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Bureau de l’enquêteur correctionnel - rapport annuel 2021-2022

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Le 30 juin 2022

L'honorable Marco Mendicino 
Ministre de la Sécurité publique 
Chambre des communes 
Ottawa, Ontario

Monsieur le Ministre,

J'ai le privilège et le devoir conformément aux dispositions de l'article 192 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de vous présenter le quarante-neuvième rapport annuel de l'Énquêteur correctionnel.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments distingués.

Ivan Zinger, J.D., Ph.D. 
Enquêteur correctionnel

 



Table des matières

Message de l’enquêteur correctionnel 

Message de la directrice générale 

Mises à jour nationales et enjeux importants 

1. Cellules nues 

2. Stratégie antidrogue du Service correctionnel du Canada 

3. Établissement d’Edmonton 

4. Unités d’intervention structurée 

5. Surreprésentation des femmes autochtones dans les milieux de garde fermés (sécurité maximale 

6. Programme mère-enfant 

7. Véhicules d’escorte 

ENQUÊTES NATIONALES 

1. Mise à jour sur les expériences des personnes noires dans les pénitenciers fédéraux canadiens 

2. Formes restrictives de détention dans les établissements pénitentiers fédéraux (pénitenciers à sécurité maximale pour hommes) 

3. Dix ans depuis Une question de spiritualité : Enjeux liés aux Autochtones dans le système correctionnel fédéral (Partie I) 

Perspectives de l’enquêteur correctionnel pour 2022-2023 

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel 

Annexe A : Résumé des recommandations 

Annexe B : Statistiques annuelles 

Annexe C : Autres statistiques 

RÉPONSE AU 49E RAPPORT ANNUEL DE L’ENQUÊTEUR CORRECTIONNEL 

Message de la commissaire 

Réponses aux recommandations 


Message de l’enquêteur correctionnel

Photo de Ivan Zinger, Enquêteur correctionnel de Canada

Ivan Zinger, 
Enquêteur correctionnel de Canada< 
 

Ce n’est pas un hasard de l’histoire si mon Bureau a été créé il y a près de 50 ans, en 1973, au milieu d’une série d’émeutes dans les prisons, de prises d’otages, de meurtres, de chaos et de mauvaise administration qui ont failli amener le Service des pénitenciers du Canada, comme on l’appelait alors, à ses genoux. La Commission d’enquête mise sur pied pour faire la lumière sur cette période de révolte et d’agitation sans précédent dans le système carcéral canadien a reconnu la valeur de fournir aux personnes purgeant une peine fédérale un système de recours indépendant et externe pour la présentation et la résolution de griefs légitimes. La première enquêtrice correctionnelle, madame Ingrid Hansen, a pris ses fonctions en juin 1973. Un demi-siècle plus tard, mon Bureau offre toujours un cadre nécessaire pour présenter des plaintes individuelles et systémiques des prisonniers. Mon Bureau continue d’exercer un contrôle et une surveillance indépendants du système correctionnel fédéral du Canada, en menant des enquêtes, en présentant des conclusions et en formulant des recommandations dans l’espoir d’apporter des changements durables et une réforme positive.

En tant qu’organisme de surveillance, ma capacité à influencer, à provoquer des changements ou à persuader d’adopter une autre ligne de conduite est liée à la qualité, à la rigueur, à la pertinence et à l’intégrité des enquêtes menées par mon Bureau. Dans ces cas, l’influence du Bureau repose sur un mélange de pouvoirs discrétionnaires et obligatoires, à la fois limités et conditionnels aux questions cernées et mises en avant dans les rapports publics. Il est certainement de mon ressort d’informer le Service correctionnel du Canada (SCC) lorsque je pense que son bateau s’enlise ou risque de couler, mais il n’est pas de mon ressort de lui construire un meilleur bateau ou un bateau plus étanche. Pour aller droit au but, ma capacité à influencer la politique ou la pratique au sein du SCC englobe les sujets de préoccupation systémique ou individuelle que je soulève dans mes rapports annuels, que je présente au Parlement ou que je choisis d’aborder occasionnellement avec les médias.

Il est vrai qu’à l’occasion, il m’arrive de laisser libre cours à ma frustration dans les médias ou d’exprimer publiquement mon mécontentement ou ma déception envers le SCC et de sa tendance à détourner les critiques, à y faire obstacle ou à s’en défendre. Bien que mes conclusions, en particulier celles de nature systémique, soient parfois ignorées ou laissées sans suite par le SCC, je suis fier du fait que l’ensemble des travaux du Bureau ne passe pas inaperçu pour beaucoup d’autres personnes, notamment les universitaires, les avocats, les médias, le Parlement, les autres Canadiens intéressés et les intervenants. Qu’il s’agisse de commissions d’enquête nationales, comme la Commission de vérité et réconciliation et l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, de rapports de comités parlementaires permanents, ou encore d’universités et de salles d’audience dans tout le pays, les recommandations et les rapports du BEC sont fréquemment cités pour informer, enseigner, instruire et, oui, de temps en temps, pour plaider.

Pour une très bonne raison, les pouvoirs et les autorités conférés par la loi qui protège et garantit mon indépendance fonctionnelle par rapport au SCC et au ministre de la Sécurité publique prévoient également que je ne suis pas un témoin habile à témoigner dans toute procédure judiciaire. Je ne peux pas être assigné à comparaître devant un juge ou être appelé dans la salle d’audience pour fournir des preuves d’expert ou un témoignage de première main. Cela dit, le contenu et le contexte des rapports du Bureau sont fréquemment utilisés par les tribunaux ou les avocats, et servent souvent de renseignements généraux, voire d’éléments de preuve, à prendre en considération dans les poursuites individuelles et les recours collectifs. Les rapports du Bureau sur la surreprésentation et les résultats disparates des Autochtones (facteurs de l’arrêt Gladue et évaluations des risques actuariels) ou des Noirs (évaluations culturelles) dans le système correctionnel fédéral, par exemple, sont souvent pris en compte lors de la détermination de la peine. Les batailles juridiques longues et tortueuses et les contestations constitutionnelles visant à mettre fin à l’isolement cellulaire au Canada se sont appuyées sur des preuves, en partie documentées dans les conclusions du BEC au cours des nombreuses années de rapports sur cette question.

La vitalité, la pertinence et la force du Bureau résident dans sa capacité à témoigner, à documenter avec précision, de manière impartiale et sans crainte de représailles ou de licenciement. Nous pouvons entrer dans les prisons fédérales et les inspecter sans entraves et nous pouvons exiger la production de tout document sans délai ni censure. Nous nous efforçons de rendre compte avec précision de ce qui se passe réellement derrière ces murs imposants. Nous donnons l’heure juste. Je suis fier, à juste titre, du fait que nos rapports sont utilisés pour orienter la législation et les législateurs. Les recommandations, les rapports et les conclusions du Bureau se retrouvent souvent dans les priorités du gouvernement en matière de justice pénale, les discours du trône, les lettres de mandat des ministres ou des commissaires. Une référence récente dans la lettre de mandat du premier ministre au ministre de la Sécurité publique — à savoir qu’il doit « s’attaquer au racisme systémique et à la surreprésentation des Canadiens noirs et racialisés et des peuples autochtones dans le système judiciaire » — reflète une priorité du gouvernement qui remonte à plus d’une décennie de rapports du Bureau. De plus, notre enquête nationale 2019-2020 sur la coercition et la violence sexuelles derrière les barreaux ( une culture du silence ) a également été mentionnée dans la lettre de mandat du ministre dans la directive du premier ministre lui demandant de « considérer la façon de s’assurer que les établissements correctionnels fédéraux soient des environnements sûrs et humains, exempts de violence et de harcèlement sexuel, et qu’ils favorisent la réadaptation et la sécurité publique ». Nos rapports sont souvent cités par les rapporteurs spéciaux des Nations Unies — des experts en droits de la personne reconnus au niveau international qui font périodiquement rapport sur les conditions de détention ou le traitement des groupes vulnérables derrière les barreaux. On trouve également des citations du BEC dans les rapports du gouvernement aux organismes de surveillance de l’ONU établis pour veiller à ce que le Canada respecte les obligations découlant des traités internationaux en matière de droits de la personne.

Même en souhaitant, bien sûr, que mes recommandations soient davantage acceptées et que mon rôle de surveillance au sein du SCC soit reconnu, ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. En tant qu’ombudsman, mes pouvoirs sont limités à la formulation de recommandations. Je ne peux pas obliger le Service à accepter mes conclusions ou à mettre en œuvre mes recommandations. La seule obligation légale du SCC est de répondre dans un délai raisonnable à mes recommandations. J’ai peu de contrôle sur la manière, la méthode, le contenu, la véracité ou l’engagement des réponses du SCC.

À vrai dire, il peut être frustrant de recevoir une réponse du SCC qui répond à l’un de mes rapports ou à l’une de mes recommandations par « la politique dit ceci… » ou « la politique prévoit que… ». En réponse à un rapport donné, il se peut que la moitié de mes recommandations soient citées dans le vaste catalogue des directives du commissaire (DC) du SCC. Au sein du SCC, la collection de DC, qui ne cesse de s’étendre, a en quelque sorte atteint le même statut que la loi, à laquelle elle est censée donner un sens. Mes enquêteurs sont très au fait de ce que la politique exige ou n’exige pas. La raison pour laquelle nous soulevons ces questions en premier lieu est généralement que nous avons constaté une certaine non-conformité avec la mesure politique dans la pratique, qu’il s’agisse d’une mauvaise interprétation, d’une mauvaise application ou parfois même d’une lacune dans la politique. C’est ce que fait mon Bureau : nous contrôlons et assurons le respect de la loi et des politiques. Un acte d’omission ou un constat de non-conformité ne peut être épargné par le fait qu’une directive du commissaire existe déjà, qu’elle peut être citée mot pour mot ou qu’elle est en fait censée signifier autre chose. Répondre à une constatation de non-conformité en citant une politique est circulaire et ne tient pas compte de l’affaire en question. Ce n’est pas une réponse.

On dit que l’on ignore souvent les conseils à ses propres risques. Pour étendre cette métaphore, on pourrait dire que les conclusions et recommandations réémises par mon Bureau sont rejetées, ne sont pas suivies ou sont mises de côté aux risques et périls du SCC. Le rapport de cette année intègre un certain nombre de questions d’importance ou de préoccupation nationale qui ont été soulevées tout au long de la période visée par le rapport, souvent dans le cadre de la correspondance, de visites institutionnelles ou de réunions et d’échanges bilatéraux avec le SCC à tous les niveaux de l’organisation. Il ne s’agit généralement pas de nouvelles questions, mais plutôt de domaines de préoccupation non résolus, non traités ou actualisés qui font l’objet d’une enquête active. Dans de nombreux cas, les mêmes recommandations des rapports précédents sont répétées mot pour mot ou reformulées. Voici quelques-unes de ces mises à jour et leurs historiques de rapports respectifs inclus dans le rapport de cette année :

  1. Interdiction de recourir aux placements en cellule nue au-delà de 72 heures (recommandation formulée pour la première fois dans le rapport annuel 2011-2012 du Bureau, réitérée en 2018-2019 et rééditée en 2021-2022). 

     
  2. Programme d’échange de seringues dans les prisons (PESP) qui, sur la base de faibles taux de participation, existe davantage en nom qu’en pratique (initialement signalé dans le rapport annuel 2018-2019 du Bureau). 
     
  3. Dysfonctionnement à l’Établissement d’Edmonton (rapports annuels successifs). 
     
  4. Surreprésentation des femmes autochtones dans les unités à sécurité maximale (nombreux rapports annuels, ainsi qu’un rapport et un avis au ministre en vertu de l’article 180 en juin 2018). 

     
  5. Critères trop restrictifs qui limitent ou discriminent systématiquement la participation des femmes autochtones au volet avec cohabitation du Programme mère-enfant en établissement (question soulevée pour la première fois dans le rapport annuel 2009-2010). 

     
  6. Absence de ceintures de sécurité pour les prisonniers dans les véhicules d’escorte du SCC (soulevée pour la première fois dans le rapport annuel 2016-2017 du Bureau). 

     

Je pourrais facilement énumérer d’autres problèmes et leurs antécédents en matière de rapports ci-dessus, mais je pense que le message a été suffisamment clair. Nonobstant le fait que les services correctionnels relèvent d’un domaine de la politique publique qui résiste obstinément à la réforme et au changement, il existe de nombreuses raisons pour lesquelles, dans le cadre de mon travail, je me sens souvent obligé de renouveler ou de mettre à jour des conclusions ou de reformuler des recommandations encore et encore. Pour ceux qui comptent encore, c’est la raison pour laquelle mon prédécesseur et moi-même avons jugé nécessaire de réitérer la recommandation au SCC de nommer un commissaire adjoint responsable des services correctionnels pour les Autochtones plus de dix fois en plus de vingt ans de rapports tenaces sur cette question. C’est également la raison pour laquelle un grand nombre des thèmes et sujets abordés dans le rapport de cette année ne sont pas de nouvelles questions en soi, mais comprennent plutôt une approche différente d’un sujet de préoccupation qui remonte à des années, voire à des décennies, de rapports du Bureau.

Au cours d’une année donnée, il y a, en fait, très peu de questions qui pourraient être considérées comme nouvelles ou qui n’ont jamais été signalées par mon Bureau. L’aide médicale à mourir (AMAM) est peut-être la dernière question vraiment nouvelle dans le domaine correctionnel à laquelle mon Bureau s’est attaqué, mais même alors, l’AMAM n’était qu’une extension de la législation à une catégorie largement oubliée de personnes incarcérées qui restent encore privées de la possibilité de décider comment, quand et où elles peuvent choisir de mettre fin à leur vie dans le respect et la dignité. D’autres questions et préoccupations plus « modernes » dans le domaine correctionnel contemporain - identité et expression de genre, coercition et violence sexuelles derrière les barreaux, répercussions des mesures et des restrictions liées à la COVID-19 sur les populations carcérales, vieillir derrière les barreaux, surreprésentation des Noirs dans les incidents où il y a recours à la force — ne sont « nouvelles » ou intéressantes que dans la mesure où les rapports sur ces sujets parviennent à atteindre la lumière du jour.

Je comprends aussi bien que quiconque que le changement systémique dans le domaine correctionnel n’est ni facile ni rapide. Le SCC et le ministère de la Sécurité publique ne font que commencer à prendre des mesures et à s’attaquer concrètement à la prévalence de la coercition et de la violence sexuelles derrière les barreaux. Cinq ans après l’ajout de la discrimination fondée sur le sexe aux motifs illicites de la Loi canadienne sur les droits de la personne , une nouvelle directive autonome du commissaire vient d’être promulguée. Bien que ces initiatives stratégiques répondent aux rapports du Bureau dans ces domaines, il existe un grand nombre d’autres questions pour lesquelles la politique et la pratique correctionnelles (par exemple, l’approche de tolérance zéro du SCC envers la consommation et la possession de drogues derrière les barreaux) sont considérablement déphasées.

Sur ce dernier point, mon rapport sur les mesures prometteuses de réduction des méfaits, comme un site de consommation supervisée (service de prévention des surdoses) et un service d’échange de seringues derrière les barreaux, qui sont activement subverties par des pratiques de sécurité à tolérance zéro, ne fait qu’effleurer les réformes substantielles nécessaires. Je signale que la dernière mise à jour de la stratégie nationale antidrogue du SCC remonte à 2007. La politique canadienne en matière de possession et de consommation de drogues simples a évolué de façon spectaculaire depuis lors, mais la culture du SCC reste enlisée dans un état d’esprit prohibitif et répressif. Le maintien d’une approche de tolérance zéro envers les drogues, qui repose sur des mesures de détection, de discipline et de répression toujours plus intrusives — fouilles à nu, fouilles des cavités corporelles, fouilles des cellules, inculpations, analyses d’urine — est un jeu coûteux aux rendements décroissants. Si une personne est désespérée, endettée ou dépendante au point de dissimuler des drogues dans des cavités corporelles, avec des conséquences potentiellement mortelles, alors ce niveau de désespoir devrait certainement nous inciter à envisager d’autres approches moins intrusives, fondées sur des données probantes et compatissantes pour lutter contre les méfaits de la consommation de drogues illicites derrière les barreaux. Des progrès supplémentaires et un traitement clinique sont également nécessaires de toute urgence pour réduire la demande.

Comme je l’explique plus loin dans ce rapport, le fait de placer un prisonnier dans une cellule austère sans plomberie, dans une jaquette de sécurité, sans aucune certitude de libération pendant des jours et des jours pour effectuer une fouille à la recherche de produits de contrebande présumés est inhumain, dégradant et très probablement illégal. La « guerre » contre la drogue derrière les barreaux ne pourra jamais être gagnée en utilisant des mesures extrêmes comme l’isolement indéfini . Il semble dommageable et inutile de punir les gens pour ce qui est, en fin de compte, des problèmes de toxicomanie et de dépendances. La prohibition absolue des drogues ne fonctionne pas dans la communauté et elle ne fonctionnera pas en prison. Une révision et un renouvellement de la politique antidrogue du SCC sont désespérément nécessaires si des mesures de réduction des méfaits plus prometteuses et novatrices, comme le service de prévention des surdoses de l’Établissement de Drumheller, ont un quelconque espoir de voir le jour au-delà de la mise en œuvre pilote initiale.

Même lorsque des changements transformateurs surviennent dans le secteur correctionnel, comme ce fut le cas récemment dans la bataille juridique de plusieurs décennies visant à mettre fin à la pratique de l’isolement cellulaire dans les prisons canadiennes, ils sont souvent insaisissables et il est difficile de maintenir les progrès ou l’élan au fil du temps. Le remplacement de l’isolement cellulaire par un ensemble de normes juridiques qui rendent obligatoire un contact humain significatif derrière les barreaux et imposent des limites statutaires à la durée pendant laquelle une personne peut être détenue dans des environnements ou des circonstances privatives, en est un exemple. En dehors des unités d’intervention structurée, toutes sortes de formes restrictives d’isolement (définies comme moins de quatre heures par jour hors de la cellule) restent une réalité tenace et substantielle, comme le montre mon enquête sur les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes. Le seuil du temps passé hors de la cellule, y compris les contacts significatifs avec d’autres personnes, est maintenant établi dans la loi fédérale, mais il existe encore de nombreuses formes d’isolement et de circonstances où même ces exigences minimales ne sont pas satisfaites ou respectées.

Le rapport de cette année comprend également une documentation actualisée et beaucoup plus étoffée sur l’expérience des prisonniers noirs au Canada, un sujet sur lequel mon Bureau a fait rapport pour la première fois en 2013. Dix ans plus tard, les principaux problèmes documentés dans ce rapport précurseur — discrimination, racisme, étiquettes, stéréotypes — restent d’actualité et ont un impact considérable sur l’égalité des résultats pour les personnes noires dans les prisons fédérales.

La première d’une enquête en deux parties qui met à jour le rapport spécial de 2013 du Bureau au Parlement, Une question de spiritualité : les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , déposée en mars 2013, est également à l’honneur. Peu de conclusions contenues dans ce document d’introduction et de mise en contexte surprendront ceux qui sont familiers avec la situation de surreprésentation ou de disparité des résultats pour les Autochtones en détention fédérale.

La capacité de mon Bureau à effectuer des changements doit également être comprise et évaluée dans le contexte de notre capacité, plutôt réussie, à traiter les plaintes et les problèmes au niveau des établissements ou des personnes en temps opportun. Mon équipe d’enquêteurs s’efforce d’établir des relations positives avec le personnel et les détenus des établissements auxquels ils sont affectés. Les relations entre mon personnel d’enquête, le personnel du SCC et la direction des pénitenciers du Canada sont uniformément productives, professionnelles, cordiales et adaptées. Le personnel du BEC travaille sans relâche, souvent sans grande reconnaissance, pour résoudre les problèmes de manière informelle et aux niveaux les plus bas possible. Notre taux de recours positif et de résolution des problèmes au niveau de l’établissement ou des plaintes individuelles est nettement supérieur aux progrès que nous réalisons sur les problèmes systémiques. Malgré les déplacements, les fermetures de prisons et les restrictions de visites imposées par la pandémie de COVID-19, mon équipe d’enquêteurs a pu, l’année dernière, effectuer plus de 60 visites en personne ou virtuelles dans des institutions fédérales.

Je suis immensément fier de l’ensemble du travail présenté ici, d’autant plus impressionnant qu’il a été réalisé au cours d’une autre année de restrictions liées à la COVID, qui a nécessité des conditions de travail adaptées.

Ivan Zinger, JD., Ph. D. 
Enquêteur correctionnel 
Juin 2022 


Message de la directrice générale

Bien que nous ayons eu l’espoir que les restrictions imposées par la pandémie seraient levées au cours de l’année écoulée, nos espoirs ont été rapidement anéantis par les variants de la COVID-19 qui ont provoqué de nouveaux isolements, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des établissements correctionnels fédéraux. L’évolution et l’incertitude de la situation ont continué à causer beaucoup de difficultés non seulement pour les personnes que nous servons derrière les barreaux, mais aussi pour nos employés.

Malgré ces difficultés, le fait que nous ayons pu passer 83 jours dans les établissements, soit 46 visites, en dit long sur le dévouement et l’engagement de nos employés. Ces visites ont été effectuées dans toutes les régions. Certains établissements nécessitant notre attention ont été visités plus d’une fois, notamment les établissements à sécurité maximale, notamment Atlantique (2 x), Edmonton (2 x), Donnacona (2 x), Port Cartier (2 x), Millhaven (2 x) et Kent (3 x). Certains établissements pour femmes ont également été visités plus d’une fois. L’enquêteur correctionnel a visité à lui seul neuf établissements, fournissant son évaluation et ses conseils d’expert sur ce qu’il a observé. J’ai moi aussi eu l’occasion d’effectuer des premières visites dans huit établissements pour constater moi-même la réalité de la vie derrière les barreaux, tant pour les personnes incarcérées que pour les employés du SCC qui y travaillent. J’apprécie la coopération et la collaboration que nous recevons du personnel et de la direction du SCC. De nombreuses questions importantes sont résolues au niveau de l’établissement entre les employés du BEC et du SCC.

Le fait d’effectuer des visites en personne tout au long de la pandémie démontre notre attention constante aux besoins des personnes que nous servons et notre engagement à surveiller les prisons. Nos visites allaient de l’inspection d’un jour à des visites ouvertes avec une charge de travail complète pour rencontrer les personnes incarcérées, entendre les questions et les préoccupations qu’elles soulèvent et y donner suite.

Notre personnel chargé des politiques et de la recherche, ainsi que les enquêteurs, ont fait preuve de résilience dans leurs efforts en effectuant plusieurs visites en peu de temps alors que les restrictions étaient levées. Nos agents d’intervention préventifs ont été là pour répondre à des milliers d’appels et pour trier les plaintes que nous avons reçues. Je tiens également à souligner le travail de nos collègues des services corporatifs, qui fournissent le personnel et gèrent les coûts administratifs, et sans lesquels nous ne pourrions pas fonctionner. Non seulement ils s’occupent des obligations croissantes en matière de rapports gouvernementaux et de la charge disproportionnée à laquelle sont confrontés les micro-organismes, mais ils ont également contribué à nous guider dans le cadre des restrictions et des exigences liées à la COVID-19 pour assurer la sécurité de nos employés.

Au cours de l’année écoulée, l’organisation a progressé dans l’élaboration d’un plan stratégique triennal composé de quatre priorités clés :

  1. Créer un environnement où le BEC est un employeur de choix, en assurant un lieu de travail sûr et respectueux où les employés se sentent habilités et soutenus; 

     
  2. Garantir une structure organisationnelle alignée sur les priorités du bureau, souple et agile pour répondre aux problèmes émergents; 

     
  3. Améliorer la capacité et l’efficacité des enquêtes et des inspections systémiques par une planification et une collaboration accrues; 

     
  4. Mettre en œuvre d’une stratégie de gestion des données répondant aux besoins des différentes fonctions au sein du bureau, afin de permettre au BEC de mesurer et de rendre compte plus efficacement des fonctions et de l’incidence positive du Bureau. 

     

J’ai la chance de travailler avec une équipe de gestion aussi dévouée, un enquêteur correctionnel passionné et audacieux, et des employés qui se soucient sincèrement de l’important mandat de notre Bureau, qui consiste à assurer la garde sécuritaire et humaine des détenus au Canada. Leur travail acharné, leur passion pour la justice sociale et leur professionnalisme continuent de m’impressionner. Je me réjouis de commencer la mise en œuvre de notre plan stratégique au cours de l’année à venir, avec l’espoir que notre travail et nos vies soient moins touchés par les restrictions d’une pandémie, et que les choses reviennent un peu plus à la normale.

Monette Maillet 
Directrice générale et avocate générale 
Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada 


Mises à jour nationales et enjeux importants

La présente section résume les enjeux politiques ou les cas individuels importants qui ont été examinés aux niveaux institutionnel et national au cours de la période visée par le rapport. Les enjeux et les cas présentés ici ont fait l’objet soit de discussions avec les directeurs d’établissements, soit d’un échange de correspondance ou d’un point à l’ordre du jour de réunions bilatérales entre la commissaire, moi-même et nos équipes respectives de la haute direction. Ces domaines de préoccupation non résolus, non traités ou mis à jour font toujours l’objet d’une enquête active. La présente section sert donc à documenter les progrès réalisés dans le traitement des enjeux qui revêtent une importance nationale ou qui sont source de préoccupation.


1. Cellules nues

Ainsi, à l’heure actuelle, nous n’avons pas d’interdiction absolue de placement de plus de 72 heures, car il est arrivé que des délinquants réinsèrent ou avalent des corps étrangers pour éviter d’être détectés, ce qui nécessite la poursuite du placement au-delà d’une période de 72 heures. (SCC, réponse au rapport annuel 2011-2012 )

Les placements en cellule nue excédant 72 heures ne sont pas interdits, car l’évacuation des selles à une fréquence de plus de 72 heures n’est pas hors du commun. En fait, plusieurs publications médicales soutiennent que certaines personnes n’évacuent leurs selles qu’une (aux 168 heures) ou deux fois (aux 80-90 heures) par semaine. C’est donc pour cette raison que les plus récents changements législatifs n’ont pas imposé des limites de temps, mais ont plutôt imposé une surveillance médicale. (SCC, réponse au rapport annuel 2019-2020 )

Dans une décision judiciaire récente (novembre 2021, Adams c. Nova Institution ), la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a jugé illégale la pratique consistant à utiliser une cellule nue pour les femmes soupçonnées de dissimuler des produits de contrebande dans leur vagin, car elles pourraient être soumises à des périodes de détention en cellule nue plus longues, voire indéfinies. Pour situer le contexte, la « détention en cellule nue » d’un prisonnier est une procédure extraordinaire qui nécessite une fouille à nu, une surveillance et une observation 24 heures sur 24, ainsi qu’un éclairage de la cellule 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Elle est effectuée dans l’espoir que le prisonnier finira par « expulser » l’objet interdit. Dans cette affaire, le tribunal a constaté qu’une ancienne prisonnière de l’établissement Nova pour femmes avait été soumise à une détention en cellule nue pendant plus de deux semaines consécutives après avoir été soupçonnée de dissimuler des drogues dans son vagin. Le 15e jour de sa détention en cellule nue, un examen pelvien a finalement confirmé qu’elle ne dissimulait aucun produit de contrebande dans son corps.

La Cour a initialement donné au gouvernement six mois pour revoir sa politique dans ce domaine, un délai qui a ensuite été prolongé et qui expire en juillet 2022. En réponse, en avril 2022, le gouvernement fédéral a fait part de son intention de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d’interdire l’utilisation de cellules nues pour les femmes soupçonnées de dissimuler des produits de contrebande dans leur vagin.

Le SCC a également pris connaissance de la décision, en publiant un bulletin de politique provisoire le 25 avril 2022. Le bulletin indique : « À compter de maintenant, les personnes incarcérées qui dissimulent présumément des objets interdits dans leur cavité vaginale, ou ailleurs que dans l’appareil digestif, ne seront plus placées en cellule nue ». Il stipule également que l’administration centrale (AC) du SCC doit être informée lorsqu’une mise en cellule nue dépasse 72 heures. Selon la directive provisoire, cette nouvelle exigence est destinée à « rehausser la surveillance » et à permettre à l’administration centrale « de fournir des directives additionnelles au besoin ».

Photo de l’intérieur d’une cellule sèche à l’Établissement de Warkworth.

Établissement de Warkworth — Intérieur d’une cellule sèche. 

Photo d’une cellule sèche à l’Établissement de Warkworth.

Établissement de Warkworth — Cellule sèche. 

Sur la base des réponses du gouvernement et du SCC jusqu’à présent, il ne semble pas y avoir d’intention d’aller plus loin et d’imposer une interdiction plus large ou d’introduire des restrictions supplémentaires sur la pratique controversée de l’utilisation de cellules nues, une procédure que j’ai précédemment décrite comme étant « de loin la plus dégradante, la plus austère et la plus restrictive que l’on puisse imaginer dans les services correctionnels fédéraux ». Le point de départ de cette affaire et la décision même reposent sur un ensemble assez restreint d'arguments et de faits. La Couronne a tenté de convaincre le tribunal que la détention en cellule nue du prisonnier était en fait illégale, qu’il s’agissait d’une sorte « d’incident isolé et localisé (et non systémique) de mauvaise administration » de la part de l’établissement et que, en tout état de cause, la définition de la fouille d’une « cavité corporelle » dans les services correctionnels fédéraux n’inclut pas la dissimulation d’objets interdits dans un vagin. Le jugement interdit l’utilisation de cellules nues pour les femmes détenues soupçonnées de porter des produits de contrebande dans leur vagin. Il ne se prononce pas plus largement que cela. Là où il existe un intérêt public clair et convaincant dans l’affaire Adams c. Nova Institution consiste à déterminer si la détention d’un prisonnier dans des conditions privatives et dégradantes, pour une durée indéterminée , devrait être considérée comme légale, particulièrement dans le contexte de l’abolition récente de l’isolement cellulaire dans les prisons canadiennes.

Le Bureau a soulevé pour la première fois une série de préoccupations concernant la pratique des cellules nues dans son rapport annuel 2011-2012, à une époque où il y avait peu de mesures de protection et pratiquement aucune surveillance interne de cette pratique. Depuis lors, le SCC a mis en place diverses mesures en matière de rapports et de procédures — l’obligation de donner un avis écrit sur les raisons du placement, la possibilité pour les personnes incarcérées de retenir les services d’un avocat et de lui donner des instructions sans délai, l’obligation de donner un avis aux services de santé et de recevoir leur visite quotidiennement, et l’examen quotidien des placements par le directeur.

Établissement Drummond —À l’intérieur d’une cellule sèche.

Photo d’une toilette à l’intérieur d’une cellule sèche à l’Établissement Drummond. 

Photo de l’équipement à l’extérieur de la cellule sèche de l’Établissement Drummond.

Établissement Drummond – À l’extérieur de la cellule sèche. 

Malgré cela, le SCC a résisté face à l’établissement de toute limite supérieure quant à la durée pendant laquelle une personne peut être détenue dans une cellule nue qui n’est munie d’aucune plomberie. Si les circonstances décrites dans le jugement de la Cour sont « isolées et localisées » (c’est-à-dire qu’elles ne sont pas de nature systémique), la pratique consistant à détenir un prisonnier dans une cellule nue pendant une période indéfinie est loin d’être inhabituelle. Au cours de la période visée par le rapport, le Bureau est intervenu dans le cas d’une jeune femme autochtone qui a été détenue en cellule nue pendant neuf jours consécutifs. À mon avis, il ne peut y avoir aucune autre raison ou justification pour détenir une personne dans de telles conditions privatives. Comme je l’ai déjà dit, je pense que cette pratique devrait être plafonnée à 72 heures. Après trois jours, je pense que cette procédure est excessive et déraisonnable, voire strictement punitive.

On ne sait pas combien de fois les cellules nues sont utilisées dans les prisons fédérales, car le Service n’est pas obligé de rendre compte publiquement de cette pratique. Plus de dix ans après le premier rapport du Bureau sur cette question, les pratiques varient encore considérablement d’une région à l’autre et même au sein des établissements en ce qui concerne l’interprétation et les procédures de détention en cellule nue. Les mécanismes actuels de tenue des dossiers et de rapports qui sont en place (c’est-à-dire la justification du placement, l’enregistrement des crises, les rapports d’observation, les carnets de bord détaillant les périodes de séjour) ne sont pas cohérents d’un établissement à l’autre. Les rapports d’incident et d’observation des placements en cellules nues sont enfouis dans les dossiers individuels de sécurité préventive.

Plus important encore, il y a peu de vérifications et d’équilibres en place pour examiner ou contester la qualité ou la validité des renseignements utilisés pour placer ou maintenir une personne dans une cellule nue. Les placements de cette nature nécessitent des « motifs raisonnables et probables », un seuil légal qui ne peut être satisfait sur la base d’une intuition ou d’un soupçon personnel. À part de la remise volontaire de la marchandise de contrebande, la seule certitude d’être libéré d’une cellule nue est la défécation, et seulement dans ce cas, s’il y a une sorte de contrebande expulsée et récupérée. Sinon, comme l’illustre l’arrêt de la Nouvelle-Écosse, les placements peuvent se prolonger indéfiniment avec peu de moyens pratiques pour contester, annuler ou mettre fin à ce qui pourrait potentiellement constituer un traitement ou une punition cruel et inhabituel. C’est précisément la nature indéfinie de l’isolement préventif (ou isolement cellulaire), défini comme une absence de deux heures ou moins de la cellule, qui a conduit le gouvernement actuel à abolir cette pratique correctionnelle particulière. On peut dire que l’utilisation de cellules nues est une forme de détention encore plus flagrante, qui ne fait l’objet d’aucune forme d’examen ou de surveillance externe.

On s’attend à ce que les placements de cellules nues soient limités à ce qui est raisonnablement nécessaire et à la période la plus courte possible. Cependant, étant donné les limites des données et de la tenue des registres, il est actuellement impossible de corroborer le nombre réel ou la durée de ces placements. En outre, l’obligation pour les services de santé de surveiller le placement en cellules nues constitue une autre violation de leur rôle de défenseur des patients — un autre problème de « double loyauté » qui oblige de manière inappropriée le personnel des services de santé à s’impliquer dans les questions de discipline et de sécurité.

Pour toutes ces raisons, je conclus que la mesure supplémentaire d’examen interne et de notification que le Service a mise en place pour répondre à la décision de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse (obligation de faire rapport à l’AC sur les placements en cellule nue dépassant trois jours) est inadéquate et insuffisante. Cette mesure est loin d’être suffisante pour répondre aux préoccupations et aux intérêts en jeu en matière de vie, de liberté et de dignité.

  1. Je réitère ma recommandation d’interdire tout placement indéfini en cellule nue au-delà de 72 heures. 

     

2. Stratégie antidrogue du Service correctionnel du Canada

Cette mise à jour passe en revue certains aspects de la politique du SCC en matière de drogues. Elle évalue les progrès réalisés pour répondre aux préoccupations et aux obstacles à la participation au Programme d’échange de seringues dans les prisons (PESP), soulevés pour la première fois dans mon rapport annuel 2018-2019. Elle documente également les observations préliminaires du Bureau concernant une mesure connexe de réduction des méfaits — le Service de prévention des surdoses (SPS) — à l’établissement de Drumheller, en Alberta. Elle conclut par quelques commentaires sur la politique de tolérance zéro du SCC en matière de drogues et prévoit à un énoncé de politique plus équilibré, fondé sur des données et mis à jour (Directive du commissaire 585 — Stratégie nationale antidrogue ) afin d’aborder de manière plus complète et avec plus de compassion les méfaits des dépendances et de la consommation de drogues chez les détenus fédéraux.

Programme d’échange de seringues dans les prisons

Dans le rapport annuel 2018-2019 du Bureau, j’ai fait état des difficultés et des obstacles rencontrés lors de la mise en œuvre initiale du Programme d’échange de seringues dans les prisons du SCC. À cette époque (en avril 2019), le programme commençait tout juste à être mis en œuvre dans un nombre restreint d’établissements et il n’y avait qu’une poignée de personnes inscrites. J’ai formulé un certain nombre de conclusions et de recommandations préliminaires pour remédier au nombre étonnamment faible de participants au programme :

  • Une approche de tolérance zéro envers la consommation et la possession de drogues par les détenus est en contradiction avec les principes et les pratiques de réduction des méfaits du PESP. Footnote
  • L’utilisation d’une évaluation de la menace et des risques (EMR) comme condition préalable à la participation au PESP repousse les participants potentiels.
  • L’accès aux aiguilles/seringues n’est pas déterminé en fonction du besoin (échange de seringues selon le principe du un contre un).
  • Absence de points d’accès et de distribution multiples (les seringues usagées doivent être retournées aux Services de santé).
  • Manque de confidentialité des participants/patients.
  • Opposition active parmi le personnel de première ligne.
  • Perception de la participation de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Image de l’information et du contrat du Programme d’échange de seringues en prison (PESP) du SCC.

L’information et le contrat du PESP du SCC 

À l’exception du dernier obstacle, tous les autres restent des préoccupations actives. Aujourd’hui, le nombre de détenus qui ont exprimé leur intérêt ou qui participent effectivement au Programme d’échange de seringues n’a pas augmenté de manière substantielle, même en tenant compte d’établissements supplémentaires où le PESP a été mis en œuvre par la suite. Actuellement, un service d’échange de seringues fonctionne dans neuf pénitenciers fédéraux, dont les cinq établissements pour femmes. Sur la base d’un profil instantané de mars 2022, 46 personnes participaient au programme, dont sept femmes purgeant une peine de ressort fédéral. Quelques établissements n’ont même pas encore attiré leur premier participant, tandis que quelques autres établissements où le programme avait été mis en œuvre ont été fermés dès le début de la COVID. Le déploiement national progressif prévu du Programme d’échange de seringues a également été temporairement suspendu, apparemment en raison de la pandémie.

Une évaluation intermédiaire du PESP menée par un expert indépendant a fait des constatations similaires à celles du Bureau. Le rapport d’évaluation préliminaire, daté d’octobre 2020, comprenait ces observations et les obstacles à la participation : Footnote

  • 56 % des établissements ayant un PESP n’avaient aucun participant actif au moment de l’évaluation.
  • La majorité des détenus et une partie du personnel de certains établissements où le PESP existait ne connaissaient pas le programme.
  • Incohérence et ambiguïté des critères d’admissibilité au PESP, des procédures d’entreposage et d’élimination des trousses et autres restrictions d’accès entre les établissements.
  • Manque de planification et de préparation adéquates pour la mise en œuvre.

Le Contrat d’information et de programme du PESP (voir image), que les participants doivent accepter et signer, contient de nombreuses relatives au comportement et des critères restrictifs qui pourraient contribuer à expliquer le manque d’intérêt et d’adhésion des détenus au programme. Jusqu’à présent, le programme n’a pas réussi à susciter beaucoup d’intérêt, de confiance ou d’assurance de la part des détenus ou du personnel de première ligne. Il reste un programme essentiellement en nom seulement.

En ce qui concerne les éventuelles « recommandations exploitables fondées sur des données pour la refonte des programmes et des politiques », l’évaluation intérimaire offre plusieurs suggestions pratiques :

  • Réinventer et rafraîchir le matériel promotionnel du PESP et l’approche proactive pour promouvoir et expliquer le programme aux détenus lors de leur admission et au personnel correctionnel et opérationnel.
  • Élaborer un document de politique standardisé pour assurer la cohérence de la mise en œuvre et de la procédure du PESP dans toutes les prisons fédérales.
  • Retirer et communiquer de manière généralisée l’obligation de partager la participation au PESP avec la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Photo d'une trousse PSEP standard.

Trousse PESP standard 

D’autres mesures connexes de réduction des méfaits ont été approuvées dans l’évaluation à mi-parcours du PESP :

  • Améliorer l’accès au traitement par agonistes opioïdes derrière les barreaux.
  • Rétablir un programme de tatouage plus sécuritaire dans les établissements correctionnels fédéraux.
  • Offrir une plus grande disponibilité de la naloxone.
  • Améliorer l’accès et la distribution d’équipements de reniflage plus sécuritaires.

Il est évident, d’après les conclusions et les recommandations provisoires de l’évaluateur externe, que l’on demande au SCC d’adopter un ensemble plus complet de mesures de réduction des méfaits liés à la consommation de drogues et aux dépendances dans les établissements correctionnels fédéraux, une position que le Bureau appuie depuis longtemps. Le problème, bien sûr, est que les pratiques de répression des drogues du SCC n’adhèrent pas aux principes de la réduction des méfaits et ne les respectent pas. La question demeure : comment y parvenir malgré la résistance et l’opposition au sein d’une culture organisationnelle de tolérance zéro? Un programme connexe de réduction des méfaits, le Service de prévention des surdoses, pourrait constituer un moyen d’aller de l’avant, avec des points d’apprentissage pouvant être mis en œuvre.

Service de prévention des surdoses (SPS)

Photo d’une affiche d’information sur les sites d’injection sécuritaires à l’Établissement de Drumheller.

Établissement de Drumheller — Affiche d’information sur les sites d’injection sécuritaires. 

Le SPS, exploité par les Services de santé, qui est essentiellement un site de consommation sécuritaire dans une prison, fonctionne à l’établissement de Drumheller en Alberta depuis juin 2019. Il s’agit apparemment de la première prison au monde à proposer un tel service, dans lequel les détenus peuvent accéder à des aiguilles, à des seringues, à des garrots et à d’autres équipements et matériels stériles pour s’autoadministrer et consommer une dose de leur substance par visite. Le personnel de santé suit les détenus utilisant le SPS pendant toute la durée de leur consommation et de leur période de rétablissement. Le site est ouvert de 7 h à 19 h. Tout le matériel doit être rendu au personnel soignant présent après utilisation.

Les objectifs établis de la politique et de la pratique du SPS sont les suivants

  • Prévenir les surdoses non mortelles et les décès par surdose
  • Faciliter l’entrée dans les services de traitement de la toxicomanie
  • Réduire le partage à usage multiple d’aiguilles non stériles

     

  • Réduire le partage à usage multiple d’aiguilles non stériles

     

  • Réduire la transmission des infections virales transmises par le sang
Photo du site de prévention des surdoses de l’Établissement de Drumheller en regardant par l’entrée fermée.

Établissement de Drumheller — Site de prévention des surdoses. 

Photo de l’équipement utilisé pour des injections sécuritaires à l’Établissement de Drumheller.

Établissement de Drumheller — Équipement pour des injections sécuritaires. 

Le personnel de santé du SCC qui s’occupe du SPS a reçu une formation spécialisée du Sheldon Schumer Centre de Calgary (un site communautaire de consommation sécuritaire). Le personnel a dû apprendre à cuisiner et à utiliser plusieurs types de substances différentes pour comprendre le contexte de la consommation de drogues injectables et ainsi aider leurs « patients ». La participation au SPS est volontaire (avec un consentement éclairé) et, contrairement au PESP, une évaluation de la menace et des risques n’est pas nécessaire pour y participer. Le Contrat et information sur le patient du SPS, qui précise les attentes et les conditions de participation, sont loin d’être aussi onéreux ou axés sur la sécurité que ceux du PESP. Des antécédents autodéclarés de surdose, de consommation de drogues illicites, de consommation active de drogues et l’expression d’un intérêt à participer au PSP, sont tous des indicateurs fondés sur des données de l’admissibilité à participer au PSP. Le personnel de santé fournit aux participants des renseignements et des conseils sur les pratiques de consommation sans risque dans le contexte du SPS.

Le service lui-même crée une zone de sécurité pour que les participants puissent se rendre de leur unité au site d’injection. En route vers le site, ils ne peuvent pas être accusés de contrebande par le personnel si la quantité de la drogue en question ne dépasse pas les limites de consommation personnelle. Un détenu participant au service n’est pas non plus soumis à des fouilles ou à des analyses d’urine supplémentaires au-delà de ce qui est prévu par la politique (il ne peut pas être isolé ou ciblé). La participation au service ne donne cependant pas carte blanche à la consommation de drogues ou à la possession d’attirail de drogues en dehors du SPS.

Photo du matériel utilisé pour des injections sécuritaires dans un bac en carton à l’Établissement de Drumheller.

Établissement de Drumheller — Équipement pour des injections sécuritaires. 

Photo du site de prévention des surdoses à l’Établissement de Drumheller (intérieur).

Établissement de Drumheller — Site de prévention des surdoses. 

Comme l’a expliqué l’un de mes enquêteurs qui a effectué une visite sur place du SPS en novembre 2021, Drumheller a été choisi pour être le site du premier SPS dans les services correctionnels fédéraux en raison de l’incidence précédemment élevée des surdoses de drogues enregistrées et de la prévalence de la consommation de drogues, estimée à 70 % de l’ensemble des détenus qui consomment. Si, au départ, le personnel non médical s’est montré réticent, les perceptions et les attitudes ont depuis évolué vers une acceptation plus large du programme, en partie grâce à une campagne concertée et proactive des services de soins de santé visant à sensibiliser le personnel et à le faire accepter. Le personnel de première ligne a reconnu que la consommation de drogues et les surdoses de drogues étaient courantes avant la création du SPS. Ils devaient régulièrement administrer du NARCAN et (ou) la RCP à des personnes qui avaient fait une surdose, donc la possibilité de réduire l’occurrence de ces événements et interventions avec le SPS a été bien accueillie. Le SPS fournit également un moyen de diriger les personnes vers un endroit sûr et supervisé pour leur consommation, sans mettre en danger la sécurité du personnel. Selon les renseignements fournis à l’enquêteur affecté à Drumheller, le personnel de première ligne fait désormais activement la promotion du programme auprès des détenus lorsqu’il les trouve en possession ou en train de consommer des drogues ou des attirails.

En ce qui concerne l’adoption et l’utilisation, depuis la première ouverture en juillet 2019 jusqu’à mars 2022, le SPS a reçu 1 566 visites, dont 52 participants. Depuis le lancement du programme jusqu’en mars 2022, il y a eu 20 surdoses de drogue à Drumheller. Aucun de ces cas ne s’est produit au SPS. Aucun décès par surdose n’a été enregistré au cours de cette période.

Dans l’état actuel des choses, le modèle du SPS n’est pas parfait et n’est pas exempt de défauts (par exemple, ressources limitées, accessibilité et heures d’ouverture limitées, manque de soutien pour l’aide par les pairs, disponibilité et distribution de matériel de reniflage plus sécuritaire). Cependant, il offre une pratique exemplaire potentielle dans laquelle l’apprentissage et l’expérience fondés sur des données peuvent être partagés et appliqués à d’autres prisons fédérales. Il convient également de préciser que le SPS n’est pas un substitut ou une alternative à un programme d’échange de seringues repensé et mieux mis en œuvre ou à un meilleur accès à des programmes de traitement clinique et de lutte contre les dépendances fondés sur des données. Ces deux mesures de réduction des méfaits pourraient fonctionner de manière complémentaire pour lutter plus efficacement et en toute sécurité contre les méfaits de la consommation de drogues et de la toxicomanie derrière les barreaux.

La stratégie antidrogue du SCC

La nécessité d’un accès plus large à un plus grand nombre de mesures de réduction des méfaits derrière les barreaux semble désormais incontestable. Entre décembre 2016 — au début de la crise des opioïdes au Canada — et mai 2021, le SCC a augmenté de 185 % le nombre de personnes sous traitement par agonistes opioïdes (TAO). En mars 2022, 3 010 personnes étaient inscrites au TAO (2 774) ou sur une liste d’attente (236), ce qui représente près de 25 % de la population carcérale totale. L’augmentation spectaculaire de la prescription de TAO n’est pas sans soulever des inquiétudes, qui nécessitent une analyse et une évaluation beaucoup plus approfondies.

Si l’on se base uniquement sur les chiffres de la participation au TAO, il est loin d’être clair que le SCC dispose de ressources suffisantes en matière de soins de santé et de conseil pour fournir un soutien et une intervention efficaces et durables en matière de traitement.

Ces questions mises à part, d’autres facteurs, tendances et indicateurs suggèrent que l’approche actuelle du SCC en matière de drogues et de consommation de drogues parmi les détenus penche fortement en faveur de la suppression des drogues et de méthodes de surveillance et d’interdiction toujours plus sophistiquées et coûteuses, comme le fait de détecter et de stopper les largages de drones. Le nombre croissant de saisies de produits de contrebande dans les établissements du SCC, qui a fait un bond considérable pendant la pandémie de COVID-19, laisse supposer une recherche et une saisie plus actives, mais ces activités ne contribuent guère à réduire la demande.

Graphique linéaire illustrant le total des objets interdits saisis par type et par année. Substances intoxicantes/Drogues; 2012-2013 = 2,165; 2013-2014 = 2,597; 2014-2015 = 2,323; 2015-2016 = 2,508; 2016-2017 = 2,566; 2017-2018 = 2,362; 2018-2019 = 3,309; 2019-2020 = 3,948; 2020-2021 = 4,425; 2021-2022 = 4,897. Armes; 2012-2013 = 1,183; 2013-2014 = 1,124; 2014-2015 = 1,216; 2015-2016 = 1,194; 2016-2017 = 1,114; 2017-2018 = 1,263; 2018-2019 = 1,538; 2019-2020 = 1,942; 2020-2021 = 1,947; 2021-2022 = 2,475. Tabac; 2012-2013 = 1,342; 2013-2014 = 1,272; 2014-2015 = 767; 2015-2016 = 643; 2016-2017 = 566; 2017-2018 = 585; 2018-2019 = 848; 2019-2020 = 1,004; 2020-2021 = 889; 2021-2022 = 880

Graphique 1. Contrebande totale saisie par type 

De même, l’augmentation récente et spectaculaire du nombre de tests d’urine aléatoires qui se révèlent positifs (ce qui indique peut-être une « poussée » de la consommation de drogue liée à la COVID) est un autre indicateur de la demande insatiable de drogue derrière les barreaux.

Du côté des politiques, la directive 585 du commissaire : Stratégie nationale antidrogue n’a pas été mise à jour depuis mai 2007. Elle est entièrement redondante et non pertinente. Peu de tentatives ont été faites pour intégrer les mesures plus récentes de réduction des méfaits, comme le PESP et le SPS, ou pour élargir l’accès aux programmes de lutte contre la toxicomanie, dans le cadre d’une stratégie antidrogue plus équilibrée et plus complète pour les services correctionnels fédéraux. L’approche actuelle de tolérance zéro envers les drogues et la consommation de drogues dans les établissements du SCC laisse peu de place à d’autres mesures de non-interdiction fondées sur les données, le traitement, la réduction des méfaits et les principes de prévention. En tant qu’entité fédérale, le SCC est tellement désuet et non conforme à l’approche « globale, collaborative, compatissante et fondée sur des données probantes que le gouvernement du Canada en matière de politique sur les drogues Footnote 3 » qu’il est même difficile de savoir par où commencer pour tenter de rétablir un semblant d’équilibre et de pertinence. Ce qui semble certain, c’est qu’il est à la fois inutile et préjudiciable de continuer à s’appuyer sur une série de mesures de fouille et de saisie humilianteset dégradantes qui ciblent, punissent et disciplinent les personnes pour leur consommation de substances et leur dépendance, des problèmes qui ont souvent contribué à leur incarcération en premier lieu.

  1. En ce qui concerne la Stratégie antidrogue du SCC, je recommande la série de mesures suivantes : 

     
  2. Les critères du Programme d’échange de seringues dans les prisons (PESP) doivent être réorganisés de manière significative afin d’encourager la participation conformément aux recommandations exploitables de ce Bureau et de l’évaluation intermédiaire externe, en vue d’une mise en œuvre nationale complète dans les 12 prochains mois. 
  3. Le Service de prévention des surdoses (SPS) doit être déployé à l’échelle nationale, parallèlement à la mise en œuvre du PESP. 
  4. La directive 585 du commissaire — Stratégie nationale antidrogue — doit être immédiatement mise à jour pour intégrer les principes et les pratiques de réduction des méfaits, de traitement et de prévention fondés sur des données probantes. 
  5. La politique de tolérance zéro du SCC envers la consommation et la possession de drogues doit être rajustée pour se concentrer sur les mesures correctives en ce qui concerne le détournement et le trafic de drogues, plutôt que de stigmatiser, de cibler ou de discipliner les personnes aux prises avec des dépendances ou des troubles de toxicomanie. 

3. Établissement d’Edmonton

Dans mon rapport annuel 2018-2019, j’ai commencé mon étude de cas sur le dysfonctionnement permanent de l’Établissement d’Edmonton par le diagnostic suivant : « L’Établissement d’Edmonton […] est aux prises avec une culture toxique et problématique en milieu de travail, un milieu où les dysfonctionnements, l’abus de pouvoir et le harcèlement sévissent depuis des années. » À ce moment-là, mon Bureau avait déjà signalé les problèmes de l’Établissement d’Edmonton depuis de nombreuses années. Le ministre et les commissaires du Service correctionnel précédents étaient tous deux intervenus personnellement et une série d’examens et d’enquêtes internes avaient été lancés. De nombreuses mesures disciplinaires ont également été prises à l’encontre du personnel de l’établissement, et de multiples enquêtes ont été menées auprès du personnel pour évaluer la culture et les besoins sur le lieu de travail.

Dans ce même rapport, j’ai également rendu publiques les conclusions d’une enquête menée par mon Bureau sur une série d’agressions entre prisonniers survenues à l’Établissement d’Edmonton entre août et octobre 2018. Ces conclusions suggèrent que le personnel de première ligne continue d’agir en toute impunité, permettant aux prisonniers d’agresser d’autres prisonniers à plusieurs reprises sans aucune conséquence. La réponse du commissaire a été rapide et décisive. Des mesures correctives ont été prises, notamment des suspensions de personnel, l’ouverture d’une enquête disciplinaire interne et des mesures de « renouvellement » pour traiter la culture du lieu de travail, comme la nomination d’un nouveau directeur et l’habilitation de la direction à rétablir un environnement de travail sain et respectueux.

Dans mon rapport annuel 2019-2020, j’ai fait le point sur les mesures disciplinaires qui avaient été prises en rapport avec les agressions de détenus. Bien que six des dix membres du personnel du SCC ayant fait l’objet d’une enquête aient été soumis à des mesures disciplinaires mineures, aucun d’entre eux, de rang supérieur, n’a reçu de réprimande d’aucune sorte.

Les visites virtuelles et en personne effectuées pendant la pandémie ont révélé une aggravation des problèmes et des tensions dans cet établissement en difficulté, notamment le manque de personnel, du temps insuffisant passé hors de la cellule, le déclin général de l’humeur et de la santé mentale des détenus, l’entreposage des détenus d’établissements à sécurité moyenne et l’accès restreint aux visites familiales privées. Ces problèmes ont été soulevés auprès du directeur en août 2021. Malgré un certain nombre de mesures prises par l’établissement pour régler ces problèmes, mon Bureau a continué à recevoir de nombreux appels, plaintes et demandes de renseignements liés à des allégations continues et très graves à l’Établissement d’Edmonton.

En novembre 2021, mon Bureau a effectué une visite exceptionnelle à huis clos de l’Établissement d’Edmonton, qui s’est déroulée sur trois jours (du 1er au 3 novembre 2021). Deux de mes enquêteurs principaux ont rencontré et interrogé des détenus de toutes les sous-unités, ainsi que des employés et des responsables de tous les services. Ils ont également mené une série d’entrevues approfondies avec plusieurs membres de l’équipe de direction, et ont recueilli les carnets de bord des unités et d’autres documents.

Les conclusions préliminaires ont été communiquées au commissaire le 12 novembre 2021, et comprenaient les éléments suivants :

  • Le nombre croissant de sous-populations rend presque tous les mouvements de groupe impossibles.
  • La surpopulation et la double occupation des cellules, deux phénomènes inhabituels dans les prisons à sécurité maximale.
  • L’entreposage des prisonniers d’établissements à sécurité moyenne.
  • Pendant des mois, les unités régulières ont eu un maximum de trois heures hors cellule, par jour.
  • L’accès hors cellule est limité à la salle de sport, aux mini-cours ou aux salles communes; certaines unités sont limitées à 50 minutes de temps de pause, derrière des barrières, deux fois par semaine.
  • L’accès aux douches, aux téléphones et à la buanderie est limité à des créneaux de 15 minutes, une personne à la fois, une ou éventuellement deux fois par jour en fonction du personnel.
  • Une liste d’attente d’un an pour accéder aux services de santé mentale.
  • Un poste de visite vidéo par ordinateur pour desservir 258 détenus.
  • Aucun programme, aucune occasion de travail significative, l’accès à l’éducation est limité aux études en cellule, et les repas sont pris seuls et en cellule.

Mes enquêteurs ont observé des conditions de détention oppressives et intolérables à tous points de vue. Pour être clair, les restrictions des services et du temps hors cellule à l’Établissement d’Edmonton vont bien au-delà des effets ou de l’impact de la pandémie de COVID-19. Aussi inquiétant, il a semblé que des tensions et des conflits de longue date entre les différents groupes de personnel et la direction avaient refait surface. Il y avait peu de respect pour la direction dans les rangs de première ligne. Certains membres du personnel ont décrit la chaîne de commandement comme étant « brisée ». Le nombre d’agents correctionnels en congé de longue durée est extrêmement préoccupant et témoigne d’un milieu de travail en crise. Le manque de personnel restreint l’accès à toutes les formes de services et de programmes, y compris les soins de santé mentale et physique. Le personnel des programmes, de l’éducation et de la santé mentale n’a qu’un accès extrêmement limité à la population, et la communication avec les agents de libération conditionnelle se limite à des formulaires de demande ou passe par un agent de service.

Photo d’un autocollant du SACC indiquant « Indicateur de moral » avec un compteur pointant vers un tas fumant d’excréments.

Autocollant du syndicat des agents correctionnels du Canada (SACC) 

À la lumière de ces conclusions préliminaires, j’ai suggéré une intervention au niveau national, y compris une assistance et un soutien immédiats de la part du commissaire. Le 8 décembre 2021, j’ai reçu une réponse satisfaisante du commissaire, qui a partagé mes préoccupations et m’a assuré que des mesures correctives étaient déjà en cours. Ces mesures comprennent :

  • La remise en place de réunions en personne du comité consultatif de citoyens. Des réunions régulières comprenant les différentes divisions de l’établissement permettraient d’examiner les routines en établissement et le transfert des personnes en temps voulu.
  • Les réunions de gestion de la population reprendront, et recevront les contributions des représentants d’unité et des autres détenus pour promouvoir et planifier les stratégies de réinsertion.
  • La création d’un comité chargé du bien-être des détenus, qui se réunirait régulièrement avec la haute direction.
  • Un examen complet des interventions sur place, y compris l’accès en temps opportun aux agents de libération conditionnelle, l’accès à des programmes correctionnels/d’éducation en dehors de la cellule et l’accès à des interventions culturelles.
  • Au 8 décembre 2021, le nombre de prisonniers en occupation double est passé de 18 à 6, et 13 des 23 prisonniers à sécurité moyenne ont été transférés dans des établissements à sécurité moyenne.
  • Des consoles de visite vidéo supplémentaires ont été installées, portant le total à quatre.
  • L’administration centrale travaille avec l’établissement et la région pour résoudre les problèmes de recrutement et de maintien du personnel.

Les échanges entre mon Bureau, la direction de l’Établissement d’Edmonton et la participation de l’administration centrale sont des exemples de ce que j’appellerais « la surveillance en action ». Bien que la situation à l’établissement d’Edmonton soit loin d’être idéale et que les problèmes systémiques signalés soient loin d’être résolus, la collaboration et la réactivité du commissaire pour tenter de répondre aux conclusions et aux préoccupations du Bureau sont encourageantes. Mon Bureau continuera à surveiller de près la situation à Edmonton et à intervenir si nécessaire.


4. Unités d’intervention structurée

En novembre 2019, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été modifiée pour abolir l’isolement cellulaire en remplaçant le régime antérieur d’isolement préventif par des unités d’intervention structurée (UIS). Dans mon rapport annuel 2020-2021, j’ai fait part de mes observations préliminaires sur les UIS, qui ont été mises en œuvre en novembre 2019. À l’époque, j’ai fait quatre observations majeures :

  1. Le manque de données et de transparence de la part du SCC en ce qui concerne les opérations d’UIS a rendu difficile l’évaluation de sa conformité à la législation. 

     
  2. Le retrait rapide des détenus des UIS et le respect des décisions de renvoi des décideurs externes indépendants (DEI) ont constitué un défi. 

     
  3. Certaines personnes trouvent que les conditions de vie à l’UIS sont plus favorables que celles de la population carcérale régulière à sécurité maximale, en raison de leur meilleur accès aux services et aux interventions, aux visites quotidiennes des infirmières et des directeurs, aux possibilités accrues d’interaction avec le personnel n’appartenant pas à la sécurité et à la possibilité de passer plus de temps hors de la cellule. Étant donné cette situation, certaines personnes refusent de quitter les UIS, comme en témoignent même les DEI. 

     
  4. La pandémie a généralement épargné aux personnes confinées dans les USI l’impact restrictif que la COVID-19 a eu sur les prisons en général, à l’exception des fermetures pendant les éclosions dans les établissements. 

     
Photo de l’équipement d’exercice de l’UIS dans la cour de l’Établissement de Stony Mountain.

Établissement de Stony MountainÉquipement d’exercice de l’UIS dans la cour. 

Photo de la salle culturelle de l’UIS à l’Établissement de Stony Mountain.

Établissement de Stony Mountain — Salle culturelle de l’UIS. 

Photo de l’UIS à l’Établissement d’Edmonton pour femmes.

Établissement d’Edmonton pour femmes — UIS. 

Sur la base de ces constatations, j’ai recommandé que le SCC rende public un registre trimestriel des autorisations de transfert des UIS et qu’il établisse un calendrier indiquant comment il prévoit de satisfaire aux exigences de déclaration prévues par la loi.

Photo de la cour de l’UIS à l’Établissement Port-Cartier.

Établissement Port-Cartier — Cour de l’UIS. 

Au cours de la période considérée, j’ai appris que le Service tenait un registre interne des indicateurs des UIS. L’analyse de ces données par mon Bureau a mis en évidence des résultats très inquiétants, notamment en ce qui concerne les résultats différentiels des UIS pour les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur (BIPOC). Mon Bureau a constaté ce qui suit en ce qui concerne les UIS en 2020-2021 Footnote 4 :

  • Environ la moitié des séjours en UIS ont duré 15 jours ou plus, et un tiers ont duré 30 jours ou plus.
  • Dans l’ensemble, les personnes BIPOC ont connu des séjours plus nombreux et plus longs en UIS que les personnes blanches.
  • Les Noirs semblent avoir de moins bons résultats que les autres groupes en ce qui concerne les résultats en UIS. Par exemple, ils étaient presque deux fois plus susceptibles que les personnes de race blanche d’être placés dans une UIS, et étaient plus susceptibles que les autres groupes de connaître des séjours de 60 jours ou plus dans une UIS.
  • Par rapport aux personnes non autochtones, les personnes autochtones ont été transférées dans des UIS à un taux beaucoup plus élevé et étaient plus susceptibles de faire l’objet de séjours de 15 jours ou plus en UIS.
  • Les données suggèrent également que le SCC ne respecte pas entièrement ses obligations légales d’offrir quatre heures de sortie de cellule et deux heures d’interaction humaine significative.

En février 2022, j’ai fait part de mes conclusions et de mes préoccupations dans une correspondance adressée au commissaire, notamment le fait que ces données étaient censées avoir été rendues publiques. J’ai également souligné mes préoccupations concernant les conditions générales de détention dans les établissements à sécurité maximale, qui résultent en partie de la mise en œuvre des UIS. Comme nous l’avons indiqué, certains détenus refusent de quitter les UIS parce qu’ils ont l’impression que les conditions en UIS sont moins restrictives ou plus sûres que l’environnement de la population carcérale ordinaire. De plus, j’ai remarqué une croissance substantielle et spectaculaire des sous-populations dans un certain nombre d’établissements à sécurité maximale, ce qui contribue à des conditions de détention plus restrictives, à des incompatibilités et à des personnes à sécurité moindre qui attendent un transfèrement. Je rends compte de mes conclusions en ce qui a trait aux établissements à sécurité maximale de manière plus détaillée plus loin dans ce rapport annuel.

En réponse à ma correspondance, le commissaire a salué le travail du Service pour maintenir un faible nombre de personnes au sein d’UIS et a indiqué qu’il a enquêté sur les problèmes mis en évidence dans l’analyse des indicateurs des UIS par mon Bureau ainsi que dans les environnements à sécurité maximale. Au-delà de la reconnaissance de mes préoccupations, aucune mesure ou initiative concrète n’a été cernée qui indiquerait comment ces questions seront traitées.

J’ai également fait part de mes conclusions sur les UIS à M. Howard Sapers, qui a été nommé en avril 2021 par le ministre de la Sécurité publique à la présidence d’un nouveau Comité consultatif sur la mise en œuvre des UIS (CC UIS). Le CC UIS a été créé pour surveiller, évaluer et rendre compte des questions liées à la mise en œuvre continue des UIS. J’ai toute confiance que M. Sapers et le CC UIS demanderont des comptes au SCC en ce qui concerne la mise en œuvre continue des UIS et les résultats disproportionnés pour les personnes BIPOC.

Photo de l’espace commun de l’UIS à l’Établissement Port-Cartier.

Établissement Port-Cartier — Espace commun de l’UIS. 

Photo de la rangée de cellules de l’UIS à l’Établissement Bowden.

Établissement Bowden — La rangée de cellules de l’UIS. 


5. Surreprésentation des femmes autochtones dans les milieux de garde fermés (sécurité maximale)

Les femmes autochtones continuent de représenter l’une des populations incarcérées au niveau fédéral qui connaît la plus forte croissance au Canada. En décembre 2021, mon Bureau a publié un communiqué de presse contenant des données montrant que la proportion de femmes autochtones incarcérées n’a cessé d’augmenter et qu’elle atteint presque 50 % de toutes les femmes purgeant une peine fédérale. Le 28 avril 2022, le nombre de femmes autochtones incarcérées a atteint 50 % pour la première fois (298 femmes autochtones et 298 femmes non autochtones en détention fédérale). Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que parmi les femmes classées au niveau de sécurité maximale, près de 65 % sont des Autochtones. Malheureusement, il ne s’agit pas de nouveaux développements dans les services correctionnels fédéraux. Mon Bureau et d’autres organismes font état de l’autochtonisation des services correctionnels canadiens depuis des années. Un examen plus approfondi de la situation révèle que cette surreprésentation est en grande partie le résultat de préjugés et de racisme systémiques, notamment d’outils d’évaluation des risques discriminatoires, d’une gestion des cas inefficace, de retards et d’inerties bureaucratiques.

Graphique linéaire illustrant la proportion de femmes dans les établissements à sécurité maximale de 2012 à 2022, selon les Autochtones et les non-Autochtones. Autochtones 2012-2013 = 53%, 2013-2014 = 58%, 2014-2015 = 48%, 2015-2016 = 43%, 2016-2017 = 46%, 2017-2018 = 63%, 2018-2019 = 56%, 2019-2020 = 56%, 2020-2021 = 59%, 2021-2022 = 64%, 2022-2023 = 68%. Non-Autochtones, 2012-2013 = 47%, 2013-2014 = 42%, 2014-2015 = 52%, 2015-2016 = 57%, 2016-2017 = 54%, 2017-2018 = 37%, 2018-2019 = 44%, 2019-2020 = 44%, 2020-2021 = 41%, 2021-2022 = 36%, 2022-2023 = 32%

Graphique 2. Proportion de femmes en sécurité maximale de 2012 à 2022 Autoctones et non-autochtones 

Que savons-nous aujourd’hui des femmes autochtones dans les unités de garde?

  • Un examen des données du SCC extraites le 9 avril 2022 révèle ce qui suit : 29 des 45 (64,4 %) femmes classées au niveau de sécurité maximale sont autochtones.
  • 25 des 29 femmes autochtones (86,2 %) sont considérées comme étant à haut risque et à besoin élevé.
  • 20 femmes autochtones sur 29 (69 %) sont nées après 1990, ce qui reflète une population plus jeune.
  • Le taux le plus élevé de surreprésentation des femmes autochtones se trouve dans la région des Prairies.
  • Parmi les femmes autochtones classées au niveau de sécurité maximale :
    • 8 femmes purgent des peines de durée indéterminée, avec des dates de début de peine allant de 1990 à 2021;
    • 14 femmes purgent des peines de moins de quatre ans;
    • Trois femmes purgent des peines comprises entre quatre et six ans;
    • Trois femmes purgent des peines comprises entre 6 et 10 ans;
    • 1 femme purge une peine déterminée de plus de 10 ans.

Échelle de classement par niveau de sécurité et processus de détermination de la cote de sécurité

Dès le début du processus de placement en détention, les femmes autochtones sont désavantagées. L’outil de classification par niveau de sécurité utilisé par le SCC pour toutes les personnes purgeant une peine fédérale est l’Échelle de classement par niveau de sécurité (ECNS). Il s’agit d’un instrument actuariel statique conçu pour, et testé sur, une population composée avant tout de délinquants blancs. Depuis des années, de graves lacunes de ce principal outil d’évaluation ont été signalées au Service — notamment pour son application inappropriée aux femmes et aux minorités visibles. Voici quelques-unes de ces critiques :

  • 2001 : Une étude financée par Condition féminine Canada a recommandé au SCC « d’examiner et de concevoir une méthode d’évaluation et de classification qui tienne compte du genre et de l’origine ethnoculturelle Footnote 5 ».
  • 2006 : La Revue canadienne de criminologie et de justice pénale a publié une étude prouvant que l’Échelle de classement par niveau de sécurité présente un biais systématique à l’encontre des détenus autochtones (par rapport aux non autochtones), une proportion importante de femmes autochtones étant injustement surclassées à des niveaux de sécurité plus élevés Footnote 6 .
  • 2012 : Sécurité publique Canada a publié un rapport indiquant que l’échelle ne tient pas compte de la culture et du genre, de sorte que les femmes autochtones sont doublement désavantagées sur le plan de la race et du genre Footnote 7 .
  • 2017 : Le Bureau du vérificateur général du Canada a recommandé que le Service correctionnel du Canada examine les moyens d’améliorer son processus de détermination de la cote de sécurité afin de tenir compte de façon appropriée des facteurs de risque pour les femmes incarcérées Footnote 8 .

Le Bureau a soulevé à plusieurs reprises des inquiétudes quant à l’utilisation de l’ECNS pour les femmes, et en particulier pour les femmes autochtones. En 2009, la surreprésentation des détenus autochtones dans les établissements à sécurité supérieure a été examinée dans un rapport publié par mon Bureau, intitulé, De bonnes intentions, des résultats décevants : Rapport d’étape sur les services correctionnels fédéraux pour Autochtones . À ce moment-là, les préoccupations concernant l’ECNS avaient déjà été signalées depuis plus de dix ans. Vingt-cinq ans plus tard, l’ECNS est toujours utilisée. Je ne peux pas m’empêcher de demander : Pourquoi?

Le SCC a toujours défendu l’ECNS, indiquant qu’il n’est pas le seul outil utilisé dans le processus de détermination de la cote de sécurité. Par conséquent, conformément à la directive 705-7 du commissaire : Cote de sécurité et placement pénitentiaire , les domaines de l’adaptation des établissements, du risque d’évasion et de la sécurité publique sont également évalués. Une partie de cette évaluation porte sur l’emploi, l’éducation, l’adaptation conjugale/familiale, les relations interpersonnelles, la consommation d’alcool et de drogues et les conditions de vie — des domaines dans lesquels les femmes autochtones sont plus susceptibles d’obtenir des résultats élevés. De plus, comme dans toute prise de décision concernant les prisonniers autochtones, les antécédents sociaux des Autochtones doit être prise en compte. La question est de savoir si le CSS tient compte de ces domaines de manière adéquate et appropriée lorsqu’il prend des décisions lors de la détermination de la cote de sécurité. Au lieu d’utiliser ces renseignements dans le seul but d’éclairer les besoins en matière de programmation, de traitement et d’intervention, ils semblent être utilisés contre ces femmes comme indicateurs de risque.

Antécédents sociaux des Autochtones

Le processus de prise de décision pour tous les prisonniers autochtones doit tenir compte des antécédents sociaux des Autochtones (ASA). L’ASA examine les facteurs sociaux et historiques directs et indirects qui ont eu un impact sur la personne et ont contribué à son implication dans le système de justice pénale. L’évaluation a pour but de garantir que les circonstances uniques des prisonniers autochtones sont prises en compte et que des options réparatrices et culturellement appropriées sont envisagées et proposées. En théorie, il devrait s’agir d’un exercice très complet d’examen et d’analyse des circonstances collectives et individuelles. Dans la pratique, cependant, les ASA ne consistent généralement qu’en une liste de facteurs qui ont eu un impact sur la personne. Il est rare de voir une analyse de ce que cela signifie en termes de gestion de cas ou de stratégies d’atténuation, et il est rare de voir des options de rechange ou réparatrices présentées dans le cadre de l’évaluation des ASA.

Citations des évaluations des ASA

Bien que le SCC offre une certaine formation et un outil sur les antécédents sociaux des Autochtones pour guider les agents de gestion de cas, tout au long de cet examen et lors de conversations informelles au fil des ans, le personnel a signalé à mes enquêteurs que la formation n’est pas suffisante pour bien comprendre et faire un lien entre les antécédents sociaux des Autochtones d’une personne et son plan de risque et de gestion de cas.

« Je fais du mieux que je peux, mais une formation supplémentaire est nécessaire. » 
– Citation d’un agent de libération conditionnelle en établissement 

Sans prendre en compte de manière adéquate tous les facteurs qui ont amené une femme autochtone à avoir des démêlés avec le système de justice pénale, l’ECNS et le processus d’évaluation ne comprennent pas la corrélation entre les circonstances de vie collectives et individuelles d’une femme autochtone. Le résultat est une pratique discriminatoire Footnote

.

Le SCC a informé mon Bureau qu’il a financé et conclu un contrat avec l’Université de Regina pour examiner le processus de détermination de la cote de sécurité dans son ensemble. Il s’agit d’un processus « de base » mené par une équipe autochtone.

  1. Je recommande au SCC d’accorder la priorité à l’examen actuel du processus de détermination de la cote de sécurité, particulièrement en ce qui concerne les femmes autochtones. Dans l’intervalle, je recommande que les antécédents sociaux des Autochtones (ASA) soient évalués de manière significative pour chaque décision rendue et que le personnel chargé de la gestion des cas reçoive une formation et un soutien adéquats pour appliquer les ASA. 

     

Les femmes autochtones en milieu de garde fermé

Les milieux de garde fermés, comme leur nom l’indique, sont des zones distinctes à chaque établissement régional avec une sécurité statique et dynamique élevée et des déplacements limités. Ces milieux ont été créés dans les établissements correctionnels pour femmes en 1999, avec l’instauration de la Stratégie d’intervention intensive dans les établissements pour femmes , et sont destinés à héberger les femmes à sécurité maximale présentant un risque élevé ou des besoins importants, qui nécessitent un niveau accru de dotation en personnel, de soutien, de conseil ou d’autres aspects de la sécurité dynamique. Comme mon Bureau l’a signalé par le passé, les milieux de garde fermés sont des environnements où les femmes sont soumises à des routines modifiées, à des déplacements restrictifs, à des défis de gestion de la population, à l’absence d’espace physique, à des tensions accrues au sein de la population, à des incidents, à des crises de santé mentale et à l’isolement. L’environnement, les infrastructures et le manque de ressources font qu’il est souvent difficile pour les femmes de faire un transfèrement à un niveau de sécurité inférieur en temps voulu. En outre, ces milieux sont les plus coûteux à exploiter.

Photo de la cour de l’UIS et de l’unité de garde en milieu fermé de l’Établissement Nova.

Établissement Nova - UIS et cour de l’unité de garde en milieu fermé. 

Aujourd’hui, les milieux de garde fermés sont très éloignés du modèle progressif proposé à l’origine dans la philosophie de La création de choix .

« [Le groupe de travail de La création de choix] a été informé par les femmes purgeant une peine de ressort fédéral qu’elles avaient besoin de soutien, et non de sécurité. De nombreuses autres personnes consultées pensent également que le système de sécurité traditionnel est peu pertinent pour les femmes dont les systèmes de valeurs sont davantage ancrés dans les relations que dans les systèmes. (…) Le modèle punitif est donc particulièrement peu pertinent et difficile dans ses effets sur les femmes [autochtones] Footnote 10 ».

Les cinq principes qui font partie intégrante de l’approche correctionnelle axée sur la femme — responsabilisation, choix valables et responsables, respect et dignité, environnement de soutien et responsabilité partagée — sont en fait inexistants dans les milieux de garde fermés. De plus, ils abritent une population majoritairement autochtone.

Alors que de nombreuses femmes autochtones présentant un risque et des besoins élevés peuvent bénéficier d’un environnement plus structuré, l’approche restrictive et axée sur la sécurité adoptée dans le milieu de garde fermé exacerbe souvent les problèmes de santé mentale, empêche une participation significative aux interventions et éloigne encore plus les femmes autochtones de leur culture.

« Je ne veux pas mourir ici. » 
– Citation d’une femme autochtone dans le milieu de garde fermé. 

Photo de la zone commune de l’unité de sécurité maximale de l’Établissement de Grand Valley.

Établissement de Grand Valley — Zone commune d’une unité de sécurité maximale. 

Dans les milieux de garde fermés, les femmes à sécurité maximale sont également soumises à un système de classification, ou niveau, unique. Par conséquent, ce système entraîne des restrictions de déplacement qui touchent de manière disproportionnée les femmes autochtones, étant donné leur surreprésentation dans les établissements à sécurité maximale. Mon Bureau a déjà fait état de préoccupations importantes concernant ce système de niveau dans le passé. Dans mon rapport annuel 2016-2017, j’ai recommandé l’annulation du système de niveaux dans les établissements correctionnels pour femmes, car il est arbitraire et n’est pas inclus dans la loi. Les niveaux de déplacement ont été remplacés par le Plan de déplacements en vue de la réintégration en 2019, avec la promulgation de la directive 578 révisée du commissaire, Stratégie d’intervention intensive dans les établissements pour femmes . Bien que les révisions aient porté sur les délais d’examen et d’enregistrement, ainsi que sur les critères du plan, les exigences en matière de supervision du personnel et les pouvoirs de décision, la réalité est que le système de niveaux reste en vigueur.

Des femmes ont signalé au Bureau que le fait de « perdre leur niveau » (c.-à-d. le fait d’être davantage restreint dans leurs déplacements hors du milieu de garde fermé) a des effets dévastateurs. Pour les femmes autochtones, cela peut signifier qu’elles n’ont plus accès aux cérémonies (par exemple, les sueries) ou aux événements culturels (par exemple, les tambours) dans l’enceinte principale, qui ne sont pas disponibles dans le milieu de garde fermé. Ces femmes rapportent que lorsqu’elles ont le plus besoin de ces soutiens, elles ne sont pas autorisées à y participer. Par conséquent, elles ont le sentiment que l’accès à leur culture est quelque chose qui se mérite.

  1. Une fois de plus, je recommande que le système de niveaux pour les femmes placées dans des unités à sécurité maximale cesse immédiatement. 

     
Photo de la zone commune d’une unité de sécurité maximale de l’Établissement de Grand Valley.

Établissement de Grand Valley — Zone commune d’une unité de sécurité maximale. 

L’accès à la culture est un droit, et non un privilège. Les milieux de garde fermés ne sont pas équipés ni dotés des ressources nécessaires pour apporter le soutien culturel et les ressources dont les femmes autochtones ont besoin. Par exemple, tous les milieux de garde fermés ne disposent pas d’un lieu sacré, d’un Aîné, d’un personnel autochtone ou d’un programme d’intervention préparatoire aux Sentiers autochtones. Les interventions et les services sont nettement plus limités pour une population de femmes dont les besoins sont jugés élevés. Une femme autochtone a expliqué à mon personnel qu’elle ne pouvait pas faire d’ouvrages en perles sans l’accompagnement d’un membre du personnel, car la petite aiguille utilisée est considérée comme un risque pour la sécurité. Le perlage est un passe-temps traditionnel et thérapeutique pour de nombreux Autochtones et le fait d’avoir recours à des pratiques trop sécurisées qui entravent cette activité s’écarte clairement de la philosophie de , La création de choix. 

Les enquêtes et les inspections menées par mon Bureau ont révélé que de nombreux milieux de garde fermés ne disposent pas d’une liste d’intervenants de première ligne qui assurent une présence constante dans l’unité. En outre, la proportion de personnel autochtone est loin de correspondre à la proportion de prisonnières autochtones. Bien que certaines femmes autochtones aient indiqué à mon Bureau que le personnel non autochtone pouvait être compréhensif et respectueux, d’autres ont déclaré que le fait de travailler avec du personnel ayant une histoire et une culture communes était beaucoup plus bénéfique et leur permettait de mieux communiquer.

Photo du terrain de l’unité de sécurité maximale de l’Établissement de Grand Valley.

Établissement de Grand Valley — Terrains de l’unité de sécurité maximale. 

De nombreuses femmes décrivent le sentiment d’être dans le milieu de garde fermé comme comparable à celui d’être retirées de leur communauté d’origine. Un placement dans le milieu de garde fermé est, en soi, une autre forme de déracinement et de déplacement. Les femmes qui ont connu le système des pensionnats ou qui ont un membre de leur famille qui l’a fréquenté se disent particulièrement stressées dans les milieux de garde fermés. Certaines femmes ont parlé de la façon dont le système de justice pénale et les prisons perpétuent la colonisation, entraînant les mêmes conséquences. Les formes modernes de colonisation et leurs effets restent omniprésents et insidieux. Pour les femmes autochtones incarcérées, cela peut signifier être déracinée de sa communauté et envoyée dans un établissement fédéral loin de chez elle, ou être isolée dans une unité qui ne répond pas à ses besoins.

  1. Je réitère ma recommandation de mettre en place des hébergements alternatifs pour les femmes logées dans les milieux de garde fermés et de les fermer éventuellement. Le financement et les ressources actuellement consacrés au fonctionnement des milieux de garde fermés devraient être réorientés pour mieux soutenir et répondre aux besoins uniques des femmes, en particulier des femmes autochtones. 

     

Pratiques exemplaires

Tout au long de cette étude, l’établissement de la vallée du Fraser a réussi à réduire considérablement le nombre de femmes autochtones — et de femmes en général — dans son milieu de garde fermé. Voici quelques pratiques exemplaires qui ont été suivies :

  • Un examen rigoureux de tous les cas sur une base bihebdomadaire;
  • Un examen des stratégies d’atténuation qui pourraient être mises en œuvre dans les établissements à sécurité moyenne (par exemple, le placement dans un milieu de vie structuré ou dans un environnement de soutien accru, des soutiens supplémentaires);
  • La participation du délinquant au plan de transition;
  • La continuité des soins;
  • L’épuisement de toutes les options avant le placement dans le milieu de garde fermé;
  • La participation combinée du Bureau du renseignement de sécurité et de l’aîné pour gérer les tensions entre gangs,
  • Un aîné dédié au milieu de garde fermé.

6. Programme mère-enfant

La séparation mère-enfant par l’emprisonnement de la mère peut avoir des effets dévastateurs sur les personnes et les familles qui vont bien au-delà de la durée de la peine d’emprisonnement. Bon nombre des perturbations développementales, émotionnelles et pratiques subies par les enfants, ainsi que les conséquences traumatiques des mères séparées de leurs enfants par l’expérience de l’incarcération, ont été bien documentées Footnote 11 . Pour tenter de résoudre ce problème, en 2001, les services correctionnels fédéraux ont mis en œuvre leur première politique officielle sur le programme mère-enfant en établissement dans tous les établissements pour femmes, en grande partie en réponse aux recommandations émises par le Groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale dans son rapport de 1990, intitulé La création de choix Footnote 12 .

Le programme mère-enfant, tel que décrit dans la directive 768 du commissaire : Le programme mère-enfant en établissement est « un continuum de services et de soutiens qui vise à favoriser des relations positives entre les mères incarcérées dans des établissements et milieux de garde fermés et leur enfant et à fournir un environnement de soutien qui contribue à la stabilité et à la continuité de la relation mère-enfant ». Essentiellement, le programme permet à certaines mères incarcérées de demander que leurs enfants résident avec elles, à temps plein ou à temps partiel, dans le cadre du volet de cohabitation (les enfants vivent avec leur mère en détention); sinon, toute mère peut demander à participer au volet non résidentiel (qui comprend des services tels que des visites vidéo, des visites familiales privées et (ou) l’enregistrement d’histoires). Les mères incarcérées ne sont pas automatiquement invitées à demander à participer au programme et la disponibilité des places pour la participation dépend de la « capacité de l’établissement »; par conséquent, toutes les mères ne sont pas admissibles et toutes les mères admissibles n’ont pas la possibilité de participer.

Rapport de la Bibliothèque du Parlement sur le programme mère-enfant

En janvier 2022, la Bibliothèque du Parlement a produit un rapport sur le Programme mère-enfant en établissement du SCC Footnote 13 . Le rapport décrit l’évolution du programme depuis sa création, donne un aperçu des données disponibles sur les taux de participation et résume les recherches existantes (principalement aux États-Unis) sur les effets de l’incarcération de la mère sur les enfants. Les principales conclusions du rapport, en ce qui concerne le Programme fédéral mère-enfant en établissement, sont les suivantes :

  1. Données/suivi insuffisants : Le programme a été « sous-étudié et sous-documenté ». Aucune évaluation formelle n’a été réalisée, il existe peu de données concrètes sur la participation au programme et les participants, et l’information descriptive de base sur les enfants qui ont participé au programme chaque année est inconnue (par exemple, le nombre total, l’âge, la durée du séjour).
  2. Faible taux de participation : Les taux de participation ont été faibles depuis la création du programme et les fluctuations des taux de participation ont correspondu aux changements apportés aux critères d’admissibilité du programme en 2008 et en 2016.
  3. Critères restrictifs : Les critères d’admissibilité restrictifs des programmes contribuent aux faibles taux de participation en général, et pour les femmes autochtones en particulier.
  4. Pratiques incohérentes : Les approbations et les taux de participation varient considérablement selon les établissements.
  5. Impacts inconnus sur les enfants : There is currently no research examining the experiences of or impacts on, children of whom participated in the Mother-Child Program in Canada.

J’aimerais souligner quelques-uns des sujets de préoccupation cernés dans le rapport de la Bibliothèque du Parlement, que le Bureau a également soulevés précédemment.

Critères d’admissibilité restrictifs et faible participation

Au total, 154 mères ont participé au Programme mère-enfant en établissement au cours des vingt années d’existence du programme (voir tableau 1), avec un taux de participation annuel médian de cinq mères par an. Malheureusement, le SCC n’assure pas le suivi du nombre total de femmes incarcérées qui sont des mères, de sorte qu’il est difficile de déterminer qui pourrait avoir besoin d’un tel programme ou y être admissibles; toutefois, selon certaines estimations, environ 66 % des femmes incarcérées au fédéral sont des mères Footnote 14 . Dans le contexte du nombre de femmes en détention fédérale aujourd’hui, cela représenterait près de 400 mères incarcérées Footnote 15 . Cinq mères participent au programme chaque année; il ne semble pas que ce programme réponde aux besoins d’une partie importante des mères incarcérées.

Il est compréhensible que, dans le but de protéger et de promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant, les critères d’admissibilité au programme aient été rigoureux; toutefois, les changements apportés en juin 2008 ont permis de restreindre considérablement les personnes admissibles Footnote 16 . Ces changements comprennent :

  • Exclure du programme les personnes reconnues coupables de crimes graves avec violence envers des enfants ou de nature sexuelle;
  • Limiter le programme à temps partiel aux enfants de six ans ou moins;
  • Exiger le soutien des services à l’enfant et à la famille locaux avant que la participation d’une délinquante au Programme ne soit approuvée;
  • Réévaluer l’admission au Programme des délinquantes qui refusent que leurs enfants fassent l’objet d’une fouille pour de la drogue ou d’autres produits de contrebande, avant d’entrer dans l’établissement.

Tableau 1. Décisions finales sur les demandes du Programme mère-enfant par année financière Footnote 17 

DÉCISION FINALE 

02-03 

03-04 

04-05 

05-06 

06-07 

07-08 

08-09 

09-10 

10-11 

11-12 

12-13 

13-14 

14-15 

15-16 

16-17 

17-18 

18-19 

19-20 

20-21 

21-22 

TOTAL 

APPROUVÉ

2

4

1

1

5

9

3

3

4

3

1

3

6

14

24

13

18

20

13

7

154

NON APPROUVÉ

1

2

1

3

2

1

1

1

3

2

2

7

3

29

TOTAL

2

4

2

1

7

10

6

5

4

4

1

3

7

15

27

15

20

20

20

10

183

À la suite à ces modifications des critères d’admissibilité, les taux de participation déjà faibles ont encore baissé. Préoccupé par le fait que le programme n’existe plus que de nom, mon Bureau a émis une recommandation dans son rapport annuel 2009-2010 selon laquelle le Service devrait « revoir les restrictions d’admissibilité au Programme mère-enfant en vue de maximiser une participation sûre ». Bien que la participation ait augmenté de manière assez significative en 2015-2016, probablement en raison des modifications apportées aux critères d’admissibilité et de la mise en œuvre d’un volet avec cohabitation à temps partiel pour les enfants jusqu’à l’âge de la majorité, les taux sont restés obstinément bas Footnote 18 . Les chiffres de participation que ce Bureau a obtenus directement des cinq établissements étaient inférieurs à ceux obtenus à partir des données internes du SCC. Au 31 mars 2022, les établissements ont indiqué qu’il n’y avait que quatre femmes participant au programme mère-enfant (deux à temps plein et deux à temps partiel). Si la pandémie de COVID-19 a sans aucun doute eu un impact sur la capacité de ce programme à fonctionner comme prévu (comme c’est le cas pour la plupart des autres programmes de l’établissement), les faibles taux de participation de longue date suggèrent que le programme ne répond pas aux besoins de la grande majorité des mères incarcérées. En outre, le programme n’est pas à la hauteur de l’intention et de l’esprit de ce que le Groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale avait envisagé lorsqu’il avait demandé que les nouveaux établissements pour femmes « offrent un environnement semblable à celui d’un foyer et suffisamment de souplesse pour permettre à un ou plusieurs enfants de vivre avec leur mère Footnote 19 ».

Critères d’admissibilité au programme mère-enfant pour le volet de cohabitation

Selon la DC 768 — Programme mère-enfant en établissement , les critères d’admissibilité pour la participation des mères et des enfants au programme sont les suivants :

Critères d’admissibilité pour les mères 

  1. Classée à sécurité minimale ou moyenne, ou maximale et en cours de considération pour la sécurité moyenne.
  2. A fait l’objet d’une vérification dans les registres provinciaux de protection de l’enfance afin de vérifier s’il existe des renseignements qui devraient être pris en compte dans le processus décisionnel.
  3. A eu le soutien des services de protection de l’enfance pour leur participation.
  4. N’a pas eu d’évaluation actuelle d’un professionnel de la santé mentale indiquant que la mère est incapable de s’occuper de son enfant en raison d’un problème de santé mentale documenté de l’enfant ou de la mère.
  5. N’a pas été reconnu coupable d’une infraction contre un enfant ou d’une infraction qui pourrait raisonnablement être perçue comme mettant en danger un enfant. Une détenue qui ne satisfait pas à ce critère peut être envisagée si une évaluation psychiatrique ou psychologique permet d’établir qu’elle ne présente pas de danger pour son enfant.
  6. N’est pas assujettie à une ordonnance du tribunal ou à des obligations juridiques lui interdisant tout contact avec son ou ses enfant(s).

Critères d’admissibilité pour les enfants 

 

  • N’est pas âgé de plus de quatre ans pour une cohabitation à plein temps dans une unité résidentielle, ou n’est pas âgé de plus de six ans pour une cohabitation à temps partiel dans une unité résidentielle, ou n’a pas atteint l’âge de la majorité pour résider à temps partiel dans l’unité de visite familiale privée.

 

 

Participation des mères autochtones

Selon les données du SCC, sur un total de 183 mères qui ont demandé à participer au Programme mère-enfant depuis 2002, 29 % (53 mères) sont des femmes des Premières Nations ou des Métisses. Il convient de noter qu’aucune femme inuite n’a demandé à participer au programme Footnote 20 . D’après ces données, les femmes autochtones semblent être sous-représentées dans le programme par rapport à leur représentation importante dans la population carcérale, qui s’élève actuellement à 50 % Footnote 21 . Les faibles taux de participation des mères autochtones peuvent être en partie attribuables aux critères qui excluent de manière disproportionnée les femmes autochtones et aux exigences du programme qui peuvent les rendre moins susceptibles de faire une demande. Plus précisément, le taux élevé de femmes autochtones classées à sécurité maximale les rend inadmissibles à la participation. Les femmes autochtones sont largement surreprésentées dans les établissements à sécurité maximale (elles représentent 64 % des femmes placées dans ces établissements) et la majorité d’entre elles ont déjà commis une infraction violente à leur dossier Footnote 22 . Outre les critères d’exclusion, l’obligation de faire appel à des organismes de protection de l’enfance pourrait dissuader les femmes autochtones de demander à participer, compte tenu de l’histoire douloureuse et unique des organismes de protection de l’enfance et de leur participation continue à la dissolution des familles autochtones, notamment dans le cadre de la rafle des années 1960 et du placement des enfants autochtones dans des familles d’accueil Footnote 23 .

Conformément aux appels à l’action lancés dans les récents rapports parlementaires, les commissions gouvernementales et les enquêtes nationales, et compte tenu des problèmes relevés par le Bureau et la Bibliothèque du Parlement, le Service doit faire des efforts plus intentionnels pour que les mères autochtones restent en contact avec leurs enfants.

La directive du commissaire sur le programme mère-enfant doit être révisée en janvier 2023 :

  1. Je recommande que le SCC : 

     
  2. Procède à un examen des exigences du programme et des critères d’admissibilité au Programme mère-enfant en établissement, en vue d’accroître l’accès et la participation au programme et d’éliminer les obstacles, en particulier pour les mères autochtones, 
  3. recueillir, suivre et rendre compte publiquement la participation au Programme mère-enfant en établissement afin de mieux comprendre qui il sert et comment le programme fonctionne. 

7. Véhicules d’escorte

Photo de la vue latérale du véhicule de transport de prisonniers du SCC (modèle 2017).

Véhicule de transport de prisonniers du SCC — modèle 2017. 

En réponse aux préoccupations en matière de sécurité, de conception et de droit soulevées dans le rapport annuel 2016-2017 du Bureau concernant les véhicules d’escorte des détenus du SCC, le Service s’est engagé à remplacer son parc actuel pour « tenir compte des progrès récents de l’industrie en matière de conception et de configuration Footnote 24 ». À l’époque, le SCC avait également accepté d’examiner les véhicules d’escorte spécialisés actuellement utilisés par la GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada dans le cadre de son projet de remplacement du cycle de vie Footnote 25 .

En septembre 2019, le Bureau a été invité à voir et à inspecter le prototype de véhicule que le SCC envisageait pour remplacer son parc d’escortes vieillissant et inadéquat. Lors d’une réunion entre les équipes de direction du SCC et du BEC en novembre 2019, j’ai fait part de mes préoccupations concernant le véhicule prototype, principalement axées sur la conception et les caractéristiques de sécurité du compartiment pour prisonniers (absence de ceinture de sécurité, absence de barres d’appui ou de mains courantes, intérieurs austères, durs et claustrophobes). J’ai également contesté la nécessité que ces véhicules soient conçus de manière à pouvoir accueillir jusqu’à cinq agents accompagnateurs, notant par contraste l’espace insuffisant des sections où les prisonniers seraient assis.

À la suite de cet échange, la commissaire s’est engagée à inspecter personnellement le véhicule prototype en compagnie des membres de son équipe de direction. Sur la base de cette inspection, et à la suite de notre réunion, la commissaire m’a écrit fin janvier 2020 pour m’indiquer qu’elle avait « demandé d’envisager des options potentielles pour agrandir l’espace disponible pour les détenus et répondre aux préoccupations liées aux ceintures de sécurité, y compris la possibilité d’ajouter un banc supplémentaire ». J’ai pris cela comme une expression de l’engagement du SCC à répondre à mes préoccupations de manière sérieuse et substantielle.

Photo d’un véhicule de transport de prisonniers du SCC adapté aux personnes handicapées.

Véhicule de transport de prisonniers du SCC adapté aux personnes handicapées. 

Les problèmes d’approvisionnement et de production causés par la pandémie de COVID-19 ont entraîné des retards imprévus, bien que compréhensibles, dans les plans de remplacement du SCC. En mars 2021, lors d’une réunion des membres principaux du BEC et de l’équipe du SCC, le Service a présenté les progrès réalisés dans ses efforts pour concevoir et acquérir un véhicule de transport de prisonniers approprié. Selon le Service, les nouvelles modifications de conception comprenaient « plusieurs améliorations », comme un banc en forme de L de chaque côté des deux sections pour prisonniers et une extension de la longueur totale du compartiment (de huit pouces) — deux caractéristiques de conception qui permettraient ostensiblement à une personne de grande taille de s’asseoir face à l’arrière tout en étirant ses jambes. Notamment, le prototype ne comprenait toujours pas d’assemblage de ceinture de sécurité dans le compartiment du prisonnier. De plus, le véhicule présentait des caractéristiques permettant à cinq agents correctionnels d’occuper les sièges avant et arrière du fourgon Ford Transit 350 reconfiguré en toute sécurité et en tout confort. Ces caractéristiques de conception m’ont semblé égoïstes et largement dépourvues d’engagement ou de préoccupation pour la sécurité des prisonniers.

En décembre 2021, sans préavis et seulement après avoir demandé une mise à jour de l’état d’avancement de cette question, le Bureau a été informé que le prototype modifié présenté à la réunion de mars 2021 avait été approuvé par la haute direction du SCC en mai 2021. Le Bureau a également été informé qu’un certain nombre de nouveaux véhicules avaient déjà été livrés aux établissements dans l’ensemble du pays et que d’autres livraisons étaient prévues pour répondre aux plans de remplacement et au budget du SCC. Dans un échange de suivi concernant les ceintures de sécurité, le Bureau a été informé en janvier 2022 que « des options pour leur inclusion future sont en cours de discussion en collaboration avec les principaux intervenants et nous serons en contact lorsque des solutions potentielles seront prêtes à être présentées ». Aucun de ces développements ne semblait conforme à l’engagement pris par la commissaire un an plus tôt d’examiner et de consulter mon Bureau sur les progrès réalisés par le SCC pour renouveler son parc de véhicules d’escorte.

Il s’avère que le SCC s’est considérablement écarté du véhicule d’escorte de type GRC proposé par les fournisseurs du gouvernement. Le SCC appelle ces modifications des « adaptations correctionnelles ». En ce qui concerne les écarts spécifiques par rapport au véhicule de type GRC, le processus de personnalisation du SCC exige de retirer le compartiment avant qui peut accueillir trois passagers, de raccourcir le compartiment arrière et de réduire sa capacité de huit à quatre passagers. Par conséquent, alors que le véhicule de type GRC peut accueillir jusqu’à 11 détenus, les compartiments pour prisonniers du SCC peuvent accueillir un maximum de quatre personnes (mais très probablement jamais plus qu’une seule personne, ou très rarement deux, assises dans des sections séparées).

Photo d’un véhicule de transport de prisonniers du SCC vu de l’arrière, avec les portes ouvertes et le compartiment des prisonniers fermé.

Véhicule de transport de prisonniers du SCC — Vue de l’arrière. 

Photo arrière d’un véhicule de transport de prisonniers du SCC avec un agent correctionnel assis à l’intérieur du compartiment des prisonniers.

Véhicule de transport de prisonniers du SCC avec un agent correctionnel assis à l’intérieur du compartiment des prisonniers. 

Ces « adaptations » permettent d’ajouter une deuxième rangée de sièges dans la cabine avant afin de répondre aux besoins en personnel pour les escortes au sol des prisonniers à sécurité maximale et moyenne. Selon la politique, deux agents sont nécessaires pour le premier prisonnier (y compris le conducteur), et un agent supplémentaire pour chaque passager additionnel. Il n’est pas certain que ces véhicules ne soient jamais utilisés pour transporter plus de deux prisonniers de sécurité moyenne ou maximale à la fois. Il est fort probable que le nombre maximum de personnes transportées à un moment donné soit de deux, assises sur des côtés opposés de la section, pour de prétendues raisons de sécurité publique et personnelle.

Comme le montrent les photos du nouveau véhicule d’escorte actuellement en service, le compartiment où sont détenus les prisonniers est spartiate, construit d’aluminium inoxydable et l’espace est toujours aussi étroit et claustrophobe que la conception précédente. La largeur de la banquette, la hauteur du siège au plafond et l’espace global en pieds cubes ne sont pas des améliorations significatives par rapport aux anciens compartiments qu’il remplacera. En effet, il y a peu de choses dans la conception reconfigurée qui indiqueraient que la santé, la sécurité, la dignité ou le confort des prisonniers ont été pris en compte de manière adéquate.

Vue arrière d’un véhicule de transport de prisonniers du SCC avec un agent correctionnel entrant dans le compartiment du prisonnier.

Véhicule de transport de prisonniers du SCC avec un agent correctionnel entrant dans le compartiment du prisonnier 

En fait, le SCC a confirmé qu’il n’avait pas consulté les personnes incarcérées lors des étapes de conception ou d’approvisionnement, ce qui contrevient à l’article 74 de la LSCMLC : « Le Service doit donner aux détenus la possibilité de contribuer aux décisions du Service touchant la population carcérale dans son ensemble, ou touchant un groupe avec la population carcérale, à l’exception des décisions relatives aux questions de sécurité ». Pour ne citer qu’un domaine important de surveillance de la santé et de la sécurité des détenus : il n’existe pas de système audio bidirectionnel ni de bouton d’appel d’urgence pour les détenus qui pourraient être utilisés en cas d’urgence. La surveillance vidéo ne remplace pas l’audio pour une personne qui tente de communiquer sa détresse.

Comme nous l’avons mentionné, la zone des sièges des prisonniers ne contient pas d’assemblages de ceintures de sécurité, même si le compartiment est fourni à l’origine et expédié du fabricant américain au SCC avec des assemblages de ceintures de sécurité intacts. Les ceintures de sécurité sont intentionnellement retirées lorsque l’assemblage du compartiment du prisonnier traverse la frontière et fixées au véhicule Ford modifié selon les spécifications de conception choisies par le SCC. Le Service cite trois préoccupations généralisées en ce qui a trait à la présence de ceintures de sécurité dans les véhicules d’escorte :

  • Crainte que les ceintures de sécurité deviennent des armes et soient utilisées contre le personnel ou d’autres détenus de manière violente (atténuée par le fait évident que les sections de chaque côté du compartiment ont à peine assez de place pour accueillir un seul passager).
  • Inquiétude pour la sécurité du personnel lorsqu’il s’agit d’atteindre l’intérieur du véhicule pour attacher ou détacher un prisonnier (qui est menotté à l’avant et retenu par des entraves au corps ou aux jambes, ou les deux, selon les circonstances et le prisonnier).
  • Préoccupation dans le cas où un détenu se blesse ou s’automutile intentionnellement avec la boucle ou la sangle de la ceinture.

Ces risques de sûreté et de sécurité continuent d’être soulevés, même si les véhicules d’escorte des prisonniers du SCC n’ont jamais été équipés de ceintures de sécurité et qu’il n’existe donc aucun point de référence réel pour étayer ou réfuter ces affirmations. En fait, au cours des six années qui se sont écoulées depuis que le Bureau a soulevé cette question pour la première fois, le SCC n’a jamais fourni de cas ou de renseignements spécifiques ou étayés pour démontrer que les ceintures de sécurité des prisonniers pouvaient être utilisées de manière aussi dangereuse.

Vue de profil avant d’un véhicule de transport de prisonniers du SCC.

Véhicule de transport de prisonniers du SCC. 

Photo des sièges du conducteur et du passager avant à l’intérieur d’un véhicule de transport de prisonniers du SCC.

Véhicule de transport de prisonniers du SCC — Sièges avant. 

Plus précisément, on ne voit pas comment un prisonnier enchaîné et immobilisé est censé monter les marches jusqu’à l’arrière du véhicule de transport, se mettre en position et prendre place dans l’espace d’isolement sans l’aide d’un agent accompagnateur. Des solutions et des adaptations aux politiques et (ou) techniques pourraient être apportées pour éviter que les agents n’aient à passer la main près ou au-dessus d’un détenu enchaîné pour attacher sa ceinture (par exemple, en desserrant les attaches du corps ou des poignets, en fournissant des poignées, en donnant des instructions orales, en effectuant une surveillance vidéo). Le fait que les détenus soient soumis à une surveillance vidéo continue lorsqu’ils sont escortés par un véhicule — une spécification technique qui alerterait vraisemblablement les agents accompagnateurs de risques potentiels pour la sécurité ou de situations d’automutilation, et leur permettrait donc d’évaluer ces comportements et d’agir en conséquence — ferait partie de toute stratégie d’atténuation visant à traiter ou à réduire les risques. Il semble qu’il n’y ait pas eu de tentative sérieuse de s’engager dans une stratégie d’atténuation pour répondre à l’inquiétude que suscite l’utilisation des ceintures de sécurité de manière nuisible.

Ce n’est que récemment que le service a fait savoir qu’il travaillait à une évaluation de la menace et des risques (EMR) portant sur la question des ceintures de sécurité pour les détenus. Aucune échéance ou point de pratique n’a été fourni pour la réalisation de cet exercice interne. Sur ce point, je répondrais également qu’une EMR ne serait nécessaire que pour enlever, modifier ou adapter de quelque manière que ce soit un harnais et un ensemble de ceintures de sécurité fixes et obligatoires que sur la preuve qu’un détenu se présente comme une menace réelle ou perçue pour lui-même ou pour les autres lorsqu’il est sous escorte de sécurité.

