecte un financement adéquat pour améliorer sa capacité d’assurer la conduite des évaluations et la prestation des programmes requis avant les dates prévues des audiences de libération conditionnelle des délinquants.

En ce qui concerne la capacité du SCC de procéder aux évaluations, les outils suivants ont en cours d’élaboration :

  • une échelle de ré-évaluation de la cote de sécurité pour les délinquants autochtones
  • une échelle de prévision du risque particulière pour les Inuits
  • une révision du volet définition et analyse des facteurs dynamiques de l’évaluation initiale des délinquants
  • une évaluation informatisée de la santé mentale à l’admission
  • un protocole de dépistage de l’ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale
  • une évaluation initiale de la garde pour les femmes
  • un outil d’évaluation du risque dynamique pour les femmes
  • une évaluation informatisée de la toxicomanie pour les femmes

Afin de corriger les lacunes dans les programmes résultant du changement du profil des délinquants, le SCC a entrepris la mise en œuvre au niveau national d’un programme de prévention de la violence d’intensité modérée, d’un programme alternatives, attitudes et fréquentations, d’un programme de guérison de base pour les Autochtones ainsi que l’expansion du Programme pour délinquants autochtones toxicomanes. En ce qui concerne les programmes destinés aux femmes, le SCC achève de mettre au point un programme de prévention de la violence pour les femmes.

Pour ce qui est de l’obtention de fonds supplémentaires devant permettre d’accroître sa capacité d’action dans ces domaines, le SCC attend les résultats de l’examen indépendant qui est en cours. Le mandat fondamental du comité est d’examiner la capacité du SCC de réaliser des programmes et des évaluations efficaces.

Le SCC continuera de s’efforcer d’apporter des améliorations dans ces domaines.

Recommendation 2 : Je recommande que le SCC rende prioritaire la préparation des cas dans les meilleurs délais de façon à ce que les délinquants visés puissent comparaître devant la Commission, en conformité avec les politiques. Le rendement dans ce domaine essentiel devrait faire l’objet d’une surveillance étroite ainsi que d’une évaluation continue dans des rapports établis plus régulièrement.

En ce qui concerne la préparation à temps des dossiers des délinquants qui doivent comparaître devant la Commission nationale des libérations conditionnelles, le SCC continue de surveiller le respect de la politique prévue à ce sujet et de mesurer le rendement affiché dans ce domaine, et ce, de façon constante. Le SCC procède à des examens mensuels des statistiques au moyen de l’outil de suivi corporatif qu’il compare ensuite aux statistiques tenues et fournies par la CNLC.

Toutes les régions et unités opérationnelles du SCC ont un accès automatisé à ces mesures du rendement pour procéder à leur autoévaluation et apporter des améliorations de façon continue. De plus, l’administration centrale porte régulièrement les écarts qui peuvent survenir à l’attention des cadres supérieurs pour que les mesures correctives qui s’imposent soient prises.

Le SCC continuera de s’efforcer d’améliorer son rendement dans ce domaine.

LA SÉCURITÉ ACCRUE DU PERSONNEL ET DES DÉLINQUANTS DANS NOS ÉTABLISSEMENTS

Recommendation 3 : Je recommande que le SCC établisse un processus permettant à son Comité de direction d’approuver rapidement l’élaboration de plans d’action pour donner suite aux rapports d’enquête portant sur les cas de décès ou de blessures majeures. Ce processus ne devrait, en aucun cas, durer plus de six mois à compter de la date de l’incident.

Selon la pratique déjà en place, les membres du Comité de direction doivent examiner/modifier et approuver tous les plans d’action pour mettre un terme à ces enquêtes qui sont de ressort national. Pendant qu’un plan d’action est préparé, des mesures provisoires sont prises, au besoin.

