Suivi de l'enquête sur l'établissement Kent : Lettre au Commissaire

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Le 10 janvier 2014

Monsieur Don Head  
Commissaire du Service correctionnel  
Service correctionnel du Canada  
340, avenue Laurier Ouest  
Ottawa (Ontario) K1A 0P9

Cher Monsieur,

Comme vous le savez, le Bureau de l’enquêteur correctionnel (Bureau) a retenu les services d’un consultant externe chargé d’apporter un point de vue extérieur sur une série de difficultés permanentes à l’Établissement de Kent. J’ai déjà discuté avec vous des constatations préliminaires de l’examen effectué par le consultant. Les constatations matérielles qui se dégagent de l’examen correspondent aux thèmes illustrés dans mon rapport d’enquête intitulé « Recours non autorisé à la force : enquête sur l’utilisation dangereuse d’armes à feu à l’Établissement de Kent durant la période du 8 janvier au 18 janvier 2010 », qui a été rendu public le 21 mars 2011.

Il ressort clairement de l’examen de suivi de l’Établissement de Kent que le défaut de prendre des mesures disciplinaires de façon adéquate et uniforme contre quelques intervenants de première ligne ayant notoirement tenu une conduite répréhensible est à l’origine d’un milieu de vie et de travail négatif et perturbateur tant pour le personnel que pour les détenus. Comme il fallait s’y attendre, la qualité des interactions (sécurité active) entre le personnel et les détenus à l’Établissement de Kent s’est détériorée de façon soutenue et continue au cours de la période visée par l’examen. Dans l’Établissement à sécurité maximale de Kent, le niveau d’expérience des intervenants de première ligne continue d’être faible, ce qui sans nul doute contribue à des comportements et à des contextes culturels problématiques prédominants dans cet établissement. Enfin, en raison des réorganisations successives de l’équipe de direction, il est devenu difficile de mettre en place une structure de gestion prévisible et responsable à l’Établissement de Kent de façon à sortir véritablement de la situation problématique qui prévaut dans cet établissement depuis plus de 30 ans.

Le Bureau sort des sentiers battus en matière d’enquête en raison des problèmes liés à la culture d’enquête du milieu de travail et aux relations patronales-syndicales qui ont une incidence sur les relations entre le personnel et les détenus, sur la routine en établissement, sur les droits réservés aux détenus ainsi que sur les conditions de détention. Je suis heureux d’avoir pu soulever ces préoccupations et d’en discuter avec vous en toute franchise. Au cours de cet échange, vous et vos employés avez formulé des commentaires positifs, ce qui a permis de clarifier les questions de fond découlant de cet examen de suivi. En outre, dans le cadre de l’examen du Bureau, je note que l’équipe d’enquête chargée de l’examen a constaté que des progrès notables adaptés à la situation ont été réalisés au sein l’Établissement de Kent.

J’ai maintenant franchi les étapes finales de mon examen. Conformément aux problèmes susmentionnés, je fais les recommandations suivantes qui, pour des raisons pratiques et à titre indicatif, sont regroupées en trois secteurs systémiques préoccupants, à savoir :

A. Gestion des ressources humaines au sein de l’Établissement de Kent 

  1. La formation, la sélection, la promotion et le maintien en poste des intervenants de première ligne à l’Établissement de Kent devraient être en fonction de profils de comportements et de compétences clairement définis.
  2. l’Établissement de Kent devrait mettre en place un programme de mentorat et d’encadrement obligatoire pour tous les nouveaux intervenants de première ligne offert par des employés respectés et expérimentés.

B. Sélection et formation des recrues appelées à travailler comme intervenants de première ligne au sein du Service correctionnel du Canada ( SCC

  1. Des tests psychologiques, des évaluations de l’intégrité et des entrevues axées sur le comportement devraient faire partie intégrante du processus de sélection et de recrutement du SCC pour tous les postes de première ligne.
  2. La formation de base, le programme d’enseignement et les normes de déploiement du SCC devraient être examinés, mis à jour et améliorés dans les secteurs suivants : la sécurité active, la santé mentale en milieu correctionnel, les principes et les techniques de désamorçage ainsi que le leadership et la responsabilisation (individuelle et organisationnelle).

C. Santé et bien-être au sein de l’Établissement de Kent 

  1. Un plan d’action de la direction devrait être élaboré et mis en place pour tenir compte des facteurs de stress liés au travail et des besoins en santé mentale des employés de l’Établissement de Kent.
  2. Les besoins en santé mentale des détenus de l’Établissement de Kent devraient être une priorité pour la direction.
  3. Le climat bien connu d’intimidation, de harcèlement et d’abus de pouvoir qu’une minorité d’intervenants de première ligne fait régner à l’Établissement de Kent devrait être assaini rapidement et efficacement.

J’espère recevoir d’ici la fin de février 2014, un plan d’action plan qui tiendra compte des constatations et recommandations étayées dans la présente. À des fins de transparence et de responsabilisation, je compte afficher la réponse du Service correctionnel du Canada sur le site Web du Bureau, qui visera à faire le point sur l’enquête menée en janvier 2010 sur le recours à la force non autorisé et dangereux à l’Établissement de Kent.

Je vous remercie à l’avance de votre collaboration à cet égard.

Veuillez agréer, Monsieur, mes sincères salutations.

L’enquêteur correctionnel du Canada,

Howard Sapers


Date de modification  
2014-05-01 



 

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