Photo des sièges passagers arrière à l’intérieur d’un véhicule de transport de prisonniers du SCC.

Véhicule de transport de prisonniers du SCC — Sièges passagers arrière. 

Enfin, sur la question des ceintures de sécurité, le SCC prétend que la mosaïque de normes, de lois et de règlements provinciaux (et fédéraux) sur les véhicules en vigueur dans tout le pays, y compris la Loi d’interprétation fédérale , l’exempte d’équiper ses véhicules d’escorte de ceintures de sécurité. Le SCC affirme également qu’il est conforme à la législation et à la réglementation de Transports Canada. Cependant, il n’existe pas de normes, de règles ou de règlements fédéraux spécifiques qui régissent la conception, la sécurité ou les spécifications des véhicules pour les compartiments de prisonniers au Canada. La réglementation fédérale dans ce domaine est distincte en ce sens qu’elle s’applique normalement aux véhicules qui effectuent des transports interprovinciaux (ce qui est le cas des véhicules d’escorte du SCC). Bien que le port de la ceinture de sécurité soit spécifiquement exclu des véhicules d’escorte des prisonniers (certaines citent même la pratique du SCC en la matière), il convient de noter qu’elles n’interdisent pas non plus expressément leur utilisation.

Il est important de noter qu’avant les plus récentes modifications apportées aux règlements fédéraux qui visaient principalement les ceintures de sécurité dans les autobus destinés au transport de passagers, ces règlements ne traitaient pas des véhicules réservés au transport de détenus. Dans les dernières modifications, Transports Canada a adopté les normes américaines en ce qui a trait aux caractéristiques de sécurité des autobus et, ce faisant, a adopté des exclusions semblables aux ceintures de sécurité pour ce que l’on appelle les « voitures cellulaires » (par définition, des véhicules destinés au transport d’au moins dix prisonniers). Toutefois, puisque les véhicules d’escorte du SCC comptent moins de dix sièges désignés, ils ne sont pas exclus de l’exigence fédérale d’être munis de ceintures de sécurité.

Quoi qu’il en soit, je conclus que la légalité de l’équipement des véhicules d’escorte du SCC avec des ceintures de sécurité est en grande partie un point discutable. Si ma prémisse est que le compartiment du prisonnier lui-même n’est pas un moyen de transport sûr, alors le SCC peut être considéré comme étant en violation de son mandat principal. Plus important encore, le SCC semble assumer une responsabilité inutile et potentiellement coûteuse (nous sommes au courant d’un litige en cours dans lequel un prisonnier fédéral aurait été blessé à l’arrière d’un de ces véhicules) en retirant délibérément ou en ne fournissant pas de dispositifs de retenue pour les prisonniers dans ses véhicules d’escorte. Mon Bureau continu de recevoir des plaintes et de faire enquêter sur celles-ci de personnes qui affirment avoir été blessées à l’arrière de ces véhicules, précisément parce qu’elles n’ont aucun moyen de se retenir ou de se protéger d’une conduite erratique ou dangereuse, de conditions routières peu sûres ou de dangers invisibles, comme des nids de poule, des pentes raides ou des virages serrés. Un prisonnier a décrit avec justesse l’expérience vécue à l’arrière de l’un de ces véhicules comme étant celle de « rebondir dans une tasse à thé en étain ». Nous avons également connaissance de cas où les prisonniers refusent tout simplement d’être escortés à l’arrière de l’un de ces véhicules, même pour obtenir un traitement médical externe nécessaire.

Le SCC a l’occasion et l’obligation de montrer la voie dans ce domaine. Le SCC pourrait et devrait continuer à collaborer avec Transports Canada et d’autres intervenants pour assurer le transport sécuritaire et humain des prisonniers. La sécurité du personnel et celle des prisonniers ne sont pas des catégories mutuellement exclusives ou biaisées.

  1. Je recommande que, sans plus tarder, le SCC équipe tous ses véhicules d’escorte de prisonniers, y compris ceux qui sont actuellement en service, de ceintures de sécurité, de poignées et d’autres dispositifs de sécurité et de retenue qui lui permettraient de respecter son obligation d’assurer la garde sécuritaire et humaine des prisonniers sous escorte de sécurité. Je recommande en outre que le SCC retourne à la table à dessin pour reconsidérer son projet de « modernisation » de son parc de véhicules d’escorte qui répond mieux aux préoccupations et aux recommandations du Bureau. 

     

Mise à jour sur les expériences des personnes noires dans les pénitenciers fédéraux canadiens

En novembre 2013, le Bureau a rendu publique son enquête novatrice examinant les expériences des personnes noires en détention fédérale Footnote 26 . À cette époque, la population noire incarcérée était l’une des sous-populations à la croissance la plus rapide dans les services correctionnels fédéraux, représentant 9,5 % de la population totale incarcérée, alors qu’elle représentait moins de 3 % de la population canadienne. Les principales conclusions de l’enquête sont les suivantes :

  • Les Noirs incarcérés sont surreprésentés dans les établissements à sécurité maximale et dans les unités d’isolement, faisaient l’objet d’un nombre disproportionné d’accusations d’infractions disciplinaires et étaient plus susceptibles d’être impliqués dans des incidents relatifs au recours à la force.
  • Bien que seulement une personne noire sur cinq ait été identifiée comme appartenant à un gang, les attitudes discriminatoires et préjudiciables de certains membres du personnel du SCC se traduisent souvent par le fait que les personnes n’appartenant pas à un gang étaient étiquetées et traitées comme telles.
  • Les programmes correctionnels doivent être revus et mis à jour du point de vue de la diversité et l’accent doit être mis sur l’embauche et la rétention d’un personnel de première ligne et de prestation des programmes plus diversifié.
  • La programmation culturelle et le soutien communautaire pertinent étaient limités.
  • Une formation sur la diversité et la sensibilité était nécessaire pour le personnel du SCC
Image de l'Étude de cas sur la diversité dans les services correctionnels : l'expérience des détenus de race noire dans les pénitenciers.

Page couverture du rapport Étude de cas sur la diversité dans les services correctionnels 

Le Bureau a formulé deux recommandations, à savoir l’élaboration d’un plan de formation national sur la sensibilisation à la diversité pour le personnel et la création d’un poste d’agent de liaison sur l’ethnicité dans chaque établissement. En réponse aux recommandations du Bureau, le Service s’est montré généralement favorable et s’est engagé à surveiller les griefs des détenus afin de déterminer les besoins d’apprentissage de l’organisation dans ce domaine et à intégrer à ses programmes de formation des scénarios spécifiques portant sur la diversité, la sensibilisation aux réalités et à la compétence culturelle. Le SCC n’a pas accepté de mettre en place un agent de liaison sur l’ethnicité (ALE) dans chaque établissement parce qu’il y avait « … des membres du personnel dans chaque établissement qui exerçaient les fonctions du coordonnateur des services ethnoculturels (CSE) dans le prolongement de leurs fonctions… [de sorte que] les rôles et les responsabilités du CSE sont semblables à ce qu’on attend de l’ALE ». Toutefois, on s’est engagé à ce que des directives claires et spécifiques soient fournies aux régions et aux établissements afin d’assurer une cohérence nationale pour répondre aux délinquants ethnoculturels. Par exemple, le SCC veillerait à ce que les rôles et les responsabilités du CSE soient définis, élaborerait une stratégie nationale définissant les besoins spécifiques des délinquants ethnoculturels, des stratégies visant à garantir l’égalité d’accès aux services et aux interventions, et s’appuierait sur les partenariats communautaires pour élargir la gamme des interventions destinées à ce segment de la population carcérale.

Contexte

Lorsque le Bureau a mené son enquête en 2013, la seule étude d’envergure au Canada établissant les préjugés et le racisme systémiques au sein du système de justice pénale remontait à un rapport publié en 1994 par la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario Footnote 27 . La Commission a trouvé des preuves de racisme systémique dans chacune des composantes du système de justice pénale de l’Ontario et a formulé un certain nombre de recommandations visant à améliorer sa responsabilisation. Depuis lors, le discours public sur le recours à la force contre les Noirs et le racisme systémique au sein du système de justice pénale a pris de l’ampleur, tant au niveau international qu’au niveau national, et des études universitaires et des rapports gouvernementaux ont suivi en reprenant les conclusions de la Commission.

Au niveau international, afin de « promouvoir le respect, la protection et la réalisation de tous les droits de la personne et de toutes les libertés fondamentales par les personnes d’ascendance africaine », l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la période de 2015 à 2024 Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. Cette proclamation engage les États membres des Nations Unies, dont le Canada, à veiller à ce que les personnes d’ascendance africaine aient pleinement accès à une protection et à des recours efficaces contre la discrimination raciale.

Image de la bannière de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine des Nations Unies (2015-2024)

La bannière de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine des Nations Unies 

En ce qui concerne les services correctionnels fédéraux canadiens, le Groupe de travail d’experts des Nations Unies sur les personnes d’ascendance africaine a déclaré, dans son rapport sur sa mission au Canada en 2016, ce qui suit :

Selon le Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada, en 2015-2016, les détenus noirs représentaient 9 % de la population carcérale fédérale et 7,5 % de la population sous surveillance fédérale bien que les Canadiens noirs ne représentent que 3 % de la population canadienne. En ce qui concerne les résultats correctionnels, les Noirs en détention fédérale sont surreprésentés dans les cas de sécurité maximale, d’isolement cellulaire et de recours à la force. Ils encourent un nombre disproportionné d’accusations d’infractions disciplinaires, en particulier ceux qui pourraient être considérés comme discrétionnaires de la part du personnel correctionnel, et sont libérés plus tard dans leur peine et moins susceptibles d’obtenir une semi-liberté ou une libération conditionnelle totale.

Le Bureau de l’enquêteur correctionnel a signalé que les prisonniers noirs étaient 1,5 fois plus susceptibles d’être placés dans des établissements à sécurité maximale où les programmes, l’emploi, la formation, le perfectionnement de l’éducation, les programmes de réadaptation et les activités sociales sont limités. De plus, les Noirs sont victimes de discrimination de la part des agents correctionnels, qui utilisent un langage raciste, et sont ignorés et méprisés d’une manière qui accroît leurs sentiments de marginalisation, d’exclusion et d’isolement. Ces détenus sont aussi souvent étiquetés avec des stéréotypes discriminatoires tels que membre d’un gang, fauteur de troubles, trafiquant de drogue ou coureur de jupons. Un examen des données de 2008 à 2013 a montré que les personnes noires étaient systématiquement surreprésentées en isolement administratif, en particulier les placements involontaires et disciplinaires, et en 2012-2013, elles ont été impliquées de manière disproportionnée dans les incidents de recours à la force.

Le Groupe de travail d’experts des Nations Unies sur les personnes d’ascendance africaine a également recommandé que le Canada :

  • Élaborer et mettre en œuvre une stratégie nationale sur les services correctionnels pour éliminer les taux disproportionnellement élevés de Canadiens d’ascendance africaine au sein du système correctionnel et veiller à l’exécution des programmes non discriminatoires et adaptés à la culture à l’intention des détenus canadiens d’ascendance africaine;
  • Élaborer un plan de formation national sur la sensibilisation à la diversité pour les services correctionnels fédéraux et provinciaux et nommer un agent de liaison sur l’ethnicité dans chaque établissement. Augmenter de toute urgence les effectifs de l’administration pénitentiaire et étudier des solutions de rechange à l’isolement qui n’entraîneront pas d’atteinte aux droits fondamentaux des détenus.

À ce jour, ces deux recommandations clés n’ont pas été substantiellement mises en œuvre par le SCC.

Le logo du mouvement Black Lives Matter.

Le logo du mouvement Black Lives Matter. 

Au Canada, les événements actuels ont également contribué à une plus grande prise de conscience collective de l’importance de s’attaquer à la discrimination et aux autres formes de violence fondée sur la race envers des personnes noires Footnote 28 . L’un des événements les plus médiatisés est le meurtre de l’Américain George Floyd en mai 2020 par des membres de la police de Minneapolis, qui a donné lieu à une mobilisation internationale contre le racisme anti-Noir. Au Canada, le mouvement social Black Lives Matter a secoué le pays, rappelant de manière inquiétante les vies noires perdues dans les interactions avec les forces de police canadiennes. Elle a également rappelé les nombreux cas de profilage racial qui ont entraîné des arrestations et des détentions abusives de personnes noires. Parmi les incidents graves qui ont troublé l’opinion publique canadienne envers le système de justice pénale figure le cas d’Abdirahman Abdi, un résident d’Ottawa d’origine somalienne qui est décédé en juillet 2016 lors d’une intervention policière alors qu’il souffrait de problèmes de santé mentale. Plus récemment, l’étudiant guinéen Mamadi Camara, faussement accusé par la police de Montréal de tentative de meurtre sur un policier, a été brutalement arrêté et détenu en janvier 2021 Footnote 29 .

En 2019 et 2021, le gouvernement canadien a publié des rapports sur les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral. Ces rapports ont conclu qu’il est urgent de développer des stratégies ciblées, « … pour éliminer les causes profondes de la surreprésentation des Noirs dans le système correctionnel fédéral, y compris le racisme systémique et la discrimination de longue date Footnote 30 ». Par exemple, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a fait les observations préliminaires suivantes Footnote 31 après avoir visité des pénitenciers fédéraux :

Le comité tient à faire remarquer que presque toutes les personnes noires avec qui il a eu des échanges lors des visites des établissements lui ont raconté avoir été victimes de racisme ou de discrimination. Cela touche aussi bien les personnes purgeant des peines que celles qui les administrent. La discrimination était souvent basée sur de multiples facteurs d’identité croisés, comme le sexe ou le genre, la race, la langue et l’origine ethnique. Les expériences relatées dépassent le cadre correctionnel et conditionnent la façon dont les personnes noires au Canada appréhendent le monde. Comme l’a déclaré un témoin, « un des aspects du racisme dirigé contre les Noirs dans le système carcéral, c’est qu’il vise non seulement des prisonniers, mais aussi les communautés, les familles et les porte-paroles noirs ». Une autre témoin a dit au comité que pour bien comprendre ce qu’elle vivait, il leur faudrait être dans sa peau pendant une année.

L’enquêteur correctionnel a indiqué au comité que le SCC ne s’est pas attaqué aux problèmes systémiques de racisme ou de discrimination envers les personnes noires purgeant une peine de ressort fédéral que le BEC a documentés dans un rapport de 2013.

Dans son rapport final, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a formulé les observations suivantes :

Lors de ses visites, le comité a rencontré quelques personnes noires purgeant une peine de ressort fédéral qui étaient découragées par la qualité et la disponibilité de programmes adaptés à leur culture. Le comité a appris que l’absence de programmes adaptés à la culture perpétue le cycle de la criminalisation et de la discrimination systémique à l’encontre des Canadiens noirs.

Le comité a entendu de nombreux témoignages de personnes noires purgeant une peine de ressort fédéral concernant des cas flagrants de racisme ciblant des personnes noires sous responsabilité fédérale et des agents correctionnels noirs. Par exemple, certains se faisaient traiter de tous les noms, n’avaient pas accès à des possibilités d’emploi, et étaient présumés être affiliés à des gangs parce qu’ils portaient un doo-rag ou qu’ils étaient vus dans un groupe d’autres personnes noires purgeant une peine fédérale.

Ces conclusions condamnables ont incité le premier ministre du Canada à adresser une lettre de mandat au ministre de la Sécurité publique pour qu’il s’attaque au racisme systémique dans le système de justice pénale, y compris les services correctionnels fédéraux. Le premier ministre a demandé au ministre de :

Continuer à combattre le racisme et la discrimination systémiques dans le système de justice pénale, y compris dans tous les ministères et organismes fédéraux responsables de la sécurité nationale et de la sécurité des Canadiens. Il s’agit également de soutenir le ministre de la Justice et le procureur général du Canada dans leur travail de lutte contre le racisme systémique et la surreprésentation des Canadiens noirs et racialisés et des peuples autochtones dans le système judiciaire.

Mon Bureau est très encouragé par ces nouveaux engagements récents et offre cette mise à jour sur les expériences des personnes noires dans les pénitenciers fédéraux canadiens comme une occasion pour le gouvernement du Canada de répondre aux principales préoccupations concernant le racisme systémique dans les services correctionnels fédéraux. Une réponse positive à mes recommandations contribuera grandement à résoudre les problèmes systémiques de droits de la personne dans les services correctionnels fédéraux.

Méthodologie

Tout comme l’enquête de 2013, cette enquête a utilisé une approche qualitative et quantitative qui comprenait les éléments suivants :

  • Un examen des recherches et des politiques pertinentes;
  • Une analyse des données du SCC;
  • Des entrevues avec le personnel du SCC, des personnes incarcérées, des universitaires et des représentants de groupes communautaires noirs.

Les entrevues ont été réalisées dans les régions de l’Ontario, du Québec et de l’Atlantique. La plus grande proportion de Noirs est incarcérée dans la région de l’Ontario (54,8 %), suivie de la région du Québec (19,2 %), de la région des Prairies (13,6 %), de la région du Pacifique (7,1 %) et de la région de l’Atlantique (5,3 %). En raison des inquiétudes liées à la pandémie de COVID-19, les entrevues ont été menées principalement de manière virtuelle, à l’exception de ceux menés à l’Établissement Grand Valley pour femmes, qui ont été réalisés en personne.

Tableau 1 : Établissements fédéraux où les entrevues ont été menées.

ÉTABLISSEMENT 

RÉGION 

NIVEAU DE SÉCURITÉ 

PERSONNES NOIRES PAR 
RAPPORT À L'ENSEMBLE 
DE LA POPULATION DE 
L'ÉTABLISSEMENT 
 

ATLANTIQUE

ATLANTIQUE

MAXIMALE

12,8 %

SPRINGHILL

ATLANTIQUE

MOYENNE

6,5 %

COLLINS BAY

ONTARIO

MAXIMALE 
ET MOYENNE

29,6 %

WARKWORTH

ONTARIO

MOYENNE

21,9 %

ÉTABLISSEMENT GRAND 
VALLEY POUR FEMMES

ONTARIO

MAXIMALE, 
MOYENNE ET 
MINIMALE

8,2 %

COWANSVILLE

QUÉBEC

MOYENNE

13 %

Au total, 56 entrevues ont été menées auprès de personnes noires incarcérées, de sept membres du personnel du SCC, ainsi que des services de sécurité et du renseignement de sécurité de l’administration centrale. Des consultations ont également été menées auprès de cinq groupes communautaires ou défenseurs des Noirs travaillant avec des personnes noires incarcérées.

Profil des personnes noires incarcérées

À l’instar des conclusions du Bureau en 2013, les personnes noires continuent d’être surreprésentées dans les établissements fédéraux. En 2021-2022, les Noirs représentaient 9,2 % de la population carcérale globale, alors que dans la population canadienne générale, ils représentent environ 3,5 % Footnote 32 . Le nombre total de Noirs dans les pénitenciers fédéraux a diminué de 12,4 % depuis 2012. Cette diminution doit être comprise dans le contexte plus large où la population totale des prisonniers fédéraux a diminué de 16,5 % au cours de la même période et où le nombre de Blancs a diminué de 23,5 %. Dans le cadre de cette enquête, le terme « Noir » désigne les personnes s’identifiant comme Noirs, Africains sub-sahariens et Caribéens, catégories raciales et géographiques autodéclarées utilisées par le SCC.

Graphique à barres illustrant le pourcentage de détenus à sécurité moyenne dans les établissements fédéraux à sécurité maximale par année. 2010-2011 = 11%; 2011-2012 = 7%; 2012-2013 = 8%; 2013-2014 = 11%; 2015-2016 = 8%; 2016-2017 = 10%; 2017-2018 = 7%; 2018-2019 = 7%; 2019-2020 = 8%; 2020-2021 = 9%; Mar-2022 = 10%

Graphique 1 : Personnes de couleur noire incarcérées en tant que proportion de la population carcérale totale 

Plaintes auprès du BEC

Sur la période du 31 décembre 2017 au 6 novembre 2021, 110 plaintes individuelles (105 hommes et 5 femmes) de personnes de couleur noire ont été déposées auprès du Bureau. La majorité de ces plaintes avaient été formulées par des personnes se trouvant dans des établissements à sécurité maximale (36 %) et moyenne (35 %). La plupart ont déclaré avoir été victimes de discrimination, de victimisation, de racisme, de harcèlement ou d’agression physique et (ou) verbale. Le nombre de plaintes déposées auprès du Bureau pour lesquelles la discrimination et (ou) le racisme étaient à l’origine de la plainte semble augmenter au fil du temps. En 2018, 16 plaintes ont été déposées auprès du Bureau, contre 24 en 2019, 39 en 2020 et 30 au 6 novembre 2021.

Aperçu de la population noire incarcérée

Voici un profil général des caractéristiques démographiques et de condamnation des personnes qui se sont identifiées, lors de leur admission dans un pénitencier fédéral, comme étant de race noire, Caribéens ou Africains sub-sahariens. Des statistiques ont également été fournies pour les personnes s’identifiant comme étant blanches Footnote 33 , autochtones Footnote 34 et personnes de couleur Footnote 35 aux fins de comparaison (voir l’annexe A) : Profil de la population, à la fin de cette enquête).

La majorité des personnes noires incarcérées sont de jeunes hommes, la plus grande proportion de personnes noires se situant entre 18 et 30 ans. Comme c’est le cas pour tous les prisonniers fédéraux, les Noirs sont pour la plupart logés dans des établissements à sécurité moyenne; cependant, une plus grande proportion de Noirs est logée dans des établissements à sécurité maximale par rapport aux autres groupes. L’une des différences les plus apparentes entre les Noirs et les autres groupes ethniques est la proportion de personnes purgeant leur troisième peine fédérale ou plus. Les Blancs (15,3 %) et les Autochtones (15,1 %) sont trois fois plus susceptibles de purger leur troisième peine fédérale ou plus que les Noirs (5,4 %). Cette différence corrobore les constatations antérieures selon lesquelles les Noirs ont tendance à mieux s’en sortir une fois retournés dans la communauté (c’est-à-dire qu’ils sont moins susceptibles de récidiver ou de retourner en détention fédérale pour une nouvelle infraction). Les Noirs sont semblables aux personnes d’origine autochtone en termes d’affiliation à un gang, puisque 23,8 % des Noirs et 21,9 % des Autochtones font partie d’un gang. En comparaison, seuls 5,7 % des Blancs et 12,7 % des personnes de couleur sont affiliés à un gang. Enfin, les personnes de couleur noire semblent être similaires aux prisonniers de couleur blanche en ce qui concerne le risque, le besoin, la motivation, la responsabilité et le potentiel de réinsertion, bien que la proportion de personnes noires ayant une faible responsabilité et un faible potentiel de réinsertion soit légèrement plus élevée que pour les prisonniers blancs.

Qu’a fait le SCC depuis l’enquête menée par le Bureau en 2013?

Dans le cadre de l’enquête actuelle, il a été demandé au SCC de fournir des documents montrant où les progrès ont été réalisés par rapport aux conclusions et recommandations du rapport de 2013 du Bureau. Dans l’ensemble, bon nombre des initiatives cernées par le SCC depuis le rapport de 2013 du Bureau étaient déjà en place lors de la première enquête du Bureau; cependant, cette fois-ci, le Service a établi un certain nombre d’initiatives organisationnelles. Le SCC a procédé à un examen de la Directive du commissaire (DC) 767 : Délinquants ethnoculturels : Services et interventions pour refléter la nouvelle structure organisationnelle du SCC et une nouvelle DC a été promulguée en janvier 2021. En outre, un aspect ethnoculturel a été ajouté à un certain nombre de directives politiques. Par exemple, parmi d’autres, les DC suivantes ont été révisées pour inclure des éléments ethnoculturels :

  • DC 705-6 Planification correctionnelle et profil criminel (ANNEXE E) — « Définition et analyse des facteurs dynamiques — indique au personnel qui effectue l’évaluation de tenir compte des différences culturelles lorsqu’il effectue l’évaluation Footnote 36 ».
  • DC 715-2 Processus de décision après la mise en liberté — « L’agent de libération conditionnelle et la personne ayant l’autorité désignée tiendront compte des facteurs décrits dans le cadre d’évaluation du risque (annexe D) pour déterminer l’intervention la plus appropriée parmi les suivantes : (f) des interventions culturelles de rechange appropriées Footnote 37 ».

Le SCC a également élaboré un Cadre d’action ethnoculturel (CAE, avril 2021), qui « … fournit des directives pour assurer des approches cohésives et cohérentes dans tous les établissements, et encourage la collaboration à tous les niveaux de l’organisation Footnote 38 » pour les délinquants ethnoculturels. Le CAE se compose de quatre phases : 1) Cibler les besoins, 2) Former l’équipe, 3) Faire des progrès, et 4) Maintenir l’élan. Les quatre phases peuvent être activées à tout moment et sont spécifiques aux personnes ethnoculturelles. De plus, dans le cadre du CAE, le SCC a identifié plus de soixante coordonnateurs d’établissement ethnoculturels afin de fournir un soutien pour répondre aux besoins des personnes ethnoculturelles au niveau des établissements.

La grande majorité des personnes noires interrogées dans le cadre de cette enquête ont exprimé leur scepticisme quant à l’impact réel des coordinateurs d’établissement ethnoculturels, qui semblent être principalement composés de bénévoles à temps partiel. De nombreuses personnes noires incarcérées, y compris celles qui dirigent les Black Inmate and Friends Associations (BIFA), ont déclaré qu’elles doutaient de l’utilité de ces bénévoles pour répondre à leurs besoins au sein de l’établissement. Certains ont indiqué qu’ils n’avaient même pas rencontré le coordonnateur d’établissement ethnoculturel au cours de l’année écoulée. Il est peu probable que les postes occupés par des bénévoles répondent aux besoins de tous les délinquants ethnoculturels. De plus, le fait de catégoriser un si large éventail de personnes racialisées sous un terme générique tel que « ethnoculturel » ne tient pas compte de l’hétérogénéité et de la complexité de chacun de ces groupes. La communauté noire au Canada est extrêmement diversifiée et hétérogène, comprenant de nombreuses origines régionales et ethniques, des facteurs historiques variés, parlant de nombreuses langues et représentant diverses affiliations religieuses.

Le CAE s’inscrit dans le Cadre et mesures de lutte du SCC contre le racisme (mis à jour en octobre 2021), qui contient un certain nombre de mesures à l’échelle de l’organisation visant à mobiliser le personnel, les personnes incarcérées et les intervenants afin de « créer une organisation antiraciste plus inclusive, plus diverse et plus équitable Footnote 39 ». Le Cadre et mesures de lutte du SCC contre le racisme adopte une approche à trois volets comprenant une collaboration avec des partenaires clés :

  1. Volet axé sur le personnel : constituer un effectif diversifié, représentatif, inclusif et respectueux. 

     
  2. Volet axé sur les délinquants : évaluer les outils et les pratiques d’évaluation des délinquants, communiquer avec les détenus et favoriser des environnements sécuritaires et respectueux. 

     
  3. Volet axé sur les intervenants, les Autochtones et les experts externes : écouter les voix, les commentaires et l’expérience vécue des acteurs externes, et prendre connaissance des données probantes pour éclairer notre voie à suivre. 

     

Bien que ces cadres constituent des étapes importantes dans la résolution des problèmes de discrimination et de racisme, il s’agit de cadres de haut niveau, axés sur l’organisation, qui doivent être mis en œuvre et compris au niveau opérationnel et dans les interactions quotidiennes. En décembre 2021, le SCC a annoncé la création d’un champion de la lutte contre le racisme, de la diversité et de l’inclusion et, peu après, d’une unité dédiée à la lutte contre le racisme, à la diversité et à l’inclusion au sein de son administration centrale. Là encore, il s’agit d’une avancée importante, mais il est tout aussi important que les personnes qui occupent ces postes (c’est-à-dire les champions et les membres de l’unité de lutte contre le racisme, de la diversité et de l’inclusion) puissent s’identifier aux personnes qui ont fait l’expérience du racisme et de la discrimination. Enfin, le SCC s’est engagé à développer des formations supplémentaires pour le personnel sur des sujets comme l’identification et la lutte contre les préjugés inconscients, ainsi qu’une trousse à outils pour les gestionnaires afin de soutenir les conversations des employés sur le racisme systémique et la discrimination raciale.

Peu de progrès sur les problèmes cernés par le Bureau en 2013

Malgré les efforts concertés du SCC pour apporter des changements en matière d’inclusion, de diversité et de lutte contre le racisme, les personnes noires incarcérées ont rapporté aux enquêteurs du BEC que très peu de choses s’étaient améliorées au fil des ans. Ils continuent d’être victimes d’un racisme omniprésent et d’une discrimination systémique, ont des difficultés à accéder à des services et à des interventions adaptées à leur culture et doivent participer à des programmes correctionnels qui ne reflètent pas leurs expériences vécues.

Il y a près de dix ans que le Bureau a terminé son enquête sur les expériences des Noirs dans les pénitenciers fédéraux. Notre examen suggère que très peu de choses ont changé pour les personnes noires et que, à bien des égards, leur situation s’est encore détériorée. Tous les problèmes cernés en 2013 demeurent aujourd’hui. Ce qui suit est un examen et une évaluation des progrès réalisés par le SCC dans la résolution des problèmes précédemment cernés par le bureau. Les personnes noires incarcérées ont également déterminé un certain nombre de nouveaux problèmes au cours des entrevues, qui sont incluses ci-dessous.

Femmes noires

Le nombre de femmes noires purgeant une peine fédérale est à son point le plus bas depuis dix ans, avec un total de 21 femmes noires en détention le 24 avril 2022 Footnote 40 . Actuellement, les femmes noires représentent 3,5 % de la population des femmes purgeant une peine de ressort fédéral. En 2011-2012, on comptait 55 femmes noires, soit le chiffre le plus élevé de ces dix dernières années. En moyenne, il y a eu environ 36 femmes noires incarcérées dans des établissements fédéraux au cours des 20 dernières années (entre un minimum de 24 en 2005-2006 et un maximum de 58 en 2012-2013). De nombreuses questions soulevées par les femmes noires lors de l’enquête menée par le Bureau en 2013 restent d’actualité.

Discrimination et traitement différentiel

Les femmes noires continuent de faire l’objet d’un traitement différentiel dans diverses circonstances, notamment lorsqu’elles sont rassemblées et comment leur comportement est interprété par le personnel et les autres femmes incarcérées. Les groupes de femmes noires sont souvent approchés par le personnel du SCC qui leur demande ce qu’elles « planifient » ou « complotent ». Les femmes noires ont déclaré ne pas être autorisées à vivre ensemble dans la même maison, même si elles en faisaient la demande. Lorsqu’un petit groupe de femmes noires a habité dans la même maison, le personnel les a qualifiées de « gang jamaïcain » et les a réprimandées pour avoir parlé ensemble leur propre langue. Les femmes noires ont également rapporté que le personnel tentait d’arbitrer les désaccords entre les autres femmes, mais que lorsqu’une femme noire était impliquée, elle était immédiatement identifiée par le personnel comme « l’instigatrice », « l’intimidatrice » ou « l’agresseuse ». Plusieurs femmes noires ont rapporté que le personnel du SCC entrant dans une maison parlait souvent à toutes les femmes sauf à la seule femme noire de la maison. Une femme a déclaré : « Ils [le SCC] me dépouillent de tout, mais je n’ai toujours pas ma place et je suis traitée différemment ». La plupart des femmes noires ont déclaré qu’elles ne signalaient pas les incidents de discrimination ou de stéréotypes au personnel parce qu’elles avaient « … peur de la réaction négative » et « … savaient que rien ne serait fait de toute façon ».

Les groupes communautaires noirs ont encore très peu d’occasions d’apporter leur soutien aux femmes noires incarcérées. Des femmes ont déclaré avoir dû se battre pour obtenir la nourriture qu’elles souhaitaient ou des intervenants pour célébrer le Mois de l’histoire des Noirs chaque année. Par exemple, une femme a rapporté que le groupe de diversité des femmes de race noire a été forcé par le personnel du SCC à accepter du café et du gâteau pour célébrer le Mois de l’histoire des Noirs alors qu’elles auraient préféré une nourriture qui représente mieux leur culture. Au moment de l’enquête, le groupe de diversité des femmes de race noire de l’ÉGV avait cessé ses activités pour protester contre la façon dont les femmes du comité avaient été traitées par le personnel de l’ÉGV.

Disponibilité des produits de soins personnels

Nous avons entendu à plusieurs reprises des préoccupations concernant la difficulté d’accéder aux produits de soins personnels nécessaires pour les cheveux et la peau. Même si l’établissement Grand Valley Footnote 41 a mis en place un processus d’achat de produits spécialisés pour les femmes noires tous les trois mois, dans la pratique, il est souvent retardé. Au moment de l’entrevue dans le cadre de cette enquête, l’établissement venait de terminer une commande pour les femmes noires, qui était en retard de six mois. Plusieurs femmes ont montré aux enquêteurs du BEC comment leurs cheveux étaient tombés en raison du manque de produits appropriés et une femme a déclaré utiliser de l’huile d’olive dans ses cheveux comme substitut. Les femmes noires sont contraintes de rationner leurs produits de soins personnels dans l’espoir de pouvoir passer une nouvelle commande tous les trois mois, alors que les autres femmes peuvent commander des produits à la cantine à tout moment. Les produits destinés aux femmes noires ont également tendance à être plus chers, ce qui leur laisse moins de ressources pour acheter d’autres articles. Les femmes ont indiqué que le système provincial de l’Ontario offrait de meilleurs produits de soins capillaires à la cantine pour les femmes noires et que les bonnets, qui peuvent aider à protéger leurs cheveux, étaient autorisés dans le système provincial, mais pas dans le système fédéral (voir l’encadré sur les do-rags ci-dessous).

Les besoins uniques des femmes et des hommes noirs en matière de soins capillaires et cutanés ont été ignorés pendant des décennies dans les milieux universitaires et professionnels Footnote 42 . Cependant, on reconnaît de plus en plus les conditions uniques dont souffrent les personnes à la peau foncée, par exemple le mélasme, les chéloïdes, les blessures causées par les rasoirs (pseudo-folliculite) et l’acanthosis nigricans. Cette reconnaissance a incité le géant des cosmétiques, L’Oréal, à accorder à trois éminents scientifiques africains sa bourse de recherche sur la peau et les cheveux africains Footnote 43 . Pour prévenir et traiter ces affections cutanées, les personnes de race noire doivent avoir accès à des produits de soins spécifiques, en plus de ce qui est généralement disponible pour les types de peau non mélanique. De même, les cheveux noirs ont des besoins uniques en raison de leur élasticité, de leurs boucles serrées et de leur texture Footnote 44 . Cependant, les coiffures naturelles, qui sont apparues à la fois comme une expression de l’identité et comme un moyen de conserver des cheveux sains, ont longtemps été la cible de discriminations. Cela inclut les obstacles à l’accès aux produits comme les huiles et les shampooings destinés à entretenir les cheveux noirs. Par conséquent, des efforts ont été faits pour protéger les personnes contre la discrimination raciale en matière de cheveux en adoptant la loi CROWN (Creating a Respectful and Open World for Natural Hair) dans tous les États américains.

Accès aux do-rags

Au cours des entrevues, un certain nombre de Noirs se sont plaints de ne pas pouvoir disposer d’un do-rag dans leurs biens personnels. Cette politique semble varier d’un établissement à l’autre, certains les autorisant et d’autres non, généralement parce que les do-rags sont considérés comme un symbole de gang. En plus d’être une expression de l’identité culturelle, les do-rags sont souvent utilisés pour protéger les cheveux. Lorsque mon Bureau a porté la plainte devant le SCC, l’administration centrale (AC) a convenu que, bien que Directive du commissaire (DC) 566-12 Biens personnels des délinquants ne fournit pas de directives spécifiques sur les do-rags, les directives sur les articles culturels s’appliqueraient aux do-rags, car ils peuvent être considérés comme des articles culturels pour les détenus noirs.

Le paragraphe 6 de la DC 566-12 précise :

Le sous-directeur de l’établissement, ou son délégué qui sera d’un niveau égal ou supérieur à celui de directeur adjoint, autorisera les articles de santé non essentiels (y compris les bracelets médicaux), les articles religieux, spirituels ou culturels, les manuels ou fournitures scolaires et le matériel d’artiste ou d’artisanat, après avoir consulté le secteur concerné.

Le paragraphe 25 de la DC 566-12 précise :

Avant d’autoriser des articles de santé non essentiels, des articles religieux, spirituels ou culturels, des manuels ou fournitures scolaires (y compris un dictionnaire général et (ou) analogique) et du matériel d’artiste ou d’artisanat, le sous-directeur, ou son délégué qui sera d’un niveau égal ou supérieur à celui de directeur adjoint, consultera le responsable du secteur concerné et tiendra compte des exigences en matière de sécurité et de sécurité-incendie.

Dans la DC 566-12, le paragraphe 27 précise :

Le sous-directeur, ou son délégué qui sera d’un niveau égal ou supérieur à celui de directeur adjoint, peut interdire des articles religieux ou culturels s’il détermine, en consultation avec les aumôniers, les Aînés/conseillers spirituels, que les objets en question sont utilisés à d’autres fins que celles prévues.

L’ordre permanent d’un établissement peut exiger que les do-rags soient noirs afin d’éviter les couleurs qui pourraient être associées à des gangs particuliers. Dans ces conditions, l’administration centrale devrait envoyer une communication pour s’assurer que tous les établissements autorisent l’utilisation des do-rags.

Plusieurs femmes ont également soulevé des problèmes concernant les préoccupations de sécurité non fondées du SCC en ce qui concerne les extensions de cheveux. Des femmes ont déclaré avoir été obligées de couper leurs extensions de cheveux lors de leur admission parce qu’elles étaient considérées comme ne faisant pas partie de leur personne et comme un problème de sécurité potentiel. Ces interdictions ne semblent pas être appliquées de manière cohérente dans les établissements pour femmes du SCC. Presque toutes les femmes noires interrogées à l’ÉGV ont soulevé cette question. Une femme qui a été forcée d’enlever ses extensions de cheveux et qui a ensuite signalé une perte de cheveux a déclaré : « J’ai hâte de sortir et de me coiffer, de me sentir bien et sentir que j’ai de la valeur ». Une autre femme, parlant de son apparence devant la Commission des libérations conditionnelles, a déclaré : « J’espère qu’ils ne me regarderont pas différemment pour la libération conditionnelle à cause de mes cheveux ». Il est inacceptable de ne pas fournir un accès régulier à des produits de soins capillaires appropriés au point que les cheveux d’une femme tombent, ou de forcer les femmes noires à couper leurs extensions de cheveux pour des raisons de sécurité qu’aucun membre du personnel du SCC n’a pu expliquer ou légitimer par un incident consigné.

Personnel diversifié

Les femmes noires ont exprimé le sentiment très fort qu’elles voulaient davantage de personnel leur ressemblant et ayant des expériences de vie similaires, y compris des travailleurs primaires, des agents de libération conditionnelle et du personnel de santé mentale. Les femmes ont déclaré qu’actuellement, de nombreux membres du personnel noir ont peur de les aider ou d’être perçus comme les favorisant par leurs collègues, de sorte que certains se contentent de parler aux femmes noires, « … dans les coins de l’établissement ». Un effectif plus diversifié contribuerait à réduire le manque de confiance qui existe actuellement entre les personnes incarcérées et le personnel du SCC.

Dans l’ensemble, la situation des femmes noires a très peu évolué depuis l’enquête menée par le Bureau en 2013. Toutes les questions soulevées précédemment continuent d’être des problèmes, avec quelques domaines supplémentaires cernés dans l’enquête actuelle. Lorsqu’on leur a demandé ce qui améliorerait leur situation, les femmes noires ont le plus souvent cité les changements concrets suivants :

  • Accès constant à des produits de soins personnels appropriés;
  • Des aliments plus diversifiés sur la liste de la cantine;
  • Une liaison pour aider à établir des liens avec la communauté;
  • Une maison désignée pour les femmes noires et un lieu où les femmes noires peuvent guérir
  • Un personnel plus diversifié (notamment des travailleurs de première ligne, des agents de libération conditionnelle et du personnel de santé mentale); et des programmes correctionnels comportant des exemples et des scénarios qui trouvent un écho chez les femmes noires.

Ces suggestions sont loin d’être compliquées, coûteuses ou difficiles à mettre en œuvre. La plupart des suggestions pourraient être mises en œuvre facilement et rapidement et contribueraient grandement à résoudre bon nombre des problèmes de longue date cernés par les femmes noires au fil des ans.

  1. Je recommande que le SCC : 
  2. Élabore une politique visant à garantir que tous les prisonniers noirs aient un accès constant à des produits de soins personnels appropriés et qu’une sélection plus large de produits alimentaires reflétant la diversité culturelle de la population carcérale figure sur la liste nationale des cantines. 
  3. Élabore et distribue immédiatement un bulletin pour que tous les établissements sachent que les do-rags sont considérés comme un bien culturel et peuvent faire partie des biens personnels d’une personne. Ceci devrait être intégré dans la prochaine révision de la DC 767 : Délinquants ethnoculturels — Services et interventions. 
  4. Revoit ses positions en ce qui concerne les extensions de cheveux sous l’angle de la dignité et de la diversité plutôt que sous le seul angle de la sécurité. 

Classement par niveau de sécurité

Comme dans les conclusions précédentes du Bureau, les Noirs sont surreprésentés dans les établissements à sécurité maximale et sous-représentés dans les établissements à sécurité minimale. En 2021-2022, les Noirs représentaient 14 % des détenus en sécurité maximale et 6,5 % des détenus en sécurité minimale, alors qu’ils représentaient 9,2 % de la population carcérale fédérale. En outre, les Noirs sont les plus nombreux à être incarcérés dans des établissements à sécurité maximale et les moins nombreux à être incarcérés dans des établissements à sécurité minimale, notamment par rapport aux Blancs. Par exemple, le 12 décembre 2021, 18,4 % des personnes noires étaient en sécurité maximale et 12,3 % en sécurité minimale, contre 10,3 % des détenus blancs en sécurité maximale et 19,8 % en sécurité minimale. Ces tendances se maintiennent sur plusieurs années (voir l’annexe B pour plus de données) Footnote 45 .

Les entrevues avec les personnes noires ont permis de cerner les raisons possibles pour lesquelles une plus grande proportion de personnes noire sont incarcérées dans des établissements à sécurité maximale ou pourquoi elles ont tendance à passer de plus longues périodes en sécurité maximale par rapport aux autres groupes. Un certain nombre de facteurs (par exemple, l’indice de gravité de l’infraction, le niveau de risque, le risque d’évasion, l’achèvement du programme correctionnel, les incidents de sécurité) sont pris en compte dans le classement par niveau de sécurité. De nombreuses personnes noires ont déclaré que leurs agents de libération conditionnelle (ALC) ne pouvaient pas leur donner une raison précise pour laquelle elles ne pouvaient pas être reclassées ou ce qu’elles devaient faire exactement pour passer à un niveau de sécurité inférieur. Les personnes interrogées ont rapporté que les ALC « blâmaient les autres ou les processus », prétendaient « se pencher sur la question » depuis des mois ou « n’avaient pas eu le temps de se pencher sur le problème ». La plupart des hommes noirs ont déclaré ce qui suit au sujet de leur ALC :

  • très peu de soutien en ce qui concerne l’avancement de leur plan correctionnel;
  • un taux de roulement élevé des ALC;
  • de longues périodes sans ALC;
  • un manque de volonté d’explorer leurs antécédents sociaux;
  • les ALC ont une très faible connaissance de leur expérience vécue.

De nombreux hommes noirs ont déclaré avoir attendu parfois des années avant de bénéficier de programmes correctionnels, souvent parce qu’ils avaient été condamnés à de longues peines. Les programmes correctionnels sont destinés en priorité aux personnes condamnées à de courtes peines et à celles dont la date d’admissibilité à la libération conditionnelle est proche. Bien que cette approche de la programmation correctionnelle ait certains mérites, elle est discriminatoire à l’égard des personnes condamnées à de longues peines, qui risquent de rester plus longtemps dans des environnements à sécurité maximale que si elles avaient pu participer à un programme plus tôt. Par exemple, les Noirs sont plus susceptibles que les autres groupes de purger une peine de durée indéterminée (perpétuité) (Noirs : 34,6 %, Blancs : 32 %, Autochtones : 27,2 %). Les personnes noires condamnées à une peine déterminée purgent, en moyenne, une peine légèrement plus longue par rapport aux autres groupes (Noirs : 5,93 ans, Blancs : 5,67 ans, Autochtones : 5,32 ans) Footnote 46 . Malgré tout, il faudrait envisager d’offrir plus tôt des programmes correctionnels aux personnes qui purgent de longues peines dans des établissements à sécurité maximale, afin de leur permettre de passer plus rapidement à des niveaux de sécurité inférieurs où il y a plus d’occasions de faire un travail intéressant et de participer à une plus grande variété d’activités de réadaptation.

Les prisonniers noirs sont surreprésentés et sursécurisés dans les prisons fédérales. Le SCC doit systématiquement examiner le classement par niveau de sécurité à l’admission afin de minimiser les préjugés inconscients, les pratiques discriminatoires et les obstacles systémiques (par exemple, l’accès aux programmes correctionnels, les changements fréquents d’ALC et les longues périodes sans ALC) pour les personnes de race noire qui cherchent à faire un transfèrement.

  1. Je recommande au SCC de mener une étude comparative, en partenariat avec des groupes communautaires noirs ou des experts externes, afin d’examiner le temps cumulé passé par les personnes noires avant leur reclassement et leur transfèrement à des niveaux de sécurité inférieurs. 

Transferts involontaires

Tant les défenseurs de la communauté noire que les personnes noires incarcérées ont établi les transferts involontaires comme un sujet de préoccupation. Les transferts involontaires de la région de l’Ontario vers la région du Québec, en particulier, obligent certains Noirs à purger leur peine loin de leur famille et de leurs soutiens sociaux. Il est très difficile pour ces personnes d’obtenir une libération conditionnelle au Québec ou de trouver une place dans une maison de transition. De plus, il peut être difficile d’accéder aux programmes ou aux interventions dans la langue de leur choix. Un examen des données indique que les personnes noires sont systématiquement surreprésentées dans les transferts involontaires. Par exemple, en 2020-2021, alors qu’ils représentaient 9,4 % de la population incarcérée, les Noirs représentaient 14,6 % des personnes transférées contre leur gré (voir l’annexe C pour plus de données). Si les transferts involontaires sont sans aucun doute le résultat de la tentative du SCC de gérer les incompatibilités et les affiliations aux gangs, ces bouleversements désavantagent encore plus un groupe qui est déjà confronté à un nombre démesuré de barrières et d’obstacles.

Étiquetage et stéréotypes de gang

Près d’un quart (23,8 %) de la population noire incarcérée a été identifiée comme appartenant à un groupe menaçant la sécurité (GMS) ou à un gang. En comparaison, 21,9 % des Autochtones, 5,7 % des Blancs et 12,7 % des personnes de couleur ont une affiliation à un gang dans leur dossier. Si les Noirs semblent statistiquement plus susceptibles d’être affiliés à un gang, comme dans les résultats précédents, de nombreux Noirs ont déclaré avoir été étiquetés ou traités comme des membres de gangs par le personnel du SCC, alors que leur dossier ne contenait pas d’affiliation officielle à un GMS Footnote 47 T. Ils ont indiqué que le personnel les qualifiait de membres de gangs sur la base de divers facteurs, notamment le quartier où ils ont grandi, les personnes qu’ils fréquentent dans leur rangée de cellules, les groupes de Noirs qui se rassemblent, les vêtements qu’ils portent ou la façon dont ils interagissent avec d’autres Noirs. Un membre du personnel a confirmé au Bureau que l’étiquetage et les stéréotypes existent :

« Des choses normales comme marcher, parler, le dialecte, les poignées de main sont stéréotypées comme des comportements de gang. Les prisonniers noirs sont également souvent coupables par association, ou par la couleur de leurs vêtements. Le personnel est peu sensibilisé à la signification des différentes couleurs. Cela peut toucher la façon dont le personnel considère les délinquants ou les étiqueter à tort comme membres de gangs, mais sur le plan opérationnel, cela nuit aux possibilités de travail ».

La tendance à considérer les comportements, le langage et les renseignements sur les antécédents à travers le « prisme des gangs » nuit à ces personnes, car l’étiquette d’appartenance à un gang rend difficile le passage à des niveaux de sécurité inférieurs, l’obtention d’un emploi ou le soutien d’une équipe de gestion de cas pour participer à d’autres activités de réadaptation.

Plusieurs hommes noirs ont également rapporté que le SCC leur a attribué une affiliation à un gang actif, avec peu ou aucune preuve. Ils ont dit au Bureau qu’il n’y avait aucun document de la Cour ou décision judiciaire dans leur dossier indiquant une affiliation à un gang, mais que le SCC leur avait attribué cette désignation. Une personne noire a déclaré :

« Peu importe que votre condamnation criminelle n’ait rien à voir avec une appartenance réelle ou supposée à un GMS, pour environ 95 % des cas que nous connaissons, c’est après votre entrée en prison que le SCC, grâce à des renseignements fabriqués par les services de renseignement de sécurité, vous colle ce statut dont vous aurez ensuite du mal à vous débarrasser, avec toutes les conséquences imaginables pour votre incarcération ».

À première vue, l’affiliation à un gang telle qu’identifiée, évaluée et définie par le SCC semble reposer sur des critères objectifs :

  • identification de sources fiables (informateurs, sources communautaires ou institutionnelles);
  • renseignements relatifs à l’application de la loi;
  • preuves écrites ou électroniques tangibles (par exemple, des photos);
  • auto-divulgation ou fait d’admettre;
  • arrêté alors qu’il participait à une activité criminelle avec des associés connus;
  • implication criminelle dans une activité d’organisation criminelle;
  • constatation judiciaire que le délinquant est un associé;
  • identification commune et (ou) symbolique (par exemple, cicatrices, marques et tatouages ou attirail d’organisation criminelle);
  • comportement observé qui, par sa nature ou son association, donne des motifs raisonnables et probables de croire que le délinquant est affilié à un gang Footnote 48 .

Dans la pratique, certains de ces critères sont discrétionnaires et sujets au biais de confirmation (la tendance à interpréter les renseignements ou les comportements d’une manière qui confirme les idées préconçues et les jugements subjectifs). Une fois appliquées, la validité et la fiabilité de l’étiquette de gang semblent être rarement remises en question, en particulier parmi les personnes occupant des postes opérationnels. Ce type d’étiquetage est particulièrement contestable lorsqu’il s’appuie sur des renseignements provenant des services de renseignement de la sécurité internes ou d’informateurs de la prison, qui ne sont pas toujours corroborés par les autorités extérieures chargées de l’application de la loi, les tribunaux ou la justice. Afin d’approfondir cette question, le Bureau a demandé et examiné trente formulaires aléatoires utilisés pour désigner une affiliation GMS (formulaire 184-02 : Évaluation de l’affiliation à un groupe menaçant la sécurité ). Nous avons constaté que la majorité d’entre eux ont indiqué que l’affiliation à un gang était basée sur les renseignements de la police. Il convient d’être prudent, car même les agents d’application de la loi sont enclins au profilage racial et à des interventions policières excessives au sein des communautés racialisées Footnote 49 . Sur la base des résultats de cette enquête, je suis d’accord avec le Comité sénatorial permanent des droits de la personne (2021) qui a demandé au SCC de procéder à un examen systématique de son utilisation du classement du groupe menaçant la sécurité et de « … son application disproportionnée aux peuples autochtones et aux groupes racialisés Footnote 50 ».

L’expérience d’une personne qui tente de faire supprimer son affiliation à un gang

Après être arrivé dans un établissement fédéral en provenance d’une prison provinciale sans être affilié à un gang, il a déclaré que le SCC a appliqué l’affiliation « simplement parce que je provenais de Montréal-Nord. Je l’ai contesté et j’ai refusé de signer. Transféré à Donnacona, confronté aux obstacles pour obtenir un emploi dit de confiance, j’ai été informé que les renseignements concernant mon affiliation provenaient de Montréal… mon avocat a contacté le SPVM [Service de police de Montréal] qui a répondu par écrit que j’étais inconnu de leurs services. L’ARS a ensuite changé sa version des faits et a déclaré que la province avait fourni les renseignements. C’est faux, puisque j’étais dans la population générale au niveau provincial où personne n’a jamais mentionné un tel statut. J’ai dû me battre pendant cinq ans pour que cette mention soit supprimée, en vain… mes demandes de transfert dans des établissements où j’aurais pu bénéficier d’un meilleur soutien, mes recherches d’emploi dans les établissements, en ont souffert. J’ai déménagé de Drummondville à Cowansville où j’ai immédiatement alerté la sécurité préventive de l’erreur. Ils m’ont donné six mois pour prouver ma non-affiliation. Comme ma conduite était irréprochable, ils m’ont donné un statut de non actif, ce qui est absurde, mais j’étais à bout de nerfs. Ils m’ont épuisé. »

Une fois qu’une affiliation à un gang est appliquée à une personne, il est presque impossible de la faire disparaître. Le Bureau a entendu plusieurs personnes noires qui tentent depuis des années de faire retirer une affiliation, qui se sont isolées des autres et qui n’ont pas participé à des organisations noires (p. ex. le Comité de détenus noirs) ou à des événements pour prouver qu’elles n’y sont pas associées. Certaines personnes ont fait appel à un conseiller juridique.

De plus, peu d’options ou de ressources sont offertes par le SCC à ceux qui souhaitent se désaffilier. La seule assistance identifiée dans la Directive du Commissaire 568-3 : Identification et gestion des groupes menaçant la sécurité est que si une personne souhaite se désaffilier d’un gang, elle doit soumettre une notification écrite de son intention de mettre fin à son affiliation à un groupe menaçant la sécurité. Un agent du renseignement de sécurité s’entretient alors avec le délinquant, compile les renseignements pertinents relatifs à la notification de cessation d’emploi et remplit les parties applicables du formulaire Évaluation de l’affiliation à un groupe menaçant la sécurité . La décision finale d’accepter ou de rejeter la demande de désaffiliation revient au responsable de l’établissement, en consultation avec le président du comité régional des renseignements stratégiques.

Interrogé sur les programmes destinés spécifiquement à ceux qui souhaitent se désaffilier, le SCC n’a mis en avant que les programmes correctionnels offerts dans le cadre du modèle de programme correctionnel intégré qui « … comprend des volets multi-cibles qui visent de manière holistique les facteurs de risque individuels et les besoins criminogènes, y compris les comportements communs aux membres du GMS, comme la personnalité antisociale, les attitudes/cognitions et les associés Footnote 51 ». En bref, il n’existe pas de programmes ciblant spécifiquement l’appartenance à un gang pour ceux qui souhaitent se désaffilier.

  1. Je recommande que le SCC procède à un examen systémique de son utilisation des critères de classement des groupes menaçant la sécurité afin de s’assurer que seuls les renseignements pertinents corroborés par des autorités extérieures chargées de l’application de la loi, des tribunaux ou des autorités judiciaires, et étayées par des preuves, soient utilisés pour désigner une personne comme appartenant à un groupe menaçant la sécurité. 
  2. Je recommande qu’au cours de l’année prochaine, le Service élabore une stratégie de désaffiliation des gangs. Cette stratégie doit : 
  3. Répondre aux besoins uniques des jeunes Noirs, des Autochtones et des personnes de couleur, ainsi que des femmes. 
  4. Favoriser des occasions (par exemple, des ateliers, des séminaires, des conférenciers) où les personnes peuvent s’impliquer dans leur culture et (ou) leur spiritualité. 
  5. Intégrer des pratiques exemplaires et des leçons retenues d’autres initiatives communautaires, administrations correctionnelles et d’autres domaines de la sécurité publique. 

Recours à la force

Dans mon plus récent rapport annuel (2020-2021), publié en février 2022, j’ai fait état d’une enquête menée par mon Bureau sur l’intersection entre la race et l’implication dans les incidents de recours à la force, où l’on a constaté que la race était uniquement associée à la surreprésentation des Noirs, des Autochtones et des personnes de couleur (BIPOC) dans les incidents de recours à la force dans les prisons fédérales. Plus précisément, les personnes BIPOC ont été à l’origine de 60 % de tous les recours à la force, alors qu’elles représentent 44 % de la population carcérale fédérale. Indépendamment du niveau de risque, du niveau de sécurité, de l’âge, de la durée de la peine ou du genre, le fait de s’identifier comme Autochtone ou Noir était associé à une plus grande probabilité d’être impliqué dans un incident de recours à la force. Plus précisément, les prisonniers noirs et autochtones représentaient 51 % de toutes les personnes impliquées dans des incidents de recours à la force au cours des cinq dernières années, alors qu’elles représentent 37 % de la population carcérale fédérale. De plus, les Noirs et les autochtones sont confrontés à un plus grand nombre de recours à la force par personne en moyenne. Sur la base de ces résultats, j’ai conclu que la force est utilisée de manière disproportionnée contre les personnes noires et autochtones incarcérées dans les établissements pénitentiaires fédéraux et que la race est associée de manière significative et unique à l’application de la force dans les prisons fédérales.

Ma principale recommandation demandait au SCC de s’attaquer aux préjugés systémiques et de rendre compte publiquement des changements réalisables en matière de politique et de pratique du recours à la force, afin de réduire les causes de la surreprésentation des Autochtones et des Noirs. Comme je l’ai déclaré lors de ma conférence de presse (10 février 2022), je ne suis pas convaincu que le SCC ait reconnu ou répondu de manière adéquate à mes préoccupations concernant le rôle unique que la race semble jouer dans la manière dont la force est appliquée,  à quelle fréquence elle est utilisée et contre qui . Dans sa réponse à ma recommandation, le SCC s’est engagé à effectuer « … une analyse complète des données relatives aux incidents de recours à la force afin de s’assurer que seules les stratégies nécessaires et proportionnelles à la gestion des incidents ont été utilisées ». La représentation disproportionnée des personnes noires et autochtones dans les incidents de recours à la force semble justifier une intervention qui va au-delà de l’examen de la nécessité ou de la proportionnalité du niveau ou du type de force utilisé dans ces incidents. À l’heure actuelle, les personnes occupant des postes de confiance et de pouvoir publics doivent répondre aux preuves de partialité ou de discrimination qui entraînent un traitement différentiel ou injuste. Le SCC peut et doit faire mieux.

  1. Je recommande à nouveau que le SCC élabore rapidement un plan d’action, en consultation avec les intervenants, afin d’examiner la relation entre le recours à la force et le racisme systémique à l’égard des Autochtones et des Noirs, et qu’il rende compte publiquement des changements réalisables aux politiques et aux pratiques qui permettront de réduire efficacement la surreprésentation de ces groupes parmi les personnes exposées au recours à la force. 

Accusations d’infractions disciplinaires

Bien que les règles pénitentiaires soient rigoureusement encadrées, les accusations d’infractions disciplinaires peuvent être hautement discrétionnaires ou subjectives. Entre 2016-2017 et 2020-2021, le nombre d’accusations d’infractions disciplinaires encourues par les personnes noires incarcérées a augmenté de 16,7 %, malgré le fait que le nombre total d’accusations disciplinaires déposées au cours de la même période a diminué de 3,8 %. À l’instar de la constatation précédente de mon Bureau Footnote 52 , l’annexe D démontre qu’entre 2016-2017 et 2020-2021, les personnes noires incarcérées étaient systématiquement surreprésentées pour les accusations discrétionnaires, comme la désobéissance à un ordre ou à une règle, le manque de respect envers une personne ou un membre du personnel et la mise en danger de la sécurité de l’établissement. À l’inverse, les prisonniers noirs étaient sous-représentés dans les catégories d’accusations nécessitant moins de discrétion et plus de preuves concrètes, comme l’endommagement ou la destruction de biens, la possession d’un objet non autorisé et l’échec à un test d’urine. Au cours des entrevues, les personnes noires ont décrit avoir été ciblées par des accusations d’infractions disciplinaires. Les femmes noires ont expliqué qu’elles étaient souvent étiquetées comme des « agresseuses » par le personnel du SCC et qu’elles recevaient par conséquent des accusations d’infractions disciplinaires. Une femme a déclaré : « On me qualifie d’intimidatrice et on m’accuse parce que je dis ce que je pense et que je me défends ». Une autre femme a expliqué qu’elle parlait rarement aux intervenants de première ligne du SCC parce que « … si vous ne dites rien, ils n’ont rien à vous reprocher ».

La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP), dans son rapport intitulé Un impact disparate : Deuxième rapport provisoire relatif à l’Enquête de la Commission ontarienne des droits de la personne sur le profilage et la discrimination raciale par le service de police de Toronto , a révélé une tendance très similaire en ce qui concerne les accusations déposées par le service de police de Toronto. Dans l’ensemble, la CODP a constaté que le taux d’inculpation des Noirs vivant à Toronto était 3,9 fois plus élevé que celui des Blancs à Toronto et que « les personnes noires sont largement surreprésentées dans les statistiques sur les accusations discrétionnaires de faible gravité et elles sont plus susceptibles que les personnes blanches d’encourir des accusations ayant peu de chances d’aboutir à une condamnation Footnote 53 ». Par exemple, alors qu’ils représentent 8,8 % de la population de Toronto, les Noirs représentent 42,5 % des personnes impliquées dans des accusations d’entrave à la justice, 35,2 % des personnes accusées d’infractions de la route « hors de vue » (comme l’absence d’assurance valide) et 37,6 % des personnes accusées de possession de cannabis. En outre, le rapport conclut que « bien qu’elles fassent l’objet d’accusations à un taux disproportionnellement élevé, les personnes noires étaient surreprésentées dans les statistiques sur les accusations retirées et elles étaient moins susceptibles d’être condamnées que les personnes blanches Footnote 54 ».

Le SCC doit s’assurer que la discrimination et les préjugés inconscients n’entraînent pas d’accusations d’infractions disciplinaires inappropriées ou disproportionnées à l’égard des Noirs. Bien que le SCC offre une formation sur la sensibilité, le personnel du SCC nous a dit que tous les employés ne prennent pas cette formation au sérieux. Un membre du personnel du SCC a déclaré que la formation sur la diversité est « … purement théorique, une formation PowerPoint que les collègues survolent et répondent ensuite aux tests en cochant des cases, sans apporter aucune expérience pratique utile à leur travail dans la prison ». Un autre membre du personnel du SCC a déclaré : « Il est difficile de donner une formation sur la diversité à un homme blanc ayant 25 ans de service au moyen d’une présentation PowerPoint ennuyeuse. De 25 à 50 % du cours portait sur la race et l’ethnicité. La plupart des autres questions portaient sur les LGBTQ+ et les mots à utiliser. C’est assez corporatif ». Ce membre du personnel a poursuivi en déclarant ce qui suit :

« La formation sur la diversité devrait être offerte durant [la formation de base]. On nous l’enseigne au cours de la formation de base , mais pas “comment” le faire, comme écouter avec empathie. Ils devraient également inviter la communauté à participer à la formation. Pour l’instant, ils ne sont pas du tout impliqués. Une fois par mois, il y a une activité de la BIFA et le Mois de l’histoire des Noirs, mais ces activités sont mal organisées. Un agent ethnoculturel est nécessaire et devrait être similaire à l’ALO [agent de liaison autochtone] ».

  1. Je recommande que le SCC élargisse la formation de son personnel en matière de diversité afin d’y inclure des représentants de groupes communautaires noirs et des experts externes qui peuvent fournir une perspective plus complète et plus pertinente. Cette formation devrait être obligatoire, en personne et axée sur les expériences pratiques et vécues des personnes noires. 

Unités d’intervention structurée

En 2013, le Bureau a constaté que les personnes noires étaient systématiquement surreprésentées dans les placements en isolement cellulaire. En novembre 2019, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été modifiée afin d’abolir l’isolement cellulaire tel que défini par les Règles Nelson Mandela (isolement d’un détenu pendant 22 heures ou plus par jour sans contact humain réel) en remplaçant le régime antérieur d’isolement préventif par des unités d’intervention structurée (UIS). Mises en place à la fin de novembre 2019, il existe désormais des UIS dans dix établissements pour hommes ainsi que dans les cinq établissements régionaux pour femmes. Un aperçu des statistiques des UIS indique ce qui suit :

  • Les Noirs sont surreprésentés dans les UIS, puisqu’ils en constituent 15 % de la population (Autochtones : 49 %, Blancs : 28 %, autres personnes de couleur : 5 %).
  • Les Noirs sont logés dans les UIS à un taux de 173 pour 1 000 prisonniers noirs, suivis des prisonniers autochtones (137 pour 1 000) et des prisonniers blancs (95 pour 1 000).
  • Les Noirs étaient presque deux fois plus susceptibles que les Blancs de faire l’objet d’au moins un séjour à l’UIS, et étaient plus susceptibles de faire l’objet de séjours de 60 jours ou plus.

L’utilisation des antécédents sociaux des Noirs

En 2021, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a statué que les juges de première instance devaient tenir compte de l’histoire du racisme et de la marginalisation subis par la communauté noire lors de la détermination de la peine Footnote 55 . Dans une décision déterminante, la juge Anne Derrick a écrit que « le fait qu’un juge chargé de la détermination de la peine ignore ou omette d’examiner les facteurs systémiques et contextuels détaillés dans une évaluation de l’incidence de l’origine ethnique et culturelle (ÉIEC) ou autrement soulevés lors de la détermination de la peine d’un délinquant afro-néo-écossais peut constituer une erreur de droit ». Le juge Derrick a également souligné l’importance de comprendre l’histoire sociale des Noirs lors de la détermination des peines, afin de réduire les niveaux d’incarcération au sein de la communauté. Tout comme les rapports Gladue Footnote 56 , les ÉIEC sont des rapports présentenciels qui aident les juges à comprendre les effets du racisme, de la discrimination, de la pauvreté, de la marginalisation, ainsi que d’autres facteurs, sur les expériences de vie d’une personne noire. Le juge Derrick a écrit : « La culpabilité morale d’un délinquant afro-néo-écossais doit être évaluée dans le contexte des facteurs historiques et du racisme systémique ».

Un rapport d’ÉIEC a été utilisé pour la première fois dans la condamnation d’une personne d’origine afro-canadienne dans la décision de 2014, R. c. « X Footnote 57 ». L’ÉIEC a examiné de près l’intersection entre la race, la santé mentale, la protection de l’enfance et le système judiciaire dans cette affaire. Un certain nombre d’ÉIEC ont été réalisées depuis 2014; cependant, jusqu’à récemment, elles sont restées un outil principalement utilisé en Nouvelle-Écosse. Le 13 août 2021, l’honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada, a annoncé l’investissement par le gouvernement du Canada de 6,64 millions de dollars sur cinq ans à compter du 1er avril 2021, suivi de 1,6 millions de dollars par année sur une base permanente, pour la mise en œuvre des ÉIEC dans tout le Canada Footnote 58 . Le financement est destiné à contribuer au développement d’un programme de formation pour les rédacteurs de l’ÉIEC, à la formation aux avocats et aux juges et à la rédaction des rapports. Un défenseur de la communauté à qui le Bureau a parlé pour cette enquête a déclaré que les rapports d’ÉIEC ont été couronnés de succès en Nouvelle-Écosse :

« … à cause de l’expertise derrière ces rapports. Vous avez besoin d’une communauté de soutien et d’expertise, travaillant dans une optique de lutte contre le racisme noir. Pas le racisme anti-noir dans l’abstrait. Vous devez voir la personne dans son ensemble, dans le contexte de l’ascendance africaine et en relation avec la communauté et la culture. Avec les ÉIEC, nous pouvons parler en toute confiance des besoins des personnes noires ».

L’utilisation des antécédents sociaux dans le processus décisionnel de la gestion des cas correctionnels n’est pas nouvelle pour le SCC. À la suite de l’arrêt de la Cour suprême du Canada de 1999 qui obligeait les juges à tenir compte des années de désavantage systémique des peuples autochtones dans leurs décisions en matière de détermination de la peine, le SCC a intégré ce principe dans sa politique à l’égard des délinquants autochtones. Compte tenu des récentes décisions judiciaires et de l’engagement du gouvernement du Canada à l’égard des rapports d’ÉIEC, le SCC devrait, comme il est tenu de le faire pour la gestion des cas des Autochtones, adopter immédiatement une approche similaire pour les personnes noires incarcérées, en veillant à ce que les facteurs contenus dans un rapport sur les antécédents sociaux soient utilisés pour la gestion de la peine.

Discrimination et traitement différentiel

À l’instar des constatations précédentes de mon Bureau, de nombreuses personnes de race noire ont signalé de multiples incidents de discrimination explicite, de stéréotypes, de préjugés et (ou) de traitement différentiel de la part du personnel du SCC, et ce, malgré les efforts déployés par le SCC pour inciter le personnel, les délinquants et les intervenants à créer une organisation plus diversifiée, inclusive et équitable grâce à l’élaboration de ses cadres ethnoculturels et antiracistes. Une personne ayant séjourné à l’établissement d’Edmonton a vécu une expérience très négative, affirmant que la discrimination et le racisme envers les prisonniers noirs (ainsi que le personnel) étaient à la fois intentionnels et omniprésents Footnote 59 .

« À Edmonton, des gardiens noirs nous ont dit sans détour qu’ils étaient victimes de racisme. Le racisme à Edmonton est inquiétant. Il n’y a pas de comité de la BIFA [Black Inmates and Friends Association] à Edmonton. Dès que l’on voit trois ou quatre détenus noirs ensemble, on les sépare ou on les met en isolement! Chaque fois qu’un détenu noir devenait représentant d’unité, il n’obtenait rien. Même les détenus blancs disaient : “C’est raciste!”. 

Une autre personne, faisant référence à la discrimination, a déclaré : “On s’y habitue et on s’immunise contre elle”.

Les Noirs nous ont dit qu’en général, ils ne signalent pas les incidents de discrimination ou de racisme, soit parce que rien n’est fait, soit parce qu’ils sont systématiquement rejetés ou refusés. Ils ont également peur de déposer une plainte, car ils craignent d’attirer l’attention des agents, d’être fouillés tous les jours ou de voir leur urine constamment analysée. Un détenu a déclaré : “C’est une bataille perdue d’avance pour les détenus que d’aller et venir avec les gardiens; cela pourrait mettre en péril votre plan correctionnel”. Une autre personne a raconté aux enquêteurs du BEC qu’après avoir déposé un grief contre un agent correctionnel pour ce qu’il percevait comme une insulte raciale, son agent de libération conditionnelle l’a fait asseoir dans son bureau. Il a ensuite placé la liste des rapports d’observation rédigés à son encontre à côté de sa plainte et “… m’a demandé quel était mon choix : retirer la plainte ou laisser les accusations portées contre moi détruire mon plan correctionnel. Je n’avais pas vraiment le choix, je savais qu’ils l’avaient fait à d’autres avant moi”. Au fil des ans, mon Bureau a formulé plusieurs recommandations concernant l’accessibilité et l’efficacité du système de règlement des griefs du SCC. Il ressort clairement des entrevues que le système de règlement des griefs n’a pas été amélioré et qu’il reste un système défaillant. Bien que mon Bureau ne fasse pas de recommandation spécifique concernant le système pour le moment, je reste préoccupé par le fait qu’il s’agit d’une question qui justifie une enquête distincte, en particulier à la lumière des plaintes en matière de racisme et de discrimination.

Voix des personnes noires et du personnel du SCC sur la discrimination et le racisme

Tel que rapporté par un membre du personnel du SCC : Un homme noir était allongé sur le sol et demandait une assistance médicale. L’un des agents correctionnels qui s’est approché de lui a commencé à se moquer de lui : « Regardez-le, il s’étouffe comme George Floyd ». Ses collègues blancs ont ri.

Les personnes noires ont signalé qu’il est courant que les agents correctionnels utilisent un langage raciste à leur encontre ou les traitent de « singes » verbalement ou par des gestes. Une personne noire, qui faisait un suivi auprès d’un membre du personnel du SCC pour une permission de sortir avec escorte (PSAE), s’est vu demander, en présence d’autres personnes incarcérées : « Vous voulez donc une PSAE pour aller au zoo. C’est pour aller voir des amis? »

On demande à un groupe de Noirs assis ensemble en train de boire du café : « De quoi a parlé le gang? » ou « Qu’est-ce qui a été dit aujourd’hui à la réunion du gang? »

Tel que rapporté par un membre du personnel du SCC : « Ayant moi-même été témoin de tant de commentaires et de comportements racistes de la part de collègues blancs, le conseil que je donne régulièrement aux détenus noirs est qu’ils doivent se comporter de manière à ne pas servir d’alibi aux racistes qui ont du pouvoir sur eux. Pourtant, on ne devrait pas leur demander d’être plus prudents que les autres détenus ».

D’un bénévole qui travaille au SCC dans les pénitenciers depuis plus de 10 ans : « Les détenus noirs me rapportent subir beaucoup de racisme. Néanmoins, ce que j’ai remarqué depuis que je suis au Québec, c’est que les délinquants noirs anglophones subissent encore plus de racisme. C’est comme s’ils avaient deux circonstances aggravantes aux yeux de certains membres du personnel : la couleur de la peau et la langue anglaise ».

Contrairement à ce qui s’était passé lors de la précédente enquête du Bureau, la plupart des personnes interrogées étaient convaincues qu’une plus grande représentation des Noirs parmi le personnel du SCC contribuerait à réduire le manque de confiance entre le personnel et les détenus. Comme le dit un membre de la Black Inmates and Friends Association (BIFA) : « Ces agents [blancs] ne savent pas comment s’associer à nous. Ils ont peur, ou hésitent à nous connaître ». Un autre a déclaré : « J’ai pu avoir une agente de libération conditionnelle noire pour la première fois ici à [l’établissement] et j’ai vu la différence dans sa façon de travailler, car elle tenait compte de mes origines qui ne lui étaient pas si étrangères ». L’impact d’un manque de diversité parmi le personnel peut être important, comme l’explique une personne interrogée :

« Parce qu’ils ne connaissent pas nos cultures et la façon dont nous interagissons dans la communauté, le moindre signe qui leur semble inhabituel ou bizarre est interprété négativement : un simple vêtement porté d’une certaine façon, le ton de la voix, l’absence de contact visuel, une trop grande gaieté, seront autant de preuves pour un rapport qui sera ensuite utilisé contre vous par votre agent de libération conditionnelle ou votre équipe de gestion de cas, sans aucun recours ».

Le personnel du SCC a également confirmé que les prisonniers noirs semblent se sentir plus à l’aise d’approcher le personnel qui leur ressemble. Un membre du personnel du SCC a expliqué à quel point la représentation est importante pour fournir des modèles aux jeunes hommes noirs derrière les barreaux : « Ces gars-là avaient peu de modèles positifs dans la communauté, et cela se répercute dans l’établissement. Ils sont aussi généralement méfiants à l’égard des hommes blancs en uniforme ». Les officiers noirs créent un environnement qui facilite la discussion et l’engagement, enracinés dans des expériences partagées.

À l’échelle nationale, les nouveaux employés du SCC qui s’identifient comme membres d’une minorité visible dépassent le taux de disponibilité de la population active Footnote 60 . Bien que cela soit encourageant, la représentation des minorités visibles parmi les agents correctionnels est particulièrement faible dans certains des établissements les plus diversifiés (voir le tableau 2 ci-dessous). Par exemple, alors que 43,3 % des personnes incarcérées s’identifient à une minorité visible à l’Établissement de Collins Bay, seulement 9,3 % des agents correctionnels s’identifient à une minorité visible. Il convient de mettre davantage l’accent sur le recrutement d’un personnel correctionnel diversifié, en particulier dans les établissements dont la population est diversifiée, car ce sont les membres du personnel qui ont des interactions quotidiennes en personne avec les personnes incarcérées et qui peuvent avoir la plus grande incidence en ce qui concerne les conseils, le soutien et le leadership.

Tableau 2 : Pourcentage de la population carcérale et du personnel CX s’identifiant comme appartenant à une minorité visible, par établissement sélectionné

ÉTABLISSEMENT 

POURCENTAGE DE LA POPULATION 
INCARCÉRÉE S'IDENTIFIANT COMME 
UNE MINORITÉ VISIBLE 

POURCENTAGE D'AGENTS 
CORRECTIONNELS S'IDENTIFIANT 
COMME UNE MINORITÉ VISIBLE 

COLLINS BAY

43,3

9,3

MILLHAVEN

31

7,1

WARKWORTH

30,8

8,4

GRAND VALLEY 
POUR FEMMES

15

27,3

ATLANTIQUE

19,5

3,6

SPRINGHILL

7,9

9,8

COWANSVILLE

20,9

6,9

Source : SCC SIR-M pour les chiffres concernant la population carcérale et renseignements et demande de documents du SCC pour les chiffres concernant le personnel (reçu du SCC le 20 décembre 2021).

Préjugés raciaux et soins de santé

« Un détenu noir qui souffre sera souvent traité avec mépris. Ils l’accuseront d’exagérer la douleur, d’essayer de susciter la pitié, alors que sa souffrance est en réalité insupportable. Mais si un Blanc se présente avec beaucoup moins de douleur, il sera pris au mot. On lui prescrira immédiatement des analgésiques ou on le transférera à l’hôpital pour un examen approfondi ». 

« Ils ne comprennent pas ou ne cherchent pas à comprendre notre détresse psychologique. Au contraire, toute information qui peut être utilisée contre nous par le Service finit par se retourner contre nous après que nous nous soyons confiés à eux. J’ai vu la différence depuis que l’établissement a récemment lancé un programme de consultation individuelle en santé mentale avec un spécialiste noir qui nous reçoit par vidéo. On voit tout de suite qu’il veut créer un climat de confiance pour vous aider ».

– Extraits d’entrevues avec deux personnes noires incarcérées 

Au cours de l’enquête, plusieurs prisonniers noirs se sont plaints de préjugés raciaux de la part du personnel de santé du SCC, qui minimisait parfois les douleurs physiques ou mentales des personnes noires incarcérées. Les plaintes concernant la discrimination dans le diagnostic et le traitement des personnes noires incarcérées sont révélatrices d’un problème de plus en plus documenté en médecine et en psychologie ces dernières années. Par exemple, des études récentes menées aux États-Unis ont montré que les personnes noires sont systématiquement sous-traitées pour la douleur par rapport aux personnes blanches. Ce préjugé racial serait lié à de fausses croyances sur les différences biologiques entre les Noirs et les Blancs. Les professionnels de la santé peuvent utiliser des croyances erronées sur les différences biologiques entre les Noirs et les Blancs pour étayer leurs jugements médicaux, ce qui peut contribuer aux disparités raciales dans l’évaluation et le traitement de la douleur Footnote 61 ».

Dans un environnement carcéral, les professionnels de la santé sont confrontés à un défi lorsqu’ils prescrivent des analgésiques, car de nombreux détenus ont des problèmes de dépendance et peuvent chercher à obtenir des analgésiques pour gérer leur dépendance. Néanmoins, la douleur physique et psychologique se présente sous de nombreuses formes, et les préjugés raciaux dans l’évaluation, la gestion et le traitement de la douleur peuvent avoir de graves conséquences pour les patients noirs. Les professionnels de la santé doivent être sensibles à d’éventuels préjugés inconscients lorsqu’ils évaluent et traitent des prisonniers noirs.

  1. Je recommande que le SCC élabore un programme de formation pour les professionnels de la santé de première ligne. Ce programme devrait s’appuyer sur les recherches les plus récentes sur les préjugés raciaux et leur impact sur les décisions et procédures médicales. 

Interventions correctionnelles

Malgré les tentatives du SCC de rendre les programmes correctionnels plus accessibles aux diverses cultures et origines, nous avons entendu dire que le contenu des cours continue d’être trop générique et ne tient pas compte des expériences socioculturelles ou vécues des Noirs. Bien qu’il soit difficile de déchiffrer exactement les changements spécifiques apportés par le SCC aux programmes correctionnels pour mieux refléter les expériences et les besoins de la communauté noire, il semble que ces changements ne fassent qu’effleurer ce qui est en fait nécessaire. Une personne interrogée a fait le commentaire suivant :

« Nous avons affaire à des programmes qui traitent de la violence, par exemple, mais à aucun moment ils ne tiennent compte des schémas familiaux dont beaucoup d’entre nous sont issus, de la pauvreté dans laquelle nous avons grandi, de la stigmatisation que nous avons subie à l’école et dans nos quartiers, en particulier dans nos relations avec tout ce qui représentait l’autorité. Comment un tel programme peut-il nous être utile quand on voit qu’il a été conçu pour un détenu blanc? ».

Un défenseur des communautés s’est exprimé en ces termes : « Il [le SCC] manque d’interventions puissamment éclairées qui peuvent être liées aux antécédents d’un prisonnier noir ». C’est le cas, malgré le fait que la Directive du Commissaire 726-1 : Normes relatives aux programmes correctionnels nationaux stipule que tous les programmes correctionnels du SCC doivent « comporter des méthodes adaptées aux facteurs de réceptivité propres à chaque délinquant, comme les besoins des femmes, des délinquants autochtones, des délinquants ayant des besoins en matière de santé et d’autres groupes » (c’est nous qui soulignons). Un grand nombre des personnes interrogées dans le cadre de cette enquête, y compris des groupes communautaires et des défenseurs des droits, ont dit à mon Bureau qu’elles aimeraient que le SCC élabore des programmes correctionnels adaptés spécifiquement aux personnes noires afin de maximiser l’efficacité des programmes correctionnels pour la communauté noire.

Certaines personnes noires se sont retrouvées face à un choix difficile. D’une part, ils considèrent que les programmes correctionnels ne sont pas du tout adaptés à leur réalité culturelle et sociale, qu’ils sont axés sur les cycles de la criminalité et qu’ils n’ont aucun rapport avec leur réussite future dans la communauté. D’autre part, en ne participant pas aux programmes correctionnels, ils risquent d’avoir un faible taux de motivation, ce qui a une incidence directe sur leur trajectoire correctionnelle, notamment sur leur admissibilité à la libération conditionnelle, leurs perspectives d’emploi et leur niveau de rémunération, pour ne citer que quelques exemples. Les programmes correctionnels doivent être ancrés dans les expériences de personnes qu’ils visent et dispensés par des agents de programmes correctionnels qui ont été exposés, sensibilisés ou formés à ces réalités particulières. Le fait d’inviter divers experts et groupes communautaires à venir discuter et partager leurs expériences, ou de permettre aux Noirs d’utiliser les permissions de sortir avec escorte (PSAE) pour participer à des programmes pertinents offerts par des organisations communautaires appropriées dans le cadre de leur programme correctionnel, contribuerait grandement à résoudre bon nombre des problèmes soulevés par les Noirs en ce qui a trait à ce que la plupart perçoivent comme des programmes correctionnels non pertinents.

Alors que les Noirs bénéficient de PSAE dans la communauté aux fins de programme, ils sont constamment sous-représentés parmi les personnes approuvées pour des PSAE aux fins de programme. Par exemple, entre 2015-2016 et 2019-2020, les personnes noires représentaient entre 5,4 et 7 % des personnes bénéficiant d’une permission de sortir aux fins de programme (pendant cette période, les personnes noires représentaient de 8,2 à 9,4 % de la population incarcérée). La seule exception était en 2020-2021, où elles représentaient 14,8 % des personnes ayant accédé à une permission de sortir aux fins de programme, alors qu’elles représentaient 9,4 % de la population (voir l’annexe E pour les données). L’accès communautaire est un moyen efficace d’élargir les soutiens et les services disponibles pour les personnes noires. Les programmes communautaires sont souvent plus efficaces et plus pertinents.

Emploi

L’emploi en prison est important, car il peut contribuer à la réintégration d’une personne dans la société en lui offrant la possibilité d’acquérir des compétences et une expérience professionnelle. L’emploi CORCAN Footnote 62 est souvent considéré comme le type d’emploi préféré, car de nombreux emplois CORCAN offrent des compétences monnayables, comme la soudure, la construction et la réparation de petits moteurs. En 2020-2021, les Noirs représentaient 7 % de toutes les affectations de CORCAN et 7,3 % des personnes incarcérées affectées à CORCAN, alors qu’ils représentent plus de 9 % de la population carcérale. Les taux de participation à CORCAN peuvent être influencés par le fait que les Noirs sont surreprésentés dans les établissements à sécurité maximale où le SCC n’offre pas de possibilités de formation en cours d’emploi de CORCAN dans tous les établissements à sécurité maximale. Le SCC offre également plusieurs types de possibilités d’emploi au sein de l’établissement. Les emplois en établissement sont souvent décrits comme des « emplois avec horaire chargé » et n’offrent guère de compétences ou de formation. En termes d’emploi au SCC, les personnes noires incarcérées représentaient 8,8 % des affectations en établissement et 9,2 % des personnes employées dans un emploi en établissement en 2020-2021.

Au cours des entrevues, beaucoup ont déclaré avoir été victimes de discrimination pendant le processus d’embauche. Ils ont déclaré qu’il est très rare qu’un délinquant noir obtienne un « emploi de confiance », par exemple à la cantine. « Ce type d’emploi est presque exclusivement réservé aux Blancs, même si ce n’est écrit nulle part », a déclaré un détenu qui est employé comme nettoyeur depuis plusieurs mois. Les cinq principaux emplois pour les Noirs étaient les suivants : nettoyeur, préposé à la préparation des aliments, comité de détenus, plongeur et préposé aux loisirs. Alors que la majorité des personnes incarcérées gagnent une rémunération de niveau C (5,80 $/jour), les Noirs sont moins susceptibles de gagner les niveaux de rémunération les plus élevés (niveau A à 6,90 $/jour et niveau B à 6,35 $/jour). En avril 2022, 3,7 % des Noirs touchaient une rémunération de niveau A, contre 6,2 % des Blancs, et 18,1 % des Noirs touchaient une rémunération de niveau B, contre 21,7 % des Blancs Footnote 63 .

Pratiques prometteuses

Agent d’inclusion : L’établissement de Cowansville a créé un poste d’agent d’inclusion visant à aborder les questions de racisme et de discrimination. Ce poste était occupé par deux agents correctionnels. Selon des personnes noires et des membres du personnel du SCC, ce poste a permis de dénoncer plus souvent des situations de discrimination ou des comportements racistes, y compris entre collègues. Différentes approches sont adoptées pour traiter ces situations, comme la médiation ou le signalement à la direction, en fonction de la gravité de la situation et des circonstances qui l’entourent. Malheureusement, en raison du manque de personnel pendant la COVID-19, ces deux membres du personnel ont retrouvé leur ancien poste.

Affectation de réintégration afro-canadienne : L’établissement de l’Atlantique a mis en place une mission de réintégration des Afro-Canadiens dans le cadre de laquelle le personnel du SCC a travaillé directement avec les groupes communautaires pour repérer les ressources communautaires et les conseillers en emploi qui pourraient venir dans les établissements pour cerner les besoins des personnes noires incarcérées avant leur libération. L’objectif du programme était de préparer les Noirs à trouver un emploi ou un soutien professionnel après leur retour dans la communauté. Malheureusement, il semble que le financement et le soutien de cette initiative aient pris fin.

Programme pour aider les détenus afro-canadiens à acquérir résilience et force mentale 

En 2018, le programme Résilience et force mentale des détenus afro-canadiens a été proposé à quatre endroits : Bureau de libération conditionnelle de Keele, Établissement de Warkworth, Établissement de Beaver Creek et Établissement de Grand Valley. Le contenu du programme visait à permettre aux participants :

  • de trouver leur Symbole Adinkra et affirmation puissante*;
  • d’évaluer leurs difficultés associées à la récidive;
  • de déterminer leurs priorités personnelles en matière de virilité des hommes noirs.

De nombreuses personnes incarcérées ont trouvé ce programme bénéfique, mais il n’a pas été poursuivi.

Antécédents sociaux des Noirs 

Le district central de l’Ontario a lancé une initiative pilote appelée « Black Social History » (BSH). Cette initiative prend en compte la BSH dans la planification correctionnelle. Les agents de libération conditionnelle reçoivent des conseils sur la manière de prendre en compte les besoins et les intérêts culturels des Noirs dans la planification correctionnelle. Le SCC est en train d’étendre le BSH à tous les établissements communautaires de l’Ontario et à l’unité d’évaluation de Joyceville. L’initiative a été intégrée au Cadre de lutte contre le racisme de 2021.

Centre correctionnel communautaire Jamieson 

Le CCC Jamieson a créé un poste d’agent de réintégration afro-écossais chargé d’élaborer des programmes pour les personnes d’origine ethnoculturelle de la communauté et d’offrir un soutien continu. Cette personne est également en contact avec les représentants du soutien communautaire et assure la liaison avec eux.

*Pour obtenir plus de renseignements : MacDonald, J. (26 mars 2007). West African Wisdom: Adinkra Symbols & Meanings. Adinkra.org.

 

 

Participation des groupes de la communauté noire

La Directive du commissaire (DC) 767 — Délinquants ethnoculturels : Services et Interventions exige que le SCC :

8 (c) favorisera la mise en œuvre des initiatives ethnoculturelles dans les régions afin de répondre aux besoins culturels des délinquants ethnoculturels;

8 (d) favorisera la participation des organisations communautaires et établira des partenariats avec des communautés ethnoculturelles afin de soutenir les délinquants ethnoculturels tout au long de leur peine et lors de leur mise en liberté dans la collectivité;

8(e) dressera et gérera, en consultation avec les communautés ethnoculturelles, les comités consultatifs et (ou) les associations ethnoculturelles, une liste de ressources ethnoculturelles qui sera mise à la disposition du personnel du SCC et mise à jour au besoin.

En dépit de ces directives, et à l’instar des conclusions précédentes du Bureau, l’examen a révélé que les liens avec les groupes communautaires noirs sont pour la plupart inexistants. La COVID-19 a certainement rendu l’accès aux groupes communautaires plus difficile. Nous avons fréquemment entendu dire que les comités de détenus noirs ne pouvaient même pas entrer en contact avec les groupes ou les leaders de la communauté noire en utilisant la technologie virtuelle au cours des deux dernières années. En outre, le SCC a rendu l’accès à la prison encore plus difficile pour les groupes et les dirigeants de la communauté noire, invoquant souvent des problèmes de sécurité. Comme l’a dit une personne noire incarcérée :

« Peut-être que certaines de ces personnes ont eu un passé criminel, mais ce n’est pas une raison pour les exclure, au contraire, c’est la façon dont elles s’en sont sorties pour devenir des modèles qui nous offre à nous, qui sommes enfermés, des perspectives d’avenir autres que de retourner en prison. »

Image d’un « carton publicitaire » d’information de la Peoples’ Counselling Clinic.

Carton publicitaire de la Peoples’ Counselling Clinic. 

Un leader de la communauté noire nous a dit : « Ils se méfient de la communauté. Ils disent que nous sommes des “membres de gang”. Je suis professeur d’université, pour l’amour du ciel! Les bénévoles et les défenseurs sont impuissants et à la merci des établissements. C’est un système complètement imperméable, et si vous essayez de le pénétrer, ils vous mettent de côté. Si les seules options sont la famille proche et les amis, alors comment puis-je leur rendre visite? Dans quel cadre? ».

Les membres du Comité des détenus noirs nous ont dit que l’organisation d’événements et de conférenciers pour le Mois de l’histoire des Noirs était un défi, souvent avec peu d’aide du personnel du SCC. Lors d’un événement organisé dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs dans l’un des établissements pour hommes, le personnel du SCC a été invité à participer à l’événement, mais aucun membre du personnel du SCC ne s’est présenté. Un organisateur a déclaré : « Nous avions des représentants de la communauté noire de Toronto, des gens qui font de grandes choses pour les jeunes dans nos quartiers et avec lesquels le Service aurait pu entamer un dialogue pour travailler ensemble. Ils ne sont tout simplement pas intéressés et ils ne prennent même pas la peine de le cacher ». Il est clair qu’un travail important est encore nécessaire.

Il existe un certain nombre d’organisations communautaires noires qui font un travail important pour la communauté noire. Seulement quelques-unes ont été répertoriées ci-dessous :

  • Community Enhancement Association : Cette initiative consiste à libérer les Noirs des établissements fédéraux et à les placer dans des maisons de transition pour des programmes de jour. Une personne participant à la mise en place de ce programme a déclaré : « Cela a été transformateur pour les participants… C’était leur première introduction à la psychologie noire ».
  • The Peoples’ Counselling Clinic en Nouvelle-Écosse est une clinique de santé mentale communautaire qui fournit des services directs et une éducation publique axée sur les questions de traumatisme, de race, de sexe et de genre. La Peoples’ Counselling Clinic gère également l’admission et l’attribution des évaluations de l’impact de la race et de la culture pour les tribunaux de la Nouvelle-Écosse.
  • 902 Man-Up est un programme de réintégration communautaire desservant la Nouvelle-Écosse. Ce groupe offre un soutien à la réintégration des jeunes hommes et femmes noir(e)s en Nouvelle-Écosse. L’une des personnes qui dirige ce groupe a déclaré : « Nous établissons des liens avec eux pendant leur incarcération, puis nous les aidons à établir des liens avec la communauté. Ils ont parfois une mauvaise réputation, alors nous les présentons sous un jour plus positif à la communauté ». Ce groupe a indiqué que le SCC était plus disposé à travailler avec 902 Man-Up que le système provincial.
  • DESTA est une organisation basée à Montréal qui offre des services de réinsertion et de défense des droits aux personnes noires actuellement et anciennement incarcérées qui se préparent à être libérées, qui se trouvent dans des logements temporaires ou qui ont des antécédents en matière de justice pénale.

Il n’y a pas de manque de services et d’interventions disponibles au sein de la communauté; cependant, il semble qu’il y ait un manque d’effort concerté ou de volonté de la part du SCC pour entrer en contact avec ces groupes, les consulter et développer des partenariats solides avec eux. Comme l’a déclaré un défenseur interrogé dans le cadre de l’enquête :

« Les institutions religieuses ont le plus grand accès et la plus grande capacité à faire du travail de réintégration à partir de la communauté, alors nous travaillons avec elles… [Cependant] Nous n’avons pas la capacité de mener des programmes derrière les barreaux… L’accès aux prisonniers est généralement difficile pour les Noirs et nos relations avec les personnes quoi ont des démêlés avec la justice rendent les choses plus difficiles. S’ils font une évaluation de sécurité approfondie sur moi, ils trouveront certainement des gens liés à moi qui sont impliqués. Lorsque nous commençons à faire venir des personnes dans les institutions pour nous aider dans notre travail ou lorsque nous obtenons des contrôles de sécurité approfondis, toute personne ayant un passé douteux est mal vue. Leur accès est limité et cet examen est teinté de racisme. En somme, le fait d’être noir peut avoir un effet négatif sur mon accès ».

Conclusion

Il est clair que très peu d’initiatives ou de programmes de fond, destinés à la communauté noire incarcérée, ont été mis en œuvre pour améliorer de manière significative la vie des Noirs dans les pénitenciers fédéraux. Tous les problèmes et préoccupations cernés dans l’enquête de 2013 du Bureau, notamment le racisme, la discrimination, les stéréotypes et l’étiquetage des prisonniers noirs, restent omniprésents et continuent de susciter d’importantes préoccupations. L’incapacité du SCC à reconnaître pleinement les expériences et les besoins uniques des Noirs et à mettre en œuvre des interventions appropriées l’a empêché de fournir à ce segment de la population carcérale des programmes, des interventions et un soutien pertinents. Le SCC ne dispose pas d’une stratégie globale qui réponde aux besoins de la communauté noire. Les besoins des personnes noires sont uniques et ancrés dans les conséquences historiques de l’esclavage et du racisme systémique tout au long de l’histoire du Canada Footnote 64 . Compte tenu de cette situation et des piètres résultats correctionnels relevés dans le présent rapport, je recommande au SCC d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie qui tienne compte de la voix des détenus, des intervenants et des collectivités de race noire.

  1. Je recommande que le SCC élabore une stratégie nationale qui aborde spécifiquement les expériences vécues et les obstacles uniques auxquels sont confrontés les Noirs purgeant une peine de ressort fédéral. Cette stratégie devrait inclure les éléments suivants : 
  2. Une programmation correctionnelle ciblée et adaptée; 
  3. Un programme d’agents de liaison dédié aux besoins des personnes de race noire; 
  4. L’utilisation des antécédents sociaux dans la prise de décision en matière de gestion de cas en s’inspirant des leçons tirées de l’utilisation d’ÉIEC en Nouvelle-Écosse; 
  5. Un programme de recherche ciblé examinant les résultats correctionnels; 
  6. La participation régulière des groupes de la communauté noire dans l’intervention des prisons visant à éliminer les obstacles à leur participation; 
  7. Un financement dévoué et à long terme. 

Annexe A : Profil de la population

 

NOIR 
(n = 1 207) 

BLANC 
(n = 5 737) 

AUTOCHTONE 
(n = 3 757) 

PERSONNES 
DE COULEUR* 
(n = 686) 

GENRE**

 

% D'HOMMES

97,4

95,7

93,2

95,9

% DE FEMMES

2,6

4,3

6,7

4,1

ÂGE

 

% 18 À 30

37,7

16,3

32,5

30,5

% 31 À 40

33,3

26,9

33,8

32,8

% 41 À 50

16,7

22,4

17,5

18,9

% 51+

12,3

34,3

16,2

17,8

NIVEAU DE SÉCURITÉ***

 

% MAXIMALE

17,1

10,2

15,4

11,4

% MOYENNE

59,1

60

62,9

59,2

% MINIMALE

12,2

19

12,9

17,1

NOMBRE DE PEINES FÉDÉRALES

 

% PREMIÈRE

75,1

64,6

62,2

86,3

% DEUXIÈME

19,5

20

22,7

10,5

% TROISIÈME OU PLUS

5,4

15,3

15,1

3,2

RISQUE***

 

% ÉLEVÉ

65,5

65,7

69,8

53,2

% MOYEN

24,7

24,8

23,9

33,4

% FAIBLE

4,0

3,5

2,1

6,3

BESOIN***

 

% ÉLEVÉ

65,5

65,5

78,1

58

% MOYEN

26,1

26

17

29,9

% FAIBLE

2,6

2,4

0,7

4,8

RESPONSABILITÉ***

 

% ÉLEVÉE

9,4

12,9

10,3

12,2

% MEDIUM

54

56,5

65

53,5

% FAIBLE

28,7

21,7

18,3

25,4

MOTIVATION***

 

% ÉLEVÉE

13,8

17,9

13,9

17,2

% MOYEN

60,7

58,3

66,6

57,9

% FAIBLE

19,6

17,6

15,3

17,2

POTENTIEL DE RÉINTÉGRATION***

 

% ÉLEVÉE

8,7

10

4

17,1

% MOYEN

37,3

39,7

33,1

40,1

% FAIBLE

48,1

44

58,7

34,4

% AVEC UNE AFFLILIATION 
À UN GANG

23,8

5,7

21,9

12,7

Source : Entrepôt de données du SCC (18 juillet 2021).

*L’auto-identification de la race est fondée sur les catégories définies et recueillies par le SCC pour chaque personne lors de son admission dans le système correctionnel. La catégorie Personnes de couleur comprend 14 groupes de minorités visibles auto-identifiés (à l’exception des Autochtones et des Noirs) selon les catégories raciales du Système de gestion des délinquants (SGD) du SCC.

**Il existe une catégorie de genre « autre » dont les chiffres sont très faibles et qui n’est pas rapportée dans ce tableau. De ce fait, il se peut que la somme des pourcentages ne soit pas égale à 100.

***Il manquait des renseignements sur le niveau de sécurité, le risque, le besoin, la responsabilité, la motivation et le potentiel de réintégration pour chaque groupe racial; par conséquent, les pourcentages ne totalisent pas 100.

Annexe B : Proportion de personnes noires et blanches par niveau de sécurité

2016-04-10 

NOIRS (n=1 319) 

BLANCS (n=8 143) 

MAXIMALE

20,8

12,8

MOYENNE

59,7

58,1

MINIMALE

14,3

22,1

2017-04-09 

NOIRS (n=1 215) 

BLANCS (n=7 646) 

MAXIMALE

19,2

12,1

MOYENNE

58,2

56,6

MINIMALE

14,2

22,2

2018-04-08 

NOIRS (n=1 179) 

BLANCS (n=7 325) 

MAXIMALE

16,1

11,6

MOYENNE

59,5

55,8

MINIMALE

15,0

23,8

2019-04-07 

NOIRS (n=1 166) 

BLANCS (n=6 994) 

MAXIMALE

17,4

10,8

MOYENNE

58,7

59

MINIMALE

15,6

21,9

2020-04-12 

NOIRS (n=1 308) 

BLANCS (n=6 779) 

MAXIMALE

17,6

10,8

MOYENNE

60,9

60

MINIMALE

12,8

21,5

2021-04-11 

NOIRS (n=1 168) 

BLANCS (n=5 901) 

MAXIMALE

17,8

10,9

MOYENNE

60,7

62,2

MINIMALE

11,4

19,2

2021-12-12 
(année à ce jour) 

NOIRS (n=1 172) 

BLANCS (n=5 900) 

MAXIMALE

18,4

10,3

MOYENNE

61,8

60,1

MINIMALE

12,3

19,8

Source : Entrepôt de données du SCC (28 janvier 2022).

Remarque : Il manquait des renseignements sur le niveau de sécurité pour les deux groupes raciaux; par conséquent, les pourcentages ne totalisent pas 100. Il convient de noter qu’en moyenne, sur la période de sept ans indiquée dans le tableau, des renseignements sur le niveau de sécurité pour 8,2 % des personnes noires et 8,3 % des personnes blanches étaient manquants.

Annexe C : Proportion de transferts involontaires concernant des personnes noires, de 2015-2016 à 2021-2022

2015-16 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
9 % de la 
population 
carcérale 

2016-17 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
8,6 % de la 
population 
carcérale 

2017-18 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise% 
8,4 % de la 
population 
carcérale 

2018-19 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
8,2 % de la 
population 
carcérale 

2019-20 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
9,4 % de la 
population 
carcérale 

2020-21 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
9,4 % de la 
population 
carcérale 

2021-22 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
9,2 % de la 
population 
carcérale 

12,5

10,4

9,9

12,2

12,3

14,6

12,7

Source : Entrepôt de données du SCC, accès le 1er avril 2022

Annexe D : Proportion de Noirs faisant l’objet d’accusations d’infractions disciplinaires

 

2016/2017 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
8,6 % de la 
population 
carcérale 

2017/2018 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise% 
8,4 % de la 
population 
carcérale 

2018/2019 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
8,2 % de la 
population 
carcérale 

2019/2020 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
9,4 % de la 
population 
carcérale 

2020/2021 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
9,4 % de la 
population 
carcérale 

2021/2022 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
9,2 % de la 
population 
carcérale 

Tous les frais

11,3

10,8

12,3

12,7

13,7

LES 10 PRINCIPALES ACCUSATIONS D’INFRACTIONS DISCIPLINAIRES 

Possession de produits interdits

9,9

12,1

12,1

11,8

13,6

Dommages ou destruction des biens

9,5

10,4

10,4

9,4

5,8

Désobéissance à un ordre

21,1

16,7

17,6

18,1

20,7

Désobéissance à une règle

12,9

12,4

15,1

15,3

15,8

Manque de respect envers une personne ou un membre du personnel

12,1

9,5

12,2

9,4

12,3

Bagarre/agression

10,7

9,1

10,3

10,8

13,9

Intoxiquant dans le corps

10,7

11,1

12,8

10,4

10,6

Mise en péril de la sécurité de l’établissement

9,1

9,4

12,8

22,3

15,7

Article non autorisé

6,9

6,2

6,7

8,6

7,6

Échantillon d’urine (ne pas le fournir ou refuser de le fournir lorsqu’il est demandé)

7,8

8,6

7,8

8,1

9,0

Source : Entrepôt de données du SCC (juillet 2021)

Annexe E : Proportion de sortie avec escorte aux fins de la programmation à laquelle ont accès les personnes de race noire

2015-16 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
9 % de la 
population 
carcérale 

2016-17 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
8,6 % de la 
population 
carcérale 

2017-18 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise% 
8,4 % de la 
population 
carcérale 

2018-19 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
8,2 % de la 
population 
carcérale 

2019-20 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
9,4 % de la 
population 
carcérale 

2020-21 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
9,4 % de la 
population 
carcérale 

2021-22 
% Noirs 
(Les personnes 
noirs comprise 
9,2 % de la 
population 
carcérale 

5,5

5,9

5,4

6,4

7,0

14,8

Source : Entrepôt de données du SCC (1er avril 2022)

Remarque : Une personne peut avoir plus d’une sortie avec escorte. En outre, il y a eu beaucoup moins de sorties avec escorte en 2020-2021 (2 580) en raison de la COVID-19, par rapport à une moyenne de 50 387 sorties avec escorte entre 2015-2016 et 2019-2020.

Annexe F : Proportion de personnes noires et blanches libérées par année et par type de libération

 

2016-17 

2017-18 

2018-19 

2019-20 

2020-21 

2021-22 

Semi-liberté

Noir

29,3

33,2

38,6

36,6

36,4

39,3

Blanc

37,3

40,4

41,5

40,6

39,7

34,3

Libération 
conditionnelle totale

Noir

2,9

3,8

5,1

3,3

2,7

0,67

Blanc

2,0

2,8

2,7

2,4

1,6

0,8

Libération d’office

Noir

64,9

60,1

53,5

56,2

57,1

56,7

Blanc

59,8

55,6

54,9

56

57,8

63,9

Ordonnance de surveillance 
de longue durée

Noir

0,5

0,36

0,19

0,18

0,39

0

Blanc

0,23

0,44

0,18

0,32

0,41

0,38

Expiration du mandat

Noir

1,0

0,73

0,94

1,47

2,3

1,3

Blanc

0,62

0,79

0,76

0,66

0,55

0,59

Source : SCC, SIR-M (8 mars 2022)

Remarque : La somme des pourcentages n’est pas égale à 100, car un certain nombre de libérations d’autres types représentent un très faible pourcentage du total des libérations.