Le SCC a déjà mis en place des procédures pour que toutes les enquêtes régulières sur les incidents soient effectuées dans les six mois qui suivent. Dans le cas des enquêtes plus complexes, le processus peut se prolonger au-delà du délai prévu, mais seulement si le sous- commissaire principal a donné son approbation.

De plus, les ressources du SCC ont été réorganisées au cours de l’exercice 2006-2007 pour améliorer le rendement sur le plan des délais. Des processus améliorés de suivi et de responsabilisation sont également établis.

Recommendation 4 : Je recommande que le SCC élabore un plan d’action précisant les étapes qui s’avéreront nécessaires aux fins de l’établissement d’un nouveau processus permettant d’assurer une mise en pratique uniforme et prompte des recommandations de ses comités d’enquête, des coroners et des médecins légistes, de même qu’un suivi régulier des mesures prises.

La procédure en place depuis plusieurs années veut que les recommandations découlant des enquêtes du SCC ou provenant d’un organisme externe doivent être examinées par les responsables des services de santé à l’échelle nationale et(ou) régionale en regard des normes médicales et des normes de santé fondées sur l'expérience clinique. Toutes les recommandations font donc l’objet d’un examen approfondi et, lorsqu’une recommandation est jugée appropriée et applicable, un plan d’action est mis en œuvre. Un suivi est également exercé qui permet de vérifier si la mesure nécessaire a été apportée.

Compte tenu qu’un processus est déjà en place, le SCC estime qu’il n’est pas nécessaire d’en établir un nouveau. Cependant, le SCC reconnaît que des améliorations s’imposent pour que le processus soit davantage suivi. Le SCC élabore actuellement un certain nombre de stratégies pour renforcer et appuyer sa capacité de produire plus rapidement une analyse plus rigoureuse des renseignements contenus dans les rapports d’enquête sur les incidents ainsi que ceux des coroners et des médecins légistes. De plus, il mettra davantage l’accent sur la communication des « leçons retenues » aux unités opérationnelles.

Les ressources du Secteur des opérations et des programmes correctionnels sont également réorganisées pour renforcer la capacité du SCC de surveiller l’avancement des plans d’action et favoriser leur mise en œuvre.

Le SCC adopte graduellement une façon de procéder plus disciplinée qui consiste à surveiller efficacement la mise en œuvre des plans d’action et à intégrer et à diffuser rapidement, dans toute l’organisation, les leçons tirées de l’expérience.

Recommendation 5 : Je recommande que le SCC 

  • établisse un cadre de travail uniforme aux fins de la collecte de données et de l’établissement de rapports sur les tentatives de suicide, les automutilations et les surdoses;
  • prévoie un examen systématique des circonstances entourant ces blessures afin de veiller à ce qu’on se penche comme il se doit sur ces cas et à ce que l’on mène les enquêtes qui s’imposent, en conformité avec la loi;
  • prenne des mesures correctives pour prévenir tout nouvel accident ou tout acte intentionnel comportant des blessures.

Le SCC examine actuellement la directive du commissaire no 568-1 Consignation et signalement des incidents de sécurité, pour définir et signaler avec plus d’exactitude les blessures causées par l’automutilation, les surdoses et les tentatives de suicide.

Il est prévu que les définitions et le processus révisés ainsi que l’apport des modifications correspondantes à la directive du commissaire no 568-1 seront terminés d’ici l’automne 2007.

Après la promulgation de la DC no 568-1 (voir plus haut), les blessures des détenus en question seront examinées à tous les trimestres par l’administration centrale. Il s’agira d’une amélioration essentielle de l’examen et du processus d’enquête qui existent actuellement.