Annexe G : Proportion de personnes noires et blanches atteignant la date d’expiration du mandat et retournant au SCC dans un délai de deux ans

 

2013-14 

2014-15 

2015-16 

2016-17 

2017-18 

2018-19 

Noir

6,3

4,6

2,0

5,5

4,4

4,6

Blanc

7,2

7,4

5,8

6,4

5,8

3,8


Formes restrictives de détention dans les établissements pénitentiaires fédéraux (pénitenciers à sécurité maximale pour hommes)

Photo d’une cellule d’observation avec couverture anti-suicide à l’Établissement de l’Atlantique.».	Photo d’une cellule d’observation avec couverture anti-suicide » à l’Établissement de l’Atlantique.

Établissement de l’Atlantique — Une cellule d’observation avec couverture anti-suicide. 

À mon avis, je ne considère pas absurde de dire qu’une personne ne devrait pas être enfermée dans une petite cellule 24 heures sur 24, car même s’il y avait des problèmes sur le plan de la sécurité, il devrait y avoir d’autres solutions que de simplement refuser à une détenue la possibilité de sortir de sa cellule.... Cependant, là aussi, il semble que même si la loi est connue, on perçoit en général qu’on peut toujours y déroger pour des motifs valables, et que, de toute façon, le respect des droits des détenues ne constitue pas une priorité… il s’agissait d’une attitude générale de nature punitive voulant que les détenues méritent leurs droits à tout ce qui est considéré comme un privilège et non comme un droit Footnote 65 .

– L’honorable Louise Arbour (1996) 

Malgré les décisions des tribunaux de la Colombie-Britannique et de l’Ontario qui ont jugé que la pratique de l’isolement préventif (isolement cellulaire) violait les droits fondamentaux protégés par la Charte, et l’élimination subséquente de cette pratique par l’adoption du projet de loi C-83 en 2019, un nombre important de prisonniers fédéraux continuent d’être confinés dans leur cellule pendant de longues périodes.

Par l’intermédiaire du projet de loi C-83 et de l’introduction des unités d’intervention structurée (UIS), le gouvernement a cherché à inscrire dans la loi des normes minimales pour la prise en charge et la garde des détenus, comme :

  • Un temps minimum hors cellule de quatre heures, y compris l’accès à l’exercice en plein air;
  • Des bilans de santé réguliers et des visites quotidiennes de la direction de l’établissement;
  • Un contact « significatif » avec les autres;
  • Un contrôle externe et un examen indépendant;
  • L’accès aux programmes et aux services;
  • L’indépendance clinique des fournisseurs de soins de santé.

Cependant, ces normes semblent vulnérables à l’interprétation et n’ont pas encore été reconnues ou appliquées aux secteurs de la prison en dehors des UIS. Comme je l’ai mentionné dans mon précédent rapport annuel, le cadre législatif des UIS n’a pas permet d’empêcher la création, l’utilisation ou l’extension des conditions de détention semblable à l’isolement. Il existe un large éventail de conditions et de pratiques d’isolement restrictives en dehors des UIS, qui ne font l’objet que de peu ou d’aucune surveillance externe ou de contrôle indépendant. Il s’agit notamment :

  • des unités à association limitée sur la base volontaire;
  • des rangées thérapeutiques Footnote 66 (dans les établissements à sécurité maximale pour hommes);
  • des milieux de garde fermés pour les femmes.

Certaines de ces zones peuvent avoir des fonctions opérationnelles et des routines strictes en vertu de la politique, mais, dans la pratique, ces environnements échappent souvent à l’examen externe et ont parfois violé les normes de détention sûre et humaine.

L’objectif de cette enquête est de déterminer et de décrire les différentes formes d’isolement restrictif au sein des services correctionnels fédéraux Footnote 67 , et plus particulièrement dans les établissements autonomes à sécurité maximale pour hommes Footnote 68 . Cette enquête ne s’est pas penchée sur les formes temporaires d’isolement, comme les routines de restriction des mouvements, les isolements et les mesures d’intervention en cas de pandémie, comme l’isolement médical.

Méthodologie

Définition du confinement restrictif

L’ ensemble des règles minimale pour le traitement des prisonniers des Nations Unies (Règles Nelson Mandela) définit l’isolement cellulaire comme une privation de contacts humains significatifs pendant au moins 22 heures par jour Footnote 69 . À l’heure actuelle, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) et le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (RSCMLC) fournissent des paramètres généraux pour les conditions de vie dans les pénitenciers fédéraux, ce qui pourrait influer sur la qualité et la quantité de temps passé hors des UIS. Deux dispositions, le principe des « mesures les moins restrictives » énoncé à l’alinéa 4c) de la LSCMLC et la protection de la dignité humaine mentionnée aux articles 69 et 70 de la même loi, peuvent servir de guide. Cependant, la seule mention explicite du temps passé hors de la cellule inscrite dans la législation fédérale (en dehors des dispositions relatives aux conditions dans l’UIS [art. 36]) est l’heure d’exercice quotidien prévue par l’article 83 (2) (d) du RSCMLC. 

Photo des portes de la barrière de l’UIS à l’Établissement de Donnacona.

Établissement de Donnacona — barrière de l’UIS. 

Les dispositions de la LSCMLC relatives aux UIS établissent une norme juridique minimale de quatre heures de sortie de cellule. Comme nous l’avons déjà dit, bien que cette norme soit exigée par la loi pour les UIS, le Service n’est pas tenu de l’appliquer aux autres secteurs des pénitenciers fédéraux. En fait, au cours de la pandémie, les populations de prisonniers ordinaires ont été régulièrement maintenues dans leurs cellules pendant 22 heures ou plus Footnote 70 , parfois pendant des semaines et pour la plupart, sans accès à l’exercice en plein air.

Aux fins de la présente enquête, le Bureau a déterminé qu’il était raisonnable de définir l’isolement restrictif comme toute période de moins de quatre heures par jour hors de la cellule.

Collecte des données

Mon personnel a contacté tous les établissements à sécurité maximale pour hommes et leur a demandé leurs routines opérationnelles (pour la population carcérale générale et les unités de vie spécifiques). Certaines routines étaient définies dans des notes ou des notes de service au personnel, mais la plupart se trouvaient dans les ordres permanents établis en vertu de la Directive du commissaire 566-3 : Déplacement des détenus . Il a été demandé aux enquêteurs principaux de consulter à la fois les prisonniers et le personnel pour établir les zones au sein des établissements où les prisonniers pourraient ne pas bénéficier de quatre heures par jour hors de leur cellule. Sur la base de ces renseignements, les six établissements autonomes à sécurité maximale ont été identifiés pour des enquêtes de suivi et des visites en personne : Établissement d’Edmonton, Établissement de Millhaven, Établissement de l’Atlantique, Établissement Port-Cartier, Établissement de Kent et Établissement de Donnacona.

L’examen des routines opérationnelles n’a pas permis de déterminer clairement le nombre d’heures de sortie de cellule dont bénéficiaient les détenus. Dans leur application, les routines sont adaptées pour tenir compte des horaires de travail, des programmes, des visites, du déplacement de sous-populations incompatibles, etc. Comme nous le démontrerons dans ce rapport, les visites sur place ont révélé que les routines en établissement sont davantage utilisées comme des lignes directrices générales.

Photo d’une note de service affichée dans l’une des unités de l’Établissement de l’Atlantique décrivant le changement de routine.

Établissement de l’Atlantique – Une note de service affichée dans l’une des unités décrivant le changement de routine. 

Afin de corroborer les routines opérationnelles et de mieux comprendre la disponibilité du temps hors cellule, des carnets de bord ont été demandés pour certaines unités, des questionnaires ont été remis aux détenus et au personnel, et des entrevues en personne ont été menées. Au total, 43 détenus et plus de 30 membres du personnel ont été interrogés entre novembre 2021 et mars 2022 Footnote 71 .

Constatations

Temps limité hors cellule

Notre enquête a révélé un certain nombre de zones — en dehors des UIS et des mesures d’isolement médical temporaire en place pour la COVID-19 — où les détenus bénéficiaient de moins de quatre heures de sortie de cellule.

Dans un établissement, le temps passé hors de la cellule et les conditions de détention dans les unités ordinaires et le quartier thérapeutique étaient systématiquement inférieurs aux normes en vigueur dans l’UIS. En effet, en dehors de l’UIS, le reste de l’établissement fonctionnait comme s’il s’agissait d’une ancienne rangée de cellules d’isolement préventif, avec moins de trois heures de sortie de cellule.

Photo de la rangée de cellules de l’UIS à l’Établissement Port-Cartier.

Établissement Port-Cartier — Rangée de cellules de l’UIS. 

Dans un autre établissement, la pression exercée pour maintenir le nombre d’UIS à un faible niveau et l’augmentation des sous-populations incompatibles (nous y reviendrons) ont entraîné l’utilisation de « cellules cachées » (un terme souvent utilisé par le personnel de cet établissement), où les détenus sont maintenus dans des conditions semblables à l’isolement pendant des semaines.

En revanche, lors de notre visite dans un troisième établissement, nous avons constaté que le personnel utilisait son pouvoir discrétionnaire pour accorder plus de temps hors cellule que ce qui était prévu par l’article 566-3 du Règlement. Par conséquent, aucun des prisonniers que nous avons interrogés à cet établissement ne s’est plaint du temps passé hors de la cellule, et ils ont tous déclaré recevoir plus de quatre heures par jour. Un membre du personnel a expliqué la situation comme suit :

« Si nous suivions l’article 566-3 à la lettre, nous serions beaucoup plus restrictifs. Mais nous laissons cette décision à la discrétion du personnel de l’unité. Les portes des rangées de cellules sont généralement plus ouvertes pour permettre à tous d’accéder à la cuisinière, au réfrigérateur, aux commodités, etc. Normalement, il n’y a pas de problème ».

Même lorsque les détenus bénéficient de plus de quatre heures hors cellule, ceux qui n’ont pas d’emploi ou qui choisissent de ne pas participer aux programmes et aux activités prévues ont tendance à passer plus de temps dans leur cellule. Beaucoup de ces personnes passent leurs journées « enfermées », ne pouvant sortir que pendant trois heures ou moins pour prendre une douche, passer des appels téléphoniques ou accéder à la buanderie, à la cour ou à la salle de sport. Même ce temps est réparti en courts intervalles, souvent interrompus par des exigences opérationnelles, comme des dénombrements, des fouilles et d’autres procédures. Certains prisonniers ont indiqué que les routines étaient appliquées de manière incohérente, ce qui rendait difficile l’optimisation de leur temps hors cellule.« Je ne sais jamais quand ça va arriver, donc c’est difficile de planifier! » a déclaré un prisonnier.

Certaines de ces personnes sont prêtes à participer à des programmes ou sont sur liste d’attente pour un emploi, mais sont enfermées parce que les occasions sont rares ou ne correspondent pas à leurs besoins. Un prisonnier s’est plaint à juste titre : « Si les gars cherchent vraiment un emploi ou quelque chose à faire, laissez-les au moins sortir », laissant entendre que les personnes ne devraient pas être punies pour les lacunes de l’établissement.

Qualité du temps hors cellule

« Il n’y a rien à faire, les jours se mélangent les uns aux autres, il n’y a juste rien. Je veux faire un programme ou juste faire quelque chose, mais il n’y a rien… Vous restez assis dans votre cellule et vous attendez, il n’y a aucun moyen de vous améliorer, vous restez assis ici et vous attendez. Et ils se demandent pourquoi tu es fou, c’est à cause de la façon dont ils nous traitent » 

– D’un détenu interviewé 

Photo de la « mini » cour de l’Établissement d’Edmonton.

Établissement d’Edmonton — Mini-cour. 

De nombreux prisonniers que nous avons interrogés ont déclaré qu’ils choisissaient, comme d’autres, de rester dans leur cellule même lorsqu’on leur proposait de sortir de leur cellule. Ils ont fourni un certain nombre de raisons pour lesquelles ils choisissent de ne pas profiter du temps hors cellule, notamment :

  • Les activités significatives hors de la rangée de cellules sont limitées ou peu attrayantes. Aucun programme, aucune possibilité de travail rémunéré, et l’accès à l’éducation est limité aux études en cellule.
  • Le temps passé hors de la rangée de cellules est limité à l’espace situé derrière des barrières verrouillées, ce qui fait que les prisonniers font les cent pas avec la porte de leur cellule ouverte.
  • Les espaces communs, les espaces de loisirs et les cours sont souvent peu attrayants et austères. L’accès à la cour principale ou au gymnase est souvent limité, de courte durée, et les détenus se plaignent souvent qu’il n’y a rien à faire.
  • Les repas sont généralement pris dans les cellules ou dans les salles communes. Certaines personnes préfèrent rester dans leur cellule plutôt que d’interagir avec les autres dans la salle commune.

Il a été constaté qu’un certain nombre de facteurs justifiables affectent la disponibilité et la qualité du temps passé hors de la cellule, comme le manque de personnel, le mauvais temps, les infrastructures abandonnées, les isolements imprévus, la présence d’incompatibles et la normalisation des mesures restrictives en cas de pandémie. Cependant, certaines raisons étaient moins excusables, comme le fait que le personnel retardait le temps de sortie de cellule et l’écourtait ensuite pour s’accorder des pauses plus longues.

Conformément à l’article 4 (c.2) de la LSCMLC , le Service contribue à la réadaptation des personnes et à leur réintégration dans la société en tant que citoyens respectueux des lois en assurant « la prestation efficace de programmes offerts aux délinquants, notamment des programmes correctionnels, les programmes d’éducation, de formation professionnelle et de bénévolat, en vue d’améliorer l’accès aux solutions de rechange à la mise sous garde dans un pénitencier et de promouvoir la réadaptation ». L’application de ce principe ne dépend pas du niveau de sécurité de l’établissement. Pourtant, comme le démontre le tableau 1, seuls 61,1 % des détenus des établissements autonomes à sécurité maximale autonomes avaient un emploi en mai 2022. L’établissement de Donnacona avait le taux d’emploi le plus bas (41,6 %), tandis que l’établissement d’Edmonton avait le taux le plus élevé (87,1 %). Toutefois, 80,2 % des affectations à l’établissement d’Edmonton étaient des emplois de nettoyage. En fait, près de la moitié des tâches effectuées dans les établissements autonomes à sécurité maximale étaient des postes de nettoyage. Parmi les autres emplois courants, citons les laveurs de vaisselle, les préparateurs de repas, les ouvriers ordinaires Footnote 72 et les comités de détenus. Dans le contexte des prisons à sécurité maximale, ces postes peuvent difficilement être considérés comme rémunérés ou comme permettant d’accroître les compétences et les capacités professionnelles qui aideraient une personne à réussir dans la communauté.

Tableau 1. Affectation à un emploi Footnote 73 dans les établissements autonomes à sécurité maximale

VOCATION 

ATLANTIQUE 

DONNACONA 

PORT 
CARTIER 

MILLHAVEN 

EDMONTON 

KENT 

TOTAL 

Cuisinier

1

14

15

Laveur de vaisselle

1

3

49

53

Soignant

4

4

Nettoyeur

56

45

52

41

174

7

375

Ouvrier 
métallurgiste — 
CORCAN

4

4

Ouvrier de textile 
— CORCAN

4

2

6

Tapissier-garnisseur 
— CORCAN

4

4

Ethnoculturel

1

1

Services 
d’alimentation

1

1

1

11

14

Secrétaire 
administratif

2

2

1

20

25

Bibliothécaire 
administratif

2

2

2

2

8

Administratif 
— Autre

5

5

Barbier

13

1

15

1

6

36

Cantine des détenus

2

6

2

6

16

Comité des détenus

12

1

9

1

16

39

Loisirs

1

5

6

Buanderie

1

11

12

2

26

Préparation 
des aliments

22

13

10

3

48

Ouvrier général

3

1

1

35

40

Coordonnateur 
des pairs

10

1

2

12

25

Photographe

2

2

Défenseur des 
prisonniers

1

1

Représentant de 
rangée de cellules/ 
de l’unité

8

8

Travailleur assigné 
au travail récréatif

1

2

4

3

10

Travailleur assigné 
au recyclage

1

3

4

Travailleur assigné 
aux services 
spirituels et 
culturels

1

1

12

14

Travailleur 
au magasin

5

5

Tuteur

4

4

Affectations à 
l’emploi totales 

106

105

119

149

192

127

798

Total des détenus 
ayant un emploi 

99

89

116

116

189

1116

725

Total des prisonniers 
en détention*

141

214

190

195

217

230

1 187

Pourcentage de 
détenus ayant 
un emploi

70,2

41,6

61,1

59,5

87,1

50,4

61,1

Capacité en lits 
de l’établissement

301

451

237

340

300

378

2 007

Source : Entrepôt de données du SCC (mai 2022).

*Depuis le début de l’exercice. Peut différer des populations carcérales pour la date à laquelle le nombre d’emplois ont été extraits.

Photo d'une cellule d'observation à l'Établissement de l'Atlantique.

Établissement de l’Atlantique —Une cellule d’observation. 

Photo de l’extérieur de l’Établissement de Kent.

Établissement de Kent (extérieur) 

À de nombreuses reprises, les prisonniers ont déclaré qu’ils n’avaient absolument rien à faire. Les emplois étaient rares ou peu attrayants et les programmes de base n’étaient tout simplement pas disponibles en raison du manque de personnel ou des restrictions liées à la COVID-19. Un représentant d’unité a décrit la situation dans son unité occupée par lui-même et un autre prisonnier : « Nous sommes tous les deux moyens. Je suis sans charge depuis un an… littéralement coincé dans la rangée de cellules. Pas de déplacement, pas de travail en dehors de la rangée, j’ai demandé des programmes, j’ai demandé à faire ceci et cela, aucun accès ». Un autre prisonnier a exprimé sa frustration quant à la manière dont les programmes étaient attribués : « Ils imposent des programmes aux gens alors qu’ils ne sont pas prêts ou sur le point d’être transférés, mais quand le moment est venu où un programme est nécessaire, ils ne l’ont pas. Forcer les gars qui ne veulent pas d’un programme à entrer dans un programme, et les gars qui veulent des programmes n’y ont pas accès ».

Aujourd’hui, les prisons pour hommes à sécurité maximale fonctionnent à environ 60 % de leur capacité, avec un ratio personnel/détenus de 1:1 ou plus. Il semble qu’il n’y ait aucune excuse pour continuer à priver les personnes d’activités de qualité, comme les sports organisés, les salles de musculation bien équipées, la cuisine traditionnelle, les emplois de gestion de cuisine, les repas en commun, les activités culturelles menées par des organisations communautaires, les expériences professionnelles significatives, l’éducation et d’autres possibilités intéressantes.

D’après mon expérience, lorsque les conditions de détention et la qualité de vie s’améliorent derrière les barreaux, nous avons également tendance à constater une meilleure utilisation de la sécurité dynamique, une plus grande confiance entre les détenus, moins de plaintes et de meilleurs rapports avec le personnel. Bien sûr, de temps en temps, un incident se produit. Ces événements peuvent être utilisés pour justifier la réduction de l’environnement carcéral au strict nécessaire, mais ils ne doivent pas l’être. Ces privations ne peuvent que servir à déshumaniser davantage les personnes en détention, ce qui a des effets en cascade sur la santé mentale, la socialisation, les incidents et les sentiments de désespoir et d’impuissance. « Serrer la vis » conduit souvent à des dysfonctionnements, à des problèmes de moral du personnel, à une hausse des incidents, et va à l’encontre de la réhabilitation ou d’une réintégration sûre et rapide.

Croissance des sous-populations

Photo de l’entrée divisée supérieure et inférieure pour entrer dans les rangées de cellules thérapeutiques de l’Établissement d’Edmonton (prise en 2019).

Établissement d’Edmonton — Entrée dans les rangées de cellules thérapeutiques (prise en 2019). 

En vertu de l’article 17 de la Directive du commissaire 568-7 : Délinquants incompatibles (version révisée promulguée le 23 août 2021), le personnel est tenu d’envisager « diverses options de gestion des risques » pour les « incompatibilités non résolues ».

Ces « options de gestion des risques » entraînent parfois des restrictions supplémentaires pour les détenus, car les routines en établissement doivent être adaptées afin de gérer les déplacements et les interactions des personnes jugées « incompatibles ». Il en résulte des sous-populations qui peuvent être constituées d’une ou de plusieurs personnes.

Dans deux établissements, la croissance des sous-populations a considérablement augmenté pendant la pandémie pour atteindre plus d’une douzaine (contre quatre ou cinq en 2019). La croissance des sous-populations dans ces établissements limite non seulement le temps passé hors des cellules, mais aussi les déplacements des personnes « hors de la rangée de cellules ». Dans un établissement en particulier, le nombre démesuré de sous-populations rendait presque tous les déplacements de groupe impossibles. Dans un autre établissement, le personnel a signalé une hausse des incidents liés aux agressions, aux comportements perturbateurs et à l’automutilation, y compris les tentatives de suicide, à la suite de l’élimination de l’isolement préventif, ce qui a entraîné une nouvelle augmentation des sous-populations. Lorsque j’ai demandé à mon personnel de vérifier cette affirmation, nous avons constaté que le nombre total de ces incidents avait augmenté de 117 % au cours de la période d’un an comprise entre novembre 2019 et novembre 2020.

Bien qu’il soit difficile d’établir la cause exacte de la hausse des sous-populations, certains éléments suggèrent qu’il s’agit d’une combinaison des facteurs suivants :

  1. L’élimination de l’isolement préventif;
  2. La pression exercée pour que le nombre d’UIS reste faible;
  3. L’introduction de mesures de confinement en cas de pandémie, y compris des restrictions sur les transferts et des options limitées pour le passage à des niveaux de sécurité inférieurs.

Comme décrit dans le rapport annuel 2020-2021, de nombreux détenus continuent de demander des placements en UIS pour obtenir de meilleures conditions de détention, une sécurité relative et un espace personnel dans les établissements à sécurité maximale. Certains vont jusqu’à faire des menaces ou à commettre des actes violents, s’automutiler ou à avoir un comportement perturbateur afin d’obtenir un placement en UIS (ou d’y être maintenu).

Photo prise derrière les barrières de l’Établissement de Millhaven.

Établissement de Millhaven — Derrière les barrières de la rangée de cellules. 

Photo d’une cellule occupée de l’UIS à l’Établissement de Kent.

Établissement de Kent — Cellule de l’UIS occupée. 

Pour éviter de placer des prisonniers dans les UIS, le Service a demandé à ses régions de maintenir leur nombre d’UIS à un niveau faible. Comme l’a dit un membre du personnel : « il faut sacrifier une chèvre pour placer des gars dans une UIS! ». En conséquence, la plupart des UIS sont à la moitié de leur capacité ou en dessous. Le SCC affirme que cela est dû à un « changement de mentalité de la part du personnel et des détenus », ce qui laisse peut-être croire à un changement de culture moins axé sur l’isolement Footnote 74 . Cependant, nos constatations suggèrent que le nombre faible d’UIS ne raconte qu’une partie de l’histoire, car les établissements ont de plus en plus recours à des mesures provisoires (comme les sous-populations et les solutions de rechange semblables à l’isolement) pour isoler, contenir et contrôler les déplacements des prisonniers.

C’est dans ce contexte que le temps hors cellule doit être compris. Le nombre ingérable et croissant de sous-populations, la réticence à placer des personnes dans des UIS et (à certains endroits) le nombre croissant d’incidents, signifient que les détenus sont souvent confinés dans leurs cellules ou rangées de cellules pendant de longues périodes. La situation est particulièrement problématique pour les personnes qui doivent passer à des niveaux de sécurité inférieurs ou qui ne peuvent plus être placées en toute sécurité dans l’une des populations existantes.

Transfèrement pour les détenus de sécurité moyenne

Graphique à barres illustrant le pourcentage de détenus à sécurité moyenne dans les établissements fédéraux à sécurité maximale par année. 2010-2011 = 11%, 2011-2012 = 7%, 2012-2013 = 8%, 2013-2014 = 11%, 2015-2016 = 8%, 2016-2017 = 10%, 2017-2018 = 7%, 2018-2019 = 7%, 2019-2020 = 8%, 2020-2021 = 9%, Mar-2022 = 10%

Graphique 1. Pourcentage de détenus à sécurité moyenne dans les établissements fédéraux à sécurité maximale 

Les données recueillies par le BEC en février 2022 montrent que dans presque tous les établissements autonomes à sécurité maximale, environ 10 à 15 % des détenus avaient un classement de sécurité moyenne. Bien sûr, les restrictions sur les transferts pendant la pandémie ont contribué au maintien des détenus à sécurité moyenne dans les établissements à sécurité maximale au cours des deux dernières années; toutefois, ces proportions reflètent les normes de la dernière décennie (voir graphique 1). Quoi qu’il en soit, l’isolement d’un prisonnier de sécurité moyenne dans un établissement à sécurité maximale est excessivement restrictif et justifie une enquête plus approfondie.

Remarque : Ces données ne comprennent que les établissements autonomes à sécurité maximale : Atlantique, Donnacona, Port-Cartier, Millhaven, Edmonton, Kent et le pénitencier de Kingston (avant 2013). Il s’agit d’installations où il n’est pas possible de passer à des niveaux de sécurité inférieurs au sein de l’établissement, comme c’est le cas dans les installations à plusieurs niveaux.

Lorsqu’on leur a demandé pourquoi les prisonniers de sécurité moyenne n’étaient pas transférés dans des établissements à sécurité inférieure, les employés ont cité un certain nombre de raisons, comme le confort des routines, l’institutionnalisation, la crainte du changement et (ou) la préférence pour les cellules isolées. Un membre du personnel de direction a déclaré que les prisonniers de sécurité moyenne « préfèrent les populations séparées. Vous n’avez pas à vous intégrer à l’ensemble de l’établissement », ce qui est le cas dans les établissements à sécurité moyenne. Un autre membre du personnel a parlé des condamnés à perpétuité et des prisonniers soumis à la règle des deux ans Footnote 75 , « ils arrivent ici et ne voient pas la lumière au bout du tunnel, ils se disent “pourquoi s’embêter”. Donc ils ne veulent pas être transférés ».

Dans certains établissements, le personnel a indiqué que l’engagement avec les détenus de sécurité moyenne et les examens de gestion de cas sont en cours pour encourager le transfèrement.

La marche au ralenti en sécurité maximale
Photo d’une cabine téléphonique pour détenus à l’Établissement de Donnacona.

Établissement de Donnacona — Téléphone de détenus. 

« [C’est] comme un entrepôt ».

« C’est une prison pour aller se calmer ».

« Vous restez en suspens jusqu’à ce que vous partiez ».

Certains prisonniers interrogés lors des visites sur place ont exprimé ces sentiments. Ils ont déclaré que le temps qu’ils passent en sécurité maximale est le plus souvent inactif; les emplois et les programmes ne les préparent pas à la libération, et ils n’acquièrent aucune compétence utile. Cependant, ils n’étaient pas surpris et déclaraient souvent qu’après tout, « c’est un max! ».

Il est important de soulever un point général concernant l’attitude de nombreux membres du personnel du SCC envers les prisons à sécurité maximale. Nous avons fréquemment entendu le personnel dire que « les détenus ne devraient pas vouloir être ici », ce qui laisse croire que les prisons à sécurité maximale devraient être inhospitalières. En outre, les placements dans ces établissements sont souvent temporaires, par exemple, ceux qui sont détenus en vertu de la règle obligatoire de deux ans Footnote 76 ou des cotes de sécurité accrues des délinquants résultant d’incidents survenus dans des établissements à sécurité moindre.

En dépit du fait que les fondements criminologiques du SCC exigent que les personnes présentant un risque et des besoins plus élevés reçoivent un « dosage » plus élevé de services et d’interventions, la culture correctionnelle de certains établissements résiste à l’idée de rendre les placements à sécurité maximale plus productifs.

Création d’environnements similaires à l’isolement

L’élimination de l’isolement par le projet de loi C-83 a limité la disponibilité des cellules que le personnel pouvait utiliser pour la séparation temporaire des prisonniers. Les UIS nouvellement introduites garantissaient les droits de base par la législation, ce qui a séduit de nombreux prisonniers à sécurité maximale qui trouvaient leurs conditions de détention intolérables. La demande de placements volontaires au sein d’UIS a augmenté, tout comme l’a fait la pression pour maintenir le nombre d’UIS à un niveau bas. Dans un établissement, le personnel a signalé que le nombre d’incidents avait augmenté en raison du fait que les détenus « faisaient des caprices » afin d’être placés ou maintenus dans l’UIS. Les données obtenues par mon Bureau ont confirmé ces affirmations.

Parallèlement à la mise en œuvre des UIS, les établissements fédéraux ont dû trouver des mesures provisoires pour, d’une part, isoler, contenir et contrôler les « détenus difficiles » et, d’autre part, assurer la sécurité des personnes à risque dans la population carcérale ordinaire. Nous examinons ci-dessous une de ces mesures : les unités à association limitée sur base volontaire.

Photo d’une enceinte sans contact à Établissement de Kent.

Établissement de Kent — Enceinte sans contact. 

Photo d’une enceinte sans contact à Établissement de Kent.

Établissement de Kent — Enceinte sans contact. 

Unités à association limitée sur base volontaire

Notre bureau a identifié une unité à association limitée sur base volontaire (UALBV) dans chacun des six pénitenciers autonomes à sécurité maximale. Un instantané d’une seule journée, le 4 mars 2022, a montré une population totale de 83 UALBV. Ceux-ci se répartissent plus ou moins également entre les six établissements, l’Établissement de Donnacona ayant le taux le plus bas (8) et Kent le plus élevé (20). Sur ce total, 45 prisonniers en UALBV étaient blancs (54,2 %), 23 étaient autochones (27,7 %), 12 étaient noirs (14,5 %) et trois appartenaient à d’autres minorités visibles. Trente personnes (36,1 %) détenues dans des UALBV à ce moment-là avaient des peines indéterminées Footnote 77 .

Selon une note de service datée du 4 juin 2019 Footnote 78 , du commissaire adjoint, Opérations et programmes correctionnels du SCC, les UALBV « sont destinées aux d��tenus qui ne veulent pas s’intégrer dans la population carcérale générale et qui ne répondent pas aux critères de placement en isolement préventif ». La note de service poursuit en disant que les prisonniers en UALBV « bénéficieront d’une routine et de conditions de détention similaires à celles des autres détenus de la population générale de l’établissement ».

Cinq mois plus tard, les UIS ont remplacé les unités d’isolement et les UALBV ont commencé à recevoir des placements volontaires qui ne répondaient pas aux critères d’admission des UIS et refusaient de s’intégrer à la population générale. En théorie, les prisonniers en UALBV doivent travailler à leur intégration. Par conséquent, l’association avec l’une des populations carcérales existantes doit être une possibilité afin qu’ils puissent être intégrés lorsqu’ils seront prêts.

Le personnel a caractérisé les personnes résidant dans les UALBV comme suit :

  • Celles qui montrent des signes d’institutionnalisation ou qui ont peur de s’intégrer, même si elles pourraient le faire en toute sécurité.
  • Celles qui se sont déjà intégrées, mais dont la date de libération approche. Ces personnes demandent parfois à être transférées à l’UIS et à y rester jusqu’à leur libération. Cela est dû soit au fait qu’ils ont des dettes, soit parce qu’ils ont peur de commettre des actes qui pourraient entraver leur libération.
  • Celles qui ont besoin d’une protection.

Les détenus classés en sécurité moyenne préfèrent parfois rester dans des établissements à sécurité maximale parce qu’ils souhaitent bénéficier de l’intimité et de la protection (perçues) offertes par l’UALBV. Comme l’a expliqué un prisonnier : « Si j’avais su pour l’UALBV, j’y serais allé depuis longtemps ». L’UALBV permet aux prisonniers de se tenir à l’écart, séparés de la population générale. Ce n’est souvent pas une option dans les établissements à sécurité moyenne où les prisonniers partagent de grands espaces de vie ouverts.

Conformément à la politique, le temps passé hors de la cellule dans les UALBV doit refléter celui de la population carcérale générale. Par conséquent, plus les conditions générales de détention dans l’établissement sont restrictives, plus les conditions dans l’UALBV le sont aussi. Nous avons également observé que les prisonniers en UALBV sont pratiquement toujours limités à leur rangée de cellules. Les activités hors rangées sont rares pour cette population, surtout dans les établissements comportant de nombreuses sous-populations où le déplacement des prisonniers est difficile.

Lors d’une de mes visites personnelles dans une UALBV, j’ai constaté que les conditions de détention étaient bien pires que dans l’UIS. On m’a expliqué que chaque jour, les prisonniers en UALBV ont droit à une douche, à un appel téléphonique, à une heure dans la cour et à une chance de faire des activités avec un groupe compatible assigné. J’ai passé en revue les carnets des deux jours précédents — tous les prisonniers ont refusé de rejoindre le groupe assigné pour les activités hors cellule. Cela suggère qu’ils ont reçu moins de deux heures de temps hors cellule pour chacun de ces jours. Ceci est inacceptable et contraire à la loi. L’absence de politique pour l’utilisation de l’UALBV crée une incohérence et ne garantit pas le respect des droits des détenus.

  1. Je recommande que le SCC élabore immédiatement une politique nationale pour l’utilisation des unités à association limitée sur base volontaire (UALBV) et de toute autre unité de vie ou rangée de cellules de groupes de population clairement identifiée : 
    1. Les motifs du placement en dehors de la population générale. 
    2. Les processus juridiques qui définissent la mesure dans laquelle les droits, les libertés et les privilèges peuvent être restreints, y compris l’association, les programmes et les services fournis, et le temps passé hors de la cellule. 
    3. Les droits, les privilèges et les conditions de détention qui doivent leur être accordés. 
    4. Le degré d’examen (surveillance) requis pour faciliter le retour des personnes incarcérées dans un environnement correctionnel moins restrictif, y compris les mesures qui devraient être prises pour permettre la libération dans la population générale dès que possible. 

Dix ans depuis Une question de spiritualité : Enjeux liés aux Autochtones dans le système correctionnel fédéral (Partie I)*

Photo d’une cellule occupée dans l’unité Sentiers de l’Établissement de Stony Mountain.

Établissement de Stony Mountain — Cellule de l’unité Sentiers. 

*La deuxième partie de cette enquête nationale sera achevée au cours de l’exercice 2022-2023 et comprendra des entrevues avec des Autochtones incarcérés ou en liberté conditionnelle et avec le personnel du SCC, ainsi que des visites sur place.

Les mauvais traitements infligés aux Peuples autochtones sont depuis longtemps une plaie de l’histoire du Canada et, par extension, des services correctionnels canadiens. Appelé par certains le nouveau système des pensionnats, le système correctionnel est devenu emblématique du néocolonialisme moderne et un microcosme pour des maux sociaux plus larges Footnote 79 . Il est vrai que le système pénitentiaire est souvent blâmé pour les échecs d’autres institutions sociales, dont il hérite. Bien qu’ils ne soient pas les seuls responsables des personnes qui franchissent leurs portes, les organismes correctionnels détiennent un pouvoir considérable sur la façon dont (et à qui) la justice est administrée derrière les barreaux, ce qui, dans une large mesure, dicte la composition du paysage correctionnel. En outre, les autorités correctionnelles ont toujours eu un contrôle important sur l’éthique culturelle dominante dans la façon dont les prisons sont gérées, sur les personnes qui les dirigent et sur l’affectation et la détermination des ressources et des priorités. Toutes ces réalités ont servi à préserver le système pénitentiaire comme l’institution intrinsèquement coloniale qu’il a toujours été, malgré certaines tentatives d’amélioration. Au niveau instrumental, le système carcéral fédéral, qui date d’avant la Confédération, a longtemps servi à marginaliser, à surcriminaliser et à surincarcérer les Peuples autochtones.

Les inégalités et les résultats disparates dont souffrent les Peuples autochtones sous le coup d’une peine fédérale au Canada constituent une priorité et une préoccupation majeures pour le Bureau depuis sa création. Il y a près de 50 ans, dans le tout premier rapport annuel publié par le Bureau en juillet 1974, le traitement discriminatoire des personnes autochtones sous la garde du gouvernement fédéral figurait parmi les premières questions soulevées. Au cours des décennies suivantes, le Bureau a émis plus de 70 recommandations spécifiques aux services correctionnels pour Autochtones, dans le cadre de ses rapports annuels. En 2013, le rapport spécial du Bureau sur les services correctionnels pour Autochtones intitulé « Une question de spiritualité : Les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition » a été déposé au Parlement. Vingt ans après l’introduction de la LSCMLC en 1992, Une question de spiritualité a cherché à déterminer dans quelle mesure les services correctionnels fédéraux avaient respecté l’intention du Parlement en ce qui concerne les dispositions législatives, en se concentrant plus particulièrement sur les articles 81 (pavillons de ressourcement gérés par les communautés autochtones) et 84 (planification de la mise en liberté et de la réinsertion dans les communautés autochtones) de la LSCML Footnote 80 . Les résultats de cette enquête ont révélé des lacunes nombreuses et importantes. Ensemble, les recommandations issues des rapports annuels intitulés Une question de spiritualité et du BEC sur les services correctionnels pour Autochtones ont couvert de nombreux sujets, en se concentrant largement sur le besoin de changement dans les domaines clés suivants :

  • Expansion des pavillons de ressourcement de l’article 81 (gérés par les communautés autochtones);
  • Meilleure utilisation et facilitation du processus, des mises en liberté de l’article 84;
  • Meilleur leadership autochtone (c’est-à-dire la nomination d’un commissaire adjoint des services correctionnels pour Autochtones);
  • Meilleure libération et la réintégration en temps voulu des Peuples autochtones;
  • Analyse et rapports publics plus intentionnels et transparents sur les répercussions des décisions correctionnelles sur les populations autochtones;
  • Meilleure allocation de ressources et participation des communautés et organisations autochtones à la prise de décision et à l’administration du système correctionnel;
  • Meilleurs programmes de garde et les programmes communautaires pour répondre aux besoins des Peuples autochtones;
  • Meilleure utilisation des facteurs Gladue /antécédents sociaux des Autochtones pour éclairer la prise de décision, l’évaluation et le classement;
  • Résolution des problèmes récurrents auxquels sont confrontés les Aînés autochtones;
  • Plus grand nombre d’employés autochtones et offrir au personnel existant une meilleure formation sur la culture, les antécédents et la spiritualité des Autochtones;
  • Stratégie de désaffiliation des gangs, en mettant l’accent sur les gangs autochtones.

    Photo de l’unité des Sentier autochtnes au pénitencier de la Saskatchewan.

    Pénitencier de la Saskatchewan — Unité des Sentiers autochtones. 

    Dans les années qui ont suivi Une question de spiritualité , un certain nombre de commissions, d’enquêtes, de travaux de journalisme d’enquête sans précédent et d’études de comités parlementaires ont été réalisés sur les besoins et les expériences des personnes autochtones incarcérées. Les rapports issus de la plupart de ces initiatives ont émis des recommandations et des appels à l’action spécifiques, dont beaucoup ont été adressés aux services correctionnels fédéraux. Les préoccupations soulevées dans chacun de ces rapports font, dans l’ensemble, écho à bon nombre de celles exprimées par le Bureau, et certaines (par exemple, le rapport final sur les FFADA : Réclamer notre pouvoir et notre place ) ont pleinement approuvé et réédité les recommandations du Bureau en matière de services correctionnels pour Autochtones, souvent mot pour mot. Plus précisément, les recommandations se chevauchent considérablement dans les appels au changement dans les quatre domaines suivants :

    1. Augmenter le recours aux pavillons de ressourcement, aux libérations en vertu de l’article 84 et à l’engagement auprès des communautés autochtones; 

       
    2. Offrir davantage de programmes et de meilleure qualité fondés sur la culture; 

       
    3. Améliorer les outils de dépistage, d’évaluation et de classement; 

       
    4. Avoir davantage de leadership autochtone, de représentation des employés et de compétences culturelles parmi tout le personnel. 

       

    Rapports clés sur les questions autochtones dans le système correctionnel depuis Une question de spiritualité (2013)

    • Bureau de l’enquêteur correctionnel, Une question de spiritualité : Les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (2013)
    • Commission Vérité et Réconciliation — Rapport final : Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir (2015)
    • Bureau du vérificateur général - Rapport d’automne : La préparation des détenus autochtones à la mise en liberté (2016)
    • Comité permanent de la Chambre des communes sur la sécurité publique et nationale — Étude : Les personnes autochtones dans le système correctionnel fédéral
    • Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes — Étude : Les femmes autochtones dans les systèmes judiciaires et correctionnels fédéraux (2017)
    • Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées - Rapport final : Réclamer notre pouvoir et notre place (2020)

    Dix ans depuis Une question de spiritualité 

    La surreprésentation des autochtones dans le système correctionnel fédéral

    Graphique linéaire illustrant la proportion de personnes autochtones et non autochtones sous responsabilité fédérale depuis 2012. Autochtone, 2012/13 = 23%, 2013/14 = 23%, 2014/15 = 25%, 2015/16 = 26%, 2016/17 = 27%, 2017/18 = 28%, 2018/19 = 29%, 2019/20 = 30%, 2020/21 = 32%. Non Autochtone, 2012/13 = 77%, 2013/14 = 77%, 2014/15 = 75%, 2015/16 = 74%, 2016/17 = 73%, 2017/18 = 72%, 2018/19 = 71%, 2019/20 = 70%, 2020/21 = 68%

    Graphique 1. Proportion de la population autochtone et non autochtone en détention depuis 2012 Footnote 84 

    Au cours des trente dernières années en particulier, certains efforts ont été déployés pour apporter une plus grande équité aux Peuples autochtones qui entrent dans le système correctionnel, comme l’introduction de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (articles 79 à 84) et les modifications apportées au Code criminel (par exemple, l’article 718.2 [e]). Dans les services correctionnels fédéraux, les efforts systémiques visant à « décoloniser » les prisons ont largement débuté en 2003 avec l’introduction du modèle du Continuum de soins pour les Autochtones . Malgré les divers changements, enquêtes, plans et investissements, les différents efforts déployés n’ont malheureusement pas atteint leurs objectifs de lutte contre la discrimination systémique et la surreprésentation des Peuples autochtones dans le système correctionnel. Alors que la population carcérale a globalement diminué au cours des dernières années, la surreprésentation des Autochtones a non seulement persisté, mais elle a augmenté à un rythme soutenu. Depuis 2012, la population incarcérée au niveau fédéral a diminué de 16,5 % et la population carcérale de Blancs a diminué de 23,5 %; cependant, pendant la même période, la population carcérale autochtone a augmenté de 22,5 % Footnote 81 . Rien qu’au cours de la dernière décennie, la population autochtone totale de délinquants (incarcérés et communautaires) a augmenté de 40,8 % Footnote 82 .

    En janvier 2016, le Bureau a indiqué que la proportion d’Autochtones sous la garde du gouvernement fédéral avait atteint le chiffre record de 25 %, et a prévenu que cette tendance allait se poursuivre, sans intervention significative. Au cours des deux dernières années, les services correctionnels fédéraux ont franchi deux nouvelles étapes historiques, lorsque la proportion a dépassé la barre des 30 % dans l’ensemble et approché les 50 % pour les femmes autochtones incarcérées Footnote 83 . Aujourd’hui, bien qu’ils représentent environ 5 % de la population adulte, les Peuples autochtones continuent d’être largement surreprésentés dans le système correctionnel fédéral, puisqu’ils constituent 28 % de toutes les personnes purgeant une peine de ressort fédéral et près d’un tiers (32 %) de toutes les personnes en détention.

    Santé et résultats en prison

    Si l’aggravation de la surreprésentation et de l’ autochtonisation du système pénitentiaire constitue à elles seules un critère déterminant du progrès, un large éventail d’indicateurs et de résultats en matière de santé dans les prisons témoigne également de la trajectoire inquiétante des services correctionnels pour Autochtones. Par exemple, au moment de la rédaction de ce rapport, les Peuples autochtones dans les prisons fédérales étaient toujours surreprésentés dans les domaines suivants :

    • Le placement en détention, par rapport à la supervision communautaire (68,3 % des Autochtones sont en détention contre 54,8 % des non-Autochtones);
    • Le recours à la force (les Autochtones représentaient 39 % des personnes impliquées dans des recours à la force au cours des cinq dernières années);
    • La sécurité maximale (38 % des personnes en sécurité maximale sont des Autochtones);
    • Des unités d’intervention structurée (anciennement isolement, près de 50 % des personnes placées dans ces unités sont des Autochtones);
    • Une affiliation à un groupe menaçant la sécurité (la proportion de personnes autochtones affiliées à un GMS est deux fois plus élevée que celle des personnes non autochtones en détention, soit 22 % contre 9 %) Footnote 85 ;
    • Les incidents d’automutilation (55 % de tous les incidents d’automutilation impliquaient une personne autochtone);
    • Les tentatives de suicide (40 % des tentatives de suicide au cours de la dernière décennie);
    • Les suicides (83 % [5 sur 6] de toutes les personnes incarcérées dont le décès est survenu par suicide en 2020-2021 étaient autochtones) Footnote 86 .

    En outre, les Autochtones entrent de plus en plus tôt dans le système Footnote 87 , passent beaucoup plus de temps derrière les barreaux et retournent dans le système correctionnel fédéral à un rythme sans précédent par rapport à leurs homologues non autochtones. Plus précisément, les Autochtones continuent de purger une plus grande partie de leur peine que les non-Autochtones avant d’être libérés en semi-liberté ou en liberté conditionnelle totale, et bénéficient d’une très faible proportion de libérations conditionnelles, la libération d’office étant de loin le type de libération le plus probable Footnote 88 . En 2020-2021, 75 % des libérations de délinquants autochtones étaient des libérations d’office Footnote 89 . En ce qui concerne les résultats après la libération, les hommes autochtones présentent les taux de récidive les plus élevés de tous les groupes (65 % pour toute récidive, avec des taux de 70 % et plus dans la région des Prairies) et près de la moitié de toutes les admissions chez les Autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux l’an dernier concernaient des révocations Footnote 90 Footnote 91 . Pris individuellement ou dans leur ensemble, ces indicateurs montrent clairement que le système correctionnel canadien est, et ce depuis un certain temps, en crise perpétuelle. D’année en année, les prisons sont de plus en plus remplies par des Autochtones qui sont pris dans le fameux phénomène de la porte tournante, dont les conditions de vie ont empiré à l’intérieur, avec peu d’options viables pour sortir et ne pas retourner en prison.

    Progrès du SCC sur les recommandations

    Photo de l’extérieur du pavillon de ressourcement Willow Cree.

    Pavillon de ressourcement Willow Cree — Extérieur. 

    Bien qu’il n’ait pas réagi aux recommandations formulées par le Bureau et d’autres organismes, le SCC a élaboré, dans les années qui ont suivi Une question de spiritualité , un grand nombre de plans et d’initiatives concernant les services correctionnels pour Autochtones. Principalement par l’intermédiaire du Modèle de la continuité des soins des Autochtones (2003), du Plan stratégique relatif aux services correctionnels pour Autochtones en 2006 (suivi de son « renouvellement » en 2013) et, plus tard, du Plan national relatif aux Autochtones — Un cadre de travail national visant à transformer le processus de gestion des cas et les services correctionnels destinés aux Autochtones (2017), le SCC s’est engagé à plusieurs reprises à « transformer » les services correctionnels pour Autochtones en améliorant les initiatives le long de ce qu’il appelle le Continuum des soins pour les Autochtones, notamment :

    • Augmenter la capacité des pavillons de ressourcement, de l’article 84 et des sentiers Footnote 92 ;
    • Augmenter le nombre d’employés autochtones et la compétence culturelle du personnel;
    • Créer une plus grande collaboration avec les communautés autochtones;
    • Améliorer les interventions et les programmes adaptés à la culture;
    • Répondre aux besoins en matière de santé mentale des délinquants autochtones;
    • Améliorer les résultats en matière de réinsertion sociale afin de combler l’écart entre les délinquants autochtones et non autochtones Footnote 93 .

    Malgré l’évolution constante et l’expansion des plans et des intentions ministériels en matière de services correctionnels pour Autochtones, l’itération actuelle du modèle du Continuum de soins pour les Autochtones continue d’être remplie d’engagements non respectés, par exemple :

    • les disparités dans la validité de l’évaluation des risques ne sont toujours pas résolues, malgré la décision de la Cour suprême du Canada dans l’ affaire Ewert c. Canada Footnote 94 ;
    • Les efforts coordonnés pour répondre aux besoins de santé mentale des Autochtones (en particulier des femmes autochtones) sont inexistants;
    • L’utilisation des antécédents sociaux des Autochtones dans le processus décisionnel continue d’être aussi incohérente et superficielle qu’elle l’était au moment de la rédaction de Une question de spiritualité ;
    • Les programmes correctionnels pour les Autochtones sont sans doute moins efficaces aujourd’hui qu’il y a dix ans.

    Au cours des dernières années, grâce à une meilleure prise de conscience suscitée par des commissions et des enquêtes de grande envergure, à une pression sociale croissante et à un changement considérable (et plus transparent) des mandats et des priorités du gouvernement en faveur de la réconciliation, le gouvernement a réalisé des investissements financiers substantiels dans le portefeuille fédéral des services correctionnels pour les Autochtones. Dans le cadre du budget 2017, par exemple, le SCC a reçu 55,2 millions de dollars (et 10,9 millions de dollars pour chaque année subséquente) pour accroître sa capacité à fournir des interventions efficaces aux délinquants autochtones Footnote 95 . Même un examen superficiel de ce que ces plans et ces investissements ont donné est déconcertant, et le peu de progrès réalisé par le SCC pour respecter ses propres engagements illustre encore mieux les raisons pour lesquelles ce Bureau, et bien d’autres, sont frustrés par l’inefficacité du Service en matière de services correctionnels pour Autochtones. Les investissements les plus importants semblent être consacrés à des initiatives de détention élaborées par le SCC, comme les centres d’intervention pour Autochtones (CIA) qui, de l’avis général, ne sont guère plus qu’une gestion de cas de correctionnelle précoce ou ciblée sous un autre nom. De même, des initiatives correctionnelles institutionnelles de longue date, telles que Sentiers autochtones, continuent de recevoir des ressources substantielles, sans qu’il y ait vraiment d’évaluation externe ou de validation de leur efficacité ou de leur capacité à répondre aux besoins des personnes autochtones en détention, en particulier celles qui ont le plus besoin de soutien. Proportionnellement, peu de nouveaux fonds ont été alloués aux initiatives correctionnelles communautaires contrôlées ou gérées par les Autochtones. Les efforts du SCC en matière de services correctionnels pour les Autochtones demeurent principalement axés sur les prisons. Je voudrais prendre un moment pour mettre en lumière quelques sujets de préoccupation spécifiques pour lesquels des recommandations ciblées ont été émises et des engagements pris.

    Pavillons de ressourcement et libérations en vertu de l’article 84

    Photo de l’enseigne extérieure du Centre de guérison Stan Daniels.

    Centre de guérison Stan Daniels — Enseigne extérieure. 

    De toutes les recommandations formulées à l’intention du Service sur les services correctionnels pour Autochtones, l’expansion des pavillons de ressourcement (article 81) et la libération dans la communauté (article 84) sont les deux recommandations les plus fréquentes. Bien que ces sections de la loi aient été établies comme des priorités elles-mêmes, le SCC a fait très peu de progrès. Depuis Une question de spiritualité , un nouveau pavillon de ressourcement s’est ajouté (le pavillon de ressourcement Eagle pour femmes au Manitoba) et le nombre de places dans les pavillons de ressourcement gérés par la communauté n’a augmenté que de 53 lits - un nombre largement insuffisant pour suivre le rythme de l’augmentation du nombre de personnes autochtones placées sous garde fédérale. De plus, il n’y a toujours pas de capacité d’accueil pour les pavillons de ressourcement dans les régions de l’Ontario et de l’Atlantique, qui ont toutes deux connu une augmentation substantielle des admissions d’Autochtones, en particulier dans la région de l’Atlantique où la population autochtone incarcérée a augmenté de près de 90 % au cours des dix dernières années.

    Le nombre de places dans les pavillons de ressourcement étant déjà limité, il convient de noter que la pandémie de COVID-19 a eu un impact marqué sur les taux d’occupation des pavillons de ressourcement. Par exemple, au cours des deux années précédant la pandémie, le taux d’occupation moyen des pavillons de ressourcement était d’environ 78 %. Au moment de la rédaction de ce rapport, le taux d’occupation moyen était d’environ 51 %, ce qui soulève la question suivante : avec si peu de places disponibles dans les pavillons de ressourcement, pourquoi les taux d’occupation sont-ils si bas? J’ai l’intention d’examiner cette question, parmi d’autres, au cours de l’année à venir.

    Tableau 1. Comparaison sur dix ans de la capacité et des taux d’occupation des pavillons de ressourcement

  

2012/13 

  

2021/22 

  

INSTALLATION 

CAPACITÉ 
PONDÉRÉE 

CAPACITÉ 
RÉELLE 


D'OCCUPATION 

CAPACITÉ 
PONDÉRÉE 

CAPACITÉ 
RÉELLE 


D'OCCUPATION 

PRÉ-COVID 
MOYENNE 
SUR 2 ANS % 
D'OCCUPATION* 

Pavillon de ressourcement géré par la communauté (art.81)

Centre de guérison Stan Daniels

30

19

63,33

30

13

43,33

53,33

Pavillon de ressourcement de la Première Nation 
O-Chi-Chak-Ko-Sipi

24

22

91,67

24

12

50

81,25

Centre de guérison Waseskun

15

15

100

15

8

53,33

80

Buffalo Sage

12

16

133,33

28

21

75

91,1

Pavillon de ressourcement spirituel 
du Grand conseil de Prince Albert

5

nr

12

7

58,33

83,3

Pavillon de ressourcement Eagle pour femmes**

30

4

13,33

0

Pavillon de ressourcement géré par le SCC

Kwìkwèxwelhp Healing Village

50

44

88

50

20

40

81

Village de guérison Kwìkwèxwelhp

60

47

78,33

60

44

73,33

79,17

Willow Cree Healing Centre

40

40

100

80

33

41.25

66.88

Centre Pê Sâkâstêw

40

33

82,5

60

36

60

85,58

Total

276

236

85,5

389

198

50,9

77,97

  • Remarque : Les données sur l’occupation ont été obtenues à partir du rapport SIR-M sur le dénombrement en établissement du SCC; ns = non signalé;

    *Le % d’occupation moyen sur deux ans est basé sur le compte de capacité pondérée par rapport à la capacité réelle de 2018-2019 et de 2019-2020, pour avoir une idée de l’occupation pré-pandémique.

    **Le pavillon de ressourcement Eagle pour femmes a ouvert ses portes en tant qu’établissement en 2019 (en vertu de l’art. 81).

    Photo d’une chambre du Centre de guérison Stan Daniels.

    Centre de guérison Stan Daniels — Salle intérieure. 

    Photo de l’intérieur du centre Pê Sâkâstêw.

    Centre Pê Sâkâstêw — Intérieur. 

    Outre les changements limités en matière de capacité, il ne semble pas y avoir eu de changements appréciables dans les mécanismes d’établissement d’accords en vertu de l’article 81 ou de l’article 84 avec les communautés ou les organisations autochtones. Ces préoccupations, associées aux critères d’admissibilité étroits pour l’admission dans la plupart des pavillons de ressourcement, remettent sérieusement en question le fait que ces pavillons soient mis en place pour répondre aux besoins d’une proportion importante de personnes autochtones incarcérées.

    De même, en ce qui concerne l’article 84, nous avons constaté peu de progrès dans le respect des engagements et des recommandations depuis Une question de spiritualité Footnote 96 . Le nombre de personnes exprimant un intérêt pour une libération en vertu de l’article 84 ou recevant une telle libération est demeuré essentiellement inchangé aujourd’hui par rapport à 2012. Même si l’augmentation du nombre d’admissions de personnes autochtones au fil du temps aurait dû à elle seule entraîner une augmentation correspondante du nombre de recours à l’article 84, les modifications apportées au processus lourd et bureaucratique de l’article 84, tel que recommandé, auraient aussi dû théoriquement entraîner des améliorations — et donc une augmentation — du recours à ce processus de libération.

    Représentation autochtone et compétence culturelle

    Graphique linéaire illustrant le total des libérations réelles en vertu de l’article 84 par rapport aux expression d'intérêt pour libération en vertu de l'article 84 de 2012 à 2021. Libérations réelles en vertu de l’art.84, 2012/13 = 231, 2013/14 = 244, 2014/15 = 226, 2015/16 = 287, 2016/17 = 314, 2017/18 = 307, 2018/19 = 281, 2019/20 = 243, 2020/21 = 227. Expression d'intérêt pour libération en vertu de l'art. 84 (autochtones), 2012/13 = 577, 2013/14 = 569, 2014/15 = 618, 2015/16 = 704, 2016/17 = 668, 2017/18 = 798, 2018/19 = 745,2019/20 = 701,2020/21 = 507

    Graphique 2. Manifestations d’intérêt et libérations réelles en vertu de l’article 84 de 2012 à 2021 Footnote 97 

    Malgré les divers engagements pris dans ce domaine, le manque de représentation autochtone au sein du personnel du SCC, en particulier aux postes de direction, ainsi que les faibles niveaux de sensibilisation culturelle sont un problème de longue date sur lequel le SCC a apparemment fait peu de progrès significatifs. À l’échelle nationale, les Autochtones continuent d’être sous-représentés parmi le personnel par rapport à la composition de la population carcérale (c’est-à-dire que 10 % du personnel du SCC s’identifie comme Autochtone contre 32 % des personnes incarcérées), et sont encore plus sous-représentés dans les postes de direction. Par exemple, selon les données fournies par le SCC, sur les 111 postes de direction de l’administration centrale, seuls trois (2,7 %) sont occupés par des Autochtones. De même, les Aînés, qui sont déjà confrontés à de nombreuses vulnérabilités — en grande partie en raison de leur statut de contractants — sont trop peu nombreux pour servir la population croissante, sont dispersés et doivent jouer de nombreux rôles différents. Il n’y a actuellement que 133 Aînés dans tout le pays pour les 3 953 personnes autochtones en détention. Bien que tous les Autochtones ne cherchent pas à travailler avec un Aîné, ces chiffres se traduisent par un ratio global de 30 Autochtones pour un Aîné. Bien que la proportion d’Aînés varie considérablement d’un établissement à l’autre et d’une région à l’autre, c’est dans la région des Prairies que l’on trouve le plus grand nombre d’Autochtones incarcérés et le pire rapport Aînés-détenus, avec une moyenne de 35 pour un. Dans un établissement, le ratio est de 105 prisonniers autochtones pour un Aîné.

    Bien qu’il soit complexe de recruter et de conserver des Aînés pour travailler en milieu carcéral, bon nombre des obstacles surmontables qui ont existé pour attirer et retenir les Aînés (parmi les autres membres du personnel autochtone) n’ont pas été résolus. Certains ont attribué cette situation à un manque de compréhension ou d’appréciation du travail effectué par les Aînés et les autres employés autochtones. Nous avons entendu à maintes reprises que le travail des Aînés, entre autres, ne bénéficie pas de la crédibilité qu’il mérite, ni de la crédibilité qui est accordée à d’autres secteurs ou postes dans la gestion de cas et le travail d’intervention. Il est clair qu’il faut faire davantage, non seulement pour recruter davantage d’Aînés et protéger ceux qui effectuent actuellement ce travail, mais aussi pour sensibiliser le personnel de manière plus générale au rôle important que jouent les Aînés et les services pour Autochtones dans l’avancement du travail de réadaptation et de guérison.

    D’après les renseignements et les commentaires que nous avons reçus, les divers plans et stratégies que le SCC a créés pour régler la question de la représentativité et du recrutement ont apparemment été largement inefficaces (par exemple, la Consultation nationale des employés autochtones : Travailler ensemble en partenariat pour l’inclusion 2012; Relier les esprits, créer des occasions, 2019). En outre, les membres du personnel et les personnes incarcérées nous ont dit que la formation à la compétence culturelle est intrinsèquement limitée dans sa valeur et son incidence, car elle fournit souvent des perspectives pan-autochtone de surface sur les visions du monde et les modes de connaissance autochtones. L’amélioration du recrutement, de la fidélisation et de la promotion du personnel autochtone permettrait d’accroître la sensibilité et la crédibilité culturelles, ce qui aurait une incidence directe sur la vie des personnes purgeant des peines de ressort fédéral. En termes clairs, le SCC doit faire davantage pour attirer et embaucher des Autochtones, pour reconnaître et promouvoir la valeur de leur travail et pour collaborer sérieusement avec les communautés autochtones afin de faire avancer les choses de manière significative sur ces questions. L’absence de progrès concernant les pavillons de ressourcement, en vertu de l’article 84, la représentation autochtone et la compétence culturelle sont des exemples indéniables des conséquences attribuables à l’absence d’une stratégie nationale d’engagement communautaire et de codéveloppement pour les services correctionnels pour Autochtones — une lacune qui, à mon avis, a eu un impact sans précédent sur la capacité du Service à produire un changement transformateur pour les services correctionnels pour Autochtones.

    Un sous-commissaire aux Services correctionnels pour Autochtones

    La nécessité de nommer un sous-commissaire aux Services correctionnels pour Autochtones est une recommandation que notre Bureau a formulée près d’une douzaine de fois au cours des vingt dernières années, et qui a été répétée par d’autres comités et commissions qui reconnaissent également la nécessité d’un leadership et d’un pouvoir décisionnel autochtones dans le système correctionnel fédéral (p. ex., ENFFADA, 2020; Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes, 2017; Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, 2017)

    En juin 2021, dans ce que le Bureau a considéré comme un pas en avant prometteur concernant cette recommandation, le gouvernement a identifié la priorité et l’objectif à court terme suivants dans le plan d’action national en réponse au rapport final de l’ENFFADA :

    Objectif n° 6 (d) : « Création d’un poste de commissaire délégué pour les services correctionnels autochtones et réponse aux problèmes des femmes et des personnes 2ELGBTQQIA+ contrevenantes, »

    En octobre 2021, le Bureau a demandé au SCC une mise à jour de ses plans pour respecter cet engagement. En janvier 2022, le SCC a fourni la réponse suivante : « La position du SCC reste la même : il n’est pas prévu de créer un poste de sous-commissaire pour les Services correctionnels pour Autochtones. »

    Le 27 mai 2022, la lettre de mandat du ministre de la Sécurité publique adressée à la commissaire aux services correctionnels prévoyait la création d’un nouveau poste de sous-commissaire aux Services correctionnels pour Autochtones . Quelques jours plus tard, dans une déclaration publiée en réponse aux conclusions du rapport de la vérificatrice générale sur les services correctionnels fédéraux, la commissaire aux services correctionnels a indiqué : « Je suis en train de pourvoir un poste de sous-commissaire aux Services correctionnels pour Autochtones ».

    Je suis heureux de voir ce point soulevé dans la lettre de mandat et je suis encouragé par la réponse de la commissaire. Toutefois, étant donné l’absence de progrès au cours des deux dernières décennies concernant cette recommandation particulière, j’attendrai pour considérer cette question comme close qu’un sous-commissaire aux Services correctionnels pour Autochtones soit officiellement en place. En attendant, je vous propose la recommandation suivante (et j’espère la dernière) sur cette question :

    1. Je recommande que le SCC consulte les groupes communautaires autochtones sur la description de poste, le rôle, le mandat et le processus d’embauche pour le poste de sous-commissaire aux Services correctionnels pour Autochtones, et qu’il rende compte publiquement de ses plans et de ses échéanciers à court terme pour créer et doter ce poste. 

    Les prochaines étapes

    Au cours des dernières années, ce pays a dû faire face aux abus intergénérationnels perpétrés par les gouvernements, les établissements et les personnes à l’encontre des Peuples autochtones. Depuis les organisations locales jusqu’aux différents niveaux de gouvernement, il y a eu une vague de reconnaissance et un nouveau sentiment d’urgence quant à la nécessité de réparer les relations et les systèmes, y compris les systèmes correctionnels, qui ont été brisés depuis longtemps. En juin 2021, la loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones (DNUDPA) est entrée en vigueur, fournissant une feuille de route indispensable pour une réconciliation plus large au Canada. Dans la lettre de mandat adressée au ministre de la Justice et procureur général du Canada, le gouvernement s’est engagé à élaborer une stratégie de justice autochtone « afin de remédier à la discrimination systémique et à la surreprésentation des Autochtones dans le système judiciaire ». Alors que les stratégies de justice à grande échelle dans ce domaine ont eu tendance à se concentrer sur les contributions des services de police et des tribunaux pour élaborer une stratégie efficace de lutte contre la discrimination dans le système judiciaire, les services correctionnels fédéraux doivent faire partie de la conversation. Dans le but de tirer parti de l’élan des initiatives gouvernementales existantes dans ce domaine, notamment l’élaboration d’une stratégie nationale de justice, je formule la recommandation suivante :

    1. Je recommande au ministre de la Justice et procureur général du Canada d’inclure le Service correctionnel du Canada et le Bureau de l’enquêteur correctionnel dans l’élaboration et la mise en œuvre de la Stratégie de justice autochtone (SJA) . De plus, la SJA devrait chercher à redistribuer une partie importante des ressources actuelles du système correctionnel fédéral aux communautés et aux groupes autochtones pour les soins, la garde et la surveillance des Peuples autochtones. 

    De plus, les services correctionnels fédéraux doivent être tenus responsables de l’atteinte d’objectifs et de résultats concrets et mesurables, en particulier ceux qui relèvent directement d’eux, et utiliser plus efficacement leurs leviers d’influence pour s’attaquer aux obstacles de longue date, comme la détention prolongée des Autochtones derrière les barreaux et les taux élevés de récidive. Bien entendu, les services correctionnels fédéraux ne peuvent pas remplir cette mission à eux seuls. Le fait d’être inclus dans une stratégie d’engagement nationale coordonnée, dirigée par les Autochtones, est une étape nécessaire vers la résolution du problème. Au niveau le plus élémentaire, le système correctionnel ne devrait pas servir à perpétuer les désavantages, ce qui est précisément ce que nous avons vu se refléter dans les résultats et les indicateurs de santé des détenus autochtones, en particulier par rapport à leurs homologues non autochtones. La promesse d’administrer la peine d’une personne autochtone selon le principe de l’arrêt Gladue ne s’est pas concrétisée et, dans la pratique, les histoires familiales et communautaires de fragmentation, de déracinement et de dépossession sont trop souvent utilisées pour valider des classements de sécurité plus élevés et des scores de potentiel de réintégration plus faibles. L’administration pénitentiaire doit faire face à un ensemble de problèmes certes complexes, mais nous avons atteint un point où la complexité n’est plus une excuse suffisante pour la stagnation.

    Perspectives de l’enquêteur correctionnel pour 2022-2023

    Alors que nous entamons la troisième année de la pandémie mondiale de COVID-19, nous sommes apparemment passés à une nouvelle phase endémique — des mesures provisoires à une réflexion à plus long terme sur la façon dont nous allons apprendre à vivre et à nous adapter à cette soi-disant « nouvelle normalité ». Même si nous nous adaptons, innovons et explorons de nouvelles façons de remplir notre mandat (comme un nouveau processus de « triage » pour répondre aux plaintes), nous devons maintenir et toujours garder l’intégrité et la vitalité de notre fonction principale bien en vue et en permanence. Au cours de l’année à venir, nous avons hâte de reprendre la réalisation d’une série complète de visites d’établissements en personne et de nous organiser pour entreprendre et poursuivre le déploiement de notre nouveau cadre d’inspection des prisons. Je me réjouis également de l’élaboration et de la mise en œuvre d’une stratégie globale d’engagement des intervenants.

    Près de trente ans après l’introduction de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , 2023 marquera également les dix ans du dépôt au Parlement du rapport du Bureau intitulé Une question de spiritualité . Dans le cadre de notre engagement continu à faire progresser le sort des Autochtones purgeant une peine de ressort fédéral, mon Bureau mènera, au cours de l’année à venir, une enquête approfondie sur les Services correctionnels pour Autochtones. Dans le cadre de cette enquête, nous examinerons de près les progrès réalisés en ce qui concerne les principales recommandations formulées par ce Bureau et d’autres, les résultats des investissements effectués et des initiatives entreprises par le Service (p. ex., les centres d’intervention autochtones et les sentiers autochtones), les pratiques prometteuses et les nouveaux défis qui se sont présentés depuis Une question de spiritualité . À la suite de cette enquête, nous formulerons des recommandations ciblées dans les domaines où des changements transformateurs peuvent et doivent être apportés pour les Services correctionnels pour Autochtones à l’avenir.

    En plus de ce travail, nous continuerons à surveiller, à enquêter et à faire rapport sur les questions systémiques et (ou) thématiques concernant les services correctionnels pour femmes, les besoins des personnes de sexe différent, les progrès réalisés par rapport aux engagements pris par le Service en matière de coercition et de violence sexuelles dans les prisons fédérales, entre autres questions soulevées dans le présent rapport.

    Il va sans dire que la pandémie a été un défi pour tout le monde, y compris pour mon personnel. Au cours de l’année à venir, je ferai de la santé et du bien-être de l’organisation une priorité essentielle. Entre autres initiatives, nous entreprendrons également des travaux visant à améliorer l’efficacité de notre Bureau et continuerons à progresser pour devenir un employeur de choix et un centre d’excellence.

    Pour conclure, je souhaite revenir sur l’un des thèmes de mon message d’ouverture en appuyant les Principes pour la protection et la promotion de l’institution de l’ombudsman. Créés en mars 2019 par la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, ces principes, appelés « Principes de Venise » », constituent le premier ensemble de normes indépendantes et internationalement acceptées qui définissent, encouragent et protègent le rôle des ombudsmans dans le renforcement de la démocratie et la promotion des droits fondamentaux. Comme l’indiquent les 25 principes de Venise , l’ombudsman est un élément important — je dirais même essentiel — des États fondés sur la démocratie, la primauté du droit, la bonne administration et le respect des droits de la personne et des libertés. C’est dans l’esprit de ces principes qu’au cours de l’année à venir, mon Bureau continuera de travailler sans relâche pour assurer le traitement juste et humain des personnes purgeant des peines de ressort fédéral, en attirant l’attention sur les obligations en matière de droits de la personne et en tenant le Service responsable de l’administration des services correctionnels fédéraux d’une manière conforme à la loi, aux politiques et à un processus décisionnel équitable. Dans notre travail quotidien, nous continuerons à nous efforcer d’incarner et de démontrer notre leadership dans l’exécution de ces principes de bonne et efficace médiation.


    Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel

    Photo de Fergus “Chip” O’Connor.

    Photo de Fergus « Chip » O’Connor 

    Le Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel a été créé en décembre 2008 en l’honneur de Monsieur Ed McIsaac, directeur exécutif de longue date du Bureau de l’enquêteur correctionnel et ardent promoteur et défenseur des droits de la personne dans le système correctionnel fédéral. Il commémore les réalisations et les engagements exceptionnels en vue d’améliorer les services correctionnels au Canada et de protéger les droits des personnes purgeant une peine.

    Le lauréat 2021 du prix Ed McIsaac pour les droits de la personne dans le système correctionnel est Fergus « Chip » O’Connor. Chip pratique le droit à Kingston depuis 1975. Il a été membre fondateur de l’Association canadienne du droit carcéral et a été directeur du projet de droit correctionnel (aujourd’hui Queen’s Prison Law Clinic) à l’Université Queen’s. Depuis plus de quatre décennies, Chip défend activement la cause des personnes incarcérées. Il a fait preuve d’un leadership, d’un engagement et d’une conviction exceptionnels, et il est reconnu par ses pairs comme une éminence dans le domaine du droit correctionnel.


    Annexe A : Résumé des recommandations

    1. Je réitère ma recommandation d’interdire tout placement indéfini en cellule nue au-delà de 72 heures. 

       
    2. En ce qui concerne la Stratégie antidrogue du SCC, je recommande la série de mesures suivantes : 

       
    3. Je recommande au SCC d’accorder la priorité à l’examen actuel du processus de détermination de la cote de sécurité, particulièrement en ce qui concerne les femmes autochtones. Dans l’intervalle, je recommande que les antécédents sociaux des Autochtones (ASA) soient évalués de manière significative pour chaque décision rendue et que le personnel chargé de la gestion des cas reçoive une formation et un soutien adéquats pour appliquer les ASA. 

       
  1. Une fois de plus, je recommande que le système de niveaux pour les femmes placées dans des unités à sécurité maximale cesse immédiatement. 

     
  2. Je réitère ma recommandation de mettre en place des hébergements alternatifs pour les femmes logées dans les milieux de garde fermés et de les fermer éventuellement. Le financement et les ressources actuellement consacrés au fonctionnement des milieux de garde fermés devraient être réorientés pour mieux soutenir et répondre aux besoins uniques des femmes, en particulier des femmes autochtones. 

     
  3. Je recommande que le SCC : 

     
  4. Je recommande que, sans plus tarder, le SCC équipe tous ses véhicules d’escorte de prisonniers, y compris ceux qui sont actuellement en service, de ceintures de sécurité, de poignées et d’autres dispositifs de sécurité et de retenue qui lui permettraient de respecter son obligation d’assurer la garde sécuritaire et humaine des prisonniers sous escorte de sécurité. Je recommande en outre que le SCC retourne à la table à dessin pour reconsidérer son projet de « modernisation » de son parc de véhicules d’escorte qui répond mieux aux préoccupations et aux recommandations du Bureau. 

     
  5. Je recommande que le SCC : 

     
  6. Je recommande au SCC de mener une étude comparative, en partenariat avec des groupes communautaires noirs ou des experts externes, afin d’examiner le temps cumulé passé par les personnes noires avant leur reclassement et leur transfèrement à des niveaux de sécurité inférieurs. 

     
  7. Je recommande que le SCC procède à un examen systémique de son utilisation des critères de classement des groupes menaçant la sécurité afin de s’assurer que seuls les renseignements pertinents corroborés par des autorités extérieures chargées de l’application de la loi, des tribunaux ou des autorités judiciaires, et étayées par des preuves, soient utilisés pour désigner une personne comme appartenant à un groupe menaçant la sécurité. 

     
  8. Je recommande qu’au cours de l’année prochaine, le Service élabore une stratégie de désaffiliation des gangs. Cette stratégie doit : 

     
  9. Je recommande à nouveau que le SCC élabore rapidement un plan d’action, en consultation avec les intervenants, afin d’examiner la relation entre le recours à la force et le racisme systémique à l’égard des Autochtones et des Noirs, et qu’il rende compte publiquement des changements réalisables aux politiques et aux pratiques qui permettront de réduire efficacement la surreprésentation de ces groupes parmi les personnes exposées au recours à la force. 

     
  10. Je recommande que le SCC élargisse la formation de son personnel en matière de diversité afin d’y inclure des représentants de groupes communautaires noirs et des experts externes qui peuvent fournir une perspective plus complète et plus pertinente. Cette formation devrait être obligatoire, en personne et axée sur les expériences pratiques et vécues des personnes noires. 

     
  11. Je recommande que le SCC élabore un programme de formation pour les professionnels de la santé de première ligne. Ce programme devrait s’appuyer sur les recherches les plus récentes sur les préjugés raciaux et leur impact sur les décisions et procédures médicales. 

     
  12. Je recommande que le SCC élabore une stratégie nationale qui aborde spécifiquement les expériences vécues et les obstacles uniques auxquels sont confrontés les Noirs purgeant une peine de ressort fédéral. Cette stratégie devrait inclure les éléments suivants : 

     
  13. Je recommande que le SCC élabore immédiatement une politique nationale pour l’utilisation des unités à association limitée sur base volontaire (UALBV) et de toute autre unité de vie ou rangée de cellules de groupes de population clairement identifiée : 

     
  14. Je recommande que le SCC consulte les groupes communautaires autochtones sur la description de poste, le rôle, le mandat et le processus d’embauche pour le poste de sous-commissaire aux Services correctionnels pour Autochtones, et qu’il rende compte publiquement de ses plans et de ses échéanciers à court terme pour créer et doter ce poste. 

     
  15. Je recommande au ministre de la Justice et procureur général du Canada d’inclure le Service correctionnel du Canada et le Bureau de l’enquêteur correctionnel dans l’élaboration et la mise en œuvre de la Stratégie de justice autochtone (SJA). De plus, la SJA devrait chercher à redistribuer une partie importante des ressources actuelles du système correctionnel fédéral aux communautés et aux groupes autochtones pour les soins, la garde et la surveillance des Peuples autochtones. 

     
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Office of the Correctional Investigator - Report

Une question de spiritualité : Les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

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Body

Rapport final 

22 octobre 2012 


TABLE DES MATIÈRES 

Sommaire 

Portée de l'enquête 

Méthodologie 

Articles 81 et 84 : Intention du Parlement 

Contexte et arrière-plan 

Recours aux accords prévus à l'article 81 – Analyse 

Pourquoi les progrès ont-ils cessé? 

Obstacles à la mise en place au maintien d'accords en vertu de l'article 81 

Obstacles dans les collectivités autochtones 

Pavillon de ressourcement du SCC 

Recours aux mises en liberté prévues à l'article 84 – Analyse 

Modèle de continuum des soins liés aux services correctionnels du SCC 

Application des principes de l'arrêt Gladue au sein du système correctionnel fédéral 

Conclusion 

Recommandations 

Annexe A – Consultations et entrevues 

Annexe B – Bibliographie 

Notes de la fin 


SOMMAIRE

  1. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ( LSCMLC ) mentionne expressément les besoins et les circonstances propres des Autochtones canadiens au sein du système correctionnel fédéral. La Loi prévoit des mesures spéciales (articles 81 et 84) visant à réduire la surreprésentation des Autochtones dans les pénitenciers fédéraux ainsi qu'à corriger l'écart de longue date pour ce qui est des résultats obtenus par les délinquants autochtones. 

     
  2. Vingt ans se sont écoulés depuis l'entrée en vigueur de la LSCMLC , et le Bureau de l'enquêteur correctionnel (BEC) estime qu'il est opportun et important de procéder à un examen systémique des articles 81 et 84. La présente enquête vise à déterminer la mesure dans laquelle le Service correctionnel du Canada ( SCC ) a respecté l'intention qu'avait le Parlement au moment de l'entrée en vigueur de la LSCMLC . Le BEC a examiné la situation et l'utilisation des mécanismes prévus aux articles 81 et 84 au sein du système correctionnel fédéral pour la période se terminant en mars 2012, a recensé certaines pratiques exemplaires en matière de services correctionnels pour les Autochtones et a évalué l'engagement du SCC à appliquer les principes énoncés dans R. c. Gladue, la décision de principe de la Cour suprême du Canada. Pour terminer, il présente des recommandations clés visant à améliorer la capacité du SCC et le respect des articles 81 et 84 de la LSCMLC

     
  3. L'article 81 de la LSCMLC visait à donner au SCC les moyens de conclure des accords avec des collectivités autochtones pour leur transférer le soin et la garde de délinquants qui seraient autrement détenus dans des établissements du SCC . Le but était de permettre à des collectivités autochtones de gérer en partie la peine du délinquant, du prononcé de la peine à l'expiration du mandat, ou du moins de participer à cette gestion. L'article 81 permet également aux collectivités autochtones de jouer un rôle important à l'égard de l'exécution de programmes dans les établissements correctionnels ainsi qu'aux délinquants acceptés des établissements établis en vertu de cet article (pavillons de ressourcement et centres de guérison autochtones). 

     
  4. Dans le cadre de son enquête, le BEC a constaté qu'en mars 2012, il y avait seulement 68 places dans des établissements visés par l'article 81 à l'échelle du Canada et qu'aucun accord de cette nature n'était en signé en Colombie-Britannique, en Ontario, dans le Canada atlantique et le Nord canadien. Avant septembre 2011, il n'y avait aucune place pour les délinquantes autochtones dans des pavillons de ressources établis en vertu de l'article 81. 

     
  5. Les pavillons de ressourcement ne peuvent accepter que des délinquants à sécurité minimale et, dans de rares cas, des délinquants à sécurité moyenne présentant un faible risque, et c'est là l'un des principaux facteurs qui empêchent le fonctionnement à pleine capacité des pavillons établis en vertu de l'article 81 et la mise en place de nouveaux pavillons. L'évolution de cette politique, qui n'a rien à voir avec l'intention du Parlement ou la vision originale du SCC , est vue comme un moyen pour le SCC de réduire les risques. Il en découle un certain nombre de problèmes, qui sont exacerbés par le fait que seulement 11,3 % des délinquants autochtones de sexe masculin (soit 337) étaient incarcérés dans des établissements à sécurité minimale en 2010-2011. Dans les faits, la politique du SCC exclut la possibilité même d'un transfèrement vers un pavillon de ressourcement pour près de 90 % des détenus autochtones. Vu cette limitation, il n'est pas surprenant que le BEC ait constaté dans le cadre de son enquête que les pavillons de ressourcement ne sont pas utilisés au maximum. 

     
  6. En plus des quatre pavillons de ressourcement visés par l'article 81, le SCC a établi quatre pavillons qu'il gère comme des établissements à sécurité minimale (à l'exception du pavillon de ressourcement pour femmes, où sont acceptées des détenues à sécurité minimale et quelques détenues à sécurité moyenne). Les pavillons gérés par le SCC peuvent accueillir jusqu'à 194 détenus sous responsabilité fédérale, y compris 44 détenues autochtones. 

     
  7. Les pavillons de ressourcement visés par l'article 81 reposent sur des accords de contribution de cinq ans, de sorte qu'il n'y a pas de sentiment de permanence. Rien ne garantit que les accords seront renouvelés. En fait, les pavillons sont touchés par les changements apportés aux priorités et au financement du SCC , notamment la réaffectation en 2001 d'un montant de 11,6 M$ réservé à la mise en place de nouveaux établissements en vertu de l'article 81. 

     
  8. Nous avons constaté un écart important entre le financement accordé pour les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81 et pour ceux gérés par le SCC . En 2009-2010, un montant de 21 555 037 $ a été affecté aux quatre pavillons exploités par le SCC , par rapport à seulement 4 819 479 $ pour les pavillons visés par l'article 81. En raison du sous‑financement chronique, ces derniers ne peuvent pas offrir des salaires comparables à ceux du SCC ou la sécurité associée à des emplois syndiqués. Par conséquent, un grand nombre d'employés des pavillons de ressourcement postulent pour un emploi au SCC , où les salaires peuvent être 50 % plus élevés pour un travail semblable. Le coût de la formation d'un employé travaillant dans un pavillon de ressourcement et répondant aux exigences du SCC est évalué à 34 000 $. Pourtant, les exploitants des pavillons de ressourcement ne sont pas dédommagés, et leurs efforts ne sont pas reconnus. 

     
  9. Le manque d'acceptation de la collectivité est un autre facteur qui nuit à la réussite et à l'expansion des pavillons de ressourcement en vertu de l'article 81. Tout comme bien des collectivités non autochtones, les collectivités autochtones ne sont pas toutes prêtes à héberger des délinquants ou à prendre en charge la gestion de ces cas. 

     
  10. Lorsqu'il a ouvert ses propres pavillons de ressourcement, le SCC n'avait pas l'intention de faire concurrence aux établissements créés en vertu de l'article 81. Pour lui, il s'agissait d'une étape intermédiaire, en attendant que la gestion de ces établissements soit confiée à des collectivités dans le cadre d'accords pris en vertu de l'article 81. Or, l'enquête révèle que les négociations en vue du transfert des pavillons de ressourcement du SCC ont depuis longtemps été abandonnées. Dans la plupart des cas, les négociations n'ont jamais dépassé les étapes préliminaires. Dans certaines collectivités autochtones, ce manquement à un engagement est depuis longtemps une source de rancune et de méfiance à l'égard des autorités correctionnelles canadiennes. 

     
  11. Au départ, l'article 84 a été adopté afin d'améliorer l'information communiquée à la Commission des libérations conditionnelles du Canada et de permettre aux collectivités autochtones de proposer des conditions applicables aux délinquants qui souhaitent être mis en liberté dans leur région. Le but n'était pas de créer un processus long et lourd, mais c'est pourtant ce qui est arrivé. Le processus est pénible, long et mal compris. Pour établir un plan de mise en liberté efficace en application de l'article 84, il faut agir dans des délais serrés et assurer une coordination. Comme le révèle l'enquête, à l'échelle du Canada, il y a seulement douze agents de développement auprès de la collectivité autochtone, lesquels sont responsables de concilier les intérêts du délinquant et de la collectivité avant la mise en liberté. 

     
  12. Dans l'affaire R. c. Gladue (1995) et dans une autre décision rendue en mars 2012 ( R. c. Ipeelee ), la Cour suprême du Canada a enjoint les juges d'utiliser une méthode d'analyse différente pour déterminer ce qui constitue une peine appropriée dans le cas des délinquants autochtones, et ce en portant une attention particulière aux circonstances propres aux peuples autochtones et à leurs antécédents sociaux. Il s'agit, en langue courante, des principes ou des facteurs de l'arrêt Gladue . Le SCC a intégré ces principes à son cadre de politiques, l'obligeant à tenir compte des antécédents sociaux des Autochtones au moment de prendre des décisions pouvant porter atteinte aux droits et aux libertés des délinquants autochtones. Bien que l'arrêt Gladue porte sur les considérations relatives à la détermination de la peine, il est raisonnable de conclure que la mise en place d'établissements en vertu de l'article 81 cadre avec l'idée de la Cour suprême du Canada d'offrir une option adaptée à la culture aux Autochtones sous responsabilité fédérale. Pourtant, nous estimons que les principes de l'arrêt Gladue ne sont pas bien compris par le SCC et qu'ils sont appliqués de manière inégale. 

     
  13. De nos jours, 21 % des détenus sous responsabilité fédérale se disent d'origine d'autochtone. Pour presque tous les indicateurs de rendement correctionnel, le fossé entre les délinquants autochtones et non autochtones continue de se creuser :
    • Un pourcentage disproportionné de délinquants autochtones passent une plus grande partie de leur peine derrière les barreaux avant leur première mise en liberté.
    • Les délinquants autochtones sont sous-représentés parmi les délinquants sous surveillance dans la collectivité et surreprésentés dans les établissements à sécurité maximale.
    • Les délinquants autochtones sont plus susceptibles d'être incarcérés de nouveau si leur libération conditionnelle est révoquée.
    • Les délinquants autochtones sont beaucoup plus souvent impliqués dans les incidents de sécurité en établissement, visés par des interventions de recours à la force, placés en isolement et prédisposés à l'automutilation.
  14. L'enquête a permis de relever certains obstacles nuisant à la mise en application des articles 81 et 84 par le SCC . Ces obstacles ont pour conséquence imprévue de perpétuer les conditions qui contribuent à désavantager les délinquants en milieu correctionnel fédéral et à discriminer contre eux, ce qui engendre des résultats bien différents dans leur cas :

    1. Accès restreint aux établissements et aux possibilités offertes en vertu de l'article 81 à l'extérieur des régions des Prairies et du Québec du SCC .
    2. Manque de ressources et accords de financement temporaires, faisant en sorte que les pavillons de ressourcement gérés par des Autochtones ne connaissent pas de sécurité financière ou de sentiment de permanence.
    3. Écart considérable entre les salaires et les conditions de travail des employés des établissements gérés par le SCC et ceux des pavillons visés par un accord pris en vertu de l'article 81.
    4. Critères d'admissibilité restreints qui, dans les faits, excluent la possibilité d'un placement dans un pavillon établi en vertu de l'article 81pour la plupart des délinquants autochtones.
    5. Retard déraisonnable dans l'élaboration et la mise en place de politiques et de normes précises visant à faciliter la négociation et l'établissement d'un cadre opérationnel à l'appui de la mise en œuvre en temps opportun et de manière coordonnée et efficace d'accords en vertu des articles 81 et 84.
    6. Compréhension limitée au SCC des peuples, de la culture, de la spiritualité et des approches de guérison autochtones.
    7. Compréhension limitée des principes de l'arrêt Gladue ainsi que prise en considération et application inadéquates de ceux-ci dans la prise de décisions touchant les intérêts des délinquants autochtones.
    8. Limites financières et contractuelles imposées par le SCC qui empêchent les Aînés d'offrir du soutien, des conseils et des cérémonies de qualité, ce qui met en péril le modèle de continuum des soins des délinquants autochtones.
    9. Réponse inadéquate à la réalité urbaine et au profil démographique des délinquants autochtones qui, pour la plupart, ne retourneront pas vivre dans une réserve traditionnelle des Premières nations.
    10. Absence, à la table de la haute direction du SCC , d'un sous-commissaire qui s'occupe de manière particulière et ciblée de l'avancement des services correctionnels pour Autochtones.

    Le BEC estime que le SCC n'a toujours pas respecté l'intention du Parlement en ce qui concerne les articles 81 et 84 de la LSCMLC . Le SCC ne s'est pas engagé pleinement ou suffisamment à mettre en œuvre les mécanismes clés prévus dans la loi pour corriger les injustices systémiques. 

     

  15. Certes, le SCC ne décide pas des individus qui sont condamnés à la prison par les tribunaux. Toutefois, 20 ans après l'entrée en vigueur de la LSCMLC , le SCC n'a pas réussi à apporter les changements systémiques en matière de politiques et de ressources qui sont requis par la loi pour agir sur les facteurs à sa portée qui peuvent contribuer à réduire la surreprésentation chronique des Autochtones dans les pénitenciers.

PORTÉE DE L'ENQUÊTE

1.  Vingt ans se sont écoulés depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ( LSCMLC )(L.C. 1992, ch. 20) le 18 juin 1992, et treize ans depuis la décision de principe de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Gladue [1] . Après toutes ces années, le Bureau de l'enquêteur correctionnel (BEC) estime qu'il est opportun et important d'examiner les articles de la LSCMLC qui visent en particulier les Autochtones . La présente enquête a pour but de déterminer la mesure dans laquelle le Service correctionnel du Canada ( SCC ) a respecté l'intention qu'avait le Parlement au moment de l'entrée en vigueur de la LSCMLC . Le BEC a examiné la situation actuelle et l'utilisation des mécanismes prévus aux articles 81 et 84 pour la période se terminant en mars 2012. Il a recensé certaines pratiques exemplaires en matière de services correctionnels pour Autochtones et a évalué l'engagement du SCC à appliquer les principes énoncés dans R. c. Gladue . Pour terminer, il présente ses principales constatations et des recommandations clés en vue d'améliorer la capacité du SCC et le respect des articles 81 et 84 de la LSCMLC .

MÉTHODOLOGIE

2.  En octobre 2011, le BEC a informé le Service de son intention de lancer l'enquête dont découle le présent rapport. Dans le cadre de celle-ci, il a examiné les rapports du SCC , de Sécurité publique Canada et de comités parlementaires ainsi que d'autres documents pertinents. Les documents consultés sont énumérés à l' annexe B . L'administration centrale du SCC a transmis les documents et données statistiques sur les articles 81 et 84 qu'il avait à sa disposition. Toutes les données et les sources étaient jugées fiables en date du 31 mars 2012. Le BEC a remis un exemplaire du présent rapport le 31 août 2012 à l'administration centrale du SCC pour qu'il puisse vérifier les faits.

3. Dans le cadre de l'enquête, les responsables ont visité trois des quatre pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81, soit le Centre de guérison Stan Daniels en Alberta, le Pavillon de ressourcement spirituel du Grand conseil de Prince Albert en Saskatchewan et le Centre de guérison Waseskun au Québec. Ils ont également visité le nouveau Centre de guérison Buffalo Sage pour femmes en Alberta. Ils ne se sont pas rendus au quatrième pavillon de ressourcement, celui d'O-Chi-Chak-Ko-Sipi, qui est situé dans une région éloignée du Manitoba, pour des raisons de temps et d'argent.

4.  Les enquêteurs du BEC ont interrogé des membres du personnel de l'administration centrale du SCC et des représentants des régions du Pacifique et de l'Atlantique. Ils ont visité trois des quatre pavillons de ressourcement du SCC : le Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci (pour femmes) en Saskatchewan; le Centre Pê Sâkâstêw en Alberta et le Village de guérison Kwìkwèxwelhp en Colombie-Britannique. (Ils n'ont pas eu le temps de se rendre au Pavillon de ressourcement Willow Cree.) Ils ont également interrogé des membres du personnel des Native Counselling Services of Alberta (qui gèrent le Centre de guérison Stan Daniels et le Centre de guérison Buffalo Sage); des Aînés travaillant au Pénitencier de la Saskatchewan (où une unité des Sentiers autochtones a été mise en place), ainsi qu'un Aîné du Centre Pê Sâkâstêw en Alberta et des dirigeants de la Première nation de Nekaneet (où est situé le Pavillon de ressourcement d'Okimaw Ohci).

5.  Pour mieux comprendre l'intention du législateur derrière les articles 81 et 84, les enquêteurs ont échangé par écrit avec un membre ayant participé à la Révision du droit correctionnel dans les années 1980 ainsi qu'avec un ancien directeur de la Direction des initiatives pour les Autochtones du SCC . La Division des politiques correctionnelles autochtones de Sécurité publique Canada a également fourni d'autres informations qui ont servi à mener l'enquête. L' annexe A présente une liste des unités opérationnelles visitées et des personnes consultées, à l'exception des personnes qui ont demandé l'anonymat.

ARTICLES 81 ET 84 : INTENTION DU PARLEMENT

6.  La LSCMLC a été édictée dans le but précis de contribuer au maintien d'une société juste, vivant en paix et en sécurité, d'une part, en assurant l'exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et d'autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois. Durant la période visée par la présente enquête, le Service était guidé, entre autres, par les principes suivants : a) la protection de la société est le critère prépondérant appliqué par le Service dans le cadre du processus correctionnel; b) les mesures nécessaires à la protection du public, des agents et des délinquants doivent être le moins restrictives possible; c) ses directives d'orientation générale, programmes et pratiques respectent les différences ethniques, culturelles et linguistiques, ainsi qu'entre les sexes, et tiennent compte des besoins propres aux femmes, aux Autochtones et à d'autres groupes ayant des besoins spéciaux [2] .

7.  La LSCMLC comporte des dispositions précises sur le soin, la garde et la mise en liberté des délinquants autochtones :

81. (1) Le ministre ou son délégué peut conclure avec une collectivité autochtone un accord prévoyant la prestation de services correctionnels aux délinquants autochtones et le paiement par lui de leurs coûts.

(2) L'accord peut aussi prévoir la prestation de services correctionnels à un délinquant autre qu'un autochtone.

(3) En vertu de l'accord, le commissaire peut, avec le consentement des deux parties, confier le soin et la garde d'un délinquant à une collectivité autochtone.

84. Avec le consentement du détenu qui sollicite la libération conditionnelle dans une collectivité autochtone, le Service donne à celle-ci un préavis suffisant de la demande, ainsi que la possibilité de soumettre un plan pour la libération du détenu et son intégration au sein de cette collectivité.

84.1 Avec le consentement du délinquant qui est soumis à une ordonnance de surveillance de longue durée et qui sollicite une surveillance au sein d'une collectivité autochtone, le Service donne à celle-ci un préavis suffisant de la demande, ainsi que la possibilité de soumettre un plan pour la surveillance du délinquant et son intégration au sein de cette collectivité.

8.  Les dispositions de la LSCMLC relatives aux Autochtones sont la continuation naturelle et progressive de l'article 25 de la Charte canadienne des droits et libertés et de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaissant les droits existants issus de traités des peuples autochtones du Canada ainsi que les traditions, coutumes et cultures de ces peuples . En fait, ces dispositions découlent des travaux de nombreux groupes de travail et commissions mis sur pied par le gouvernement fédéral au fil des ans ainsi que des efforts déployés par le passé pour faire participer les peuples autochtones à l'élaboration et à l'exécution de programmes et de services à l'intention des délinquants autochtones en établissement et dans la collectivité. Avant l'adoption de la LSCMLC , les collectivités et les organisations autochtones ont joué un rôle déterminant dans la mise en place de fraternités et de sororités autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux, de la coordination des services des Aînés, les programmes pour toxicomanes et les activités culturelles à l'intention des détenus autochtones.

9.  D'autres articles de la LSCMLC sont pertinents aux fins de l'enquête, notamment l'article 80, qui prévoit que le SCC doit offrir des programmes adaptés aux besoins des délinquants autochtones; l'article 82, qui prévoit la création d'un organe consultatif, le Comité consultatif autochtone national; et l'article 83, qui établit clairement que « la spiritualité autochtone et les chefs spirituels ou aînés autochtones sont respectivement traités à égalité de statut avec toute autre religion et chef religieux ». Dans un rapport précédent (novembre 2009) intitulé De bonnes intentions, des résultats décevants : Rapport d'étape sur les services correctionnels fédéraux pour Autochtones, le BEC examine en détail bon nombre de ces questions [3] .

Article 81 

10.  Il faut interpréter le plus largement possible l'article 81 lorsque sont lus ensemble les paragraphes (1) et (3). Cet article permet aux collectivités et aux organisations autochtones de décider, par suite de négociations, si elles souhaitent conclure un accord, le nombre et le type de délinquants qu'elles sont prêtes accueillir ainsi que le risque qu'elles sont disposées à prendre en acceptant des délinquants dans leur collectivité. Cet article de la LSCMLC vise à accorder aux collectivités autochtones un certain contrôle, ou du moins de participer à la gestion de la peine du délinquant, du prononcé de la sentence à l'expiration du mandat.

11.  Cet article ne limite pas expressément le classement selon le niveau de sécurité que doivent posséder les délinquants que peut accueillir une collectivité autochtone, ni la période durant laquelle le délinquant autochtone sera pris en charge par une collectivité ou une organisation autochtone. En fait, initialement, le SCC estimait que les accords conclus en vertu de l'article 81 viseraient un jour tous les détenus autochtones, peu importe leur cote de sécurité, sachant toutefois qu'il faudrait du temps pour tisser des liens de confiance entre le SCC et les collectivités autochtones [4] .

12. Fait important, l'article 81 permet aux peuples autochtones de jouer un rôle important à l'égard de l'exécution de programmes dans les établissements et n'exclut pas les délinquants non autochtones. Il a délibérément une portée étendue, ce qui permet de mettre en place des solutions pour le soin et la garde du plus grand nombre possible de détenus autochtones (Premières nations, métis et inuits) dans les établissements fédéraux et ainsi un jour réduire leur surreprésentation; d'offrir aux délinquants autochtones des programmes et des services adaptés qui sont fondés sur les valeurs spirituelles et culturelles traditionnelles et de renforcer les liens avec les collectivités autochtones.

13.  Il faut comprendre que l'article 81 ne transfère pas la compétence en matière de services correctionnels, laquelle continue de relever du gouvernement fédéral. Il s'agit plutôt d'une disposition permissive, aux termes de laquelle certains services et programmes, notamment en matière de soins et de garde, peuvent être négociés et offerts par des personnes et des collectivités autochtones en échange de paiements versés par la Couronne. Cette distinction, entre le fait de transférer aux collectivités autochtones la responsabilité d'offrir des services correctionnels et la compétence dans ce domaine (qui demeure une prérogative du gouvernement fédéral), a dès le départ été clairement énoncée par le solliciteur général à l'époque (maintenant appelé le ministre de la Sécurité publique), dans le cadre d'audiences parlementaires [5] , de poursuites devant les tribunaux [6] et, plus tard, dans la Politique sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale du gouvernement fédéral [7] . Les accords conclus en vertu de l'article 81 ont évolué et reposent sur le consentement mutuel, la confiance et la reconnaissance des deux ordres de gouvernement.

Article 84 

14.  L'article 84 de la LSCMLC visait, en partie, à donner suite aux critiques de longue date formulées par les collectivités et les organisations autochtones au sujet du système correctionnel canadien. Dans le cadre de ses consultations, le Groupe d'étude sur les autochtones au sein du régime correctionnel fédéral (1988) a entendu, entre autres, que les délinquants étaient mis en liberté sans que les collectivités en soient avisées à l'avance, sans que celles-ci sachent ce qui s'était produit durant l'incarcération ou sans qu'elles puissent proposer des conditions qu'elles jugeaient importantes pour assurer leur propre sécurité. Par conséquent, les collectivités autochtones n'étaient pas en mesure de présenter un plan pour assurer la mise en liberté et la réinsertion sociale réussie des délinquants ou tenir les délinquants responsables de ce plan.

15.  Au départ, l'article 84 a été établi dans l'intention d'améliorer les informations transmises à la Commission nationale des libérations conditionnelles (maintenant la Commission des libérations conditionnelles du Canada) et de donner aux collectivités autochtones la possibilité d'établir un plan de mise en liberté ou d'avoir voix à ce chapitre. Le but n'était pas de créer un processus long et pénible pour le SCC , le délinquant ou la collectivité.

16. L'article 84 a été conçu originalement dans le contexte et les limites des collectivités autochtones et inuites, dont le leadership et les limites géographiques sont définis. Il a cependant été reconnu que l'article 84 s'appliquait aussi aux délinquants mis en liberté dans des régions urbaines, puisque la plupart des délinquants autochtones proviennent de ces régions et y sont mis en liberté. On s'est également rendu compte que la nouvelle réalité urbaine poserait des difficultés importantes, en particulier dans les grands centres métropolitains, et qu'il faudrait adapter par l'expérimentation les protocoles et les processus.

CONTEXTE ET ARRIÈRE-PLAN

17.  Le problème grave et chronique de la surreprésentation des Autochtones dans les pénitenciers fédéraux préoccupe le SCC et le gouvernement fédéral depuis les années 1970. Les délinquants autochtones représentent maintenant 21,5 % de la population carcérale sous la garde du SCC et 13,6 % des délinquants sous surveillance dans la collectivité. Au total, les délinquants autochtones (dans la collectivité et en établissement) représentent 18,5 % des délinquants sous responsabilité fédérale [8] . La situation est encore plus alarmante chez les délinquantes autochtones qui, en 2010-2011, représentaient plus de 31,9 % des détenues sous responsabilité fédérale [9] , c'est une augmentation de 85,7 % au cours des dix dernières années [10] .

18.  Si les Autochtones sont surreprésentés au sein du système correctionnel fédéral à l'échelle nationale, le problème est encore plus critique dans la région des Prairies, où les Autochtones comptent pour plus de 55 % des détenus au Pénitencier de la Saskatchewan et plus de 60 % au pénitencier de Stony Mountain. La situation est encore pire dans certains établissements provinciaux. Par exemple, en 2005, les Autochtones en Saskatchewan représentaient 14,9 % de la population totale, mais 81 % des délinquants admis dans un établissement provincial et 76 % des jeunes placés sous garde. Selon les données à l'époque, le taux national d'incarcération chez les Autochtones d'âge adulte, aux échelons fédéral et provincial, s'élevait à 910 par 100 000 habitants, comparativement à 109 par 100 000 pour les Canadiens non autochtones [11] .

19.  La population autochtone est beaucoup plus jeune que le reste de la population canadienne et croît à un rythme beaucoup plus rapide que cette dernière [12] . Par conséquent, proportionnellement parlant, plus d'Autochtones ont atteint ou sont sur le point d'atteindre un âge (de 18 à 25 ans, sexes confondus) où ils sont plus susceptibles d'avoir des démêlés avec la justice. On s'attend à ce que l'explosion des naissances actuelle chez les Autochtones entraîne une augmentation du nombre de délinquants autochtones dans les années à venir. Par exemple, selon les prévisions de la population établies par Statistique Canada pour la Saskatchewan, d'ici 2017, le pourcentage de jeunes adultes autochtones devrait doubler, passant de 17 % en 2001 pour atteindre 30 % en 2017 [13] . L'accroissement des jeunes Autochtones est déjà un facteur déterminant et indépendant de l'augmentation des taux d'incarcération provinciaux et fédéraux.

20.  Il est généralement admis qu'avant les années 1960, les peuples autochtones étaient en fait sous‑représentés dans les pénitenciers fédéraux. La situation a changé dans les années qui ont suivi, et le problème a finalement été reconnu par le gouvernement fédéral dans un rapport publié en 1975 par le Secrétariat du Conseil du Trésor [14] , dans lequel on notait que, proportionnellement, il y avait 8 % plus de détenus autochtones dans les pénitenciers fédéraux que d'Autochtones au Canada [15] .

21.  En février 1975, il y a eu une conférence nationale sur les peuples autochtones et le système de justice pénale ainsi qu'une réunion des ministres fédéraux et provinciaux à Edmonton, en Alberta. Il est ressorti clairement de ces deux rencontres que les délinquants autochtones étaient maintenus en incarcération sans bonne raison dans les établissements à sécurité maximale, qu'il était pratiquement impossible pour eux d'obtenir un transfèrement vers un établissement de niveau de sécurité inférieur et que les collectivités et les organisations autochtones devaient participer davantage au processus correctionnel [16] . Durant leur réunion, les ministres provinciaux et fédéraux ont donc convenu de façon générale que les collectivités autochtones devraient se charger davantage de la prestation de services de justice pénale à leur peuple [17] .

22.  Après la conférence d'Edmonton, plusieurs groupes de travail fédéraux et provinciaux ont réitéré que les Autochtones devaient participer davantage au processus correctionnel et exercer plus de responsabilité et de contrôle à cet égard. En 1988, le Groupe d'étude sur les Autochtones au sein du régime correctionnel fédéral [18] a recommandé au gouvernement d'adopter la proposition faite dans le cadre de la Révision du droit correctionnel de créer des mesures spéciales dans la loi pour permettre aux peuples autochtones d'assumer un contrôle accru à l'égard des services correctionnels.

23.  En 1991, la Commission d'enquête sur l'administration de la justice et les Autochtones au Manitoba a été jusqu'à dire que les principes et les procédures du système de justice pénale canadien n'étaient pas compatibles avec les coutumes et les lois autochtones [19] . Elle a recommandé que les collectivités autochtones soient habilitées à établir un système de justice distinct sous contrôle autochtone [20] . La même année, la Commission de réforme du droit du Canada a déclaré que le système de justice ne devrait pas être uniforme, mais un système que les peuples autochtones adaptent à leurs besoins particuliers et qu'il devrait y avoir des établissements correctionnels locaux contrôlés par la communauté [21] .

24.  Sans aucun doute, la Commission royale sur les peuples autochtones a entrepris l'examen le plus important de la relation entre le Canada et les peuples autochtones. Dans son rapport d'étape de 1995, intitulé Par‑delà les divisions culturelles , la Commission a conclu que « le système de justice a été un fiasco avec les Autochtones », le principal indicateur de cet échec étant la surreprésentation sans cesse croissante de ce groupe dans les pénitenciers et les prisons au Canada [22] . La Commission a reconnu l'importance des programmes culturels et spirituels autochtones et a affirmé que la LSCMLC visait à assurer l'égalité des Autochtones au sein des établissements fédéraux. Elle a également reconnu « le besoin de programmes communautaires pour les Autochtones dirigés par les collectivités qui reposent sur le travail accompli à l'intérieur des prisons ».

25. Divers groupes de travail et diverses commissions mentionnent le défaut d'adapter les services correctionnels en fonction des besoins d'une population de délinquants autochtones à la hausse. Des mesures correctrices ont été prises dans d'autres secteurs du système de justice pénale, comme l'amélioration des services de police par les Premières nations ainsi que l'expansion des cours de circuit et des tribunaux autochtones dans les régions urbaines et les collectivités des Premières nations. Cependant, la majorité estime que le système de justice est un échec pour les Autochtones. Ce point de vue est directement rattaché à la surreprésentation chronique et croissante des Autochtones dans les établissements correctionnels provinciaux, territoriaux et fédéraux. Étant donné que la surreprésentation des Autochtones n'a cessé d'augmenter au cours des dernières décennies, les dirigeants politiques autochtones et les médias continuent généralement de parler de l'échec de l'ensemble du système de justice en invoquant ce facteur.

26.  La LSCMLC , en particulier les articles 81 et 84, constitue un pas important pris par le gouvernement fédéral pour accroître la participation des collectivités autochtones au processus correctionnel et potentiellement réduire, au fil du temps, la surreprésentation des Autochtones au sein du système correctionnel fédéral. Au cours des dernières décennies, un grand nombre d'études ont été réalisées au sujet de la participation des Autochtones au processus correctionnel. Elles indiquaient toutes que les services correctionnels ne peuvent pas régler à eux seuls les problèmes menant à l'incarcération des Autochtones dans des établissements fédéraux. Souvent, les facteurs à l'origine des infractions commises par les délinquants autochtones sont liés, entre autres, à la toxicomanie, à la violence et aux traumatismes intergénérationnels, aux pensionnats, aux faibles niveaux d'instruction, au chômage, aux faibles revenus, ainsi qu'aux conditions de logement et aux soins de santé inférieurs aux normes.

27.  En général, au sein du système correctionnel, les délinquants autochtones sont plus jeunes; sont plus susceptibles d'avoir déjà purgé une peine applicable aux adolescents ou aux adultes; sont incarcérés plus souvent pour une infraction avec violence; présentent un risque plus élevé; ont des besoins plus grands; sont plus enclins à être affiliés à un gang; ont davantage de problèmes de santé, notamment les troubles causés par l'alcoolisation fœtale (TCAF), des troubles de santé mentale et des problèmes de toxicomanie [23] .

28.  Même s'il n'a aucun contrôle sur le nombre de délinquants qui sont admis au sein du système fédéral, le SCC peut aider à réduire le nombre de délinquants qui sont réincarcérés après leur mise en liberté. Accroître pour les délinquants autochtones les occasions de participer à des activités culturelles et spirituelles autochtones, en particulier dans un contexte autochtone, est reconnu comme un bon moyen de contribuer à la réussite de la réinsertion sociale des délinquants autochtones.

RECOURS AUX ACCORDS PRÉVUS À L'ARTICLE 81 – ANALYSE

29.  L'article 81 ne précise pas comment les collectivités autochtones doivent gérer les délinquants dont ils ont la garde et le soin. Deux approches distinctes ont vu le jour au fil du temps. La première, et la plus courante, consiste à financer des pavillons de ressourcement ou des centres de guérison autochtones. Ces installations accueillent des délinquants transférés des établissements du SCC et leur offrent des programmes culturels, spirituels et correctionnels autochtones. La seconde consiste à conclure des ententes de financement avec des collectivités autochtones qui acceptent d'accueillir des délinquants, d'en assurer la garde et de leur offrir des programmes sans mettre en place un centre de guérison officiel.

30.  Depuis l'entrée en vigueur de la LSCMLC il y a 20 ans, le SCC a conclu quatre accords de financement avec des collectivités et des organisations autochtones en vue de l'établissement et du fonctionnement de pavillons de ressourcement. Ces installations peuvent accueillir jusqu'à 68 délinquants. (Même si certains documents du SCC mentionnent que 111 places sont disponibles en vertu d'accords visés à l'article 81, il y en a en réalité seulement 68, car sur les 73 places au Centre de guérison Stan Daniel, seulement 30 sont réservées aux fins d'un tel accord.) [24] 

Nombre de places offertes dances les pavillons de ressourcement
INSTALLATION DATE D'OUVERTURE RÉGION CAPACITÉ 
Pavillon de ressourcement spirituel du Grand conseil de Prince Albert (GCPA)1995Prairies – Saskatchewan5
Prairies – Saskatchewan1999Prairies – Alberta30
Pavillon de ressourcement 
O-Chi-Chak-Ko-Sipi
1999Prairies – Manitoba18
Centre de guérison Waseskun2001Québec15
TOTAL   68 

Source : Entrepôt de données du SCC 

31.  En septembre 2011, le SCC a augmenté le nombre de places offertes dans les pavillons de ressourcement établis en application de l'article 81 en ajoutant 16 places pour les délinquantes autochtones au Centre de guérison Buffalo Sage à Edmonton, en Alberta. Il a également autorisé l'ajout de six places au pavillon de ressourcement O‑Chi‑Chak‑Ko‑Sipi. De plus, le Centre de guérison Waseskun tient des discussions avec le SCC afin d'établir un centre de guérison pour délinquantes autochtones, y compris six places pour des détenues transférées en vertu de l'article 81 et deux places pour des délinquantes mises en liberté en application de l'article 84. Le Centre de guérison Waseskun souhaite également accroître sa capacité d'accueillir des délinquants en vertu de l'article 81 en effectuant des travaux de construction qui permettront de créer cinq nouvelles places. Il est important de noter que ces places additionnelles ne sont pas le fruit de négociations avec de nouvelles collectivités autochtones, mais s'inscrivent dans le cadre d'accords existants.

32.  Les accords conclus en vertu de l'article 81 n'ont pas tous mené à la mise en place de pavillons de ressourcement. La Première nation d'Alexis en Alberta et celle de George Gordon en Saskatchewan ont conclu au titre de l'article 81 des accords relatifs à la garde de délinquants dans la collectivité dans le but d'assumer la responsabilité de délinquants. Conformément à ces deux accords, les délinquants doivent être hébergés dans la collectivité et confinés à la réserve à moins d'obtenir une permission de sortir avec escorte, un placement à l'extérieur ou une permission de sortir sans escorte. Le délinquant doit être sous la surveillance d'une ou de plusieurs personnes autorisées par le SCC et la Première nation. Dans le cadre du plan de garde, le délinquant doit être clairement informé des limites touchant ses déplacements dans la réserve et des heures auxquelles il doit se trouver dans son lieu de résidence.

33.  De plus, ces accords exigent l'établissement d'un horaire, qui permet au délinquant et aux membres visés de la collectivité de savoir où le délinquant se trouve et qui prévoit une période précise durant laquelle la présence du délinquant est contrôlée. Il faut aussi tenir un registre des déplacements durant la journée. Chaque Première nation doit présenter un budget afin d'aider le SCC à calculer un tarif quotidien en application de l'entente. La Première nation d'Alexis a conclu une entente en vertu de l'article 81 en avril 1999 en vue du transfèrement d'au plus cinq détenus. La Première nation de George Gordon a conclu une entente en juin 2002. Selon les dossiers, à l'exception d'un seul délinquant confié à la Première nation de George Gordon, aucun transfert n'a eu lieu. Depuis la signature de l'entente avec la Première nation de George Gordon il y a dix ans, le SCC n'a pas scellé au titre de l'article 81 d'autres accords sur la garde des délinquants qui ne prévoit pas la mise en place d'installations.

34.  Le fait que seulement quatre ententes ont été signées en vue de la mise en place de pavillons de ressourcement depuis l'entrée en vigueur de la LSCMLC il y a vingt ans montre qu'il n'y a pas eu de progrès en vue de faire participer les collectivités autochtones aux services correctionnels fédéraux comme l'avait voulu le Parlement.

POURQUOI LES PROGRÈS ONT-ILS CESSÉS?

Les collectivités étaient intéressées 

35.  Depuis l'adoption de la LSCMLC , plusieurs collectivités et organisations autochtones se sont montrées intéressées à participer aux services correctionnels fédéraux grâce à un accord en vertu de l'article 81. En 2001, le SCC a indiqué que deux nouveaux accords étaient à l'étape de la rédaction finale, que trois étaient en cours de négociation et qu'il était question de 17 autres [25] . En 2002, deux nouvelles ententes étaient à l'étude et quatre autres étaient en cours de négociation, ce qui aurait permis de créer jusqu'à 39 nouvelles places [26] .

Changement de l'orientation stratégique 

36.  En 2000, le SCC a demandé des fonds supplémentaires pour construire et exploiter de nouveaux pavillons de ressourcement conformément à l'article 81. Il a reçu 11,9 millions de dollars sur cinq ans dans le cadre de l'initiative Approche correctionnelle judicieuse et participation des citoyens de Sécurité publique Canada [27] . Un des grands buts de cette initiative était de réduire la surreprésentation des délinquants autochtones dans les établissements fédéraux en amélioration la participation et la collaboration des collectivités autochtones. Or, selon l'enquête, le Centre de guérison Waseskun est le seul nouvel établissement autonome mis en place en vertu de l'article 81 à l'aide des fonds versés dans le cadre de cette initiative.

37.  Malgré le fait que des collectivités autochtones étaient intéressées à tenir des négociations en vue de la conclusion d'accords au titre de l'article 81, le SCC indique, dans son évaluation « finale », terminée en juin 2004, du premier versement de fonds accordés dans le cadre de l'Approche correctionnelle judicieuse, que dès 2001-2002 les fonds réservés à la mise en place de pavillons de ressourcement avaient été réaffectés à des projets en établissement visant à établir des rangées réservées aux Sentiers autochtones [28] . Or, selon des documents de 2002 décrivant comment le SCC entendait utiliser les fonds accordés en vertu de l'Approche [29] , les sommes ne devaient pas servir à couvrir des coûts en établissement [30] . C'est pourtant ce qui s'est apparemment produit. Le SCC s'est servi de cet argent pour mener un projet pilote, puis accroître le nombre d'unités des Sentiers autochtones dans les établissements à sécurité moyenne, augmenter le nombre d'agents de développement auprès de la collectivité autochtone, appuyer un Groupe de travail national sur les affaires correctionnelles autochtones et mettre à l'essai une initiative de lutte contre les gangs autochtones à l'Établissement de Stony Mountain [31] . Autrement dit, selon l'enquête, les fonds octroyés dans le cadre de l'Approche correctionnelle judicieuse pour faciliter la réintégration dans les collectivités autochtones ont servi à mettre en place de nouvelles interventions en milieu pénitentiaire pour les détenus autochtones.

38.  Pour expliquer le changement de l'orientation stratégique en faveur des priorités en établissement, le SCC précise, dans le Plan stratégique pour les services correctionnels pour Autochtones 2206-2011, qu'il n'y avait pas assez « de programmes axés sur les Autochtones dans les établissements pour aider les délinquants à se préparer à l'environnement du pavillon de ressourcement » [32] . Par conséquent, le SCC a « reciblé » ses efforts afin de renforcer et d'accroître les interventions en établissement s'adressant aux détenus autochtones. En fait, durant cette période d'apprentissage et de reciblage (2000-2005), le SCC avait pour point de vue et expérience que les détenus autochtones n'étaient pas adéquatement préparés en vue d'une mise en liberté en vertu d'accords communautaires offrant des solutions de rechange et que les pavillons de ressourcement n'avaient pas la capacité de gestion et reddition ou l'expertise pour appuyer ceux-ci de manière adéquate et sécuritaire [33] . En réponse à un rapport de recherche paru en 2002 [34] , le SCC a adopté un Plan d'action pour les pavillons de ressourcement dans le but : i) d'améliorer les activités internes des pavillons de ressourcement; ii) de mieux faire connaître les programmes et les services offerts par le SCC dans les pavillons de ressourcement; iii) d'améliorer le processus de sélection et de transfèrement des délinquants; iv) de resserrer la relation entre le SCC et le personnel des pavillons de ressourcement [35] .

39.  Malgré certaines améliorations, les documents montrent que le SCC a choisi de ne pas donner suite à son engagement à conclure de nouveaux accords et à mettre en place de nouveaux établissements en vertu de l'article 81 au moment même où il a reçu du gouvernement des fonds à cette fin précise. Au début de l'an 2000, des documents indiquaient que le SCC tenait activement des négociations avec plusieurs collectivités et groupes autochtones en vue d'accroître le nombre d'accords visés à l'article 81.

40.  En 2005-2006, le financement accordé dans le cadre de l'Approche correctionnelle judicieuse a été reconduit pendant cinq années à un niveau de 8 millions de dollars par année, dont 4,8 millions de dollars pour le Service correctionnel du Canada. Le SCC a utilisé une grande partie de ces fonds, soit 3,7 millions de dollars par année, pour accroître le nombre d'unités de guérison des Sentiers autochtones dans ses cinq régions [36] . Aucun nouvel accord en vertu de l'article 81 ni installation communautaire visant à faciliter la réinsertion sociale des délinquants autochtones n'a été mis en place depuis 2001. (Le Centre de guérison Buffalo Sage pour femmes, qui a ouvert ses portes en septembre 2011, s'inscrit dans le cadre d'une entente existante avec les Native Counselling Services of Alberta.)

41.  De 2001-2002 à 2010-2011, la population de détenus et de détenues autochtones a augmenté de 35 % (de 2 129 à 2 875) et de 86 % (de 98 à 182), respectivement [37] . Selon le Rapport sur les plans et priorités du SCC pour 2012-2013, le Service entend porter à 25 le nombre d'établissements, dans les cinq régions, ayant des unités des Sentiers [38] autochtones. Il ne semble toutefois pas s'engager parallèlement à accroître le financement d'initiatives axées sur la réinsertion dans les collectivités autochtones.

OBSTACLES À LA MISE EN PLACE ET AU MAINTIEN D'ENTENTES EN VERTU DE L'ARTICLE 81

Absence de politiques et de normes 

42.  Comme l'indique un rapport commandé par le BEC, selon une vérification des pavillons de ressourcement réalisée par le SCC , 16 ans après l'adoption de la LSCMLC , le SCC ne dispose toujours pas de cadre politique pour soutenir la mise en place de pavillons de ressourcement visés à l'article 81, et il n'existe pas de directives à ce sujet dans les politiques ou les procédures du SCC [39] . De plus, le SCC n'a toujours pas défini clairement les critères à appliquer pour évaluer les demandes en vue de la conclusion d'accords visés à l'article 81. Les régions du SCC ne sont pas tenues de rendre compte des accords à l'administration centrale, et le SCC n'a pas établi d'indicateurs de rendement pour assurer une surveillance efficace et la production de rapports [40] . De même, dans le cadre de la vérification de 2008 des pratiques en matière de gestion des accords pris en vertu l'article 81, le SCC a déterminé que « sauf dans le cas de la surveillance des résidents des pavillons de ressourcement, le rôle et les responsabilités des membres du personnel du SCC qui s'occupaient des délinquants avant leur placement dans un pavillon de ressourcement visé à l'article 81 ne sont pas bien définis, compris et suivis » [41] . Le SCC a finalement établi des lignes directrices nationales sur la négociation, la mise en œuvre et la gestion des processus prévus aux articles 81 et 84 en juillet 2010 [42] , en réponse aux conclusions de la vérification de 2008, soit 18 ans après l'entrée en vigueur de la LSCMLC

43.  Les installations mises en place en vertu de l'article 81 ne sont pas tenues de respecter toutes les politiques du SCC , seulement celles visant à faciliter les processus d'admission, de transfèrement et de demande. Toutefois, elles doivent offrir des programmes « acceptables » et des services « appropriés », ainsi que respecter des normes comparables à celles du SCC . En fait, jusqu'à récemment, il y avait peu d'uniformité entre les accords conclus en vertu de l'article 81, ce qui traduisait le degré relatif d'autonomie et de contrôle administratif qui était négocié au départ entre le SCC et les fournisseurs de services des collectivités autochtones. Par conséquent, chaque pavillon de ressourcement exploité par un groupe autochtone adoptait sa propre approche en matière de guérison, de réadaptation et de réinsertion sociale, en fonction des valeurs, des pratiques, des traditions et des croyances de la collectivité. Or, les différences réelles et perçues entre les pavillons du SCC et ceux des groupes autochtones peuvent causer un manque de confiance et des problèmes de communications. Ces « messages mixtes » ont souvent trait aux différences touchant le caractère « comparable » du financement, des objectifs, du contenu des programmes et de l'efficacité des interventions des établissements visés à l'article 81. La capacité de ces établissements de gérer efficacement et en toute sécurité les délinquants tout en répondant aux normes de prestation de services et aux attentes en matière de supervision du SCC sont depuis longtemps une autre source de friction [43] . Le fait que l'on s'attend à ce que ces établissements offrent des services et obtiennent des résultats comparables à ceux du SCC à un tarif quotidien nettement moindre est sans conteste la principale pomme de discorde.

Critères d'admissibilité à un transfèrement 

44.  Les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81 peuvent seulement accueillir des délinquants à sécurité minimale ou, dans de rares cas, des délinquants à sécurité moyenne présentant un faible risque pour la sécurité publique [44] . C'est là un des facteurs qui les empêchent d'être utilisés au maximum (ou d'établir de nouveaux pavillons). Or cette exigence ne traduit pas l'intention du Parlement ou la vision originale du SCC . Il s'agit plutôt d'une politique interne du SCC qui a évolué au fil du temps pour réduire les risques. Cette politique cause un certain nombre de problèmes, sans compter que seulement 11,3 % ont été placés dans des établissements à sécurité minimale, bien que 22,2 % des délinquants autochtones aient été classés au niveau de sécurité minimale selon l'Échelle de classement par niveau de sécurité en 2010-2011 [45] . Comparativement aux délinquants non autochtones, un plus faible pourcentage de délinquants autochtones de sexe masculin sont classés au niveau de sécurité minimale [46] , et ce pourcentage a diminué avec le temps [47] .

Crit�res d'admissibilit� � un transf�rement
Région2006-2007 2009-2010 2010-2011 
Nombre de détenus Sécurité minimale Nombre de détenus Sécurité minimale Nombre de détenus Sécurité minimale 
Atlantique1333022,5 %1141412,3 %1161613,8 %
Québec3007123,6 %285258,8 %331216,3 %
Ontario4386815,5 %418225,3 %438276,2 %
Prairies1 90852027,2 %1 45315410,6 %1 60620512,8 %
Pacifique61615024,3 %4666313,5 %4856814,0 %
Total 3,395 839 24,7 % 2,736 278 10,2 % 2,976 337 11,3 % 

Source : Entrepôt de données du SCC
Nota : Détenus de sexe masculin dont le classement selon le niveau de sécurité est valide.

45.   D'après les données, en raison de ce critère de la politique du SCC , environ 90 % des délinquants autochtones sous responsabilité fédérale ne peuvent pas être transférés dans un pavillon de ressourcement. En 2010-2011, il y avait 337 détenus autochtones de sexe masculin dans des établissements à sécurité minimale, ce qui représente environ 11 % des hommes autochtones dans les établissements fédéraux.

46.   Fait important : les pavillons de ressourcement visés à l'article 81 pourraient fonctionner à pleine capacité s'ils accueillaient seulement des détenus à sécurité minimale. En 2009-2010 et 2010-2011, ces pavillons ont hébergé moins de 25 % des détenus autochtones de sexe masculin à sécurité minimale [48] .

Aper�u de fin d�exercice du nombre moyen de d�tenus physiquement pr�sents durant les d�nombrements du 31 mars 2010 et du 31 mars 2011
Region 2009-2010 2010-2011 
Détenus à sécurité minimale Places dans les pav. de ress. (art. 81) Détenus à sécurité minimale Places dans les pav. de ress. (art. 81) 
Atlantique1400 %1600 %
Québec251560 %211571 %
Ontario2200 %2700 %
Prairies1545334 %2055326 %
Pacifique6300 %6800 %
Total 278 68 24 % 337 68 20 % 

Source : Entrepôt de données du SCC . Aperçu de fin d'exercice du nombre moyen de détenus physiquement présents durant les dénombrements du 31 mars 2010 et du 31 mars 2011.

47. Aucun pavillon de ressourcement visé à l'article 81 ne se trouve à l'extérieur des régions des Prairies et du Québec, même s'il y existe clairement un besoin et une capacité à cet égard dans les régions du Pacifique, de l'Ontario et de l'Atlantique, de même que dans le Nord. En l'absence de tels établissements dans ces régions, soit que les délinquants autochtones n'ont pas la possibilité de profiter d'un milieu communautaire propice à la guérison, soit qu'ils doivent être transférés loin de leurs familles et de leur collectivité. (Il n'est pas possible de faire une comparaison semblable pour les délinquantes autochtones, puisqu'il n'y avait pas de place pour elles dans des pavillons établis en vertu de l'article 81 avant 2012.)

48.  En 2011, 1 009 délinquants ont été informés des possibilités offertes au titre de l'article 81, et 593 ont exprimé le souhait d'être transférés [49] . Compte tenu de ces données, il n'est pas clair pourquoi les pavillons ne sont pas remplis à capacité. Le tableau ci-après montre le nombre moyen de délinquants physiquement présents pour les exercices 2009-2010 et 2010-2011 [50] .

Aper�u de fin d'exercice du nombre moyen de d�tenus physiquement pr�sents durant les d�nombrements du 31 mars 2010 et du 31 mars 2011.
Pavillon de ressourcement 2009-2010 2010-2011  
Capacité Nombre Nombre 
Pavillon de ressourcement spirituel du GCPA5480 %480 %
Pavillon de ressourcement 
O Chi-Chak-Ko-Sipi
181372 %1372 %
Centre de guérison Stan Daniels301343 %2273 %
Centre de guérison Waseskun151386 %1066 %
Total/pourcentage moyen 68 43 63 % 49 72 % 

Source : Entrepôt de données du SCC . Aperçu de fin d'exercice du nombre moyen de détenus physiquement présents durant les dénombrements du 31 mars 2010 et du 31 mars 2011.

Financement et permanence des pavillons de ressourcement visés à l'article 81 

49.  Sans aucun doute, les deux principaux facteurs qui nuisent à l'établissement de nouveaux pavillons de ressourcement en vertu de l'article 81 sont le manque de financement et de permanence, facteurs qui sont interreliés. Alors que les pénitenciers fédéraux et les pavillons de ressourcement du SCC sont des établissements permanents et traités en conséquence, les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81 reposent sur des accords de contribution de cinq ans et ne jouissent donc d'aucune stabilité. De plus, le fait de conclure un accord en application de l'article 81 ne procure pas nécessairement aux collectivités et aux organisations autochtones un avantage économique. Au contraire, ces accords peuvent causer un grave inconvénient, en particulier si le taux d'occupation est plus faible que ce que l'on avait prévu. Rien ne garantit que les accords seront renouvelés, et les pavillons sont touchés en cas de changements aux priorités du SCC et de compressions. Dans le cas d'au moins un pavillon, l'accord a été renouvelé par périodes de six mois durant les négociations en vue d'un nouvel accord sur cinq ans [51] .

50.  Il y a un écart important entre le financement accordé pour les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81 et ceux gérés par le SCC . En 2009-2010, un montant de 21 555 037 $ avait été affecté aux quatre pavillons du SCC . Pour la même période, le financement accordé aux pavillons visés par l'article 81 s'élevait à seulement 4 819 479 $ [52] . Il est à noter que ce montant comprenait les dépenses liées aux activités des administrations régionales du SCC et que les ces pavillons reçoivent un montant pour les résidants en liberté sous condition. Le coût par délinquant dans les pavillons du SCC est d'environ 113 450 $, mais s'élève à seulement de 70 845 $ dans les établissements gérés par des groupes ou collectivités autochtones, ce qui représente environ 62 % des coûts du SCC .

51.  En raison du sous-financement chronique, ces pavillons ne peuvent pas offrir des salaires comparables à ceux que reçoivent les employés du SCC . Par exemple, en 2011, au Centre de guérison Stan Daniels, des employés ont été mis à pied en raison du manque de financement, et les employés restants ont reçu une augmentation de 1 % liée au coût de la vie. Le financement inégal et l'instabilité causent un roulement du personnel, des mises à pied, des départs, des arrivées, etc. Selon un rapport d'évaluation sur ce centre publié en 2005, bien que l'établissement réussisse à obtenir des résultats correctionnels semblables à un moindre coût, il faudrait changer la formule de financement pour tenir compte des coûts de supervision plus élevés qui sont associés à la satisfaction des besoins d'un nombre accru de délinquants libérés d'office [53] .

52. En général, les délinquants autochtones sont évalués comme ayant des besoins plus élevés ou présentant un risque plus élevé en raison de leurs antécédents criminels, notamment de leurs longs démêlés avec le système de justice pénale, ainsi que de facteurs liés à l'emploi, à la famille, à la toxicomanie, à la santé mentale et à la réinsertion sociale. Les coûts de l'hébergement et de la supervision dans la collectivité des groupes et des personnes ayant des besoins spéciaux augmentent. Les formules de financement des pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81 devraient tenir compte des réalités opérationnelles associées à un profil des besoins de plus en complexe et à une charge de travail de plus en plus lourde.

53.  Conformément aux accords relatifs aux pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81, les employés de ces établissements doivent posséder un large éventail de compétences, que ce soit en matière de surveillance des délinquants, de connaissance des procédures et des protocoles du SCC ou de production de rapports financiers. Ces exigences représentent un fardeau pour la plupart des collectivités et des organisations autochtones qui n'ont jamais collaboré avec le SCC ou ne connaissent pas les procédures du Service. La préparation des rapports financiers détaillés requis pour tous les accords de contribution avec le gouvernement fédéral prend aussi beaucoup de temps et comporte beaucoup de détails. De plus, les responsables de pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81 ont indiqué que le fardeau de production de rapports que leur impose le SCC entraîne chez le personnel un roulement élevé et des cas d'épuisement professionnel. Le personnel de ces établissements s'est plaint de ne pas pouvoir participer aux séances de formation offertes par le SCC , formation qui est toutefois sans cesse nécessaire en raison du taux de roulement élevé. Dans certains cas, les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81 servent à former des Autochtones, qui vont ensuite travailler pour le SCC .

54.  Le départ des employés en faveur du SCC n'a rien de surprenant. Le SCC peut offrir de nombreux avantages qui sont hors de portée des pavillons établis en vertu de l'article 81. Dans les établissements du SCC , les employés peuvent gagner de 25 000 $ à 30 000 $ de plus. Ceux qui décident de travailler pour le SCC bénéficient d'un milieu de travail stable et sont protégés par un syndicat. Selon les Native Counselling Services of Alberta, les pavillons établis en vertu de l'article 81 dépensent environ 34 000 $ pour former un employé selon les normes du SCC , mais ils ne reçoivent aucun dédommagement pour cette formation.

55.  Étant donné que les accords visés à l'article 81 sont valides pour une période de cinq ans, les pavillons de ressourcement ont très peu de marge de manœuvre, voire aucune, pour faire face aux demandes imprévues. Ils ne peuvent pas rapidement améliorer leurs infrastructures pour faire face à une situation d'urgence ou pour répondre à des exigences en matière de sécurité du SCC sans demander des fonds supplémentaires du SCC ou modifier leur budget en réduisant le personnel ou les services. Les changements à la couverture offerte par les compagnies d'assurance sont l'une des principales contraintes touchant le fonctionnement des pavillons de ressourcement. Ces entreprises, qui hésitent à prendre des risques élevés, obligent les pavillons de ressourcement à respecter toutes les normes et procédures fédérales au risque de subir une augmentation importante des coûts de l'assurance-responsabilité. Par exemple, pour maintenir une assurance, un centre a fait face à une hausse des coûts de 28 000 $ cette année, sans augmentation du financement reçu du SCC . Le centre en question a non seulement été obligé d'absorber les coûts d'assurance, mais a également été forcé par la compagnie d'assurance de respecter les procédures du SCC en matière de sécurité lesquelles, selon lui, allaient à l'encontre d'une approche autochtone en matière de guérison.

56.  La présente section fait ressortir les faiblesses, les différences et les obstacles liés à l'approche du SCC en ce qui concerne les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81. Pour ces établissements, l'inéquité salariale, le sous-financement chronique et le manque de permanence soulèvent des questions d'équité et contribuent à créer des conditions qui désavantagent systématiquement les délinquants autochtones.

OBSTACLES DANS LES COLLECTIVITÉS AUTOCHTONES

57.  L'acceptation de la collectivité est un autre facteur qui, on le sait, nuit à l'augmentation du nombre de pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81. Tout comme bien des collectivités non autochtones, un grand nombre de collectivités autochtones ne sont pas prêtes à accueillir des délinquants mis en liberté ou à prendre en charge la gestion des délinquants. Cette réaction est peut-être attribuable au manque de personnel, de programmes et de services offerts dans la collectivité pour répondre aux besoins des délinquants, ou encore à la peur de devenir victime de ces délinquants. Il ne faut pas oublier non plus les élections dans les Premières nations et d'autres variables, car un changement à la tête peut souvent entraîner de nouvelles priorités ou mettre fin aux négociations avec le SCC .

58. Tous les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81, à l'exception du Centre de guérison Stan Daniels, sont situés dans des collectivités rurales ou éloignées. Puisqu'ils sont relativement isolés, il est difficile pour eux d'accepter des délinquants souffrant de problèmes médicaux ou de troubles de santé mentale, lesquels ont besoin de transport ou de personnel spécialisé pour répondre à leurs besoins de santé. Enfin, un fort pourcentage de délinquants ne peuvent pas être transférés dans un pavillon de ressourcement parce qu'ils appartiennent encore à un gang ou, dans certains cas, parce qu'ils sont des délinquants sexuels.

PAVILLONS DE RESSOURCEMENT DU SCC 

59.  En plus des quatre pavillons établis en vertu de l'article 81, le SCC a ouvert quatre pavillons de ressourcement qu'il gère comme des établissements à sécurité minimale (à l'exception de celui pour femmes, qui accueille aussi des détenues à sécurité moyenne).

Quatre pavillons de ressourcement qu'il g�re comme des �tablissements � s�curit� minimale
ÈTABLISSEMENT DATE D'OUVERTURE RÈGION CAPACITÈ 
Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci1995Prairies – Saskatchewan44
Centre Pê Sâkâstêw1997Prairies – Alberta60
Village de guérison Kwìkwèxwelhp2001Pacifique – Colombie Britannique50
Pavillon de ressourcement Willow Cree2003Prairies – Saskatchewan40
Total   194 

60.  Les pavillons du SCC peuvent accueillir jusqu'à 194 détenus sous responsabilité fédérale, dont 44 détenues autochtones. Le gouvernement a récemment autorisé l'ajout de 44 places pour détenus de sexe masculin au Pavillon de ressourcement Willow Cree, ce qui portera la capacité des établissements du SCC à 230 places.

61.  Bien que les pavillons de ressourcement du SCC ne soient pas visés par la présente enquête, il faut en parler pour deux raisons. D'abord, certains membres du personnel des pavillons établis en vertu de l'article 81 et responsables du SCC ont l'impression que les pavillons du SCC font concurrence aux premiers pour recevoir des détenus à sécurité minimale. Le Centre Pê Sâkâstêw et le Pavillon de ressourcement Willow Cree sont situés tout près du Centre de guérison Stan Daniels et du Pavillon de ressourcement spirituel du GCPA, respectivement. Les établissements du SCC ont en moyenne une capacité d'accueil qui est de 13 % à 17 % plus élevée que celle des pavillons établis en vertu de l'article 81 [54] .

Pavillon de ressourcement du SCC
Pavillon de ressourcement du SCC 2009-2010 2010-2011  
Capacité Nombre Nombre 
Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci443682 %4091 %
Pavillon de ressourcement Willow Cree403895 %3997 %
Centre Pê Sâkâstêw604677 %5287 %
Village de guérison Kwìkwèxwelhp503264 %3162 %
Total/pourcentage moyen 194 152 80 % 162 85 % 

Source : Entrepôt de données du SCC .

62.  Par ailleurs, en exploitant ses propres pavillons de ressourcement, le SCC n'avait pas l'intention de faire concurrence aux établissements créés en vertu de l'article 81. Pour lui, il s'agissait d'une étape intermédiaire, en attendant que la gestion de ces pavillons soit confiée à des collectivités dans le cadre d'accords visés à l'article 81. Dans cet esprit, il a amorcé des négociations avec la Première nation de Nekaneet en vue de lui confier la responsabilité du Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, et avec la Première nation de Samson, dans le cas du Centre Pê Sâkâstêw. Or, ces négociations n'ont jamais été plus loin que les premières étapes, et ce pour trois raisons :

  1. Les collectivités des Premières nations où se trouvent des pavillons du SCC profitent des avantages de la présence d'un établissement sans avoir à en assumer la pleine responsabilité.
  2. Les pavillons de ressourcement du SCC offrent des emplois stables aux membres des bandes, ce qui ne serait pas le cas si un accord était conclu en vertu de l'article 81.
  3. Le financement offert pour les pavillons établis en vertu de l'article 81 est nettement inférieur que celui prévu pour les établissements du SCC .

63.  Comme l'ont indiqué certaines personnes ressources importantes, le SCC n'a pas mobilisé concrètement le chef et le conseil, ce qui a contribué à mettre fin aux négociations. L'absence de collaboration a eu pour effet à long terme de créer un sentiment de rancune et de méfiance entre les deux parties. D'ailleurs, le manque de consultation de la collectivité au sujet des pavillons de ressourcement du SCC a été soulevé dans l'évaluation par le SCC de ses pavillons [55] et dans le cadre de la présente enquête. Par exemple, les dirigeants de la Première nation de Nekaneet estiment que la vision originale du Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci n'a plus cours. La collectivité a décidé de se détacher jusqu'à ce que le SCC examine de nouveau cette vision et en reconnaisse le bien-fondé. De même, la Première nation crie de Samson a commencé à remettre en question la valeur du Centre Pê Sâkâstêw, car, dans ce cas aussi, le SCC s'est éloigné de la vision qu'avait la collectivité du pavillon de ressourcement, sans compter que le centre n'a pas offert le nombre d'emplois auxquels la collectivité s'attendait. De plus, lorsque le SCC embauche des membres de la collectivité, ces derniers occupent des postes de bas niveau, offrant moins de possibilités d'avancement. Pour cette raison, il a été question dans la collectivité de transformer le Centre Pê Sâkâstêw en centre de traitement de la toxicomanie.

64. En ce qui concerne le manque de consultation de la collectivité, le Village de guérison Kwìkwèxwelhp est l'exception. Cet établissement reçoit des directives d'un sénat communautaire, qui offre des conseils à un comité composé de représentants de la collectivité et du Village. De plus, le chef et un autre membre de la Première nation de Chehalis siègent au Comité consultatif des citoyens de l'établissement. Le Village entretient des liens étroits avec le centre culturel de Chehalis, et des Aînés locaux veillent à ce que les protocoles appropriés soient reconnus et appliqués dans l'établissement. Par conséquent, le personnel et les détenus sont invités à presque toutes les cérémonies tenues dans la collectivité, et les membres de la collectivité sont invités à participer à celles qui ont lieu dans l'établissement. La Première nation a embauché un agent d'engagement communautaire qui travaille avec le personnel du Village de guérison Kwìkwèxwelhp.

RECOURS AUX MISES EN LIBERTÉ EN VERTU DE L'ARTICLE 84 – ANALYSE

65.  L'article 84 est représentatif de l'intention du Parlement de transférer aux peuples autochtones certaines responsabilités en matière de services correctionnels fédéraux. Cette disposition est très différente de l'article 81, car elle est impérative. Pour y donner suite, la Directive du commissaire 702 a été récrite en 2008 afin de préciser que le sous‑commissaire régional doit veiller à ce que les collectivités autochtones participent au processus de réinsertion sociale des délinquants autochtones consentants qui y sont mis en liberté conformément à l'article 84 de la LSCMLC . [56] .

66.  Il est difficile de déterminer le nombre de fois où le processus de planification de la mise en liberté prévu à l'article 84 a été appliqué avec succès. Ce n'est qu'en 2008 que le SCC a créé, dans le Système de gestion des délinquants, un écran permettant d'effectuer un suivi des délinquants mis en liberté en application de l'article 84, et le système n'est pas utilisé partout de la même façon, ce qui nuit à la capacité du SCC d'extraire des données exactes sur le recours à ce processus et son efficacité [57] .

67.  Le nombre de plans de mises en liberté en règle préparés et présentés à la Commission des libérations conditionnelles conformément à l'article 84 varie considérablement, passant d'un nombre record, soit 226, en 2005-2006, à 51 en 2006-07, à 60 en 2009-2010 et à 99 en 2010-2011. Le nombre relativement faible de plans n'est pas seulement attribuable à un manque d'intérêt chez les détenus autochtones, surtout si l'on tient compte du fait que 593 délinquants ont exprimé un intérêt pour les mécanismes de mise en liberté prévus à l'article 84 en 2010‑2011 [58] . Quelques raisons peuvent expliquer l'écart entre le nombre d'intéressés et le taux de participation. Par exemple, selon l'enquête, il y a seulement douze agents de développement auprès de la collectivité autochtone ( ADACA ) au Canada. Ces agents ont pour rôle de concilier les intérêts du détenu et de la collectivité avant la mise en liberté. Or, les ADACA ont une lourde charge de travail, et l'accent mis sur un dossier en particulier peut être une source de distraction. Adoptée en 2012, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés a étendu la portée de l'article 84 aux délinquants libérés d'office, ce qui pourrait contribuer à accroître le nombre de délinquants souhaitant envisager cette option.

68.   Une trousse de planification de la mise en liberté sous condition en vertu de l'article 84 a été préparée et largement distribuée à l'échelle du SCC et aux collectivités afin de fournir un guide détaillé sur cette option de mise en liberté [59] . Cette trousse décrit 25 tâches nécessaires à l'élaboration d'un plan de mise en liberté en vertu de l'article 84. Ces tâches touchent les détenus, les premiers intervenants en établissement, les agents de libération conditionnelle en établissement, les ACADA, les agents de libération conditionnelle ainsi que les collectivités et les organisations autochtones. Le processus est complexe et suppose un certain nombre de mesures qui doivent être coordonnées et menées dans des délais établis.

69. Plusieurs personnes interrogées estiment que les autorités correctionnelles ne comprennent pas bien l'article 84 et que le processus est beaucoup trop long, compliqué et frustrant. Des problèmes surviennent parfois dès le début du processus, lorsque le détenu doit écrire une lettre d'intérêt à la collectivité où il souhaite être mis en liberté. Cette étape soulève des questions relatives à la divulgation de renseignements personnels pour le détenu, informations qu'il ne veut peut-être pas communiquer à la collectivité où pourrait habiter la victime ou sa famille. Un changement des dirigeants locaux à la suite d'élections peut mettre fin au processus de planification de la mise en liberté; parfois, on ne sait pas qui dans la collectivité peut prendre les décisions.

70.   Le manque de ressources pose un autre problème. Les collectivités ne sont pas dédommagées pour la surveillance exercée afin de s'assurer que le délinquant respecte les conditions imposées en application de l'article 84. Le SCC prend toutefois des mesures pour rembourser les services lorsque le requiert le plan de mise en liberté. Le plan est censé prévoir les coûts des programmes et du transport, mais il n'y a aucune garantie que ces dépenses seront remboursées par le SCC . La décision d'assumer les coûts dépend de la mesure dans laquelle le cours ou le programme répond aux besoins du délinquant et de la disponibilité des fonds [60] . Bien des Autochtones et des collectivités des Premières nations jugent condescendant le fait que le SCC , et non la collectivité, décide de la validité des programmes à l'appui de la guérison et de la réinsertion sociale des délinquants autochtones mis en liberté.

71.   Des personnes interrogées avaient l'impression que certains responsables ne saisissaient pas l'esprit de l'article 84, croyant à tort que les délinquants pouvaient réintégrer une collectivité des Premières nations seulement s'ils acceptaient de suivre un chemin traditionnel de guérison. (Ce n'est pas le cas dans la région des Prairies, où les ADACA collaborent avec tous les groupes confessionnels pour s'assurer que les délinquants autochtones ont l'appui de leur confession religieuse pour continuer leur parcours spirituel.) L'idée que les mises en liberté en vertu de l'article 84 visent surtout les collectivités autochtones ne tient pas compte du fait que la plupart des délinquants autochtones seront mis en liberté dans des centres urbains. Le SCC doit chercher davantage à établir des relations avec les organisations autochtones en milieu urbain – comme il l'a fait avec le centre Circle of Eagles Lodge à Vancouver et les Friendship Centres en Saskatchewan – pour mieux faire comprendre et accepter les mises en liberté en vertu de l'article 84.

72.   Un point a été soulevé par un grand nombre, à savoir qu'il y a trop peu d' ADACA pour établir les relations nécessaires avec les collectivités autochtones locales et celles en milieu urbain, sans compter que ces agents peuvent avoir plus d'une centaine de clients à gérer. Un moyen de réduire les efforts requis pour faciliter les mises en liberté en vertu de l'article 84 consiste à faire appel à des organisations collectives autochtones qui agissent comme agents, représentant le SCC et le délinquant.

73.   Des progrès ont été réalisés sur ce point. Le Mi'kmaq Legal Support Network ( MLSN ) en Nouvelle-Écosse a travaillé en collaboration avec le SCC , la Commission des libérations conditionnelles du Canada et le ministère des Affaires autochtones pour mettre au point un modèle et un protocole visant à faciliter la mise en liberté et la guérison des délinquants provenant d'établissements correctionnels provinciaux et fédéraux. Le protocole est conçu pour accroître la capacité des collectivités Mi'kmaq de contribuer à la réinsertion sociale en toute sécurité des délinquants dans leur collectivité de manière cohérente, et ce en établissant des liens entre le délinquant et la collectivité, le MLSN et les gouvernements, permettant ainsi aux collectivités d'offrir des processus de guérison efficaces grâce à la mise en œuvre de nouveaux programmes et de nouvelles approches. Le protocole offre la possibilité d'accroître rapidement la capacité de la collectivité de déterminer la nature de leur rôle auprès des délinquants et des victimes de manière à mettre en place des stratégies conçues pour contribuer à la mise en liberté sans incident des délinquants [61] .

74.  Conformément à l'entente liée à ce protocole, le MLSN jouera un rôle actif à l'égard des mises en liberté en vertu de l'article 84. En partenariat avec le SCC , il prendra des mesures pour que le délinquant obtienne une permission de sortir lui permettant de participer à un cercle dans la collectivité pour discuter de la responsabilisation et de questions intéressant toutes les parties. Dans la mesure du possible, ces cercles sont tenus dans la collectivité. Après cette rencontre, un plan de mise en liberté est préparé et joint à la demande de mise en liberté du délinquant. Des comités relatifs à l'article 84 sont établis afin de consulter les membres et les dirigeants de la collectivité au sujet des activités et des responsabilités que la collectivité est prête à prendre en main à l'appui d'un délinquant mis en liberté. Il s'agit là de pratiques exemplaires en devenir.

MODÈLE DE CONTINUUM DE SOINS LIÉS AUX SERVICES CORRECTIONNELS POUR AUTOCHTONES

75.  L' enquête dont découle le présent rapport ne comprend pas un examen du modèle de continuum de soins pour les délinquants autochtones, ni du Cercle de soins pour les délinquantes autochtones. Toutefois, ce continuum a une incidence sur les mesures prévues aux articles 81 et 84. Mis au point et en œuvre en 2003 en consultation avec des intervenants autochtones, ces deux instruments incorporent des interventions qui tiennent compte de la culture et de la spiritualité à toutes les étapes de la peine du délinquant. Le modèle de continuité de soins est appliqué dès l'évaluation initiale, durant les parcours de guérison tout au long de l'incarcération, pour aboutir à la bonne réinsertion sociale des délinquants autochtones dans leur collectivité [62] . Ce modèle, et l'approche adoptée par le SCC pour améliorer les services correctionnels pour délinquants autochtones, doit être vu comme un pas important par rapport à ce qui se faisait il y a trente ans, lorsque le foin d'odeur était couramment banni des établissements fédéraux et que l'on n'accordait pas aux Aînés le respect qu'ils méritaient.

La gamme de soins liés aux services correctionnels

76. Les articles 81 et 84 sont des éléments essentiels de la phase du modèle axée sur la réinsertion sociale. Ainsi, tous les éléments précédents du modèle, comme l'évaluation, les initiatives liées aux Sentiers des autochtones et tous les aspects des programmes, doivent contribuer à procurer le plus d'avantages possible aux détenus tout au long de leur parcours de guérison. Si l'un des éléments du modèle ne donne pas les résultats voulus, le parcours de guérison du délinquant ne sera pas aussi efficace qu'on le voudrait, et le délinquant pourrait purger une plus longue partie de sa peine derrière les barreaux, ce qui retardera ses possibilités de profiter des mesures prévues aux articles 81 et 84.

77.   Les unités des Sentiers de guérison dans les établissements à sécurité moyenne [63] sont un concept évolutif, car ils ont été mis en place à l'origine pour offrir à un plus grand nombre de délinquants autochtones des conditions d'hébergement plus culturellement appropriées, alors que ceux établis en vertu de l'article 81 n'étaient pas utilisés au maximum. Ces unités offrent un milieu différent, à l'appui des délinquants qui ont montré qu'ils étaient résolus à participer à des activités traditionnelles, à des cérémonies et à un processus de guérison. En 2010-2011, 18,2 % des détenus autochtones avaient passé du temps dans une telle unité, et dans certains cas, les résultats étaient prometteurs. Les délinquants des unités des Sentiers autochtones ont été transférés plus souvent que les autres détenus autochtones dans des établissements de niveau de sécurité inférieur; obtenaient moins souvent des résultats positifs aux analyses d'échantillon d'urine et étaient plus susceptibles d'obtenir une forme de mise en liberté discrétionnaire [64] .

78.  Il n'est pas exagéré de dire que les Aînés jouent un rôle déterminant dans le processus de guérison, puisqu'ils dirigent les cérémonies et offrent des conseils et du soutien aux délinquants autochtones. Lors d'une réunion des Aînés et du personnel chargé des programmes au Pénitencier de la Saskatchewan, il a été question d'un certain nombre de préoccupations et de questions qui nuisent à la guérison des détenus autochtones en établissement et porte atteinte à la capacité des délinquants d'obtenir un transfèrement vers un établissement de niveau de sécurité inférieur, puis plus tard, vers un pavillon de ressourcement. Les Aînés travaillant dans les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81 et dans ceux du SCC font partie intégrante de l'environnement de guérison, mais ils doivent faire face à bon nombre des mêmes difficultés auxquelles se butent les Aînés des établissements du SCC . En raison des compressions budgétaires, les Aînés ne peuvent pas consacrer le temps et offrir le niveau de soins qu'ils jugent essentiels pour répondre aux besoins de leurs clients et créer un milieu de guérison dans ces pavillons. Il vaudrait la peine d'examiner de plus près les Aînés et leur rôle à l'égard du modèle de continuité des soins du SCC .

APPLICATION DES PRINCIPES DE L'ARRÊT GLADUE AU SEIN DU SYSTÈME CORRECTIONNEL FÉDÉRAL

79.  La décision de la Cour suprême du Canada ( CSC ) dans l'affaire Gladue découle de l'alinéa 718.2 e ) du Code criminel, qui prévoit que le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également de « l'examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones » [65] . Cette disposition a été ajoutée au Code criminel en 1995, pour apaiser les préoccupations que suscitait le recours excessif à l'incarcération pour combattre la criminalité, en particulier dans le cas des Autochtones. Le Parlement a reconnu que la surreprésentation des délinquants autochtones en milieu carcéral était un problème systémique à caractère racial et que le système de justice traditionnel contribuait à ce problème. Depuis l'entrée en vigueur de cette disposition en 1996, les tribunaux partout au Canada ont reçu le mandat de faire preuve de retenue dans l'incarcération des délinquants, en particulier des Autochtones [66] .

80.  Citant l'arrêt Gladue dans R. c. Ipeelee ( CSC , mars 2012) [67] , la Cour suprême a de nouveau invité les juges à utiliser une méthode d'analyse différente pour déterminer la peine appropriée dans le cas d'un délinquant autochtone, en accordant une attention spéciale aux circonstances particulières des délinquants autochtones. Ce faisant, le plus haut tribunal canadien a demandé que l'on impose des peines adaptées à la culture aux délinquants autochtones. Ces décisions peuvent raisonnablement être interprétées comme voulant dire que les principes de l'arrêt Gladue devraient être appliqués dans tous les secteurs du système de justice pénale, lorsque la liberté des délinquants autochtones est mise en péril.

81.  Le SCC s'est engagé à tenir compte des facteurs énoncés dans l'arrêt Gladue au niveau stratégique et opérationnel des services correctionnels pour Autochtones. Les facteurs sociaux historiques liés aux Autochtones peuvent comprendre, sans s'y limiter, les effets du régime des pensionnats, les antécédents de suicide dans la famille et la collectivité, l'expérience du système d'aide à l'enfance ou d'adoption, l'expérience de la pauvreté, le niveau ou le manque d'instruction, et les antécédents de toxicomanie dans la famille et la collectivité. Le SCC a récemment offert, à titre d'essai, une formation sur les principes de l'arrêt Gladue à des membres de son personnel. La Directive du commissaire (DC) 702 ( Délinquants autochtones ) stipule que tous les employés du SCC doivent tenir compte, entre autres facteurs, des antécédents sociaux des Autochtones au moment de prendre des décisions relatives au classement par niveau de sécurité, à la réévaluation du niveau de sécurité, au placement en isolement et à la mise en liberté sous condition [68] . Plusieurs autres DC incorporent les principes de l'arrêt Gladue , y compris la DC 705-6 ( Planification correctionnelle et profil criminel ), la DC 705-7 ( Cote de sécurité et placement pénitentiaire ), la DC 710-6 ( Réévaluation de la cote de sécurité du délinquant ) et la DC 712 ( Cadre pour la préparation des cas et la mise en liberté ) [69] .

82.  Les principes de l'arrêt Gladue , et les directives du commissaire à leur appui, devraient avoir une incidence importante sur l'accès, par les détenus autochtones, aux places et aux programmes offerts dans les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81. L'application de ces principes devrait aider à faire en sorte que les détenus autochtones sont placés dans des établissements de niveau de sécurité approprié, ont accès à des programmes culturels et correctionnels pour entreprendre leur parcours de guérison ainsi qu'à des occasions d'être transférés vers des établissements à sécurité minimale. Le placement dans un pavillon de ressourcement établi en vertu de l'article 81 est une progression naturelle du processus de guérison et de la réinsertion sociale éventuelle des délinquants autochtones et rejoint ce que dit la Cour suprême, à savoir que des mesures appropriées doivent être offertes aux délinquants autochtones.

83.  Toutefois, il n'est vraiment pas clair dans quelle mesure les principes établis dans l'arrêt Gladue sont appliqués dans le système correctionnel fédéral. Un thème commun est ressorti des consultations auprès du personnel du SCC et des pavillons ressourcement, soit que ces principes et l'esprit de la DC 702 ne sont pas bien compris. En outre, les personnes consultées n'ont présenté aucune idée concrète sur la façon de les mettre en œuvre. Le SCC a créé et a offert, à titre d'essai, un module de formation sur ces principes, mais il faudra un certain temps pour en connaître l'incidence sur le traitement quotidien des délinquants autochtones.

84.  La formation pilote a fait ressortir que le personnel en établissement croyait à tort la même chose : qu'il faut tenir compte des antécédents sociaux en conformité avec l'arrêt Gladue seulement dans le cas des délinquants autochtones qui suivent un parcours de guérison traditionnelle et qui travaillent avec un Aîné. En fait, la politique du SCC précise que les principes établis dans l'arrêt Gladue s'appliquent à tous les délinquants autochtones dès leur arrivée dans un établissement fédéral [70] . Cette idée fausse et d'autres montrent qu'une formation sur ces principes devrait être offerte à tous les employés du SCC qui participent à la prise de décisions ayant une incidence sur la liberté des délinquants autochtones. Durant les entrevues, certains ont indiqué qu'ils redoutaient que les délinquants, en raison d'une mauvaise application des principes, en particulier durant la période de l'évaluation, soient placés dans des établissements de niveau de sécurité supérieur, limitant ainsi leur accès aux programmes. Dans la Stratégie relative au cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones, le SCC indique qu'il respectera la décision dans l'affaire Gladue . Toutefois, le Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones – rapport de fin d'exercice 2010-2011 , ne fait aucune mention de ces principes ou des progrès réalisés en vue de mettre en place les directives contenues dans la DC 702 quatre ans après son adoption.

CONCLUSION

85.  Selon l'enquête, le SCC ne respecte pas l'intention du Parlement en ce qui concerne les articles 81 et 84 de la LSCMLC . Il n'accorde pas la priorité aux accords visés à l'article 81, et ces accords n'offrent pas une solution de rechange viable aux établissements du SCC .

86.  L'article 81 de la LSCMLC , en particulier si les alinéas a ) et c ) sont lus ensemble, indique clairement au SCC qu'il doit adopter une approche nouvelle et différente pour venir à bout de la surreprésentation chronique des Autochtones dans les établissements fédéraux. Le Parlement voulait que le SCC partage, avec les collectivités et les organisations autochtones, la gestion et la responsabilité, mais non la compétence, en matière de soins et de garde des délinquants autochtones.

87.  Le SCC a eu 20 ans pour régler les questions liées aux relations, à la confiance et à la gestion des risques que soulève la mise en œuvre d'accords en vertu de l'article 81. Toutefois, en 2011, seulement quatre pavillons de ressourcement étaient visés par cet article, pour un total de 68 places, et aucun établissement de ce genre en Colombie‑Britannique, en Ontario, dans les provinces de l'Atlantique ou dans les territoires. Les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81, s'ils fonctionnent à pleine capacité, peuvent seulement accueillir 2 % des détenus autochtones incarcérés dans des établissements fédéraux ou 20 % de ceux à sécurité minimale. En fait, jusqu'à tout récemment, il n'y avait pas de cadre stratégique pour appuyer la mise en place de ces pavillons, ni de critères pour évaluer les propositions des collectivités autochtones visant à mettre en place un tel établissement ou à appliquer une autre approche pour la garde des délinquants. Aucun nouveau pavillon n'a été établi en vertu de l'article 81 depuis 2001, et ce malgré une augmentation de près de 40 % du nombre de détenus autochtones entre 2001-2002 et 2010‑2011 [71] .

88.  Résultat : les quatre pavillons établis en vertu de l'article 81 sont dans une position précaire. Ils vivent dans l'insécurité parce qu'ils ne sont pas permanents et n'ont pas les ressources financières nécessaires pour supporter les coûts courants de fonctionnement et d'infrastructure. Ces facteurs importants nuisent à la réussite des établissements existants et à la mise en place de nouveaux pavillons en vertu de l'article 81. Les employés sont sous‑payés et ont peu de possibilités d'accroître leur revenu, ce qui peut les amener à s'épuiser au travail ou à chercher un emploi auprès du SCC , qui offre des salaires plus élevés et une sécurité d'emploi. Les pavillons de ressourcement visés à l'article 81 ne sont pas dédommagés pour la valeur ajoutée qu'ils apportent sur le plan correctionnel grâce au travail de bénévoles, pour la formation du personnel et pour les améliorations apportées, et leurs efforts à cet égard ne sont pas reconnus. Ce sont là d'importants obstacles qui empêchent les pavillons de ressourcement du SCC d'être transférés aux collectivités en vertu de l'article 81, et les collectivités de bien vouloir négocier des accords en application de cet article.

89.  La politique voulant que seuls les délinquants à sécurité minimale soient transférés, bien que rassurante pour les pavillons de ressourcement du SCC et ceux établis en vertu de l'article 81, pose plus de problèmes qu'elle ne procure d'avantages. Le SCC devrait collaborer avec les pavillons de ressourcement visés à l'article 81 pour trouver des moyens de leur permettre de décider des délinquants qui sont susceptibles de profiter de l'approche de guérison, peu importe leur classement selon le niveau de sécurité, et ce sans compromettre la sécurité et le milieu de guérison.

90.  Plus de 70 % des délinquants autochtones mis en liberté ne retournent pas dans une collectivité autochtone, mais dans un centre urbain. Pourtant, trois des quatre pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81 se trouvent sur des terres des Premières nations, et c'est le cas de tous les pavillons du SCC . Nonobstant les préoccupations soulevées par le SCC , à savoir que la mise en liberté d'un délinquant en milieu urbain augmente le risque de révocation ou de récidive, il est clair que le SCC doit tenir compte du profil démographique lorsqu'il fait appel aux mécanismes prévus aux articles 81 et 84. On trouve dans les communautés urbaines partout au Canada divers organismes et services autochtones qui pourraient parrainer ou appuyer la mise en place de pavillons de ressourcement en vertu de l'article 81 ou des mises en liberté en vertu de l'article 84.

91.  Il est entendu que les délinquants autochtones ne souhaitent pas tous suivre un chemin de guérison fondé sur les pratiques culturelles et spirituelles traditionnelles. Généralement, plusieurs délinquants appartiennent à un groupe confessionnel chrétien, et un grand nombre d'entre eux viennent de collectivités où le christianisme est au cœur des croyances de la population. Durant leur incarcération, certains de ces délinquants veulent entretenir leur foi et continuer à pratiquer leur religion après leur mise en liberté. Un groupe de dirigeants autochtones chrétiens de toutes les régions du pays ont proposé la mise en place d'un pavillon de ressourcement chrétien, fondé sur des principes comparables à ceux des peuples autochtones traditionnels [72] . Le SCC devrait envisager d'ajouter un modèle d'établissement chrétien s'il décide de conclure de nouveaux accords en vertu de l'article 81.

92.  Jusqu'à septembre 2011, les délinquantes autochtones sous responsabilité fédérale intéressées n'avaient d'autre choix que d'être transférées au Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci du SCC en Saskatchewan pour profiter d'un milieu de guérison offert par un pavillon autochtone. Des unités des Sentiers autochtones ont été mises en place dans deux des cinq établissements régionaux pour femmes (l'Établissement d'Edmonton pour femmes et l'Établissement Fraser Valley), et il y a maintenant un pavillon de guérison à l'Établissement Nova à Truro, en Nouvelle-Écosse, mais il s'agit de services et de soutien offerts en établissement. En 2011, conformément à un accord découlant de l'article 81, seize places ont été ajoutées pour les délinquantes autochtones au Centre de guérison Buffalo Sage à Edmonton, en Alberta. Les délinquantes autochtones des autres provinces n'ont donc pas accès à des possibilités de guérison dans un milieu communautaire, à moins d'un transfèrement en Saskatchewan ou en Alberta. Cette situation est particulièrement difficile pour les délinquantes autochtones qui ont des enfants.

93. Les mises en liberté en vertu de l'article 84 ne devaient pas reposer sur des processus complexes. Le but était plutôt d'accroître la participation des collectivités au processus de mise en liberté en offrant un soutien aux délinquants mis en liberté et en appliquant les conditions nécessaires à leur mise en liberté sûre et en temps opportun. Un certain nombre des personnes consultées ne comprenaient pas le but de l'article 84 ou encore étaient frustrées par le processus long et complexe requis avant même que la Commission des libérations conditionnelles du Canada examine le plan.

94.  L'enquête a révélé qu'à l'échelle du Canada, le SCC dispose de seulement douze ACADA, qui ont pour rôle de nouer des relations avec les collectivités autochtones et de coordonner le processus de mise en liberté en vertu de l'article 84. Ce nombre est clairement insuffisant pour répondre à la demande.

95.  Les Aînés sont au cœur du processus de guérison, que ce soit en raison des cérémonies, des enseignements ou des services de counseling qu'ils offrent. Ils sont une ressource très précieuse. Dans le cas des pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81, le sous-financement a souvent pour effet de limiter la disponibilité des Aînés. Tant et aussi longtemps que les Aînés ne pourront pas se concentrer sur les besoins en matière de guérison des délinquants, auront une charge de travail déraisonnable et ne recevront pas une rémunération adéquate, le modèle de continuum des soins du SCC ne permettra de réaliser le plein potentiel de réinsertion sociale des délinquants autochtones dans leur collectivité. Il y a lieu d'examiner en profondeur les services offerts par les Aînés dans les établissements fédéraux et les pavillons de ressourcement ainsi que les facteurs qui les empêchent de répondre aux besoins des délinquants autochtones.

96.  De tous les éléments de la stratégie sur les services correctionnels pour Autochtones du SCC , l'application des principes découlant de l'arrêt Gladue est celui qui semble le moins compris et le moins bien interprété. Malgré la formation offerte à titre d'essai à ses employés, le SCC devra faire preuve de leadership pour mettre l'accent sur la Directive du commissaire 702 et d'autres. La formation sur les principes de l'arrêt Gladue ne devrait pas être donnée seule, mais devrait faire partie d'un programme de formation complet offert à tous les employés du SCC .

97.  Comme il a été mentionné précédemment, deux pénitenciers de la région des Prairies ont une population majoritairement autochtone. Compte tenu de la surreprésentation croissante des Autochtones au sein du système correctionnel fédéral, de l'explosion des naissances chez les Autochtones et des réformes législatives, il est possible que d'autres établissements fédéraux, en particulier dans la région des Prairies, deviennent des établissements « autochtones ». Pour bien gérer cette population, le personnel des établissements du SCC doit mieux comprendre les peuples autochtones, leurs cultures et leurs traditions.

98.  Bien que les programmes de guérison dans les pavillons de ressourcement établis en vertu de l'article 81 semblent différents de ceux offerts dans les établissements du SCC , ceux-ci sont bien reçus par les résidants et sont efficaces. En fait, ces pavillons et les organismes autochtones qui les parrainent sont responsables des grandes innovations en matière de programmes correctionnels autochtones, comme les programmes En quête du guerrier en vous des Native Counselling Services of Alberta's ( NCSA ) et Waseskun Net du Centre de guérison Waseskun, qui établit des liens entre les détenus autochtones et leur collectivité d'origine.

99.  La pleine mise en œuvre des articles 81 et 84 de la LSCMLC est complexe et prend du temps. Elle ne permettra pas de régler seule les problèmes de la surreprésentation des autochtones au sein du système correctionnel fédéral. Il est fort possible que le SCC ait à composer avec un système correctionnel majoritairement autochtone dans la région des Prairies, et que la proportion d'Autochtones soit un facteur important dans toutes les autres régions. L'approche actuelle en matière de services correctionnels pour Autochtones est déficiente. Le nombre de contestations fondées sur les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés ou de poursuites en vertu des lois sur les droits de la personne augmentera sans doute. Le SCC doit cesser de s'en tenir à son approche actuelle, qui mise avant tout sur les interventions en établissement au détriment de solutions communautaires.

100.  Comme l'expose en détail la présente enquête, au fil des ans, toute une série d'obstacles se sont dressés, nuisant à la mise en œuvre, par le SCC , des mécanismes prévus aux articles 81 et 84 de la LSCMLC . En ne simplifiant pas l'accès par les délinquants autochtones aux solutions offertes par les articles 81 et 84, le SCC est en partie responsable de la surreprésentation et de l'écart grandissant touchant les résultats correctionnels entre les délinquants autochtones et non autochtones. Le sous-financement chronique des établissements visés à l'article 81, les critères restreints en matière d'admissibilité et de placement et les résultats différentiels ont pour effet de continuer à désavantager les délinquants autochtones au sein du système correctionnel fédéral. Conformément aux expressions de l'autonomie autochtones, les articles 81 et 84 traduisent la promesse de redéfinir la relation entre les peuples autochtones et le gouvernement fédéral. Lorsque la LSCMLC a été promulguée en novembre 2012, on espérait transférer le contrôle d'un plus grand nombre d'aspects de la planification de la mise en liberté des délinquants autochtones et d'accroître l'accès à des services et des programmes adaptés à la culture. Vingt ans plus tard, il est temps que les services correctionnels fédéraux harmonisent leurs politiques en fonction de l'intention originale du Parlement, qu'ils utilisent leurs ressources en conséquence et qu'ils prennent les mesures qui s'imposent.

RECOMMANDATIONS

1.  Le SCC devrait créer le poste de sous-commissaire des services correctionnels pour Autochtones afin d'assurer une coordination adéquate entre les différents secteurs du SCC , ainsi qu'avec les partenaires fédéraux et les collectivités autochtones.

2.  Le SCC devrait établir une stratégie à long terme pour conclure d'autres accords en vertu de l'article 81 et accroître considérablement le nombre de places dans les régions où le besoin existe. Il devrait obtenir les fonds pour cette stratégie en présentant une demande au Conseil du Trésor ou en procédant à une réaffectation interne. Ce financement ne devrait pas être inférieur au montant de 11,6 millions de dollars qui a été réaffecté en 2001, lequel devrait être rajusté pour tenir compte de l'inflation.

3.  Le SCC devrait réitérer son engagement à mettre en place des pavillons de ressourcement en vertu de l'article 81 : a) en négociant des niveaux de financement permanent et réalistes pour les pavillons visés par l'article 81 actuels et futurs, y compris des crédits adéquats pour le fonctionnement, les infrastructures et la parité salariale avec le SCC ; b) en poursuivant les négociations avec les collectivités où se trouvent des pavillons du SCC en vue de leur en confier le fonctionnement.

4.  Pour toutes les négociations, le SCC devrait conclure un protocole d'entente avec l'organisme visé ou les dirigeants des Premières nations pour s'assurer que ces derniers et les Aînés participent aux négociations et soient considérés comme des partenaires égaux.

5.  Le SCC devrait examiner à nouveau le recours à des accords visés à l'article 81 qui ne prévoient pas la mise en place de pavillons de ressourcement, en particulier dans les collectivités ou les régions où le nombre de délinquants ne justifie pas la présence de tels établissements. Il devrait tenir compte des résultats de cet examen dans sa stratégie d'ensemble relative à l'article 81.

6.  Le SCC devrait revoir soigneusement le processus de mise en liberté en vertu de l'article 84 dans le but de réduire les lourdeurs administratives et d'accélérer le processus.

7.  Le SCC doit élargir le programme de formation de son personnel afin d'ajouter une formation approfondie sur les peuples autochtones, leur histoire, leur culture et leur spiritualité pour tous les employés, notamment sur l'application des principes de l'arrêt Gladue dans la prise de décisions correctionnelles. Cette formation ne devrait pas être ponctuelle, mais devrait plutôt être renouvelée tout au long de la carrière de l'employé.

8.  Le SCC doit éliminer les difficultés auxquelles doivent faire face les Aînés dans les établissements et les pavillons de ressourcement pour que la guérison des délinquants autochtones soit leur principale préoccupation et responsabilité. De plus, le SCC devrait établir des normes de services, des charges de travail et une rémunération réalistes en ce qui concerne les services offerts par les Aînés. Le SCC devrait s'occuper de rendre compte des progrès accomplis par rapport à ces normes dans son Cadre de responsabilisation de gestion.

9.  Le SCC devrait travailler en partenariat avec des entités autochtones – conseils tribaux, organisations métisses ou inuites, associations en milieu urbain – afin d'établir des protocoles pour les mises en liberté en vertu de l'article 84 dans leur milieu respectif. Ces protocoles, qui pourraient être fondés sur le modèle établi par le MLSN , redéfiniraient la relation entre le SCC et les collectivités autochtones et mettraient en place un processus permettant aux collectivités d'accepter et de surveiller les délinquants mis en liberté en application de l'article 84.

10.  Le SCC devrait travailler de concert avec les communautés autochtones chrétiennes, inuites et d'autres pour mettre en place, au besoin, des accords en vertu de l'article 81.

ANNEXE A

CONSULTATIONS ET ENTREVUES 

Service correctionnel du Canada 

Direction des initiatives pour les Autochtones

Bureau de la région du Pacifique

Bureau de district de l’Alberta

Bureau régional des Prairies

Pavillons de ressourcement du SCC 

Village de guérison Kwìkwèxwelhp, Colombie‑Britannique

Pavillon de ressourcement Pê Sâkâstêw, Alberta

Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, Saskatchewan

Pavillons de ressourcement établis en vertu de l’article 81 

Centre de guérison Stan Daniels, Alberta

Centre de guérison Buffalo Sage pour femmes, Alberta

Pavillon de ressourcement spirituel du Grand conseil de Prince Albert, Saskatchewan

Centre de guérison Waseskun, Québec

Autres 

Division des politiques correctionnelles autochtones, Sécurité publique Canada

Dirigeants de la Première nation de Nekaneet, Saskatchewan

Aînés et personnel du Pénitencier de la Saskatchewan

Aîné du Centre Pê Sâkâstêw, Alberta

Organisations autochtones 

Native Counselling Services of Alberta 

ANNEXE B

BIBLIOGRAPHIE 

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Service correctionnel Canada (2012). Directive du commissaire 702 Délinquants autochtones. 

Service correctionnel Canada (2012). Rapport sur les plans et les priorités 2012-2013. 

Service correctionnel Canada, Direction d'évaluation et revue, Secteur de l'évaluation du rendement. (2004). Rapport Final – Initiative de l'approche correctionnelle judicieuse – Réinsertion sociale des autochtones. 

Service correctionnel Canada, Direction d'évaluation et revue, Secteur de l'évaluation du rendement (2005). Evaluation Framework of the Assessment of the Nekaneet First Nation Capacity to Enter into CCRA Section 81 with the Correctional Service of Canada .

Service correctionnel Canada, Direction de l'évaluation, Secteur de l'évaluation du rendement. (2005). Rapport d'évaluation : Accord conclu aux termes de l'article 81 par le Native Counselling Services of Alberta et le Service correctionnel du Canada, et le Centre de guérison Stan Daniels. 

Service correctionnel Canada, Direction de la recherche, Secteur de la politique, de la planification et de la coordination (2002). Étude sur les pavillons de ressourcement pour délinquants sous responsabilité fédérale au Canada. 

Service correctionnel Canada, Direction de la réinsertion sociale dans la collectivité (2010). Discussion Paper: First Nations, Métis and Inuit Community Reintegration: A Strategic Context .

Service correctionnel Canada, Direction de la vérification interne (2008). « Vérification de la gestion des ententes aux termes de l'article 81 ». 

Service correctionnel Canada, Direction des initiatives pour Autochtones. (2006). Plan stratégique relatif aux services correctionnels pour Autochtones 2006-07 à 2010-11. 

Service correctionnel Canada, Direction des initiatives pour les Autochtones (2010). Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones. 

Service correctionnel Canada, Direction des initiatives pour les Autochtones (2011). Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones rapport de fin d'exercice 2010‑2011. 

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Young, Sara (2011). Gladue and Correctional Service Canada: A Report on the Application of Gladue Principles in Federal Corrections in Canada . Aboriginal Corrections Policy Division,Sécurité publique Canada.

NOTES DE LA FIN

[1] R. c. Gladue (1999) 1 R.C.S. 688.

[2] Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , L.C. 1992, ch. 20.

[3] Michelle M. Mann (2009). De bonnes intentions... des résultats décevants : rapport d'étape sur les services correctionnels fédéraux pour Autochtones . Bureau de l'enquêteur correctionnel.

[4] Conversation avec Gina Wilson, ancienne directrice générale, Questions autochtones, Service Correctionnel Canada.

[5] Requête en modification C-36 du gouvernement (1992). Rejetant une requête de M. Blackburn (NPD) en vue de modifier le paragraphe 81(1) pour préciser que le ministre doit ... le gouvernement a affirmé que le ministre n'est pas obligé de conclure une entente et que le consentement mutuel des parties est essentiel à la négociation et à la conclusion d'une entente satisfaisante pour le ministre et les collectivités autochtones.

[6] Établissement Mountain (Comité pour le transfert des délinquants autochtones) c. Canada. [1997] A.C.F 19. Le tribunal affirme dans cette affaire qu'il s'agit d'une action en justice intentée au nom de 1 800 détenus autochtones en vue du transfèrement de délinquants sous le soin et la garde de la collectivité autochtone en vertu de l'article 81. Le tribunal a également affirmé que la demande n'était pas fondée en droit, parce que rien n'oblige le Service à assurer le placement en établissement en vertu de cet article, qui est facultatif, et non obligatoire.

[7] La Politique sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale précise que « pénitenciers et libérations conditionnelles » font partie des catégories qui demeurent sous la compétence du gouvernement fédéral, mais pour lesquels il est possible de négocier l'exercice de pouvoirs administratifs.

[8] Service correctionnel Canada, Direction des initiatives pour les Autochtones (2011). Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones - Rapport de fin d'exercice 2010-2011 , p. 3-4.

[9] Sécurité publique Canada (2011). Aperçu statistique : le système correctionnel et la mise en liberté sous condition – Rapport annuel 2011 , p. 51.

[10] Ibid. p. 61.

[11] Sécurité publique Canada (2000). Aboriginal Corrections Policy Strategic Plan .

[12] Statistique Canada (2006). « Peuples autochtones du Canada en 2006 : Inuits, Métis et Premières nations ». Recensement de 2006.

[13] Statistique Canada (2005). Projections des populations autochtones, Canada, provinces et 

territoires, 2001 à 2017. 

[14] Secrétariat du Conseil du Trésor (1975), The Native Inmate within the Federal Penitentiary System , p. 3.

[15] Ibid. p. 4.

[16] Solliciteur général Canada, Division des communications. (1975). Les Autochtones et la justice : rapports de la Conférence nationale et de la Conférence fédérale-provinciale sur les Autochtones et le régime de justice pénale , p. 11.

[17] Ibid. p. 38.

[18] Commission nationale des libérations conditionnelles, Approvisionnements et Services Canada (1988). Rapport final du Groupe d'étude sur les Autochtones au sein du régime correctionnel fédéral , p. 87.

[19] « Public Inquiry into the Administration of Justice and Aboriginal People », Report of the Aboriginal Justice Inquiry of Manitoba , volume 1, p. 83.

[20] Ibid. p. 642.

[21] Ibid. p. 24.

[22] Commission royale sur les peuples autochtones. (1996). Par-delà les divisions culturelles .

[23] Mann, op. cit.

[24] Le Centre Stan Daniel's et la Direction des initiatives pour les Autochtones de l'administration centrale du SCC ont confirmé qu'il y avait 68 places possibles en vertu d'accords visés à l'article 81.

[25] Service correctionnel Canada, Direction des questions autochtones. (2001). Plan d'action national sur les services correctionnels pour Autochtones , p. 3-4.

[26] Service correctionnel Canada (2002). Effective Corrections Results . CR 1750-16, p. 9-10. (3 juin 2002).

[27] Le financement prévu pour les initiatives découlant de l'Approche correctionnelle judicieuse s'élevait initialement à 45 millions de dollars sur cinq ans (de 2000-2001 à 2004-2005), le tout partagé entre le SCC (30 millions), la Commission des libérations conditionnelles du Canada (6,5 millions) et Sécurité publique Canada (8,5 millions). Sécurité publique Canada (mars 2011), Rapport final – Évaluation 2010-2011 des initiatives de l'approche correctionnelle judicieuse et de l'engagement des citoyens. 

[28] Service correctionnel Canada, Direction d'évaluation et revue, Secteur de l'évaluation du rendement. (2004). Rapport Final – Initiative de l'approche correctionnelle judicieuse – Réinsertion sociale des Autochtones .

[29] Service correctionnel Canada (2002). Effective Corrections Results , p. 2.

[30] Ibid. p. 2.

[31] Service correctionnel Canada (2004). Rapport Final – Initiative de l'approche correctionnelle judicieuse .

[32] Service correctionnel Canada, Direction des initiatives pour Autochtones. (2006). Plan stratégique relatif aux services correctionnels pour Autochtones 2006-07 à 2010-11 .

[33] Service correctionnel Canada, Direction des initiatives pour les Autochtones (2010). Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones .

[34] Service correctionnel Canada, Direction de la recherche, Secteur de la politique, de la planification et de la coordination (2002). Étude sur les pavillons de ressourcement pour délinquants sous responsabilité fédérale au Canada .

[35] Service correctionnel Canada, Direction des initiatives pour les Autochtones (2010). Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones .

[36] Service correctionnel Canada (2006). Plan stratégique relatif aux services correctionnels pour Autochtones 2006-07 à 2010-11 .

[37] Sécurité publique Canada (2011). Aperçu statistique : le système correctionnel et la mise en liberté sous condition - Rapport annuel 2011 .

[38] Service correctionnel Canada (2012). Rapport sur les plans et les priorités, 2012-2013 .

[39] Mann, op. cit.

[40] Ibid.

[41] Service correctionnel Canada, Direction de la vérification interne (2008). Vérification de la gestion des ententes aux termes de l'article 81 , p. 8.

[42] Les politiques incluent : Lignes directrices 541-2 : « Négociation, mise en œuvre et gestion des accords conclus en vertu de l'article 81 de la LSCMLC »; Lignes directrices 710-2-1 : « Article 81 de la LSCMLC : Admission et transfèrement de délinquants »; Lignes directrices 712-1-1 : « Article 84 de la LSCMLC : Processus d'application ».

[43] Service correctionnel Canada, Direction de la recherche, Secteur de la politique, de la planification et de la coordination. (2002). Étude sur les pavillons de ressourcement pour délinquants sous responsabilité fédérale au Canada , p. 66-67.

[44] Service correctionnel Canada (2010). SCC Lignes directrices 710-2-1 : « Article 81 : Admission et transfèrement de délinquants ».

[45] Service correctionnel Canada (2011). Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones – Rapport de fin d'exercice 2010-2011 , p. 20.

[46] Sécurité publique Canada (2011). Aperçu statistique : le système correctionnel et la mise en liberté sous condition – Rapport annuel 2011 , p. 53.

[47] Données du Système de gestion des délinquants du SCC fournies par la Direction des initiatives pour les Autochtones, 30 janvier 2012.

[48] Ibid.

[49] Service correctionnel Canada (2011). Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones – Rapport de fin d'exercice 2010-2011 , p. 6.

[50] Données du Système de gestion des délinquants du SCC fournies par la Direction des initiatives pour les Autochtones, 30 janvier 2012.

[51] Entrevue avec le personnel du Centre de guérison Waseskun.

[52] Correctional Service Canada. Evaluation Branch, Policy Sector. (2011). Evaluation Report: Strategic Plan for Aboriginal Corrections – Chapter One: Aboriginal Healing Lodges , p. 11.

[53] Service correctionnel Canada. Direction de l'évaluation, Secteur des politiques (2011). Rapport d'évaluation – Plan stratégique relatif aux services correctionnels pour Autochtones – Chapitre un : Pavillons de ressourcement autochtones , p. 11.

[54] Données du Système de gestion des délinquants du SCC fournies par la Direction des initiatives pour les Autochtones, 30 janvier 2012.

[55] Service correctionnel Canada (2011). Rapport d'évaluation Plan stratégique relatif aux services correctionnels pour Autochtones .

[56] Service correctionnel Canada, (2008). Directive du Commissaire 702 – Délinquants autochtones .

[57] Service correctionnel Canada (2011), Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones – Rapport de fin d'exercice 2010-2011 , p. 8.

[58] Ibid., p. 6.

[59] Service correctionnel du Canada, Direction des initiatives pour les Autochtones, (non daté). Conditional Release Planning Kit .

[60] Service correctionnel Canada (1998). Procedures for Initiating Section 84 ., p. 19. (note de service interne).

[61] Sécurité publique Canada, Unité des politiques correctionnelles autochtones, Mi'kmaw Legal Support Network (2010). Building a Bridge. Aboriginal Inclusion in Community Healing and the Process of Reintegration for Aboriginal Offenders .

[62] Service correctionnel Canada (2011). Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones – Rapport de fin d'exercice 2010-2011 , p. 6.

[63] Il y a également des unités des Sentiers autochtones dans deux des cinq établissements régionaux pour femmes : l'Établissement d'Edmonton pour femmes et Établissement de la vallée du Fraser pour femmes.

[64] Ibid ., p. 10

[65] Code criminel du Canada , L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 718.2c).

[66] Mann (2009), op. cit.

[67] R. c. Ipeelee , 2012 CSC 13.

[68] Service correctionnel Canada. (2008). Directive du Commissaire 702 – Délinquants autochtones , art. 17.

[69] Il faut noter que ces DC sont en cours de révision.

[70] Sara Young. (2011). Gladue and Correctional Service Canada: A Report on the Application of Gladue Principles in Federal Corrections in Canada , p. 14-15, Unité des politiques correctionnelles autochtones, Sécurité publique Canada.

[71] Sécurité publique Canada (2011), op. cit.

[72] Sécurité publique Canada, Unité de la politique correctionnelle autochtone. (2006). Une question de foi : une rencontre entre chrétiens autochtones , Collection Peuples Autochtones, APC 24 CA.


Date de modification 
2013-09-16 



 

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Office of the Correctional Investigator - Report

Bureau de l’enquêteur correctionnel - rapport annuel 2020-2021

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Le 30 juin 2021

L'honorable Bill Blair 
Ministre de la Sécurité publique 
Chambre des communes 
Ottawa, Ontario

Monsieur le Ministre,

J'ai le privilège et le devoir conformément aux dispositions de l'article 192 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de vous présenter le quarante huitième rapport annuel de l'Énquêteur correctionnel.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments distingués.

Ivan Zinger, J.D., Ph.D. 
Enquêteur correctionnel


Table des matières

Message de l’enquêteur correctionnel 

Message de la directrice exécutive 

Mises à jour nationales et enjeux importants 

Enquêtes nationales 

1. Enquête sur les recours à la force impliquant des détenus fédéraux noirs, autochtones, de couleur (PANDC) et d’autres populations vulnérables 

2. Un examen des services correctionnels pour femmes 30 ans après La création de choix 

3. Observations préliminaires sur les unités d’intervention structurée 

4. Une enquête sur le recours à l’isolement médical dans les établissements correctionnels fédéraux 

5. Une enquête sur un suicide dans un établissement à sécurité maximale 

6. Ratification par le Canada du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture (OPCAT) (OPCAT) 

Vision de l’enquêteur correctionnel pour 2021-2022 

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel 

Annexe A : Résumé des recommandations 

Annexe B : Statistiques annuelles 

Annexe C : Autres statistiques 

Annexe D : Rapports ministérielle 


Message de l’enquêteur correctionnel

Photo de M. Ivan Zinger, l'enquêteur correctionnel du Canada

M. Ivan Zinger, 
Enquêteur correctionnel 

J’écris le mot d’ouverture de mon rapport annuel 2020-2021 au milieu de la troisième vague de la pandémie mondiale de COVID-19. Dans quelques mois, lorsque mon rapport aura été déposé au Parlement et rendu public, j’espère que le pire de cette période très difficile sera derrière nous. Il a été extrêmement difficile de remplir certains aspects de mon mandat alors que les visites régulières dans des prisons fédérales par les membres de mon personnel sont toujours suspendues. Bien que mon Bureau soit passé à un modèle de visites virtuelles au début de l’année 2021, une approche qui permet à mes enquêteurs d’interroger de manière confidentielle les détenus par vidéoconférence à distance, rien ne remplace les visites en personne. La valeur ajoutée du travail de mon Bureau réside dans la capacité du personnel d’enquête à établir un rapport personnel et un dialogue avec les personnes incarcérées et le personnel pénitentiaire, à mener des entretiens en personne, à faire l’expérience et à inspecter directement les réalités vécues de l’incarcération, et à chercher à résoudre les problèmes de manière informelle sur place. J’attends avec impatience le jour où mon personnel et moi-même serons de retour au bureau et où les visites en personne dans les prisons auront repris.

Entre-temps, au risque d’être trop optimiste, je veux profiter de cette occasion pour partager quelques réflexions et conclusions, basées sur le travail de mon Bureau, sur la façon dont la pandémie a touché les services correctionnels fédéraux. Mon intention est de réfléchir à cette expérience d’une manière qui pourrait contribuer à guider ou à façonner la voie à suivre pour les services correctionnels dans un monde post-pandémique. Je conclurai par quelques réflexions sur la manière dont mon Bureau a mené ses activités en ces temps de COVID-19 et je présenterai certaines des enquêtes (non liées à la COVID) réalisées au cours de cette période de rapport.

Je pense qu’il est juste de dire que le Service correctionnel du Canada (SCC), comme le reste du pays, n’était pas adéquatement préparé à faire face au fléau d’une pandémie mondiale en évolution rapide. Il est compréhensible que la première vague de COVID-19 (de fin mars à fin mai 2020) ait suscité beaucoup d’inquiétude, de confusion et même de panique, car elle a entraîné l’apparition d’éclosions dans six pénitenciers en Colombie-Britannique, au Québec et en Ontario. Lors de la première vague, 361 prisonniers ont contracté le virus. Une deuxième vague plus virulente d’éclosions dans les prisons s’est installée au début novembre, avec de nouveaux cas positifs à la mi-décembre ayant atteint un sommet. À la fin de la période de rapport (31 mars 2021), au cours de la troisième vague de COVID, le SCC avait signalé 1 450 infections parmi les détenus, 21 établissements sur 43 ayant connu une éclosion. Environ dix pour cent de tous les détenus ont eu un diagnostic positif à la COVID-19, ce qui représente un taux d’infection nettement plus élevé que dans la population canadienne. Footnote

Photo des unités infectées par la COVID-19 à l’établissement Port-Cartier.

Unités infectées par la COVID-19 à l’établissement 
Port-Cartier 

Bien sûr, les statistiques ne disent pas tout. Derrière les chiffres globaux se cachent des réalités qui font réfléchir. Tout simplement, certaines personnes et certains établissements s’en sont mieux tirés que d’autres. Par exemple, proportionnellement plus d’établissements dans la région des Prairies ont connu des épidémies (7 sur 12) par rapport aux autres régions. Dans mon deuxième rapport de situation sur la COVID-19 (février 2021), j’ai signalé, avec inquiétude, que les Autochtones représentaient près de 60 % de tous les cas positifs de COVID-19 dans les prisons fédérales depuis novembre. Sur le plan démographique, les Autochtones derrière les barreaux sont relativement plus jeunes que les autres groupes raciaux. Par conséquent, les taux d’infection plus élevés chez les Autochtones ont considérablement réduit l’âge moyen des personnes infectées.

J’ai également noté à l’époque qu’il semblait y avoir un lien entre les taux de transmission et l’infrastructure, l’âge et la conception des prisons. Par exemple, le pénitencier de Saskatchewan et l’Établissement de Stony Mountain, deux des plus anciennes et des plus grandes prisons du Canada, ont connu le plus grand nombre d’infections à la COVID-19, y compris de multiples éclosions. Les deux établissements accueillent un grand nombre d’Autochtones, qui souffrent d’un taux d’infection plus élevé que les autres groupes. En outre, les parties les plus anciennes de ces établissements présentent une mauvaise ventilation, des espaces de rassemblement vastes et ouverts, et des cellules avec des barreaux ouverts.

En même temps, malgré leur nombre nettement inférieur, les femmes détenues ont connu pratiquement le même pourcentage d’infections (11,8 %) que les hommes détenus (11,7 %). Footnote 2 Il s’agit probablement d’une conséquence du logement collectif et des conditions de vie dans les sites régionaux pour femmes.

Si la propagation de la COVID-19 au sein de la population carcérale reflète souvent ce qui se passe dans la collectivité, les taux d’infection différentiels et la propagation inégale de la COVID-19 entre et au sein de la population carcérale pourraient bénéficier d’un examen plus approfondi. Les vecteurs de transmission (de l’extérieur vers l’intérieur), les taux de propagation dans les collectivités et les prisons, les mesures de confinement et d’isolement, les protocoles de nettoyage et d’hygiène, ainsi que les mesures de prévention et de contrôle des infections doivent tous faire l’objet d’un examen minutieux et d’un examen de la vulnérabilité et de la résilience. Ces travaux contribueraient à éclairer les futurs efforts de prévention, de surveillance et d’intervention, et devraient idéalement être menés indépendamment du service pénitentiaire.

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique demande à l’Agence de la santé publique du Canada de mener une étude épidémiologique indépendante sur les taux différentiels d’infection et de propagation de la COVID-19 dans les prisons fédérales canadiennes et de rendre publics les résultats et les recommandations. 

     

Les mesures adoptées pour contenir, contrôler et prévenir les éclosions actives en prison – suspension indéfinie des visites en personne, périodes prolongées de confinement et d’isolement cellulaire, interruption des programmes et des services, restrictions du temps passé dans les cours et hors de la cellule, et imposition de périodes d’isolement médical de 14 jours – ont été exceptionnellement difficiles et astreignantes pour les personnes vivant derrière les barreaux. Au moment de la rédaction de ce rapport, la plupart des prisons restent fermées aux visites et certaines personnes n’ont pas eu de visite de contact depuis plus d’un an. D’autres mesures extrêmes – isolement cellulaire quasi total (22 heures ou plus par jour), exercice en plein air une fois tous les deux ou trois jours, 20 minutes hors cellule tous les deux jours pour prendre une douche ou utiliser le téléphone – violent le droit national et les normes internationales relatives aux droits de la personne. Il n’est peut-être pas surprenant qu’un certain nombre d’indicateurs de santé dans les prisons – incidents liés à l’usage de la force, nombre de décès naturels en détention, détenus s’automutilant – aient augmenté cette année, ce qui suggère un éventuel « choc » pandémique et indique peut-être comment certains détenus font face à des périodes de stress, d’incertitude et d’anxiété extrêmes.

Dans ma première mise à jour, j’ai rappelé aux autorités correctionnelles et de santé publique que, même au milieu d’une urgence de santé publique, les droits fondamentaux de la personne et la dignité doivent être respectés. En outre, les mêmes mesures et protections recommandées par les autorités nationales de santé publique doivent être fournies aux populations carcérales. Les principes d’équivalence des soins et les obligations de diligence s’appliquent, quel que soit le statut ou l’urgence de la personne. Les difficultés inhabituelles et les conditions extraordinaires imposées par la COVID-19 aux populations carcérales et la question de redressement devront peut-être être résolues par les tribunaux. Toutefois, le fait que les droits des prisonniers doivent être restreints ou suspendus dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publique mérite d’être pris en compte, alors que nous examinons les leçons tirées de la pandémie.

Les mesures et les restrictions liées à la pandémie ont élargi les lacunes du système.Ils ont révélé l’absence d’un cadre de libération conditionnelle pour raisons médicales qui aurait permis à certaines personnes âgées ou affaiblies par des troubles médicaux, répondant aux critères fixés par la loi, de demander une libération anticipée de la prison pour des raisons de santé. Dans mon enquête sur le vieillissement et la mort derrière les barreaux, j’ai réclamé un tel mécanisme, mais je me suis heurté au silence. Bien qu’il existe un cadre permettant d’accorder la libération conditionnelle à titre exceptionnel, seule une poignée d’entre elles sont approuvées chaque année, un nombre qui est resté relativement inchangé au cours de la pandémie. L’absence continue d’action pour trouver une réforme pratique et rentable a causé des douleurs et des souffrances inutiles tout au long de la crise sanitaire de la COVID-19. Cela aurait pu être évité.

Dans le même ordre d’idées, les réalités de la pandémie ont mis en lumière les lacunes largement connues et bien documentées en matière d’accès aux programmes et de capacité derrière les barreaux, et ont exposé davantage les obstacles à la réintégration dans un système qui a malheureusement refusé de mettre à jour ses plateformes technologiques et de prestation de services aux détenus. Lorsque la pandémie a frappé, il n’y avait tout simplement pas de capacité à soutenir l’apprentissage en ligne ou virtuel ou la programmation correctionnelle de quelque nature que ce soit dans un pénitencier fédéral. Lorsque les interventions des programmes – éducatifs, professionnels et correctionnels – ont été suspendues ou réduites par des mesures de lutte contre la pandémie et des réductions de personnel, il n’y avait pas assez de bande passante ou d’infrastructure pour passer à des plateformes d’apprentissage à distance, numériques ou en ligne, au-delà des visites vidéo. Notre enquête sur les interventions correctionnelles menées au cours de la deuxième vague de la pandémie a révélé que la réduction ou l’interruption des programmes a retardé les audiences de libération conditionnelle et la remise en liberté dans la collectivité. Par conséquent, sans que cela soit de leur faute, les personnes incarcérées qui pouvaient bénéficier d’une surveillance communautaire ont passé plus de temps derrière les barreaux qu’elles ne l’auraient fait en temps normal.

La pandémie a également mis à nu un modèle de prestation de services de programmes qui est obsolète et qui, inexplicablement, prive de renseignements. Coincé quelque part au début des années 1990, c’est un système qui n’a pas réussi à fournir aux personnes derrière les barreaux un accès à des ordinateurs qui ne dépendent pas de CD-ROM ou de disquettes pour fonctionner ou être mis à jour. Dans nos prisons, l’accès supervisé au courrier électronique ou à Internet est inexistant, alors qu’ils sont largement disponibles dans les prisons du monde industrialisé. Dans mon enquête de l’année dernière sur l’apprentissage derrière les barreaux, j’ai noté que nos prisons fédérales sont de plus en plus en retard par rapport au reste du monde industrialisé. Ils ne fournissent pas aux personnes incarcérées l’occasion d’acquérir des compétences professionnelles, de s’éduquer et d’apprendre, ce dont elles ont besoin pour retourner en toute sécurité dans la collectivité et mener une vie productive tout en respectant les lois. La seule recommandation de ce rapport, comme tant d’autres avant lui, s’est heurtée à la résistance bureaucratique et à l’inertie du gouvernement. Si le Service avait adopté ou fait avancer les recommandations de mon dernier rapport annuel, bon nombre des problèmes qui ont été amplifiés par les conditions de la pandémie auraient pu être réduits ou évités complètement.

Il est important de reconnaître que, si difficiles qu’aient été les choses, elles auraient pu être bien pires. Dans ma dernière mise à jour sur la COVID-19, j’ai cité un certain nombre d’initiatives qui ont aidé le SCC à limiter les taux d’infection. D’innombrables membres du personnel ont fait des efforts exemplaires et des sacrifices personnels pour continuer à travailler pendant la pandémie. J’ai constaté personnellement ce dévouement lors de mes visites dans des établissements du Québec et de l’Ontario pendant les première et deuxième vagues de la pandémie. L’engagement extraordinaire, le service altruiste et le devoir envers les autres de la part du personnel de SCC doivent être reconnus et félicités. Les autres points forts de la réponse de SCC à la pandémie sont les suivants :

  1. Accès au dépistage rapide de la COVID-19; 

     
  2. Campagne universelle de vaccination des populations et du personnel pénitentiaires; 
     
  3. Vaccination précoce des personnes âgées et affaiblies par des troubles médicaux en détention; 
     
  4. Expansion de la capacité de visite vidéo; 

     
  5. Collaboration avec des agences et des experts externes en matière d’infection, de prévention, de contrôle et de réponse aux maladies; 

     
  6. Communication délibérée, ciblée et améliorée avec les intervenants externes et les familles au sujet des derniers développements de la réponse de SCC à la pandémie. 

     

Ces mesures ont sans aucun doute fait une différence positive et sauvé des vies.

Je m’en voudrais de ne pas mentionner l’engagement et le courage du secteur des services correctionnels communautaires sans but lucratif et des centaines d’employés, de bénévoles et d’établissements qui ont assuré la continuité de leurs services et ouvert leurs portes aux personnes qui retournaient dans la collectivité pendant cette crise. Le secteur des services correctionnels communautaires est véritablement l’un des héros méconnus de notre époque, surtout si l’on considère que les taux de sortie de prison pendant la pandémie sont restés relativement conformes aux moyennes historiques. Ces prestataires fonctionnent avec peu de reconnaissance et un taux journalier qui représente une fraction du coût de l’incarcération. Les prestataires communautaires pourraient et devraient faire davantage et, avec un financement plus approprié et des niveaux de personnel correspondant aux compétences et à la formation, je suis convaincu qu’ils pourraient fournir un éventail encore plus large de services et d’interventions qui favoriseraient davantage une réintégration sûre et rapide dans la collectivité.

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique procède rapidement à un examen approfondi du secteur des services correctionnels communautaires en vue d’améliorer considérablement le soutien financier, technique et infrastructurel. Le financement d’un modèle de services correctionnels communautaires revigoré pourrait s’opérer au détriment des services correctionnels institutionnels, proportionnellement à la baisse des mandats d’incarcération et des admissions de retour, ainsi qu’à la fermeture planifiée et progressive des pénitenciers redondants ou archaïques. 

     

Avant de conclure, permettez-moi de vous présenter quelques enquêtes non liées à la pandémie qui ont été menées l’année dernière et qui sont incluses dans le corps de mon rapport. Le Bureau a entrepris une enquête sur les recours à la force impliquant des détenus noirs, autochtones et de couleur (PANDC), ainsi que d’autres populations vulnérables (femmes, personnes ayant des antécédents de problèmes de santé mentale, d’automutilation et (ou) de tentative de suicide). Dans le contexte de mouvements sociaux plus larges et d’appels à l’action au Canada et ailleurs, et conformément à notre rôle de surveillance qui consiste à examiner tous les recours à la force dans les services correctionnels, la présente enquête examine spécifiquement le rapport entre la représentation raciale et les incidents de recours à la force dans les pénitenciers fédéraux canadiens. D’autres éléments sont soulevés ici :

  1. Examen des services correctionnels pour femmes 30 ans après La création de choix;

     
  2. Observations préliminaires sur les unités d’intervention structurée; 

     
  3. Enquête sur le recours à l’isolement médical dans les établissements pénitentiaires fédéraux; 

     
  4. Enquête sur un suicide dans un établissement à sécurité maximale; 

     
  5. Demande répétée pour la ratification par le Canada du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. 

     

Ces enquêtes sont révélatrices du travail systémique non lié à COVID qui reste à faire, ainsi que d’une série d’engagements, comme les défenseurs des droits des patients, la couverture des soins infirmiers 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans les prisons fédérales, et la lutte contre la coercition et la violence sexuelles derrière les barreaux, qui ont été retardés à cause de la pandémie.

En mon personnel, je dis un grand merci pour votre engagement et votre dévouement en ces temps extraordinaires. Puissions-nous bientôt célébrer ensemble des jours meilleurs.

Enfin, mon Bureau a travaillé avec le chef des organismes fédéraux pour développer un cadre de rapport alternatif qui rationaliserait les obligations de rapport afin de réduire la charge pour les micros et petits services et organismes. Notre objectif est de répondre aux responsabilités de gestion et de transparence envers les Canadiens en créant un modèle unique ou une annexe qui pourrait être ajoutée à un rapport annuel existant. C’est ce que j’ai fait cette année dans une annexe au présent rapport pour montrer la voie à suivre afin que la charge des comptes rendus soit réduite pour les petits organismes aux ressources limitées.

Ivan Zinger, Ph. D., J. D. 
Enquêteur correctionnel 
 

LE FARDEAU DES COMPTES RENDUS POUR LES PETITS ET MICRO–ORGANISMES

Depuis mon arrivée au Bureau de l’enquêteur correctionnel en 2004, j’ai été surpris par la complexité des opérations d’un petit organisme indépendant et par l’ampleur de la charge des comptes rendus imposée par les organismes centraux et les autres ministères. Lorsque j’ai été nommé pour la première fois enquêteur correctionnel du Canada il y a quatre ans, j’ai repris les responsabilités de mon prédécesseur en tant que membre du Comité directeur des Chefs d’organismes fédéraux (Comité directeur). En 2019, le Comité directeur a créé quatre groupes de travail chargés d’aborder divers défis rencontrés par les petits et micro-organismes. Je me suis porté volontaire pour codiriger le Groupe d’étude sur le fardeau des comptes rendus. Il est clairement ressorti qu’il existe un fort consensus parmi les petits et micro-organismes sur le fait que la charge des comptes rendus est excessivement bureaucratique et développée pour toutes les organisations gouvernementales, ce qui la rend très difficile à gérer pour les petits et micro-organismes. Le processus va au-delà de ce qui est requis pour adhérer aux principes de comptes rendus décrits dans le cadre principal des politiques du Conseil du Trésor pour les petits ministères et organismes.

Photo d'un classeur contenant les exigences en matière de rapports ministériels 2020-2021 pour le Bureau de l’enquêteur correctionnel.

Classeur contenant les exigences en matière de 
rapports ministériels 2020-2021 pour le Bureau 
de l’enquêteur correctionnel 
 

Pour donner une idée de la situation, en tant qu’administrateur général d’un petit organisme, mon Bureau a la même charge de comptes rendus que le très grand ministère qui est soumis à ma surveillance indépendante. Bien que mon organisme ne compte que 40 employés et dispose d’un budget annuel de 5,4 millions de dollars, je suis tenu de publier presque le même nombre de rapports, environ 40 rapports obligatoires, que le Service correctionnel du Canada, qui compte environ 19 000 employés et dispose d’un budget de plus de 2,5 milliards de dollars. Contrairement à SCC, mes lois m’obligent également à produire un rapport annuel, qui fournit des renseignements sur le travail accompli par mon Bureau, pour chaque année financière. Je reconnais qu’il est impératif de démontrer et d’assurer une bonne intendance des argents des contribuables, ainsi qu’une gestion saine des ressources humaines, mais le manque d’appréciation du fardeau des comptes rendus aux petites et micro-organismes est frappant.

La quantité de paperasserie et les exigences superflues en matière de compte rendu imposées aux petits et micro-organismes nuisent à l’exécution du mandat législatif de mon Bureau. J’ai actuellement quatre employés à temps plein et deux employés occasionnels affectés aux services corporatifs. Mon bureau embauche également des consultants occasionnels pour soutenir ses services corporatifs (p. ex., développer un nouveau système de gestion des cas et reconfigurer notre site Web en nuage). Ces employés du BEC sont tenus de gérer les éléments suivants :

  1. Services de gestion financière. 

     
  2. Gestion des ressources humaines. 

     
  3. Gestion de l’information. 

     
  4. Technologies de l’information. 

     
  5. Gestion et surveillance. 

     
  6. Services du matériel. 

     
  7. Services d’approvisionnement. 

     
  8. Services des biens immobiliers. 

     
  9. Soutien technique pour les outils de communication (Internet, intranet). 

     

De plus, ils doivent négocier et gérer une quinzaine de protocoles d’entente pour divers services avec d’autres ministères. Cette charge de travail et la charge de compte rendu qui lui est associée sont excessivement élevées, ce qui s’éloigne du principe d’efficacité des comptes rendus et de l’établissement d’un cadre de compte rendu où le coût de création et de présentation des renseignements doit être maintenu à un niveau minimal. En fait, je crois comprendre que quelques petits/micro-organismes consacrent désormais de 30 à 50 % de leur personnel aux services corporatifs. Ce n’est pas le cas pour mon Bureau, mais il est de plus en plus difficile de maintenir le niveau d’effectif actuel sans alléger certaines tâches.

Les Chefs des petits organismes soulèvent la question du fardeau des comptes rendus auprès du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) depuis plus d’une décennie maintenant. Quelques petits progrès ont été réalisés il y a des années, par exemple en supprimant l’exigence du Cadre de responsabilisation de gestion et, plus récemment, et c’est tout à son honneur, le SCT a lancé un processus visant à évaluer quelles exigences en matière de compte rendu pourraient être rationalisées. Le SCT a lancé une initiative visant à renouveler son Inventaire des exigences en matière de collecte d’information. Cette base de données a été conçue pour faciliter l’analyse des personnes soumises aux exigences, des types d’exigences, de la fréquence des comptes rendus et d’autres domaines importants. Parallèlement, le SCT espérait découvrir tout dédoublement ou toute redondance des exigences, ainsi que cerner les meilleures pratiques en matière de mode de soumission (p. ex., plateformes numériques, autres moyens de soumission électronique) qui pourraient être utilisées pour alléger la charge liée à ces exigences. À ce jour, le SCT a déterminé plus de 140 exigences de collecte dans 19 secteurs de dépenses et n’a proposé que des ajustements mineurs à la charge globale des comptes rendus. Plus important encore, sur les 40 rapports préparés par le BEC en 2020-2021, le SCT n’est responsable que de 40 %, de sorte que toute réduction mineure a une incidence limitée sur la charge de travail actuelle.

Le comité directeur s’engage à continuer à travailler à la réduction du fardeau actuelle des comptes rendus et à faire participer le SCT à des ateliers et à des échanges de renseignements. Dans un volet parallèle, le GT sur la charge des comptes rendus a considéré qu’une approche alternative pourrait aider l’approche du Gouvernement du Canada en matière de comptes rendus. L’approche était simple : s’il n’y avait pas de contraintes politiques ou imposées par les lois sur les exigences de compte rendu existantes, à quoi ressemblerait un compte rendu sur toutes les activités d’un petit organisme? Si le rapport était conforme aux principes modernes et aux pratiques exemplaires en matière de responsabilité, d’ouverture, de transparence, d’accessibilité et de bonne gestion pour un organisme financé par des fonds publics, quels renseignements de base devraient être inclus?

Grâce à l’aide financière du comité directeur, le GT sur le fardeau des comptes rendus a retenu les services d’une firme de consultants pour examiner les 40 comptes rendus préparés par le BEC au cours de la dernière année financière et élaborer un seul compte rendu simplifié qui répondrait aux critères suivants :

  1. Données ouvertes – les éléments qui font l’objet d’un compte rendu répondant à la priorité du gouvernement ouvert; 

     
  2. Transparence – les éléments qui sont identifiés pour répondre à la priorité gouvernementale de la transparence; 

     
  3. Accessibilité – les éléments qui sont requis pour faciliter l’accès des parlementaires aux comptes rendus et aux renseignements; 

     
  4. Conformité – les éléments requis pour assurer la conformité avec une politique ou à une directive; 

     
  5. Législation – les éléments qui sont requis en raison d’une exigence législative; 

     
  6. Saine gestion – les éléments qui sont requis pour démontrer une saine gestion aux parlementaires, y compris la surveillance, l’intendance et la responsabilité; 

     
  7. Duplication – les éléments qui sont signalés conformément à d’autres exigences et qui ne doivent pas être publiés à nouveau. 