En mars 2001, grâce aux communications du Comité national mixte de la sécurité et de la santé au travail (CNMSST) et des comités régionaux mixtes de la sécurité et de la santé au travail (CRMSST), les comités locaux mixtes de la sécurité et de la santé au travail se sont fait rappeler l’obligation qui leur incombe de procéder à des examens des circonstances des blessures accidentelles subies par l’ensemble des membres du personnel et des détenus et de prendre rapidement des mesures correctives s’il y a lieu. On a également rappelé aux cadres supérieurs dans les régions qu’ils ont, quant à eux, l’obligation de veiller à ce que tous les comités locaux continuent de dépister et d’examiner les blessures accidentelles subies par les détenus et le personnel. Ainsi, aujourd’hui, on constate une amélioration considérable du régime disciplinaire du SCC à cet égard.

Le SCC est en train d’examiner des options en vue de procéder à des analyses et de présenter des rapports à l’échelle nationale sur les blessures subies par le personnel. Les options seront discutées avec le CNMSST au cours de sa réunion de l’automne 2007, et l’option retenue sera mise en œuvre dans son intégralité d’ici le printemps 2008. De plus, le SCC intégrera les blessures accidentelles subies par les détenus dans les rapports nationaux.

Recommendation 6 : Je recommande que le SCC évalue l’efficacité et le caractère adéquat de ses stratégies de réduction des méfaits en collaboration avec son Comité consultatif des soins de santé.

Le Comité consultatif des soins de santé s’est engagé à transmettre au SCC, d’ici l’automne 2007, son avis sur des options que pourrait prendre le SCC pour prévenir la transmission des maladies infectieuses (ce qui comprend la réduction des préjudices).

LA CAPACITÉ ACCRUE D'INTERVENIR EFFICACEMENT AUPRÈS DES DÉLINQUANTS ISSUS DES PREMIÈRES NATIONS ET DES DÉLINQUANTS MÉTIS ET INUITS

Recommendation 7 : Je recommande que le SCC envisage de nouveau de nommer un sous-commissaire pour les délinquants autochtones, à qui serait conférée l’autorité nécessaire pour mettre en œuvre le Plan stratégique visant les services correctionnels pour Autochtones.

Le travail qu’accomplit le SCC dans ce domaine fort important est encadré par le Plan stratégique sur les services correctionnels pour Autochtones, un document qui a été longuement examiné et discuté par le Comité de direction avant d’être officiellement approuvé. Ce plan stratégique constitue une priorité de l’organisation et, à ce titre, a été intégré dans le Rapport sur les plans et les priorités du SCC. Ce processus de responsabilisation de la gestion montre bien la volonté d’engagement de notre organisation à l’égard du Plan stratégique.

D’abord, c’est au sous-commissaire principal qu’il appartient de veiller à la mise en œuvre active du Plan stratégique sur les services correctionnels pour Autochtones du SCC, et celui-ci continue de défendre efficacement la cause de ces délinquants au Comité de direction.

Le Plan stratégique sur les services correctionnels pour Autochtones énonce clairement les responsabilités du commissaire adjoint, Opérations et programmes correctionnels, et de la sous-commissaire pour les femmes afin que le Service mette l’accent sur la mise en œuvre intégrée des différentes initiatives prévues dans le Plan stratégique. De plus, tous les sous-commissaires régionaux sont appelés à contribuer à l’amélioration des résultats dans le domaine des services correctionnels pour Autochtones. Cette responsabilité reconnaît le fait que des délinquants autochtones sont incarcérés dans tous les établissements et qu’ils font partie de la charge de travail de presque tous les bureaux de libération conditionnelle à l’échelle du pays.

Aussi a-t-on adopté un plan national de mise en œuvre, qui met à contribution les régions ainsi que les différents secteurs à l’AC et qui a pour objet d’appuyer le plan stratégique, et l’état d’avancement des travaux est présenté deux fois par année. Le SCC croit que cette mesure est suffisante pour que l’on agisse adéquatement et que l’on assure la surveillance des résultats.