     

Malheureusement, les lois et règlements sont si prescriptifs et alambiqués que la loi n’a pas été respectée. Cela peut expliquer en partie pourquoi le SCT ne peut pas fournir une réduction plus importante du fardeau des comptes rendus des petits organismes. Si cette solution de rechange aux comptes rendus devait être mise en œuvre, des réformes législatives et réglementaires seraient nécessaires.

Ce rapport figure à l’annexe D de mon rapport annuel et donne un aperçu des renseignements relatifs aux finances, aux ressources humaines, à la planification et au rendement des opérations du BEC, ainsi que de tous les renseignements relatifs aux comptes rendus destinés aux organes quasi judiciaires. Ce rapport facilement accessible de seulement 12 pages, contrairement aux documents qui remplissent un classeur de trois pouces, résume l’information requise pour respecter l’engagement du BEC envers la valeur de transparence de la fonction publique et communique nos succès et nos défis de gestion aux parlementaires, aux Canadiens, aux vérificateurs, aux contrôleurs, aux intervenants et à la société civile en général. Grâce au contenu du rapport annuel de cette année, les lecteurs peuvent pour la première fois, dans un seul document, évaluer le rapport qualité-prix et l’efficacité d’un petit organisme.

  1. Je recommande que le président du Conseil du Trésor reconnaisse le fardeau que représentent les comptes rendus pour les petits et micro-organismes, et qu’il joue un rôle de chef de file en élaborant une approche pangouvernementale pour alléger ce fardeau. Avant que des réformes législatives et réglementaires complètes puissent être introduites, je recommande au SCT d’envisager des exemptions légales pour que les petits et micro-organismes admissibles puissent commencer à produire des comptes rendus de manière différente. 

     

Message de la directrice générale

J‘ai été très heureuse de rejoindre le Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC) en tant que directrice générale et avocate générale principale en octobre 2020. Même si j’avais d’importantes fonctions à assumer, j’étais enthousiaste à l’idée de relever un nouveau défi, en particulier dans un domaine qui me passionne et pour une organisation dont le mandat est aussi important. Je suis reconnaissante de travailler aux côtés d’une équipe d’experts en la matière, dévoués et vaillants, tout en continuant à apprécier la complexité des questions qui se posent dans les milieux correctionnels.

Comme pour toutes les organisations, nous avons mis l’accent, au cours de l’année écoulée, sur le travail à domicile pour tous les employés, en plus de veiller à la réalisation continue de notre mandat : fournir le service essentiel pour soutenir le traitement juste et humain des personnes purgeant une peine fédérale. En nous efforçant de continuer à fournir la même qualité de service, nous avons été confrontés à des défis, car nous n’avons pas pu nous rendre dans les établissements pour rencontrer les détenus en personne. Cela dit, je suis fière de la façon dont nous avons pu passer aux visites virtuelles afin de pouvoir continuer à entendre les personnes incarcérées sur l’ensemble des problèmes qu’elles éprouvent. Cela n’aurait pas pu se faire sans la collaboration utile de Service correctionnel du Canada (SCC). Je suis encouragée par les exemples que je vois chaque jour de la collaboration entre les employés du BEC et ceux du SCC qui travaillent ensemble pour s’assurer que les personnes dans nos établissements correctionnels sont traitées avec dignité et respect, conformément à la loi et aux principes des droits de la personne.

Ma première tâche en rejoignant le BEC a été d’apprendre à connaître l’équipe et à explorer ce qu’elle considère comme des défis et des opportunités pour l’organisation. Je voulais également m’assurer que l’équipe de direction travaillait ensemble comme une équipe unie et performante. Le ton de la collaboration et des habitudes de travail saines commence au sommet de l’organisation, en créant un environnement de travail sûr et sain pour tous les employés.

Au cours du dernier trimestre de l’année, nous avons entamé la première phase d’un exercice de planification stratégique. Alors que la pandémie de COVID est toujours présente et que nous sommes au milieu d’un troisième confinement au moment où j’écris ces lignes, nous avions besoin d’un renouveau pour l’organisation. Nous nous sommes engagés à adopter le thème de la reconnexion, de la réénergisation et du réengagement pour 2021. Nous avons décidé de nous efforcer d’offrir à nos employés un lieu de travail de choix en veillant à ce que : les employés disposent des outils et de la formation dont ils ont besoin pour faire leur travail; les rôles et les responsabilités de tous les employés soient clairs; notre site Web soit mis à jour, afin de refléter nos priorités et de faciliter l’accès à nos renseignements; et nous nous engageons à développer des initiatives de bien-être diversifiées afin de soutenir au mieux nos employés pendant et après cette pandémie.

Au cours de la prochaine année financière, j’espère que nous serons en mesure de retourner sur le lieu de travail et de nous rencontrer en personne. Je suis également impatiente de déterminer nos priorités et d’élaborer une feuille de route pour déterminer les enjeux systémiques et les enquêtes. Nous élaborerons une stratégie de sensibilisation et d’engagement avec nos principaux intervenants afin de trouver des moyens d’établir des partenariats, une approche nécessaire et efficace pour un micro-organisme aux ressources limitées. Nous poursuivrons également la phase 2 de notre exercice de planification stratégique, en élaborant un plan sur 3 à 5 ans qui nous aidera à maximiser les gains d’efficacité que nous devons trouver pour fonctionner dans les limites des ressources qui nous sont allouées.

Enfin, je me réjouis de continuer à soutenir l’enquêteur correctionnel du Canada, M. Ivan Zinger, ainsi que toute l’équipe du BEC, dans l’exécution de notre mandat, qui est de protéger les droits des personnes qui purgent des peines fédérales.

Monette Maillet 
Directrice générale et avocate générale principale 
Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada 

Mises à jour nationales et enjeux importants

La présente section résume les enjeux politiques ou les cas individuels importants qui ont été examinés aux niveaux institutionnel et national en 2020-2021. Tous les enjeux et les cas présentés ici ont fait l’objet soit de discussions avec les directeurs d’établissement, soit d’un échange de correspondance, soit d’un point à l’ordre du jour de réunions bilatérales entre le commissaire de SCC et moi-même, et nos équipes respectives de la haute direction. Cette section sert donc à documenter les progrès réalisés dans le traitement des enjeux qui revêtent une importance ou qui sont une source de préoccupation.

Aucun progrès en matière de coercition et de violence sexuelles dans les établissements correctionnels fédéraux

Mon dernier rapport annuel comprenait une enquête nationale sur la coercition et la violence sexuelles (CVS) dans le système des prisons fédérales. Elle a constaté que la prévalence de la CVS est largement inconnue. Elle a révélé des lacunes considérables dans l’approche adoptée par le service pour détecter, enquêter et prévenir les comportements sexuellement problématiques derrière les barreaux. À la suite de cette enquête, j’ai formulé cinq recommandations visant à améliorer la façon dont le SCC réagit à ce problème omniprésent, mais sous-déclaré, dont celle d’introduire immédiatement une législation similaire à la Prison Rape Elimination Act (PREA) des États-Unis, introduite en 2003. J’ai également demandé au ministre de la Sécurité publique de financer une étude nationale sur la prévalence qui serait menée par des experts totalement indépendants. En réponse aux recommandations, le ministre s’est engagé à ce que la Sécurité publique élabore « un plan de recherche, qui devrait débuter à l’automne 2020, pour commencer à évaluer la CVS dans les établissements correctionnels fédéraux... Un rapport intermédiaire sur les travaux entrepris doit être établi d’ici le printemps 2021. » Dans sa réponse aux recommandations, le Service ne s’est engagé à aucun changement d’approche pratique. Footnote 3 Il a seulement indiqué qu’il soutiendrait les travaux qui seront entrepris par le Ministère. Au moment de la rédaction de ce rapport, et après avoir demandé des mises à jour à la Sécurité publique, mon Bureau n’avait pas encore vu de plan de recherche ou de rapport périodique indiquant si un tel travail avait été entrepris.

Au cours de la période visée par le rapport, mon Bureau a continué à recevoir des plaintes et des préoccupations de personnes incarcérées qui ont été témoins ou victimes de CVS. Malgré les recommandations émises dans le cadre de notre enquête nationale, notre Bureau n’a observé aucune différence appréciable dans la façon dont le SCC prévient, détecte, suit ou gère ces types d’incidents. Nous continuons d’entendre des cas où les auteurs présumés sont simplement déplacés au sein des établissements ou d’un établissement à l’autre, ce qui constitue la méthode privilégiée pour « résoudre » les plaintes formelles relatives à des comportements sexuellement problématiques.

Dans sa réponse à nos recommandations, le SCC a indiqué que « le Service prend cette question très au sérieux. Afin d’assurer un environnement sûr et sécuritaire pour tous les délinquants sous sa responsabilité, le SCC a mis en place de nombreuses mesures pour faire en sorte que ces actes soient traités rapidement. » Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Il y a eu un manque décevant de réponse et d’action suite à nos recommandations. Nous savons que les personnes les plus vulnérables sont celles qui sont les plus touchées par une telle inaction. J’exhorte une fois de plus le ministre de la Sécurité publique et le commissaire de SCC à entreprendre le travail nécessaire pour régler efficacement cette question.

Une confiance excessive dans les mesures de recours à la force 

Au cours de la dernière période visée par le rapport, mon équipe de recours à la force a porté à mon attention un certain nombre d’incidents flagrants et de problèmes récurrents à la suite de leurs examens des incidents de recours à la force dans les établissements fédéraux. Bien que nombre de ces préoccupations soient soulevées dans l’enquête systémique sur les recours à la force que je présente plus loin dans ce rapport, je souhaite mettre en lumière certaines observations et interventions de mon Bureau sur des cas individuels.

À maintes reprises, nous voyons des exemples de recours excessif à des interventions impliquant l’usage de la force souvent inutiles et, dans certains cas, dommageables. Mon personnel a examiné un certain nombre d’incidents démontrant l’utilisation injustifiée et dangereuse de balles à impact direct sur des personnes qui présentaient un faible risque de se blesser ou de blesser d’autres personnes. Dans un cas, une personne a reçu un projectile à impact d’un lanceur de balles de 40 mm près de son épaule gauche, juste au-dessus de sa clavicule, dangereusement près d’une « zone cible d’urgence ». Cela aurait pu causer des blessures graves, voire mortelles. Après un suivi de mon personnel, les établissements ont convenu que le recours à la force dans certains de ces cas était inapproprié.

De même, mon personnel continue de constater la surutilisation des gaz poivrés, ce qui est problématique en soi et va à l’encontre du Modèle d’engagement et d’intervention (MEI). Il est particulièrement préoccupant lorsqu’il est utilisé à l’endroit des personnes qui ont de graves problèmes de santé mentale ou qui s’automutilent. Nous avons examiné, par exemple, un incident impliquant un homme certifié en vertu de la Loi sur la santé mentale de la province. Au cours d’une procédure de soins, facilitée par l’équipe d’intervention d’urgence (ÉIU), la personne est devenue peu coopérative. En réponse, l’ÉIU a utilisé deux salves distinctes de gaz poivré, des menottes et d’autres formes de contrôle physique et, à un moment donné, un bouclier pour mettre le patient à genoux sur un banc de ciment. De toute évidence, il aurait fallu consacrer plus de temps, s’engager et intervenir verbalement auprès de cet homme pour désamorcer la situation, compte tenu notamment de ses besoins en santé mentale. Des préoccupations concernant cet incident ont été soulevées à tous les niveaux de l’examen. Il était clair que l’approche et les techniques utilisées (en particulier la deuxième salve de gaz poivré et le bouclier) témoignaient de graves violations des politiques de recours à la force, allaient à l’encontre de nombreux principes de MEI et révélaient un certain nombre de lacunes en matière de soins de santé. En outre, ce cas et un certain nombre d’autres examinés par mon personnel cette année soulèvent des préoccupations quant au rôle et aux responsabilités des ÉUI. L’utilisation incohérente ou inexistante d’interventions ou de négociations verbales, l’évaluation et le compte rendu inadéquats du risque associé aux actions des personnes incarcérées, ainsi que le mauvais déploiement et le fonctionnement peu fiable des caméras pour enregistrer les incidents, entre autres problèmes, suggèrent la nécessité d’une plus grande supervision des interventions de l’ÉUI.

D’autres examens d’incidents et interventions de mon personnel impliquant des personnes souffrant de problèmes de santé mentale, ou des personnes adoptant activement des comportements autodestructeurs ou suicidaires, continuent de mettre en évidence mes préoccupations concernant la nécessité de trouver des moyens plus efficaces et plus humains de répondre aux comportements complexes et troublants qui découlent de problèmes de santé mentale. Nous continuons à voir des exemples d’incidents de recours à la force où les éléments de santé mentale en jeu ne sont pas adéquatement évalués, reconnus, communiqués ou pris en compte dans les interventions. À leur tour, ces éléments ne se reflètent pas dans le signalement et la documentation des incidents. Dans le cadre de mon enquête sur le recours à la force à l’égard des personnes appartenant au groupe PANDC et d’autres populations vulnérables, j’ai formulé un certain nombre de recommandations à l’intention du Service afin d’améliorer la façon dont il réagit aux incidents où la force est souvent utilisée, en particulier ceux impliquant des personnes ayant des besoins complexes.

Recours à la force après une tentative d’accès au site de prévention des surdoses de la prison 

Mon Bureau a déjà fait rapport sur les programmes de réduction des méfaits de SCC, comme le Programme d’échange de seringues en prison (PÉSP) et les sites de prévention des surdoses (SPS), indiquant que la façon dont ils ont été élaborés et mis en œuvre a limité les inscriptions. Par exemple, les trousses PÉSP peuvent être saisies si la seringue ou l’aiguille est altérée, manquante ou observée en dehors de la trousse. En d’autres termes, l’approche de tolérance zéro envers la possession de drogues dans les établissements de SCC reste en vigueur. Les drogues et l’attirail de drogue (à l’exception de la trousse et des fournitures du PÉSP fournies par le SCC) sont toujours considérés comme des articles de contrebande, passibles de mesures disciplinaires. Il n’est donc pas étonnant que seule une poignée de détenus participe à ces programmes que le SCC a déployés à l’échelle nationale au printemps 2019.

Au cours de la période visée par le rapport, mon Bureau est intervenu dans un cas de recours à la force qui s’est produit à la suite du refus des services de santé de permettre à une personne d’accéder au SPO. Après s’être vu refuser l’accès, le prisonnier est retourné dans son unité et s’est enfermé dans sa cellule. Les agents correctionnels ont soupçonné qu’il transportait des produits de contrebande, probablement parce qu’il avait essayé d’accéder au SPO. Lorsque les agents sont arrivés dans sa cellule, ils ont constaté que la fenêtre de la porte était couverte. Ils ont ouvert la porte et ont vu le prisonnier renifler une poudre blanche. Ils ont fouillé sa cellule et saisi du matériel de consommation de drogue, mais ils l’ont laissé dans sa cellule, où il a de nouveau couvert la fenêtre de sa cellule. L’autorisation a été donnée de le placer dans une cellule d’observation. Quand l’équipe d’escorte est arrivée, il n’a pas coopéré à de nombreux ordres directs. Le contrôle physique, les contraintes par la douleur et les menottes ont été utilisés pour maîtriser la situation. Bien que l’usage de la force ait pu être nécessaire en fin de compte étant donné la résistance et le manque de coopération, la contradiction entre l’approche de tolérance zéro en matière de possession de drogue dans les prisons et l’accès aux mesures de réduction des risques, comme le PÉSP et le SPO a créé une situation qui n’aurait jamais dû se produire. Les personnes qui accèdent à ces services doivent pouvoir le faire sans crainte de représailles. Cela permettrait sans doute d’augmenter le nombre de personnes prêtes à participer. D’autres mesures, comme l’interaction verbale, l’engagement, le counseling ou l’observation auraient pu donner lieu à un résultat plus positif.

Absence d’intervention appropriée à la suite d’une recommandation concernant un détenu de l’USD 

Il y a près de deux ans, mon Bureau a mis en lumière les cas de trois hommes qui présentaient des défis similaires pour le Service. Tout au long de leur incarcération, les hommes ont passé beaucoup de temps en isolement, leur état de santé mentale a été surveillé et ils ont été transférés à de nombreuses reprises dans d’autres établissements. Plus important encore, ils semblent incapables de faire face à des environnements très structurés qui déclenchent des comportements violents. Leurs symptômes et leurs déficits de compétences semblent être spécifiquement exacerbés par les mesures de sécurité renforcées. Néanmoins, l’intervention correctionnelle à ces comportements inadaptés consiste souvent à restreindre davantage leurs conditions de confinement.

Les stratégies élaborées par le personnel de l’établissement et les professionnels de la santé mentale ont eu des répercussions limitées sur leurs comportements et leur réaction aux interventions. Reconnaissant que la gestion des comportements violents de ces trois hommes a été extrêmement difficile pour le personnel et la direction des établissements, j’ai recommandé, en vertu de l’article 20 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , un examen externe approfondi du profil correctionnel de ces trois hommes. À l’époque, le SCC a répondu qu’il procéderait à un examen clinique de leurs soins en vue de déterminer toute possibilité d’amélioration, y compris les options de placement.

Au cours de la période visée par le rapport, mon Bureau est à nouveau intervenu en faveur de l’un des trois hommes détenus à l’unité spéciale de détention (USD), car sa situation était redevenue critique. Il est également apparu que – au lieu d’accepter ma recommandation de procéder à un examen externe du cas de cet homme – le Service a procédé à un examen interne. Il a conclu que, bien que ce ne soit pas l’idéal, l’USD est un environnement où la sécurité de cet homme est le mieux assurée. Mon Bureau continue de surveiller ce cas et de faire un suivi avec l’établissement pour s’assurer que les meilleures stratégies possibles de gestion de cas sont mises en œuvre pour cette personne.

Enquête sur les recours à la force impliquant des détenus fédéraux noirs, autochtones, de couleur (PANDC) et d’autres populations vulnérables

Les autorités correctionnelles disposent de divers outils et approches pour gérer les situations qu’elles les jugent problématiques, perturbatrices ou potentiellement dangereuses. En plus de tactiques moins invasives ou potentiellement moins nocives, comme les interventions verbales, les recours à la force permettent au personnel correctionnel de recourir à des mesures physiques (p. ex., l’utilisation de matériel de contention, la distribution de gaz poivré) pour prendre le contrôle ou obtenir la coopération des individus et résoudre des situations. Le personnel s’appuie quotidiennement sur ces mesures.

L’usage de la force remonte aussi loin que le système carcéral lui-même. Il fait également l’objet depuis longtemps de critiques quant à sa mauvaise utilisation potentielle bien documentée. Plus récemment, la question de la force – spécifiquement appliquée aux personnes autochtones, noires ou de couleur (PANDC) – a été propulsée au premier plan du discours public international en mai 2020, après le meurtre de George Floyd alors qu’il était maîtrisé par des policiers de Minneapolis. Moins d’un mois plus tard, au Canada, nous avons vu la vidéo de l’arrestation violente et de l’usage de la force sur le chef Allan Adam des Chipewyan d’Athabasca. Depuis lors, des incidents de plus en plus nombreux ont suscité des protestations dans le monde entier, appelant à des réformes pour lutter contre les préjugés systémiques et l’application discriminatoire d’interventions dommageables, et dans certains cas fatals, aux incidents. Au Canada, il y a eu un tollé général pour demander aux organismes d’application de la loi et de justice pénale d’examiner de plus près leurs politiques et leurs pratiques, comme le recours à la force, et la façon dont elles sont appliquées aux PANDC, aux femmes, aux personnes ayant des problèmes de santé mentale, aux personnes ayant des antécédents d’automutilation et à d’autres populations vulnérables.

À la suite de ces événements, et de bien d’autres, la société reconnaît de plus en plus l’existence de préjugés systémiques, et ce depuis des générations, dans la plupart des établissements canadiens. Le secteur correctionnel ne fait pas exception à cette réalité. Dans ce contexte, il est important de reconnaître que dans les politiques et les pratiques les plus discrétionnaires, comme le moment et la manière de recourir à la force, les préjugés – implicites ou non – peuvent apparaître.

Les enquêtes sur les recours à la force sont une priorité essentielle pour mon Bureau. Après une intervention avec recours à la force, le SCC nous fournit tous les documents relatifs à l’incident. Il s’agit notamment d’un rapport sur le recours à la force, d’une copie de toute vidéo concernant l’incident, de listes de contrôle des services de santé pour l’examen d’un recours à la force, des rapports de déclaration et d’observation d’un agent, de la version des événements par les détenus et d’un plan d’action pour remédier aux lacunes constatées.

Une partie du rôle que mon Bureau a assumé consiste non seulement à enquêter sur les plaintes individuelles liées à l’usage de la force qui sont présentées, mais aussi à examiner de manière proactive tous les incidents liés à l’usage de la force dans les prisons fédérales, et à formuler des recommandations à SCC lorsque des problèmes sont identifiés. En outre, il est de notre responsabilité d’enquêter sur les préoccupations pour lesquelles il existe des preuves de problèmes systémiques dans des pratiques comme le recours à la force.

Dans des rapports précédents, j’ai émis de nombreuses recommandations appelant à réduire le recours à la force et l’utilisation de gaz poivrés, en particulier auprès des populations vulnérables. Ce Bureau a mené des enquêtes sur le rôle que l’usage de la force a joué dans des cas individuels troublants, comme la mort d’Ashley Smith et de Matthew Hines, et sur des groupes spécifiques préoccupants, comme les femmes qui s’automutilent de manière chronique. Footnote 4 Conformément aux efforts constants de ce Bureau pour soulever des préoccupations concernant la façon dont la force est utilisée, nous avons également pris les appels à l’action actuels émanant de la société comme un incitatif pour examiner la façon dont la force est appliquée dans les services correctionnels fédéraux, en particulier à l’égard des personnes PANDC, afin de faire avancer les discussions et les solutions aux injustices auxquelles ces personnes sont confrontées derrière les barreaux.

Objectif et méthodes

La présente enquête examine les incidents, les événements et les situations de recours à la force impliquant des personnes PANDC incarcérées au niveau fédéral, ainsi que les incidents impliquant d’autres populations potentiellement vulnérables. Comme l’illustre le diagramme ci-dessous, les incidents de recours à la force sont des cas, comme déterminés et suivis par le SCC, consistant en des situations impliquant au moins une personne où la force a été appliquée au moins une fois, documentée et suivie. Un événement de recours à la force, comme défini aux fins de la présente enquête, comprend chaque combinaison d’incidents de recours à la force par personne, ce qui signifie que chaque personne peut être impliquée dans plus d’un incident, et que chaque incident peut impliquer plus d’une personne. Enfin, étant donné que chaque personne peut être confrontée à plus d’un type et d’un cas de force dans le cadre d’un incident ou d’un événement, un incident de recours à la force, comme défini dans le cadre de cette enquête, constitue chaque cas de force utilisée sur chaque personne dans le cadre d’un incident ou d’un événement.

Exemple : Incident de recours à la force

Un diagram. Personne A; Événement de recours à la force; Cas d’usage de la force; 1. Manipulation physique, 2. Gaz poivré (x2). Personne B; Événement de recours à la force; Cas d’usage de la force; 1. Manipulation physique (x2), 2. Gaz poivré, 3. Contrainte. Personne C; Événement de recours à la force; Cas d’usage de la force; 1. manipulation physique, 2. Gaz poivré.

Ce qui précède est un exemple d’un incident de recours à la force impliquant trois personnes uniques. Cet incident représente trois événements de recours à la force, et neuf situations de recours à la force.

Les données quantitatives et qualitatives disponibles pour tous les incidents de recours à la force des cinq dernières années (d’avril 2015 à octobre 2020) ont été extraites du système d’entrepôt de données de SCC pour être analysées. Nous avons examiné les données au niveau des personnes et des incidents dans leur ensemble, ainsi que par race et par groupes d’intérêt. En plus des renseignements démographiques, nous avons examiné les données sur la fréquence des incidents, les raisons des recours à la force et les types de force pour chaque personne impliquée dans chaque incident.

Cet examen a exploré ces questions :

  • Qui est impliqué dans les incidents de recours à la force?
  • Comment les personnes PANDC sont-elles représentées dans les incidents de recours à la force?
  • Quelles sont les caractéristiques des incidents de recours à la force impliquant des PANDC?
  • L’usage de la force est-il appliqué différemment aux personnes PANDC et non-PANDC?
  • Comment d’autres groupes comme les femmes, les personnes ayant des problèmes de santé mentale et des antécédents d’automutilation sont-ils représentés dans les incidents de recours à la force?

    QU'EST-CE QUE LE RECOURS À LA FORCE DANS LES ÉTABLISSEMENTS CORRECTIONNELS FÉDÉRAUX?

    Le recours à la force comprend « toute action du personnel visant à obtenir la coopération et à prendre le contrôle d’un détenu ». Le recours à la force peut être spontané (c’est-à-dire une intervention immédiate face à une situation) ou planifié (p. ex., le personnel est déployé dans le cadre d’un plan d’intervention, le déploiement de l’équipe d’intervention d’urgence [ÉIU]).

    Selon la politique de SCC, le recours à la force doit être justifiable et n’être utilisé qu’en dernier ressort, après que des méthodes de négociation verbales ont été tentées et se sont avérées infructueuses ou jugées « inappropriées ». Ce n’est que dans ces circonstances que le personnel peut recourir à la force pour les raisons suivantes :

    • assurer le respect des règles et des règlements de l’établissement
    • maintenir la sûreté et la sécurité de l’établissement
    • assurer sa propre défense
    • défendre d’autres personnes (personnel ou détenus)
    • protéger les biens

    Voici des exemples de recours à la force qui peuvent être utilisés par le personnel correctionnel. Un ou plusieurs types de force peuvent être utilisés lors d’un incident.

    • manipulation ou contrôle physique (à l’exclusion du toucher d’assistance ou thérapeutique)
    • utilisation d’un agent chimique ou poivré, visant intentionnellement une personne ou distribué pour obtenir son obéissance
    • utilisation non routinière du matériel de contrainte
    • utilisation de matraques ou d’autres armes intermédiaires
    • exposition ou utilisation d’armes à feu
    • toute intervention directe de l’ÉUI

    Modèle d’engagement et d’intervention (MEI)

    En janvier 2018, le SCC a introduit le MEI pour remplacer le modèle de gestion de situations en tant que « modèle fondé sur le risque qui vise à guider les membres du personnel dans l’exécution des activités liées à la sécurité et à la santé afin de prévenir les incidents, d’y réagir et de les régler en utilisant les interventions les plus raisonnables ».

    Selon le SCC, l’intention du MEI était d’incorporer une approche plus intégrée et centrée sur la personne que le modèle précédent, en mettant l’accent sur les cinq principes directeurs suivants :

    • préservation de la vie
    • travail en équipe interdisciplinaire
    • mission et valeurs de SCC
    • nécessaire et proportionné
    • leadership

    Source : Carrefour des procédures opérationnelles de SCC « Au sujet du recours à la force » et « Le Modèle d’engagement et d’intervention ». 

    Incidents de recours à la force

    Afin de mettre en contexte l’analyse par race, les paragraphes suivants offrent une description plus large du nombre d’incidents de recours à la force pour l’ensemble de la population carcérale fédérale, ainsi qu’une analyse descriptive des raisons documentées des recours à la force et des types de force utilisés lors de ces incidents. Depuis 2015-2016, il y a eu 9 633 incidents documentés de recours à la force. Malgré la baisse générale des admissions dans les prisons fédérales et la diminution de la population carcérale, le nombre d’incidents avec usage de la force a augmenté de façon constante au cours des cinq dernières années.

    Graphique 1. Total des incidents de recours à la force par année financière

    Graphique représentant le nombre total d'incidents de recours à la force par année financière de 2015-2016 à 2020-2021.
•	2015-2016 : 1 515
•	2016-2017 : 1 386
•	2017-2018 : 1 339
•	2018-2019 : 1 536
•	2019-2020 : 1 874
•	2020-2021 : 1 983

    Bien que préoccupantes, ces augmentations sont d’autant plus troublantes qu’elles coïncident avec l’introduction de stratégies visant à réduire les recours à la force, notamment le Modèle d’engagement et d’intervention (MEI). Ce modèle a été développé directement en réponse à mon rapport spécial sur la mort évitable de Mathew Hines. Footnote 5 Il est mort subitement alors qu’il était détention dans un établissement fédéral en 2015 à la suite d’une série d’incidents de recours à la force inappropriés au pénitencier de Dorchester. J’ai émis dix recommandations concrètes à l’intention de SCC concernant les changements urgents à apporter en réponse aux incidents qui entraînent trop souvent le recours à la force, en particulier ceux impliquant des personnes présentant des signes de détresse physique ou mentale. Il s’en est suivi, en réponse à la troisième recommandation émise dans Une réaction fatale , le développement du MEI en 2017 comme un « modèle de gestion de la situation soulignant l’importance des interventions non physiques et de désamorçage aux incidents » qui aurait théoriquement dû aboutir à des « approches centrées sur la personne » pour résoudre les incidents. À leur tour, ces mesures auraient dû entraîner une diminution observable des incidents de recours à la force.

    Il est mort subitement alors qu’il était détention dans un établissement fédéral en 2015 à la suite d’une série d’incidents de recours à la force inappropriés au pénitencier de Dorchester. J’ai émis dix recommandations concrètes à l’intention de SCC concernant les changements urgents à apporter en réponse aux incidents qui entraînent trop souvent le recours à la force, en particulier ceux impliquant des personnes présentant des signes de détresse physique ou mentale. Il s’en est suivi, en réponse à la troisième recommandation émise dans Une réaction fatale , le développement du MEI en 2017 comme un « modèle de gestion de la situation soulignant l’importance des interventions non physiques et de désamorçage aux incidents » qui aurait théoriquement dû aboutir à des « approches centrées sur la personne » pour résoudre les incidents. À leur tour, ces mesures auraient dû entraîner une diminution observable des incidents de recours à la force.

    Ce graphique représente le Modèle d’engagement et d’intervention de SCC, fondé sur le risque et centré sur la personne, qui est utilisé pour aider le personnel avec les stratégies d’engagement et d’intervention.

    Modèle d'engagement et d'intervention (2018)

    Ce graphique représente le Modèle d’engagement et d’intervention de SCC, fondé sur le risque et centré sur la personne, qui est utilisé pour aider le personnel avec les stratégies d’engagement et d’intervention.

    Raisons et types de force

    Nous avons examiné les raisons pour lesquelles la force a été utilisée, et les types de force utilisés. Dans l’ensemble, la majorité des incidents étaient attribuables à « une agression », comme des agressions contre des détenus et des bagarres entre détenus (50 %); aux « comportements », comme des problèmes de discipline et des comportements perturbateurs (37 %); et à des comportements d’automutilation, comme des blessures auto-infligées (8 %). Les autres concernaient la contrebande, les biens ou d’autres problèmes. Il convient de noter que la base de données de SCC, le Système de gestion des délinquants (SGD), ne saisit pas toujours le contexte complet des incidents. Dans de nombreux cas, les raisons saisies dans la base de données sont les catégories les plus génériques, ou les plus « significatives ». Par conséquent, par exemple, un incident étant au départ un incident d’automutilation et ayant a ensuite impliqué une personne qui a frappé un membre du personnel pourrait être consigné comme un « incident lié à une agression ». Par conséquent, nous avons interprété les raisons du recours à la force avec prudence. Ils n’ont peut-être pas reflété l’ensemble des comportements qui y ont contribué.

    De même, nous avons examiné les types de force utilisés. Footnote 6 Pour faciliter l’analyse, nous avons classé les plus de 40 types de force représentés dans les données en cinq catégories Footnote 7 :

    1. Gaz poivrés (p. ex., aérosol à base d’oléorésine capsicum (OC), ou « gaz poivré »); 
       
    2. Munitions inflammatoires (p. ex., grenades sans flamme ou tactiques); 
       
    3. Armes à feu (p. ex., pistolet 9 mm, fusil de chasse); 
       
    4. Dispositifs/options non inflammatoires (p. ex., matraques, contrôle physique); 
       
    5. Contraintes (p. ex., menottes, entraves, ceintures de force). 
       

    Dans l’ensemble, les types de force les plus utilisés, de loin, sont les gaz poivrés. Ils représentaient 42,3 % de tous les types de force dans tous les incidents. Viennent ensuite les options non inflammatoires, utilisées dans un quart des cas, puis les moyens de contraintes (16,2 %), les munitions inflammatoires (9,3 %) et les armes à feu (3,3 %).

    À l’instar des résultats perplexes montrant que les taux globaux de recours à la force augmentent au fil du temps, il est à la fois inquiétant et décevant de constater que, malgré l’introduction du MEI, le personnel continue de recourir massivement aux gaz poivrés pour « régler » les incidents. En fait, une analyse des types de force par année financière a montré que l’utilisation de gaz poivrés était le type de force le plus courant pour chacune des cinq dernières années, représentant de 40 à 47 % des types de force utilisés chaque année. Cette pratique est en contradiction avec l’intention et la lettre du MEI. Cela suggère que le changement prévu en remplaçant le Modèle de gestion de situations par le MEI ne s’est pas produit. Ce Bureau a déjà recommandé à SCC d’évaluer si le MEI a eu les effets escomptés. Il est clair, au vu de ces chiffres, que ce n’est pas le cas.

    1. Je recommande que le SCC procède à une évaluation approfondie du MEI en vue de mettre en œuvre des changements qui réduiront le recours excessif aux options de force dans l’ensemble, en particulier aux gaz poivrés, et de fournir des stratégies concrètes pour adopter des options qui n’utilisent pas la force et qui sont fondées sur des preuves afin de régler les incidents. 

       

    Qui est impliqué dans les incidents de recours à la force?

    Entre avril 2015 et octobre 2020, les quelque neuf mille incidents documentés de recours à la force survenus dans les prisons fédérales ont impliqué 5 063 personnes distinctes. Footnote 8 Pour 4 952 d’entre eux, le SCC disposait de renseignements sur les caractéristiques démographiques, notamment la race. Le tableau 1 présente un profil par groupe racial auto-identifié de toutes les personnes impliquées dans un usage de la force. Footnote 9 La grande majorité d’entre eux étaient des hommes (+90 %), logés dans des établissements à sécurité moyenne ou maximale, et largement évalués comme étant à haut risque ou à besoin élevé.

    Tableau 1 : Profil des personnes impliquées dans des incidents de recours à la force, par groupes raciaux

     

    AUTOCHTONE 
    (n = 1 932) 

    BLANC 
    (n = 2 090) 

    NOIR 
    (n = 609) 

    PDC 
    (n = 321) 

    ÂGE MOYEN 

    28,3

    31,2

    26,8

    27,4

    DURÉE MOYENNE DES 
    PEINES (ANNÉES) 

    3,8 
    (SD=3,7)

    4,1 
    (SD=4,6)

    3,9 
    (SD=3,6)

    3,7 
    (SD=3,6)

    GENDRE* 

    % d’hommes

    91,6

    95,7

    98,2

    98,4

    % de femmes

    8,4

    4,3

    1,8

    1,6

    NIVEAU DE SÉCURITÉ** 

    % maximale

    31,2

    24,5

    31,9

    31,5

    % moyenne

    30,9

    30,2

    32,3

    33,3

    % minimale

    1,8

    1,6

    1,6

    1,2

    % PREMIÈRE CONDAMNATION 
    FÉDÉRALE 

    58,6

    53,0

    71,6

    80,7

    NIVEAU DE RISQUE 

    % élevé

    77,3

    74,1

    76,0

    68,2

    % moyen

    21,8

    23,4

    21,8

    28,3

    % faible

    0,9

    2,4

    2,1

    3,4

    NIVEAU DE BESOIN 

    % élevé

    89,0

    85,0

    80,0

    78,5

    % moyen

    10,6

    13,6

    17,6

    19,6

    % faible

    0,5

    1,2

    1,6

    1,9

    Remarques : 
    * Il n’y avait pas de catégorie « autre sexe »; cependant, 43 personnes avaient un indicateur de considérations de sexe dans le SGD. 
    ** Il y avait une quantité importante de renseignements manquants sur le niveau de sécurité pour chaque groupe; par conséquent, les pourcentages ne totalisent pas 100.

    Les femmes et le recours à la force

    Au cours de la période de cinq ans, 824 incidents ont impliqué 271 femmes distinctes. Dans l’ensemble, les femmes représentaient cinq pour cent de toutes les personnes impliquées dans les recours à la force, ce qui correspond à leur proportion dans la population carcérale. La majorité de ces incidents dans les établissements destinés aux femmes se sont produits dans les établissements à sécurité maximale. Comme pour l’ensemble de la population carcérale, la plupart des recours à la force étaient liés à des agressions (44,5 %) ou à des « comportements » (27,2 %). Une proportion beaucoup plus importante d’incidents de recours à la force impliquant des femmes, cependant, comprenait des incidents d’automutilation (26,8 % de tous les recours). Pour les femmes autochtones, près d’un quart (24,4 %) de tous les incidents étaient liés à des comportements d’automutilation.

    Les personnes PANDC représentaient plus des deux tiers de toutes les femmes impliquées dans des recours à la force (67 %), ce qui s’explique en grande partie par le nombre élevé de femmes autochtones. En moyenne, les femmes autochtones représentaient 60 % de toutes les femmes impliquées dans des recours à la force, alors qu’elles représentaient environ 40 % des femmes emprisonnées au cours des cinq dernières années.

    Lorsque l’on examine le recours à la force impliquant des femmes, il est important de reconnaître le rôle des personnes impliquées de manière répétée ou chronique. Comme indiqué précédemment, les personnes peuvent être impliquées dans plus d’un incident de recours à la force. Ceci est particulièrement important pour les femmes. En fait, au cours de la période couverte par l’enquête, six femmes ont été responsables de près d’un tiers de tous les incidents de recours à la force dans les établissements pour femmes. En outre, une femme a été à l’origine de 11 % de tous les incidents (89), et deux femmes ont été à l’origine de plus de 50 incidents chacune. Lorsque les raisons du recours à la force ont été examinées pour tous les incidents impliquant ces femmes, plus de la moitié ont été documentées comme ayant eu lieu en réponse à des comportements d’automutilation.

    Face à de tels constats, nous devons nous demander pourquoi nous nous attendons à ce que des options de force règlent efficacement les crises de santé mentale. Étant donné qu’un grand nombre de ces femmes continuent à s’automutiler et à subir des violences répétées de la part du personnel pénitentiaire, il est clair que cette approche ne fonctionne pas. Si la force ne doit être utilisée que lorsque les négociations verbales ont échoué, cela peut être la preuve que des techniques et une formation plus efficaces en matière de négociation verbale et de désescalade sont nécessaires. Le personnel a besoin de bons outils et d’une formation adéquate pour pouvoir réagir efficacement. Et pour les personnes qui s’automutilent de manière chronique, les prisons ne sont pas forcément le lieu où elles peuvent ou doivent recevoir les soins dont elles ont besoin. Répondre à l’automutilation chronique par un usage chronique de la force est une approche inefficace (et probablement dommageable) du travail s’agissant des personnes ayant des besoins en matière de santé mentale. De plus, les tentatives de faire disparaître temporairement les symptômes de problèmes de santé complexes sous-jacents qui ne sont peut-être pas traités ne constituent pas une pratique correctionnelle productive ni humaine.

    RECOURS À LA FORCE AVEC D'AUTRES POPULATION VULNÉRABLES

    Un examen des incidents de recours à la force impliquant des personnes présentant d’autres vulnérabilités (c’est-à-dire des antécédents d’automutilation et (ou) de tentatives de suicide, des problèmes de santé mentale) a été effectué pour tous les incidents qui ont eu lieu entre avril 2015 et octobre 2020.

    Personnes ayant des antécédents d’automutilation et (ou) de tentatives de suicide

    • Près de la moitié (46 %) des personnes impliquées dans un incident avec usage de la force avaient des antécédents d’automutilation ou de tentative de suicide.
    • 12 % de tous les incidents de recours à la force ont été identifiés comme étant le résultat d’un comportement d’automutilation.
    • Plus d’un quart (27 %) de tous les incidents de recours à la force impliquant des femmes purgeant une peine fédérale ont eu lieu en réponse à un comportement d’automutilation.
    • Les gaz poivrés étaient le type de force le plus souvent utilisé pour les incidents documentés comme étant amorcés par un comportement d’automutilation (c’est-à-dire utilisés dans 43 % des incidents d’automutilation). En fait, ce taux d’utilisation des gaz poivrés pour les incidents d’automutilation est le même que le taux global d’utilisation pour tous les types d’incidents.
    1. Je recommande que le SCC examine et révise sa politique et ses pratiques concernant l’utilisation de gaz poivrés lors d’incidents impliquant des personnes qui s’automutilent ou qui sont suicidaires, dans le but de réduire leur utilisation lors d’interventions auprès de personnes qui sont aux prises avec des crises de santé mentale. 

       

    Personnes ayant des problèmes de santé mentale

    • Les travaux antérieurs de l’équipe d’examen du recours à la force de ce Bureau ont révélé que, sur la base d’un examen des dossiers individuels pour un échantillon de près de 2 000 incidents de recours à la force, 41 % des cas impliquaient au moins une personne ayant des problèmes de santé mentale documentés.
    • Étant donné le manque d’indicateurs administratifs fiables en matière de santé mentale, il est actuellement impossible de déterminer la proportion de personnes impliquées dans des recours à la force ayant des problèmes de santé mentale.
    1. Je recommande à SCC de mettre au point une méthode fiable sur le plan administratif pour faire le suivi des personnes ayant des problèmes de santé mentale afin de déterminer comment les politiques et les pratiques, comme le recours à la force, influent sur cette population particulièrement vulnérable. 

       

    Remarque : On a tenté d’utiliser les données « indicatrices » sur la santé mentale disponibles dans le Système de gestion des délinquants (SGD) de SCC; toutefois, ces renseignements présentaient de nombreux problèmes de qualité et de fiabilité.

    Race des personnes impliquées dans 
    des incidents de recours à la force 
    d’avril 2015 à octobre 2020

    graphique circulaire décrivant la race de toutes les personnes impliquées dans des incidents de recours à la force au cours des cinq dernières années.
•	Blanc : 42 %
•	Autochtone : 39 %
•	Noir : 12 %
•	Personne de couleur (PDC) : 7 %

    Personnes impliquées dans des incidents de recours à la force par groupe racial

    Nous avons examiné le profil racial des personnes impliquées dans des incidents de recours à la force. Bien qu’elles représentent 44 % de la population carcérale, les personnes PANDC représentaient près de 60 % de toutes les personnes impliquées dans un incident de recours à la force au cours des cinq dernières années. Au cours de la même période, les Blancs représentaient 42 % de toutes les personnes impliquées dans un recours à la force, alors qu’ils représentaient 52 % de la population carcérale. Plus précisément, les Autochtones sont largement surreprésentés, puisqu’ils représentent 39 % des personnes impliquées dans des recours à la force, alors qu’ils constituent environ 28 % de la population carcérale sur la même période. Les Noirs sont également surreprésentés, puisqu’ils représentent 12 % des personnes impliquées dans des recours à la force, alors qu’ils ne représentent que 9 % de la population carcérale.

    Graphique 2. Représentation des personnes de race blanche et des personnes PANDC dans la population générale canadienne, dans la population carcérale fédérale et dans la population impliquée dans des cas de recours à la force

    Graphique à barres illustrant la représentation des Blancs, des Noirs, des Autochtones et des personnes de couleur (PDC) dans la population canadienne générale, dans la population carcérale fédérale et dans la population ayant recours à la force.
•	Population canadienne générale :
o	Blanc : 72 %
o	PDC : 19 %
o	Noir : 3,5 %
o	Autochtones : 5 %

•	Population purgeant une peine de ressort fédéral :
o	Blanc : 52 %
o	PDC : 7 %
o	Noir : 9 %
o	Autochtone : 28 %

•	Population ayant recours à la force :
o	Blanc : 42 %
o	PDC : 7 %
o	Noir : 12 %
o	Autochtone : 39 %

    Ensemble, les Noirs et les Autochtones ont représenté 51 % des personnes impliquées dans des usages de la force depuis 2015, alors qu’ils représentent 37 % de la population carcérale et 8,5 % de la population canadienne. À l’inverse, les Blancs et les personnes de couleur étaient sous-représentés dans la population impliquée dans l’usage de la force (42 % et 6,5 % respectivement) par rapport à leur représentation dans la population carcérale (52 % et 7 % respectivement).

    Événements de recours à la force par race

    Nous avons également examiné la représentation raciale dans les incidents. Un incident peut, et c’est souvent le cas, concerner plus d’une personne, et donc potentiellement plus d’un groupe racial. Nous avons examiné la représentation raciale dans les événements de recours à la force (chaque combinaison distincte d’incidents et de personnes). Le graphique 3 montre le nombre total d’incidents avec usage de la force par groupe racial pour les cinq dernières années financières. Footnote 10 

    Graphique 3. Nombre total d’incidents de recours à la force par race et par année financière

    Graphique représentant le nombre total d'événements de recours à la force par race, par année financière.
•	2015-2016
o	Autochtone : 707
o	Blanc : 998
o	Noir : 338
o	PDC : 133

•	2016-2017
o	Autochtone : 936
o	Blanc : 925
o	Noir : 234
o	PDC : 125

•	2017-2018
o	Autochtone : 992
o	Blanc : 876
o	Noir : 230
o	PDC : 120

•	2018-2019
o	Autochtone : 1 053
o	Blanc : 950
o	Noir : 260
o	PDC : 111

•	2019-2020
o	Autochtone : 1 427
o	Blanc : 1 127
o	Noir : 386
o	PDC : 191

    Remarque : Les points de données entre les groupes raciaux au sein de chaque année financière ne sont pas mutuellement exclusifs et, par conséquent, le total des incidents par année ne correspond pas au total des incidents indiqués dans le graphique 1.

    Il est clair que les événements de recours à la force ont de plus en plus impliqué des personnes autochtones plus que des membres de tout autre groupe racial, une tendance à la hausse depuis 2015-2016. En fait, cette année-là, le nombre de recours à la force impliquant des Autochtones a dépassé celui des Blancs. Il n’a cessé d’augmenter depuis. Non seulement les Autochtones sont surreprésentés parmi les personnes distinctes impliquées dans les cas de recours à la force, mais ils sont aussi largement surreprésentés dans les cas de recours à la force.

    Situations de recours à la force par race

    Il était intéressant de comparer le nombre moyen d’incidents avec usage de la force par personne par groupe racial. De même, tout comme une personne peut être impliquée dans plus d’un incident de recours à la force, elle peut être exposée à de multiples situations (cas ou applications de la force) pour chaque incident (voir tableau 2). Par exemple, une personne peut être impliquée dans un incident où une seule situation et un seul type de force sont utilisés, comme une situation de contrôle physique. Une autre personne pourrait être impliquée dans un seul incident, mais avoir subi trois types de force et quatre situations de force, comme une situation de contrôle physique, une contrainte et deux pulvérisations distinctes de gaz poivrés.

    Comme le montre le tableau 2, une comparaison du nombre moyen d’incidents de recours à la force et du nombre moyen de situations de la force par personne impliquée dans un incident de recours à la force pour chaque groupe racial a révélé que les Autochtones ont subi :

    • Le nombre moyen d’incidents par personne le plus élevé par rapport à tous les autres groupes (plus de trois incidents par personne en moyenne);
    • Le nombre moyen de situations d’usage de la force le plus élevé par rapport à tous les autres groupes (c’est-à-dire plus de cinq situations d’usage de la force par personne en moyenne);
    • Un nombre moyen d’incidents (3,01 contre 2,78) et de situations d’usage de la force (5,45 contre 5,02) plus élevé que la moyenne de la population; et,
    • Un nombre significativement plus élevé d’incidents par personne par rapport aux personnes de race blanche (3,01 contre 2,61).

    Tableau 2 : Nombre moyen d’incidents de recours à la force et nombre moyen de situations d’usage de la force par personne par groupe racial

    GROUPE RACIAL 

    NOMBRE MOYEN 
    D'INCIDENTS 
    PAR PERSONNE 

    NOMBRE MOYEN 
    D'OCCURRENCES 
    D'USAGE DE LA 
    FORCE PAR 
    PERSONNE 

    AUTOCHTONE

    3,01

    5,45

    NOIR

    2,78

    5,43

    BLANC

    2,61

    4,56

    PDC

    2,53

    4,71

    POPULATION 
    MOYENNE

    2,78

    5,02

    Bien qu’ils représentent 12 % des personnes impliquées dans des recours à la force au cours des cinq dernières années, les Noirs ont connu un nombre moyen d’incidents par personne plus élevé (2,78) que les Blancs et les personnes de couleur. Il est également important de noter que le nombre moyen de cas de recours à la force pour les Noirs (5,43) est presque aussi élevé que celui des Autochtones (5,45). Si les Noirs sont impliqués dans un nombre relativement faible d’incidents, leur exposition à la force est considérablement plus élevée que celle des autres groupes raciaux plus denses par personne par rapport aux autres groupes raciaux.

    Raisons et types de recours à la force par groupe racial

    Un bref examen des raisons documentées du recours à la force a démontré que même si tous les groupes raciaux avaient généralement le même ordre de classement pour les raisons attribuées à l’incident de recours à la force, les différences suivantes sont ressorties :

    • Les personnes autochtones et les personnes de couleur ont affiché une proportion nettement plus élevée d’incidents liés à des agressions que les personnes blanches et noires, ainsi que la population globale;
    • Les Autochtones et les Blancs présentaient un nombre significativement plus élevé de cas de recours à la force attribués à l’automutilation par rapport aux personnes noires, aux personnes de couleur et à la population globale;
    • La proportion d’incidents attribués à la contrebande était plus élevée chez les personnes noires et les personnes de couleur que chez les personnes blanches, les Autochtones et la population globale.

    Tableau 3 : Raisons des recours à la force par groupe racial et population globale

     

    AUTOCHTONE 
    (n = 1 932) 

    BLANC 
    (n = 2 090) 

    NOIR 
    (n = 609) 

    PDC 
    (n = 321) 

    POPULATION 
    TOTALE 

    % LIÉ À L'AGRESSION

    53,3

    45,7

    49,1

    56,9

    50,0

    % LIÉ AU COMPORTEMENT

    34,7

    39,7

    41,5

    31,9

    37,3

    % AUTOMUTILATION

    8,1

    9,7

    2,9

    3,0

    7,8

    % CONTREBANDE

    1,9

    2,6

    4,0

    4,7

    2,7

    Le rôle unique de la race dans les recours à la force

    L’examen du recours à la force au niveau des personnes et des incidents montre systématiquement la surreprésentation des personnes autochtones et noires par rapport à leur représentation dans la population générale, dans la population carcérale et dans les autres groupes raciaux. En outre, elle illustre l’usage excessif et la densité de la force dont sont victimes spécifiquement les personnes noires et autochtones. Bien que ces résultats soient à eux seuls convaincants, les preuves ne nous disent pas pourquoi la surreprésentation existe. Cela soulève à son tour la question suivante : le recours à la force plus important dont font l’objet les personnes noires et autochtones pourrait-il s’expliquer par le fait que les membres de ces groupes sont plus nombreux à faire partie de groupes à risque et à sécurité élevée? En d’autres termes, si l’on tient compte de l’influence du niveau de risque, du niveau de sécurité et d’autres facteurs liés à une participation accrue aux recours à la force, la race est-elle spécifiquement liée en tant que telle ? Plus précisément, à égalité avec d’autres facteurs importants, le fait de s’identifier en tant que personne autochtone ou noire entraîne-t-il à lui seul un risque plus élevé d’être impliqué dans un incident de recours à la force?

    Pour explorer cela, deux années de données sur le recours à la force ont été examinées, y compris pour toutes les personnes qui étaient en détention dans un établissement fédéral entre 2018 et 2020. Les personnes impliquées dans au moins un incident de recours à la force ont été comparées à celles qui n’ont pas été impliquées dans un recours à la force pendant cette période (voir tableau 4). Des renseignements sur le niveau de risque, le niveau de sécurité, l’âge, le sexe et la durée de la peine ont été obtenus pour chaque personne afin d’analyser la relation entre la race (autochtone ou noire, ou non) et l’implication dans un incident de recours à la force.

    Tableau 4 : Comparaison des facteurs entre les personnes impliquées et non impliquées dans les recours à la force entre 2018 et 2020

     

    IMPLIQUÉES 
    (n = 2 967) 

    NON IMPLIQUÉES 
    (n = 24 283) 

    % AUTOCHTONES OU NOIRS

    53,5

    33,8

    ÂGE MOYEN

    29,9

    37,1

    DURÉE MOYENNE DES PEINES 
    (ANNÉES)

    4,0

    3,2

    GENRE

    % d’hommes

    94,3

    93,4

    % de femmes

    5,4

    6,6

    NIVEAU DE SÉCURITÉ

    % maximale

    35,4

    3,5

    % moyenne

    34,0

    35,2

    % minimale

    1,7

    21,7

    NIVEAU DE RISQUE

    % élevé

    76

    46,2

    % moyen

    21,8

    37,3

    % faible

    1,8

    13,4

    Source : Entrepôt de données de SCC (février 2021).

    D’après les données, la grande majorité des personnes incarcérées entre 2018 et 2020 étaient des hommes (93,5 %), évalués comme présentant un risque élevé ou moyen (49,5 % et 35,6 %, respectivement), vivant dans une unité à sécurité moyenne (35 %) et purgeant une peine moyenne de 3,3 ans (voir le tableau 4). Footnote 11 Environ 11 % de toutes les personnes ont été impliquées dans au moins un incident de recours à la force, et 54 % de toutes les personnes impliquées dans un incident de recours à la force se sont identifiés comme Autochtones ou Noirs. Footnote 12 

    Une comparaison et un examen des facteurs (race, âge, durée de la peine, genre, niveau de sécurité et niveau de risque) ont démontré une relation significative entre chaque facteur et l’implication dans un incident de recours à la force. Plus précisément, le fait d’être plus jeune, d’avoir une peine plus longue, d’être un homme, d’avoir un niveau de sécurité et de risque plus élevé, et de s’identifier comme personne autochtone ou noire étaient significativement associés au fait d’être impliqué dans un incident de recours à la force. Footnote 13 

    Ensuite, nous avons examiné le lien entre la race et l’implication dans un recours à la force. Footnote 14 Cette analyse a révélé que le fait de s’identifier comme personne autochtone ou noire rendait les personnes beaucoup plus susceptibles d’être impliquées dans un incident de recours à la force. Plus précisément, la probabilité d’être impliquée était 2,5 fois plus élevée pour une personne autochtone ou noire que pour une personne s’identifiant à un autre groupe racial. Lorsque les autres facteurs ont été ajoutés au modèle (âge, genre, niveau de risque, niveau de sécurité et durée de la peine), tous les facteurs étaient significativement associés à l’implication dans un recours à la force. Fait important, les résultats indiquent que le lien entre la race et le recours à la force, en maintenant constants les effets des cinq autres facteurs, était toujours associé de manière significative au recours à la force. En d’autres termes, après avoir pris en compte l’influence de l’âge, du risque, du niveau de sécurité, du genre et de la durée de la peine sur l’implication dans le recours à la force, le fait d’être une personne autochtone ou noire était associé de manière singulière à une probabilité accrue d’être impliqué dans un incident de recours à la force.

    Il est probable que d’autres facteurs servent également à expliquer l’implication dans les recours à la force, mais cette constatation nous indique que la surreprésentation des personnes autochtones et noires dans les incidents de recours à la force ne peut pas simplement s’expliquer par leur plus grande proportion dans les groupes à risque élevé ou à sécurité élevée, leur plus jeune âge ou la durée de leur peine. Le rôle unique et important de la race devrait inciter le Service à examiner sérieusement la façon dont les méthodes de recours à la force sont appliquées et à l’égard de qui elles sont appliquées le plus souvent. Cette constatation fournit des preuves irréfutables qui suggèrent que la force est appliquée de manière disproportionnée à l’égard des personnes autochtones et noires, et peut-être même à l’égard d’autres personnes à cause de la race, au-delà de raisons plus légitimes. En d’autres termes, la race à elle seule ne devrait pas constituer un « facteur de risque » d’exposition aux recours à la force.

    1. Je recommande que le SCC élabore rapidement un plan d’action, en consultation avec les intervenants, afin d’examiner la relation entre le recours à la force et le racisme systémique à l’égard des Autochtones et des Noirs, et qu’il rende compte publiquement des changements réalisables aux politiques et aux pratiques qui permettront de réduire efficacement la surreprésentation de ces groupes parmi les personnes exposées au recours à la force. 

       

    Conclusion

    Le recours à la force dans les prisons est un outil puissant dont disposent les organismes correctionnels. Il peut jouer un rôle important dans le cadre de paramètres stricts et dans des circonstances limitées. Mais, comme beaucoup d’autres pratiques qui laissent une large place à l’utilisation discrétionnaire, le recours à la force est devenu une méthode incontournable de la gestion correctionnelle. C’est une méthode qui est sujet à l’influence des préjugés implicites et explicites.

    Les preuves du recours excessif à la force en général, et plus particulièrement à l’égard des personnes noires et autochtones, sont irréfutables. Cette réalité contraste de manière décevante avec la mise en œuvre de mesures apparemment prometteuses, comme les MEI, qui avaient démontré une certaine volonté organisationnelle de s’éloigner du recours excessif à la force. Cependant, les résultats sont non seulement incohérents, mais aussi diamétralement opposés aux intentions de ces mesures.

    Il n’y a pas eu de meilleur moment ni de meilleure motivation que le climat social actuel pour que le Service s’engage dans une autoréflexion et examine ses politiques et ses pratiques de recours à la force dans leur ensemble tout en portant une attention particulière aux personnes noires et autochtones, ainsi qu’à d’autres groupes vulnérables, qui sont touchés de manière disproportionnée et très négative.

    Un examen des services correctionnels pour femmes 30 ans après La création de choix 

    Avril 2020 a marqué le 30e anniversaire de La création de choix . Footnote 15 Lancée comme un plan directeur pour les services correctionnels fédéraux pour femmes au Canada, La création de choix a marqué le début d’un système correctionnel reconnu comme étant axé sur les femmes. Le commissaire de Service correctionnel du Canada a créé le Groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale (ci-après nommé le Groupe d’étude) en 1989. Le Groupe d’étude s’est largement appuyé sur la vie, l’expérience et la perspicacité des femmes purgeant une peine fédérale pour examiner les pratiques de gestion des femmes en détention, et pour élaborer un plan et des lignes directrices pour les politiques et interventions futures. Le Groupe d’étude a formulé des recommandations à court et à long terme qui ont considérablement modifié le système correctionnel pour femmes. Il consacre cinq principes qui font partie intégrante d’une approche correctionnelle axée sur les femmes : la responsabilisation, des choix valables et responsables, le respect et la dignité, un environnement de soutien et la responsabilité partagée.

    Photo d'une cour de l’unité d’intervention structurée et de l’unité de garde en milieu fermé de l’Établissement Nova.

    Cour de l’unité d’intervention structurée et de l’unité 
    de garde en milieu fermé de l’Établissement Nova 

    Six ans après la publication du rapport du Groupe d’étude, le solliciteur général du Canada a publié le rapport de l’honorable Louise Arbour sur son enquête concernant les événements survenus à la prison des femmes de Kingston, en Ontario. Footnote 16 Le rapport portait sur l’enquête relative aux incidents qui ont eu lieu entre un groupe de femmes incarcérées et le personnel. Le rapport a formulé 14 recommandations principales et a servi, avec La création de choix , d’impulsion politique pour un grand nombre de changements opérationnels et culturels dans les établissements correctionnels fédéraux pour femmes.

    Mon Bureau a fait rapport sur les améliorations pour les femmes dans des rapports annuels successifs, notant de nombreuses réalisations, mais soulignant également de nombreuses pratiques problématiques et des domaines où des améliorations étaient nécessaires de toute urgence. J’ai démontré à plusieurs reprises qu’une augmentation de la population des femmes incarcérées correspond à une érosion des principes clés énoncés dans La création de choix . Le nombre élevé d’incidents d’automutilation, de recours à la force, d’agressions (y compris sexuelles), de bagarres, de tentatives de suicide et de surdoses interrompues chez les femmes indique que le système n’est pas à la hauteur des principes et des intentions adoptées dans La création de choix . De nouveaux problèmes sont également apparus au fil des ans, qui ont remis en question le système et les approches de la gestion des services correctionnels pour femmes.

    En 2020-2021, le Bureau a examiné de manière générale l’évolution des services correctionnels pour femmes au cours des trois dernières décennies. Nous avons mené des entrevues confidentielles avec des femmes incarcérées dans chaque région, ainsi qu’avec le personnel de SCC, afin de mieux éclairer notre analyse et nos conclusions. Il est essentiel d’entendre directement les femmes qui purgent une peine et le personnel qui a travaillé dans le cadre de La création de choix pour mieux comprendre les défis et l’ampleur des problèmes. Nous avons également examiné la documentation universitaire, les ressources des intervenants et les rapports parlementaires.

    L’analyse suivante examine les services correctionnels pour femmes, avec pour toile de fond les neuf problèmes cernés dans La création de choix . Ils comprennent :

    1. La prison pour femmes n’est pas adéquate;
    2. La prison pour femmes est trop sécurisée;
    3. La programmation est mauvaise;
    4. Les femmes sont isolées de leur famille;
    5. Les besoins des femmes francophones ne sont pas satisfaits;
    6. Les besoins des femmes autochtones ne sont pas satisfaits;
    7. La responsabilité des femmes purgeant une peine de ressort fédéral doit être élargie;
    8. Les femmes doivent être mieux intégrées dans la collectivité;
    9. L’incarcération ne favorise pas la réadaptation.

    Points saillants des principales constatations

    • La création de choix a été une initiative révolutionnaire qui a permis d’apporter de nombreuses améliorations aux services correctionnels pour femmes. Toutefois, dans l’ensemble, la situation de la plupart des femmes incarcérées dans les prisons fédérales a peu changé. Footnote 17 
    • L’un des changements les plus significatifs de ces trente dernières années a été l’augmentation pure et simple du nombre de femmes condamnées au niveau fédéral. Les admissions dans les établissements correctionnels fédéraux pour femmes ont plus que triplé, passant de 170 en 1990-1991 à 562 en 2019-2020.
    • La composition de la population a changé de manière significative. La population des femmes autochtones condamnées au niveau fédéral a augmenté de 73,8 % en 30 ans. Les femmes autochtones représentent 43 % de la population des femmes condamnées au niveau fédéral, contre 23 % en 1990-1991.
    • Presque tous les problèmes cernés il y a trente ans (infrastructure inadéquate, sursécurisation, manque de programmes et de services, mauvaises pratiques de réintégration dans la collectivité) restent des sujets de préoccupation importants aujourd’hui, certains se sont même détériorés davantage et tous sont des facteurs contribuant aux mauvais résultats correctionnels pour de nombreuses femmes.
    • Une approche axée sur la sécurité continue d’imprégner presque tous les aspects des services correctionnels pour femmes, ce qui empêche le SCC de réaliser pleinement la vision énoncée dans La création de choix . Footnote 18 
    • Les programmes, les services et les interventions restent un problème important. Bien que certaines femmes nous aient dit avoir eu des expériences positives dans les programmes, les programmes correctionnels ne se traduisent pas par de meilleurs résultats dans la collectivité pour beaucoup d’autres. Les femmes autochtones ont un accès limité aux programmes spécialisés, aux Aînés et aux agents de liaison autochtones. Les formations professionnelles destinées aux femmes sont souvent enracinées dans les attentes et les rôles traditionnels et offrent peu de compétences monnayables.
    • Malgré les recherches de SCC qui démontrent que les femmes bénéficiant d’une permission de sortir sont moins touchées par le chômage et ont moins de retours en détention, le recours aux permissions de sortir et aux placements à l’extérieur est limité. Cela empêche les femmes de recourir à des services et à des interventions en dehors de la prison qui leur offriraient des possibilités mieux adaptées à leurs besoins et à leurs intérêts.
    • Les pratiques correctionnelles qui traumatisent à nouveau les femmes (fouilles à nu aléatoires), ou une culture de travail par laquelle le personnel se permet de porter des commentaires qui discriminent ou intimident les femmes en raison de leur race, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur expression de genre, ne contribuent en rien à un environnement axé sur la guérison.

    LA VOIX DES FEMMES

    Dans le cadre de notre travail pour ce chapitre, nous avons interviewé un certain nombre de femmes en prison. Vous trouverez ci-dessous leurs réflexions sur l’évolution des services correctionnels pour femmes, les défis auxquels elles sont confrontées et la réalisation de La création de choix .

    Sur la responsabilisation et le choix :

    « Je n’ai pas senti que le SCC est là pour nous soutenir. Tout est un combat avec la direction. Aucune responsabilisation de la part de l’établissement, je n’ai pas été respectée par le personnel et j’ai vu le personnel manquer de respect à d’autres détenues. J’ai déposé des plaintes pour violation des droits de la personne et pour discrimination/harcèlement au nom d’autres détenues. Des décisions sont prises dans notre cas et ils nous en informent, nous ne sommes pas consultées ni incluses dans le processus. »

    « Systématiquement, nous avions plus de choix (sorties avec escorte, placements à l’extérieur, même ce que nous pouvons obtenir sur la liste d’épicerie). Cela semble plus restrictif maintenant. »

    « Les sorties avec escortes/placements à l’extérieur sont horribles. J’essaie depuis 2 ans et demi, mais l’agent des programmes continue de changer les choses, maintenant j’ai besoin d’une évaluation psychologique et d’une mise à jour du plan correctionnel. C’est frustrant. »

    Sur les programmes et les services :

    « J’ai été vraiment impressionnée par l’agent de programmes correctionnels qui a enseigné mon programme. Il a su composer avec les différentes personnalités et apprendre à nous connaître de différentes manières. Il a été en mesure de me mettre au défi et de me faire sortir de ma coquille. »

    « Mes compétences sont meilleures et se sont améliorées depuis que j’ai suivi mon programme. C’était une bonne expérience. J’ai été prudente quant à l’information que j’ai transmise à cause des autres personnes du groupe. Cependant, j’en ai parlé à l’agent de programmes correctionnels. Mes capacités d’adaptation se sont considérablement améliorées. »

    « En n’ayant pas un accès assez bon à la santé mentale (psychiatre), plus de médecins qui peuvent aider, pas seulement pour nous prescrire des médicaments. »

    « Pour les programmes correctionnels pour délinquantes autochtones, j’ai vécu une expérience extraordinaire avec l’Aîné et l’animateur. Cela a transformé ma vie. »

    « Les bénévoles qui veulent venir nous aider doivent passer par tellement de processus d’approbation, cela prend tellement de temps. »

    « Il est évident que le programme mère-enfant est positif, mais il pourrait mieux fonctionner (manque de formation des personnes qui le gèrent, trop de niveaux d’approbation). »

    « La réintégration est le plus grand défi. Les femmes sortent de prison sans compétences professionnelles, sans savoir comment chercher un emploi. Si vous partez en libération d’office, vous devez vous débrouiller seul, où établissons-nous des ponts? Les options professionnelles sont si limitées pour les femmes (alimentation, couture, nettoyage...). »

    Sur la sécurité :

    « Je l’ai vu passer d’un modèle centré sur les femmes et de soutien... à un modèle plus masculin. J’attribue le début de cette tendance au moment où les intervenants principaux ont commencé à porter un uniforme. »

    « J’ai l’impression que nous nous sommes éloignés de la création de choix , à l’exception de quelques employés. Ça ressemble plus à un modèle basé sur la punition. »

Profil des femmes incarcérées dans des établissements fédéraux

L’une des différences les plus apparentes dans le paysage des services correctionnels pour femmes aujourd’hui par rapport à 1990 est la forte augmentation du nombre de femmes incarcérées dans des établissements fédéraux au Canada. Les admissions ont plus que triplé, passant de 170 en 1990-1991 à 562 en 2019-2020.

Graphique 1. Admissions de femmes incarcérées dans des établissements fédéraux de 1990-1991 à 2019-2020

Graphique représentant les admissions fédérales dans les établissements pour femmes purgeant une peine de ressort fédéral, de l'année financière 1990-1991 à 2019-2020.
•	1990-1991 : 170
•	1991-1992 : 189
•	1992-1993 : 210
•	1993-1994 : 233
•	1994-1995 : 253
•	1995-1996 : 244
•	1996-1997 : 282
•	1997-1998 : 285
•	1998-1999 : 333
•	1999-2000 : 339
•	2000-2001 : 390
•	2001-2002 : 344
•	2002-2003 : 357
•	2003-2004 : 389
•	2004-2005 : 404
•	2005-2006 : 448
•	2006-2007 : 485
•	2007-2008 : 469
•	2008-2009 : 504
•	2009-2010 : 497
•	2010-2011 : 493
•	2011-2012 : 499
•	2012-2013 : 427
•	2013-2014 : 457
•	2014-2015 : 506
•	2015-2016 : 561
•	2016-2017 : 576
•	2017-2018 : 559
•	2018-2019 : 563
•	2019-2020 : 562

Source : Entrepôt de données de SCC (10 avril 2021).

Selon l’entrepôt de données de SCC, le 10 avril 2021, 615 personnes étaient incarcérées dans des établissements fédéraux destinés aux femmes. Sept cent treize autres ont été supervisées dans la collectivité. Comme le montre le tableau 1, la plupart des femmes ont été incarcérées dans les régions des Prairies (30,1 %) ou de l’Ontario (28,8 %). Environ la moitié des femmes étaient placées dans un établissement à sécurité moyenne, tandis que seulement un quart d’entre elles étaient classées à sécurité minimale. La plupart des femmes purgeaient des peines relativement courtes, de trois ans en moyenne. La grande majorité (86 %) des femmes purgeait leur première peine fédérale. Bien que la plus grande proportion de femmes incarcérées ait été évaluée comme ayant des besoins élevés (61,3 %), et étant à risque moyen (41 %) ou élevé (40 %), la plupart des femmes ont également été évaluées comme ayant des niveaux moyens ou élevés de motivation, ou de responsabilité, ou les deux. Selon les données du Système intégré de rapport de SCC, il y avait presque autant de femmes incarcérées qui s’identifiaient comme blanches (44 %) que de femmes qui s’identifiaient comme autochtones (43 %) ; les 14 % restants s’identifiaient comme minorité visible ou autre. Bien que la situation spécifique des femmes autochtones soit abordée dans une section ultérieure, il convient de noter ici les différences de profil des femmes autochtones incarcérées. Par exemple, par rapport aux femmes non autochtones incarcérées, les femmes autochtones étaient nettement plus jeunes. Leur âge médian à l’admission était de 29 ans, contre 36 ans pour les femmes non autochtones. Elles représentaient près de deux fois la proportion de femmes non autochtones placées dans un établissement à sécurité maximale, et recevaient une cote de risque et de besoins plus élevée.

Tableau 1 : Profil démographique des femmes incarcérées dans un établissement fédéral

 

NON-AUTOCHTONES 
(n = 327) 

 

AUTOCHTONE 
(n = 252) 

 

TOTAL 
(N = 615) 

 
 

Nbre (MÉDIAN) 

Nbre (MÉDIAN) 

Nbre (MÉDIAN) 

ÂGE MOYEN 
L'ADMISSION 

37,5 
(36)

30,7 
(29)

34,7 
(32)

CLASSIFICATION DE 
LA SÉCURITÉ 

Minimale

96

29,4

50

19,8

151

24,6

Moyenne

173

52,9

140

55,6

318

51,7

Maximale

22

6,7

32

12,7

54

8,8

DURÉE MOYENNE DES 
PEINES (ANNÉES) 

3,1 
(2,00)

-

3,1 
(2,00)

-

3,0 
(2,00)

-

PREMIÈRE PEINE DE 
RESSORT FÉDÉRAL 

276

84,4

218

86,5

529

86

RÉGION 

Pacifique

37

11,30

47

18,7

88

14,3

Prairie

62

19,0

115

45,6

185

30,1

Ontario

114

34,9

53

21,0

177

28,8

Québec

63

19,3

14

5,6

84

13,7

Atlantique

51

15,6

23

9,1

81

13,2

NIVEAU DE RISQUE 

Élevé

120

36,7

123

48,8

245

39,8

Moyen

140

42,8

100

39,7

252

41,0

Faible

44

13,5

15

6,0

66

10,7

NIVEAU DE BESOIN 

Élevé

175

53,5

193

76,6

377

61,3

Moyen

108

33,0

42

16,7

160

26

Faible

18

5,5

1

0,4

21

3,4

RÉINTÉGRATION 

      

Haute

45

13,8

3

1,2

53

8,6

Moyenne

187

57,2

147

58,3

349

56,7

Faible

69

21,1

86

34,1

156

25,4

MOTIVATION 

      

Haute

111

33,9

63

25,0

185

30,1

Moyenne

167

51,1

160

63,5

337

54,8

Faible

23

7,0

13

5,2

36

5,9

RESPONSABILITÉ 

      

Haute

86

26,3

53

21,0

146

23,7

Moyenne

176

53,8

171

67,9

361

58,7

Faible

38

11,6

10

4,0

48

7,8

Remarques : Les données sur la race n’étaient pas disponibles pour environ 6% de la population. Pour les autres caractéristiques démographiques, les données manquaient pour 8 à 15 % de la population. 
Source : Entrepôt de données de SCC (basé sur les femmes incarcérées au 10 avril 2021).

Évaluation des services correctionnels pour femmes par rapport aux neuf problèmes cernés dans La création de choix 

1. La prison pour femmes n’est pas adéquate

En 1990, il est devenu évident pour le Groupe d’étude que l’unique prison fédérale pour femmes, en activité de 1934 à 2000 et située à Kingston, en Ontario, était totalement inadaptée. Sa conception était basée sur un établissement à sécurité maximale pour hommes, ce qui signifie que la plupart des femmes étaient détenues à un niveau de sécurité plus élevé que nécessaire. La prison était bruyante, mal ventilée et ne disposait pas d’un espace suffisant pour accueillir les interventions correctionnelles. Des améliorations ont été apportées au fil des ans, mais la rigidité de la conception et le mur de haute sécurité de la prison la faisait ressembler à une forteresse qui séparait les femmes de la collectivité. Le Groupe d’étude a recommandé que cinq établissements régionaux pour femmes soient construits avec des unités de style pavillon pour intégrer une vie autonome, des mesures de sécurité non perturbatrices, de la lumière naturelle, de l’air frais, de l’espace, de l’intimité, un espace spirituel dédié et un accès à la terre.

Photo d'une cour à l’Établissement d’Edmonton pour femmes.

Cour à l’Établissement d’Edmonton pour femmes 

Photo des résidences communautaires à l’Établissement Grand Valley.

Résidences communautaires à l’Établissement 
Grand Valley 

Cinq établissements régionaux

Malgré l’adhésion à bon nombre des recommandations formulées dans La création de choix , les établissements régionaux continuent de poser des problèmes. La construction d’un établissement dans chaque région, bien que préférable à un établissement national, oblige encore de nombreuses femmes à purger leur peine loin de leur famille et de leur collectivité. Une étude récente de SCC a révélé que les femmes (et les hommes) qui recevaient la visite d’amis et de membres de leur famille réussissaient mieux leur retour dans la collectivité. Footnote 19 De nombreuses femmes sont mères de famille et beaucoup de familles n’ont pas les moyens de se déplacer pour les visites. Les incompatibles (membres affiliés à un gang, personnes placées en isolement protecteur et autres groupes) au sein d’une région peuvent également exiger que les femmes soient transférées encore plus loin de leurs soutiens. Cela peut s’avérer particulièrement difficile pour les femmes autochtones transférées dans une région où il y a moins de soutien culturel, ou pour les femmes transférées dans une région où il y a peu de soutien dans la langue de leur choix.

Surpeuplement

Construits pour une population beaucoup plus petite, deux des cinq établissements régionaux - l’Établissement Grand Valley (GVI) et l’Établissement d’Edmonton pour femmes (EIFW) - sont souvent surpeuplés. L’intention de La création de choix était que la taille de chaque établissement reflète la population régionale et que « la mise en œuvre efficace de stratégies communautaires devrait, au fil du temps, réduire le besoin et la durée de séjour dans ces établissements ». La création de choix a également recommandé que les femmes soient incarcérées dans la région où elles sont reconnues coupables et condamnées. On prévoyait également des transferts pour « des raisons personnelles ou en lien avec le programme ». Bien qu’il semble que ce principe soit souvent respecté, la surpopulation et la présence d’incompatibles ont fait que certaines femmes ont été transférées pour des raisons qui ne sont pas personnelles ou liées au programme. Ces deux dernières années, en raison du surpeuplement et des incompatibilités au sein de l’EIFW, plusieurs femmes, dont beaucoup d’Autochtones, ont été transférées à l’Établissement de Joliette, au Québec. Non seulement elles sont éloignées de leur famille et de leurs soutiens culturels, mais elles sont placées dans un établissement avec peu de soutiens pouvant communiquer dans la langue de leur choix. Il était difficile d’organiser des programmes correctionnels en anglais lorsque seules quelques femmes anglophones étaient transférées à Joliette, mais à mesure que le nombre de femmes augmentait, les programmes correctionnels en anglais devenaient disponibles. Il n’y a toujours pas d’Aîné qui parle anglais, mais il y a un agent de liaison autochtone qui parle anglais. Il y a actuellement 32 femmes à Joliette dans la région du Québec dont la langue préférée est l’anglais; 11 d’entre elles ont été condamnées dans la région des Prairies. Footnote 20 Mon Bureau est récemment intervenu dans un cas où une femme a été approuvée pour un placement pénitentiaire à l’EIFW en vertu d’un mandat de dépôt. Cependant, en raison du surpeuplement de l’EIFW, on a recommandé son placement pénitentiaire à Joliette. Il était important que mon Bureau intervienne, car cette femme purgeait une courte peine de deux ans et huit mois; un placement en cellule si loin de sa collectivité aurait pu réduire sa motivation à aborder ses besoins. Tous ses soutiens communautaires, ainsi que son plan de libération, se trouvaient en Alberta. Elle avait été recommandée pour plusieurs programmes et, selon l’évaluation de l’équipe de gestion de cas (ÉGC), elle semblait déterminée à mener à bien les interventions visant à rencontrer ses besoins, et motivée à travailler à la réalisation de son plan correctionnel. L’ÉGC a indiqué que sans l’achèvement d’une programmation et d’une intervention appropriée, son potentiel de réintégration était faible. Après l’intervention de mon Bureau, l’équipe de gestion de l’EIFW a changé sa décision et l’a gardée sur place. Les transferts à l’extérieur de la région doivent être réduits au minimum et utilisés uniquement en dernier recours, et non comme un moyen de contrôler les niveaux de population. Des solutions plus innovantes, comme la révision des classifications de sécurité, le transfert des femmes autochtones dans un pavillon de ressourcement ou le retour des femmes dans la collectivité, permettent de mieux contrôler les niveaux de population et sont plus bénéfiques pour les femmes.

La surpopulation a également été un problème dans l’unité de garde en milieu fermé de l’EIFW et de l’ÉGVF. De nombreuses femmes dans les unités de garde en milieu fermé ont des problèmes complexes de santé mentale. La surpopulation et la double occupation des cellules peuvent accroître le stress, l’anxiété et les incidents liés aux comportements d’automutilation et suicidaires, d’autant plus que les déplacements hors de l’unité sont souvent très limités.

Photo d'une unité de milieu de vie à l’Établissement Grand Valley.

Unité de milieu de vie à l’Établissement Grand Valley 

Infrastructure

Construites il y a de nombreuses années, les établissements régionaux nécessitent un entretien régulier. Les femmes ont signalé des problèmes d’accès à l’eau chaude et à l’eau froide, de pression d’eau, de températures extrêmes dans les unités, d’appareils électroménagers brisés et de bâtiments en mauvais état. Bien que la maintenance et l’entretien des établissements soient une exigence permanente, ces conditions peuvent créer des tensions et du stress chez les femmes, en particulier lorsque les réparations prennent plusieurs semaines ou lorsqu’elles doivent déménager des unités pendant que les réparations sont effectuées. Dans l’unité de garde en milieu fermé d’un établissement régional, un panneau de sécurité s’est brisé à l’automne dernier; il n’a été remplacé que ce printemps. Pendant cette période, la routine de l’unité de garde en milieu fermé a été modifiée. Les femmes étaient enfermées dans leur unité après 15 heures, sans possibilité de récréation le soir. Leurs portes étaient verrouillées entre les rondes de sécurité (toutes les 45 minutes), ce qui a donné lieu à de nombreuses plaintes auprès de mon Bureau.

Même réaménagés, les établissements sont de piètres espaces de vie pour les femmes âgées ou celles dont la mobilité est réduite. Comme indiqué dans Vieillir et mourir en prison : enquête sur les expériences vécues par les personnes âgées sous garde fédérale , de nombreux obstacles physiques subsistent pour les personnes à mobilité réduite. Le réaménagement est souvent limité par l’âge de l’établissement. Footnote 21 Mon Bureau a reçu des plaintes de femmes à l’effet que leurs demandes d’utiliser l’ascenseur entraînaient des réactions de frustration de la part du personnel. De plus, les problèmes de personnel peuvent entraîner des attentes prolongées pour utiliser l’ascenseur, et les agents peuvent suggérer que les femmes ne se déplacent pas entre les étages. Les problèmes d’infrastructure ne devraient pas empêcher les femmes d’accéder aux zones où elles sont autorisées à entrer.

Accès aux soins de santé

Au cours des cinq dernières années, les soins de santé ont été une préoccupation majeure dans les plaintes adressées à mon Bureau. Elles portent souvent sur l’accès, les médicaments, les temps d’attente (notamment pour les soins dentaires), le manque de tests de routine (mammographies, frottis) et les soins liés aux traumatismes. Ces problèmes suggèrent que le SCC continue à avoir du mal à remplir son obligation légale de fournir des soins de santé essentiels équivalents aux normes communautaires, et un accès raisonnable aux soins de santé non essentiels. Footnote 22 

Système de griefs inefficace

Mon bureau a souligné à plusieurs reprises les lacunes du système de règlement des griefs de SCC. Nous continuons à recevoir des plaintes concernant des questions relativement mineures qui auraient dû être traitées en établissement plutôt que d’être transmises au Bureau. Bien que le SCC ait ajouté des ressources, il reste des retards importants dans la résolution des plaintes et des griefs. La suppression du deuxième niveau (régional) il y a plusieurs années était censée aboutir à un système plus rationnel, à deux niveaux, d’examen et de recours des plaintes des détenus correspondant à un dernier grief (institutionnel) et au niveau national. Cependant, le nombre de griefs transmis au niveau national et le temps nécessaire à leur résolution ont entraîné des retards et des arriérés flagrants. Le SCC a l’obligation, en vertu de l’article 90 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, de régler les griefs des délinquants « de façon équitable et rapide ». Comme je l’ai souligné dans mon rapport annuel 2016-2017, il serait plus efficace de donner aux gestionnaires les moyens et la capacité de résoudre les problèmes dans leurs établissements et de réinvestir des fonds dans le mode alternatif de règlement des litiges, qui a fait ses preuves. Les femmes ont également déclaré craindre des représailles pour avoir utilisé le système de griefs et s’être fait dire que leurs plaintes seraient utilisées contre elles. Un système équitable, efficace et efficient de règlement des griefs des détenus contribuerait grandement à atténuer certains des problèmes qui affligent les établissements pour femmes.

Photo d'un cadre d’une hutte de suerie et clôture de séparation à l’Établissement de la vallée du Fraser pour femmes.

Cadre d’une hutte de suerie et clôture de séparation 
à l’Établissement de la vallée du Fraser pour femmes 

2. La prison pour femmes est trop sécurisée

Un grand nombre d’idées et de concepts les plus progressistes de La création de choix qui auraient pu créer une ère plus prometteuse – comme la présomption de classification de sécurité minimale à l’admission, l’absence de clôture de périmètre, l’absence d’unités de garde en milieu fermé à sécurité maximale et l’absence d’isolement pour les femmes incarcérées – ont depuis longtemps été abandonnés en faveur d’un système qui place la sécurité et le contrôle au premier plan. Il a fallu attendre l’ouverture des unités de garde en milieu fermé à sécurité minimale en 2014 pour que les femmes détenues dans un établissement à sécurité minimale ne soient plus entourées d’une clôture. Au fil des années, au fur et à mesure que des sacrifices et des compromis ont été faits, la gestion des femmes derrière les barreaux est devenue moins distincte du reste des opérations de SCC. Les établissements régionaux n’ont guère contribué à alléger l’environnement trop sécurisé pour les femmes et, à bien des égards, ont fourni l’occasion d’introduire des mesures de sécurité supplémentaires.

Photo d'une cellule d’observation à côté des unités d’intervention structurée de l’Établissement Nova.

Cellule d’observation à côté des unités d’intervention 
structurée de l’Établissement Nova 

Utilisation de logements visés par des politiques restrictives

Pendant des années, les femmes ont été soumises à diverses formes de logement restrictif, comme l’isolement, l’isolement clinique, l’observation de la santé mentale, la surveillance étroite en cas de risque de suicide, la cellule nue et, désormais, les unités d’intervention structurée (UIS). Bien que ces différents types d’environnements restrictifs soient utilisés de manière très spécifique dans la politique, ils signifient souvent que les femmes sont placées dans des cellules de prison traditionnelles dans un environnement qui privilégie une approche de sécurité plutôt qu’une intervention thérapeutique ou axée sur les soins de santé. Les femmes ont décrit ces cellules comme étant froides, sales et isolées. Un grand nombre d’UIS sont situées dans des zones précédemment utilisées pour l’isolement. De nombreux observateurs ont déclaré que les UIS sont tout simplement le nouvel isolement. Compte tenu des besoins en matière de santé mentale de nombreuses femmes, ces environnements restrictifs et sécurisés ne sont pas appropriés et ne favorisent pas la guérison. Ils laissent souvent aux femmes un sentiment de désespoir, de désarroi et d’impuissance, en particulier lorsqu’elles doivent faire face à leurs problèmes de santé émotionnelle ou mentale. Plutôt que d’isoler les femmes, il faut envisager, le cas échéant, de les placer dans des logements de rechange et qui procurent du soutien.

Photo d'une cours de l’unité d’intervention structurée et de l’unité<br> de garde en milieu fermé de l’Établissement Nova.

Cours de l’unité d’intervention structurée et de l’unité 
de garde en milieu fermé de l’Établissement Nova 

Photo inside the maximum-security unit at Grand Valley Institution.

À l’intérieur de l’unité à sécurité maximale à 
l’Établissement Grand Valley 

L’unité de garde en milieu fermé

L’unité de garde en milieu fermé (établissement à sécurité maximale) est, sans surprise, la plus stricte de toutes les zones des établissements pour femmes. Mon Bureau a précédemment identifié ces unités comme étant très restrictives et répressives. Les conditions de vie dans ces espaces fermés et exigus sont source de tensions, de frustrations et de conflits. Mon personnel continue de voir beaucoup les mêmes femmes détenues dans des unités de garde en milieu fermé, visite après visite. Certaines ont vu leur classification de sécurité passer de moyenne à maximale. D’autres ont été placées dans l’unité de garde en milieu fermé à la suite de comportements causés par des problèmes de santé mentale sous-jacents. D’autres n’ont pas réussi à descendre vers les niveaux de sécurité inférieurs. En outre, comme mon Bureau l’a déjà signalé, les femmes placées dans des établissements à sécurité maximale ont été soumises au fil des ans à au moins deux systèmes distincts de classification ou de niveau destinés à gérer leurs mouvements. Le Protocole de gestion, aujourd’hui disparu, présenté en 2003, était un régime très sévère pour les femmes incarcérées considérées comme « ingérables » au sein de la population d’établissements à sécurité maximale. Il était utilisé presque exclusivement pour la prise en charge des femmes autochtones à haut risque et à besoins élevés. Ce système a été remplacé par le système de niveaux, qui continue de gérer le mouvement des femmes lorsqu’elles quittent l’unité de garde en milieu fermé pour accéder à des services, comme les soins de santé, les visites, les programmes ou l’école. Les femmes sont souvent soumises à des contraintes pour se déplacer hors de l’unité. À l’instar du Protocole de gestion, le système de niveaux a tendance à cibler les femmes autochtones à haut risque et à besoins élevés, qui sont surreprésentées dans les unités de garde en milieu fermé.

Alors que beaucoup de ces femmes ont besoin d’un environnement structuré, l’approche restrictive et sécuritaire de l’unité de garde en milieu fermé peut aggraver leurs problèmes de santé mentale. Les comportements des femmes, dont beaucoup contribuent à leur statut de sécurité maximale, sont souvent le résultat de traumatismes et de problèmes de santé mentale non traités. Il serait préférable de les soutenir plutôt que de les restreindre et de les sécuriser. L’ajout de professionnels de la santé mentale à temps plein dans l’unité de garde en milieu fermé contribuerait grandement à aider bon nombre de ces femmes.

L’application de la politique de manière trop restrictive

De 2015-2016 à 2019-2020, les incidents de recours à la force dans les établissements pour femmes ont atteint leur plus haut niveau en 2018-2019 (266 incidents) avant de diminuer légèrement en 2019-2020 (242). Mon Bureau a mis en évidence la tendance inquiétante du recours à la force sur les femmes qui s’automutilent et sur les femmes souffrant de graves problèmes de santé mentale. Le remplacement du Modèle de gestion de situations par le Modèle d’engagement et d’intervention n’a pas entraîné de changements cohérents dans la manière dont ces cas sont gérés. Les femmes continuent de subir des interventions liées à la sécurité devant ce qui devrait être une intervention liée à la santé. En 2020-2021, mon Bureau a enquêté une nouvelle fois sur un cas particulièrement flagrant de recours à la force sur une femme qui s’automutilait et présentait des problèmes de santé mentale (Voir le cas de recours à la force). Bien que mon Bureau ait reçu une réponse positive de SCC qui détaillait ses échecs et les mesures à prendre pour améliorer les réponses aux incidents, ce cas illustre une fois de plus qu’un travail continu et une surveillance permanente sont nécessaires en ce qui concerne la gestion et le traitement des femmes ayant des problèmes de santé mentale et des personnes ayant des comportements d’automutilation. Compte tenu du nombre de cas similaires que j’ai soumis au Service au fil des ans, je reste préoccupé par le manque apparent de progrès sur ces questions au niveau institutionnel et organisationnel. L’absence de soins de santé mentale suffisants, associée à une approche privilégiant la sécurité pour gérer les situations attribuables à une détresse psychologique aiguë, constitue un modèle risqué qu’une organisation peut renforcer ou laisser se produire passivement.

CAS DE RECOURS À LA FORCE

En 2020-2021, mon Bureau a enquêté sur un cas de recours à la force sur une jeune femme autochtone résidant dans l’unité de garde en milieu fermé. Elle s’automutilait et avait des problèmes de santé mentale.

Après avoir utilisé son bouton d’appel pour demander de l’aide, des agents correctionnels sont arrivés dans sa cellule. Elle a obéi à leurs ordres, a été menottée et conduite dans une salle d’entrevue. Là, elle est devenue très agitée et a recommencé à se blesser. Les agents lui ont ordonné verbalement depuis l’extérieur de la pièce d’arrêter, mais ils n’avaient pas les clés pour entrer et la femme n’a pas arrêté. Lorsque les clés sont arrivées, les agents ont immédiatement ouvert la porte et ont pulvérisé du gaz poivré, ce qui a mis fin à son comportement.

Après la décontamination, la femme a voulu retourner dans son unité. Mais elle n’a pas été autorisée à le faire. Elle s’est à nouveau agitée et a résisté aux ordres. Le personnel l’a portée jusqu’à son unité.

Ce cas illustre une fois de plus de nombreuses préoccupations systémiques du Bureau concernant les services correctionnels pour femmes, notamment :

  • le recours à des mesures de sécurité pour gérer les incidents d’automutilation;
  • une faible adhésion au modèle d’engagement et d’intervention;
  • un manque de services médicaux et de santé mentale;
  • un placement et un traitement des femmes ayant des problèmes de santé mentale dans l’unité de garde en milieu fermé;
  • les lacunes dans les procédures d’examen après usage de la force;
  • un apprentissage organisationnel déficient.

En réponse à ma correspondance, le Service a reconnu que davantage de travail était nécessaire pour répondre de manière appropriée aux incidents liés à la santé. En fait, le Service était d’accord avec la plupart des évaluations de mon Bureau sur ce qui a mal tourné dans ce cas particulier. Le SCC a également décrit les mesures qu’il met en œuvre, notamment :

  • une stratégie de prévention et d’intervention en matière de suicide et un cadre clinique pour aider le personnel à gérer les personnes suicidaires et qui s’automutilent en prenant des mesures pertinentes;
  • une mise à jour continue des programmes d’enseignement et des formations en fonction de scénarios sur l’usage de la force;
  • un Comité d’enquête examinant la gestion des incidents en établissement selon l’ancien Modèle de gestion de situations et le nouveau Modèle d’engagement et d’intervention afin de voir si des progrès ont été réalisés par rapport aux résultats escomptés;
  • des plans d’action régionaux pour le suivi de la mise en œuvre du Modèle d’engagement et d’intervention.

En septembre 2018, le SCC a mis en œuvre un calculateur de fouilles à nu aléatoires afin de normaliser l’attribution des fouilles à nu aléatoires. La plupart des femmes purgeant une peine de ressort fédéral sont des survivantes de traumatismes et d’abus. Plutôt que de réduire les effets de l’exposition au traumatisme, les pratiques de sécurité de ce type reproduisent souvent les événements traumatiques et aggravent les symptômes des traumatismes antérieurs. La politique de fouille à nu des femmes doit être fondée sur la compréhension et la prise en compte de l’impact des traumatismes. Dans la mesure du possible, les recherches doivent éviter les pratiques susceptibles de traumatiser à nouveau inutilement, comme le traitement arbitraire. Une politique de fouille tenant compte des traumatismes et du genre garantirait une approche fondée uniquement sur le risque identifié (motifs raisonnables) et la nécessité.

ARTICLE 53 RECHERCHE D'OBJETS INTERDITS

Le 19 novembre 2020, un établissement pour femmes a été fermé parce qu’on soupçonnait que des objets interdits avaient pénétré dans l’établissement. Pour que les fouilles puissent avoir lieu, les femmes étaient amenées au gymnase et devaient attendre pendant un long moment. Au cours de la fermeture, certaines femmes ont été soumises à une fouille à nu en vertu de l’article 53 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , et interrogées sur la présence de drogues. L’ajout d’un interrogatoire aux fouilles à nu qui avait déjà rendu les femmes vulnérables semble particulièrement axé sur la sécurité, avec peu de respect pour les besoins particuliers ou le dommage qu’une telle expérience peut causer.

En avril 2021, mon Bureau a été informé que l’EIFW et l’Établissement de Bath avaient été retenus comme établissement pilote pour faire l’essai d’un détecteur à balayage corporel. Footnote 23 Si l’introduction de détecteurs à balayage corporel peut réduire le caractère invasif de la fouille à nu, cette pratique montre à quel point les services correctionnels pour femmes se sont éloignés de La création de choix pour normaliser les mesures de sécurité. Aujourd’hui, les mesures de sécurité de ce type sont simplement acceptées comme une routine ou des procédures opérationnelles standard. Il semble qu’il n’y ait pas de place pour s’exprimer ou soulever des questions sur les mesures qui vont à l’encontre d’une vision plus progressiste des services correctionnels pour les femmes. Le Service semble justifier cela au nom de la sécurité et du contrôle. Bien que des recherches invasives puissent être nécessaires dans certains cas très spécifiques, elles doivent être limitées aux cas où il existe des preuves suffisantes.

Les femmes ont soulevé d’autres problèmes auprès de mon Bureau, qui mettent en évidence l’environnement trop sécurisé des établissements pour femmes :

  • Des exigences d’escorte incohérentes : certaines femmes ont déclaré se voir imposer des chaînes aux chevilles quand elles étaient accompagnées d’un garde en uniforme pour aller à un rendez-vous médical communautaire, mais elles peuvent faire une sortie avec escorte sans chaînes aux chevilles en étant accompagnées d’un bénévole;
  • Le personnel de sécurité reste dans la pièce pendant les visites médicales dans la collectivité;
  • Des environnements trop restrictifs dans les unités à sécurité minimale (c’est-à-dire un dénombrement toutes les deux heures, avec deux dénombrements debout, pendant la journée; une signature au registre à 15 h 30; des restrictions sur le sentier de promenade; et des couvre-feux précoces); et,
  • La surutilisation des caméras et de la surveillance va à l’encontre d’un environnement propice au rétablissement.
  1. Je recommande que le SCC effectue un examen externe pour évaluer toutes les pratiques de sécurité dans les établissements pour femmes en vue d’éliminer ou de réduire les procédures de niveau de sécurité trop élevé qui éloignent les services correctionnels pour femmes des objectifs définis dans La création de choix. 

     

3. La programmation est mauvaise

Parmi les problèmes que le Groupe d’étude a identifiés, il y a le besoin d’une plus grande programmation. Depuis 1990, les interventions correctionnelles offertes aux femmes purgeant une peine de ressort fédéral ont considérablement changé dans leur nombre, leur variété et leurs méthodes. Dans les années qui ont suivi La création de choix , des programmes correctionnels individuels ont été proposés pour cibler des besoins criminogènes spécifiques, comme le Programme d’intervention pour délinquantes toxicomanes et le Programme de maîtrise de la colère et des émotions. Toutefois, l’approche et le contenu des programmes ont connu un changement important en 2010, lorsque le SCC a mis en œuvre un nouveau « modèle holistique, fondé sur le genre et la culture » de programmes correctionnels pour les femmes. L’ensemble des programmes correctionnels pour délinquantes (PCD) et le programme correctionnel pour délinquantes autochtones (PCDA) sont passés d’un programme aux objectifs spécifiques (où une femme pouvait avoir besoin de suivre plusieurs programmes pour répondre à tous ses besoins criminogènes identifiés) à un programme intégré à objectifs multiples. Cette approche commence par un programme d’engagement, suivi de composantes d’intensité modérée ou élevée, et se termine par un programme d’autogestion (entretien). Ces éléments de programme peuvent être dispensés dans l’établissement ou dans la collectivité. Ce modèle comprend également un programme pour les délinquantes sexuelles qui en ont besoin. Les femmes placées en unité de garde se voient offrir une intervention modulaire pour les aider à traiter les raisons de leur placement en unité de garde, mais cette programmation ne remplace pas le ou les programmes requis dans le cadre de leur plan correctionnel. Comme le montre La Voix des femmes citée précédemment, nous avons entendu de nombreuses femmes qui ont vécu des expériences positives et qui ont apprécié et bénéficié des programmes correctionnels, tant au niveau du contenu que des animateurs. Cependant, nous avons également entendu de nombreuses plaintes. Récemment, de vastes études et enquêtes sur les problèmes auxquels sont confrontées les femmes purgeant une peine de ressort fédéral ont relevé des lacunes importantes dans leur programmation. Footnote 24 Bien que le nombre et la variété des programmes correctionnels offerts aux femmes purgeant une peine de ressort fédéral aient augmenté depuis La création de choix , des problèmes évidents demeurent quant à leur disponibilité, à leur qualité et à leur efficacité.

Photo d'une salle culturelle de l’établissement de la vallée du Fraser pour femmes.

Salle culturelle de l’établissement de la vallée du 
Fraser pour femmes 

Accès aux programmes correctionnels

L’accès en temps opportun aux programmes correctionnels est important pour de nombreuses raisons, notamment la nécessité de préparer rapidement les femmes à un retour à la liberté réussi dans la collectivité. Le faible accès aux programmes a été l’une des principales conclusions de l’enquête menée en 2017 par le vérificateur général (VG) sur les services correctionnels pour femmes. Bien que l’accès opportun soit un problème beaucoup plus important pour la grande population d’hommes incarcérés, es conclusions du VG indiquent que « le Service correctionnel du Canada ne permettait pas à de nombreuses femmes incarcérées de terminer leur programme correctionnel à temps pour la libération conditionnelle ». En outre, en ce qui concerne les femmes autochtones, le VG a déclaré que « peu de délinquantes autochtones avaient accès à des programmes ou à des interventions correctionnels adaptés à leur culture, en raison de leur disponibilité limitée. » Le VG a constaté que les femmes autochtones suivaient des programmes génériques pour les femmes, en grande partie parce que les programmes culturellement pertinents n’étaient pas proposés à temps. En novembre 2020, le SCC a publié sa propre évaluation des programmes correctionnels pour femmes, qui a révélé des problèmes d’accès similaires, en particulier pour les femmes autochtones. Par exemple, seulement 51 % des femmes autochtones ont achevé le programme principal avant leur date d’admissibilité à la semi-liberté, contre 79 % des femmes non autochtones. Bien que plus de 95 % des femmes aient été inscrites au programme principal avant leur admissibilité à la semi-liberté et à la liberté conditionnelle totale, le personnel et les femmes incarcérées ont tous deux constaté des problèmes d’accès opportun. Plus précisément, le personnel a attribué les obstacles à l’accès au manque de ressources, en particulier de ressources humaines, et à la disponibilité insuffisante des programmes. Footnote 25 Conformément aux conclusions du VG, l’évaluation de l’accès aux programmes réalisée par le SCC a révélé que « les personnes autochtones interrogées qui avaient souhaité participer à un programme pour Autochtones ont indiqué qu’elles n’avaient pas suivi de programme dans le cadre du Modèle de programme correctionnel intégré pour délinquants autochtone (MPCIA) ou du PCDA, car les programmes n’étaient pas disponibles ou n’étaient pas proposés en temps voulu. » En plus de la question de la disponibilité, le SCC n’a pas de définition de l’expression « en temps opportun »; par conséquent, en l’absence de normes, le temps s’écoule pour de nombreuses femmes qui auraient pu bénéficier des programmes. En d’autres termes, les femmes ne peuvent pas bénéficier des programmes si elles ne peuvent pas les suivre à temps pour leur libération, voire pas du tout.

Pertinence et qualité des programmes correctionnels

La capacité des programmes correctionnels à produire les résultats souhaités dépend largement de la pertinence et de la qualité du matériel et du format du programme. Pour les femmes en milieu correctionnel, les programmes tenant compte du genre et de traumatismes, qui ciblent également les besoins criminogènes, ont permis de réduire de manière évidente les comportements délinquants. Footnote 26 Tout en offrant un nouveau modèle apparemment plus efficace et cohérent sur le plan interne, le passage de programmes individualisés au modèle intégré du PDC et du PCDA a suscité des inquiétudes quant au fait que le contenu des programmes deviendrait beaucoup trop générique, et contredirait ainsi l’objectif de cibler les besoins criminogènes individuels. La qualité des programmes correctionnels a été soulevée dans des études récentes examinant l’expérience des femmes purgeant une peine de ressort fédéral, ainsi que dans l’évaluation récente de SCC des programmes correctionnels destinés aux femmes incarcérées. Les résultats ont montré que les femmes incarcérées et le personnel étaient très préoccupés par la qualité des programmes. Par exemple, 85 % des femmes qui ont participé à l’enquête d’évaluation du PDC ont indiqué que le contenu des programmes correctionnels devait être modifié. Ils ont souligné le manque de domaines pertinents en matière de besoins et l’insuffisance des compétences pratiques qui les aideraient dans leur vie quotidienne. En outre, 61 % du personnel a signalé la nécessité de rendre le contenu plus pertinent et utile pour les participants. Ils ont déclaré que son contenu devrait être plus réaliste, plus simple, moins répétitif et davantage axé sur le genre.

La pertinence et la qualité sont encore plus importantes pour les femmes de divers groupes culturels ou raciaux, comme les femmes autochtones et les femmes noires. Dans une enquête menée auprès des participants au PCDA, 75 % des femmes ont déclaré que les programmes n’étaient pas adaptés à leur culture. Un quart du personnel a décrit le contenu et le format comme insuffisamment pertinents sur le plan culturel ou inappropriés. La majorité des employés interrogés (65 %) ont suggéré d’améliorer le contenu et la prestation des programmes destinés aux femmes autochtones, notamment en les sensibilisant davantage à la culture, en faisant participer davantage les Aînés, en offrant plus d’enseignements applicables aux circonstances individuelles et, de façon générale, en les rendant plus pertinents sur le plan culturel pour la collectivité locale et les groupes représentés dans les programmes.

Efficacité des programmes correctionnels

Étant donné les préoccupations des femmes quant à leur capacité à accéder à des programmes de bonne qualité, on peut se demander si ces programmes les préparent efficacement à une libération réussie et réduisent la récidive. L’évaluation du programme de SCC a examiné l’efficacité des interventions correctionnelles. Elle a donné des résultats décevants, notamment ceux observés chez les femmes qui ont achevé le programme par rapport aux femmes admissibles au programme qui n’y ont pas participé. Par exemple, l’évaluation a révélé que les femmes ayant suivi un programme correctionnel présentaient des taux plus élevés de révocation et de résultats liés à la toxicomanie que les non-participantes. En outre, l’évaluation n’a révélé aucune différence significative dans le taux d’octroi des libérations discrétionnaires entre les femmes qui ont terminé les programmes et celles qui ne l’ont pas fait.

Ces résultats sont surprenants. Ils devraient soulever des préoccupations majeures pour le SCC. Il devrait examiner de plus près le contenu de ses programmes et ses méthodes de prestation pour déterminer pourquoi ils n’améliorent pas sensiblement les résultats de la collectivité. Selon cette mesure, le SCC ne répond pas aux besoins des femmes par rapport à l’un des principaux objectifs des services correctionnels, qui est d’offrir aux personnes sous sa responsabilité des programmes de réadaptation efficaces.

  1. Je recommande à SCC de mener une étude indépendante approfondie de son Programme correctionnel pour délinquantes (PCD) et de son Programme correctionnel pour délinquantes autochtones (PCDA) afin de mieux comprendre pourquoi ces programmes n’ont pas réussi à produire de meilleurs résultats correctionnels pour les participantes, en particulier pour les femmes autochtones. 