Les services correctionnels pour Autochtones constituent un des principaux centres d’intérêt du comité d’examen indépendant. Ce dernier entend d’ailleurs se pencher, entre autres, sur les programmes et les interventions, l’emploi et la capacité des services correctionnels pour Autochtones. La réponse du gouvernement aux recommandations qui seront formulées par le comité pourrait donc prévoir l’apport de modifications considérables au Plan stratégique, à la lumière des commentaires du comité d’examen. Et s’il arrivait que des changements de gouvernance s’imposent aux fins des modifications en question, le SCC envisagera ces changements lorsqu’ils seront proposés.

Recommendation 8 : Je recommande que, chaque année, le SCC rende public un rapport sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de son Plan stratégique visant les services correctionnels pour Autochtones. Ce rapport devrait notamment faire état des améliorations accomplies en ce qui concerne d’importants indicateurs de rendement correctionnel, comme les transfèrements, l’isolement, le régime disciplinaire, les permissions de sortir et les placements à l’extérieur, les renvois en vue du maintien en incarcération, les reports d’examens en vue de la libération conditionnelle, de même que les suspensions et les révocations de la mise en liberté sous condition.

Le SCC produit chaque année un Rapport sur les plans et les priorités (RPP) et fait état des résultats atteints en fonction de ces plans dans un autre document annuel, soit le Rapport ministériel sur le rendement (RMR).

Le SCC se sert du RMR aussi pour parler des progrès réalisés en regard des objectifs du Plan d’action national sur les délinquants autochtones.

De plus, le SCC contribue dans une grande mesure au rapport du Centre canadien de la statistique juridique intitulé Services correctionnels pour adultes au Canada et à Aperçu du système correctionnel et de la mise en liberté sous condition de Sécurité publique Canada. Il s’agit de deux publications statistiques annuelles qui contiennent des renseignements sur les délinquants autochtones. Le SCC en est aux premiers stades de l’élaboration de son propre rapport statistique annuel. Le rapport contiendra des données sur la population carcérale totale, y compris les délinquants autochtones et les délinquantes.

Recommendation 9 : Je recommande que le SCC réinstaure immédiatement le Comité consultatif autochtone national, en conformité avec la Loi.

On a entrepris les travaux visant la nomination de nouveaux membres du Comité consultatif national sur les questions autochtones.

LA CAPACITÉ ACCRUE DE RÉPONDRE AUX BESOINS EN SANTÉ MENTALE DES DÉLINQUANTS

Recommendation 10 : Je recommande que le ministre considère comme une priorité clé du Portefeuille l’obtention d’un financement permanent adéquat pour la mise en œuvre intégrale de la Stratégie du SCC en matière de santé mentale.

Au cours de la dernière année, le SCC a travaillé en étroite collaboration avec le Ministre afin d’obtenir des fonds pour la mise en œuvre de la Stratégie en matière de santé mentale.

Comme le veut le scénario en deux actes décrit en introduction, le SCC a reçu des fonds pour les exercices 2007-2008 et 2008-2009 afin qu’il puisse entreprendre trois éléments de la stratégie :

  1. dépistage et examen des problèmes de santé mentale au moment de l’évaluation initiale;
  2. soins de santé mentale de première ligne dans certains établissements;
  3. certaines améliorations aux services offerts dans les centres régionaux de traitement.

Ces fonds sont suffisants pour progresser dans la bonne direction au cours des exercices 2007-2008 et 2008- 2009.

La santé mentale est un des principaux centres d’intérêt du comité d’examen indépendant. Les niveaux de ressources requis pour la capacité du SCC en matière de services de santé mentale pour les exercices faisant suite à 2008-2009 seront déterminés dans la réponse du gouvernement aux recommandations formulées par le comité.

Recommendation 11 : Je recommande que le SCC intensifie ses initiatives de formation de façon à ce que tous les employés de première ligne soient adéquatement formés pour interagir avec les délinquants qui ont des problèmes de santé mentale.

Le SCC reconnaît l’importance de former adéquatement le personnel qui est appelé à travailler auprès des délinquants souffrant de troubles mentaux. C’est pourquoi la Stratégie en matière de santé mentale du SCC comprend la prestation de programmes de formation additionnels pour l’ensemble du personnel, et le SCC a déjà commencé de mettre en œuvre les deux premières années de la Stratégie.  

Parmi les éléments de la Stratégie pour lesquels le SCC a reçu du financement et qui sont prévus dans le plan de mise en œuvre, on s’emploie à adapter les programmes de formation élaborés pour l’Initiative sur la santé mentale dans la collectivité afin qu’ils puissent être offerts dans les établissements, et ces programmes feront l’objet d’un projet pilote au cours de l’exercice en cours. Les fonds qui seront versés sur une période de deux ans comprennent des ressources pour la formation du personnel de première ligne, et le SCC entend offrir le plus de formation possible de façon à tirer profit des ressources dont il disposera pendant cette période.

LE RENFORCEMENT DES PRATIQUES DE GESTION

Recommendation 12 : Je recommande que le SCC procède dès maintenant à une vérification de ses opérations pour voir à ce qu’elles répondent à l’obligation légale qu’a le SCC de régler les plaintes et les griefs des détenus équitablement et rapidement. Cette vérification devrait permettre d’examiner l’utilisation de l’information issue du traitement des griefs et de l’analyse des tendances dans le but de mettre en œuvre des stratégies visant à prévenir toute plainte ultérieure et à remédier systématiquement aux problèmes soulevés par les délinquants.

Une vérification de la procédure de règlement des plaintes et des griefs des délinquants est déjà prévue pour le prochain exercice (2008-2009). Ce moment a, en effet, été approuvé par le Comité de vérification du SCC comme le meilleur temps pour passer en revue les progrès réalisés à l’égard des initiatives ayant déjà été entreprises dans ce domaine.

L’objectif de cette vérification sera d’évaluer le cadre général de contrôle de la gestion pour permettre de gérer efficacement les plaintes et les griefs des délinquants et de se conformer à la politique, aux procédures et aux textes législatifs pertinents, y compris les directives du commissaire applicables. La vérification visera également à déterminer les possibilités d’amélioration, y compris la possibilité de relever et de faire connaître les pratiques exemplaires mises en œuvre dans certaines régions ou certains établissements de l’organisation.

Recommendation 13 : Je recommande que le SCC augmente considérablement (au-delà du niveau requis pour l’équité en matière d’emploi) le taux global de représentation d’employés autochtones à tous les niveaux de son organisation, et surtout dans les établissements dont la population carcérale se compose majoritairement de délinquants d’origine autochtone.

Le SCC a créé un Plan stratégique pour la gestion des ressources humaines établissant nos activités et nos initiatives prioritaires au cours des trois prochaines années. Parmi ces priorités, on compte l’élaboration d’une stratégie nationale de recrutement pour le Service qui donne une place importante aux activités de recrutement d’Autochtones; le travail dans ce sens a commencé à l’été 2007.

Les mécanismes de recrutement et de dotation selon la nouvelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique ont été établis et seront utilisés pour assouplir davantage les mesures de recrutement. On a également commencé à relever les obstacles systémiques afin d’éliminer tout ce qui fait inutilement obstacle au recrutement et à la dotation.

Annexe A : Mandat du SCC

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) est le cadre législatif du SCC. Le mandat du Service correctionnel du Canada est de contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité :

  • d’une part, en assurant l’exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines;
  • et d’autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.

Conformément à la LSCMLC, la Mission du SCC fait écho aux valeurs des Canadiens et Canadiennes, notamment la reconnaissance de la primauté du droit et un placement sous garde humain, sécuritaire et sûr des délinquants, et met en lumière notre détermination à assurer la sécurité publique.

La prestation des services correctionnels est également régie par la Charte canadienne des droits et libertés, de même que par un grand nombre de lois, de règlements, de politiques et de conventions internationales.


 

Banner Image
Office of the Correctional Investigator - Report