     

4. Les femmes sont isolées de leur famille

Le maintien d’une relation familiale tout au long de l’incarcération augmente les chances de réussite de la réinsertion d’une femme lors de sa libération. Le Groupe d’étude l’a reconnu, notamment en raison de l’emplacement géographiquement isolé de l’unique prison pour femmes de l’époque. La construction des cinq établissements régionaux a permis à de nombreuses femmes de se rapprocher de leur collectivité d’origine, mais beaucoup sont encore loin de leur famille. Des femmes ont dit à mon Bureau que les visites peuvent être difficiles à coordonner avec les principaux prestataires de soins et que les visites et les appels téléphoniques à distance ne sont ni pratiques ni abordables.

Deux programmes ont été mis en œuvre pour résoudre certains de ces problèmes :

  • Programme mère-enfant : programme permettant à une mère incarcérée et à son enfant de rester ensemble pendant l’incarcération de la mère. Les enfants âgés de quatre ans et moins peuvent y participer à plein temps. Les enfants âgés de six ans et moins peuvent y participer à temps partiel.
  • Visites par vidéo : une initiative qui permet aux personnes incarcérées de maintenir un contact virtuel avec leur famille.

L’ajout d’unités à sécurité minimale a permis de créer des zones conçues pour soutenir le programme mère-enfant, y compris des chambres adjacentes, mais séparées, pour la mère et l’enfant. L’ajout de ces unités a augmenté la participation comme prévu, mais les critères d’admissibilité stricts mis en place en 2008 ont exclu de nombreuses femmes de la participation.

La plupart des femmes incarcérées sont des mères. Ces programmes ont permis de réunir certaines d’entre elles avec leurs enfants, mais le manque de données spécifiques sur les mères admissibles fait qu’il est difficile de déterminer si les mères incarcérées bénéficient de ces programmes de manière adéquate.

Établissements résidentiels communautaires

Étant donné que la plupart des établissements résidentiels communautaires sont situés dans de grandes zones urbaines, les femmes sont souvent confrontées à la perspective d’être libérées dans une collectivité qui n’est pas la leur. Pour les femmes du Nunavut, de Whitehorse et du Yukon, les lits dans un établissement communautaire le plus proche sont situés respectivement à Ottawa, à Edmonton et à Prince George. De plus, le nombre de lits étant limité dans leur collectivité, certaines femmes finissent par prendre n’importe quel lit qui se libère pour sortir de prison, même s’il est plus éloigné de leur famille que la prison elle-même.

5. Les besoins des femmes francophones ne sont pas satisfaits

La Loi sur les langues officielles (adoptée en 1988 et révisée en 2005) exige que les établissements fédéraux fournissent sans délai des services dans la langue officielle choisie par une personne. Les services doivent être de qualité égale, quelle que soit la langue choisie. Bien que la première Loi sur les langues officielles , promulguée en 1969, ait permis aux citoyens canadiens d’avoir accès aux services fédéraux dans la langue officielle de leur choix, le Groupe d’étude a constaté l’absence de programmes en français pour les femmes francophones à la Prison des femmes. La construction d’un établissement régional au Québec a largement contribué à résoudre ce problème.

6. Les besoins des femmes autochtones ne sont pas satisfaits

Les besoins et les expériences des femmes autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux ont récemment fait l’objet d’une attention accrue, en partie à la suite d’enquêtes plus vastes et à grande échelle, comme l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA), et d’études parlementaires, comme celle du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes sur les femmes autochtones dans les systèmes judiciaires et correctionnels fédéraux. Cependant, les préoccupations spécifiques concernant le nombre croissant de femmes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral et le traitement inadéquat dont elles font l’objet remontent à plusieurs décennies. Ces questions figurent parmi celles mises en évidence par le Groupe d’étude. Alors que les femmes autochtones continuent de représenter une proportion de plus en plus importante des femmes incarcérées dans un établissement fédéral, il n’a jamais été aussi urgent de redoubler d’efforts pour répondre aux besoins et aux expériences complexes de cette population.

Graphique 2. Proportion des admissions dans des établissements pour femmes depuis 1990, par race

Graphique représentant la proportion d'admissions dans les établissements pour femmes purgeant une peine de ressort fédéral depuis l'année financière 1990-1991, par catégorie raciale (autochtone contre non-autochtone).
•	1990-1991 : 23 % (autochtones) contre 77 % (non-autochtones)
•	1991-1992 : 26 % contre 74 %
•	1992-1993 : 23 % contre 77 %
•	1993-1994 : 23 % contre 77 %
•	1994-1995 : 20 % contre 80 %
•	1995-1996 : 20 % contre 80 %
•	1996-1997 : 24 % contre 76 %
•	1997-1998 : 24 % contre 76 %
•	1998-1999 : 25 % contre 75 %
•	1999-2000 : 28 % contre 72 %
•	2000-2001 : 24 % contre 76 %
•	2001-2002 : 31 % contre 69 %
•	2002-2003 : 28 % contre 72 %
•	2003-2004 : 31 % contre 69 %
•	2004-2005 : 34 % contre 66 %
•	2005-2006 : 31 % contre 69 %
•	2006-2007 : 34 % contre 66 %
•	2007-2008 : 34 % contre 66 %
•	2008-2009 : 31 % contre 69 %
•	2009-2010 : 32 % contre 68 %
•	2010-2011 : 31 % contre 69 %
•	2011-2012 : 36 % contre 64 %
•	2012-2013 : 37 % contre 63 %
•	2013-2014 : 38 % contre 62 %
•	2014-2015 : 40 % contre 60 %
•	2015-2016 : 38 % contre 62 %
•	2016-2017 : 36 % contre 64 %
•	2017-2018 : 42 % contre 58 %
•	2018-2019 : 43 % contre 57 %
•	2019-2020 : 43 % contre 57 %

Source : Entrepôt de données de SCC (10 avril 2021).

Comme nous l’avons indiqué au début du chapitre, les femmes autochtones sont largement surreprésentées dans les établissements correctionnels fédéraux, puisqu’elles représentent 42 % des femmes incarcérées alors qu’elles ne constituent qu’environ 4 % de la population canadienne. Comme le montre le graphique précédent, la proportion de femmes autochtones incarcérées n’a cessé d’augmenter au cours des 30 dernières années. Rien qu’au cours de la dernière décennie, la population des femmes autochtones purgeant à une peine de ressort fédéral a augmenté de 73,8 %. Malgré de nouvelles initiatives, comme les pavillons de ressourcement et les programmes correctionnels adaptés à la culture, le nombre de femmes incarcérées dans un établissement fédéral qui s’identifient comme autochtones continue d’augmenter chaque année à un rythme effréné. Si divers facteurs, relevant ou non du système correctionnel, contribuent à ces taux, il existe de nombreux domaines dans lesquels le Service doit étendre et améliorer les services destinés aux femmes autochtones purgeant une peine fédérale.

Les femmes autochtones sont sursécurisées

Outre le fait qu’elles sont généralement surreprésentées dans la population carcérale, les femmes autochtones sont surreprésentées dans les lieux et les circonstances où les restrictions de liberté sont les plus grandes. Par exemple, les femmes autochtones sont surreprésentées parmi les personnes considérées comme à haut risque et désignées comme étant de sécurité maximale. Nous avons entendu des exemples de femmes autochtones dont le classement de sécurité est passé de façon déraisonnable à un niveau de sécurité plus élevé, ce qui a eu un impact négatif sur leur capacité à accéder à des programmes ou à bénéficier d’une libération conditionnelle. Bien que les dérogations à la classification puissent être et soient utilisées pour abaisser ou maintenir les niveaux de sécurité, j’ai déjà exprimé des inquiétudes quant à la fiabilité, la validité et le préjugé culturel potentiel des outils d’évaluation et de classification des risques, y compris l’utilisation des dérogations, lorsqu’ils sont appliqués aux personnes autochtones derrière les barreaux. Le sujet a été largement débattu par les universitaires et les médias, et a servi de base à une récente affaire de la Cour suprême du Canada. Footnote 27 Aucun des outils utilisés pour déterminer le risque et la sécurité n’a été conçu pour être utilisé spécifiquement auprès des femmes autochtones. Pourtant, ils sont utilisés quotidiennement pour prendre des décisions importantes qui ont un impact direct sur leur environnement, leur capacité à accéder aux services et à travailler en vue de leur libération. Il incombe à SCC d’examiner de près ses politiques et ses pratiques et de s’assurer qu’il dispose de suffisamment de preuves pour justifier l’utilisation de ces outils auprès de tous les groupes dont il a la charge, y compris les femmes autochtones.

Photo d'une cour des Sentiers autochtones à l’Établissement de la vallée du Fraser pour femmes.

Cour des Sentiers autochtones à l’Établissement de la 
vallée du Fraser pour femmes 

En plus d’être surclassées, les femmes autochtones représentent un nombre disproportionné de femmes impliquées dans des incidents de recours à la force et dans des placements en UIS. Depuis avril 2019, les femmes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral représentaient 61 % de toutes les femmes impliquées dans des usages de la force. Depuis l’introduction des UIS en novembre 2019, 80 % de tous les placements d’UIS dans les établissements pour femmes purgeant une peine de ressort fédéral concernaient des femmes autochtones. Le confinement et la force, même dans les meilleures circonstances, sont des moyens inefficaces et souvent inhumains de modifier le comportement ou de fournir aux gens les outils nécessaires pour réussir. La manière dont le Service travaille avec les femmes, en particulier les femmes autochtones, nécessite donc un changement culturel plus large, qui s’éloigne de la sécurité et de la force pour se concentrer sur les soins de santé et le rétablissement adaptés à la culture.

Les femmes autochtones ont besoin d’un meilleur accès à des services efficaces et adaptés à leur culture

Bien qu’elle ne soit pas propre aux établissements pour femmes, la disponibilité insuffisante de programmes et de services adaptés à la culture des femmes autochtones est une préoccupation majeure de ce Bureau. Bien que le SCC offre un programme correctionnel pour femmes autochtones, comme nous l’avons mentionné dans la section précédente sur les programmes correctionnels et conformément aux conclusions de la VG, nous avons entendu de nombreux exemples de programmes retardés pour diverses raisons, comme le manque de personnel. Ces retards empêchent les femmes d’avoir accès aux programmes; elles doivent souvent se contenter de solutions de rechange génériques pour suivre leurs plans correctionnels. La recherche suggère que les programmes correctionnels adaptés à la culture sont plus efficaces que les programmes génériques. Footnote 28 Bien que l’évaluation par le SCC des PDC et des PCDA n’ait pas donné de résultats prometteurs, les femmes autochtones devraient bénéficier des programmes qu’elles choisissent et qui sont conçus pour répondre à leurs besoins culturels. En 2019, l’étude nationale de SCC sur la récidive a montré que les femmes autochtones avaient des taux de récidive plus élevés que les femmes et les hommes non autochtones (soit 47 %, 21 % et 39 % respectivement). Il s’agit là d’une preuve évidente que le SCC doit faire beaucoup plus pour répondre aux besoins des femmes autochtones, ce qui passe en grande partie par la mise à disposition de services efficaces et accessibles.

Un manque général de services et de soutiens culturels semble être un problème dans les sites régionaux et même dans les pavillons de ressourcement. Footnote 29 Les plaintes décrivent un accès irrégulier aux activités et aux cérémonies spirituelles. Nous avons entendu parler de certains établissements qui ont passé des mois sans pouvoir organiser des sueries, et les femmes des unités de garde en milieu fermé en particulier ont signalé un accès irrégulier aux programmes ou aux activités culturelles. Le manque de services et les retards dans la programmation sont en partie liés au manque d’Aînés disponibles dans les établissements pour femmes. Nous avons entendu dire que les Aînés sont trop dispersés en raison du manque de personnel et des exigences élevées liées à l’équilibre entre l’enseignement des modules du programme et la responsabilité de plusieurs unités. La disponibilité et la vulnérabilité des Aînés et des autres employés autochtones sont des préoccupations que le Bureau a déjà soulevées. Le Service doit recruter et retenir davantage d’aînés et augmenter la représentation du personnel autochtone dans les établissements pour femmes.

Les femmes autochtones ont besoin de plus pour leur santé mentale

Compte tenu de l’histoire et des séquelles de la colonisation, ainsi que de la privation des droits des communautés autochtones, les besoins des femmes autochtones qui entrent dans le système correctionnel sont plus importants, à bien des égards uniques, et donc plus complexes. Par exemple, presque toutes les femmes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral ont reçu un diagnostic de trouble mental, actuel ou à vie, et sont identifiées comme ayant des besoins modérés à élevés en matière de toxicomanie. Par rapport à leurs homologues non autochtones, les femmes autochtones présentent des taux nettement plus élevés de traumatismes passés, comme des abus physiques ou sexuels (72 % contre 48 % pour les femmes non autochtones). Certains éléments indiquent que plus de la moitié des femmes autochtones incarcérées au niveau fédéral ont fréquenté un pensionnat ou ont eu un membre de leur famille qui en a fréquenté un. Les taux réels sont probablement beaucoup plus élevés. Par ailleurs, les femmes autochtones représentent la majorité des femmes impliquées dans des incidents d’automutilation dans les prisons fédérales. Par exemple, au cours de l’année dernière, les femmes autochtones ont été impliquées dans 68 % des incidents d’automutilation. Beaucoup de ces femmes se sont automutilées de manière chronique et, dans certains cas, ont été impliquées dans des dizaines d’incidents d’automutilation chaque année. Dans le cas d’une femme autochtone, sur une période de deux ans, elle a été impliquée dans plus de 300 incidents d’automutilation. Ces chiffres montrent clairement que le SCC ne répond pas aux besoins des femmes autochtones en matière de santé mentale. Par conséquent, lorsque les histoires de ces personnes parviennent à mon Bureau, elles soulèvent une question plus importante : le Service est-il en mesure de travailler efficacement et humainement avec des femmes autochtones qui ont des besoins aussi complexes et chroniques? Il est clair qu’il reste beaucoup à faire pour répondre aux besoins des femmes ayant un passé traumatique, des problèmes de santé mentale et des tendances à l’automutilation.

Nous avons entendu à maintes reprises que les femmes autochtones n’ont pas un accès adéquat aux services psychologiques, et en particulier aux services adaptés à leur culture, services dont elles ont besoin pour faire face à leurs problèmes de santé mentale et à leurs traumatismes complexes, de même que pour les surmonter efficacement et en toute sécurité. Même si un personnel mieux formé, spécialisé et qui a des compétences sur le plan culturel constituait une première étape, il est temps de sortir des sentiers battus et d’envisager des solutions de rechange communautaires pour les femmes qui ont besoin de ces services. Cela nécessite en partie un changement de paradigme culturel plus large et indispensable dans le secteur correctionnel, en particulier en ce qui concerne les femmes autochtones incarcérées, vers un système qui met davantage l’accent sur les services de soins de santé adaptés à la culture et sur l’engagement communautaire.

Photo des participants au programme canin de l’Établissement Nova.

Participants au programme canin de l’Établissement Nova 

7. La responsabilité des femmes purgeant une peine de ressort fédéral doit être élargie

Le Groupe d’étude reconnaît l’importance du secteur bénévole et des intervenants communautaires. Il a insisté sur l’inclusion de ces groupes dans le rétablissement et la réintégration des femmes : « [L]e secteur bénévole avait un rôle à jouer en mobilisant la participation des citoyens, en aidant le gouvernement à établir ses priorités et à prévenir le crime, en offrant des analyses critiques des initiatives de l’État et en offrant des programmes d’éducation publique et populaire. Les systèmes correctionnels reconnaissent dans l’ensemble qu’ils ne peuvent suffire à la tâche : pour réussir, il faut pouvoir compter sur la participation du secteur bénévole. Footnote 30 » De nombreuses organisations communautaires et bénévoles sont devenues essentielles au fonctionnement quotidien des établissements pour femmes, offrant des programmes et des initiatives novateurs pour aider les femmes à se réadapter et à réintégrer la collectivité. Cependant, mon Bureau continue de recevoir des plaintes concernant les difficultés rencontrées par certains comités de détenus qui tentent de faire venir des bénévoles de la collectivité à la prison. Compte tenu de la diversité de la population carcérale, il faut s’assurer que les organisations communautaires sont représentatives de cette population.

PRATIQUES EXEMPLAIRES

Au fil des ans, mon Bureau a constaté que les programmes et les initiatives qui englobent les cinq principes de La création de choix – responsabilisation, choix valables et responsables, respect et dignité, environnement de soutien et responsabilité partagée – sont ceux qui font la différence la plus positive dans la vie des femmes. Ces initiatives progressives et épanouissantes permettent aux femmes d’entretenir des liens, d’exprimer leur créativité et de faire preuve de responsabilité, tout en améliorant leur estime de soi et leur valeur émotionnelle. Cela conduit à des sentiments de respect, de soutien et de dignité, et donne aux femmes les moyens d’aller de l’avant.

  • La zoothérapie est un outil de rétablissement très efficace. Il permet aux femmes d’entrer en contact avec des animaux qui ne font preuve d’aucun jugement, mais qui réagissent au langage corporel et à l’attitude générale d’une personne. Les programmes de formation des chiens à l’obéissance et aux techniques de thérapie pour aider les personnes dans le besoin en sont un exemple. Un autre est le programme Four Seasons Horse Teachings qui enseigne les soins de base aux chevaux tout en contribuant au rétablissement sur les plans spirituel, émotionnel, social et physique.
  • Les programmes d’horticulture permettent aux femmes d’acquérir des compétences en matière de jardinage qui permettent d’obtenir des résultats tangibles.
  • Le programme de lecture à voix haute, en partenariat avec la société Elizabeth Fry, permet aux femmes de lire et d’enregistrer des livres pour enfants pour leurs enfants.
  • Des programmes créatifs, comme des programmes de théâtre et de musique dans le cadre de partenariats communautaires, renforcent efficacement l’estime de soi et les compétences sociales.
  • Des programmes de marche sur différents sites permettent aux femmes de se promener en dehors du périmètre de l’établissement et promeuvent l’activité physique.
  • Les programmes de soutien par les pairs et de mentorat améliorent les relations entre le mentor et la mentorée.
  • Les « cercles de rappel » sont utilisés dans les pavillons de ressourcement pour discuter de solutions de rechange et moins punitives aux infractions disciplinaires et aux comportements institutionnels, donnant aux femmes des conseils pour faire de meilleurs choix, à court et à long terme.
  • Le programme Mon programme – Alternative du groupe menaçant la sécurité pour les femmes , créé dans le cadre de l’initiative du Centre d’intervention pour Autochtones, répond au nombre croissant de femmes autochtones impliquées dans les gangs de rue. L’animateur apporte son expérience, et le programme s’inscrit dans un contexte culturel visant à aider les femmes à identifier ce qui les a attirées dans ce mode de vie, ce qui les y retient et un plan qui leur permettra de sortir du gang en toute sécurité.
  • Les salons de l’emploi exposent les femmes aux options d’enseignement postsecondaire, aux cours professionnels et aux voies d’accès à l’emploi.
  • Les ateliers de justice réparatrice encouragent les personnes purgeant une peine de ressort fédéral et la collectivité à saisir les occasions qui peuvent mener à des approches holistiques et saines du rétablissement.
  • Le personnel s’engage à trouver des moyens novateurs pour que les femmes bénéficient d’expériences et d’enseignements qui les aident à progresser.
Cas à besoins complexes dans les établissements régionaux pour femmes

Bien que le Groupe d’étude n’ait pas abordé spécifiquement les besoins des femmes ayant des besoins complexes en matière de santé mentale, mon Bureau a souvent exhorté le Service à financer des accords de services alternatifs et à prendre des dispositions avec les prestataires de services de santé mentale provinciaux et territoriaux qui permettraient le transfert et le placement des personnes ayant des besoins complexes dans des établissements psychiatriques communautaires. Il y a toujours une poignée de femmes ayant des besoins importants et complexes en matière de santé mentale qui sont difficiles à gérer de manière sûre et humaine dans un établissement correctionnel fédéral. Ces femmes sont souvent détenues dans des conditions, notamment dans l’unité de garde en milieu fermé, qui sont inappropriées, mal équipées et susceptibles d’aggraver leurs problèmes de santé mentale. Bien qu’ils soient peu nombreux, ces problèmes peuvent perturber et bouleverser les autres femmes de l’unité qui sont régulièrement témoins d’incidents d’automutilation et de crises de santé mentale. Cependant, les établissements psychiatriques communautaires peuvent être réticents à accepter les références de SCC, malgré le fait que ces établissements devraient être mieux équipés pour soutenir ces femmes. Enfin, il n’est pas certain que les leçons associées aux décès survenus dans les établissements pour femmes aient été tirées ou appliquées de manière cohérente. Bien que certaines de ces femmes soient suivies par les comités régionaux ou nationaux sur les cas complexes de santé mentale et qu’elles reçoivent de l’administration centrale un financement pour les cas complexes afin de répondre à leurs besoins opérationnels, il reste difficile de garantir leur santé et leur sécurité de manière digne et humaine.

BESOINS COMPLEXES EN MATIÈRE DE SANTÉ MENTALE

Il y a quelques femmes purgeant une peine de ressort fédéral dont les besoins en matière de santé mentale seraient probablement mieux gérés dans un établissement psychiatrique communautaire. L’un de ces cas concerne une femme qui, tout au long de son incarcération, a passé beaucoup de temps dans l’unité de garde en milieu fermé, sous différents types d’observation et en isolement.

Cette personne a des antécédents importants de problèmes de santé mentale, d’idées suicidaires et de comportements d’automutilation. Bien qu’elle ait suivi des programmes, elle continue à avoir du mal à gérer ses émotions et à faire face à la détresse. Elle a passé un certain temps en sécurité moyenne, mais des comportements résultant de ses problèmes de santé mentale ont entraîné des réévaluations du niveau de sécurité pour la placer à sécurité maximale, y compris des passages de sécurité moyenne à maximale. Plutôt que de poursuivre le cycle de placements dans l’unité de garde en milieu fermé ou sous divers types d’observation, un placement dans un établissement de traitement externe lui serait probablement bénéfique.

8. Les femmes doivent être mieux intégrées dans la collectivité

Le Groupe d’étude a considéré la réintégration dans la collectivité comme essentielle pour réduire l’isolement et la séparation des femmes de leur famille, de leurs amis et de leur collectivité. L’accès communautaire est également un moyen efficace d’élargir les soutiens et les services disponibles pour aider les femmes à prendre en charge leur propre vie. Les permissions de sortir sont un moyen pour les femmes, en particulier celles qui ont une cote de sécurité minimale, d’accéder à la collectivité. Pour les personnes qui se présentent devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada, les permissions de sortir sont particulièrement importantes pour fournir des preuves de réussite dans la collectivité. Un directeur d’établissement peut autoriser une permission de sortir pour des raisons médicales ou administratives, un service communautaire, des contacts familiaux, y compris les responsabilités parentales, le développement personnel à des fins de réadaptation ou des raisons de compassion. Footnote 31 Les recherches de SCC indiquent que plus une femme reçoit de permissions de sortir, moins elle risque de se retrouver au chômage ou de retourner en détention. Footnote 32 Une autre étude de SCC a révélé que les femmes participant à une permission de sortir (permissions de sortir avec escorte, permissions de sortir sans escorte et placement à l’extérieur) étaient beaucoup plus susceptibles de bénéficier de libérations discrétionnaires, comme la semi-liberté. Footnote 33 

Absences temporaires

Au cours des cinq dernières années, le nombre de permissions de sortir avec escorte (PSAE) chez les femmes avec une cote de sécurité minimale a augmenté dans toutes les régions. Si le nombre de permissions de sortir sans escorte (PSSE) a augmenté au cours de la même période, le nombre total de PSSE reste très faible. Mon Bureau reçoit souvent des plaintes de femmes concernant des permissions de sortir annulées en raison du manque de personnel ou de bénévoles pour les accompagner. Étant donné l’importance des permissions de sortir pour l’élargissement des options de programmes et pour les femmes qui se présentent devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada, le Service devrait se concentrer davantage sur le recrutement et le maintien de bénévoles pour s’assurer que les permissions de sortir sont accordées et en plus grand nombre.

Audiences de libération conditionnelle reportées

Des femmes se sont également plaintes auprès de mon Bureau de la nécessité de reporter souvent les audiences de libération conditionnelle parce qu’elles n’ont pas encore eu l’occasion de terminer leur programme correctionnel. Les femmes ont du mal à accéder à la collectivité par l’intermédiaire des permissions de sortir. En raison du retard des programmes correctionnels, certaines doivent rester incarcérées plus longtemps. Si la proportion de femmes libérées en semi-liberté a augmenté au cours des cinq dernières années (de 40,4 % en 2015-2016 à 54,4 % en 2019-2020), la proportion de femmes retournant dans la collectivité à leur date de libération d’office reste élevée (43,8 % en 2019-2020). Il est essentiel d’offrir des programmes correctionnels en temps opportun afin que les femmes retournent dans la collectivité le plus tôt possible.

Placements à l’extérieur

Les placements à l’extérieur sont un autre mécanisme important d’accès à la collectivité. Leur nombre est resté faible au cours des cinq dernières années, bien que EIFW et GVI aient eu quelques années au cours desquelles ils ont approuvé dix affectations de travail communautaire. Le faible nombre de placements à l’extérieur est préoccupant, surtout si l’on considère le peu de possibilités de travail dans les établissements qui permettraient aux femmes d’acquérir des compétences professionnelles. À CORCAN, l’organisme de service spécial créé pour gérer les ateliers industries dans les prisons, les emplois pour les femmes sont souvent cantonnés dans des rôles et des attentes sexospécifiques, offrant peu de compétences monnayables. En 2017-2018, par exemple, pour les femmes incarcérées, la plupart des possibilités d’emploi de CORCAN se situaient dans le secteur d’activité du textile (83,5 %). Les affectations dans les secteurs de la construction et de la fabrication représentaient respectivement 15,3 % et 1,3 % des affectations de CORCAN pour les femmes incarcérées. Footnote 34 Dans une enquête récente du Bureau, les femmes ont dit qu’elles voulaient des possibilités dans les domaines de la comptabilité, de l’administration de bureau, des technologies de l’information et la peinture résidentielle et commerciale. Footnote 35 Les placements à l’extérieur n’offrent pas seulement aux femmes la possibilité de travailler au sein de la collectivité, mais ils constituent également un moyen important pour le SCC d’élargir les possibilités sans créer sa propre infrastructure.

Tableau 2 : Permissions de sortir avec escorte (PSAE), permissions de sortir sans escorte (PSSE) et placements à l’extérieur pris par les femmes en sécurité minimale entre 2015-2016 et 2019-2020

ÉTABLISSEMENT 

2015-16 

2016-17 

2017-18 

2018-19 

2019-20 

VALLÉE DU FRASER 

PSEA

187

110

202

376

627

PSSE

0

3

1

13

27

Placements à l’extérieur

0

1

2

1

2

EIFW 

PSEA

181

229

459

606

908

PSSE

15

7

218

43

57

Placements à l’extérieur

1

1

10

10

5

GRAND VALLEY 

PSEA

720

956

779

1053

1118

PSSE

28

31

14

28

46

Placements à l’extérieur

4

4

4

8

10

JOLIETTE 

PSEA

351

392

516

342

258

PSSE

9

9

41

8

28

Placements à l’extérieur

2

1

0

0

0

ÉTABLISSEMENT NOVA 

PSEA

6

8

19

238

134

PSSE

0

0

0

5

1

Placements à l’extérieur

0

0

2

4

2

Remarque : Les PSAE et les PSSE à des fins médicales sont exclues. 
Source : Entrepôt de données de SCC (27 août 2020).

Manque d’espace pour les lits situés dans un établissement communautaire

Même lorsque les femmes bénéficient d’une semi-liberté, la pénurie de lits dans les établissements résidentiels communautaires (ÉRC) peut les faire traîner en prison. Ceci est particulièrement inquiétant étant donné que les recherches montrent qu’une libération progressive sous surveillance offre aux personnes de meilleures chances de réussite de leur réinsertion. Footnote 36 Pour les femmes en liberté conditionnelle ayant des problèmes de mobilité, des problèmes complexes de santé mentale, des dépendances ou des besoins en matière de toxicomanie, le nombre de lits de traitement disponibles est encore plus faible. Les ÉRC peuvent inclure des placements dans des foyers privés, une option qui est rarement utilisée. Le défi pour le SCC est de s’assurer que les femmes qui retournent dans la collectivité trouvent des lits. Des alternatives et des approches innovantes doivent être recherchées pour s’assurer qu’elles retournent dans leur collectivité le plus tôt possible et en collaboration avec les partenaires communautaires.

  1. Je recommande à SCC d’augmenter considérablement le recours aux permissions de sortir et aux placements à l’extérieur pour les femmes, en particulier celles qui sont dans des établissements à sécurité minimale, afin de s’assurer qu’elles peuvent accéder régulièrement à la collectivité, ce qui leur offre plus d’options et augmente leurs chances de réussir leur réinsertion sociale. 

     
  2. Je recommande que le SCC revienne aux principes de base énoncés dans La création de choix et élabore une stratégie à long terme pour s’assurer que toutes les femmes sont prêtes, le plus tôt possible, à retourner dans la collectivité et que des ressources importantes soient réaffectées au programme de surveillance communautaire et aux programmes correctionnels communautaires afin de soutenir les femmes qui retournent dans la collectivité. 

     

9. L’incarcération ne favorise pas la réadaptation

La grande majorité des femmes incarcérées retourneront un jour dans la collectivité. Compte tenu de cette réalité, l’un des principaux objectifs du système correctionnel est de leur offrir des possibilités de réadaptation et des outils pour se préparer à une réinsertion réussie. L’un des problèmes cernés dans La création de choix était la difficulté inhérente à l’accomplissement d’objectifs de réinsertion en prison. La nature même de son environnement physique, social et culturel fait de la prison un cadre particulièrement difficile pour favoriser et encourager le changement prosocial chez les gens. Par conséquent, pour que le Service puisse s’acquitter de sa tâche consistant à soutenir le changement en matière de réadaptation, il lui incombe de faire des efforts très déterminés pour réduire les obstacles et renforcer les mécanismes qui sont les plus importants pour une réadaptation efficace.

Les sections précédentes ont abordé les éléments plus tangibles des services correctionnels qui contribuent à (ou entravent) la réadaptation (p. ex., les programmes correctionnels, les initiatives de réinsertion). Mais il existe aussi des facteurs intangibles, fondamentaux pour le processus de réadaptation, qui influent directement sur la qualité de l’environnement de rétablissement, comme la culture, la dynamique et le climat social ainsi que les systèmes de pouvoir et de soutien. Ce sont ces domaines qui sont souvent négligés, car ils sont plus difficiles à mesurer et à diagnostiquer, et donc moins susceptibles d’être traités. Néanmoins, c’est dans ces éléments que les services correctionnels pour femmes devront peut-être faire les plus grands progrès. Pour illustrer certains des besoins et des lacunes plus intangibles qui subsistent en matière de réadaptation, les énoncés de valeurs suivants sont proposés comme balises, traçant la voie que doivent prendre les services correctionnels pour femmes pour améliorer la réadaptation.

Les femmes ont besoin de se sentir plus en sécurité : Plus de 80 % des femmes purgeant une peine de ressort fédéral ont subi des violences physiques, et près de 70 % d’entre elles déclarent avoir subi des abus sexuels dans le passé. Pour les femmes autochtones, les taux sont plus élevés. Dans ce contexte, les femmes ont besoin – en plus d’interventions ciblées et de bonne qualité – des éléments de base d’une vie quotidienne saine, comme le sentiment de sécurité. Ce Bureau a entendu à plusieurs reprises que les femmes ne se sentent pas physiquement en sécurité lorsqu’elles subissent des pratiques qui reproduisent des traumatismes, comme des fouilles à nu aléatoires et l’utilisation d’une force inappropriée. Nous avons entendu dire que les femmes ne se sentent pas en sécurité sur le plan des émotions lorsqu’elles sont victimes de discrimination ou d’intimidation de la part du personnel ou de leurs codétenues en raison de leur race, de leur orientation sexuelle, de leur identité ou expression de genre. Nous avons entendu que les femmes se sentent en danger sur le plan spirituel lorsque leurs pratiques culturelles ou leurs biens sont dénigrés ou profanés. Mon Bureau a souvent dit que les personnes vont en prison comme punition, et non pour être punies. Il incombe donc au Service d’intensifier ses efforts pour offrir aux femmes incarcérées un environnement exempt de violence fondée sur le genre et la culture, où elles peuvent poursuivre des objectifs de réadaptation en toute sécurité.

Les femmes ont besoin d’espace pour guérir : On estime que près des trois quarts des femmes détenues dans les établissements fédéraux souffrent de troubles mentaux au cours de leur vie ou actuels, et qu’une majorité de ce groupe présente également des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Footnote 37 Par conséquent, le besoin de services et de personnel formé à la gestion des cas complexes n’a jamais été aussi grand. Néanmoins, trop de femmes purgeant une peine de ressort fédéral n’ont pas accès aux services et au soutien qui sont essentiels à leur processus de réadaptation. Nous avons entendu des exemples de femmes qui ont attendu des mois pour obtenir des permissions de sortie avec escorte afin d’accéder à des services de soutien en cas d’agression sexuelle qui ne sont pas disponibles sur place. Dans la plupart des établissements, il existe des listes d’attente pour des programmes comme la thérapie comportementale dialectique, ce qui rend difficile pour certaines femmes de bénéficier de programmes qui devraient être disponibles. En outre, le manque de soutien et de services est aggravé par l’environnement carcéral souvent austère et sinistre qui va à l’encontre du rétablissement. Cela est particulièrement vrai pour les unités de garde en milieu fermé, qui hébergent les femmes ayant les plus grands besoins. Aujourd’hui plus que jamais, les femmes incarcérées ont besoin de lieux et d’espaces pour se rétablir efficacement. Les fonds devraient être réorientés vers les services dont elles ont le plus besoin.

Photo d'une formation professionnelle à l’établissement Grand Valley.

Formation professionnelle à l’établissement 
Grand Valley 

Photo de la formation professionnelle à l’Établissement de Joliette.

Formation professionnelle à l’Établissement de Joliette 

Les femmes ont besoin d’avoir un but précis : L’un des obstacles à la réadaptation est l’ennui. Une femme condamnée à perpétuité nous a dit qu’elle se retrouvait souvent à coudre des carrés de tissu sans réfléchir, simplement pour passer le temps. En l’absence d’activité utile, les femmes se sentent souvent déprimées, désespérées et généralement démotivées. C’est particulièrement le cas pour les femmes dans les établissements à sécurité maximale. Dans certains cas, comme mon Bureau l’a déjà signalé, l’ennui conduit au stress et à des incidents de violence ou d’automutilation. Dans des environnements hautement contrôlés comme le milieu carcéral, il est difficile d’inspirer aux gens un sentiment de valeur dans leur vie quotidienne. Il s’agit d’un élément essentiel pour encourager les femmes à participer au processus de réadaptation. Bien que certains établissements aient mis au point des programmes novateurs pour les femmes, il faut faire davantage, en particulier pour les femmes purgeant de longues peines, afin de leur donner un sens et un objectif plus importants.

Les femmes ont besoin de modèles prosociaux et de soutien : Outre le maintien de la sûreté et de la sécurité de leur établissement, les membres du personnel correctionnel doivent également contribuer à créer un environnement pro social pour aider les femmes incarcérées à se réadapter. De nombreux membres du personnel des établissements pour femmes se montrent à la hauteur de ce double rôle, mais notre Bureau a entendu d’innombrables exemples de membres du personnel affichant les mêmes comportements et attitudes que ceux que le Service tente d’éradiquer au sein de la population carcérale. Il est tout simplement inacceptable que le personnel tienne des propos désobligeants, homophobes ou transphobes à l’égard des femmes incarcérées. Nous avons entendu des exemples de personnel se moquant ou dénigrant les femmes qui participent à certains programmes (p. ex., le programme d’échange de seringues ou le traitement par agonistes opioïdes), créant un effet dissuasif sur la participation aux activités de réadaptation. En outre, le manque de personnel dans les établissements pour femmes est un problème chronique qui nuit au climat institutionnel. Un manque de personnel réduit l’accès des femmes aux services ou aux programmes quotidiens dont elles ont besoin. De plus, le personnel emprunté temporairement aux établissements pour hommes, dont beaucoup sont des hommes, n’a pas été formé correctement pour travailler dans les établissements pour femmes. Ces solutions provisoires ont une incidence directe sur le climat et la dynamique de réadaptation des établissements pour femmes, et s’écartent de l’esprit et de la lettre de La création de choix . Les femmes incarcérées ont besoin d’un personnel correctement formé et pro social qui encourage leurs progrès et contribue à une culture institutionnelle positive et de réadaptation.

Photo d'une unité de milieu de vie de l’Établissement Nova.

Unité de milieu de vie de l’Établissement Nova 

Questions émergentes dans les services correctionnels pour femmes

Si bon nombre des problèmes cernés il y a trente ans demeurent présents, d’autres questions sont apparues que le Groupe d’étude n’avait pas directement anticipées. Elles sont devenues particulièrement importantes au cours de la dernière décennie. L’ajout de « identité ou expression de genre » à la liste des motifs de discrimination interdits par la Loi canadienne sur les droits de la personne (19 juin 2017), et la protection des droits de la communauté LGBTQ2+, a poussé le Service à repenser sérieusement ses politiques, notamment en ce qui concerne le logement des personnes transgenres et les répercussions sur les autres détenus. De plus, les affiliations à des gangs sont devenues plus importantes au fil des ans, créant un groupe de femmes, dont beaucoup sont jeunes et autochtones, qui ont besoin d’une assistance, d’un soutien et de programmes spécialisés.

Considérations liées au genre

Mon Bureau a fait un premier rapport de fond sur la question de l’identité et de l’expression de genre dans le rapport annuel 2018-2019, où j’ai identifié bon nombre des défis auxquels font face les établissements pour femmes, en particulier, pour intégrer et soutenir les femmes transgenres. Depuis lors, mon Bureau a reçu des plaintes de personnes transgenres et d’autres personnes, notamment des plaintes concernant des commentaires inappropriés du personnel de SCC et d’autres femmes incarcérées qui pourraient être considérées comme transphobes. Au cours de la période visée par le rapport, mon Bureau a examiné et fourni des commentaires détaillés sur la Directive 100 du commissaire (DC) proposée par le SCC : Gestion des délinquants ayant des considérations liées à l’identité ou à l’expression de genre . Cette nouvelle DC indépendante constitue un pas important vers la reconnaissance et la prise en compte des besoins des personnes incarcérées ayant des préoccupations en matière d’identité et d’expression sexuelles, et répond à l’appel de mon Bureau en faveur d’un point unique d’orientation politique sur ces questions. Mon Bureau a identifié des lacunes et des problèmes en ce qui concerne la DC proposée :

  • La nécessité d’un Groupe d’étude interne ou externe doté d’une expertise spécialisée pour fournir des conseils, un soutien, une formation et un enseignement au personnel et aux détenus;
  • La DC bénéficierait d’un examen supplémentaire par des experts externes oeuvrant dans le domaine;
  • La DC exige des responsabilités associées à la protection proactive des personnes ayant des considérations liées au genre et l’élaboration d’un mécanisme permettant à ces personnes de signaler les abus;
  • Le besoin de formation du personnel et le développement d’un personnel spécialisé;
  • Le Gender Considerations Case Review Board (GCCRB) exige des précisions supplémentaires. Par exemple, il n’existe actuellement aucun mécanisme de recours si une personne souhaite contester le résultat d’une décision du GCCRB.

Ces préoccupations ont été soulevées auprès du Service le 27 novembre 2020 et, au moment de la rédaction du présent rapport, mon Bureau n’a reçu aucun suivi. La proposition de DC n’a pas non plus été promulguée. Depuis que nous avons fait part de nos préoccupations, mon Bureau a reçu d’autres plaintes de personnes transgenres et a examiné un incident particulièrement flagrant de recours à la force sur une femme transgenre qui a donné lieu à une enquête disciplinaire contre le personnel du SCC. C’est un domaine que mon Bureau ne manquera pas de surveiller.

Femmes membres de gangs

À l’heure actuelle, 11,1 % des femmes purgeant une peine de ressort fédéral ont une affiliation connue à un gang. Il est probable qu’il s’agisse d’une sous-estimation. Pour 25 des 68 affiliées à des gangs, leur type de gang est indiqué comme étant autochtone. En d’autres termes, 37 % de toutes les femmes ayant une affiliation à un gang sont répertoriées comme ayant des liens avec un gang autochtone. La recherche de SCC suggère que, par rapport aux femmes non affiliées à un gang, celles qui le sont ont des antécédents criminels plus graves, causent plus de perturbations dans l’établissement et présentent des niveaux de risque plus élevés; elles sont moins motivées, ont un potentiel de réintégration plus faible et s’adaptent mal à l’établissement. En outre, nombre d’entre elles ont déjà été condamnées à l’âge de l’adolescence et en tant qu’adulte et ont déjà purgé une peine. Footnote 38 Ces résultats et ces statistiques suggèrent qu’il est important de comprendre le profil et les besoins des femmes impliquées dans des gangs afin de pouvoir développer des stratégies efficaces de gestion des gangs et d’intervention. Actuellement, la stratégie nationale de SCC pour gérer les gangs est limitée et semble se concentrer principalement sur l’identification et la vérification plutôt que sur les éléments primordiaux que sont la prévention, l’intervention et la désaffiliation. Mon Bureau suivra de près cette question dans le but de garantir une approche meilleure et plus coordonnée pour aider ces personnes.

Conclusion

Bien que de nombreux changements aient eu lieu en 30 ans dans les établissements correctionnels fédéraux pour femmes, la vie de nombreuses femmes incarcérées ne s’est guère améliorée. Presque tous les problèmes cernés il y a trente ans restent des préoccupations importantes, et de nouvelles questions sont apparues. L’un des problèmes les plus importants, le recours excessif aux mesures de sécurité, se retrouve dans presque tous les problèmes liés aux services correctionnels pour femmes. L’environnement extrêmement sécurisé n’a en aucun cas été imaginé par le Groupe d’étude. À bien des égards, il a empêché le Service de tirer le maximum des valeurs et des principes établis dans La création de choix. Les clôtures, les uniformes officiels des agents de correction, les gilets à l’épreuve des lames, le recours excessif au gaz poivré, et maintenant le détecteur à balayage corporel – tout cela indique un régime axé sur la sécurité et le confinement, et non sur la réadaptation et la réinsertion. En termes de mesures de sécurité, certains établissements pour femmes, notamment l’unité de garde en milieu fermé, commencent à ressembler aux établissements pour hommes. De plus, si la création d’établissements régionaux a permis de répondre à bon nombre des préoccupations du Groupe d’étude, d’autres ont été créées. Les établissements régionaux ont permis au Service d’incarcérer davantage de femmes. Je me souviens très bien du dicton « Construisez-le, et ils viendront ». La disponibilité de cellules de prison a détourné l’attention des services et des interventions communautaires mis en avant dans La création de choix. Il est clair qu’un changement plus ciblé, y compris le transfert des ressources institutionnelles vers la collectivité, est nécessaire si nous voulons avoir un espoir de réaliser la vision du Groupe d’étude et de La création de choix .

  1. Je recommande la mise en place d’hébergements alternatifs pour les femmes logées dans les unités sécurisées et la fermeture éventuelle de toutes les unités de garde en milieu fermé. Si les unités de garde en milieu fermé restent ouvertes, elles ne doivent être utilisées que pour le retrait et la séparation temporaires des femmes après un incident grave, jusqu’à ce qu’un placement alternatif approprié soit trouvé. 

     

Observations préliminaires sur les unités d’intervention structurée

Photo de la rangée de l’UIS à l’Établissement de Bowden.

Rangée de l’UIS à l’Établissement de Bowden 

Dans mon dernier rapport annuel, j’ai brièvement discuté de la décision du gouvernement de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) afin d’apporter des « changements transformationnels » aux prisons. Ces changements incluent l’abolition de l’isolement cellulaire tel que défini par les Règles Mandela . Dans la pratique, la stratégie a consisté à remplacer le régime antérieur d’isolement préventif par des unités d’intervention structurée (UIS).3 Footnote 39 

Le déploiement des UIS a commencé en novembre 2019, quelques mois avant le début de la pandémie de COVID-19. Footnote 40 Dans le cadre de la stratégie globale, le ministre de la Sécurité publique a créé un comité consultatif externe sur la mise en œuvre des UIS en septembre 2019 Footnote 41 pour surveiller la mise en œuvre des UIS partout au pays. Le ministre a également nommé 12 décideurs externes indépendants (DEI) Footnote 42 pour examiner les cas des personnes confinées dans les UIS et prendre des décisions concernant la durée du séjour et les conditions d’un placement.

Dès le départ, sachant que le SCC subissait des pressions pour mettre en œuvre les UIS et qu’un comité consultatif avait été mis sur pied pour surveiller la mise en œuvre, j’ai décidé de ne pas surveiller étroitement ou d’évaluer la conformité de SCC avant qu’un délai raisonnable ne se soit écoulé. À peine avais-je pris cette décision que la pandémie a commencé, et les établissements de SCC ont rapidement été placés en confinement. Pendant cette période, les membres du comité consultatif ont publié quatre rapports examinant la conformité de SCC aux exigences législatives relatives aux UIS. Footnote 43 

Photo d'une cellule de l’UIS à l’Établissement de Port Cartier.

Cellule de l’UIS à l’Établissement de Port Cartier 

Photo d'une salle commune de l’UIS à l’Établissement de Port Cartier.

Salle commune de l’UIS à l’Établissement de Port Cartier 

Bien que la pandémie de COVID-19 ait empêché mon Bureau de visiter physiquement les établissements depuis mars 2020, mes enquêteurs ont utilisé des vidéoconférences et des appels téléphoniques pour interroger les personnes incarcérées dans les UIS et pour discuter avec le personnel de SCC. Nous estimons qu’il est nécessaire de mener une enquête approfondie sur le déploiement de l’UIS. Entre-temps, j’ai fait des observations préliminaires fondées sur les éléments suivants :

  • Entrevues en personne réalisées au cours des 18 derniers mois;
  • Analyse des plaintes soumises à mon Bureau par des personnes placées dans les UIS;
  • Examens des décisions des DEI remis à mon Bureau en vertu de l’article 37.83(3) de la LSCMLC et de l’article 23.07 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (RSCMLC);
  • Réponses aux questionnaires, envoyés par mon Bureau entre mars et avril 2021, au personnel de SCC travaillant dans les UIS et aux personnes hébergées dans ces unités. Footnote 44 
Photo d'une cour de l’UIS à l’Établissement de Port Cartier.

Cour de l’UIS à l’Établissement de Port Cartier 

Les observations qui suivent doivent être replacées dans le contexte de la pandémie de COVID-19, au cours de laquelle des conditions d’isolement similaires à l’isolement préventif se sont quelque peu normalisées dans tous les secteurs de la vie institutionnelle. La stricte conformité aux dispositions de l’UIS de la LSCMLC était peut-être une attente irréaliste, en particulier pour les établissements qui connaissaient des épidémies.

A photo of the SIU range at Port Cartier Institution.

Rangées de l’UIS à l’Établissement de Port Cartier 

Unités d’intervention structurée : lacunes et défis après la mise en œuvre

1. Problèmes de transparence et de responsabilité

Les modifications apportées à la LSCMLC par le projet de loi C-83 comprenaient un certain nombre de dispositions exigeant de SCC qu’il « tienne un registre » de son exploitation des UIS dans plusieurs situations :

  1. Lorsqu’une personne est transférée vers une UIS, indiquer les raisons de l’autorisation et toute autre solution envisagée; 

     
  2. Lorsque cette personne s’est vu offrir la possibilité de passer quatre heures hors cellule et deux heures de contact humain « significatif » par jour, noter si elle refuse et la raison du refus; 

     
  3. Lorsque cette personne n’a pas eu cette possibilité et la raison pour laquelle elle ne l’a pas eue; 

     
  4. Lorsque l’interaction humaine dans l’UIS est gênée ou limitée par des barres, des vitres de sécurité, des guichets de porte, des écrans ou d’autres barrières physiques. 

     

Mon bureau a cerné 17 autres dispositions légales pour lesquelles on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que le SCC tienne un dossier administratif dans le cadre de son exploitation des UIS. Footnote 45 Bien qu’il soit au courant de ces exigences depuis l’été 2019, lorsque les modifications de la LSCMLC sont entrées en vigueur, le SCC n’a fourni à mon Bureau aucune donnée fiable ou opportune sur la conformité.

2. Manque d’information concernant le respect par le SCC des décisions de renvoi des DEI

Conformément à l’article 37.83 (3) de la LSCMLC , un DEI a le pouvoir d’ordonner le retrait de personnes des UIS sous certaines conditions. Bien que le SCC dispose d’un processus d’examen officiel pour répondre aux recommandations des DEI, la seule information dont dispose mon Bureau à leur sujet provient des réponses aux questionnaires que nous avons envoyés en mars et en avril 2021. Seules deux des sept établissements que nous avons interrogés ont déclaré avoir reçu des décisions de renvoi de DEI qu’ils n’ont pas été en mesure de respecter. Presque tout le personnel de SCC a convenu que la conformité constituait un défi important. Un membre du personnel a déclaré : « Très souvent, lorsque les DEI prennent la décision de retirer une personne de l’UIS, c’est que nous avons déjà tout essayé dans l’établissement. Le fait d’avoir une clientèle [placée en isolement protecteur] limite considérablement nos possibilités de transfert. Notre établissement est très souvent en bout de course et nous n’avons plus la possibilité de transférer un délinquant vers un autre établissement à sécurité maximale… »

STATISTIQUES DE L'UIS - CE QUE NOUS SAVONS

Placements en UIS

Au 6 mai 2021, il y avait 173 personnes dans une UIS. Toutes sauf deux étaient des hommes. Sur ces 173 personnes, 46,8 % se sont déclarées autochtones, 31,2 % blanches et 13,3 % noires. Conformément à la directive 711 du commissaire : Unités d’intervention structurée , si un détenu est autorisé à être transféré vers une UIS, mais qu’il est incarcéré dans un établissement sans UIS, ce détenu peut faire l’objet d’une désignation de « déplacements restreints ». Au 6 mai, 13 hommes étaient soumis à des déplacements restreints. Parmi eux, sept se sont identifiés comme Blancs, cinq comme Autochtones et un comme Noir.

Source : Entrepôt de données de SCC, 6 mai 2021

Plaintes de l’UIS auprès du BEC

Entre le 30 novembre 2019 et le 15 avril 2021, mon Bureau a reçu 171 plaintes concernant les UIS de la part de 120 plaignants uniques (113 hommes, six femmes et un non divulgué). Parmi ceux-ci, 35 % des plaignants se sont identifiés comme Blancs, 34 % comme Autochtones et 20 % comme Noirs. L’établissement de l’Atlantique, l’établissement d’Edmonton et le pénitencier de la Saskatchewan ont reçu 42 % de toutes les plaintes et 37 % de tous les plaignants. Dans l’ensemble, 40 % des plaintes adressées à mon Bureau concernant les UIS étaient liées aux décisions de placement et aux mauvais traitements infligés par le personnel. Parmi les autres raisons des plaintes, citons les conditions non hygiéniques ou le risque d’exposition à la COVID-19; le refus du plaignant d’être transféré; la température (trop froide); l’accès aux soutiens; et l’accès aux programmes et à l’éducation.

Source : BEC, base de données Scripta, avril 2021

Selon le personnel de SCC, il arrive souvent que les DEI ne comprennent pas le risque que le renvoi peut représenter pour la personne ou la faisabilité d’une décision de renvoi. Pour plusieurs raisons, une personne peut ne pas être réintégrée dans la population carcérale ordinaire, notamment pour des raisons de sécurité (incompatibles), la dynamique de la population, ou même les limites physiques de l’établissement. Cependant, le personnel de SCC a déclaré qu’il se sentait « sous pression » de se conformer aux décisions du DEI. Parfois, la seule option restante était un transfert interrégional, qui avait été particulièrement difficile à organiser pendant la pandémie. Le personnel de SCC a également déclaré que l’un de ses plus grands défis dans l’exécution des décisions de renvoi des DEI était le refus des résidents de quitter les UIS alors que, par rapport à d’autres zones de la prison, ces environnements sont perçus (par le personnel et les prisonniers) comme des lieux de résidence beaucoup plus désirables ou plus sûrs, en particulier dans les établissements à sécurité maximale.

Photo de la rangée de l’UIS à l’Établissement de Stony Mountain.

Rangée de l’UIS à l’Établissement de Stony Mountain 

3. Des conditions comparativement meilleures dans les USI, entraînant des refus de partir

Le cadre législatif des UIS n’a pas permis d’empêcher la création, l’utilisation ou l’extension des conditions de détention semblables à l’isolement. Il existe un large éventail de conditions et de pratiques d’isolement restrictif en dehors des UIS, qui ne font l’objet que de peu ou d’aucune surveillance externe ou de contrôle indépendant. Il s’agit notamment :

  • des unités d’isolement médical où les personnes peuvent désormais être maintenues en isolement sans aucune surveillance extérieure pendant une durée maximale de 24 jours;
  • des unités à association limitée sur base volontaire;
  • des rangées thérapeutiques;
  • des unités d’isolement protecteur;
  • des unités de garde en milieu fermé (sécurité maximale) pour femmes.

Certaines de ces zones peuvent avoir des fonctions opérationnelles strictes en vertu de la politique, mais, dans la pratique, ces environnements très restrictifs échappent à tout examen externe et ont parfois violé les normes internationales de détention humaine. En raison des exigences et de la surveillance imposées par la loi, les UIS sont souvent moins restrictives que la situation qui prévaut dans la population générale des établissements à sécurité maximale, avec un meilleur accès aux services et aux interventions, plus de possibilités d’échanger avec le personnel (travailleurs sociaux, cliniciens, responsables de programmes) et, souvent, plus de temps hors de la cellule. Un certain nombre de membres du personnel de SCC ont fait remarquer que les UIS offraient des conditions bien meilleures que l’environnement carcéral ordinaire dans les établissements à sécurité maximale. Comme l’a dit l’une des personnes interrogées, « la population régulière reçoit certainement moins d’attention et d’interventions, moins d’options. » Le personnel a décrit l’environnement de l’UIS comme un environnement où :

  • il y a moins de prisonniers;
  • les résidents bénéficient d’interventions quotidiennes du personnel;
  • la pression de la vie en prison est considérablement réduite;
  • des progrès peuvent être réalisés en matière de programmes;
  • le personnel est tenu de respecter des dispositions législatives très précises (temps hors cellule, contact humain);
  • les résidents se sentent plus en sécurité qu’ils ne le seraient dans un environnement carcéral régulier.

La plupart des personnes résidant dans les USI ont dit des choses positives sur leur séjour. Une journée typique comprend du temps dans la cour, des douches, des programmes de l’UIS, du temps au téléphone et des occasions d’interagir avec des responsables de programmes, des chefs spirituels, des aînés ou des groupes. Beaucoup ont également fait des commentaires positifs sur le personnel de l’UIS. En décrivant les Aînés et les agents de liaison autochtones qui visitent les UIS, une personne a déclaré : « On peut voir qu’ils se soucient de nous et qu’ils veulent être là pour nous aider. » Un autre a déclaré : « Si quelqu’un dit non, qu’il ne veut pas sortir de sa cellule, il n’est pas simplement laissé là... le personnel essaie vraiment de comprendre pourquoi la personne ne veut pas sortir… et l’encourage à sortir de sa cellule. »

Photo d'une cour de l’UIS à l’Établissement de Stony Mountain.

Cour de l’UIS à l’Établissement de Stony Mountain 

Photo de la salle culturelle de l’UIS à l’Établissement de Stony Mountain.

Salle culturelle de l’UIS à l’Établissement de 
Stony Mountain 

Il n’est pas surprenant que mon Bureau ait appris que, dans les établissements à sécurité maximale, les personnes refusent souvent de quitter les UIS parce qu’elles considèrent que leur expérience y est plus favorable. Les entrevues avec les résidents de l’UIS ont indiqué que tous, sauf un, refuseraient de réintégrer, ou n’envisageraient la réintégration que dans des conditions précises. La plupart ont expliqué que leur réticence à se réintégrer était due au fait qu’ils ne se sentaient pas en sécurité ou se sentaient improductifs dans la population générale, ou qu’ils ne voulaient pas être placés en isolement protecteur (ou dans d’autres sous-populations) au risque d’être étiquetés. Un prisonnier l’a exprimé ainsi : « Faire partie de la population carcérale régulière nécessite de jouer au plus fin avec les autres détenus, soit en participant à la culture de la drogue, soit en dissimulant des armes et de la contrebande pour les autres. Si vous ne participez pas, les autres résidents pensent que quelque chose de suspect se passe, comme si vous parliez à la sécurité. » D’autres ont fait remarquer que l’UIS était plus propice à l’avancement de leur plan correctionnel ou au passage en établissement à sécurité moyenne. Comme l’a expliqué une personne, « j’ai travaillé dur pour changer ma vie et ne pas avoir de problèmes. J’étais impliqué dans la sous-culture et les [gangs]. L’UIS est plus sûre pour moi. Je refuserai de quitter l’UIS jusqu’à la date de ma libération. »

Les refus sont généralement traités en atténuant les problèmes d’intégration ou en organisant des transferts vers d’autres régions. Tous les membres du personnel ont déclaré qu’ils travaillent en permanence pour motiver et encourager les résidents à quitter l’UIS. Ils proposent de nombreuses options et utilisent une approche en équipe pour maximiser les solutions de rechange. D’autres bonnes pratiques que le personnel de SCC a déclaré utiliser sont les suivantes :

  • la médiation;
  • des « excursions » dans les unités pour familiariser les personnes avec la population régulière;
  • des conférences de cas;
  • des transferts vers un centre de traitement régional pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale;
  • la liaison avec d’autres établissements au sujet des programmes disponibles;
  • la modification du niveau de sécurité.

Cela dit, il semble évident qu’il faut s’attaquer aux conditions les plus oppressives dans les prisons à sécurité maximale afin de soulager les pressions (dettes, intimidation, problèmes de santé mentale, sécurité personnelle, incompatibilités) qui poussent les détenus à rechercher « volontairement » un placement en UIS.

PLAINTES RELATIVES AUX CONDITIONS DE DÉTENTION DANS LA POPULATION CARCÉRALE RÉGULIÈRE

Mon Bureau a reçu de nombreuses plaintes de détenus d’un établissement à sécurité maximale, qui se plaignaient que le manque de personnel avait réduit leur accès au gymnase et à la cour extérieure de l’établissement. Plusieurs d’entre eux ont dit qu’ils avaient passé des jours sans accès et que les conditions de détention sévères entraînaient des tensions au sein de la population carcérale. Beaucoup ont également déclaré que l’UIS semblait plus attrayante, car les personnes qui y sont logées ont un accès quotidien à la cour et à des « contacts humains significatifs ».

En réponse à l’intervention de mon Bureau, l’établissement a indiqué qu’il a embauché plusieurs recrues et qu’il continue de surveiller et de signaler les besoins en personnel avec l’administration régionale. Il faut s’attendre à des problèmes de personnel pendant la pandémie, mais les droits fondamentaux des personnes incarcérées dans la population régulière ne doivent pas être compromis.

4. Impacts négatifs de la pandémie de COVID-19 sur les UIS

Il ne fait aucun doute que la pandémie a eu un impact significatif tant sur les UIS que sur les populations carcérales régulières. Au cours des éclosions, mon Bureau a été informé que les établissements n’ont souvent pas fourni aux détenus leur droit quotidien à quatre heures hors de leur cellule et à deux heures de contacts humains significatifs. Dans certains cas, le personnel de SCC a indiqué qu’il avait dû invoquer l’exception prévue à l’article 19(1) (b) de la LSCMLC , qui dispense le SCC de respecter ces dispositions pendant les « épidémies ». Même lorsque l’établissement ne connaissait pas d’éclosions, il était tenu de respecter les directives de santé publique, ce qui l’obligeait à effectuer des visites à travers des fenêtres ou des barrières.

À leur honneur, les employés interrogés ont montré qu’ils étaient souvent capables de surmonter les difficultés en remplaçant les activités de groupe par des programmes individuels, souvent dispensés par vidéo ou par téléphone. « Cela arrivait rarement avant la pandémie », a déclaré une personne interrogée. « Maintenant, nous pouvons proposer des programmes virtuels ».

Conclusion

Mon bureau entreprendra davantage de travaux dans ce domaine au cours de l’année à venir et continuera de surveiller les UIS et les pratiques associées aux logements visés par des politiques restrictives. En attendant, je vous livre mes observations préliminaires :

  1. Le manque de données et de transparence de la part de SCC en ce qui concerne ses opérations d’UIS a rendu difficile l’évaluation de sa conformité à la législation. 

     
  2. Le retrait rapide des détenus des UIS et le respect des décisions de renvoi du DEI ont constitué un défi. 

     
  3. Certaines personnes trouvent que les conditions de vie à l’UIS sont plus favorables que celles de la population carcérale régulière à sécurité maximale, en raison de leur meilleur accès aux services et aux interventions, aux visites quotidiennes des infirmières et des directeurs, aux possibilités accrues d’interaction avec le personnel n’appartenant pas à la sécurité et à la possibilité de passer plus de temps hors de la cellule. 

     
  4. Étant donné ces conditions « plus favorables », certaines personnes refusent de quitter les UIS, comme en témoignent même les DEI. 

     
  5. La pandémie a généralement épargné aux personnes confinées dans les USI l’impact restrictif que la COVID-19 a eu sur les prisons en général, à l’exception des fermetures pendant les éclosions dans les établissements. 

     
  6. Je recommande que le SCC publie sans délai un registre trimestriel des autorisations de placement dans une UIS en vertu de l’article 34 (2) de la LSCMLC , y compris les raisons invoquées pour accorder l’autorisation. Ce dossier doit également indiquer le nombre de cas où des personnes ont été soumises à une restriction de mouvement en vertu de l’article 37.91 (1) de la LSCMLC

     
  7. Je recommande à SCC de finaliser et de publier un calendrier indiquant comment il prévoit de satisfaire aux exigences en matière de compte rendu prévues par la loi en vertu de l’article 37 (2) (Obligations du service) et de l’article 32 (3) (Obstacles physiques), ainsi que de l’article 37.2 (Recommandations en matière de soins de santé). 

     

Une enquête sur le recours à l’isolement médical dans les établissements correctionnels fédéraux

Photo de l'unité d’isolement médical à l’Établissement de Stony Mountain.

Unité d’isolement médical à l’Établissement de 
Stony Mountain 

Photo d'une cellule d’isolement médical au Centre régional de réception.

Cellule d’isolement médical au Centre régional de réception 

Au cours des premiers jours de la pandémie, mon Bureau a observé que le SCC plaçait les personnes symptomatiques et asymptomatiques en « isolement médical ». Le 23 avril 2020, dans notre première mise à jour sur les impacts de la COVID-19 sur les établissements correctionnels fédéraux, nous avons soulevé des préoccupations concernant cette pratique. Il s’agissait notamment de cas de confinement cellulaire quasi total (22 heures ou plus par jour) et de privation d’exercice à l’air frais. Dans notre deuxième mise à jour, nous indiquions que « les confinements indéfinis ou les périodes prolongées d’isolement cellulaire se poursuivaient dans de nombreux établissements, même ceux qui n’avaient pas connu d’éclosion. »

En juillet 2020, le SCC a « provisoirement » Footnote 46 publié une directive : Isolement médical et horaire modifié – COVID-19 (CD-822). Dans mon examen, j’ai exprimé des préoccupations quant à sa définition de l’isolement médical. J’ai spécifiquement attiré l’attention sur les distinctions pratiques entre l’isolement médical et la quarantaine identifiées par les experts dans le domaine de la santé en prison. Footnote 47 Plus précisément , la quarantaine sépare les personnes susceptibles d’avoir été exposées à une maladie contagieuse et limite leurs déplacements, tandis que l’isolement médical sépare les personnes qui présentent des symptômes ou dont le résultat du test de la COVID-19 est positif.

Les critères pour la DC-822, cependant, semblent appliquer l’isolement médical de manière assez large, y compris :

  • toutes les nouvelles admissions;
  • les personnes qui ont été en contact étroit avec d’autres personnes présentant des symptômes ou un diagnostic;
  • les transferts depuis des sites d’éclosions externes;
  • les transferts interrégionaux.
Photo de l'nité d’isolement médical du Pénitencier de la<br>Saskatchewan (sécurité maximale).

Unité d’isolement médical du Pénitencier de la 
Saskatchewan (sécurité maximale) 

Photo de l'unité d’isolement médical au Centre fédéral de formation.

Unité d’isolement médical au Centre fédéral de formation 

En effet, toute personne entrant dans un établissement semblait être un candidat à l’isolement médical – même sans les symptômes ou un résultat positif au test de la COVID-19. Footnote 48 

À mesure que la pandémie s’intensifiait, j’étais de plus en plus inquiet. L’approche de SCC en matière d’isolement médical avait le potentiel de violer les libertés en détention en imposant des restrictions allant au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre les objectifs de santé et de sécurité, ou qui étaient cliniquement injustifiées. Footnote 49 J’ai décidé d’enquêter en comparant le nombre de cas confirmés de COVID-19 et les placements en isolement médical.

Ce que j’ai trouvé était décourageant. Le 22 septembre 2020, la base de données des délinquants de SCC n’indiquait pas un seul cas actif de COVID-19, mais 376 détenus étaient en isolement médical. Même lorsque des cas de COVID-19 sont apparus, le nombre d’isolations médicales était bien plus élevé. Le 17 novembre 2020, avec seulement 22 cas confirmés, la base de données indiquait 456 personnes en isolement médical. Le même jour, le SCC a déclaré publiquement que 358 prisonniers s’étaient rétablis de la COVID-19 et que 29 cas n’étaient pas concluants; 15 autres cas étaient en attente. Ces chiffres semblent indiquer que le recours à l’isolement médical par le SCC a largement dépassé les besoins.

En mars 2021, mon Bureau a confirmé Footnote 50 qu’il y avait entre 247 et 401 personnes en isolement médical dans les huit établissements ayant le plus grand nombre de cas de COVID-19 à ce moment-là. Parmi eux, entre 165 et 168 avaient été en isolement médical pendant 14 jours ou plus. Les établissements ont fourni les raisons pour lesquelles les personnes sont restées en isolement au-delà de 14 jours. Pour certains, notamment dans les établissements pour femmes où la pression démographique continue d’être un problème, le SCC remettait l’horloge d’isolement à zéro si une unité recevait une personne atteinte de la COVID-19 et présentant un risque élevé de transmission. Une autre raison courante était un changement de politique nationale. Selon une version mise à jour du cadre de gestion des risques de SCC, intitulée Shaping the New Normal (5 mars 2021 – version 13) :

Lors de l’admission/du retour, le détenu doit être isolé médicalement pendant 24 jours , pour être libéré le 25e jour . Vingt-quatre jours sont nécessaires pour couvrir à la fois les périodes d’incubation et de rétablissement. Aussi près que possible du 14e jour, le détenu se verra proposer un test de COVID-19. Si le résultat du test est négatif, il n’est pas nécessaire de prévoir une période de rétablissement et l’isolement médical prendra fin le 15e jour. Si le détenu refuse le test ou si le résultat du test est positif, il restera en isolement jusqu’à ce qu’il soit complètement rétabli et que les services de santé l’autorisent, ce qui correspond normalement au 25e jour. Si le détenu accepte de se soumettre à un test entre le 15e et le 24e jour et que le résultat est négatif, sa période d’isolement peut prendre fin. Remarque : là où on a confirmé le rétablissement de détenus, il n’est pas nécessaire de les isoler médicalement, s’ils ont reçu l’autorisation des services de santé (c’est nous qui soulignons) .

Je ne connais pas de base clinique pour une période d’isolement médical de 24 jours pour couvrir à la fois l’incubation et le rétablissement, et il ne semble pas y avoir de précédent pour justifier un isolement aussi long. Compte tenu du risque élevé de transmission dans les environnements fermés, je reconnais qu’il faut pécher par excès de prudence. Toutefois, l’application de restrictions aux libertés résiduelles ne doit pas réduire ou violer les normes et garanties minimales inscrites dans la loi :

A photo of the yard for the medical isolation unit at the Federal Training Centre.

Cour de l’unité d’isolement médical du Centre fédéral 
de formation 

  • Temps minimum hors cellule, y compris l’accès à l’exercice en plein air;
  • Bilans de santé réguliers;
  • Contact « significatif » avec les autres;
  • Contrôle externe et examen indépendant;
  • Accès aux programmes et aux services.

Certaines des recommandations que j’ai formulées dans mon examen initial de la DC-822 n’ont jamais été mises en œuvre, mais elles restent applicables aujourd’hui. En conséquence :

  1. Je recommande que la directive du commissaire 822 : COVID-19 – Isolement médical et horaire modifié, soit immédiatement révisée pour inclure : 

     
  2. Des définitions qui distinguent clairement la pratique de l’isolement médical et de la quarantaine, y compris des critères cliniquement pertinents le cas échéant. 

     
  3. Des normes de service (restrictions de temps, délais de réponse) pour l’autorisation médicale et l’autorisation du directeur du pénitencier de mettre fin à l’isolement médical et à la quarantaine. 

     
  4. Des contraintes temporelles pour la quarantaine et l’isolement médical, avec des directives claires pour permettre l’extension des restrictions selon l’avis des prestataires de soins de santé. 

     
  5. Une exigence selon laquelle tout séjour en isolement médical de plus de 14 jours doit être signalé dans le Système de gestion des délinquants (SGD) et faire l’objet du même niveau d’examen et de surveillance que celui en place pour les unités d’intervention structurée. 

     
  6. Les attentes fondamentales en matière de conditions de détention, notamment le temps passé hors de la cellule, dans la cour et sous la douche, l’accès aux visites vidéo et les visites médicales. 

     

Une enquête sur un suicide dans un établissement à sécurité maximale

Tout au long de 2020-2021, mon Bureau a suivi de près les progrès de l’enquête de SCC sur la mort tragique d’un jeune Autochtone qui s’est donné la mort dans une prison à sécurité maximale. Sur la base des rapports initiaux de SCC, j’ai fait part au commissaire de mes préoccupations préliminaires :

  1. Succession de transferts involontaires d’un établissement à sécurité maximale à un autre, effectués uniquement pour soulager le statut d’isolement de cet homme. 

     
  2. Absence de prise en compte de la gravité et de la fréquence de ses comportements autodestructeurs et suicidaires. 

     
  3. Prise en compte insuffisante de l’appartenance autochtone (facteurs de Gladue , également connus sous le nom d’histoire sociale autochtone) dans la gestion de la peine de ce jeune homme, y compris dans l’exécution de ses transferts. 

     

Sur la base de ces préoccupations et d’autres, le 13 décembre 2019, j’ai recommandé que le Comité d’enquête nationale (CEN ou Comité) :

  1. inclue un membre du conseil d’administration reconnu comme un expert en matière d’incarcération des Autochtones; 

     
  2. soit présidé par un professionnel de la santé mentale externe; 

     
  3. termine son enquête dès que possible, qu’il tienne mon Bureau au courant de ses progrès et qu’il partage avec mon Bureau ses rapports préliminaires ou provisoires. 

     

J’ai également demandé que l’enquête de SCC tienne compte de toute la période d’incarcération de cet homme, et ne se concentre pas uniquement sur les événements, les facteurs ou les circonstances immédiats qui l’ont amené à s’enlever la vie.

La pandémie a considérablement retardé l’enquête du comité sur ce cas, y compris les visites sur place et les entrevues, ainsi que son rapport. À ma demande, le comité a fourni un rapport préliminaire en août 2020. Après examen, le 19 novembre 2020, j’ai demandé une copie préalable du rapport final, des notes d’entrevue des membres du comité et de leurs documents de travail. Ces documents ont été fournis le 2 décembre 2020. Par la suite, j’ai demandé que le SCC me fournisse tous les dossiers de soins de santé pertinents, y compris les notes de santé mentale et les notes d’évolution clinique.

Les conclusions sous-jacentes et les nombreux problèmes de non-conformité cernés par le comité dans son rapport final, confirmés par la suite par l’examen des dossiers correctionnels et des dossiers médicaux par le Bureau, sont profondément troublants. Par respect pour la personne décédée et sa famille, mon Bureau n’a pas divulgué de renseignements personnels afin de protéger leur vie privée. Cela dit, les faits de l’affaire ne sont pas contestés.

Faits justificatifs et analyse de cas

Au moment de sa mort, M était un jeune homme Autochtone qui purgeait sa première peine fédérale pour meurtre au second degré. En raison de la nature de son infraction, il était pratiquement certain que M serait classé et placé dans un établissement à sécurité maximale où il devrait purger au moins les deux premières années de sa condamnation à perpétuité. Footnote 51 Au début de son incarcération, M a d’abord été perçu par le personnel de SCC comme étant engagé, actif et motivé; les dossiers montrent qu’ils le considéraient comme « poli et respectueux » et décrivaient souvent son comportement, son attitude, ses perspectives et son attitude envers la vie comme étant « positifs ». M a exprimé à plusieurs reprises son intérêt pour le perfectionnement de son éducation formelle. Les registres des interventions font également état de son intérêt et de sa participation aux services et aux interventions aux Autochtones, notamment aux cérémonies de purification et aux cercles de guérison. Footnote 52 

Comme le rapport du CEN l’indique clairement, le point décisif de l’incarcération de M a eu lieu lorsqu’il a été agressé et poignardé à plusieurs reprises par un groupe de prisonniers, apparemment pour se venger du témoignage de M impliquant des associés dans le meurtre pour lequel il a été condamné. Il est compréhensible qu’à partir de ce moment-là, M ait exprimé une crainte légitime pour sa vie et sa sécurité. Il a immédiatement demandé un placement « volontaire » en isolement. Une fois là-bas, il a résisté à toutes les tentatives de le renvoyer dans la population carcérale régulière. Après l’agression, M a été continuellement maintenu en isolement, souvent sous une forme ou une autre d’observation de la santé mentale (surveillance des suicides) ou un autre statut de confinement restreint (p. ex., l’unité à association limitée – base volontaire), jusqu’à son suicide six mois plus tard.

Pour tenter d’atténuer ou de soulager l’isolement de M, le SCC a eu recours à des transferts involontaires. Au cours d’une période de six mois, M a fait l’objet de trois transferts involontaires. Ces transferts – qui faisaient suite à des examens obligatoires et étaient considérés par le SCC comme étant dans son « intérêt supérieur » ou comme une chance pour lui de prendre un « nouveau départ » dans un autre établissement – ont été contestés par M, souvent violemment. En fait, la période précédant chaque transfert l’a généralement incité à intensifier son comportement de résistance ou d’agression, ainsi que ses menaces ou ses actes de violence ou d’automutilation. Le SCC a généralement eu recours à la force pour mettre fin à chaque incident, souvent à l’aide de gaz poivré ou d’une extraction de cellule qui a nécessité la présence ou le contrôle de l’équipe d’intervention d’urgence. Au fil du temps, des incidents successifs de comportement agressif ou résistant contre le personnel ont eu pour effet de restreindre ou de limiter les placements autres que l’isolement. D’une révision obligatoire de l’isolement à l’autre, la nécessité de lever l’isolement de M était remise en question. La fin et les moyens d’utiliser les transferts involontaires pour remédier au statut d’isolement sont en fin de compte des pratiques intéressées, en particulier si le placement suivant se solde par une situation identique.

Chaque transfert et accueil successif dans un nouvel établissement semblait interrompre ou entraver les progrès de M, ou les relations qu’il avait pu établir avec le personnel. Avec chaque transfert, M s’engageait de moins en moins dans son plan correctionnel, sa santé mentale et ses soutiens culturels; il devenait encore plus isolé et replié sur lui-même. Inexplicablement, les deux derniers transferts involontaires ont été effectués vers des établissements situés à l’autre bout du pays. Tous deux manquaient de services des Aînés et d’autres soutiens pour Autochtones. Les transferts ont définitivement privé M de toute source ou de tout espoir de maintenir un soutien familial ou culturel, et sa santé mentale s’est dégradée de manière prévisible.

Le rapport du CEN indique clairement qu’il n’y a jamais eu de tentative sérieuse ou soutenue, clinique ou autre, de s’attaquer aux problèmes sous-jacents des comportements de plus en plus autodestructeurs de M. Ces comportements se sont manifestés de façon particulière pendant l’incarcération de M. Les comportements suicidaires et autodestructeurs de M étaient généralement gérés sur la base d’incidents, généralement suivis d’une intervention en cas de crise. Il ne semblait pas y avoir d’effort ou d’intérêt soutenu pour diagnostiquer ou traiter les peurs et les anxiétés légitimes de M qui étaient la cause de son refus d’intégration. À différents moments de la chronologie de l’aggravation du cycle de perte de contact et de désespoir de M, le rapport du comité s’étonne qu’on n’ait pas envisagé de l’orienter vers un centre de traitement (hôpital psychiatrique) pour stabiliser sa santé mentale. Pour être juste, le rapport a noté que M a fréquemment nié avoir des idées suicidaires ou d’automutilation, déclarant souvent plus tard qu’il avait seulement l’intention d’empêcher son transfert. En d’autres termes, les comportements autodestructeurs de M ont toujours été considérés comme des actes visant à éviter le transfert dans la population régulière.

Le comité a identifié un modèle clair et croissant dans la gravité et la fréquence du comportement suicidaire et d’automutilation de M au fil du temps et des transferts. Au cours de sa courte période de détention (16 mois), ce comportement s’est manifesté par six tentatives de suicide connues, 12 incidents d’automutilation et 22 idéations suicidaires ou comportements suicidaires. De manière significative, le comité a constaté que le comportement auto-infligé de M était constamment atténué, minimisé ou rejeté par le personnel, interprété comme étant de nature instrumentale (ou délibéré), vraisemblablement pour éviter l’intégration avec les autres prisonniers. Le personnel a perçu ses craintes et son anxiété concernant l’intégration comme étant injustifiées, même si M avait le sentiment que l’isolement était le seul moyen de se mettre à l’abri du danger.

Malgré les cycles d’automutilation de M, d’idéations suicidaires et d’autres comportements (se faire un nœud coulant, couvrir les fenêtres de sa cellule, refuser de quitter sa cellule), le SCC n’a jamais effectué une évaluation complète de son risque de suicide. Le personnel était conscient de ces comportements, mais aucun plan de traitement de santé mentale n’était en place et aucun continuum de soins de santé mentale coordonné n’était présent entre les établissements de transfert. En fait, il n’y a aucun dossier ou document qui indique que les transferts involontaires ont été refusés dans l’intérêt de la santé mentale de M. Les avis de transfert et les résumés de transfert pour la santé mentale n’étaient pas communiqués aux établissements d’accueil ou ne contenaient pas de renseignements pertinents. Les résumés formels des problèmes de santé mentale ou les notes d’évolution clinique n’ont pas été transmis d’un établissement à l’autre. En effet, il n’y avait aucune continuité ou aucun continuum de soins d’un établissement à l’autre. Comme le conclut le comité, les antécédents de M en matière de comportement d’automutilation et d’idéations suicidaires auraient dû effectivement exclure son transfert involontaire. Comme l’a dit le comité : « L’accent mis sur l’allégement du statut d’isolement préventif était la considération prédominante en matière de gestion de cas. » Dans la gestion de la peine de M, il apparaît clairement que les préoccupations en matière de sécurité et de fonctionnement ont pris le pas sur les considérations relatives aux soins de santé.

Même selon les normes de SCC, les huit recommandations du comité semblent être formulées de manière timide quant à la voie à suivre et à l’objectif. Comme un certain nombre d’autres comités, ces recommandations semblent proportionnellement déphasées par rapport à la gravité des événements en question. Trois recommandations portent sur des questions opérationnelles ou de dignité : éliminer les angles morts dans les champs de prise de vues par les caméras, acquérir des couvre-fenêtres plus stables pour bloquer la fenêtre de la cellule d’une personne dont on pourrait voir le corps, et acheter des barrières (p. ex., un écran ou une tente en cas de crime) pour couvrir un cadavre.

Sur des questions plus substantielles, le comité ne fait qu’une seule recommandation qui semble tenir compte de l’appartenance autochtone de M : que les autorités nationales prennent en compte les conclusions du comité dans l’orientation et le suivi de la direction stratégique des services correctionnels autochtones. D’autres recommandations demandent aux commissaires adjoints de la santé ou des politiques de « prendre en considération » les éléments suivants :

  1. Mise en place d’un processus permettant de s’assurer que les questions de gestion de cas sont considérées dans leur totalité; 

     
  2. Revoir le calendrier pour prendre en compte les problèmes de santé mentale et s’assurer que les renseignements sont à jour et près des transferts [involontaires]; 

     
  3. Revoir les exigences documentaires relatives au comportement suicidaire; 

     
  4. Veiller à ce que ces renseignements soient clairs et consignés par écrit afin de faciliter la continuité des soins lors des transferts. 

     

Les recommandations du comité sont principalement axées sur les incidents et réactives, plutôt que systémiques ou préventives. Qu’elles soient prises isolément dans leur ensemble, il n’est pas évident que la mise en œuvre ou le respect de l’une ou l’autre de ces mesures aurait empêché le suicide de M.

Conformément à presque toutes les autres enquêtes de SCC sur les suicides, le comité a conclu qu’il n’y avait « aucun indicateur préalable à l’incident qui aurait pu prédire la mort de M ». En fait, il y avait plusieurs facteurs de risque de suicide immédiats, documentés et connus :

  1. M a refusé son repas de midi, puis s’est pendu quelques heures plus tard; 

     
  2. M avait accumulé des dettes de prison et les a payées la veille de sa mort; 

     
  3. M avait confectionné un nœud coulant et l’avait accroché derrière sa fenêtre la semaine précédant son suicide; 

     
  4. Le cycle et le mode d’engagement de M dans des périodes cycliques de comportements d’automutilation et de suicide sont devenus plus fréquents et plus graves alors que le SCC préparait chaque transfert involontaire; 

     
  5. M a parlé de la perte de membres de sa famille juste avant sa propre mort. 

     

Enfin, bien qu’il y ait eu une tentative de documenter et de tenir compte de l’appartenance autochtone de M après l’incident, cet effort est apparu comme procédural et superficiel. Quoi qu’il en soit, le comité semble avoir abandonné la tentative à mesure que son récit progressait. En fait, au-delà d’une description initiale et brève de l’histoire et des antécédents familiaux de M - toxicomanie, suicide familial, bouleversement, implication familiale dans les pensionnats et expérience de M avec les autorités de protection de l’enfance – il y a eu peu d’efforts soutenus pour inclure une analyse de l’histoire sociale autochtone dans cette enquête. Il est clair que M a fait des progrès; il était engagé et en contact avec les établissements où des services autochtones, un accès aux Aînés et d’autres services culturels et spirituels étaient disponibles. À l’inverse, sa santé mentale s’est détériorée dans les établissements d’accueil où ces mêmes interventions culturelles et spirituelles étaient vraiment insuffisantes. On se demande ce qu’une enquête inspirée par l’arrêt Gladue aurait donné de différent ou de substantiel dans la profondeur de l’analyse, des conclusions et des recommandations.

Constatations

À partir de la documentation reçue et examinée dans ce cas, je voudrais attirer l’attention sur d’autres conclusions auxquelles mon Bureau est parvenu de manière indépendante lors de l’examen du suicide de M.

  1. Dans le cas de M, la « voix » en matière de soins de santé était absente ou non entendue, rejetée ou ignorée, intégrée ou soumise aux préoccupations de sécurité opérationnelle et institutionnelle. La tendance à ce que la sécurité l’emporte sur les préoccupations de santé n’est pas nouvelle. Il est toutefois assez troublant de constater à quel point cette tendance et ces actes d’omission sont banals et courants dans les enquêtes sur les suicides en prison. Dans ce cas, les soins de santé n’ont pas défendu les besoins de santé mentale de M, comme l’exige la loi pour les transferts involontaires. Le fait de ne pas tenir compte de la santé mentale de M, le recours continu à l’isolement pour gérer ses comportements perturbateurs, agressifs ou d’automutilation, et son découragement et son abattement sont autant d’éléments qui témoignent d’une série de défaillances en cascade et systémiques dans la prestation des soins nécessaires pour protéger et préserver la vie derrière les barreaux. Plusieurs de ces lacunes ont déjà été documentées dans d’autres suicides survenus en prison dans des unités d’isolement. 

     
  2. Au moment de la mort de M., la pratique de l’isolement préventif faisait l’objet d’une attention particulière de la part du public et des médias. Le moment et les circonstances de l’affaire M ont coïncidé avec l’intensification des efforts visant à réformer la pratique de l’isolement et à mettre fin à l’isolement cellulaire dans les établissements pénitentiaires fédéraux. À l’interne, une pression croissante et des directives claires ont été données pour réduire le nombre total de placements et la durée des séjours en isolement « volontaire ». Bien que le rapport du comité fasse référence à la primauté de l’allégement du statut d’isolement de M par des transferts involontaires, il n’y a aucune tentative de replacer cette affaire ou les décisions rendues dans leurs contextes politiques et opérationnels immédiats. Curieusement, pour une raison ou une autre, il semble que cette affaire n’ait fait l’objet que d’une faible surveillance nationale, malgré les besoins et les risques complexes en matière de santé mentale en jeu et l’examen approfondi des pratiques d’isolement (cellulaire) au moment de la mort de M. 

     
  3. Au sein de SCC, nous avons observé une partialité organisationnelle à interpréter les comportements non suicidaires et d’automutilation comme étant de nature « instrumentale » ou simulatrice (intention délibérée ou intéressée), en particulier chez les détenus de sexe masculin. De telles omissions ou négligences peuvent être dangereuses, voire mortelles. Comme le note à juste titre le comité : « Le fait que les expressions [d’automutilation ou suicidaires] soient interprétées comme instrumentales ne réduit pas le risque. » L’automutilation chronique, l’expression d’idéations suicidaires ou une escalade de la fréquence et de la gravité de ces comportements doivent faire l’objet d’une évaluation clinique et d’un plan de traitement mis en place immédiatement. 

     
  4. Les leçons tirées d’autres décès évitables, notamment en ce qui concerne les suicides en isolement cellulaire, ne semblent pas être appliquées d’une enquête sur un incident à l’autre. Le comité lui-même fait référence à des constatations similaires faites lors d’enquêtes antérieures de SCC, mais il arrive toujours à une conclusion connue : le suicide de M n’aurait pas pu être prédit ni empêché. Cependant, les faits à l’appui, ainsi que la longue liste des domaines de non-conformité, et le manque de prise en compte de l’appartenance autochtone et de l’état de santé mentale de M, défient une telle conclusion. De manière plus significative, il n’y a que deux domaines qui comptent vraiment dans une enquête interne sur un décès par suicide de personnes détenues par SCC – établir ce qui a mal tourné et comment prévenir des tragédies similaires. Malheureusement, le volet prévention est largement absent, ce qui m’inquiète beaucoup. 

     
  5. L’enquête de SCC aurait pu être considérablement enrichie par des renseignements sur l’��ducation de M, son implication et son influence auprès de pairs et de groupes criminels, ses antécédents en matière de toxicomanie et l’impact des troubles neurologiques sur ses comportements. Ces facteurs auraient dû éclairer les soins et les plans de traitement de M. Au lieu de cela, ils ont été considérés comme une note de bas de page dans un récit dont le sens est le plus souvent déconnecté de la réalité et incongru. L’appartenance autochtone de M semble avoir peu d’importance dans un système où les incidents de violence auto-infligée sont mal compris ou perçus sous l’angle erroné de l’instrumentalisation. 

     

Conclusion

La véritable tragédie du cas de M. est l’incapacité à tirer les leçons de décès antérieurs évitables. Le cas de M. s’articule autour d’un cycle d’escalade de violence auto-infligée dans des environnements dépourvus de ressources. Ses actes d’autoviolence ont répondu à la violence institutionnelle. Ces récits inquiétants ont été répétés à plusieurs reprises dans les dernières années. Le recours à l’isolement ou à d’autres formes de confinement restrictif pour gérer des comportements complexes en matière de santé mentale, et l’utilisation de transferts involontaires comme moyen de « soulager » ou de « réinitialiser » le statut d’isolement, ont été des facteurs contribuant à la mort évitable d’Ashley Smith en 2007. En 2013, le Bureau a documenté le fait que l’isolement cellulaire est un facteur de risque indépendant associé au suicide en prison. Footnote 53 La littérature a depuis longtemps établi que l’isolement physique augmente le risque de comportement suicidaire. On peut s’attendre à ce que les privations augmentent plutôt qu’elles ne réduisent les mécanismes d’adaptation ayant recours à l’automutilation. Bien que l’isolement cellulaire soit désormais interdit dans les établissements correctionnels fédéraux, le SCC continue de placer les personnes atteintes d’une maladie mentale dans des conditions d’isolement plus difficiles et privatives.

Ce cas démontre, une fois de plus, à quel point l’automutilation non suicidaire (ANS) est mal comprise, en particulier chez les hommes, et peut-être encore plus chez les hommes autochtones en prison. L’hypothèse selon laquelle l’ANS est principalement motivée par des raisons instrumentales n’est pas fondée et reflète un préjugé contre les personnes incarcérées en général (et les hommes incarcérés en particulier), car on pense souvent qu’elles sont trompeuses ou intrinsèquement honteuses par nature. En outre, les hommes incarcérés sont souvent considérés comme étant motivés par des raisons instrumentales, car ils sont moins enclins à demander de l’aide pour des problèmes émotionnels ou psychologiques. Il ne fait aucun doute que des antécédents de traumatisme et de racisme systémique aggraveraient encore ces problèmes déjà complexes.

Chez les hommes comme chez les femmes, l’automutilation est principalement destinée à la régulation des émotions. Cela est d’autant plus vrai pour les personnes ayant subi des traumatismes et n’ayant pas reçu de modèles de stratégies d’adaptation saines. Interpréter systématiquement les comportements d’automutilation comme un bluff visant à exercer un contrôle sur son environnement – en raison de préjugés liés au genre et (ou) au milieu (et éventuellement/probablement d’une incompétence culturelle), et non à la suite d’une évaluation clinique – est une ligne de pensée dangereuse avec, comme dans ce cas, des conséquences fatales.

Sur la base de mon enquête sur le suicide de M alors qu’il était pris en charge et sous la garde de SCC, je formule les quatre recommandations suivantes :

  1. Je recommande que l’équipe d’enquêteurs nationaux de SCC au sein de la Direction des enquêtes sur les incidents (DEI) reçoive une formation complète sur les principes et les pratiques de l’analyse fondée sur l’arrêt Gladue , ainsi que la rédaction de rapports de type Gladue (antécédents sociaux des Autochtones). De plus, les comités d’enquête nationale opérant sur une personne d’ascendance autochtone devraient être principalement dirigés, menés et voir leurs rapports être rédigés dans une perspective qui prend en compte les antécédents sociaux des Autochtones. 

     
  2. Je recommande qu’un résumé du cas de M, fondé sur l’arrêt Gladue , soit préparé et utilisé comme outil national de formation et d’apprentissage pour tout le personnel de SCC. Aux fins de transparence et de responsabilité, tout document préparé pour satisfaire à mes recommandations dans cette affaire devrait être rendu public. 

     
  3. Je recommande que le SCC cesse de qualifier le comportement lié à l’automutilation non suicidaire en milieu carcéral d’acte intentionnel ou de nature « instrumentale », « volontaire » ou « délibérée ». Il convient de procéder à une évaluation complète de la santé mentale des personnes qui s’automutilent et suicidaires, et de fournir des conseils clairs au personnel de première ligne sur la manière de gérer et de désamorcer les incidents liés aux comportements liés à l’automutilation et au suicide. 

     
  4. Je recommande que le commissaire présente de façon proactive des excuses officielles à la famille de M. pour les problèmes systémiques du Service correctionnel du Canada. 

     

Ratification par le Canada du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture (OPCAT)

L’année qui vient de s’écouler nous a montré à quel point les personnes vivant en milieu institutionnel sont vulnérables – des maisons de soins de longue durée aux prisons – et comment nous devons assurer leur protection dans toute la mesure du possible.

Le Canada est connu comme un leader mondial dans la protection des droits de la personne et des valeurs démocratiques. Des lois et des organisations garantissent nos droits de la personne. Le Canada a également été un chef de file en adhérant à de nombreux traités internationaux sur les droits de la personne et en s’engageant à faire rapport aux Nations Unies sur leur mise en œuvre. La Convention contre la torture (CCT) en est un exemple.

Le Canada a signé la CCT en 1985 et l’a ratifiée en 1987. Toutefois, il ne suffit pas de rendre compte de la manière dont elle s’acquitte de ses obligations au titre de la Convention contre la torture pour que les personnes les plus vulnérables qui se trouvent dans les lieux de détention soient protégées contre les mauvais traitements et la torture à huis clos. Il existe une lacune dans le système canadien des droits de la personne en ce qui concerne la protection des personnes en détention.

« Le moyen le plus efficace de prévenir la torture est donc d’exposer tous les lieux de détention à l’examen public. » Footnote 54 

Adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2002, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants comble cette lacune. Les pays qui ratifient le Protocole sont tenus de respecter les obligations en matière de droits de a personne prévues par le droit international pour les personnes se trouvant dans des lieux de détention, et de remplacer le secret traditionnellement associé aux lieux où les libertés sont restreintes par l’ouverture, la transparence et la responsabilité. Malheureusement, le Canada n’a pas signé le Protocole.

Dans son rapport annuel 2005-2006, mon prédécesseur a exhorté le gouvernement à faire preuve de leadership en signant et en ratifiant le Protocole :

« Une signature et une ratification rapides s’inscriraient dans la longue tradition historique du Canada de promotion et de défense des droits de la personne au pays et à l’étranger. Ce serait également l’occasion de revoir le rôle et le mandat des organismes de contrôle participant à la surveillance et aux inspections des “ lieux de détention ” et de renforcer les mécanismes de contrôle si nécessaire. »

Quinze ans ont passé. Malgré les appels persistants de ce Bureau et d’autres, le Canada n’a toujours pas ratifié le Protocole.

L’obligation des États Parties en vertu de l’OPCAT

L’OPCAT impose deux obligations principales aux États Parties : collaborer avec le Sous-Comité des Nations Unies pour la prévention de la torture (SPT) et désigner un ou plusieurs mécanismes nationaux de prévention (MNP) indépendants pour exécuter le mandat de l’OPCAT. Footnote 55 

Le mécanisme national de prévention mettrait en place un système de visites régulières et non annoncées des lieux de détention. S’il est mis en œuvre au Canada, le mécanisme national de prévention disposerait de pouvoirs minimums en vertu de l’article 19 du Protocole facultatif pour visiter les lieux de détention et :

  1. Examiner régulièrement la situation des personnes privées de liberté se trouvant dans les lieux de détention… en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; 

     
  2. Formuler des recommandations à l’intention des autorités compétentes afin d’améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté et de prévenir la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, compte tenu des normes pertinentes des Nations Unies; 

     
  3. Présenter des propositions et des observations au sujet de la législation en vigueur ou des projets de lois en la matière. 

     

Qui relèverait de l’OPCAT?

Une approche étroite de la mise en œuvre de l’OPCAT se concentrerait uniquement sur les lieux de détention. Chaque jour, le Canada détient environ :

  • 326 personnes en détention d’immigration (2019-2020); Footnote 56 
  • 14 778 adultes en détention provisoire (2018-2019); Footnote 57 
  • 8 708 adultes en détention dans un établissement provincial ou territorial (2018-2019);
  • 14 071 en détention dans un établissement fédéral (2018-2019);
  • 716 en détention dans un établissement pour jeunes (2018-2019).

Ces chiffres ont diminué durant la pandémie, mais, à tout moment, environ 40 000 personnes sont en détention au Canada. Cela exclut les personnes placées en détention temporaire par la police, détenues dans des établissements psychiatriques, en détention par les forces armées et dans les cellules des tribunaux.

Les observations finales du Comité contre la torture de l’ONU, adoptées en décembre 2018, suggèrent que le Canada n’est pas à l’abri de cas de mauvais traitements individuels ou systémiques de personnes détenues :

  • La surreprésentation des Autochtones dans la population carcérale;
  • Les examens des cavités corporelles pouvant être abusifs ou porter atteinte à la dignité humaine;
  • Le manque de capacités, de ressources et d’infrastructures appropriées pour gérer les détenus souffrant de graves troubles mentaux;
  • Les déficiences dans les normes et les conditions générales de détention, notamment en matière d’assainissement, d’hygiène et d’alimentation;
  • Les décès évitables en détention; et,
  • L’utilisation de l’isolement cellulaire.

Outre les populations détenues, conformément à l’article 4 de l’OPCAT, le mandat des MNP s’étendrait également à tous les lieux où « des personnes sont ou peuvent être privées de leur liberté. » Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) indique que l’OPCAT adopte délibérément une approche large pour définir les lieux de privation de liberté. Footnote 58 Outre les centres de détention, le HCDH énumère également les établissements psychiatriques, les moyens de transport pour le transfert des détenus et les foyers sociaux.

Par conséquent, une définition plus libérale de la « privation de liberté » inclurait les centaines de milliers de Canadiens résidant dans des maisons de soins infirmiers, des centres de soins chroniques et des hôpitaux de soins de longue durée, qui ont été les plus touchés par la pandémie de COVID-19. Footnote 59 En effet, les résidents et le personnel des établissements de soins de longue durée ont représenté plus des deux tiers de tous les décès au Canada, entre mars 2020 et février 2021, qui étaient liés à la COVID-19. Footnote 60 

De nombreux résidents de centres de soins de longue durée doivent encore faire face à la négligence et aux abus. En mai dernier, des responsables militaires canadiens ont fait état des conditions horribles qu’ils ont constatées dans cinq maisons de retraite, où les résidents étaient drogués, mal nourris, malmenés et laissés dans des lits souillés pendant des jours.

Bien que la question de savoir ce qui relève de l’article 4 de l’OPCAT fasse toujours l’objet d’un débat, certains pensent que la question de savoir si les maisons de soins infirmiers et de soins de longue durée sont concernées est réglée depuis longtemps. Footnote 61 Laura Grenfell, juriste australienne, affirme :

« Les personnes privées de liberté dans des unités fermées de soins pour personnes âgées sont dans une position vulnérable et courent un risque disproportionné d’être soumises à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les unités fermées des établissements de soins pour personnes âgées ne devraient pas pouvoir passer sous le radar de l’OPCAT. » Footnote 62 

Le rapport militaire canadien confirme l’avertissement de Grenfell et soulève d’importantes questions sur la qualité des mécanismes d’inspection. Footnote 63 

Naturellement, on peut se demander quels sont les recours possibles pour les personnes qui se retrouvent soumises à des conditions inhumaines ou pour leurs proches. Comment protéger la dignité de ceux qui dépendent entièrement des autres pour leur bien-être, leurs soins et leur sécurité, et qui ont une capacité limitée à s’engager dans une défense efficace de leurs intérêts?

Surveillance et contrôle existants au Canada

Le Canada compte 26 organismes de surveillance externe chargés de répondre aux plaintes et d’enquêter sur les problèmes systémiques des établissements publics et privés.

En 2018, Matthew Pringle a répertorié les organisations canadiennes ayant compétence sur les lieux de détention : Footnote 64 

  • Deux bureaux fédéraux de l’ombudsman;
  • Une commission fédérale des droits de la personne;
  • 10 ombudsmans provinciaux ou territoriaux; Footnote 65 and,
  • 13 commissions provinciales ou territoriales des droits de la personne.

À l’exception des deux bureaux de l’ombudsman fédéral – l’Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes et le Bureau de l’enquêteur correctionnel – les autres ont des mandats vastes et variés qui vont au-delà des lieux de détention. Plus important encore, ils s’engagent rarement dans des inspections proactives. Au lieu de cela, leur travail est en grande partie déclenché par une procédure de plainte souvent lourde. Au niveau provincial et territorial, les mandats étendus et les ressources limitées signifient souvent que les lieux de détention ne reçoivent qu’une attention partielle.

En bref, le système de surveillance et de contrôle du Canada est essentiellement réactif .

Lorsque les personnes sont régulièrement privées de leur liberté, il semble y avoir peu de raisons de se conformer aux normes internationales en matière de droits de la personne. Le Canada dispose d’un solide cadre législatif et de politiques solides, notamment la Charte canadienne des droits et libertés, le Code criminel, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition . Cependant, même lorsque l’engagement d’une organisation à respecter les normes en matière de droits de la personne est inscrit dans le droit national, il semble toujours y avoir un décalage entre la promesse et la pratique.

En bref, le Canada ne dispose pas d’un cadre de contrôle et d’inspection solide, coordonné et proactif pour assurer la prise en charge et l’incarcération humaines et légale des personnes privées de liberté. L’OPCAT pourrait offrir un tel cadre.

Promesse de longue date du Canada de ratifier l’OPCAT

Dans le septième rapport périodique du Canada en vertu de la CCT, le ministre des Affaires étrangères a déclaré que le Protocole facultatif « ne sera plus facultatif pour le Canada à l’avenir. Footnote 66 » La soumission, faite dans les premiers jours du premier mandat du premier ministre Trudeau, ajoute que :

« Le Canada entamerait un processus pour s’y joindre. Le processus d’adhésion inclura des consultations approfondies avec les autres ministères fédéraux intéressés, les provinces et les territoires, les gouvernements autochtones qui pourraient être impliqués et la société civile. Le ministre des Affaires étrangères est convaincu qu’une fois que les mesures nécessaires auront été prises et que toutes les voix auront été entendues, le Canada sera en mesure d’adhérer au Protocole facultatif. »

En décembre 2016, le ministère de la Justice a partagé avec mon bureau un document de travail intitulé « OPCAT : Considérations pour déterminer une position sur l’adhésion du Canada. » Le 19 mai 2017, j’ai écrit au ministre de la Justice et procureur général du Canada pour « offrir quelques suggestions et options pratiques pour aller de l’avant avec la ratification de l’OPCAT, y compris la mise en œuvre d’un nouveau mécanisme fédéral unique pour tous les lieux de détention relevant de l’autorité fédérale, ainsi que la séquence et le calendrier de signature et de ratification. » À l’époque, j’étais encouragé et je m’attendais à voir des progrès sur l’OPCAT sous le nouveau gouvernement, mais il n’y a eu aucun progrès.

Une carte du monde montrant les pays qui ont ratifié l’OPCAT en vert foncé, signé mais non ratifié en vert clair et les non-membres en gris. Dernière mise à jour, le 24 octobre, 2019. Récupéré le 26 juillet, 2021.

Graphique : Une carte du monde montrant les pays qui ont ratifié l’OPCAT en vert foncé, signé mais non ratifié en vert clair et les non-membres en gris. 
Source : Louperivois , CC BY-SA 4.0 , via Wikimedia Commons. Dernière mise à jour, le 24 octobre, 2019. Récupéré le 26 juillet, 2021.

En fait, le Canada a déclaré depuis 2006 qu’il envisagerait de ratifier l’OPCAT, et a reçu de nombreuses félicitations à l’échelle internationale. Footnote 67 Aujourd’hui, 90 pays ont ratifié le Protocole facultatif, dont trois de nos partenaires du Groupe des cinq : le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Footnote 68 Les États-Unis se sont formellement opposés à l’OPCAT en 2002. Footnote 69 

Notre gouvernement a été appelé à ratifier l’OPCAT par Dubravka Šimonović, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence à l’égard des femmes (avril 2018) Footnote 70 ; Catalina Devandas-Aguilar, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées (avril 2019) Footnote 71 ; et plus de 20 pays lors de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2018. Footnote 72 

Faire progresser la mise en œuvre de l’OPCAT au Canada

On entend souvent dire les bureaucrates canadiens que la mise en œuvre de l’OPCAT dans un État fédéral est tout simplement trop compliquée. Ils suggèrent que les provinces et les territoires ne sont pas disposés à le faire, ou qu’un accord fédéral-provincial-territorial demanderait un effort trop important. Et, de toute façon, les commissions des droits de la personne et les bureaux de l’ombudsman existants répondent suffisamment aux besoins du Canada en matière de surveillance des prisons.

En effet, comme le démontre l’analyse précédente, le système est inadéquat. Je ne propose pas de partir de zéro, mais plutôt d’améliorer ce qui existe déjà. D’autres États fédéraux et décentralisés ont ratifié et mis en œuvre l’OPCAT, de sorte que le Canada n’a pas à réinventer la roue. Footnote 73 

Prenez l’Australie, par exemple. Elle a ratifié l’OPCAT le 21 décembre 2017, mais a déclaré, en vertu de l’article 24, qu’elle reporterait de trois ans son obligation de créer ses MNP. Footnote 74 Comme le Canada, l’Australie est une fédération. Chaque état et territoire australien dispose de ses propres mécanismes pour superviser ses prisons et ses centres de détention. Bien qu’elle ait eu sa part de difficultés sur la voie de la mise en œuvre, l’Australie continue d’aller de l’avant. Footnote 75 D’autres fédérations et États décentralisés ont mis en œuvre l’OPCAT, notamment l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil, le Royaume-Uni, l’Espagne, la Suisse, le Mexique et l’Afrique du Sud.

Pour le Canada, la ratification de l’OPCAT avec une déclaration en vertu de l’article 24 pourrait être la voie à suivre. Cela permettrait au gouvernement fédéral de montrer son engagement immédiat envers les conventions internationales, tout en lui donnant un calendrier clairement défini pour mener des consultations significatives sur la mise en œuvre de l’OPCAT avec ses partenaires provinciaux et territoriaux, les intervenants et la société civile. Le Canada pourra également s’appuyer sur les conseils et le soutien précieux du Sous-Comité des Nations Unies pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Footnote 76 

Respecter les conditions de l’OPCAT

Il y a des avantages considérables à ce que le gouvernement fédéral mette en place un nouveau mécanisme national de prévention, unique et dédié, pour tous les lieux de détention sous son autorité (pénitenciers, centres de rétention de l’immigration, casernes de prison et de détention des Forces canadiennes et cellules de la GRC). Le mécanisme national de prévention aurait l’avantage supplémentaire de servir de centre d’expertise nationale et d’assistance pour le reste du pays, alors que le Canada s’achemine vers une ratification complète. Il est important que le mécanisme national de prévention soit indépendant, qu’il dispose de ressources suffisantes et qu’il soit dûment mandaté pour mener à bien son travail.

Enfin, un nouveau MNP pour tous les lieux de détention fédéraux pourrait permettre de mieux prioriser les ressources pour inspecter les lieux de détention à plus haut risque. L’externalisation des responsabilités aux organismes de surveillance existants serait plus coûteuse et pourrait entraîner par inadvertance des redondances ou des pratiques d’inspection incohérentes.

La ratification et la mise en œuvre de l’OPCAT ajouteraient une étape à la surveillance correctionnelle. Dans le cas des établissements correctionnels fédéraux, un système d’inspections régulières des pénitenciers menées au niveau national (MNP) et au niveau international par le Sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture (SPT), les deux organismes se concentrant sur la prévention, compléterait au mieux les rôles et responsabilités de mon Bureau, qui est largement axé sur les plaintes.

Le Canada risque d’être laissé pour compte, étant l’un des rares États militant pour la démocratie, le pluralisme et la primauté du droit qui n’a pas encore ratifié cette importante convention fondée sur les droits de la personne.

Peu importe qu’un nouvel organisme ou un organisme spécialisé, ou encore une combinaison d’établissements existants, soit désigné pour remplir les obligations de l’OPCAT, le Canada doit aller de l’avant avec la ratification afin de montrer clairement que nous soutenons les efforts, au pays et à l’étranger, pour protéger les droits et la dignité de toutes les personnes privées de liberté, peu importe la cause, les circonstances ou le contexte.

  1. Je recommande que le premier ministre du Canada respecte l’engagement de ce gouvernement en signant le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et en prenant des mesures concrètes au cours des quatre prochaines années pour s’assurer que cet important instrument des droits de la personne soit ratifié. 

     

Vision de l’enquêteur correctionnel pour 2021-2022

Comme pour tous les Canadiens, les circonstances de l’année écoulée ont créé des défis uniques pour le Bureau dans la conduite de son travail quotidien. Bien que difficile, elle nous a également donné l’occasion de réfléchir à la manière dont nous remplissons notre mandat. Alors que nous nous tournons vers l’avenir et que nous émergeons lentement de la pandémie, et que nous commençons à renouer avec nos clients et partenaires de manière plus conventionnelle, mon Bureau mettra en œuvre certains des enseignements tirés de l’année écoulée afin d’améliorer la manière dont nous menons notre travail.

Au cours de l’année à venir, nous mènerons des activités visant à affiner et à formaliser nos approches des enquêtes individuelles et systémiques. Une partie de ce travail consistera à lancer une nouvelle stratégie d’engagement des intervenants afin de mieux informer et de renforcer la portée et l’impact de notre travail.

Pour notre travail systémique, nous sommes en train d’établir la portée, d’examiner et d’effectuer une première analyse des données afin de nous appuyer sur les enquêtes que nous avons menées au cours de l’année écoulée, comme l’usage de la force avec les personnes PANDC. Nous nous concentrons en particulier sur les questions touchant les personnes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral, avec des enquêtes ciblées sur les programmes du Continuum de soins pour les Autochtones. Nous continuerons à surveiller la mise en œuvre et les répercussions des UIS dans un contexte post-pandémique. De plus, nous entreprendrons un travail d’enquête sur la disponibilité et les répercussions des pratiques de réintégration communautaire pour les personnes détenues sous responsabilité fédérale.

Bien que la pandémie ait interrompu nos efforts d’exploration de notre rôle et de notre fonction d’inspection, nous avons l’intention, en 2021-2022, de poursuivre ce travail préliminaire en renforçant notre mandat d’enquête par des activités d’inspection. À cette fin, nous poursuivrons les visites vidéo jusqu’à ce que les visites en établissement puissent reprendre pleinement, dans un avenir très proche, espérons-le.

Pour conclure, si je réfléchis à ce que cette dernière année nous a montré, c’est que nous avons été capables non seulement de nous adapter et de continuer à aller de l’avant dans des moments difficiles, mais aussi d’émerger de l’autre côté, en étant plus axés sur l’innovation. Dans cet esprit, mon Bureau et moi-même espérons que l’année à venir sera productive dans l’exercice de nos importantes responsabilités en matière de surveillance.

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel

Une photo de Joey Twins

Photo de Joey Twins 

Le Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel a été créé en décembre 2008 en l’honneur de M. Ed McIsaac, directeur général de longue date du Bureau de l’enquêteur correctionnel et ardent promoteur et défenseur des droits de la personne dans le système correctionnel fédéral. Il commémore les réalisations et les engagements exceptionnels en vue d’améliorer les services correctionnels au Canada et de protéger les droits humains des personnes purgeant une peine.

Le lauréat 2021 du prix Ed McIsaac pour les droits de la personne dans le système correctionnel était Joey Twins, un survivant de la tristement célèbre prison pour femmes de Kingston, en Ontario. Aujourd’hui, elle défend avec passion les femmes, les filles et les jeunes autochtones qui ont des démêlés avec la justice.

Annexe A : Résumé des recommandations

Remarque : La publication des réponses aux recommandations a été différée parce qu’une élection fédérale fut déclenchée avant que le rapport annuel puisse être déposé au Parlement. Le BEC s’attend à ce que les réponses au recommandations soient rendues publiques au moment du dépôt de ce rapport. 

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique demande à l’Agence de la santé publique du Canada de mener une étude épidémiologique indépendante sur les taux différentiels d’infection et de propagation de la COVID-19 dans les prisons fédérales canadiennes et de rendre publics les résultats et les recommandations. 

     
  2. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique procède rapidement à un examen approfondi du secteur des services correctionnels communautaires en vue d’améliorer considérablement le soutien financier, technique et infrastructurel. Le financement d’un modèle de services correctionnels communautaires revigoré pourrait s’opérer au détriment des services correctionnels institutionnels, proportionnellement à la baisse des mandats d’incarcération et des admissions de retour, ainsi qu’à la fermeture planifiée et progressive des pénitenciers redondants ou archaïques. 

     
  3. Je recommande que le président du Conseil du Trésor reconnaisse le fardeau que représentent les comptes rendus pour les petits et micro-organismes, et qu’il joue un rôle de chef de file en élaborant une approche pangouvernementale pour alléger ce fardeau. Avant que des réformes législatives et réglementaires complètes puissent être introduites, je recommande au SCT d’envisager des exemptions légales pour que les petits et micro-organismes admissibles puissent commencer à produire des comptes rendus de manière différente. 

     
  4. Je recommande que le SCC procède à une évaluation approfondie du MEI en vue de mettre en œuvre des changements qui réduiront le recours excessif aux options de force dans l’ensemble, en particulier aux gaz poivrés, et de fournir des stratégies concrètes pour adopter des options qui n’utilisent pas la force et qui sont fondées sur des preuves afin de résoudre les incidents. 

     
  5. Je recommande que le SCC examine et révise sa politique et ses pratiques concernant l’utilisation de gaz poivrés lors d’incidents impliquant des personnes qui s’automutilent ou qui sont suicidaires, dans le but de réduire leur utilisation lors d’interventions auprès de personnes qui sont aux prises avec des crises de santé mentale. 

     
  6. Je recommande à SCC de mettre au point une méthode fiable sur le plan administratif pour faire le suivi des personnes ayant des problèmes de santé mentale afin de déterminer comment les politiques et les pratiques, comme le recours à la force, influent sur cette population particulièrement vulnérable. 

     
  7. Je recommande que le SCC élabore rapidement un plan d’action, en consultation avec les intervenants, afin d’examiner la relation entre le recours à la force et le racisme systémique à l’égard des Autochtones et des Noirs, et qu’il rende compte publiquement des changements réalisables aux politiques et aux pratiques qui permettront de réduire efficacement la surreprésentation de ces groupes parmi les personnes exposées au recours à la force. 

     
  8. Je recommande que le SCC effectue un examen externe pour évaluer toutes les pratiques de sécurité dans les établissements pour femmes en vue d’éliminer ou de réduire les procédures de niveau de sécurité trop élevé qui éloignent les services correctionnels pour femmes des objectifs définis dans La création de choix.

     
  9. Je recommande à SCC de mener une étude indépendante approfondie de son Programme correctionnel pour délinquantes (PCD) et de son Programme correctionnel pour délinquantes autochtones (PCDA) afin de mieux comprendre pourquoi ces programmes n’ont pas réussi à produire de meilleurs résultats correctionnels pour les participantes, en particulier pour les femmes autochtones. 

     
  10. Je recommande à SCC d’augmenter considérablement le recours aux permissions de sortir et aux placements à l’extérieur pour les femmes, en particulier celles qui sont dans des établissements à sécurité minimale, afin de s’assurer qu’elles peuvent accéder régulièrement à la collectivité, ce qui leur offre plus d’options et augmente leurs chances de réussir leur réinsertion sociale. 

     
  11. Je recommande que le SCC revienne aux principes de base énoncés dans La création de choix et élabore une stratégie à long terme pour s’assurer que toutes les femmes sont prêtes, le plus tôt possible, à retourner dans la collectivité et que des ressources importantes soient réaffectées au programme de surveillance communautaire et aux programmes correctionnels communautaires afin de soutenir les femmes qui retournent dans la collectivité. 

     
  12. Je recommande la mise en place d’hébergements alternatifs pour les femmes logées dans les unités sécurisées et la fermeture éventuelle de toutes les unités de garde en milieu fermé. Si les unités de garde en milieu fermé restent ouvertes, elles ne doivent être utilisées que pour le retrait et la séparation temporaires des femmes après un incident grave, jusqu’à ce qu’un placement alternatif approprié soit trouvé. 

     
  13. Je recommande que le SCC publie sans délai un registre trimestriel des autorisations de placement dans une UIS en vertu de l’article 34 (2) de la LSCMLC , y compris les raisons invoquées pour accorder l’autorisation. Ce dossier doit également indiquer le nombre de cas où des personnes ont été soumises à une restriction de mouvement en vertu de l’article 37.91 (1) de la LSCMLC

     
  14. Je recommande à SCC de finaliser et de publier un calendrier indiquant comment il prévoit de satisfaire aux exigences en matière de compte rendu prévues par la loi en vertu de l’article 37 (2) (Obligations du service) et de l’article 32 (3) (Obstacles physiques), ainsi que de l’article 37.2 (Recommandations en matière de soins de santé). 

     
  15. Je recommande que la directive du commissaire 822 : COVID-19 – Isolement médical et horaire modifié , soit immédiatement révisée pour inclure : 

     
  16. Je recommande que l’équipe d’enquêteurs nationaux de SCC au sein de la Direction des enquêtes sur les incidents (DEI) reçoive une formation complète sur les principes et les pratiques de l’analyse fondée sur l’arrêt Gladue , ainsi que la rédaction de rapports de type Gladue (antécédents sociaux des Autochtones). De plus, les comités d’enquête nationale opérant sur une personne d’ascendance autochtone devraient être principalement dirigés, menés et voir leurs rapports être rédigés dans une perspective qui prend en compte les antécédents sociaux des Autochtones. 

     
  17. Je recommande qu’un résumé du cas de M, fondé sur l’arrêt Gladue , soit préparé et utilisé comme outil national de formation et d’apprentissage pour tout le personnel de SCC. Aux fins de transparence et de responsabilité, tout document préparé pour satisfaire à mes recommandations dans cette affaire devrait être rendu public. 

     
  18. Je recommande que le SCC cesse de qualifier le comportement lié à l’automutilation non suicidaire en milieu carcéral d’acte intentionnel ou de nature « instrumentale », « volontaire » ou « délibérée ». Il convient de procéder à une évaluation complète de la santé mentale des personnes qui s’automutilent et suicidaires, et de fournir des conseils clairs au personnel de première ligne sur la manière de gérer et de désamorcer les incidents liés aux comportements liés à l’automutilation et au suicide. 

     
  19. Je recommande que le commissaire présente de façon proactive des excuses officielles à la famille de M. pour les problèmes systémiques du Service correctionnel du Canada. 

     
  20. Je recommande que le premier ministre du Canada respecte l’engagement de ce gouvernement en signant le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et en prenant des mesures concrètes au cours des quatre prochaines années pour s’assurer que cet important instrument des droits de la personne soit ratifié. 

     

Annexe B : Statistiques annuelles

Tableau A : Plaintes présentées au BEC par catégorie et état de résolution Footnote 77 

CATÉGORIE OU SOUS-CATÉGORIE DE PLAINTE 

EN COURS 

RÉSOLUE 

TOTAL 

ISOLEMENT PRÉVENTIF

0

4

4

Placement ou examen

1

1

Autre

3

3

PRÉPARATION DU DOSSIER

24

125

149

EFFETS GARDÉS EN CELLULES

22

224

246

Cantine

22

22

Échange

1

1

Trousse pénitentiaire

2

35

37

Fouille ou saisie

1

7

8

Transferts

6

33

39

Autre

13

126

139

PLACEMENT EN CELLULE

0

20

20

Double occupation

5

5

Unité ou rangée

7

7

Autre

8

8

RÉCLAMATIONS CONTRE LA COURONNE

1

26

27

Traitement

5

5

Autre

1

16

17

Décisions

5

5

SURVEILLANCE DANS LA COLLECTIVITÉ

1

41

42

MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION

1

61

62

Application

3

3

Conditions

6

6

Semi-liberté

1

1

Détention

2

2

Libération conditionnelle totale

2

2

Révocation

3

3

Autre

1

20

21

Suspension

24

24

CONDITIONS DE DÉTENTION

62

669

731

Santé et sécurité sur les lieux de travail des détenus

15

15

Confinement

5

58

63

Temps de loisirs

1

29

30

Assainissement ou propreté

3

28

31

Température

4

18

22

Accès aux douches

1

2

3

Autre

48

519

567

DÉCÈS D'UN DÉTENU

1

5

6

RÉGIMES

3

45

48

Médical

1

5

6

Religieux

24

24

Régimes spéciaux

1

5

6

Autre

1

11

12

DISCIPLINE

6

39

45

Infractions graves

1

10

11

Infractions mineures

1

19

20

Procédures

8

8

Autre

4

2

6

DISCRIMINATION

5

60

65

Genre

10

10

Race

3

22

25

Religion

14

14

Autre

2

14

16

EMPLOI

9

34

43

Suspension

5

10

15

Autre

4

22

26

Accès

2

2

RENSEIGNEMENT AU DOSSIER

14

190

204

Correction

5

47

52

Accès

1

40

41

Autre

8

103

111

QUESTION FINANCIÈRES

10

102

112

Paye

3

37

40

Accès

6

6

Autre

7

59

66

SERVICES D'ALIMENTATION

2

44

46

GRIEFS

14

92

106

Mesure corrective

1

1

Décision

5

5

Autre

8

58

66

Procédure

6

28

34

HARCÈLEMENT PAR DÉTENU

0

12

12

Physique

2

2

Sexuel

2

2

Verbal

1

1

Autre

7

7

RÉDUCTION DES MÉFAITS

5

5

Programme d’échange de seringues

1

1

Traitement de substitution aux opiacés

4

4

SANTÉ ET SÉCURITÉ

11

120

131

SOINS DE SANTÉ

41

470

511

Accès

8

112

120

Décisions

5

33

38

Dentaire

2

42

44

Grève de la faim

2

2

Médicaments

15

138

153

Autre

11

143

154

PROCESSUS DE REQUÊTE DES DÉTENUS

8

8

Procédure

3

3

Réponse

2

2

Autre

3

3

ACCÈS JURIDIQUE

5

64

69

COURRIER

11

92

103

Livraison ou cueillette

3

38

41

Saisie

1

3

4

Autre

7

51

58

SANTÉ MENTALE

4

45

49

Accès

1

17

18

Décisions

6

6

Qualité des soins

2

2

Automutilation

1

9

10

Autre

13

13

PROGRAMME MÈRE-ENFANT

0

1

1

BEC (PLAINTES CONTRE)

7

73

80

Décisions ou opérations

1

5

6

Autre

6

68

74

LANGUES OFFICIELLES

2

1

3

TRIBUNAL EXTÉRIEUR

0

3

3

JURIDICTION EXTERNE

0

3

3

DÉCISIONS DE LA COMMISSION DES LIBÉRATIONS 
CONDITIONNELLES DU CANADA

8

53

61

PRACTIQUE SPIRITUELLE OU OBSERBVATION 
DE LA RELIGION

2

5

7

PROGRAMMES

15

55

70

Accès

10

35

45

Décisions

4

4

Qualité ou contenu

1

1

Autre

4

16

20

QUESTIONS PROVINCIALES OU TERRITORIALES

0

1

1

PROCÉDURES DE MISE EN LIBERTÉ

3

56

59

SÛRETÉ OU SÉCURITÉ

17

166

183

Incompatibles ou autres délinquants

10

66

76

Personnel

4

18

22

Autre

3

82

85

RECHERCHE

0

18

18

Cellule nue

3

3

Régulier

3

3

Fouille à nu

1

1

Autre

11

11

NIVEAU DE SÉCURITÉ

11

50

61

Initial

1

1

2

Examen

5

14

19

Autre

5

35

40

ADMINISTRATION DE LA PEINE

0

8

8

PERSONNEL

30

485

515

Gestion de cas

10

80

90

Personnel correctionnel

9

134

143

Gestion

21

21

Autre

11

250

261

UNITÉ D'INTERVENTION STRUCTURÉE (UIS)

2

28

30

Conditions

1

6

7

Placement/Examen

1

9

10

Autre

-

13

13

TÉLÉPHONE

10

123

133

Accès à un téléphone

2

20

22

NIP

3

38

41

Suspension d’utilisation

5

5

Autre

5

60

65

PERMISSION DE SORTIR

3

26

29

Raisons humanitaires

2

12

14

Avec escorte

1

7

8

Sans escorte

3

3

Autre

4

4

TRANSFERT

15

186

201

ANALYSE D'URINE

1

10

11

RECOURS À LA FORCE

12

34

46

VISITES

9

114

123

Annulation ou suspension

22

22

Visite de la famille principale

10

10

Visite familiales privées

2

31

33

Visites normales

1

4

5

Traitement des visiteurs

2

2

Autre

6

45

51

CATÉGORIE DE PLAINTE À DÉTERMINER

7

1

8

RENSEIGNEMENTS INSUFFISANTS POUR 
ATTRIBUER UNE CATÉGORIE

1

10

11

Total Footnote 78 

402 

4 107 

4 509 

Tableau B : Cas et entretiens par région et établissement

RÉGION OU ÉTABLISSEMENT 

CAS 

ENTERVUES Footnote 79 

ATLANTIQUE 

432 

49 

Atlantique

83

3

Dorchester

173

17 Footnote 80 

Établissement Nova pour les femmes

61

22

Centre de rétablissement Shepody

16

Springhill

99

7

QUÉBEC 

945 

104 

Archambault

105

24 Footnote 81 

Centre régional de santé mentale

18

Cowansville

127

9

Centre régional de réception

86

5 Footnote 82 

Donnacona

91

20

Drummond

51

5

Centre fédéral de formation

139

7

Joliette

98

12

La Macaza

144

12

Port-Cartier

60

8

Unité spéciale de détention

22

Centre de guérison Waseskun

4

2

ONTARIO 

830 

113 

Bath

171

21

Beaver Creek

130

11

Collins Bay

83

10

Établissement pour femmes Grand Valley

79

24

Joyceville

23

25 Footnote 83 

Unité d’évaluation de Joyceville

94

Unité de détention temporaire de Joyceville

1

Millhaven

84

12 Footnote 84 

Centre régional de traitement – Millhaven

18

Warkworth

147

10

PRAIRIES 

1,243 

147 

Bowden

196

23

Maison de ressourcement Buffalo Sage

5

4

Drumheller

108

15

Pavillon de ressourcement pour femme Eagle

1

5

Edmonton

240

12

Établissement d’Edmonton pour femmes

87

24

Grande Cache

116

7

Grierson

1

0

Pavillon de ressourcement O-Chi-Chak-Ko-Sipi

0

0

Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci

9

4

Centre Pê Sâkâstêw

7

2

Pavillon de ressourcement spirituel du Grand Conseil de Prince Albert

5

5

Centre psychiatrique régional

75

7

Saskatchewan

295

22

Centre de guérison Stan Daniels

1

0

Stony Mountain

93

13

Pavillon de ressourcement Willow Cree

4

4

PACIFIQUE 

791 

68 

Établissement de la vallée du Fraser pour femmes

63

6

Kent

120

6

Village de guérison Kwìkwèxwelhp

4

1

Matsqui

170

13

Mission

197

16

Montagne

84

14

Pacifique

82

9 Footnote 85 

Centre régional de réception – Pacifique

7

Centre régional de traitement – Pacifique

43

William Head

21

3

CCC-CRC/LIBÉRÉS CONDITIONNELS DANS LA COLLECTIVITÉ Footnote 86 

268 

TOTAL GÉNÉRAL 

4 509 

481 

Tableau C : Plaintes et entrevues par établissement pour femme purgeant une peine de ressort fédéral

RÉGION OU ÉTABLISSEMENT 

CAS 

ENTREVUES 

ATLANTIQUE 

61 

22 

Établissement Nova pour femmes

61

22

QUÉBEC 

98 

12 

Joliette

98

12

ONTARIO 

79 

24 

Établissement pour femmes Grand Valley

79

24

PRAIRIES 

102 

37 

Maison de ressourcement Buffalo Sage

5

4

Pavillon de ressourcement pour femme Eagle

1

5

Établissement d’Edmonton pour femmes

87

24

Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci

9

4

PACIFIQUE 

63 

Établissement de la vallée du Fraser pour femmes

63

6

TOTAL GÉNÉRAL 

403 

101 

Tableau D : Traitement des plaintes

ACTION 

NOMBRE 

Résolution interne Footnote 87 

2 357

Demande de renseignements Footnote 88 

1 804

Enquête Footnote 89 

413

TOTAL 

4 574 Footnote 90 

Tableau E : Cas, plaignants et population carcérale par région

RÉGION 

CAS 

PERSONNES Footnote 91 

POPULATION EN DÉTENTION Footnote 92 

Atlantique

432

207

1 274

Québec

945

393

2 454

Ontario

830

419

3 293

Prairies

1 243

579

3 812

Pacifique

791

342

1 730

TOTAL Footnote 93 

4 241 

1 940 

12 399 

Tableau F : Sujet de préoccupation le plus souvent signalé par population

POPULATION / CATÉGORIE 

NOMBRE 

POURCENTAGE 

POPULATION TOTALE EN DÉTENTION 

Conditions de détention

731

16,21 %

Personnel

515

11,42 %

Soins de santé

511

11,33 %

Effets gardés en cellule

246

5,46 %

Renseignements au dossier

204

4,52 %

Transfert

201

4,46 %

Sûreté ou sécurité

183

4,06 %

Préparation du dossier

149

3,30 %

Téléphone

133

2,95 %

Santé et sécurité

131

2,91 %

PRISONNIERS AUTOCHTONES 

  

Conditions de détention

190

13,86 %

Personnel

165

12,04 %

Soins de santé

157

11,45 %

Effets gardés en cellule

93

6,78 %

Transfert

69

5,03 %

Renseignements au dossier

64

4,67 %

Sûreté ou sécurité

63

4,60 %

Téléphone

42

3,06 %

Questions financières

37

2,70 %

Santé et sécurité

35

2,55 %

FEMMES PURGEANT UNE PEINE DE RESSORT FÉDÉRAL 

  

Conditions de détention

100

23,20 %

Soins de santé

62

14,39 %

Personnel

41

9,51 %

Effets gardés en cellule

22

5,10 %

Santé et sécurité

20

4,64 %

Téléphone

17

3,94 %

Programmes

14

3,25 %

Sûreté ou sécurité

12

2,78 %

Préparation du dossier

11

2,55 %

Niveau de sécurité

8

1,86 %

Annexe C : Autres statistiques

A. Examens obligatoires menés en 2020-2021

Conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), le Bureau de l’enquêteur correctionnel examine toutes les enquêtes de SCC portant sur des incidents relatifs à des blessures graves ou au décès de détenus.

Examens prévus par loi par type d’incident

TYPE D'INCIDENT 

EXAMENS 

Décès (cause naturelle) Footnote 94 

38

Agression

36

Surdoses

21

Blessures

14

Tentative de suicide

10

Suicide

9

Meurtre

5

Automutilation

2

Décès (autre)

1

TOTAL 

136 

B. Examens du recours à la force menés par le BEC en 2020-2021

Le Service correctionnel est tenu de fournir au Bureau tous les documents pertinents concernant les incidents relatifs au recours à la force. Les documents relatifs au recours à la force comprennent généralement :

  • Rapport sur le recours à la force;
  • Copie de toute vidéo concernant l’incident;
  • Liste de contrôle des Services de santé pour l’examen d’un recours à la force;
  • Liste de contrôle après l’incident;
  • Rapport d’observation ou déclaration d’un agent;
  • Plan d’action pour régler les lacunes.

Remarque : Les données des tableaux suivants ne représentent que les incidents examinés par le BEC en 2020-2021, ce qui constitue un sous-ensemble de tous les dossiers de recours à la force reçus au cours de la même période. 

Tableau 1 : Fréquence des mesures de recours à la force les plus couramment utilisées

 

Atlantique 

Québec 

Ontario 

Prairie 

Pacifique 

Nationale 

Incidents déclarés et examinés par le BEC 

150 

329 

231 

593 

168 

1 471 

MESURES LES PLUS COURAMMENT UTILISÉES Footnote 95 

Contrôle physique 

114 

186 

126 

407 

108 

941 

Intervention verbale 

54 

107 

49 

456 

161 

827 

Gaz poivré (GP) ou agent chimique (AC) Footnote 96 

64 

214 

100 

324 

90 

792 

MK-4 (GP)

20

87

53

130

55

345

MK-9 (GP)

26

63

27

116

27

259

T-21 Muzzle Blast (GP)

4

25

8

46

4

87

MK-46 (GP)

3

31

5

22

4

65

T-16 (GP)

3

1

5

6

0

15

T-21 (AC)

2

6

0

1

0

9

ISPRA (GP)

5

0

1

2

0

8

Grenades (AC)

0

0

1

1

0

2

T-16 (AC)

1

0

0

0

0

1

Autre (GP)

0

1

0

0

0

1

Matériel de contrainte (menottes, entraves aux pieds) 

42 

100 

142 

344 

96 

724 

Brandissement d’un agent inflammatoire assorti d’ordres verbaux 

24 

34 

102 

25 

190 

Équipe d’intervention d’urgence (ÉIU) 

18 

34 

18 

27 

32 

129 

Bouclier 

13 

38 

17 

83 

Contraintes douces (Pinel) 

15 

30 

53 

Tir à impact direct 

23 

42 

Bâton 

18 

27 

Brandissement de tir à impact direct 

13 

23 

Artifice de diversion DT-25 (grenade aveuglante) 

18 

22 

Brandissement et décharge d’une arme à feu 

11 

Carabine C8 (arme à feu) 

10 

11 

TOTAL Footnote 97 

311 

707 

484 

1 783 

590 

3 875 

Tableau 2 : Fréquence des mesures de recours à la force les plus couramment utilisées dans les établissements pour femmes

INCIDENTS DÉCLARÉS ET EXAMINÉS PAR LE BEC 

93 

MESURES LES PLUS COURAMMENT UTLISÉES 

FREQUENCY 

Intervention verbale 

87 

Contrôle physique 

80 

Matériel de contrainte (menottes, entraves aux pieds) 

43 

Gaz poivré (GP) ou agent chimique (AC) 

22 

MK-4 (GP)

14

MK-9 (GP)

6

MK-46 (GP)

2

Brandissement de GP ou AC avec ordres verbaux 

11 

Matériel de contrainte souple (Pinel) 

Équipe d’intervention d’urgence (ÉIU) 

Bouclier 

Total 

253 

C. Communications sans frais en 2020-2021

Les personnes purgeant une peine de ressort fédéral et les membres du public peuvent communiquer avec le BEC en composant notre numéro sans frais (1 877 885-8848) partout au Canada. Toutes les communications entre les personnes purgeant une peine de ressort fédéral et le BEC sont confidentielles.

Nombre de communications sans frais reçues au cours de la période visée par le rapport : 19 143

Nombre de minutes d’enregistrement sur la ligne téléphonique sans frais : 72 116

D. Enquêtes d’envergure nationale en 2020-2021

  1. Rapport d’enquête sur la reprise des interventions correctionnelles ( Troisième mise à jour sur la COVID-19 , 23 février 2021). 

     
  2. Enquête sur les recours à la force impliquant des personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC) et d’autres populations vulnérables incarcérées dans des établissements fédéraux (date du dépôt du rapport annuel 2020-2021). 

     
  3. Un examen des services correctionnels pour femme 30 ans depuis La création de choix (date du dépôt du rapport annuel 2020-2021). 

     
  4. Observations préliminaires sur les unités d’intervention structurée (date du dépôt du rapport annuel 2020-2021). 

     
  5. Enquête sur le recours à l’isolement médical dans les établissements pénitentiaires fédéraux (date de dépôt du rapport annuel 2020-2021). 

     
  6. Enquête sur un suicide dans un établissement à sécurité maximale (date du dépôt du rapport annuel 2020-2021). 

     

Annexe D : Rapports ministérielle

A. Le BEC en un coup d’œil

Qui sommes-nous?

L’enquêteur correctionnel est mandaté par la partie III de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) en tant qu’ombudsman et la fonction principale du Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC ou le Bureau) est d’enquêter sur les plaintes des personnes purgeant une peine de ressort fédéral et de les résoudre. Le BEC est un organisme indépendant qui a la responsabilité d’examiner les politiques et les procédures du Service correctionnel du Canada (SCC) découlant des plaintes individuelles et de faire des recommandations à ce sujet, afin de s’assurer que les sujets de préoccupation systémiques sont identifiés et traités de façon appropriée. Il mène également des enquêtes systémiques sur des questions qui touchent un grand nombre de personnes purgeant une peine de ressort fédéral.

En tant que micro-organisme, le BEC fonctionne avec un budget de 5,4 millions de dollars qui se compose d’un budget salarial de 4,5 millions de dollars (y compris les régimes d’avantages sociaux des employés) et de 898 000 dollars alloués au budget de fonctionnement et d’entretien.

Tableau 1 : Faits saillants financiers

INDICATEURS FINANCIERS CLÉS 
(DOLLARS) 

2020-21 

2019-20 

2018-19 

2017-18 

Revenues totales

Dépenses totales

5 827 476 $

5 440 958 $

5 201 287 $

4 850 447 $

AUTHORITÉS UTILISÉES PAR LE 
PROGRAMME (DOLLARS) 

2020-21 

2019-20 

2018-19 

2017-18 

Ombudsman pour délinquants fédéraux

4 736 304 $

4 533 378 $

4 330 805 $

3 631 480 $

Services internes

1 091 172 $

906 680 $

870 482 $

1 218 967 $

Dépenses totales

5 827 476 $

5 440 058 $

5 201 287 $

4 850 447 $

Risques opérationnels

Le BEC a cerné deux risques opérationnels permanents :

  1. Le mandat du BEC à l’échelle nationale ainsi que le nombre et la complexité des enjeux présentent un risque de couverture en raison des exigences élevées en matière de déplacements, y compris les déplacements dans des endroits éloignés. 

     
  • La mise en œuvre de visites virtuelles pour se conformer aux mesures de lutte contre la pandémie et minimiser la propagation de la COVID-19 a fourni au Bureau une alternative temporaire aux visites en personne.
  1. La résolution des plaintes dans un environnement traditionnellement fermé à l’examen du public exige que le Bureau soit non seulement indépendant du Service correctionnel du Canada, de la Sécurité publique et de la Protection civile Canada et du ministre, mais qu’il soit perçu comme tel. 

     
  • Le lien hiérarchique de l’enquêteur correctionnel et son pouvoir de mener des enquêtes indépendantes démontrent l’impartialité et l’efficacité du Bureau.

En plus de ce qui précède, le BEC a également cerné les risques opérationnels suivants :

  1. Phénix continue de présenter un risque d’erreurs de rémunération touchant les employés ainsi que la gestion du budget de l’organisation.
  • L’augmentation de la capacité de la Direction des services corporatifs permettra à l’équipe de disposer d’une capacité, d’un soutien et d’une aptitude dédiés pour répondre aux problèmes de rémunération des employés en temps opportun.
  1. La pandémie de COVID-19 qui a présenté un risque important pour la santé des employés ainsi que pour la continuité des opérations. 

     
  • Bien qu’il s’agisse d’un service essentiel dont les opérations doivent se poursuivre, le BEC a réussi en grande partie à restructurer les pratiques de bureau pour permettre le travail à domicile et soutenir les visites virtuelles afin d’assurer la poursuite de l’exécution du mandat. L’absence de visites en personne a empêché le BEC de remplir pleinement son mandat législatif. Footnote 98 

Cadre des résultats du BEC Footnote 99 

Le cadre des résultats ministériels et l’inventaire des programmes du BEC font état des éléments suivants :

  • L’une de ses principales responsabilités est d’assurer une surveillance indépendante des services correctionnels fédéraux en enquêtant sur les plaintes individuelles des personnes purgeant une peine de ressort fédéral (incarcérées ou dans la collectivité);
  • Un inventaire des programmes qui sert d’ombudsman pour les personnes purgeant une peine de ressort fédéral afin de protéger l’indépendance et l’impartialité du Bureau et de soutenir une pratique correctionnelle fédérale sûre, légale et humaine.
A diagram of OCI’s Departmental Results Framework and Program. Departmental Results Framework; Core Responsibility: Independent Oversight of Federal Corrections; Departmental Result: A safe, lawful and humane federal correctional practice; Indicator: Percentage of recommendations made in relation to individual offender complaints that were addressed by the CSC; Indicator: Percentage of recommendations made in relation to the OCI’s corporate priorities that were addressed by the CSC; Internal Services; Program Inventory; Program: Ombudsman for Federal Offenders.

Tableau 2 : Faits saillants du rendement

INDICATEURS DE RENDEMENT CLÉS 

CIBLE 

2020-21 

2019-20 

2018-19 

2017-18 

Pourcentage de recommandations 
faites dans le cadre des plaintes 
individuelles des délinquants qui ont 
été traitées par le SCC

90 %

82 %

89 %

89 %

69 %

Pourcentage des recommandations 
faites dans le cadre des priorités 
organisationnelles du BEC qui ont 
été traitées par le SCC.

100 %

85 %

100 %

100 %

100 %

B. Ce que nous avons réalisé

Responsabilités essentielle

Surveillance indépendante des services correctionnels fédéraux

Le Bureau de l’Enquêteur correctionnel mène des enquêtes sur les plaintes déposées par des personnes purgeant une peine de ressort fédéral (incarcérées ou dans la collectivité), par des personnes purgeant une peine au nom d’une autre personne purgeant une peine et par la famille et les amis au nom d’une personne purgeant une peine. Elle mène également des enquêtes systémiques sur des questions qui touchent un grand nombre de personnes purgeant une peine de ressort fédéral. Le Bureau examine toutes les enquêtes du Service correctionnel du Canada sur les décès en détention et les cas de blessures corporelles graves afin de s’assurer qu’elles sont conformes à la loi et aux politiques, et il effectue des examens de tous les incidents de recours à la force. Les activités d’enquête du BEC favorisent une pratique correctionnelle fédérale sécuritaire, légale et humaine afin de s’assurer que les décisions et les pratiques correctionnelles fédérales sont conformes aux droits de la personne, aux lois et aux politiques, et qu’elles sont équitables.

Résultats

L’année financière 2020-2021 a été un défi pour tous, car des mesures ont été mises en œuvre pour contenir la propagation de la pandémie de COVID-19, tout en faisant preuve d’innovation et en s’accommodant de la poursuite des opérations par la mise en œuvre de visites virtuelles. Le Bureau a effectué 43 visites virtuelles (148 jours) et mené neuf (9) inspections (9 jours).

Au cours de l’année dernière, l’équipe d’enquête a reçu 4 509 plaintes, dont 4 107 ont été examinées ou ont fait l’objet d’une enquête. En plus d’avoir mené 481 entrevues avec des personnes purgeant une peine, l’équipe a également produit et publié trois mises à jour sur la COVID-19 fournissant une évaluation de l’impact de la pandémie au sein des établissements correctionnels.

De plus, le Bureau a procédé à l’examen de 1 471 incidents impliquant le recours à la force et à l’examen de 136 rapports d’enquête effectués en vertu des articles 19 et 19.1 de la LSCMLC concernant des incidents ayant entraîné la mort ou des blessures corporelles graves.

Analyse comparative entre les sexes plus 

L’accent mis par le BEC pour l’année financière 2020-2021 sur l’ACS+ portait sur trois groupes spécifiques : les personnes purgeant une peine de ressort fédéral qui sont autochtones, qui sont des femmes et qui ont des problèmes de santé mentale.

Résultats

Dans son rapport annuel, le BEC a démontré son engagement envers l’ACS+ par son travail d’enquête sur les recours à la force impliquant des Noirs, des Autochtones, des personnes de couleur et d’autres populations vulnérables incarcérées dans des établissements fédéraux, notamment des femmes et des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Le Bureau continue de soulever des préoccupations concernant l’absence de progrès dans le suivi, la réponse et la prévention des incidents de coercition et de violence sexuelle. En raison des modifications apportées à la Loi canadienne sur les droits de la personne , le BEC a reçu de plus en plus de plaintes concernant le traitement des personnes de sexe différent dans les établissements fédéraux et a mené un examen complet de la nouvelle directive du commissaire de SCC sur les considérations liées au genre. Enfin, le Bureau a effectué un examen ciblé des services correctionnels pour femmes, 30 ans après La création de choix . Cette enquête comprenait une analyse de divers groupes d’ACS+, notamment les femmes autochtones, les femmes souffrant de problèmes de santé mentale et les personnes de genre différent logées dans des établissements destinés aux femmes.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Programme 2030 des Nations Unies pour le développement durable est un plan d’action pour l’humanité, la planète et la prospérité. Il insiste sur le renforcement de la paix dans le cadre d’une liberté plus grande. La pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions est un défi dans ce pays et dans d’autres pays. Si les clients desservis par le Bureau de l’enquêteur correctionnel ne réussissent pas à réintégrer leur collectivité, leur taux de récidive augmente et les risques qu’ils tombent dans la pauvreté augmentent également.

Résultats

En s’acquittant de son mandat, le BEC contribue à la réalisation de deux grands objectifs du Programme 2030 des Nations Unies pour le développement durable : Égalité entre les sexes (5) et Paix, justice et institutions efficaces (16).

Comme indiqué dans la section ACS+, dans son rapport annuel 2020-2021, le BEC a examiné l’évolution des services correctionnels pour femmes sur une période de trente ans, depuis la publication du rapport historique sur l’état des services correctionnels pour femmes, La création de choix . L’examen approfondi des services correctionnels pour femmes réalisé par le BEC offre un certain nombre de recommandations ciblées visant à améliorer les conditions de vie des femmes incarcérées dans les établissements fédéraux, en tenant particulièrement compte des besoins des femmes autochtones et des femmes ayant des antécédents complexes de traumatismes et de problèmes de santé mentale.

En outre, par l’exécution continue de son mandat, le BEC contribue également aux objectifs de paix, de justice et d’institutions efficaces en assurant le traitement équitable et humain des personnes purgeant une peine de ressort fédéral. Le BEC l’a démontré par son travail d’enquête et ses recommandations concernant le recours à la force et l’approche de SCC, qui privilégie la sécurité dans le travail avec les personnes ayant des besoins en matière de santé mentale, et sa surutilisation auprès des personnes noires et autochtones. Pour soutenir une organisation plus forte, le BEC a augmenté sa capacité à effectuer un travail d’enquête plus systémique. L’équipe d’enquêteurs a également travaillé en collaboration avec le personnel de SCC pour répondre aux plaintes des détenus dans le but d’améliorer les conditions dans les établissements. Enfin, le BEC collabore avec des partenaires internationaux par l’entremise du réseau d’experts afin d’établir les pratiques exemplaires humaines dans le domaine des services correctionnels.

Écologisation du Gouvernement

Parmi les 13 objectifs cernés dans le cadre de la Stratégie fédérale de développement durable, le Bureau a mis en place des mesures pour améliorer l’empreinte carbone en ce qui concerne l’écologisation du gouvernement et les énergies propres.

Résultats

Au cours de la dernière année, la pandémie de COVID19 a accéléré la mobilité de la main-d’œuvre du BEC et a permis à son personnel de travailler à domicile en mettant en œuvre la signature numérique et les pratiques de bureau sans papier. Le Bureau a également réussi à adapter et à mettre en œuvre les visites virtuelles, qui éclaireront notre planification future et contribueront à améliorer notre empreinte carbone à l’appui de l’initiative d’écologisation du gouvernement.

Renseignements à l’appui du Répertoire des programmes Footnote 100 

Tableau 1 : Statistiques de rendement


 

2020-21 

2019-20 

2018-19 

PLAINTES DU BEC PAR CATÉGORIE 
ET ÉTAT DE RÉSOLUTIONS 

Actif

402

341

347

Résolu

4 107

5 212

4 904

TOTAL 

4 509 

5 553 

5 251 

PLAINTES ET ENTREVUES DU BEC PAR 
ÉTABLISSEMENT 

Cases

4 509

5 553

5 176

Entrevues

481

1 132

1 345

Jours en établissements

s.o.

354

476

PLAINTES ET ENTREVUES PAR ÉTABLISSEMENT 
POUR FEMMES PURGEANT UNE PEINE DE 
RESSORT FÉDÉRAL 

Cas

403

562

592

Entrevues

101

109

161

Jours en établissements

s.o.

54

49

TRAITEMENT DES PLAINTES 

Résolution interne

2 368

2 900

1 769

Demande de renseignements

1 821

1 996

1 604

Enquête

416

669

586

Résolution non précisée

0

37

945

En attente

372

0

347

TOTAL 

4 977 

5 602 

5 251 

CAS, PLAIGNANTS ET 
POPULATION SOUS 
RESPONSABILITÉ DE SCC 

Cas

4 509

5 553

5 251

Plaignants individuels Footnote 101 

2 098

2 460

2 478

Population totale de SCC Footnote 102 

21 512

23 102

23 464

EXAMENS PRÉVUS PAR LA LOI 
PAR TYPE D'INCIDENT 

Agression

36

46

38

Meurtre

5

3

1

Suicide

9

5

2

Tentative de suicide

10

11

8

Automutilation

2

0

2

Blessures (accident)

14

18

7

Surdose interrompue

21

9

8

Décès (cause naturelle)

38

8

44

Décès (cause non naturelle)

1

8

4

Évasion

0

1

2

TOTAL 

136 

109 

116 

RECOURS À LA FORCE 

Incidents déclarés examinés par le BEC

1 471

1 109

1 616

Incidents déclarés examinés par le BEC 
(Établissements pour femmes purgeant 
une peine de ressort fédéral)

93

72

159

Services internes

Les services internes sont les groupes d’activités et de ressources connexes que le gouvernement fédéral considère comme des services à l’appui des programmes et (ou) nécessaires pour répondre aux obligations d’une organisation. Les services internes désignent les activités et les ressources des dix secteurs distincts qui soutiennent la prestation des programmes dans l’organisation. Quel que soit le modèle de prestation des services internes d’un ministère, ces domaines comprennent : Gestion des acquisitions, Communications, Gestion financière, Gestion des ressources humaines, Gestion de l’information, Technologies de l’information, Juridique, Gestion du matériel, Gestion et surveillance, et Gestion des biens immobiliers.

Résultats

L’année financière 2020-2021 a été difficile pour les équipes des services internes de toutes les organisations. Les services internes du BEC ont réussi à fournir du matériel des technologies de l’information et de gestion de l’information ainsi que les applications disponibles pour assurer la mise en œuvre des pratiques de travail à domicile et soutenir la prestation continue du programme. En s’appuyant sur cet élan, le BEC a également lancé son projet de bureau numérique avec la mise en œuvre de la signature numérique et le déploiement d’un nouveau système de gestion de l’information.

C. Analyse des tendances en matière de dépenses et de ressources humaines

Tableau 1 : Résumé du rendement budgétaire pour les responsabilités de base et les services internes (en dollars)

RESPONSABILITIÉS 
PRINCIPALES 

ESTIMATIONS PRINCIPALES 

DÉPENSES PLANIFIÉES 

TOTAL DES AUTORITÉS 
DISPONIBLES 

DÉPENSES RÉELES 
(AUTORITÉS UTILISÉES) 

DIFFÉRENCE 
(DÉPENSES 
RÉELLES 
MOINS DÉPENSES PRÉVUES) 

DÉPENSES PLANIFIÉES 

DÉPENSES RÉELES 
(AUTORITÉS UTILISÉES) 

 

2020-21 

2021-22 

2022-23 

2019-20 

2018-19 

2017-18 

Surveillance indépendante des 
services correctionnels fédérauxs

4 273 557

4 316 189

4 760 125

4,736,304

420 115

4 272 778

4 272 778

4 533 278

4 330 805

3 631 480

Services internes

1 030 053

1 050 018

1 176 390

1 091 172

41 154

1 050 018

1 050 018

907 680

870 482

1 218 967

TOTAL 

5 303 610 

5 366 207 

5 936 515 

5 827 476 

461 269 

5 366 207 

5 322 796 

5 440 958 

5 201 287 

4 850 447 

Comme le montre le tableau ci-dessus, la structure des dépenses de l’organisation a été cohérente pour ses responsabilités fondamentales et ses services internes, ne fluctuant que légèrement d’une année à l’autre. L’augmentation affichée des dépenses réelles de 2019-2020 à 2020-2021 est principalement attribuable aux ajustements de la rémunération en raison des nouvelles conventions collectives. Le BEC n’est pas syndiqué, mais s’harmonise avec les gains et les avantages négociés dans les conventions collectives. L’augmentation de 2018-2019 est attribuable au financement supplémentaire pour l’intégrité des programmes obtenu dans le budget 2018, qui a renforcé la capacité d’entreprendre des enquêtes dans les établissements correctionnels fédéraux. Footnote 103 

Tableau 2 : Résumé des ressources humaines pour les responsabilités de base et les services internes (équivalents temps plein)

PLANIFICATION 
ET RÉSULTATS 
DU MINISTÈRE 

RESPONSABILITIÉS 
PRINCIPALES 

ÉQUIVALENTS TEMPS PLEIN RÉELS 





 

ÉQUIVALENTS TEMPS PLEIN PRÉVUS 





 

 

2017-18 

2018-19 

2019-20 

2020-21 

2021-22 

2022-23 

Surveillance indépendante des 
services correctionnels fédéraux

32

32

36

33

35

35

Services internes

4

4

5

5

6

6

TOTAL 

36 

36 

41 

38 

41 

41 

Tel qu’identifié dans le tableau ci-dessus, le nombre d’ETP de l’organisation est resté stable, avec une moyenne de 39 ETP. L’augmentation du nombre d’ETP à partir de 2018-2019 est attribuable au financement supplémentaire pour l’intégrité des programmes obtenu dans le budget 2018.

Tableau 3 : Analyse des tendances des dépenses (en dollars)

PLANIFICATION ET RÉSULTATS 
DU MINISTRE 

CRÉDIT 

DÉPENSES RÉELLES 




 

DÉPENSES PRÉVUES 




 

 

2017-18 

2018-19 

2019-20 

2020-21 

2021-22 

2022-23 

Législatif

495 747

481 070

545 982

657 160

567 907

567 907

Voté

4 197 024

4 369 377

4 894 976

5 170 316

4 735 703

4 735 703

TOTAL 

4 692 771 

4 850 447 

5 440 958 

5 827 476 

5 303 610 

5 303 610 

Au cours des dernières années financières, les dépenses réelles du Bureau de l’enquêteur correctionnel ont augmenté progressivement au cours des quatre dernières années. Le financement supplémentaire pour l’intégrité des programmes obtenu dans le budget 2018 a permis de porter les dépenses en 2019-2020 à 5,2 millions de dollars.

Tableau 4 : État des résultats condensé (en dollars)

PLANIFICATION 
ET RÉSULTATS 
SU MINISTÈRE 
INFORMATION 
FINANCIÈRE 

RÉSULTATS RÉELS 




 

RÉSULTATS PRÉVUS 




 

 

2017-18 

2018-19 

2019-20 

2020-21 

2021-22 

Total des dépenses

5 356 331

5 742 866

6 065 332

Données non disponibles*

6 040 371

Total des revenus

COÛT NET DES 
OPÉRATIONS 
AVANT 
FINANCEMENT 
ET TRANSFERTS 
GOUVERNEMENTAUX 

5 356 331 

5 742 866 

6 065 332 

Données non disponibles* 

6 040 371 

*Remarque : Les résultats réels pour 2020-2021 seront disponibles à l’automne 2021 après le dépôt des états financiers.

L’état des résultats condensé met en évidence la cohérence du Bureau de l’enquêteur correctionnel dans l’établissement des résultats prévus et dans l’établissement d’un lien entre ceux-ci et les ressources financières nécessaires pour les atteindre.

États financiers et faits marquants

Après le dépôt des comptes publics, les états financiers (non vérifiés) du Bureau de l’enquêteur correctionnel pour l’année financière terminée le 31 mars 2021 seront disponibles sur le site Web du ministère à l’adresse suivante www.oci-bec.gc.ca. 

D. Accès à l’information Footnote 104 

Le BEC s’engage à répondre en temps opportun aux demandes d’information du public, des médias et de toutes les personnes intéressées par nos activités.

Du 1er avril 2020 au 31 mars 2021, le BEC a reçu 28 nouvelles demandes en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels . Le BEC a traité 40 % de ces demandes dans les délais prescrits par la loi.

Aucune plainte n’a été déposée auprès du Commissaire à la protection de la vie privée au cours de cette période de référence.

Tableau 1 : Demandes d’accès à l’information et de protection de la vie privée

AUTORITÉ LÉGISLATIVE 

2020-21 

2019-20 

2018-19 

Loi sur l’accès à l’information 

15

34

39

Loi sur la protection de la vie privée 

13

16

8

E. Langues officielles

Conformément à l’article 48 de la Loi sur les langues officielles , le BEC doit soumettre des données sur les langues officielles dans le Système d’information sur les langues officielles II (SILO II) afin de faciliter la présentation d’un rapport annuel au Parlement par le président du Conseil du Trésor. Les données ci-dessous fournissent des renseignements sur les langues officielles au 31 mars 2021.

Aucune plainte relative aux langues officielles n’a été déposée auprès du Commissariat aux langues officielles pour la période visée par le rapport.

Tableau 1 : Données relatives à la Loi sur les langues officielles 

POSITION PAR RÉGION 

NOMBRE TOTAL D'EMPLOYÉS 

PREMIÈRE LANGUE OFFICIELLE 

  

ANGLAIS

FRANÇAIS

Région de la capitale nationale 

34

14

20

F. Divulgation proactive

Le BEC s’engage à rendre l’information facilement accessible. Ce faisant, les Canadiens et le Parlement sont mieux à même de demander des comptes au gouvernement et aux responsables du secteur public.

Dépenses de voyage, d’accueil et de conférence Footnote 105 

Conformément à la section 4.1.3 de la Directive du Conseil du Trésor sur les dépenses de voyage, d’accueil, de conférence et d’événement, les ministères sont tenus de divulguer les dépenses annuelles totales pour les voyages, l’accueil et les conférences. Les dépenses totales de voyages, d’accueil et de conférences pour 2020-2021 sont les suivantes :

Table 1: Total 2020-21 THC Expenditures

DÉPENSES 

MONTANT 

Voyage

1 698,31 $

Accueil

1 260,11 $

Conférence sur place

1 764,26 $

Contrats de plus de 10 000 $

Conformément à la Politique sur les marchés, les ministères sont tenus de divulguer des renseignements sur les contrats de plus de 10 000 $, ainsi que sur les conventions d’offre à commandes et les arrangements en matière d’approvisionnement utilisés par les ministères. Au cours de la dernière année financière, le Bureau a attribué six (6) contrats de plus de 10 000 $, ce qui représente un montant total de 176 071,76 $. Footnote 106 

Reclassifications de postes Footnote 107 

Conformément à l’article 85 de la Loi sur l’accès à l’information , les ministères sont tenus de divulguer la reclassification d’un poste occupé dans un établissement gouvernemental. Au cours de la dernière année financière, les postes suivants du BEC ont été reclassés :

Tableau 2 : Reclassifications de postes au BEC

TITRE DU POSTE 

NOMBRE 
DE POSTES 

CLASSIFICATION 
INITALE 
ET NIVEAU 

NOUVELLE 
CLASSIFICATION 
ET NOUVEAU NIVEAU 

Conseiller principal en 
politique et recherche, 
Enquêtes systémiques

1

EC-05

EC-06

Agent d’intervention préventif

7

AS-02

PM-02

G. Attestation

J’atteste que, à ma connaissance, tous les renseignements contenus dans le rapport de données susmentionné sont exacts et complets.

Sonja Mitrovic 
DPF, directrice, Services corporatifs et planification 


 

Ivan Zinger 
Enquêteur correctionnel du Canada 

Footnote 1

En date du 10 mai 2021, le Gouvernement du Canada a déclaré que 4,1 % des tests de dépistage de la COVID-19 effectués au Canada ont révélé un diagnostic positif. 

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Footnote 2

Ces chiffres sont basés sur le nombre total de détenus en fin d’année pour 2020-2021 (N=12 399; femme = 618). Obtenus à partir du tableau de bord du Système intégré de rapport (SIR-M) de SCC.

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Footnote 3

Au cours de l’examen des erreurs et des omissions, le SCC a indiqué qu’il élabore actuellement une nouvelle directive du commissaire sur la coercition et la violence sexuelles qui doit être promulguée à l’été 2022. La DC se concentrera sur la prévention, le signalement et le suivi des CVS en fournissant des outils au personnel et aux détenus, notamment en s’attaquant à la réticence des victimes à se manifester.

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Footnote 4

Bureau de l’enquêteur correctionnel (2008). Une mort évitable ; (2013) Une affaire risquée : Une enquête sur le traitement et la gestion de l’automutilation chronique chez les femmes purgeant une peine fédérale et (2017) Une réaction fatale : Une enquête sur la mort évitable de Matthew Ryan Hines. 

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Footnote 5

Bureau de l’enquêteur correctionnel (2017). Une réaction fatale : Une enquête sur la mort évitable de Matthew Ryan Hines. 

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Footnote 6

Les analyses des incidents et des personnes comprennent des données allant d’avril 2015 à octobre 2020.

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Footnote 7

Certains types de force, tels que les gaz poivrés, peuvent être utilisés de différentes manières (uniquement dirigé, ou dirigé et pulvérisé). Il n’a pas été possible de déterminer comment les types de force ont été utilisés, simplement que la méthode a été utilisée d’une manière ou d’une autre.

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Footnote 8

Les données pour ces analyses comprennent toutes les personnes impliquées dans des incidents de recours à la force entre avril 2015 et octobre 2020.

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Footnote 9

L’auto-identification de la race est fondée sur les catégories définies et recueillies par le SCC pour chaque personne lors de son admission dans le système correctionnel. La catégorie Personnes de couleur comprend 14 groupes de minorités visibles auto-identifiés (à l’exception des Autochtones et des Noirs) selon les catégories raciales du Système de gestion des délinquants (SGD) de SCC .

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Footnote 10

Un incident de recours à la force est défini comme chaque combinaison distincte de personne-incident; par conséquent, chaque personne unique impliquée dans chaque incident unique de recours à la force est comptée séparément et déclarée par race pour chaque année financière.

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Footnote 11

Un peu plus d’un tiers des personnes avaient des données manquantes pour le niveau de sécurité (identifiées comme « nulles » dans les données).

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Footnote 12

Les personnes autochtones comprennent les catégories raciales suivantes : Premières Nations, Métis et Inuits. Les Noirs comprennent les personnes qui s’identifient comme Noirs, Caribéens ou Africains subsahariens.

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Footnote 13

Les tests khi-carrés et les tests t ont révélé une association ou des différences significatives pour chaque facteur.

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Footnote 14

Les analyses statistiques ont utilisé la régression logistique pour modéliser le lien entre la race et l’implication dans un recours à la force.

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Footnote 15

Service correctionnel du Canada (1990). La création de choix : rapport du Groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale. 

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Footnote 16

Arbour (1996). Commission d’enquête sur certains événements survenus à la prison des femmes de Kingston. Canada : Solliciteur général du Canada. 

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Footnote 17

Dans l’examen des erreurs et des omissions du Rapport annuel, le SCC a précisé que « des changements et des améliorations avaient été observés précédemment, mais qu’il semble y avoir une régression puisque des problèmes similaires ont de nouveau été cernés. »

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Footnote 18

Dans l’examen des erreurs et des omissions du Rapport annuel, le SCC a précisé qu’une approche axée sur la sécurité a refait surface dans les services correctionnels pour femmes parce que, dans l’ensemble, l’approche des services correctionnels pour femmes a fluctué au fil des ans.

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Footnote 19

Wardrop, Sheahan et Stewart (2019). Un examen quantitatif des facteurs liés à une mise en liberté réussie accessibles dans le Système de gestion des délinquants. Ottawa : Service correctionnel du Canada.

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Footnote 20

CSC RADAR (28 avril 2021)

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Footnote 21

Bureau de l’enquêteur correctionnel et Commission canadienne des droits de la personne (2019). Vieillir et mourir en prison : enquête sur les expériences vécues par les personnes âgées sous garde fédérale. 

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Footnote 22

Voir la section 86 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. 

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Footnote 23

Le SCC a obtenu l’autorisation d’utiliser des détecteurs à balayage corporel en 2019 lorsque le Parlement a adopté Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi. Le SCC a informé mon bureau qu’il commencera le projet pilote en demandant aux détenus de se porter volontaires pour des balayages corporels.

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Footnote 24

Voir par exemple : Comité sénatorial permanent des droits de la personne (2019). Rapport provisoire - Étude concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel fédéral : le premier des droits fondamentaux est celui d’être traité comme un être humain (février 2017 - mars 2018) ; également Comité permanent de la condition féminine (2018), Un appel à l’action : la réconciliation avec les femmes autochtones dans les systèmes judiciaire et correctionnel fédéraux ; et Bureau du vérificateur général (2017), La préparation des détenues à la mise en liberté - Service correctionnel du Canada. 

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Footnote 25

L’évaluation des programmes correctionnels effectuée par le SCC n’a pas fourni de résultats d’enquête ventilés pour le personnel chargé de la prestation des programmes dans les établissements pour hommes et pour femmes séparément.

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Footnote 26

King (2017). Outcomes of Trauma-Informed Interventions for Incarcerated Women: A Review . International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology, 61(6), p. 667-688.

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Footnote 27

Ewert c. Canada, [2018] 2 RCS 165. 

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Footnote 28

Gutierrez, Chadwick et Wanamaker (2018). Culturally Relevant Programming versus the Status Quo: A Meta-analytic Review of the Effectiveness of Treatment of Indigenous Offenders. Revue canadienne de criminologie et de justice pénale, 60(3), p. 321-353.

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Footnote 29

Il existe actuellement un pavillon de ressourcement géré par le SCC (Okimaw Ohci) et deux pavillons de ressourcement au titre de l'article 81 pour les femmes purgeant une peine de ressort fédéral (Eagle Women's Lodge et Buffalo Sage Wellness House).

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Footnote 30

Service correctionnel du Canada (1990). La création de choix : Rapport du Groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale. p. 29.

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Footnote 31

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté conditionnelle , article 17 1(b). Pour les personnes purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité, la Commission des libérations conditionnelles du Canada peut être amenée à approuver ou à autoriser des PSAE (à l’exception des PSAE à des fins médicales ou pour assister à un procès). De même, si une PSAE approuvée par un directeur d’établissement a été annulée parce que la personne a enfreint une condition, les PSAE ultérieures (à l’exception des PSAE à des fins médicales ou pour assister à un procès) peuvent être autorisées par la Commission.

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Footnote 32

Helmus et Ternes (juin 2015). Les permissions de sortir réduisent le chômage et la réincarcération chez les délinquantes . Ottawa : Service correctionnel du Canada.

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Footnote 33

Helmus et Ternes (février 2015). Incidence des permissions de sortir et des placements à l’extérieur sur les résultats dans la collectivité. Ottawa : Service correctionnel du Canada.

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Footnote 34

Service correctionnel du Canada (2017-2018). Rapport sur les résultats en matière d’emploi et d’employabilité. 

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Footnote 35

Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada (2020). Rapport annuel 2019-2020 . Voir l’enquête Apprendre derrière les barreaux : Enquête sur les programmes d’éducation et la formation professionnelle dans les pénitenciers fédéraux. 

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Footnote 36

Voir les statistiques de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) figurant dans ses Rapports de surveillance du rendement qui soulignent l’importance d’une période de libération graduelle sous surveillance en termes de résultats correctionnels.

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Footnote 37

Brown et coll. (2018). Prévalence des troubles mentaux chez les délinquantes sous responsabilité fédérale : échantillons de la population carcérale et à l’admission . Ottawa : Service correctionnel du Canada.

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Footnote 38

Scott (2012). Profil des détenues appartenant à un gang . Ottawa : Service correctionnel du Canada.

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Footnote 39

L’énoncé économique de l’automne 2018 du Canada a alloué 300 millions de dollars sur six ans et 71,7 millions de dollars par an, pour les ressources, y compris le personnel, destinées à gérer les UIS.

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Footnote 40

Les UIS fonctionnent dans 11 établissements pour hommes et dans les cinq prisons régionales pour femmes. Des personnes de niveaux de sécurité différents peuvent résider dans la même UIS.

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Footnote 41

Sécurité publique Canada (septembre 2019). Le gouvernement nomme un groupe consultatif d’experts chargé de surveiller le nouveau système correctionnel . Communiqué de presse.

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Footnote 42

Sécurité publique Canada (2020). Transformation du système correctionnel fédéral (projet de loi C-83) . Consulté le 11 mai 2021 sur le site https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/trnsprnc/brfng-mtrls/prlmntry-bndrs/20200621/021/index-fr.aspx 

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Footnote 43

Le mandat du comité consultatif a pris fin avant qu’il ne reçoive des données de SCC. Cependant, deux membres, Anthony Doob et Jane Sprott, ont poursuivi les données de SCC même après l’expiration du mandat du comité. Voir leurs rapports : Doob et Sprott (26 octobre 2020). Understanding the Operation of Correctional Service Canada’s Structured Intervention Units: Some Preliminary Findings; Sprott et Doob (novembre 2020). Is there Clear Evidence that the Problems that have been Identified with the Operation of Correctional Service Canada’s “Structured Intervention Units” were Caused by the COVID-19 Outbreak? Un examen des données du Service correctionnel du Canada ; Sprott et Doob (février 2021). Solitary Confinement, Torture, and Canada’s Structured Intervention Units ; Sprott, Doob et Iftene (mai 2021). Do Independent External Decision Makers Ensure that “An Inmate’s Confinement in a Structured Intervention Unit is to End as Soon as Possible”? 

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Footnote 44

Des réponses ont été reçues de quatorze membres du personnel de sept établissements et de neuf résidents de l’UIS de cinq établissements.

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Footnote 45

Il s’agit notamment des visites quotidiennes de professionnels de la santé agréés, des recommandations adressées au directeur de l’établissement par des professionnels de la santé autorisés concernant les conditions de vie dans les UIS, des visites du directeur de l’établissement et des décisions relatives à la sortie des personnes des UIS.

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Footnote 46

La note de service externe de SCC visant à recueillir les commentaires des intervenants sur la DC-822, indiquait : « Compte tenu de la nécessité urgente de mettre en œuvre des mesures pour prévenir la propagation de la maladie, la politique ci-jointe a été promulguée provisoirement le 16 juillet 2020, sans consultation officielle... Une fois que tous les commentaires auront été reçus et pris en compte, la politique sera révisée. » En date du 17 juin 2021, aucune modification n’a été apportée à la DC-822 et il porte toujours le cachet du 16 juillet 2020 (dernière modification de la page Web le 19 mai 2020).

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Footnote 47

Cloud, Augustine, Ahalt et Williams (2020). The Ethical Use of Medical Isolation – Not Solitary Confinement – to Reduce COVID-19 Transmission in Correctional Settings . Université de Californie à San Francisco : AMEND.

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Footnote 48

Le problème inhérent au fait de jeter un filet aussi large est amplifié par l’alinéa 3(a) de la DC-822, qui donne au directeur de l’établissement le pouvoir de procéder à un isolement médical pour les personnes admises en vertu d’un nouveau mandat de dépôt ou remises en détention après une suspension ou une révocation. Selon la politique, tous les autres cas nécessitent la recommandation d’un professionnel de la santé autorisé avant que le directeur de l’établissement puisse autoriser l’isolement médical. Je sais qu’un certain nombre de personnes ont été placées en isolement médical sans la recommandation préalable des services de santé, même s’il ne s’agissait pas de nouvelles admissions ou de retours après une suspension ou une révocation.

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Footnote 49

Pour un examen plus approfondi de ce sujet, le Réseau d’experts sur la surveillance externe des prisons et les droits de la personne (un réseau, que je préside, sous l’égide de l’Association internationale des affaires correctionnelles et pénitentiaires) a publié un bulletin d’information le 7 octobre 2020, intitulé : Adapting to COVID-19: Medical Isolation and Quarantine in Prison during a Pandemic. 

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Footnote 50

Étant donné les problèmes historiques que posent les données de « signalement » de SCC, le Bureau a obtenu ces chiffres en consultant d’abord l’AC de SCC, puis en menant une enquête indépendante auprès des établissements. L’écart important entre le nombre de personnes isolées médicalement dans les huit établissements est dû au fait que l’un d’entre eux connaissait une éclosion pendant la période de collecte des données.

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Footnote 51

Le SCC a toujours nié l’existence de la désormais célèbre « règle des deux ans » (une règle non écrite selon laquelle une personne condamnée à perpétuité doit purger les deux premières années de sa peine dans un établissement à sécurité maximale). L’examen par le Bureau des registres des interventions indique qu’il était « prévu » que M passe les deux premières années de sa peine dans un établissement à sécurité maximale, apparemment en raison de la nature et de la gravité de son infraction et d’une agression antérieure sur un agent. Dans ce cas, l’effet opérationnel de la règle des deux ans signifiait que M ne pouvait être transféré que vers ou depuis un établissement à sécurité maximale, un point qui n’a pas été soulevé dans le rapport du CEN. Malgré les comportements suicidaires et d’automutilation connus de M, il existe peu de documents indiquant que le SCC a envisagé un placement alternatif ou exceptionnel dans un centre de traitement (hôpital psychiatrique ou pénitencier à sécurité moyenne), qui aurait pu permettre de maintenir un semblant de soutien culturel et familial. Les conséquences concrètes de la gestion des personnes condamnées à perpétuité selon la « règle des deux ans » peuvent être mortelles. Le Bureau demande depuis longtemps à SCC de reconnaître et d’abolir cette pratique.

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Footnote 52

D’autres détails sur l’enfance, l’éducation, l’appartenance autochtone et l’infraction elle-même de M ne sont pas divulgués pour protéger son identité.

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Footnote 53

Voir Bureau de l’enquêteur correctionnel (2014). Examen triennal des suicides de détenus fédéraux (2011-2014)) .

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Footnote 54

Assemblée générale des Nations unies (14 août 2006). Report of the Special Rapporteur on Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment . Document de l’ONU A/61/259.

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Footnote 55

Documents officiels de l’Assemblée générale (9 janvier 2003). Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants . Document des Nations Unies A/RES/57/199.

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Footnote 56

Agence des services frontaliers du Canada. Statistiques annuelles sur les détentions – exercice 2019 à 2020 . Consulté le 21 juin 2021 sur le site https://www.cbsa-asfc.gc.ca/security-securite/detent/stat-2019-2020-eng.html. 

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Footnote 57

Malakieh (21 décembre 2020). Statistiques sur les services correctionnels pour les adultes et les jeunes au Canada, 2018-2019 . Ottawa : Statistique Canada.

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Footnote 58

Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (2018). Preventing Torture – The Role of National Preventative Mechanisms: A Practical Guide . Document de l’ONU HR/P/PT/21.

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Footnote 59

Hsu, et al. (2020), Impact of COVID-19 on residents of Canada’s long-term care homes – ongoing challenges and policy responses . London: International Long Term Care Policy Network.

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Footnote 60

Institut canadien d’information sur la santé (2021). Répercussion de la COVID-19 sur les soins de longue durée au Canada : Regard sur les 6 premiers mois

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Footnote 61

Voir, par exemple, le projet de l’OPCAT du Canada (9 mai 2020). The Canadian Seniors Care Home Scandal – A catalyst for Change? 

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Footnote 62

Grenfell (2019). Aged care, detention and OPCAT. Australian Journal of Human Rights, 25:2, p. 248-262.

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Footnote 63

Pedersen, Mancini et Common (25 septembre 2020). Comprehensive Nursing Home Inspections Caught up to 5 Times More Violations . Why did Ontario Cut Them? CBC News.

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Footnote 64

Pringle (2018). Instituting a National Preventive Mechanism in Canada - Lessons Based on Global OPCAT Implementation. PhD Dissertation, Aberystwyth University.

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Footnote 65

Les Territoires du Nord-Ouest ont depuis créé leur premier bureau du protecteur du citoyen. 

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Footnote 66

Nations Unies, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (13 septembre 2016). Consideration of Reports Submitted by States Parties under Article 19 of the Convention Pursuant to the Optional Reporting Procedure . Document de l’ONU CAT/C/CAN/7. 

 

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Footnote 67

Holmes (2013). The Politics of Torture, Human rights, and Oversight: The Canadian Experience with the UN’s Optional Protocol to the Convention Against Torture (OPCAT). Thèse de maîtrise, Université d’Ottawa. 

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Footnote 68

Collection des Traités des Nations Unies (état au 13 mai 2021). État des traités : Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. 

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Footnote 69

Human Rights Watch (24 juillet 2009). United States Ratification of International Human Rights Treaties. 

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Footnote 70

Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (23 avril 2018). End of Mission Statement by Dubravka Šimonović, United Nations Special Rapporteur on Violence against Women, its Causes and Consequences - Official visit to Canada. 

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Footnote 71

Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (12 avril 2019). End of Mission Statement by the United Nations Special Rapporteur on the Rights of Persons with Disabilities, Ms. Catalina Devandas-Aguilar, on Her Visit to Canada. 

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Footnote 72

Assemblée générale des Nations unies, Conseil des droits de l’homme (11 mai 2018). Examen périodique universel - Canada. Document de l’ONU A/HRC/WG.6/30/CAN/1. 

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Footnote 73

Buckland et Olivier-Muralt (2019). OPCAT in federal states: Towards a better understanding of NPM models and challenges. Australian Journal of Human Rights, 25:1, p. 23-43. 

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Footnote 74

Australie, Médiateur du Commonwealth (septembre 2019). Implementation of the Optional Protocol to the Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment (OPCAT): Baseline Assessment of Australia’s OPCAT Readiness. 

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Footnote 75

McInerney (10 juin 2020). How Political Game-Playing is Putting Prisoner Safety at Risk Croakey. Voir également Commission des droits humains d’Australie (2020). Implementing OPCAT in Australia. 

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Footnote 76

Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Protocole facultatif à la Convention contre la torture (OPCAT) – Sous-comité pour la prévention de la torture . Consulté le 13 mai 2021 sur le site https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/OPCAT/Pages/OPCATIndex.aspx 

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Footnote 77

Le BEC peut commencer une enquête à la réception d’une plainte présentée par ou au nom d’une personne purgeant une peine de ressort fédéral, ou de sa propre initiative. Les plaintes sont reçues par téléphone, par lettre et durant des entrevues avec le personnel d’enquête du BEC dans les établissements correctionnels fédéraux.

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Footnote 78

Ces totaux dressent un profil instantané des données internes du BEC pour la semaine du 17 mai 2021. Les rapports ultérieurs peuvent être différents en fonction de la mise à jour des cas.

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Footnote 79

Compte tenu des restrictions imposées à notre Bureau en raison de la pandémie de COVID-19, nos enquêteurs n’ont pu visiter que 10 établissements de l’Ontario et du Québec (une journée dans chaque établissement) au cours de l’été 2020. D’autres inspections étaient prévues, mais la fermeture des prisons de la région de Québec le 26 septembre 2020 a interrompu les plans du Bureau. À partir de janvier 2021, le Bureau est passé à un modèle de visite virtuelle, qui a guidé la manière dont les enquêteurs ont mené leurs activités pendant la pandémie. Au cours de la période considérée, 43 visites virtuelles ont été effectuées (un dans chaque établissement et pavillon de ressourcement). Ces visites virtuelles et en personne ont donné lieu à 481 entrevues. Des entrevues supplémentaires ont également été réalisées pour les deux enquêtes présentées dans le corps de ce rapport annuel : « Un examen des services correctionnels pour femmes 30 ans après La création de choix » et « Observations préliminaires sur les unités d’intervention structurée ». Ces enquêtes ont consisté en une combinaison de visites virtuelles, d’entretiens téléphoniques et de réponses reçues par courriel avec le personnel et les prisonniers. Compte tenu des complexités susmentionnées, le lecteur ne doit pas comparer les données de ce tableau à celles des rapports annuels précédents.

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Footnote 80

Comprend le Centre de rétablissement Shepody.

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Footnote 81

Comprend le Centre régional de santé mentale.

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Footnote 82

Comprend l’Unité spéciale de détention.

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Footnote 83

Comprend l’unité d’évaluation et l’unité de TD de Joyceville.

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Footnote 84

Comprend le Centre régional de traitement, l’Unité d’évaluation et l’Unité de TD.

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Footnote 85

Comprend le Centre régional de traitement.

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Footnote 86

CCC – CRC : Centres correctionnels communautaires et les centres résidentiels communautaires.

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Footnote 87

Résolution interne : Lorsque l’enquêteur examine seulement les renseignements et les notes d’un dossier ou parle avec une personne purgeant une peine de ressort fédéral avant de fermer l’incident.

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Footnote 88

Demande de renseignements : Semblable à la résolution interne, mais l’enquêteur effectue aussi une mesure en réponse à la plainte pour obtenir des renseignements supplémentaires avant de fermer le dossier.

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Footnote 89

Enquête : Semblable à la demande de renseignements, sauf qu’il doit y avoir au moins deux autres mesures. Les enquêtes diffèrent par le fait qu’elles sont plus complexes que les demandes de renseignements et qu’elles nécessitent une analyse plus approfondie. Tout incident qui donne lieu à une recommandation est également classé comme une enquête. Une enquête peut également porter sur un incident systémique qui nécessite la surveillance d’une situation.

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Footnote 90

Un dossier peut être rouvert et résolu plus d’une fois, et les raisons pour fermer le dossier peuvent être différentes chaque fois. C’est la raison pour laquelle le total de ce tableau est plus élevé que le nombre réel de plaintes indiqué au tableau A.

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Footnote 91

Le nombre de personnes ayant communiqué avec notre bureau pour formuler une plainte (c’est-à-dire les plaignants). Cinquante-neuf cas ont été ignorés parce que le plaignant souhaitait rester anonyme.

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Footnote 92

Compte de fin d’année de la population carcérale ventilée par région pour l’année financière 2020-2021, selon le Système intégré de rapports du Service correctionnel du Canada (CRS-M).

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Footnote 93

Ne comprend pas les CCC-CRC ou les libérés conditionnels dans la collectivité. Il y a eu 158 contacts différents de la collectivité.

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Footnote 94

Les décès survenus en raison de « causes naturelles » font l’objet d’une enquête menée en vertu d’un processus d’examen des cas de décès distinct qui comprend un examen du dossier à l’administration centrale.

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Footnote 95

Un incident de recours à la force peut comprendre plus d’une mesure.

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Footnote 96

Les agents inflammatoires, communément appelés aérosol capsique ou « gaz poivré », contiennent un ingrédient actif naturel, la capsicine, provenant de la plante du poivre. Les agents chimiques contiennent un ingrédient chimique actif qui crée une irritation extrême des yeux et des tissus, ce qui provoque la fermeture involontaire des yeux. Les appareils présentés ici sont conçus pour répandre des agents inflammatoires, des agents chimiques ou les deux.

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Footnote 97

Les totaux sont supérieurs au nombre d’incidents évalués par le BEC, car chaque incident peut exiger plus qu’une mesure.

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Footnote 98

Pour en savoir plus sur la réponse du gouvernement du Canada à la COVID et sur les dépenses du BEC pour la mise en œuvre de la réponse du gouvernement, consultez le site suivant InfoBase du GC : Infographie pour l’Enquêteur correctionnel du Canada. 

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Footnote 99

Pour obtenir plus de renseignements sur les engagements de la lettre de mandat de l’organisation, voir la Lettre de mandat au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (13 décembre 2019). 

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Footnote 100

L’information sur les finances, les ressources humaines et le rendement du Bureau du répertoire des programmes de l’Enquêteur correctionnel est disponible dans l’ InfoBase du GC. 

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Footnote 101

Ces chiffres représentent les plaignants uniques qui ont contacté notre bureau à la fois dans les prisons fédérales et dans les établissements correctionnels dans la collectivité.

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Footnote 102

Ces totaux incluent à la fois la population en détention et celle sous surveillance au sein de la collectivité.

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Footnote 103

L’information sur les crédits organisationnels du Bureau de l’enquêteur correctionnel est disponible dans le document intitulé Plan de dépenses du gouvernement et budget principal des dépenses. 

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Footnote 104

Les résumés des demandes d’accès à l’information traitées par le Bureau de l’enquêteur correctionnel sont disponibles sur le Portail du gouvernement ouvert . Le rapport annuel au Parlement sur la Loi sur l’accès à l’information est disponible sur le site du BEC https://www.oci-bec.gc.ca/cnt/disc-div/atip-aiprp/ar-ra/index-fra.aspx. 

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Footnote 105

Le rapport annuel complet est disponible sur le Portail du gouvernement ouvert. 

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Footnote 106

La liste complète est disponible sur le Portail du gouvernement ouvert. 

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Footnote 107

La liste complète est disponible sur le Portail du gouvernement ouvert. 

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Date de modification 
2022-07-25 



 

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Office of the Correctional Investigator - Report

Bureau de l'enquêteur correctionnel - rapport annuel 2019-2020

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Le 26 juin 2020

L'honorable Bill Blair  
Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile  
Chambre des communes  
Ottawa, Ontario

Monsieur le Ministre,

J'ai le privilège et le devoir conformément aux dispositions de l'article 192 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de vous présenter le quarante septième rapport annuel de l'Énquêteur correctionnel.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments distingués.

 

Ivan Zinger, J.D., Ph.D.  
Enquêteur correctionnel


Table des matières

Message de l’enquêteur correctionnel 

Message de la directrice exécutive 

Enjeux d’envergure nationale – Cas majeurs et mises à jour 

1. Aide médicale à mourir – Examens de cas 

2. Remplacement des véhicules d’escorte de détenus du SCC 

3. Réformes relatives au projet de loi C-83 et entrée en vigueur 

4. Examens des incidents de recours à la force – Cas extrêmes 

5. Cellules nues 

6. Accès des détenus aux médias 

7. Mise à jour sur l’Établissement d’Edmonton – Mesures disciplinaires à l’égard des employés 

8. Services correctionnels pour Autochtones – Mise à jour 

Enquêtes nationales 

1. Une culture du silence : Enquête nationale sur la coercition et la violence sexuelle au sein du système correction fédéral 

2. Enquête nationale systèmique sur les rangées thérapeutiques 

3. Apprendre derrières les barreaux : Enquête sur les programmes d’éducation et la formation professionnelle dans les pénitenciers fédéraux 

Vision de l’enquêteur correctionnel pour 2020-2021 

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel 

Annexe A : Sommaire des recommandations 

Annexe B : Statistiques annuelles 

Annexe C : Autres statistiques 

Réponses au 47e Rapport annuel de l’enquêteur correctionnel 

Ministre de la Sécurité publique 

Service correctionnel du Canada 


Message de l’enquêteur correctionnel

Photo de M. Ivan Zinger, l'enquêteur correctionnel du Canada

M. Ivan Zinger,  
Enquêteur correctionnel 

Cette année, mon rapport annuel est un peu différent de ceux des années antérieures, autant du point de vue de son apparence que de sa conception. Premièrement, je fais rapport sur trois enquêtes d’envergure nationale menées en 2019-2020 :

  1. Une culture du silence : Enquête nationale sur la coercition et la violence sexuelles dans les services correctionnels fédéraux;  

     
  2. Enquête sur les rangées thérapeutiques dans les établissements à sécurité maximale pour hommes;  

     
  3. Apprendre derrière les barreaux : Enquête sur les programmes d’éducation et la formation professionnelle dans les pénitenciers fédéraux.  

     

La publication de ces enquêtes dans un rapport annuel reflète la volonté de mon bureau de travailler davantage dans une optique systémique. Je suis fier de présenter ces enquêtes dans le rapport de cette année, et j’y reviendrai afin de mettre en évidence les rapports sur l’apprentissage et la violence sexuelle.

Deuxièmement, les chapitres au moyen desquels je structurais et présentais habituellement mon rapport ont été remplacés par une section intitulée Enjeux d’envergure nationale – Cas majeurs et mises à jour . Comme les chapitres thématiques qu’elle remplace, cette section sert de relevé documentaire des enjeux stratégiques ou des dossiers importants traités à l’échelle nationale en 2019-2020. Dans cette section, le lecteur trouvera, entre autres, une mise à jour sur les services correctionnels pour Autochtones ainsi que des résumés de cas, des conclusions et des recommandations découlant d’enquêtes sur l’aide médicale à mourir, l’utilisation de cellules nues et les incidents majeurs de recours à la force, en plus d’une évaluation des réformes législatives (projet de loi C-83) présentées pendant la période visée par le rapport.

En ce qui a trait aux enquêtes d’envergure nationale présentées dans le rapport de cette année, mon bureau dépose depuis longtemps des rapports sur l’apprentissage et la formation professionnelle en détention, et il a formulé une dizaine de recommandations nationales au cours des dix dernières années. Le Service correctionnel du Canada (SCC) est resté fermement réfractaire à l’idée d’accroître ou de mettre à jour l’accès des détenus à la technologie et à l’information. Nombre d’ateliers en prison exigent des délinquants qu’ils travaillent sur des machines qui ne sont plus utilisées dans la collectivité. Peu d’ateliers industriels dans les prisons offrent une formation ou permettent d’acquérir des aptitudes dont on peut se servir dans le cadre d’un emploi ou qui répondent aux exigences actuelles du marché du travail. Les raisons de faire un bon travail sont rares. De nombreux délinquants nous ont dit qu’ils font un travail qui ne nécessite aucune réflexion uniquement pour éviter d’être enfermés toute la journée. Le Service a continué de maintenir des infrastructures et des ateliers industriels désuets et d’investir dans ceux ci, et les prisons sont devenues des milieux où les détenus sont tellement privés d’information que ces problèmes semblent maintenant insurmontables.

Depuis 2002, un moratoire interdit aux délinquants d’apporter un ordinateur personnel dans un établissement fédéral. En 2011-2012, le SCC a rejeté d’emblée la recommandation du Bureau de lever cette interdiction, et cette décision est toujours en vigueur. De façon générale, les réponses du Service aux autres recommandations visant à améliorer l’acquisition d’aptitudes et l’apprentissage, notamment en donnant accès à davantage de métiers désignés Sceau rouge et de programmes d’apprentissage, ont porté principalement sur des projets pilotes limités. On n’a pas répondu à ces recommandations de façon significative ou soutenue. Peu de mesures ont été prises au sujet des recommandations formulées pour favoriser l’alphabétisation numérique dans les établissements, par exemple au moyen d’un accès surveillé au courriel, de tablettes ou d’une utilisation supervisée d’Internet. Les services correctionnels fédéraux du Canada prennent de plus en plus de retard sur le reste des pays industrialisés, et ils n’offrent pas aux délinquants l’occasion d’acquérir des aptitudes, de s’éduquer et d’apprendre, ce dont ils ont besoin pour retourner dans la collectivité et mener une vie productive tout en respectant les lois.

En raison de l’inertie généralisée dans ce domaine, j’ai choisi de ne formuler aucune autre recommandation liée à cette enquête à l’intention du SCC. Je souhaite plutôt formuler une recommandation sommative à l’intention du ministre :

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique établisse un groupe de travail constitué d’experts indépendants pour orienter la mise en œuvre des recommandations, actuelles et antérieures, du Bureau sur l’éducation et la formation professionnelle au sein des services correctionnels fédéraux. Les travaux de ce groupe de travail devraient inclure des échéanciers et des produits livrables clairs.  

     

La violence sexuelle en prison est un enjeu que l’on a ignoré pendant trop longtemps. Actuellement, il n’y a aucune statistique publique, aucune recherche ni aucune documentation universitaire publiée à ce sujet au Canada. La gravité et la dynamique de ce problème au sein des services correctionnels fédéraux sont donc mal comprises. Le SCC ne publie aucun rapport à ce sujet, et il ne recueille, consigne ou suit aucune statistique. Il n’a jamais mené de recherche dans ce domaine. C’est en grande partie en raison de ce silence et de l’indifférence organisationnelle qu’il existe d’importantes lacunes dans l’approche du Service pour détecter, suivre et prévenir la coercition et la violence sexuelles, y répondre et faire enquête. À tout le moins, nous avons confirmé au cours de cette enquête que la violence sexuelle est un problème systémique qui existe dans les établissements correctionnels fédéraux du Canada. De plus, la violence et la victimisation touchent de façon disproportionnée ceux qui sont déjà les plus vulnérables à la maltraitance et aux résultats correctionnels négatifs.

La violence sexuelle ne doit pas être vue comme une conséquence inévitable de l’incarcération, ou ignorée en raison de cette perception, même s’il s’agit d’un enjeu qui « passe inaperçu », comme nous l’a affirmé un membre du personnel. Une culture organisationnelle qui ferme les yeux en est une qui, passivement, permet à de tels éléments destructeurs et prédateurs de sévir. Dans mon rapport, j’ai formulé quelques recommandations qui visent à faire la lumière sur cet enjeu, et j’ai imploré les responsables des services correctionnels fédéraux à s’inspirer de pays qui ont mis en œuvre une approche audacieuse de tolérance zéro pour éradiquer la violence sexuelle de leur système correctionnel. Il est temps que le SCC ait une conversation ouverte et honnête à ce sujet et sur ce qui peut être fait. Il faut faire preuve de leadership, et non être silencieux, pour faire face à ces problèmes. Comme les autres dynamiques complexes en milieu correctionnel, on peut prévenir celle-ci à l’aide d’interventions intentionnelles fondées sur des éléments probants. Cependant, ces efforts nécessiteront des changements de culture et d’attitude, aussi bien chez les membres du personnel que chez les détenus.

Selon moi, des lois sont nécessaires pour veiller à ce que cet enjeu soit traité en bonne et due forme, et à ce qu’on y accorde l’importance et l’attention qu’il mérite. Je formule donc la recommandation suivante :

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique présente, au cours de la prochaine année, un ensemble de mesures législatives prévoyant une approche de tolérance zéro en matière de violence sexuelle au sein des services correctionnels fédéraux et établissant un mécanisme de signalement public afin de prévenir ces incidents, d’en assurer le suivi et de prendre les mesures qui s’imposent, en s’inspirant de la Prison Rape Elimination Act adoptée aux États-Unis.  

     

En attendant, le SCC devrait établir une politique et un cadre d’examen appropriés, robustes et propres à cet enjeu, afin qu’on puisse prévoir les réformes législatives à venir dans ce domaine ainsi que s’y préparer.

En conclusion, il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID 19 a provoqué des changements dans la vie de tous, et non seulement en ce qui a trait aux plans de travail et aux priorités organisationnelles. Nous avons terminé l’exercice qui fait l’objet du présent rapport (le 31 mars 2020) en pleine pandémie. Les visites effectuées par des employés de mon bureau dans les établissements ont été suspendues à la mi-mars, mais les services essentiels ont été maintenus. Il est toutefois évident que le retour à la normale prendra un certain temps, et personne ne peut prédire quand les employés de mon bureau ou du SCC pourront reprendre leurs activités comme avant la pandémie. Je tiens à féliciter mon personnel pour sa gestion de cette crise et des perturbations touchant les activités courantes en milieu de travail. Nous aurons sans doute l’occasion d’examiner les leçons retenues à la suite de cette expérience, mais nous en reparlerons lors d’un jour qui sera, je l’espère, plus heureux.

 

Ivan Zinger, JD., Ph.D.  
Enquêteur correctionnel  
Juin 2020 

 

Message de la directrice exécutive

Je ne saurais trop remercier tous les membres du personnel du Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC) pour leur dévouement et leur travail acharné dans l’exécution de notre mandat. Ils ont fait preuve d’excellence et de professionnalisme pendant tout l’exercice, qui s’est terminé dans des circonstances exceptionnelles. En effet, la fin de l’exercice s’est déroulée de façon très inhabituelle.

La pandémie de COVID-19 a eu des répercussions sur tous les aspects des activités du BEC, ce qui a mené à l’activation du Plan de continuité des activités à la mi-mars. Puisque le BEC offre un service essentiel en assurant une surveillance externe des prisons qui est essentielle, environ 90 % de nos employés ont dû faire du télétravail, et nous avons suspendu toutes les visites que nous avions planifiées dans les pénitenciers. Les membres de notre équipe ont toutefois continué de remplir leurs fonctions essentielles – c’est-à-dire répondre aux appels des détenus, enquêter sur les plaintes déposées par des particuliers, examiner les incidents de recours à la force – tout en faisant le point sur une nouvelle réalité en surveillant régulièrement les conditions de confinement des détenus dans tous les pénitenciers fédéraux. Fait important, le Bureau a été en mesure d’accroître le nombre de plaintes qu’il a traitées comparativement à l’an dernier.

Au moment d’écrire le présent message, cinq des quarante trois pénitenciers avaient fait face à une éclosion de cas de COVID-19 parmi les détenus, et on y comptait un seul cas actif connu. Afin de bien comprendre la situation, notre équipe était présente dans tous les établissements alors que le SCC adoptait un éventail de mesures pour y prévenir l’introduction et la propagation de la COVID-19. En avril, le Bureau a publié une mise à jour sur la COVID-19, dans laquelle il soulignait les répercussions de la pandémie sur les pénitenciers fédéraux et les difficultés auxquelles ces derniers faisaient face en raison de celle-ci, tout en démontrant la nécessité pour le SCC de veiller au respect des droits de la personne et des normes en matière de santé publique. En juin, le Bureau a publié une deuxième mise à jour sur la COVID-19, dans laquelle il mettait l’accent sur le retour rapide à la « nouvelle normalité ».

Au-delà de la situation causée par la COVID-19, au cours du dernier exercice, l’équipe d’enquêteurs a répondu à 5 553 plaintes formulées par des délinquants et a mené 1 132 entrevues avec des délinquants. De plus, le personnel a passé un total de 354 jours dans les pénitenciers fédéraux partout au pays. Les équipes d’examen des incidents de recours à la force et des incidents graves du Bureau ont mené 1 109 examens de la conformité à la suite d’incidents de recours à la force et 109 examens prévus par la loi portant sur des voies de fait, des décès, des tentatives de suicide et des incidents d’automutilation. En ce qui a trait à la recherche et aux politiques, le Bureau a mis la dernière main à trois enquêtes systémiques clés d’envergure nationale et les a incluses dans le rapport annuel de cette année, malgré l’incidence de la pandémie sur la charge de travail et les priorités.

Le Bureau a adopté de nouvelles pratiques opérationnelles pour optimiser l’établissement de liens entre les enquêtes particulières et les examens et enquêtes systémiques. Parmi ces mesures, citons le regroupement des bureaux du groupe chargé des politiques et de la recherche et de l’équipe d’enquête, la tenue de réunions de coordination périodiques entre ces deux équipes et l’introduction des dossiers de l’EC (c.-à-d. des dossiers de l’enquêteur correctionnel), au moyen desquels les responsables des enquêtes relèvent des dossiers individuels qui ont des dimensions potentiellement systémiques et les portent à l’attention de l’EC.

Je souscris à la vision de l’enquêteur correctionnel, qui souhaite que le Bureau devienne un bureau de l’ombudsman des services correctionnels qui joue un rôle de chef de file à l’échelle mondiale, particulièrement dans l’économie numérique d’aujourd’hui. J’imagine une organisation novatrice, qui s’adapte et qui fait preuve de souplesse, en plus d’être confiante face aux changements technologiques rapides. Cette année, le BEC a réalisé d’importants progrès dans la mise en œuvre de nouvelles technologies qui aident l’enquêteur correctionnel à remplir ses fonctions. Parmi ces nouvelles technologies, citons l’hébergement du site Web public à l’aide des services d’infonuagique, un système partagé de gestion des cas qui tire profit d’un logiciel moderne, et une plateforme de collaboration servant à communiquer l’information interne. Alors que le rythme de la perturbation numérique s’accélère, le BEC a élaboré un plan quinquennal de GI-TI qui permet à l’organisation de passer d’un système presque entièrement fondé sur le papier à un autre qui est entièrement numérique.

Au cours de l’année à venir, le Bureau se fondera sur l’excellent travail déjà en cours et modernisera ses processus opérationnels pour tenter d’améliorer les enquêtes portant sur les plaintes déposées par des délinquants et sur les enjeux systémiques afin d’exécuter pleinement son mandat législatif.

 

Marie-France Kingsley  
Directrice exécutive  
 

 

Enjeux d’envergure nationale – Cas majeurs et mises à jour 

Photo de l'Établissement de Kent.

Établissement de Kent. 

Introduction

La présente section résume les enjeux stratégiques et les cas individuels importants qui ont été examinés à l’échelle nationale en 2019-2020. La plupart des enjeux et des cas présentés ici ont fait l’objet d’une correspondance ou d’un point à l’ordre du jour lors de réunions bilatérales auxquelles la commissaire et moi avons participé, en compagnie de notre équipe respective de la haute direction. Ces réunions ont été utiles pour présenter des enjeux, échanger des points de vue et chercher des façons plus précoces et moins formelles de les traiter. La présente section sert donc à documenter les progrès réalisés dans le traitement des enjeux qui revêtent une importance nationale ou qui font naître des préoccupations partout au pays.

1. Aide médicale à mourir – Examens de cas

Dans mon rapport annuel de 2018-2019, j’ai annoncé qu’une première procédure d’aide médicale à mourir avait été menée à l’intérieur d’un établissement correctionnel fédéral, et que mon bureau examinerait ce cas. Note 1 Il y a trois cas connus où l’aide médicale à mourir a été offerte au sein des services correctionnels fédéraux, dont deux dans la collectivité. Chacun de ces cas soulève des questions fondamentales au sujet du consentement, du choix et de la dignité. Dans les deux cas examinés pendant la période visée par le présent rapport, mon bureau a constaté une série d’erreurs, d’omissions, d’inexactitudes, de retards et de mauvaises applications de la loi et des politiques.

Mon enquête sur l’aide médicale à mourir offerte dans un pénitencier portait sur la question de savoir s’il existait des solutions de rechange plus humaines pour gérer la progression de la maladie en phase terminale de cette personne en particulier. Je tiens à préciser que je n’ai aucun doute que la procédure elle-même, dans ce cas, a été menée de façon professionnelle et dans le respect des critères énumérés dans le projet de loi C-14. Mon examen ne portait pas sur cet aspect. Je ne veux pas identifier la personne concernée, mais il est important de savoir qu’il s’agissait d’un récidiviste non violent qui purgeait une peine fédérale de deux ans, soit la durée minimale pour ce type de peine. Même après que l’homme s’est vu refuser la libération conditionnelle, je m’interroge à savoir comment on a pu déterminer qu’il était impossible de gérer dans la collectivité le risque qu’il posait compte tenu de sa maladie en phase terminale. Les décisions prises dans ce dossier, soit de refuser la libération conditionnelle et ensuite de fournir l’aide médicale à mourir en milieu carcéral, semblent inappropriées vu le degré de gravité, la nature et la durée de la peine de cet homme. Puisqu’aucune autre solution n’était possible, il est presque certain que le fait de refuser la libération conditionnelle totale et la semi-liberté a influé sur la décision de l’homme de demander l’aide médicale à mourir. Mon examen a soulevé d’autres questions à savoir si l’équipe de gestion de cas de l’homme a pris les mesures voulues ou a accordé une priorité suffisante à son dossier pour étudier la possibilité de lui offrir un placement dans la collectivité, et à savoir ce qui a empêché le SCC de présenter à la Commission des libérations conditionnelles du Canada une demande de libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel (article 121) pour des raisons humanitaires. Note

J’ai fait part de ces préoccupations, entre autres, à la commissaire au début d’août 2019. Dans sa réponse, le SCC a insisté sur le fait que la décision de fournir l’aide médicale à mourir à l’intérieur de l’établissement correctionnel était fondée sur la demande explicite du détenu. Il a cité des normes de pratique professionnelles qui consistent à accepter et à respecter les « souhaits des patients lucides ». Fait important, dans ce cas précis, l’homme s’est montré intéressé à bénéficier d’une « libération conditionnelle pour des motifs humanitaires » dans les semaines qui ont suivi son diagnostic de maladie en phase terminale, et plusieurs mois avant que l’aide médicale à mourir ne soit administrée. Sa demande de libération conditionnelle a été soumise moins d’un mois plus tard, et elle a ensuite été refusée. Toutefois, les documents relatifs à la gestion de cas indiquent qu’il s’est de nouveau montré intéressé à bénéficier d’une « libération conditionnelle pour motifs humanitaires » et qu’il a présenté une demande pour interjeter appel de la décision de la Commission des libérations conditionnelles à peine quelques semaines avant de recevoir l’aide médicale à mourir. Jusqu’à quelques jours avant sa mort, des échanges de haut niveau ont eu lieu entre le SCC et la Commission pour veiller à ce que toutes les solutions qui auraient permis sa libération aient été examinées.

Comme je l’ai mentionné à de nombreuses reprises, les questions d’autonomie et de libre choix dans le contexte de l’incarcération sont difficiles à bien définir. Dans ce cas, les « souhaits des patients lucides » doivent être pris en considération dans le contexte du système d’administration des peines, qui semble n’offrir aucune souplesse, et du manque de solutions de rechange en ce qui a trait à la libération pour les délinquants non violents, y compris la libération conditionnelle d’ordre médical. Il semblerait que cet homme ait « choisi » l’aide médicale à mourir non pas parce qu’il s’agissait de son « souhait », mais plutôt parce que toutes les autres solutions de rechange lui avaient été refusées, ou parce qu’on les avait éliminées ou on ne les avait simplement pas examinées. Il s’agit d’une démonstration pratique de la façon dont la notion de choix individuel et d’autonomie, et même de consentement, fonctionne au sein des services correctionnels.

L’autre cas relatif à l’aide médicale à mourir qui a fait l’objet d’une enquête au cours de la dernière année portait sur le lien entre la santé mentale et physique et la capacité de donner un consentement éclairé et volontaire en matière d’aide médicale à mourir. Dans ce cas, le détenu était suicidaire et était atteint d’une maladie mentale. Il avait une maladie en phase terminale, et il s’agissait d’un délinquant dangereux. Il menaçait de se suicider s’il ne recevait pas l’aide médicale à mourir. Ses chances d’obtenir une libération, même en tenant compte de l’état avancé de sa maladie, étaient minimes.

Il s’agit encore une fois de circonstances auxquelles des citoyens libres dans la collectivité ne feraient jamais face lorsqu’ils choisissent de mettre fin à leurs jours. Le désespoir, l’atterrement, l’absence de choix et de solutions de rechange, les conditions imposées par l’incarcération et les conséquences de celle-ci sont des problèmes qui s’amplifient en milieu correctionnel. Comme le gouvernement étudie la possibilité d’étendre l’aide médicale à mourir au-delà de la maladie physique pour inclure la souffrance psychologique intolérable, nous devons tenir un débat réfléchi au sujet du profil de santé mentale de la population carcérale du Canada. Pour les prisonniers, les questions de libre choix sont traitées par l’intermédiaire de l’exercice de pouvoirs administratifs coercitifs de la part de l’État. Il n’y a simplement pas d’équivalence entre le fait de demander l’aide médicale à mourir dans la collectivité et celui de fournir l’aide médicale à mourir en milieu carcéral. Note

Dans sa réponse, le SCC a également indiqué que les Services de santé renforceraient leurs processus d’échange d’information avec la Commission des libérations conditionnelles pour améliorer la prise de décisions relatives aux mises en liberté anticipées. Cela s’appliquerait à toutes les personnes qui ont une « désignation selon laquelle elles sont atteintes d’une maladie en phase terminale, ce qui ne se limitera pas aux personnes qui cherchent à obtenir l’aide médicale à mourir ». De plus, les représentants du SCC ont déclaré que le Service avait mis en œuvre une stratégie de communication en juin 2019 pour « accroître la sensibilisation à l’article 121 de la [ Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ] ». Ces mesures sont nécessaires, mais elles doivent être examinées en tenant compte de la rareté des libérations exceptionnelles accordées pour motifs humanitaires ou en raison d’une maladie terminale et de la difficulté à les obtenir. Note

D’après mon examen de ces dossiers, la décision d’étendre l’admissibilité à l’aide médicale à mourir aux délinquants purgeant une peine de ressort fédéral a été prise sans que les responsables de l’appareil juridique ne mènent de délibérations adéquates. Je comprends et j’accepte la décision du gouvernement d’offrir l’aide médicale à mourir aux délinquants sous responsabilité fédérale, mais deux aspects de la façon dont cette aide a été légiférée puis appliquée dans le contexte correctionnel ne semblent pas logiques du point de vue de la responsabilité et de la transparence envers le public. Le premier aspect est la décision d’exempter le SCC de l’obligation de se pencher ou d’enquêteur sur les décès survenus après que l’aide médicale a été fournie. Cette exemption est indéfendable puisque le SCC est, de facto , l’agent de l’État qui permet ou facilite l’aide médicale à mourir offerte aux délinquants purgeant une peine de ressort fédéral. Il doit simplement y avoir un certain degré d’examen interne, de transparence et de reddition de comptes lorsqu’il est question de l’adoption de mesures aussi extrêmes relatives au pouvoir de l’État, même si l’aide médicale à mourir est offerte pour des motifs humanitaires. En retirant l’exigence législative, pour le SCC, de mener une enquête, on retire aussi l’obligation pour le Service de communiquer à mon bureau un préavis au sujet du décès d’un détenu par aide médicale à mourir. En effet, il n’existe aucun mécanisme juridique ou administratif qui permet d’assurer la reddition de comptes ou la transparence relativement à l’aide médicale à mourir au sein des services correctionnels fédéraux. Note 5 Cette exemption était sûrement une omission qui doit être corrigée.

Deuxièmement, le fait que l’aide médicale à mourir puisse être offerte en milieu carcéral, dans ce que l’on appelle des « circonstances exceptionnelles », semble ne pas correspondre à l’intention de la loi, qui vise à offrir aux Canadiens une solution légale pour mettre fin à leurs jours dans la dignité, au moment et à l’endroit de leur choix. Il n’est simplement pas possible ou souhaitable de respecter cette intention dans le contexte de l’incarcération. Comme je l’ai déjà mentionné, il est préférable que la décision de demander l’aide médicale à mourir soit prise dans la collectivité, par des libérés conditionnels et non des détenus. Les autorités correctionnelles du Canada ne devraient pas être perçues comme permettant ou facilitant tout décès en détention. Cela est tout simplement contradictoire avec l’obligation du SCC de protéger et de préserver la vie.

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique et le ministre de la Justice et procureur général du Canada mettent sur pied un comité d’experts dont les membres délibéreront sur les questions éthiques et pratiques relatives à l’aide médicale à mourir dans les établissements de détention, dans le but de proposer des changements aux politiques et aux lois existantes. Cette délibération devrait tenir compte des questions mises de l’avant par mon bureau ainsi que de la plus récente documentation en matière de lois et d’éthique relative au système correctionnel du Canada. En attendant, et jusqu’à ce que le comité présente un rapport, je recommande un moratoire complet sur l’aide médicale à mourir à l’intérieur des pénitenciers fédéraux, sans égard aux circonstances.  

     

2. Remplacement des véhicules d’escorte de détenus du SCC

Dans mon rapport annuel de 2016-2017, j’ai abordé une série de préoccupations au sujet de la sécurité, de la conception et de la dignité relativement aux véhicules d’escorte utilisés pour les transfèrements interpénitentiaires et le transport de prisonniers lorsqu’ils se rendent au tribunal ou à des rendez-vous médicaux externes, ou encore lors de sorties. J’avais alors mentionné avoir ressenti de la claustrophobie lorsque je m’étais assis, recroquevillé, à l’arrière de l’un de ces véhicules :

Cette expérience m’a fait sentir que la sécurité personnelle et la dignité humaine importaient peu aux concepteurs ou aux conducteurs de ces véhicules. Complètement entouré de métal, le compartiment où les prisonniers s’installent, chevilles entravées, n’assure pas leur confort et ne compte aucune mesure de sécurité. On n’y trouve même pas de ceintures de sécurité. Ces véhicules, qui sont essentiellement des minifourgonnettes familiales (p. ex. Dodge Caravan) aménagées et modifiées, n’ont jamais été conçus ou fait l’objet d’essais de collision avec un compartiment en métal de cette taille. Si un incident survenait, comme ce fut le cas au Nouveau-Brunswick en 2013, les personnes qui se trouvent dans le compartiment seraient projetées dans tous les sens, ce qui pourrait provoquer des blessures graves ou même la mort. 

 

À la suite de mon rapport, le Service s’est engagé à remplacer son parc actuel de véhicules d’escorte pour « refléter les récentes avancées de l’industrie en matière de conception et de configuration ». Il a aussi accepté d’examiner les véhicules d’escorte de sécurité conçus à cette fin qui sont actuellement utilisés par la GRC.

Photo d’un employé du BEC assis à l’arrière d’un prototype de véhicule d’escorte de sécurité du SCC.

Employé du BEC assis à l’arrière d’un prototype de  
véhicule d’escorte de sécurité du SCC. 

En septembre 2019, on a invité le Bureau à examiner un prototype en vue du remplacement des véhicules d’escorte de sécurité du SCC. La conception du véhicule prototype, comme celle de son prédécesseur, ne tenait pas compte de la santé, de la sécurité, de la dignité ou du confort des détenus, ni de l’espace qu’ils occuperaient. La largeur du banc, la hauteur, du siège au plafond, et le nombre de pieds cubes ne constituaient pas une amélioration marquée comparativement à la conception antérieure, qui n’offrait pas suffisamment d’espace. Le prototype n’était pas muni de ceintures de sécurité pour les détenus, même si elles étaient fournies par le fabricant. Par contre, le prototype peut transporter jusqu’à cinq membres du personnel dans un confort relatif et en leur offrant une certaine sécurité, ce qui soulève la possibilité que la conception du compartiment réservé aux détenus ait pu être compromise pour répondre aux exigences du SCC en matière d’escortes de sécurité. Note

La Direction de la sécurité du SCC cite trois préoccupations généralisées en ce qui a trait à la présence de ceintures de sécurité dans les véhicules d’escorte :

  1. Préoccupation quant à la possibilité que les ceintures de sécurité deviennent des armes et soient utilisées violemment contre le personnel et les délinquants.  

     
  2. Préoccupation relative à la sécurité du personnel, qui devrait se pencher à l’intérieur du véhicule pour détacher un délinquant.  

     
  3. Préoccupation quant à la possibilité qu’un détenu se fasse du mal avec la boucle ou la ceinture.  

     

Le SCC, bien qu’on lui ait demandé de le faire, n’a pas présenté de données précises sur des incidents ou des situations, ou encore de l’information probante, qui démontrent que les ceintures de sécurité ont déjà été utilisées de manière violente. Lorsqu’on a demandé aux représentants du Service si les véhicules d’escorte du SCC ont déjà été munis de ceintures de sécurité, ils n’ont pas été en mesure de répondre. On ne doit pas donner d’impressions ou présenter des données non scientifiques plutôt que des faits.

À la fin novembre 2019, lorsqu’on a abordé avec elle ces préoccupations, et d’autres comme le fait que le Service n’avait pas consulté les délinquants lors de la conception ou de l’acquisition, la commissaire a répondu qu’elle inspecterait elle même le prototype de véhicule. À la suite de cette inspection, je crois comprendre que l’on étudie la possibilité d’ajouter certaines caractéristiques « pour accroître l’espace réservé aux détenus et répondre aux préoccupations liées aux ceintures de sécurité, y compris la possibilité d’ajouter un banc ».

La résistance prolongée et la décision qui n’aurait toujours pas été prise au sujet des ceintures de sécurité ne donnent pas une bonne image du Service. Lorsqu’on a demandé à des membres du personnel du SCC s’ils laisseraient un membre de leur famille ou un être cher prendre place à l’arrière de l’un de ces véhicules s’il n’était pas muni de ceinture de sécurité, de poignée de maintien ou d’un autre moyen de se protéger, ils ont répondu « Non » sans hésiter.

Photo montrant le compartiment destiné au transport des détenus dans le prototype de véhicule d’escorte de sécurité du SCC.

Compartiment pour le transport des détenus dans le prototype  
de véhicule d’escorte de sécurité du SCC. 

Cette situation peut être changée. En réfléchissant, en faisant preuve d’innovation en matière de conception et en changeant d’attitude, rien ne nous empêche de munir les véhicules d’escorte de ceintures de sécurité tout en assurant la sécurité du personnel. Le fait de citer des « préoccupations » non fondées et non étayées en matière de sécurité ne devrait jamais nous empêcher de raisonner, de faire preuve de professionnalisme ou d’utiliser des données probantes. Enfin (même si cette situation ne devrait jamais se produire), si le SCC ne munissait pas ces véhicules de ceintures de sécurité, il ne répondrait pas aux Normes de sécurité des véhicules automobiles du Canada (NSVAC), plus précisément au C.R.C., ch. 1038. Note

  1. Je recommande que le parc de remplacement des véhicules d’escorte du SCC soit muni de l’équipement de sécurité approprié pour les détenus, dont des poignées de maintien et des ceintures de sécurité, et que tout prototype de véhicule soit inspecté par Transports Canada avant d’être mis en production et en service.  

     

3. Réformes relatives au projet de loi C 83 et entrée en vigueur

Le projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi , a reçu la sanction royale le 21 juin 2019. Il promettait de « transformer » le système correctionnel fédéral. La principale intention du législateur était d’abolir l’isolement cellulaire, selon la définition qui en est donnée dans les Règles Mandela (confinement de détenus pendant au moins 22 heures par jour sans « contact humain réel ».), en remplaçant le régime antérieur d’isolement préventif par des unités d’intervention structurée (UIS). Mises en place à la fin de novembre 2019, des UIS sont présentes dans dix établissements pour hommes et dans les cinq établissements régionaux pour femmes.

Unités d’intervention structurée (UIS)

Le projet de loi C-83 maintient les motifs précédents pour les placements en isolement préventif, c’est à dire l’impossibilité de gérer le détenu de façon sécuritaire dans la population régulière. Comme c’était le cas dans l’ancien régime d’isolement préventif, la nouvelle loi n’interdit pas le placement des personnes atteintes d’une maladie mentale dans les UIS, et elle n’impose pas de limites fermes quant à la durée pendant laquelle les personnes peuvent être placées en confinement restrictif. L’application régulière de la loi consiste principalement en un examen, par un examinateur externe, de documents préparés et fournis par le SCC.

L’alinéa 32(1)b) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) stipule qu’un détenu incarcéré dans une UIS doit avoir la possibilité d’avoir des « contacts humains réels ». Le paragraphe 36(1) prévoit ensuite que le détenu doit avoir la possibilité de passer quatre heures en dehors de sa cellule, y compris :

d’avoir, pour au moins deux heures, la possibilité d’interagir avec autrui dans le cadre d’activités qui se rapportent, notamment a) à des programmes, des interventions ou des services qui l’encouragent à atteindre les objectifs de son plan correctionnel ou le préparent à sa réintégration au sein de la population carcérale régulière; b) à son temps de loisir. 

Photo d’une cellule régulière de l’UIS à l’Établissement d’Edmonton (anciennement une cellule d’isolement).

Une cellule régulière de l’UIS à l’Établissement  
d’Edmonton (anciennement une cellule d’isolement). 

Photo de l’UIS à l’Établissement de Kent

L’UIS à l’Établissement de Kent 

Photo de l’UIS à l’Établissement de Port-Cartier

L’UIS à l’Établissement de Port-Cartier 

Mon bureau a remarqué que la politique et la pratique servant à remplacer l’isolement, telles que mise en place, sont maintenant définies comme étant « du temps en dehors de la cellule ». La possibilité d’interagir comprend les interactions avec les détenus et les membres du personnel. Dans les faits, c’est la qualité des contacts humains et non leur nombre qui compte, ainsi que la façon dont on fait preuve d’humanité en milieu carcéral. La politique devrait préciser et définir ce que la loi prescrit. Le fait de ne pas opérationnaliser la notion de « contacts humains réels » a pour conséquence que le personnel ne reçoit que peu d’orientation sur ses obligations législatives. Quelques exemples pratiques peuvent aider à illustrer ce fait :

  • Est-il suffisant d’utiliser des treillis à clôture en tant qu’obstacles physiques solides pour faciliter les contacts « réels » avec d’autres détenus dans les cours d’UIS adjacentes?  

     
  • Les visites sans contact constituent-elles un contact humain « réel »?  

     
  • Lorsqu’un détenu qui se mutile reçoit du counseling par un guichet passe repas ou qu’il communique par ce guichet, ces contacts devraient-ils être considérés comme des contacts « réels »?  

     
  • Les visites par vidéo satisfont elles à la norme sur les interactions? Qu’en est-il du temps passé à regarder la télévision seul, dans une cellule, ou avec d’autres?  

     
  • La perception du détenu de ce qui est « réel » compte-t-elle, ou est-ce que tout contact en dehors de la cellule qui est facilité par le personnel correctionnel répond au critère?  

     

Puisque le terme « réel » est subjectif, peut faire l’objet d’un débat et se prête à l’interprétation, j’ai suggéré que le SCC cherche de l’inspiration à d’autres endroits. Par exemple, le groupe d’experts internationaux Essex Note 8 a défini le terme « contact humain réel » de la façon suivante :

Une telle interaction ( contact humain réel ) exige que le contact humain soit face-à-face et direct (sans obstacles physiques) et qu’il ne soit pas uniquement fugace ou accidentel. Il doit permettre une communication interpersonnelle empathique. Les contacts ne doivent pas être limités aux interactions déterminées par les routines, le cours des enquêtes (au criminel) ou les besoins médicaux. 

Quelle que soit la manière dont le terme est appliqué sur le plan opérationnel, on doit en faire davantage pour ouvrir les UIS aux membres du personnel non correctionnel, comme les groupes externes, les associations et les intervenants, qui ont un rapport réel et établi avec les détenus et qui sont dignes de leur confiance. Pour accroître le nombre d’occasions d’avoir des contacts humains réels dans un établissement à sécurité maximale, il faut aller au-delà des interventions du SCC (ou des engagements individuels), au cours desquelles les membres du personnel consignent le temps qu’un détenu passe en dehors de sa cellule, quotidiennement, dans une application installée sur un téléphone Android (une mesure mise en place récemment). Les détenus qui se retrouvent dans ces unités ne seront probablement pas très enthousiastes face aux occasions offertes par le SCC de participer à des interventions et à des programmes correctionnels. Actuellement, tous les exemples de temps en dehors de la cellule, dont l’accès aux programmes, aux interventions, aux programmes éducatifs ou aux activités culturelles, spirituelles ou de loisir dont il est question dans la politique, sont définis et déterminés par les règles internes et les routines dans les établissements. Rien n’indique que les détenus incarcérés dans ces unités trouveront que ces mesures constituent des contacts « réels » pour eux 

Photo d’une cellule occupée dans l’UIS à l’Établissement de Kent

Cellule occupée dans l’UIS à l’Établissement de Kent 

Indépendance clinique et autonomie professionnelle des professionnels de la santé autorisés

Le projet de loi C-83 comprend de nouvelles dispositions qui sont importantes pour appuyer l’autonomie professionnelle et l’indépendance clinique des professionnels de la santé autorisés, notamment la liberté d’exercer, sans influence indue, leur jugement professionnel dans le cadre des soins et des traitements offerts aux patients. Le fait de fournir un fondement législatif pour ces principes permet de mieux harmoniser les pratiques relatives aux soins de santé offerts en milieu correctionnel avec les normes internationales, dont la règle 27(2) des Règles Mandela : « Les décisions cliniques ne peuvent être prises que par les professionnels de la santé responsables et ne peuvent être rejetées ou ignorées par le personnel pénitentiaire non médical. »

Cependant, dans la pratique, certains aspects de la loi et des politiques sont contraires à ces intentions. Conformément à la Règle 33 des Règles Mandela , les nouvelles réformes législatives comprennent des dispositions qui exigent que les professionnels de la santé autorisés informent le directeur d’un établissement s’ils croient que les conditions de détention dans une UIS devraient être résiliées ou modifiées pour des raisons liées à la santé physique ou mentale (article 37.2 de la LSCMLC). Le professionnel de la santé n’a toutefois que le pouvoir de recommander . Le pouvoir d’accepter ou de rejeter la recommandation du professionnel de la santé autorisé appartient au directeur. La recommandation du clinicien est assujettie à plusieurs niveaux d’examen administratif, elle peut être retardée et elle peut être rejetée.

La pleine indépendance clinique et la loyauté sans partage envers les patients dans un milieu correctionnel sont sans aucun doute difficiles à assurer. De nombreuses administrations correctionnelles ont du mal à respecter ces principes de façon constante en raison d’un « manque de sensibilisation, de règles juridiques persistantes, de conditions d’emploi contradictoires pour les professionnels de la santé, ou des structures actuelles en matière de gouvernance des soins de santé Note 9 ». C’est aussi le cas pour le SCC. Le fait est que les Services de santé du SCC ne sont pas pleinement indépendants des opérations du SCC. À tout le moins, la pleine indépendance clinique nécessiterait que le personnel des services de santé dans les prisons soit employé par l’organisme provincial de santé ou l’autorité nationale en matière de santé.

Défenseurs des droits des patients

Les services de défense des droits des patients ont été inclus dans l’éventail de réformes mises en place par l’intermédiaire du projet de loi C-83. Note 10 Plus précisément, l’article 89.1 de la LSCMLC exige maintenant que le Service donne accès à « des services en matière de défense des droits des patients pour appuyer les détenus en ce qui a trait aux questions en matière de soins de santé; [et pour] aider les détenus […] à comprendre les droits et les responsabilités des détenus en matière de soins de santé ». Il s’agit d’une mesure importante et nécessaire. Le SCC a besoin d’un modèle de défenseur des droits des patients pour protéger les droits des patients et aider ces derniers à étudier toutes les solutions possibles, ainsi que pour veiller à ce qu’ils comprennent bien les conséquences de leurs décisions, sans contrainte. De plus, je crois que les défenseurs des droits des patients devraient être des employés externes et être indépendants du SCC, du point de vue fonctionnel. Un tel modèle appuierait davantage l’intention législative du projet de loi C-83 et correspondrait davantage à l’esprit des Règles Mandela .

  1. Je recommande que le SCC examine des modèles de défenseur indépendant des droits des patients en place au Canada et à l’étranger, qu’il élabore un cadre de travail pour les services correctionnels fédéraux et qu’il présente un rapport public sur ses intentions en 2020-2021. Je recommande également qu’il procède à la mise en œuvre intégrale d’un système de défenseur externe des droits des patients en 2021-2022.  

     

4. Examens des incidents de recours à la force – Cas extrêmes

Pendant la période visée par le présent rapport, l’équipe d’examen des incidents de recours à la force du Bureau a relevé quelques interventions extrêmes ou inappropriées où on a eu recours à la force, dont deux sont mentionnées plus bas. Ces deux cas illustrent l’importance de la fonction de mon bureau en ce qui concerne l’examen et la supervision des incidents de recours à la force dans les établissements fédéraux. Nos examens externes jouent un rôle essentiel pour assurer la transparence et la reddition de comptes, mais cette fonction ne remplace pas, et ne vise pas à remplacer, un système d’examen interne des incidents de recours à la force qui serait robuste et vigilant.

Techniques de contrainte par la douleur

Dans le premier cas, lors duquel des agents ont utilisé diverses techniques visant à faire obéir le détenu par la douleur pour le forcer à cracher un objet interdit (drogues) soupçonné d’être dissimulé dans sa bouche, les faits sont bien établis étant donné qu’ils sont sur vidéo. Le détenu est escorté vers une cellule d’observation (cellule nue) aux fins d’une fouille à nu. Puisqu’il refusait de montrer aux agents ce qui pouvait se trouver sous sa langue (emballage de drogues présumé), le détenu est maîtrisé par terre, déjà menotté par derrière. Pendant qu’il était sur le ventre, nu, en présence de plusieurs agents, une série de « techniques de contrainte par la douleur » sont appliquées – torsions des chevilles, points de pression sur le nez et sur le front, marche sur l’arrière des genoux du détenu ou sur ses chevilles (en appliquant tout son poids), roulement d’une matraque sur ses chevilles. Avec l’autorisation du directeur, des points de pression sont aussi appliqués sur la mâchoire du détenu. L’enregistrement vidéo montre que diverses techniques de contrainte par la douleur sont utilisées pendant 17 minutes consécutives. Aucune d’entre elles n’a l’effet souhaité.

Le détenu fini par être laissé seul dans la cellule nue, où il montre ensuite des signes de surdose de drogues. De la naloxone est administrée et une ambulance est appelée. Il remet ensuite l’emballage, presque vide, et un test montre qu’il contenait de l’héroïne.

Une photo d’agents du SCC qui maîtrisent un détenu avant d’appliquer la « contrainte par la douleur »

Des agents du SCC maîtrisent un détenu avant  
d’appliquer la « contrainte par la douleur » 

Contrairement au Modèle d’engagement et d’intervention , les agents et les gestionnaires présents ne semblent pas réévaluer la nécessité, l’efficacité ou le caractère raisonnable de leurs interventions. Le détenu avait clairement dit et montré qu’il n’avait pas l’intention de remettre l’emballage, mais il n’affichait aucun autre signe évident de violence ou d’autres comportements de résistance.

Malgré des questions évidentes quant à la nécessité ou à la proportionnalité de la force utilisée dans ce cas, l’examen de l’établissement (niveau 1) a permis de déterminer que la force utilisée était appropriée, même si certaines préoccupations secondaires ont été soulevées au sujet des techniques d’obéissance par la douleur qui ont été appliquées (celles-ci sont habituellement utilisées uniquement pendant une période très courte afin de faire obéir le détenu ou de le maîtriser). On cesse habituellement d’utiliser ces techniques lorsque le détenu est immobilisé et qu’il est incapable de résister. Selon la politique, aucun autre examen régional ou national n’était nécessaire, malgré le fait qu’on ait, de façon intentionnelle, continué d’infliger de la douleur à un détenu qui avait été maîtrisé.

Après avoir reçu un rapport sur l’incident et l’avoir examiné, le Bureau a demandé un examen régional, qui a par la suite confirmé le résultat de l’examen initial de l’établissement, selon lequel l’intervention était conforme à la politique. Insatisfait de cette réponse, j’ai fait examiner cet incident à l’échelon national. Après en avoir discuté avec la commissaire, celle-ci s’est engagée à examiner l’incident avec des membres de la haute direction. On a communiqué avec la police, et la Région a amorcé une enquête officielle sur l’incident.

À la suite de ces mesures, un Bulletin de sécurité du SCC a été publié le 26 mars 2020. Intitulé Détenus dissimulant de la contrebande dans leur bouche – Solutions en matière d’intervention , le Bulletin est très détaillé et inclut cet avertissement très explicite, en caractères gras, afin qu’on le remarque :

Aucune option en matière de recours à la force n’est approuvée pour retirer un objet de la bouche ou d’une autre cavité corporelle d’un détenu. 

Une photo d’agents du SCC appliquant des tactiques de « contrainte par la douleur ».

Des agents du SCC maîtrisent un détenu avant  
d’appliquer la « contrainte par la douleur ». 

Dans la mesure où ces mesures correctives traitent des enjeux propres à la désobéissance en question, je suis satisfait. Je suis moins satisfait que ce cas, qui comprend un examen de la part des membres de la direction du SCC qui occupent les postes les plus élevés, n’ait pas mené à un examen plus réfléchi des préoccupations et des questions que cet incident soulève au-delà des solutions possibles ou différentes en matière d’intervention :

  1. Comment un incident aussi grave a-t-il pu être considéré comme un incident de recours à la force de niveau 1, ce qui a fait en sorte qu’il n’a pas été nécessaire qu’il fasse l’objet d’un examen régional ou national? Y a t il d’autres incidents graves de recours à la force qui ne sont pas examinés par les hauts dirigeants? Dans l’affirmative, combien?  

     
  2. Est-ce que les diverses techniques d’obéissance par la douleur utilisées au cours de cet incident, y compris la longue durée pendant laquelle elles ont été utilisées, seraient considérées excessives ou encore contraires à tout objectif légal , sans égard au contexte ou au milieu?  

     
  3. Quels sont les pouvoirs, les limites ou les seuils relatifs aux défenses de « préservation de la vie » ou de « conservation de la preuve » qui pourraient justifier l’utilisation de techniques d’obéissance par la douleur dans un contexte correctionnel?  

     
  4. Est-ce que l’issue éventuelle de cet incident aurait pu être prévue (surdose), ce qui aurait pu tout simplement éliminer la nécessité d’utiliser ou d’appliquer une force extrême?  

     

Le Bulletin de sécurité réduit la complexité du scénario sur lequel il est fondé pour en faire une question technique – il fournit simplement une orientation sur diverses solutions en matière d’intervention qui pourraient ou devraient être utilisées pour gérer les détenus qui ont dissimulé de présumés objets interdits dans leur bouche. Il ne traite presque pas de l’obéissance par la douleur. Plus précisément, il n’aborde pas les prises de gorge ou l’application de points de pression sur la mâchoire ou, en fait, la question de savoir si les autres techniques utilisées lors de cet incident (torsions des chevilles, marche sur l’arrière des jambes d’un détenu) sont appropriées, sécuritaires et autorisées dans les établissements du SCC. Le Bulletin évite les questions plus difficiles et controversées au sujet de l’étendue dans laquelle les techniques d’obéissance par la douleur peuvent être utilisées légitimement au sein des services correctionnels fédéraux, ou des types de techniques qui peuvent être utilisées, dans quel but et pendant combien de temps. On ne peut simplement pas supposer ou prendre pour acquis que le personnel le sait, ou qu’il connaît les réponses à ces questions.

Utilisation de grenades de distraction

Le deuxième cas comprend l’utilisation d’une grenade de suppression Note 11 qui a explosé à l’intérieur de la cellule d’un détenu à la suite de l’utilisation de plusieurs grammes d’un agent irritant (gaz poivré). Dans ce cas, le détenu s’était barricadé dans sa cellule, il avait fait preuve d’un comportement menaçant/agressif envers le personnel, il résistait activement, et les agents qui sont intervenus ne pouvaient pas le voir. Une grande quantité de gaz poivré avait déjà été utilisée pour forcer le détenu à obéir, en vain. Les circonstances particulières de cet incident justifiaient une intervention. On a demandé aux agents de faire une extraction de cellule. Personne ne remet ces faits en question.

Une série de photos montrant un incendie causé par une grenade de suppression qu’on a fait détoner dans une cellule, ce qui a entraîné l’évacuation de celle-ci
Une série de photos montrant un incendie causé par une grenade de suppression qu’on a fait détoner dans une cellule, ce qui a entraîné l’évacuation de celle-ci
Une série de photos montrant un incendie causé par une grenade de suppression qu’on a fait détoner dans une cellule, ce qui a entraîné l’évacuation de celle-ci
Une série de photos montrant un incendie causé par une grenade de suppression qu’on a fait détoner dans une cellule, ce qui a entraîné l’évacuation de celle-ci

Une série de photos montrant un incendie causé par une grenade de suppression qu’on a fait détoner dans une cellule, ce qui a entraîné l’évacuation de celle-ci 

Mon inquiétude dans ce cas vient de l’utilisation d’une arme de nature explosive dans le petit espace clos qu’est une cellule de prison. Ce type de dispositif ne devrait être utilisé que dans les espaces ouverts : il s’agit d’une arme défensive utilisée pour maîtriser les foules. Le manuel du fabricant précise que ce dispositif ne doit pas être utilisé dans un espace où il peut exploser à moins de cinq pieds de quelqu’un (ce qui est évidemment le cas dans une cellule) puisque cela représente un risque documenté. La détonation d’une bombe aveuglante dans une cellule n’est pas sécuritaire et est intrinsèquement dangereuse. En fait, la grenade a déclenché un incendie dans la cellule du détenu. L’incendie a probablement été allumé par l’éclair provoqué par l’explosion ou intensifié par l’utilisation antérieure de gaz poivré. Les agents d’intervention n’avaient pas d’extincteur à portée de main lorsqu’ils ont utilisé le dispositif. Ils ont aussi choisi de maîtriser le détenu dans sa cellule avant d’éteindre le feu.

Selon les faits relatifs à cet incident, il était évident que je formulerais une recommandation visant à interdire l’utilisation de grenades de suppression dans les espaces confinés tels que des cellules. C’est ce que j’ai fait. C’était évident que cela devait être fait. Malheureusement, la réponse que j’ai reçue n’est pas claire du tout. En fait, elle me laisse tout simplement perplexe. Elle laisse croire que le SCC n’a pas approuvé ou accepté ma recommandation, dans toute sa simplicité. Le Service a plutôt l’intention de communiquer avec le fabricant pour lui demander pourquoi cet « artifice de diversion » ne doit pas être utilisé dans un espace clos. Les examinateurs du SCC veulent aussi savoir ce qui a provoqué l’incendie dans la cellule – l’allumeur du dispositif ou la marque en particulier, une combinaison de ces facteurs, ou la concentration de gaz poivré?

En toute déférence, ces facteurs ne sont pas pertinents. Ils servent uniquement à distraire de la question à l’étude. Une grenade de suppression n’est pas un « artifice de diversion », et elle ne doit pas être utilisée dans de petits espaces clos, car cela est intrinsèquement dangereux et non sécuritaire. Tout simplement. Ma recommandation demeure valide.

  1. Je recommande que le SCC publie immédiatement des instructions interdisant l’utilisation des grenades de suppression dans les espaces clos ou confinés, y compris les cellules.  

     

5. Cellules nues

Photo d’une toilette dans une « cellule nue ».

Une toilette dans une « cellule nue ».  
 

Conformément à l’article 51 de la LSCMLC, un directeur d’établissement peut autoriser, par écrit, l’utilisation d’une « cellule nue » (cellule d’observation directe spécialement équipée et installation utilisée pour mener des fouilles afin de trouver des objets interdits dans les déchets corporels) s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un détenu a ingéré ou dissimulé dans une cavité corporelle un objet interdit. Le Bureau a enquêté sur un incident lors duquel un détenu a passé neuf jours consécutifs dans une cellule nue. Aucune drogue ni aucun autre objet interdit n’a été trouvé.

Les conditions de détention dans les cellules nues sont, de loin, les plus dégradantes, les plus austères et les plus restrictives que l’on puisse imaginer au sein du système correctionnel fédéral. Les procédures relatives à la cellule nue nécessitent une fouille à nu, une observation directe en tout temps et l’illumination de la cellule à toutes les heures du jour et de la nuit. La détention en cellule nue impose des restrictions relatives à toutes les activités qui compromettraient la récupération de l’objet interdit présumé. Les demandes faites au personnel privent également le détenu de sa dignité. Les employés doivent observer et documenter l’ensemble du temps qu’un détenu passe à la toilette, rédiger des rapports de fouille et d’observation après chaque défécation, porter de l’équipement de protection, chercher des objets interdits et remettre tout objet saisi à un agent du renseignement de sécurité. Il s’agit d’une procédure extraordinaire.

Des garanties procédurales judiciaires et nationales plus que nécessaires ont été mises en place pour ce qui est de l’utilisation des cellules nues depuis que le Bureau a signalé le problème publiquement pour la première fois dans son rapport annuel de 2011-2012. Parmi ces garanties procédurales, citons :

  1. Exigence de donner un avis, par écrit, expliquant les raisons du placement.  

     
  2. Les détenus ont l’occasion d’avoir recours à l’assistance d’un avocat sans délai.  

     
  3. Exigence d’informer les Services de santé.  

     
  4. Examen quotidien des placements par le directeur, ce qui donne notamment l’occasion à un détenu de formuler des observations écrites qui seront revues lors de l’examen.  

     

Malgré cela, le SCC a résisté face à l’établissement de toute limite supérieure quant à la durée pendant laquelle une personne peut être détenue dans une cellule nue qui n’est munie d’aucune plomberie. Selon moi, au-delà de 72 heures, il ne peut y avoir aucune autre raison ou justification pour détenir ou retenir une personne dans de telles conditions privatives. Il semble aussi inutile d’affecter des employés à un poste d’observation au-delà de cette période. Après trois jours, cette procédure devient sûrement déraisonnable, voire strictement punitive.

Dans ce cas, j’ai été dans l’obligation de formuler de nouveau une recommandation faite par le Bureau il y a près d’une décennie, mais qui n’a toujours pas été acceptée ou qui n’a toujours pas fait l’objet d’un suivi :

  1. Je recommande que les placements en cellules nues qui excèdent 72 heures soient explicitement interdits au sein des services correctionnels fédéraux.  

     

6. Accès des détenus aux médias

Pendant la période visée par le présent rapport, le Bureau est intervenu dans des dossiers ou des plaintes au sujet de l’accès des détenus aux médias. Dans un cas, nous avons conclu que certains des critères stratégiques établis dans la Directive du commissaire 022 – Relations avec les médias étaient déraisonnables, non pertinents ou mal fondés en droit. En refusant de façon déraisonnable le droit d’un détenu d’avoir accès aux médias ou en retardant cet accès, le Service viole peut-être les principes démocratiques reconnus et les droits garantis par la Constitution. Une personne incarcérée ne renonce pas à la liberté d’expression, et le grand public a le droit d’être informé au sujet de ce qui se passe derrière les murs d’une prison.

Les restrictions relatives à l’accès des détenus aux médias, qui, dans ce cas, portent sur des délais déraisonnables pour approuver l’accès aux médias afin de mener une entrevue avec un détenu pendant la période électorale de l’automne 2019, ne doivent pas violer indûment les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques ou empiéter sur ceux-ci. Le principe bien reconnu de « gardien » peut s’appliquer aux organismes et aux employés du gouvernement, y compris le SCC, pendant une période électorale, mais il n’y a aucun fondement juridique pour museler les citoyens, leur refuser l’accès aux médias ou justifier cette restriction, même dans le cas de ceux qui sont privés de liberté.

Au cours de notre enquête, nous avons constaté que la DC-022 ne mentionne aucun de ces droits ou principes légaux, démocratiques ou protégés par la Constitution, qui devraient être des éléments essentiels des politiques et des instructions dans ce domaine relatif aux services correctionnels. Le fait de tenir compte des répercussions potentielles qu’une entrevue avec les médias pourrait avoir sur la « conduite [du détenu] et le respect des autres » est une application excessive du droit, et il ne peut être raisonnablement considéré comme pertinent. En fait, cela pourrait être considéré comme de la censure. Dans une société libre et démocratique, les attentes relatives aux comportements ne constituent pas un critère permettant de gouverner l’accès d’une personne aux médias.

Cela ne signifie pas que les journalistes devraient avoir un accès immédiat, sans entrave ou total aux détenus pour mener des entrevues en tout temps. Par exemple, je reconnais qu’il existe des raisons légitimes liées à la sécurité et des contraintes opérationnelles (surtout pour ce qui est des entrevues menées sur place et filmées) dont il faut tenir compte, mais celles ci doivent reposer sur le droit, et non sur la façon dont le SCC pense ou s’attend à ce qu’un détenu se comporte, ou encore sur les inquiétudes au sujet de ce qu’il pourrait dire aux médias.

En abordant ce dossier, le Service a accepté d’examiner la DC-022 et les préoccupations susmentionnées. Plus précisément, la commissaire s’est engagée à ce que la politique révisée sur les relations avec les médias reconnaisse le droit des détenus à la liberté d’expression, conformément à la Charte canadienne des droits et libertés . La politique révisée confirmera également que des entrevues avec les médias peuvent être accordées, pourvu qu’elles ne mettent pas en jeu la sécurité de l’établissement ou celle d’autres détenus ou de toute autre personne. Je suis satisfait de cette réponse et j’attends la promulgation de la version révisée de la directive du commissaire.

Photo de vidéosurveillance montrant des détenus jetant de la nourriture sur des détenus bénéficiant d’une protection à l’Établissement d’Edmonton

Photo de vidéosurveillance montrant des détenus jetant  
de la nourriture sur des détenus bénéficiant d’une  
protection à l’Établissement d’Edmonton 

Photos montrant des membres du personnel du Service correctionnel du Canada (SCC) qui marchent devant des détenus qui ont ensuite été victimes d’une agression à l’Établissement d’Edmonton

Photos montrant des membres du personnel du  
Service correctionnel du Canada (SCC) qui marchent  
devant des détenus qui ont ensuite été victimes d’une  
agression à l’Établissement d’Edmonton  
 

7. Mise à jour sur l’Établissement d’Edmonton – Mesures disciplinaires à l’égard des employés

Le 9 janvier 2020, le Bureau a demandé l’examen de toutes les enquêtes et de toutes les mesures disciplinaires visant des employés au sujet des événements relatifs aux attaques répétées contre les détenus placés en isolement protecteur qui se sont produits à l’Établissement d’Edmonton entre le 1er août 2018 et le 25 octobre 2018. Note 12 Il s’agissait d’une mesure de suivi visant à assurer la reddition de comptes adoptée à la suite de mon enquête sur ces événements. Le Bureau a reçu et examiné dix rapports disciplinaires visant des employés ainsi que le Rapport d’enquête disciplinaire sur les allégations de négligence dans l’exécution des tâches durant la période d’août 2018 au 16 novembre 2018 (daté du 4 février 2019).

Parmi les dix membres du personnel du SCC qui ont fait l’objet d’une enquête, six ont fait l’objet de mesures disciplinaires, dont des sanctions financières et des réprimandes verbales ou écrites. Ces réprimandes ont surtout été faites à la suite de négligence dans le devoir, de l’omission de prendre des mesures appropriées pour assurer la sécurité des détenus et de l’omission de documenter correctement l’incident et de le signaler. Aucun employé qui possédait un grade supérieur n’a été réprimandé.

8. Services correctionnels pour Autochtones – Mise à jour

En janvier 2020, j’ai diffusé un communiqué de presse et une déclaration pour consigner le fait que la surreprésentation des Autochtones dans le système correctionnel fédéral avait atteint un nouveau sommet, surpassant la marque des 30 %. Note 13 Bien qu’ils ne représentent que 5 % de la population canadienne, le nombre d’Autochtones purgeant une peine de ressort fédéral ne cesse d’augmenter depuis des décennies. Plus récemment, l’augmentation des taux d’emprisonnement chez les Autochtones a accéléré, malgré des diminutions au sein de la population carcérale générale. Comme je l’ai indiqué, ces déséquilibres troublants et enracinés représentent une « autochtonisation » de plus en plus marquée de la population carcérale fédérale.

Graphique illustrant la population de détenus autochtones dans des établissements fédéraux depuis 2001. Les pourcentages ci-dessous représentent les détenus autochtones par rapport à la population carcérale totale. 2001-2002 : 17,59 %; 2002-2003 : 18,00 %; 2003-2004 : 18,50 %; 2004-2005 : 18,09 %; 2005-2006 : 18,68 %; 2006-2007: 19,38 %; 2007-2008 : 19,41 %; 2008-2009 : 19,58 %; 2009-2010 : 20,54 %; 2010-2011 : 21,52 %; 2011-2012 : 22,31 %; 2012-2013: 23.25%; 2013-2014: 23,07 %; 2014-201 5: 24,57 %; 2015-2016: 25,71 %; 2016-2017: 26,82 %; 2017-2018: 27,80 %; 2018-2019 : 29,46 %; 2019-2020 : 30,14 %; Le graphique montre une augmentation globale et relativement constante de la population de détenus autochtones dans les établissements fédéraux depuis 2001.

Graphique illustrant la population de détenus autochtones  
dans des établissements fédéraux depuis 2001. 

Je reconnais que nombre des causes de la surreprésentation autochtone sont des facteurs externes au système de justice pénale. Cependant, lorsque j’ai publié la déclaration, j’ai fait remarquer que des résultats correctionnels qui sont constamment moins bons chez les délinquants autochtones (p. ex. ceux-ci sont davantage susceptibles d’être placés dans un établissement à sécurité maximale ou de se voir attribuer la cote de sécurité maximale, plus susceptibles d’être impliqués dans des incidents de recours à la force ou de s’automutiler, mais moins susceptibles de se voir accorder une libération conditionnelle) laissent croire que les services correctionnels fédéraux contribuent eux mêmes au problème de surreprésentation. Par exemple, une récente étude nationale sur la récidive montre que les Autochtones récidivent ou sont réincarcérés dans les cinq ans suivant leur libération à des taux beaucoup plus élevés, atteignant 65 % chez les hommes autochtones dans la région des Prairies. Un taux plus élevé de réincarcération (révocation ou récidive) laisse croire qu’il existe des lacunes en ce qui a trait à la capacité du système de préparer les délinquants autochtones à respecter les lois après leur libération et de les aider à le faire.

Au cours de la prochaine année, mon bureau lancera une série d’enquêtes approfondies qui examineront certains programmes et services offerts dans le cadre du Continuum de soins pour les Autochtones du SCC. Nous voulons nous entretenir avec des détenus autochtones pour apprendre de leurs expériences. Nous avons l’intention d’examiner les critères de participation aux programmes et de comparer les résultats des détenus inscrits à des interventions réservées aux Autochtones. L’examen des services correctionnels aux Autochtones mené par le Bureau comprendra aussi une enquête approfondie sur le nombre plus élevé de délinquants autochtones impliqués dans des incidents de recours à la force, notamment des données comparatives et des conclusions sur les causes et la fréquence des incidents ainsi que le type et le degré de force utilisée. D’après le travail préliminaire et antérieur effectué dans ce domaine (p. ex. Enquête sur le traitement et la gestion des cas d’automutilation chronique parmi les délinquantes sous responsabilité fédérale , septembre 2013), une attention particulière doit être portée aux circonstances et aux antécédents sociaux des femmes autochtones, particulièrement celles qui sont atteintes de graves troubles de santé mentale, puisqu’elles semblent être surreprésentées de façon importante dans les incidents de recours à la force parmi les femmes purgeant une peine de ressort fédéral.

 

Enquêtes d'envergure nationale 

1. Une culture du silence : Enquête nationale sur la coercition et la violence sexuelles au sein du système correction fédéral

 

Introduction

La coercition et la violence sexuelles constituent un enjeu bien connu qui a existé dans l’ombre de la société, et il s’agit de l’un des types de crime les moins souvent signalés. Par exemple, parmi la population canadienne, on estime que seulement environ 5 % de toutes les agressions sexuelles sont signalées à la police. Note 14 Les prisons ne constituent certainement pas une exception à cette réalité. Par leur nature même, les prisons sont principalement cachées du public. C’est en partie en raison de cet environnement où règnent les secrets que la violence sexuelle en milieu carcéral est encore moins comprise et encore plus susceptible de ne pas être signalée aussi souvent que dans la collectivité.

Tout comme chaque personne qui a subi de la victimisation sexuelle, les personnes incarcérées font face à de multiples facteurs de dissuasion en ce qui a trait au signalement des incidents de violence sexuelle. De nombreuses victimes ont peur de signaler le crime, car elles craignent les représailles, les châtiments ou la revictimisation de la part des auteurs, que ce soit d’autres détenus ou des membres du personnel. De plus, les victimes risquent de ne pas être crues, d’être ridiculisées ou même d’être punies pour avoir signalé des relations sexuelles forcées. Comme on l’a observé dans la collectivité générale, la plupart des plaintes portant sur des actes de violence sexuelle qui se sont produits derrière les barreaux ne mènent jamais à des procédures devant les tribunaux.

 

Que sont la coercition et la violence sexuelles?

  • C’est un acte non consensuel de nature sexuelle, notamment de la pression ou des menaces de tels actes par une personne ou un groupe de personnes à l’endroit d’une autre.

     

  • Ces actes peuvent comprendre des contacts sexuels non désirés, des baisers ou des attouchements, ou encore des relations sexuelles forcées. Une agression sexuelle peut comprendre l’utilisation de la force physique, de l’intimidation, de la coercition ou encore l’abus d’une position de confiance ou d’autorité.

     

  • Ces crimes incluent tout acte sexuel ou tout acte ciblant la sexualité d’une personne, son identité de genre ou son expression de genre, que l’acte soit de nature physique ou psychologique et qu’il soit commis, que l’on menace de le commettre ou que l’on tente de le commettre contre une personne sans son consentement. Cela comprend les agressions sexuelles, le harcèlement sexuel, le harcèlement criminel, l’outrage à la pudeur, le voyeurisme et l’exploitation sexuelle. Note 15 

     

 

Il est bien connu que la culture dans les établissements et le leadership au sein de ceux-ci sont d’importants facteurs déterminants dans la création de milieux qui préviennent la victimisation sexuelle ou lui permettent de prendre place. Comme la U.S. National Prison Rape Commission l’a reconnu, la violence sexuelle dans les prisons n’est pas un problème insoluble. L’expérience américaine démontre que la violence sexuelle derrière les barreaux est principalement le résultat d’une mauvaise administration correctionnelle, de politiques déficientes, d’une négligence et de pratiques non sécuritaires. Cependant, les viols en prison deviennent endémiques lorsque les agents correctionnels ne prennent pas le problème au sérieux, lorsqu’ils ne mettent pas de mesure de détection appropriées en place, et lorsqu’ils n’adoptent pas de mesures d’exécution de la loi ou de prévention. À la lumière de ces réalités, les organismes responsables de la justice pénale ont la responsabilité unique de veiller à ce qu’il existe des mécanismes pour prévenir les incidents de violence sexuelle, en faire le suivi et prendre les mesures qui s’imposent.

 

Qui est le plus à risque?

Nous savons, grâce à des recherches menées partout dans le monde, que les détenus les plus marginalisés sont souvent les plus vulnérables à la violence sexuelle derrière les barreaux. Ces populations incluent les catégories suivantes de détenus :

  • Les personnes qui ont déjà subi un traumatisme ou de l’abus;

     

  • Les personnes qui s’identifient, ou qui sont perçues, comme étant lesbiennes, gaies, bisexuelles ou transgenres;

     

  • Les adolescents et les jeunes adultes sont plus susceptibles;

     

  • Les femmes sont plus susceptibles de subir de la victimisation;

     

  • Les personnes qui ont un handicap physique, une maladie mentale ou des troubles cognitifs/du développement.

     

Par exemple, une recherche sur la victimisation sexuelle dans les prisons américaines a permis de constater que bien que 4 % des prisonniers aient signalé avoir été victimes d’abus sexuel en prison, les proportions étaient beaucoup plus élevées parmi les populations les plus vulnérables. Par exemple, les groupes suivants ont subi de la coercition ou de la violence sexuelle dans l’année qui a précédé le sondage :

  • 6,3 % des détenus atteints d’une détresse psychologique grave;

     

  • 12,2 % des détenus non hétérosexuels;

     

  • 21 % des détenus non hétérosexuels atteints de détresse psychologique grave.

     

Note 16 Note 17 

 

La coercition et la violence sexuelles dans les prisons canadiennes

La question de la violence sexuelle en prison est rarement abordée dans l’opinion publique au Canada. Ce problème est surtout lié aux prisons américaines, mais nous savons que la coercition et la violence sexuelles existent dans les milieux carcéraux au Canada. Par contre, nous ignorons essentiellement dans quelle mesure ce phénomène touche le système carcéral canadien. Actuellement, aucun examen, aucune étude, aucun rapport et aucun article universitaire n’examine la portée du problème au Canada.

Il n’existe au Canada aucun équivalent à la Prison Rape Elimination Act (PREA), en vigueur aux États Unis, et il n’existe aucune exigence liée au signalement public pour faire face aux abus sexuels et à la violence sexuelle en milieu carcéral au Canada. Il existe un éventail complexe de politiques ainsi que de mesures administratives et juridiques pour faire face à ces problèmes, mais il n’y a aucune stratégie générale qui vise précisément et délibérément à prévenir la violence sexuelle dans les établissements correctionnels fédéraux au Canada. Pour cette raison, entre autres, nous ignorons la mesure dans laquelle le problème touche le système correctionnel canadien, ou la prévalence de celui-ci.

Cela dit, nous savons qu’une partie importante de la population carcérale canadienne dit prendre part à des activités sexuelles en détention. Par exemple, un Sondage national auprès des détenus, mené en 2007 par le Service correctionnel du Canada (SCC), a indiqué que 17 % des hommes incarcérés et 31 % des femmes incarcérées ont dit prendre part à des activités sexuelles pendant leur détention. Note 18 Contrairement aux sondages menés par le Bureau of Justice Statistics des États-Unis, les sondages auprès des détenus canadiens n’ont pas mis l’accent sur la question de savoir si ces activités sexuelles étaient consensuelles ou forcées.

En novembre 2018, The Edmonton Journal a publié un article sur les agressions sexuelles dans les prisons canadiennes. Note 19 Selon les conclusions présentées, aussi bien le système correctionnel fédéral que les systèmes correctionnels provinciaux avaient adopté des mesures très insuffisantes pour faire le suivi des agressions sexuelles impliquant des personnes incarcérées. Il semble que bien que certaines provinces utilisent des systèmes d’information qui ne sont pas interreliés et assurent une tenue inégale des registres (certaines administrations ne consignent que les cas d’agression sexuelle où des accusations ont officiellement été déposées), d’autres ne consignent tout simplement pas les allégations d’agression sexuelle.

Pour ce qui est du système correctionnel fédéral, la situation ne semble pas être tellement mieux. Selon le même article, entre 2013 et 2018, le SCC a été en mesure de relever, au total, 48 allégations formelles d’agressions sexuelles qui auraient été commises par des détenus sous responsabilité fédérale (dont 17 en 2017-2018 uniquement). Bien que ce nombre ne soit pas élevé, le nombre véritable de détenus qui ont été victimes de coercition et de violence sexuelles pendant cette période est sans aucun doute beaucoup plus élevé.

Actuellement, il n’existe aucune façon de déterminer de façon précise et systématique le nombre d’incidents liés à la coercition et à la violence sexuelles impliquant des détenus, et il n’y a aucune donnée ou recherche crédible qui indique l’importance du problème de la victimisation sexuelle dans les établissements correctionnels canadiens. Sans mécanisme de rapport, tenue de dossiers et recherches appropriés, le SCC risque d’utiliser cette absence de données probantes pour affirmer que le problème n’existe pas. Le fait d’ignorer ce problème ou de se fermer les yeux lorsqu’un incident se produit ne fait que renforcer une culture de silence et d’indifférence.

 

PRISON RAPE ELIMINATION ACT (PREA) 

Après que des défenseurs et des survivants ont fait des pressions pendant des décennies, en 2003, le Congrès des États Unis a adopté la Prison Rape Elimination Act (PREA) , qui visait à « analyser l’incidence et les conséquences des viols en prison dans les établissements fédéraux, des États et locaux », et à « fournir de l’information, des ressources, des recommandations et un financement afin de protéger les particuliers des viols en prison ».

La PREA avait comme objectif d’établir des normes nationales en matière de prévention des agressions sexuelles en milieu carcéral. De plus, cette loi demandait au Bureau of Justice Statistics du département de la Justice de mener régulièrement des sondages anonymes auprès des détenus au sujet des agressions sexuelles. Elle a mené à la création d’organismes tels que la National Prison Rape Elimination Commission , chargée d’élaborer des normes pour l’élimination des viols en prison, et le National PREA Resource Centre , qui offre une formation et une aide technique aux personnes qui travaillent dans le domaine correctionnel.

En 2012, le département américain de la Justice a diffusé les National Standards to Prevent, Detect, and Respond to Prison Rape . Au-delà de ces normes, les établissements correctionnels doivent éduquer aussi bien le personnel que les détenus sur la victimisation sexuelle, enquêter sur toutes les allégations d’agression sexuelle, consigner toute l’information sur les incidents dans le Survey of Sexual Victimization et divulguer l’information aux autorités compétentes.

Cette loi a mené à la réalisation de nombreuses études nationales sur les agressions sexuelles commises en prison aux États-Unis, ce qui a contribué à l’avancement des connaissances et des pratiques en ce qui a trait :

  • à l’estimation du nombre de cas de violence sexuelle en milieu carcéral;

     

  • à la compréhension de la dynamique de la violence sexuelle en milieu carcéral et à la façon de changer cette dynamique;

     

  • à la détermination des profils et des caractéristiques des agresseurs et des victimes;

     

  • à la régularisation du signalement de ces incidents et des enquêtes sur les agressions sexuelles;

     

  • à l’élaboration d’une formation et d’initiatives de prévention en milieu carcéral.

     

Note 20 Note 21 Note 22 

 

Contexte et but

La prévention de la violence sexuelle dans les prisons comprend aussi bien le respect des règles de longue date concernant la sécurité et la loi, que la promotion des droits de la personne dans le climat culturel actuel. À bien des égards, le système correctionnel canadien se trouve actuellement dans la situation où celui des États-Unis se trouvait avant l’entrée en vigueur de la PREA – il existe de nombreuses données non scientifiques portant sur des expériences individuelles d’abus sexuel dans le système correctionnel, mais très peu de données concrètes démontrant la dynamique d’un problème systémique connu de nombreuses personnes, ou permettant de trouver une solution.

Maintenant plus que jamais, particulièrement dans le contexte de mouvements sociaux comme #MoiAussi et #TimesUp, le Canada tire de l’arrière en ce qui a trait à la prévention de la violence sexuelle en milieu carcéral. Le Bureau innove en menant le tout premier examen systémique des enjeux longuement ignorés que sont la coercition et la violence sexuelles dans les établissements correctionnels fédéraux du Canada. Le Bureau a l’intention :

  • d’examiner les politiques et les pratiques actuellement en place dans le système correctionnel canadien pour repérer la coercition et la violence sexuelles dans les établissements fédéraux, en faire le suivi, prendre les mesures qui s’imposent et les prévenir;  

     
  • de relever les lacunes et les occasions d’apporter des améliorations aux politiques et aux pratiques pertinentes;  

     
  • de souligner les approches prometteuses qui pourraient permettre de favoriser les politiques et les pratiques visant à faire face à la violence sexuelle en prison et à la prévenir;  

     
  • de formuler des recommandations fondées sur des données probantes pour appuyer les progrès dans ce domaine;  

     
  • de donner une voix aux personnes touchées par la violence sexuelle en prison et aux survivants, qui sont trop souvent réduits au silence.  

     

Méthodologie

Les méthodes utilisées pour mener la présente enquête consistaient en trois composantes principales :

  1. Examen des politiques et des procédures du SCC et de la recherche en matière de coercition et de violence sexuelles  

     
  2. Analyse des rapports d’incidents officiels du SCC et enquêtes sur la coercition et la violence sexuelles impliquant des détenus  

     
  3. Rapports d’incident : Tous les rapports d’incident versés dans le Système de gestion des délinquant(e)s (SGD) du SCC qui ont été créés à la suite du signalement officiel d’un incident présumé de coercition ou de violence sexuelle impliquant un détenu sous responsabilité fédérale Note 23 ; et,  

     
  4. Rapports du Comité d’enquête (CE) : Tous les incidents de coercition ou de violence sexuelle impliquant des détenus sous responsabilité fédérale liés au SCC pour lesquels un CE a été convoqué. Note 24 Ces enquêtes internes, ordonnées ou menées à l’échelle locale (établissement) ou nationale, représentent un sous ensemble de tous les incidents, probablement ceux dont la nature est jugée plus grave ou qui auraient des conséquences plus graves.  

     
  5. Entrevues avec des employés du SCC et des détenus sous responsabilité fédérale  

     
  6. Entrevues avec des employés : Des employés occupant divers postes au SCC ont été choisis pour réaliser une entrevue, en fonction de leur rôle connu en ce qui a trait aux politiques dans la chaîne de responsabilité lorsque des incidents liés à la coercition ou à la violence sexuelle surviennent (p. ex. chefs des Services de santé, employés chargés de la sécurité et des opérations, gestionnaires correctionnels). Dans la mesure du possible, des employés qui occupent des postes de confiance auprès des détenus (p. ex. aumôniers, Aînés) ont aussi été rencontrés.  

     
  7. Entrevues avec des détenus : De nombreux défis pratiques et éthiques se posent lorsque nous tentons de mener des entrevues avec des victimes de coercition ou de violence sexuelle et des agresseurs. Afin d’atténuer les risques associés aux entrevues menées avec des personnes qui ont pu être victimes de coercition ou de violence sexuelle (directement ou indirectement), des entrevues volontaires avec des représentants de la population carcérale ont été menées. Plus précisément, on a invité des personnes occupant des postes comme ceux de présidents ou de représentants de comités du bien-être des détenus, des pairs agissant à titre de conseillers ou des défenseurs, des pairs ambassadeurs de santé et des représentants d’unités à discuter de la dynamique de la coercition et de la violence sexuelles dans les établissements du SCC.  

     

Conclusions : Examen des politiques et des procédures du SCC ainsi que de ses recherches sur la coercition et la violence sexuelles

Comme c’est le cas pour tous les types d’activité criminelle, lorsqu’une agression sexuelle est signalée au personnel du SCC, on doit immédiatement lancer des procédures de signalement et d’enquête, ainsi que répondre aux besoins des personnes impliquées dans l’incident. Selon le type, la gravité, la fréquence ou les conséquences de l’incident, des organismes externes (p. ex. la police) peuvent être mis à contribution, et l’incident peut faire l’objet d’une enquête menée par la Direction des enquêtes sur les incidents à l’administration centrale du SCC.

Actuellement, le SCC ne compte pas sur une directive du commissaire (DC) ou sur un ensemble de politiques particulier qui présente de façon détaillée la façon dont on s’attend à ce que les employés du SCC interviennent lorsqu’une agression sexuelle est signalée (ou lorsque l’on croit qu’une telle agression a eu lieu) dans un établissement fédéral. Les politiques et les procédures du SCC sur la façon d’intervenir à la suite d’incidents présumés liés à la coercition ou à la violence sexuelle sont intégrées à des directives et à des lignes directrices liées aux urgences générales en matière de santé, aux incidents de sécurité et aux violations de la loi par les détenus.

Actuellement, il existe seulement deux sources d’information qui offrent une orientation aux employés du SCC sur la façon d’intervenir lorsqu’un détenu signale une agression sexuelle :

  1. Que faire si un détenu est victime d’une agression sexuelle occupe une seule page sur le site Web interne du SCC, dans la section concernant les Services de santé. Cette page fournit de l’information de base, et met l’accent sur les procédures de signalement et la collecte d’éléments de preuve aux fins de l’enquête.  

     
  2. Lignes directrices canadiennes sur les infections transmissibles sexuellement – Annexe 7 : Intervention en cas d’agression sexuelle présumée est une annexe qui s’adresse presque exclusivement au personnel des Services de santé. Ce document compte trois pages et offre de l’information de base sur la façon dont le personnel infirmier doit recueillir et conserver les éléments de preuve physiques, donner des soins infirmiers aux détenus et signaler l’incident aux autorités internes. Le Bureau croit que ces lignes directrices font actuellement l’objet d’un examen, mais il ignore leur statut ou le moment où elles seront promulguées. Note 25  

     

Il semble, selon un examen des documents susmentionnés, que le secteur des Services de santé est le principal responsable de la gestion des agressions sexuelles. Cependant, en raison de la nature criminelle complexe et inhabituelle de ces incidents, une coordination rapide et efficace avec divers secteurs du SCC (p. ex. santé, sécurité et gestion correctionnelle) et des organismes externes (p. ex. police, GRC) serait nécessaire pour intervenir de façon appropriée lors de ces incidents et pour enquêter à leur sujet. Compte tenu de la brièveté des instructions inscrites dans les politiques et de leur manque de clarté au sujet de la façon dont le personnel doit intervenir lors de ces incidents, les principales préoccupations du Bureau sont les suivantes :

  • L’inaccessibilité des lignes directrices et des documents actuels. Les lignes directrices existantes sont enfouies dans la septième annexe aux lignes directrices du SCC sur les infections transmissibles sexuellement. Le placement de ces lignes directrices les rend moins accessibles au personnel, ce qui fait en sorte qu’elles seront probablement moins utilisées.  

     
  • La nature générale des lignes directrices actuelles. Elles ne sont pas suffisamment détaillées, elles manquent de clarté au sujet des rôles et des responsabilités de tous les employés en ce qui a trait aux échéances, aux types de services qui devraient être offerts et aux échéances liées à ceux ci (particulièrement en matière de santé mentale). De plus, il n’existe aucune ligne directrice claire sur ce qui doit être fait pour assurer la sécurité des victimes (et des agresseurs) lorsqu’une agression sexuelle présumée est signalée.  

     
  • Il n’y a aucune mention de la procédure à suivre lorsque des employés sont impliqués dans des allégations d’agression sexuelle, à l’exception d’une brève mention dans la DC-060 – Code de discipline , qui indique que les directeurs d’établissement doivent informer sans tarder le service de police local si un employé est impliqué dans un incident ou si des allégations d’inconduite qui constitue une infraction criminelle ont été formulées.  

     

La plus importante préoccupation du Bureau est l’absence d’un ensemble spécialisé et complet de politiques portant sur la coercition et la violence sexuelles impliquant des détenus sous responsabilité fédérale.

  1. Je recommande que le Service élabore une directive du commissaire distincte et précise en ce qui concerne les incidents liés à la coercition et à la violence sexuelles impliquant des détenus sous responsabilité fédérale. Cette directive devrait décrire en détail la façon dont tous les employés devraient intervenir lorsque des allégations d’agression sexuelle sont formulées, ou lorsque l’on soupçonne qu’un incident s’est produit. L’ensemble de politiques devrait aussi présenter en détail des mécanismes permettant de prévenir et de détecter de tels incidents, d’en faire le suivi, de les signaler ainsi que de mener des enquêtes connexes. Le SCC devrait examiner les travaux d’autres administrations qui ont élaboré des approches complètes à l’égard des politiques et des pratiques (p. ex. Prison Rape Elimination Act ) en matière d’agressions sexuelles contre des détenus.  

     

Sondage national auprès des détenus sur la coercition et la violence sexuelles dans les établissements du SCC

Tout au long de cette enquête, le Bureau a appris que même si le SCC a déjà mené de nombreux sondages nationaux auprès des détenus sur plusieurs sujets, y compris l’activité sexuelle des détenus, il n’a jamais fait de recherche sur la violence sexuelle en prison. Cela s’explique en grande partie par le fait que le nombre de cas de coercition et de violence sexuelles dans les établissements fédéraux du Canada est actuellement inconnu.

L’an dernier, le Bureau a appris que le SCC était en train d’élaborer un sondage national sur la santé des détenus sous responsabilité fédérale, et que ce sondage comprendrait une section sur la santé sexuelle. En octobre 2019, grâce à une correspondance avec les Services de santé du SCC à l’administration centrale, le Bureau a appris que l’ébauche du sondage incluait une question sur les agressions sexuelles. La question était ainsi rédigée :

Dans le contexte de l’enquête en cours, le Bureau a formulé des conseils et des commentaires à l’intention du SCC sur la façon de revoir la question existante (p. ex. inclure une période plus longue que 6 mois) et a suggéré l’ajout d’autres questions sur la coercition sexuelle pour tenter d’améliorer la qualité et l’exactitude du sondage ainsi que d’estimer le nombre de cas de coercition et de violence sexuelles.

Après de nombreuses tentatives visant à obtenir une ébauche complète du sondage, le 31 janvier 2020, à la demande de la commissaire, le Bureau a finalement reçu une copie. En examinant le sondage, on a pu constater que non seulement aucune question n’avait été ajoutée, mais que le SCC avait retiré la seule question portant sur la coercition et la violence sexuelles.

Compte tenu de la nécessité évidente d’acquérir une meilleure compréhension de la portée et de la nature de la coercition et de la violence sexuelles dans les établissements fédéraux ainsi que de l’échec manifeste du Service à cet égard et de sa réticence à mener de tels travaux :

 

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique demande que le SCC désigne des fonds pour la réalisation d’une étude sur le nombre de cas, à l’échelle nationale, de coercition et de violence sexuelles impliquant des détenus dans les établissements fédéraux. Le sondage devrait être élaboré et mené par des experts externes complètement indépendants, qui devraient aussi présenter les résultats publiquement. Ces experts devraient posséder l’expérience et les capacités nécessaires pour mener une recherche à ce sujet dans un milieu correctionnel.  

     

Conclusions : Analyse des rapports d’incident officiels du SCC et des rapports du comité d’enquête portant sur la coercition et la violence sexuelles impliquant des détenus

Conformément aux politiques du SCC, si un incident survient (comme une agression sexuelle présumée), les employés doivent consigner et signaler les détails relatifs à l’incident dans des documents tels que des Rapports de déclaration ou d’observation, qui sont ensuite utilisés pour orienter les rapports d’incident créés et classés dans le SGD du SCC. Les rapports d’incident sont habituellement remplis par les directeurs d’établissement, et ils peuvent être utilisés à titre d’information générale si un CE est convoqué à la suite de l’incident en question. Note 26 

Selon la gravité, les possibles conséquences, la fréquence et le type d’incident, le signalement des incidents peut mener à un CE formel (à l’échelle locale ou nationale) convoqué par la Direction des enquêtes sur les incidents (DEI) du SCC. Note 27 Selon le SCC, un CE vise à évaluer les circonstances entourant l’incident et à présenter un rapport à ce sujet; à fournir de l’information au SCC afin de prévenir des incidents similaires; à apprendre des pratiques exemplaires et à les diffuser; et à publier des conclusions et des recommandations. Note 28 Pour les incidents en raison desquels la conduite d’employés fait l’objet d’une enquête, la nécessité de tenir une enquête disciplinaire et d’imposer de possibles sanctions est déterminée par une autorité distincte du SCC, et l’enquête ainsi que les sanctions sont assujetties au processus de règlement des plaintes et des griefs.

En l’absence de données sur le nombre de cas à l’échelle nationale, ou de sources de données particulières permettant de consigner les incidents liés à la coercition et à la violence sexuelles, dans le cadre de l’enquête actuelle, tous les rapports d’incident et tous les rapports de CE établis depuis cinq ans relativement à des incidents de violence sexuelle impliquant un détenu ont été inclus. Notre recherche a produit un total de 72 incidents uniques de coercition ou de violence sexuelle qui ont fait l’objet d’un rapport officiel ou sur lesquels le SCC a officiellement enquêté d’avril 2014 à 2019. Note 29 La section suivante contient un résumé des conclusions tirées à la suite de l’analyse des données extraites des rapports d’incident du SCC (SGD) et des rapports d’enquête (CE).

Population de détenus autochtones dans des établissements fédéraux depuis 2001


Graphique illustrant le nombre d’incidents d’agression et de violence sexuelles (AVS) signalés officiellement de 2014 à 2019. •	En 2014, il y a eu huit incidents d’AVS; Neuf en 2015; Six en 2016; Quinze en 2017; Quinze en 2018; Dix-neuf en 2019. Le graphique met en évidence une augmentation du nombre d’incidents d’AVS signalés officiellement depuis 2014.

A. Rapports d’incident

D’avril 2014 à 2019, il y a eu un total de 67 rapports d’incident portant sur des agressions sexuelles impliquant un détenu sous responsabilité fédérale. Au fil du temps, le nombre d’incidents signalés a augmenté, et près de 30 % de tous les cas signalés se sont produits en 2019.

Où la majorité des incidents liés à la coercition ou à la violence sexuelle qui ont été signalés se sont ils produits?

Au total, au moins une agression sexuelle présumée impliquant un détenu s’est produite dans 22 établissements distincts pendant la période visée par l’enquête. Selon les rapports d’incident, nous avons été en mesure de déterminer dans quels établissements le plus grand nombre de cas ont été signalés. Les établissements occupant les trois premiers rangs étaient : 1) Établissement de Warkworth; 2) Établissement de Bath; 3) Établissement de la vallée du Fraser. Note 30 De façon générale, les incidents ont surtout été signalés dans des établissements à sécurité moyenne (42 %) ou à niveaux de sécurité multiples (39 %). Seulement huit incidents ont été signalés dans des établissements à sécurité maximale. Cela pourrait s’expliquer par diverses raisons. Il est possible que l’ incidence de ce type d’infraction soit plus faible dans les établissements à sécurité maximale en raison des restrictions plus sévères liées aux déplacements des détenus dans ces établissements. C’est peut-être aussi, ou plutôt, en raison d’une faible fréquence de signalement de ces types d’incidents dans les établissements à sécurité maximale. Par exemple, les détenus de ces établissements sont peut être moins susceptibles de signaler une agression sexuelle en raison des risques (réels ou perçus) plus élevés et des facteurs de dissuasion associés au signalement dans ce contexte, comparativement aux établissements dont le classement de sécurité est inférieur. Si c’est le cas, ces résultats démontrent que le nombre d’incidents de coercition ou de violence sexuelle dans les établissements à sécurité maximale est encore plus sous-estimé. Cependant, sans données fiables à l’échelle nationale, il est impossible de déterminer les facteurs qui expliquent ces conclusions.

Qui est habituellement impliqué dans les incidents liés à la coercition ou à la violence sexuelle?

À la suite de l’analyse des rapports d’incident, nous avons été en mesure de déterminer qu’au total, il y a eu 73 victimes uniques et 66 instigateurs/agresseurs uniques. Dans la vaste majorité des cas (85 %), la victime et l’agresseur étaient des détenus, mais dans 12 % des cas, un membre du personnel a été agressé par un détenu, et un incident impliquait un membre du personnel qui a agressé un détenu. Note 31 

La majorité des incidents ont été signalés dans des établissements pour hommes. Cependant, bien que les femmes ne représentent qu’environ 5 % de la population carcérale, un tiers (33 %) des agressions sexuelles signalées provenaient d’établissements pour femmes. Cela correspond aux conclusions tirées dans la documentation générale sur les agressions sexuelles, selon lesquelles les femmes sont plus susceptibles que les hommes de signaler les agressions sexuelles aux autorités. Cependant, cela fait en sorte qu’il est plus difficile de déterminer si la grande proportion d’incidents signalés dans les établissements pour femmes indique que plus d’incidents surviennent dans ceux-ci, ou que les femmes ont plus tendance à signaler ces incidents lorsqu’ils surviennent. Encore une fois, des données nationales sur le nombre de cas permettraient de savoir davantage ce qui explique cette différence.

Quels types d’incidents se sont produits et de quelle façon les a-t-on gérés?

Selon l’information fournie dans les rapports d’incident, plus de la moitié des cas (54 %) étaient classifiés comme étant des attouchements sexuels non désirés, et au moins 10,5 % impliquaient du sexe oral et/ou une pénétration forcés. Note 32 Dans 10 % des cas, des renseignements indiquaient que la victime occupait la même cellule que l’agresseur présumé au moment de l’incident. Il est probable que la proportion réelle soit beaucoup plus élevée, puisque le fait que la victime et l’agresseur présumé occupaient la même cellule n’était pas toujours signalé.

Selon l’information disponible, on estime que les agresseurs ont été placés en isolement en raison de l’incident présumé dans 40 % des cas et que 10 % des victimes ont aussi été placées en isolement. Dans presque tous les cas (90 %), de l’information indiquait que l’on avait communiqué avec la police, mais des accusations ont été portées dans seulement 12 % des cas. La raison la plus souvent évoquée pour ne pas porter d’accusation était que la victime avait choisi de ne pas le faire.

B. Rapports de comités d’enquête

Un comité d’enquête a été convoqué pour moins du tiers des 72 incidents de coercition ou de violence sexuelle signalés au cours des cinq années (c.-à-d. pour un total de 23 incidents). Fait important, en raison des critères qui doivent être remplis pour qu’un comité d’enquête soit convoqué, les incidents pour lesquels cette mesure a été adoptée représentent probablement les cas les plus graves de coercition ou de violence sexuelle. Ils ne représentent donc peut-être pas les types d’incidents les plus fréquents.

Les 23 rapports de comités d’enquête portaient sur 33 incidents distincts (un rapport d’enquête traitait de quatre victimes/incidents), mettant en cause 32 victimes uniques et 24 agresseurs uniques. Ce qui est peut-être un indicateur de la gravité de certains incidents, c’est que la majorité (82 %) d’entre eux ont mené à une enquête nationale (seulement deux cas ont fait l’objet d’une enquête locale ou à l’établissement). Note 33 

Nous avons constaté, à partir des données tirées des rapports d’incident, que la majorité des incidents qui ont fait l’objet d’une enquête de la part d’un comité sont survenus dans un établissement à sécurité moyenne (60,6 %) et que (21,2 %) se sont produits dans un établissement à sécurité maximale. Dans tous les cas, sauf un, un détenu en a agressé un autre. Lors du seul autre incident, un membre du personnel a agressé un détenu sexuellement. Note 34 Près de la moitié des incidents (46 %) impliquaient plus d’une victime (de deux à six). Dans plus de la moitié des cas (58 %), plus d’une agression sexuelle a été signalée. Ces conclusions semblent indiquer que dans de nombreux cas, les incidents liés à la coercition ou à la violence sexuelle ne sont pas des incidents isolés. Comme l’indique la documentation, les agresseurs et les victimes sont plus susceptibles de récidiver ou d’être à nouveau victimes à l’avenir.

Quelles sont les caractéristiques des victimes et des agresseurs impliqués dans des incidents de coercition ou de violence sexuelle?

À partir des renseignements démographiques les plus souvent accessibles dans les rapports de comités d’enquête, il a été possible de bâtir un profil des victimes et des agresseurs. Note 35 La majorité des victimes et des agresseurs étaient des hommes, détenus dans un établissement à sécurité moyenne (voir le tableau 1).

Conformément à la documentation générale sur la violence sexuelle, on a constaté que les victimes étaient plus vulnérables que les agresseurs en raison de divers facteurs. En moyenne, nous avons constaté que les victimes :

  • étaient plus jeunes que les agresseurs (34,2 ans comparativement à 42,3 ans, respectivement);  

     
  • purgeaient des peines plus courtes que les agresseurs (8,1 ans comparativement à 15,3 ans, respectivement);  

     
  • étaient plus susceptibles de purger leur première peine de ressort fédéral que les agresseurs (69 % comparativement à 30,3 %);  

     
  • étaient plus susceptibles d’avoir de graves problèmes de santé mentale (60,6 % comparativement à 45,5 % des agresseurs) ou des troubles ou retards cognitifs (25 % comparativement à 18%);  

     
  • étaient moins susceptibles d’avoir été déclaré délinquant dangereux (9 % comparativement à 18,2 %);  

     
  • étaient moins susceptibles de purger une peine d’emprisonnement à vie (6 victimes comparativement à 15 agresseurs);  

     
  • étaient moins susceptibles d’avoir déjà commis une agression sexuelle (33,3 % comparativement à 42,4 %).  

     
2ELGBTQQIA+

Dans l’ensemble, un grand nombre des victimes et des agresseurs étaient des personnes 2ELGBTQQIA+. Note 36 Plus précisément, certaines données démontraient qu’au moins le tiers des agresseurs et 15 % des victimes se disaient membres de la communauté 2ELGBTQQIA+. Bien que cela ait été signalé moins souvent, au moins 12 % des victimes et 18,2 % des agresseurs étaient des personnes transgenres. Les membres de la communauté 2ELGBTQQIA+ sont surreprésentés, particulièrement en tant que victimes de crimes sexuels, ce qui correspond à la recherche sur la violence sexuelle. Cela démontre clairement qu’il est nécessaire de mener des efforts de prévention pour protéger des groupes particuliers qui sont plus vulnérables à la coercition ou à la violence sexuelle. Comme c’est le cas pour les autres facteurs, il est possible que la proportion de personnes 2ELGBTQQIA+ impliquées dans des cas de coercition ou de violence sexuelle soit encore plus élevée que ce que nous avons pu constater grâce aux rapports d’enquête rédigés par des comités, puisque l’information sur l’identité et l’expression de genre n’était pas signalée systématiquement.

Tableau 1. Analyse des comités d’enquête – Profil des victimes et des agresseurs

 

Victimes 

Agresseurs 

Âge moyen 

34,2

42,3

Genre % 

 

 

Homme

64

70

Femme

33

21

Autre

3

9

Ethnicité % 

 

 

Blanc/caucasien

60,6

27,3

Autochtone

30,3

45,4

Noir

0

9

Autre

0

6

Non signalé

9

9

Niveau de sécurité % 

 

 

Minimale

6

3

Moyenne

67

69,7

Maximale

21

21,2

Durée moyenne de la peine (années) 

8,1

15,3

Première peine de ressort fédéral % 

69

30,3

Infractions à l’origine de la peine les plus graves % 

 

 

Infraction d’ordre sexuel

36,4

24

Meurtre

18,2

21

Infraction avec violence

40

Délinquant dangereux % 

9

18,2

2SLGBTQQIA+ % 

15,2

33,3

Transgenre %

12

18,2

Problèmes de santé mentale graves % 

60,6

45,5

Troubles ou retards cognitifs % 

25

18

Antécédents en matière d’agressions sexuelles % 

33,3

42,4

A déjà été victime d’une agression sexuelle % 

21,2

18

Remarque : Les pourcentages ne totalisent peut être pas cent pour cent, puisque l’information n’a pas été fournie dans certains cas.

 

Antécédents de violence sexuelle

Une grande proportion des agresseurs présumés (42,4%) avaient déjà commis une agression sexuelle. Plus important encore, environ 50 % des agresseurs avaient déjà commis une agression sexuelle pendant qu’ils étaient détenus. Il est à noter que le tiers des victimes avaient déjà commis des infractions d’ordre sexuel. Les taux de victimes d’agression sexuelle étaient semblables dans les deux groupes (21,2 % et 18 %), mais ces facteurs n’étaient pas signalés fréquemment, ce qui fait en sorte que nous sous estimons probablement le véritable taux de victimisation dans les deux groupes. De toute évidence, les personnes qui ont déjà commis une agression sexuelle dans un milieu carcéral risquent davantage de commettre ce type de crime de nouveau à l’avenir.

Sur quels types d’incidents les comités d’enquête se sont-ils penchés?

En raison des critères nécessaires pour qu’un comité d’enquête soit convoqué, on s’attendait à ce que les incidents faisant partie de cet échantillon représentent les cas les plus graves. Selon notre examen, les rapports rédigés par les comités d’enquête traitaient de divers types de comportements :

  • 63 % des cas impliquaient des pressions verbales ou des avances sexuelles non souhaitées de la part d’un autre détenu;  

     
  • 51,5 % des cas impliquaient des attouchements sexuels non désirés de la part d’un autre détenu;  

     
  • le tiers des cas impliquaient une pénétration forcée de la part d’un autre détenu;  

     
  • près du quart des cas impliquaient du sexe oral forcé de la part d’un autre détenu;  

     
  • 36,4 % des cas impliquaient « d’autres formes » de violence sexuelle. Note 37  

     

La cellule de la victime est l’endroit le plus fréquent où les incidents se sont produits (21,2 % des cas). Sinon, il est tout aussi probable qu’ils se soient produits dans la cellule de l’agresseur ou dans une aire commune. On a signalé qu’au moins 12 % des incidents impliquaient une victime et un agresseur qui partageaient une cellule.

Il est plus difficile de le déterminer, mais le « motif » était décrit pour le tiers des agressions. Il pouvait être, entre autres :

  • des actes sexuels en échange de biens ou pour rembourser des dettes;  

     
  • une satisfaction sexuelle déviante (p. ex. attouchements chroniques);  

     
  • des relations en apparence « consensuelles » qui sont devenues abusives (p. ex. dans 18,2 % des cas, certaines données démontraient que la victime et l’agresseur avaient entretenu une relation amoureuse avant l’incident sous enquête ou entretenaient une telle relation au moment de l’incident);  

     
  • une punition pour les infractions d’ordre sexuel commises par la victime;  

     
  • de la « chamaillerie » qui est allée trop loin (selon la description des enquêteurs et des employés du SCC);  

     
  • du chantage, de la rage ou de la jalousie.  

     

Problèmes importants qui ressortent des rapports des comités d’enquête

En plus de l’information et des caractéristiques quantifiables touchant les particuliers et les incidents, les rapports des comités d’enquête ont permis de relever des problèmes systémiques entourant chaque cas ou mis en évidence par chacun d’entre eux, soit grâce aux conclusions et aux recommandations formulées par les comités d’enquête, soit par l’intermédiaire de notre propre analyse de l’échantillon. Voici certains des principaux problèmes.

Inaccessibilité des politiques du SCC et manque de connaissances du personnel à ce sujet

L’une des conclusions les plus fréquentes dans les rapports des comités d’enquête était que les lignes directrices existantes sont inaccessibles et, en corollaire, que les connaissances du personnel relativement à la façon d’intervenir lors d’incidents liés à la coercition ou à la violence sexuelle étaient insuffisantes. Par exemple, parmi les préoccupations soulevées le plus fréquemment dans les rapports des comités d’enquête, citons le fait que le personnel n’avait jamais vu l’annexe 7 – Intervention en cas d’agression sexuelle présumée . Comme l’indique un rapport :

L’insertion de l’annexe 7 – Intervention en cas d’agression sexuelle présumée dans des lignes directrices destinées au personnel des Soins de santé fait en sorte qu’il se révèle difficile pour le personnel de première ligne d’en être informé ou d’y avoir accès. Si l’annexe 7 – Intervention en cas d’agression sexuelle présumée ou une version modifiée du document était plus facilement accessible au personnel de première ligne, cela aiderait à assurer une intervention rapide, appropriée et intégrée de la part du personnel opérationnel et de celui des Services de santé lorsque des allégations d’agression sexuelle sont formulées. 

 

Près du tiers de toutes les recommandations formelles tirées des rapports de comités d’enquête rédigés en avril 2014 ou à une date ultérieure soulignent la nécessité de rendre les lignes directrices existantes plus accessibles et de faire des rappels au sujet de l’endroit où se trouve l’information. Plus précisément, cette recommandation a été formulée six fois dans des rapports de comités d’enquête entre 2014 et 2018. De toute évidence, le SCC doit fournir davantage de directives stratégiques, et en améliorer l’accessibilité, afin de mieux outiller le personnel pour qu’il puisse intervenir rapidement et efficacement lors d’incidents de cette nature.

Processus d’intervention qui varient selon l’établissement

L’un des avantages de mener un examen ciblé d’un type d’incident en particulier, comme celui-ci, est que cela permet de faire une comparaison systémique des interventions menées lors de ces incidents dans divers établissements, au fil du temps. Il était évident, en ce qui a trait à cet aspect de l’enquête, que les établissements intervenaient de façon très différente à la suite d’incidents de coercition ou de violence sexuelle. Cela est sans doute attribuable en grande partie au fait que les lignes directrices sont enfouies dans l’annexe de la politique sur les soins de santé. Il y avait très peu de conformité parmi les interventions face aux incidents, à l’exception peut-être du fait qu’on a appelé la police dans presque tous les cas (94 %).

Des variations existaient par contre pour la plupart des autres procédures et interventions, notamment en ce qui concerne les délais relatifs à l’établissement de rapports, les personnes (dans les établissements) qui ont été informées des incidents, le moment où on a appelé la police, ainsi que la façon dont on est intervenu auprès des victimes et des agresseurs et les services qui leur ont été offerts. Ces conclusions font ressortir encore davantage la nécessité d’une politique complète, détaillée et accessible sur les interventions en cas d’incidents liés à la coercition ou à la violence sexuelle. De plus, cela indique que le SCC devrait étudier la possibilité d’adopter une autre approche systémique en matière d’enquête sur les incidents de cette nature, plutôt que de seulement les examiner individuellement ou de façon isolée. Le fait d’examiner chaque cas séparément nous empêche d’ avoir une vue d’ensemble . En revanche, l’adoption d’une approche systémique nous permettrait de relever les tendances, les lacunes et peut être même des pratiques prometteuses.

Retards dans le signalement des incidents aux autorités

Notre analyse a révélé de nombreux cas où on a tardé à signaler les incidents aux autorités après que le personnel a été informé des allégations. Dans nombre de ces cas, les retards s’expliquaient par le fait que l’établissement a tenté de régler le problème à l’interne, ou de « justifier » l’allégation lui-même. Dans plus du quart des cas, si le personnel a tardé à signaler l’incident aux autorités supérieures de l’établissement ou de la région, ou à la police, c’est parce qu’on n’a pas cru la victime au départ.

Il est crucial d’intervenir rapidement lors d’agressions sexuelles, surtout pour assurer la sécurité de toutes les personnes impliquées. De plus, le fait de tarder à signaler l’incident peut compromettre la capacité de la police et d’autres autorités de mener une enquête appropriée au sujet de l’incident en question. Dans certains cas où les responsables de l’établissement ont tardé à signaler l’indicent, on a remarqué que cela a directement mené à la perte d’éléments de preuve importants (p. ex. preuves médico légales, souvenirs des personnes impliquées), ou a fait en sorte que les victimes ou les témoins ont changé d’idée et n’étaient plus prêts à déposer des accusations ou à parler à la police. Dans le tiers des cas, les victimes n’ont reçu aucun service médical ou n’ont fait l’objet d’aucune évaluation médicale dans un délai raisonnable (c.-à.-d. « dans l’immédiat »), comme le décrit la politique sur les soins de santé du SCC. Toutes les allégations d’agression sexuelle doivent être traitées non seulement comme une urgence médicale, mais aussi comme étant crédibles jusqu’à ce que l’on détermine qu’elles ne le sont pas au cours d’une enquête formelle de la police.

Étude de cas : Détenus vulnérables et délinquants sexuels à risque élevéS

Un comité d’enquête nationale dans un établissement à sécurité moyenne pour hommes a recommandé que l’autorité régionale mène un examen de la stratégie de gestion de la population dans cet établissement, en raison du nombre très élevé de détenus vulnérables (p. ex. personnes âgées, problèmes de santé mentale, handicaps physiques) et de délinquants sexuels à risque élevé qui y sont détenus (en raison du Programme d’intensité élevée pour délinquants sexuels qui y est offert).

La région a rejeté la recommandation puisqu’elle : 1) ne croyait pas que les agressions sexuelles étaient liées au fait que des délinquants sexuels à risque élevé se trouvent à proximité immédiate de détenus vulnérables; 2) croyait que cet établissement n’est pas le théâtre d’un grand nombre d’incidents de ce genre. De plus, la région a indiqué que les pratiques en matière de sécurité dynamique en place dans l’établissement seraient suffisantes pour veiller à la sécurité des personnes vulnérables.

Depuis que cette enquête a été menée, au moins 7 incidents de violence sexuelle ont été signalés dans cet établissement uniquement. En outre, cet établissement se trouve parmi les trois établissements où le plus grand nombre d’incidents de coercition ou de violence sexuelle se sont produits, parmi tous les établissements du SCC. Ce cas illustre la réticence du SCC à s’interroger, même lorsque des éléments de preuve démontrant l’existence d’un problème lui sont présentés; une aversion à prendre des mesures proactives (ou même réactives) pour protéger ses détenus les plus vulnérables; des occasions manquées de mettre en œuvre des recommandations avisées, même celles formulées à l’interne; et le fait qu’il a ignoré le problème de la violence sexuelle dans ses établissements.

Absence d’efforts proactifs en matière de prévention, particulièrement pour la protection des populations vulnérables

Conformément à la documentation générale sur la violence sexuelle, il est évident, selon le profil des victimes, que la vaste majorité d’entre elles avaient des caractéristiques qui pouvaient faire en sorte qu’elles étaient plus susceptibles d’être victimes d’une agression sexuelle (p. ex. problèmes de santé mentale, antécédents de victimisation, identité ou expression de genre). Le SCC a des critères de filtrage, compte sur une classification et mène des procédures d’évaluation des risques qui devraient orienter le personnel afin qu’il attribue les cellules de façon sécuritaire, mais on a remarqué que dans de nombreux cas, des détenus vulnérables étaient placés très près d’individus qui risquaient fort d’adopter un comportement de prédateur sexuel, ou que ces détenus avaient accès à des personnes vulnérables. Comme l’illustre l’étude de cas susmentionnée, le SCC n’a mis en œuvre aucune recommandation, il n’a entrepris aucune réforme judicieuse des politiques et il n’a pas adopté de pratiques qui visent à veiller à la sécurité des victimes les plus vulnérables face à la coercition et à la violence sexuelles. Le fait de s’en remettre à la notion générale de « sécurité dynamique » n’est simplement pas suffisant. Autre problème confirmé lors de nos entrevues avec des membres du personnel et des détenus : le SCC ne compte pas sur une stratégie préventive particulière pour les incidents liés à la coercition et à la violence sexuelles, notamment pour les personnes les plus vulnérables.

  1. Je recommande que le Service élabore une stratégie fondée sur des données probantes pour prévenir la coercition et la violence sexuelles impliquant des détenus, en portant une attention particulière aux personnes ou aux groupes qui sont plus susceptibles d’être victimes de tels incidents.  

     
Mauvaise identification et suivi/signalement insuffisant des agresseurs

Selon le profil des agresseurs, un nombre important d’entre eux ont déjà commis des infractions d’ordre sexuel, en plus d’avoir commis des infractions liées à la coercition ou à la violence sexuelle en établissement. Malgré cela, le SCC ne semble pas avoir adopté d’approche particulière permettant de repérer, de signaler, de suivre ou de gérer les auteurs d’actes de coercition ou de violence sexuelle en établissement et, ce qui est particulièrement préoccupant, les agresseurs récidivistes ou chroniques Note 38 . Selon notre examen des rapports des comités d’enquête, dans certains cas, les agresseurs présumés ont simplement été déplacés au sein de l’établissement ou transférés dans un autre établissement, sans qu’une intervention significative soit menée pour prévenir de futurs incidents. Plus précisément, dans 42 % des cas, les agresseurs ont été transférés contre leur gré dans un autre établissement, mais dans seulement l’un de ces cas a t on indiqué que l’établissement d’accueil avait reçu de l’information au sujet de la raison précise du transfèrement du détenu et du risque qu’il représentait pour la population de l’établissement. Trois rapports distincts formulaient des recommandations au sujet de la nécessité de compter sur de meilleurs mécanismes en ce qui a trait aux alertes dans le SGD. Malgré cela, aucune amélioration n’a été apportée à ce sujet.

  1. Je recommande que, dans l’intérêt de la sécurité du personnel et des détenus, le SCC élabore un indicateur particulier dans le SGD pour les auteurs d’actes de coercition ou de violence sexuelle dans les établissements, et qu’il utilise cet indicateur pour orienter les stratégies de gestion de la population afin d’atténuer les risques potentiels et de veiller à la sécurité des personnes (détenus et membres du personnel) vulnérables.  

     
Mandat des comités d’enquête non exécuté

En plus des enjeux soulevés au sujet des interventions des établissements lors d’incidents liés à la coercition ou à la violence sexuelle, notre enquête a permis de souligner d’importantes lacunes dans le processus associé aux comités d’enquête. De nombreux rapports étaient détaillés et offraient des recommandations prometteuses, mais dans la majorité des cas, trop souvent, l’enquête mettait l’accent sur la conformité générale ou, indirectement, sur les politiques et les particularités des procédures, au point où des problèmes criants présentant un intérêt pour l’enquête sur les incidents étaient mis de côté ou complètement ignorés. Beaucoup d’énergie et de ressources étaient consacrées à l’établissement d’une chronologie détaillée des événements, et beaucoup moins d’attention était accordée à l’examen de la dynamique des incidents et à la formulation de leçons à tirer de ces cas.

Il a été décevant de constater que la majorité des enquêtes ne remplissaient pas leur mandat particulier de fournir de l’information dans le but de prévenir des incidents similaires, d’apprendre des pratiques exemplaires et de les diffuser, ou de formuler des recommandations. Elles ne traitaient presque pas de la prévention ou des pratiques exemplaires, et la moitié des rapports des comités d’enquête ne contenaient aucune recommandation. On pourrait tirer beaucoup de ces rapports si le mandat de ces enquêtes était exécuté avec l’intention de mener une introspection et d’apporter des changements. Comme le Bureau l’a déjà mentionné, la capacité des enquêtes du SCC de répondre à ces attentes de façon constante est moins certaine.

 

Extrait d’un rapport d’un comité d’enquête qui ne présentait AUCUNE recommandation

Malgré les observations du Comité et son signalement des éléments suivants :

  • Les connaissances insuffisantes, parmi le personnel, des procédures requises;  

     
  • La piètre communication parmi le personnel de l’établissement;  

     
  • Les répercussions négatives de l’inaction du personnel sur le bien être de la victime et sur les services qui lui ont été offerts;  

     
  • Les répercussions négatives de l’inaction du personnel sur la collecte d’éléments de preuve et la façon dont cela a peut être compromis l’enquête.  

     

Ce comité d’enquête n’a formulé aucune recommandation et n’a nommé aucun changement qui pourrait être fait pour améliorer les politiques ou les pratiques, ou pour prévenir de futurs incidents. De toute évidence, ce comité n’a pas exécuté son mandat et n’a pas rempli son objectif, et les occasions d’apprendre dont on aurait pu tirer profit à la suite de cette enquête ont été perdues.

 

Conclusions : Entrevues avec des membres du personnel et des détenus

Puisque tous les incidents de violence sexuelle ne sont pas signalés, qu’il s’agit d’un enjeu complexe et que l’utilisation de données administratives ou internes présente des limites, il était important d’obtenir le point de vue de membres du personnel et de détenus. Pour cette composante, les enquêteurs ont mené des entrevues dans quatre régions, dans sept établissements au total. Nous avons rencontré 36 personnes (21 détenus et 15 membres du personnel). Note 39 La participation aux entrevues semi structurées avec les membres du personnel et les détenus était volontaire, et les entrevues étaient menées individuellement ou en petits groupes, selon les préférences des personnes rencontrées. Les membres du personnel et les détenus n’étaient jamais rencontrés ensemble. En raison de la nature sensible du sujet faisant l’objet des discussions, des efforts ont été faits pour veiller à ce que des représentants des services de santé mentale soient disponibles pour rencontrer les participants aux entrevues.

Entrevues avec des membres du personnel

Des entrevues avec des employés du SCC occupant divers postes (personnel de l’AC, chefs des Services de santé, gestionnaires correctionnels, ARS) ont été menées pour connaître leur point de vue sur l’étendue et la dynamique des incidents de coercition ou de violence sexuelle impliquant des détenus, sur la façon dont ces incidents sont traités lorsqu’ils sont signalés, et sur les aspects à améliorer, particulièrement en ce qui a trait à la prévention.

Victimes de coercition et de violence sexuelles et agresseurs

Lorsqu’on a demandé aux membres du personnel quelles étaient les caractéristiques des personnes qui avaient tendance à être impliquées dans des incidents et quelle était la dynamique de ces derniers, ce qu’ils nous ont dit corroborait beaucoup de choses que nous avions observées dans les rapports d’incident et les rapports des comités d’enquête. Plus précisément, ils ont indiqué ce qui suit :

  • Les victimes sont généralement les personnes les plus vulnérables – capacités mentales limitées, problèmes de santé mentale, détenus « passifs », important problème de toxicomanie (particulièrement les personnes endettées), lésion cérébrale acquise et personnes transgenres.  

     
  • Les agresseurs ont été décrits comme étant probablement ceux qui avaient déjà commis des infractions d’ordre sexuel et comme étant généralement de nature plus « prédatrice » ou « déviante » que les autres.  

     
  • Les incidents se produisent probablement dans les établissements où les détenus sont « plus libres » (sécurité moyenne et minimale) puisque les conséquences dans les établissements à sécurité maximale sont trop importantes, et la surveillance accrue y limite le nombre d’occasions de commettre ces types d’infraction.  

     
  • Les motifs à l’origine de ces types d’infractions sont probablement davantage de nature instrumentale ou transactionnelle, plutôt que d’être liés à la satisfaction ou à la prédation sexuelle. Par exemple, les membres du personnel ont indiqué qu’ils croyaient que ces infractions étaient principalement commises par des individus qui s’attaquaient à ceux qui avaient des dettes qu’ils ne pouvaient rembourser. Nous avons aussi entendu de la part de membres du personnel que certaines personnes sont très susceptibles de faire de fausses allégations contre d’autres détenus qu’elles n’aiment tout simplement pas, ce qui complique les interventions en cas d’incident.

     

  • Les membres du personnel nous ont dit à maintes reprises qu’il est fort probable que bon nombre de ces types d’infractions ne sont pas signalées, notamment en ce qui concerne certains types de personnes (p. ex. des membres d’un gang qui ne signaleraient jamais un incident s’ils savaient qu’il s’était produit ou s’ils en avaient été victimes), puisque les conséquences d’une dénonciation sont trop importantes pour les victimes et les témoins.  

     
Un manque de leadership

À la suite des entrevues avec des membres du personnel, il était évident qu’aucun secteur du SCC ne jouait un rôle de chef de file au sujet de cet enjeu. Plus précisément, lorsqu’on a demandé aux membres du personnel des Soins de santé qui sont chargés de surveiller ce problème, ils ont indiqué que la coercition et la violence sexuelles sont des enjeux liés à la sécurité. Lorsqu’on a posé la question au personnel chargé de la sécurité et aux gestionnaires correctionnels, ils ont répondu que la coercition et la violence sexuelles étaient des enjeux liés à la santé. Nous avons entendu le même type de contradiction lors de nos réunions avec des représentants du Secteur des soins de santé et de la Direction des enquêtes sur les incidents (DEI) à l’AC. Les représentants de la DEI ont maintenu que les quelques enquêtes menées à l’échelle nationale ont semblé indiquer que ces incidents se produisaient rarement dans les installations du SCC. Il semble y avoir un écart important entre ce que le personnel sait ou croit qu’il se produit et ce qui se produit réellement. L’absence d’un leader national connu et de responsabilité semblent être les principales raisons expliquant l’absence d’une approche coordonnée à l’échelle de l’organisation servant à prévenir la coercition et la violence sexuelles dans les établissements fédéraux et à prendre les mesures qui s’imposent. De plus, l’hésitation du SCC à élaborer une directive du commissaire concernant cet enjeu, et le fait de ne pas mener de recherches afin de mieux comprendre la portée ou la dynamique de la violence sexuelle dans son système, démontrent davantage l’indifférence de l’organisation et la culture du silence qui y règne au sujet de ce problème.

Méconnaissance du nombre de cas

En raison de l’absence de statistiques nationales, on a demandé aux membres du personnel quel était leur point de vue sur l’étendue du problème ou le nombre de cas de coercition et de violence sexuelles. Ils ont tous répondu que c’est quelque chose qui se produit probablement « tous les jours », mais qu’ils ne le voient pas ou n’en entendent pas parler. Par contre, les représentants de chacun des établissements nous ont dit que la coercition et la violence sexuelles n’étaient pas un problème chez eux et que si cela se produisait, le personnel « le saurait ». Même dans les établissements où les taux de signalement de coercition et de violence sexuelles étaient les plus élevés (selon notre examen des données sur les incidents), les membres du personnel nous ont affirmé qu’ils n’avaient entendu parler que d’un incident ou deux depuis leur arrivée (un membre du personnel avec qui nous avons discuté travaillait au même établissement depuis plus de 20 ans).

Ces conclusions sont préoccupantes pour plusieurs raisons. Soit l’organisation (à tous les échelons) ignore ce qui se passe sur le terrain, notamment en raison du manque de leadership à ce sujet ainsi que du suivi et du signalement insuffisants, soit les membres du personnel savent ce qui se passe, mais n’ont pas été honnêtes avec nous. Comme l’un des employés l’a simplement affirmé, « Le personnel ignore ce qui se passe, ou s’il le sait, il ne vous le dira pas. »

Formation et prévention

Lorsque nous avons interrogé les membres du personnel au sujet de la formation, ils semblaient peu intéressés par l’acquisition d’aptitudes ou l’accroissement de leur rôle en ce qui a trait à la prévention de la coercition et de la violence sexuelles. Quelques membres du personnel chargés des soins de santé nous ont indiqué que leur rôle était de réagir face aux incidents et que cela ne devrait pas changer. Lorsqu’on leur a demandé de nous indiquer plus précisément ce qu’ils faisaient pour intervenir, la plupart des membres du personnel ont simplement répondu qu’ils « suivaient la politique appropriée ». De plus, d’autres membres du personnel nous ont indiqué que puisqu’il ne s’agit pas d’un problème important, toute formation serait une perte de temps vu que leurs aptitudes se détérioreraient parce qu’ils n’y feraient pas appel.

Il était particulièrement intéressant, dans le cadre de cette enquête, de déterminer comment des améliorations pourraient être apportées dans le domaine de la prévention. Lorsque nous avons interrogé les membres du personnel au sujet de la prévention, il est devenu évident que le SCC n’exécute aucun programme ou ne mène aucune initiative visant à prévenir la coercition et la violence sexuelles ou même à reconnaître que ces phénomènes existent. Nous avons aussi interrogé les membres du personnel au sujet des stratégies de prévention qui pourraient être mises en place. Quelques membres du personnel ont indiqué que cet enjeu était une composante de la « culture de rue » en établissement, et un autre a affirmé que le meilleur moyen de l’éviter était simplement « de ne pas aller en prison ». Par contre, la plupart des employés ont indiqué que les détenus doivent être mieux sensibilisés ou mieux informés dès qu’ils arrivent dans un établissement. Plus précisément, ils ont suggéré qu’un professionnel de la santé offre un programme individuel dans les unités de réception ou d’évaluation.

Entrevues avec les détenus

De la même façon qu’avec les membres du personnel, des entrevues confidentielles, auxquelles la participation était volontaire, ont été menées avec des représentants des détenus (p. ex. pairs conseillers, présidents et représentants du comité des détenus, pairs éducateurs, pairs ambassadeurs de la santé) pour connaître leur point de vue au sujet de la coercition et de la violence sexuelles dans les établissements du SCC.

Les victimes ne signalent pas les incidents

Le commentaire que nous avons le plus souvent entendu de la part des représentants des détenus est que personne ne signale ces types d’incidents, qui se produisent relativement souvent. On nous a dit que le système crée des mesures de dissuasion trop importantes pour les victimes. Celles ci risquent d’être qualifiées de « rats » et d’être la cible d’agressions si elles brisent le « code » de la prison en indiquant au personnel qu’elles ont été victimes d’abus. De plus, en raison de la nature de la coercition et de la violence sexuelles, on nous a dit que les victimes, dont un grand nombre avaient déjà été victimes d’abus, ressentent de la culpabilité et de la honte, en plus de vivre un traumatisme qui est aggravé par la vie en établissement.

Les représentants nous ont aussi dit que les membres du personnel ferment souvent les yeux sur la dynamique abusive entre les détenus (p. ex. « proxénètes et prostituées ou animaux de compagnie ») ou sur les incidents qui sont signalés discrètement. Comme l’a affirmé un représentant des détenus : « la culture du silence est assourdissante ici ». Des détenus ont indiqué qu’ils ne sont pas à l’aise de signaler les incidents, et que cela nécessiterait un lien de confiance entre les détenus et le personnel qui n’existe tout simplement pas. Que ce soit en raison du déséquilibre des pouvoirs ou du roulement élevé du personnel, de nombreux facteurs font en sorte qu’il est difficile d’établir et de maintenir des relations de confiance entre le personnel et les détenus. Quelques incidents sont signalés, mais les représentants ont laissé entendre que ces cas sont probablement les plus « graves » ou qu’il s’agit de fausses accusations faites par certaines personnes afin de faire « mal paraître » l’agresseur présumé ou de lui causer des ennuis.

On nous a dit à maintes reprises qu’au lieu de signaler les incidents aux autorités des établissements, les détenus « s’occupent » de ces cas eux mêmes. Certains ont décrit la coercition et la violence sexuelles comme étant une « pratique inacceptable » qui n’est « pas tolérée ». D’autres ont affirmé qu’on ne fait pas appel au personnel et que ces problèmes sont plutôt « réglés rapidement » par d’autres détenus.

Victimes et expériences relatives aux abus

Détenus les plus à risque – On nous a souvent dit que les membres de la communauté 2ELGBTQ+, en particulier les personnes transgenres, sont souvent ciblés, soit en tant que victimes, soit en tant qu’agresseurs présumés. Comme l’indique le dernier rapport annuel du Bureau, il pourrait y avoir eu des allégations, dans certains établissements pour femmes, selon lesquelles des personnes transgenres, comme un représentant l’a affirmé, « déjouent le système » en simulant leur identité ou leur expression de genre afin d’avoir accès à leurs victimes. Cette préoccupation peut être fondée dans des cas isolés, mais il existe beaucoup de transphobie parmi les détenus et certains membres du personnel. On nous a affirmé que les personnes transgenres étaient plus fréquemment recrutées en tant que prostituées en échange de protection de la part de détenus plus « puissants » et plus costauds. Il est évident que le SCC doit élaborer une stratégie visant particulièrement les personnes 2ELGBTQ+, en raison de leur vulnérabilité accrue face à la victimisation sexuelle et à la discrimination.

Certaines personnes nous ont fait part de leur expérience personnelle en ce qui a trait à la coercition et à la violence sexuelles en établissement, et elles ont décrit l’absence d’interventions menées par le personnel et le fait qu’aucun service ne leur a été offert lorsqu’elles ont signalé les incidents. Un détenu qui purgeait sa première peine de ressort fédéral a affirmé qu’il avait été victime d’abus sexuel et d’intimidation dans tous les établissements où il avait été détenu (y compris la détention de ressort provincial). Il a indiqué qu’il avait informé le personnel qu’il était victime d’abus alors qu’il partageait une cellule avec un autre détenu, mais que le personnel a simplement ignoré le problème. Il a attribué l’abus répété à sa petite taille, à son allure jeune et à son inexpérience relativement au système. Il a expliqué qu’il devait dire « Ne me touche pas » une fois par semaine. Il a ajouté que les avances et les propositions sexuelles non souhaitées ainsi que les attouchements étaient fréquents pour lui et pour les autres comme lui.

Un autre détenu qui a dévoilé qu’il avait été victime d’abus sexuel en prison a indiqué qu’un membre du personnel était allé jusqu’à dire qu’il « le méritait » parce que l’infraction qu’il avait commise était d’ordre sexuel. Il a ajouté qu’on ne lui avait jamais offert de services pour faire face à sa victimisation.

Incidents impliquant des membres du personnel

En plus de la coercition et de la violence sexuelles entre détenus, on nous a affirmé que des membres du personnel seraient aussi impliqués dans des incidents qui sont rarement signalés. Les détenus ont indiqué que de tels incidents comprennent des relations inappropriées entre agents et détenus, des agents qui regardent les femmes se déshabiller par les fentes, des membres du personnel qui utilisent des termes méprisants de nature sexuelle pour parler des détenus ainsi que du flirt et du harcèlement sexuel entre détenus et agents. On a aussi parlé de l’utilisation de fouilles à nu inutiles ou excessives aussi bien dans les établissements pour femmes que dans les établissements pour hommes. Un détenu a indiqué qu’il s’agissait d’une violation inutile, et il ne pouvait trouver aucune raison pour laquelle les fouilles à nu pourraient être justifiées dans certains cas où elles ont été menées, comme après une visite par vidéoconférence ou une visite avec séparation.

Parfois, des agressions sexuelles commises par des membres du personnel sont signalées et font l’objet d’une enquête. Par exemple, en mai 2020, un ancien agent correctionnel de l’Établissement Nova pour femmes a officiellement été accusé après que sept détenues de l’établissement ont affirmé qu’il avait eu des relations d’ordre sexuel inappropriées avec elles. Après une enquête d’un an, six chefs d’accusation d’abus de confiance et un chef de communication dans le but d’obtenir des services sexuels alors qu’il était gardien de prison ont été déposés contre lui. Note 40 

Occasions de prévention

Une petite minorité croyait qu’il n’était pas nécessaire de mener des efforts de prévention, mais tout comme le personnel, la plupart des représentants ont indiqué que l’on doit sensibiliser et éduquer les membres du personnel et les détenus. Un représentant a donné l’exemple suivant : il est nécessaire d’éduquer les gens au sujet de la notion de consentement , puisque chaque génération de détenus interprète cette notion différemment, et parce que ce qui est acceptable selon une personne ne l’est pas selon une autre. Il serait donc très utile d’enseigner les principes du consentement pour prévenir la coercition et la violence sexuelles.

D’autres personnes ont indiqué qu’elles souhaitaient connaître leurs droits (en ce qui a trait au signalement et à l’établissement de limites) et que cette information leur soit accessible dès leur arrivée dans un établissement. D’autres ont affirmé qu’il était nécessaire de compter sur un meilleur mécanisme qui ferait en sorte qu’il serait plus sécuritaire pour les victimes de signaler les incidents. On a suggéré qu’un organisme impartial ou externe (c.-à-d. pas le SCC) reçoive les plaintes, enquête à leur sujet et collabore avec la police pour traiter ces types d’incidents, surtout lorsque des employés du SCC sont impliqués. On nous a aussi indiqué que des services plus efficaces et plus constants doivent être offerts aux victimes. Un représentant a décrit la nécessité de compter sur une « politique de tolérance zéro face au harcèlement sexuel », dont une grande partie exige du SCC qu’il amorce une conversation avec les membres du personnel et les détenus au sujet de la violence sexuelle en prison. Le président d’un comité de détenus a même suggéré que le SCC organise une assemblée réunissant les membres du personnel et les détenus afin d’avoir une discussion ouverte sur la violence sexuelle en prison.

  1. Je recommande que le SCC élabore et offre des programmes d’éducation, de sensibilisation et de formation destinés à tous les membres du personnel et à tous les détenus au sujet de la coercition et de la violence sexuelles. Des experts qualifiés dans le domaine de la violence sexuelle dans les prisons devraient offrir une formation particulière sur la coercition et la violence sexuelles. Des programmes de sensibilisation à la violence sexuelle devraient être offerts aux détenus lors de leur admission dans un établissement fédéral.  

     

 

Enquêtes nationales 

2. Enquête nationale systémique sur les rangées thérapeutiques

 

Photo de la rangée thérapeutique a l'Établissement de Kent

La rangée thérapeutique  
a l'Établissement de Kent. 

Introduction

Dans mon rapport annuel de 2018 -2019, j’ai discuté des rangées thérapeutiques du SCC dans les établissements à sécurité maximale pour hommes, et j’ai exprimé certaines inquiétudes au sujet de cette stratégie visant à offrir des soins de santé mentale d’intensité modérée. À l’époque, il semblait que le modèle des rangées thérapeutiques était conçu pour éviter de placer les détenus en isolement préventif. Cette impression était partiellement fondée sur le plan d’activités du SCC (de 2018-2019 à 2022 2023), qui définissait le but des rangées thérapeutiques de la façon suivante : « solution de rechange à l’isolement pour les délinquants qui adoptent un comportement difficile en raison de troubles de santé mentale ». J’ai aussi remis en question la valeur clinique de ce modèle comparativement à d’autres stratégies d’aiguillage ou d’intervention, et je me suis demandé si les ressources consacrées à la mise en place de cette stratégie valaient les dépenses engagées. Au terme des discussions avec mes enquêteurs, qui ont signalé des écarts importants dans la mise en place de ces rangées et dans les services offerts ainsi qu’un manque de clarté (dans les établissements) au sujet de leur objectif comparativement à leur véritable fonction, je me suis engagé à mener une enquête en profondeur sur les rangées thérapeutiques.

 

Méthodologie

Cette enquête s’est déroulée en deux parties. Premièrement, nous nous sommes assurés de connaître les attentes du SCC au sujet des rangées thérapeutiques en rencontrant des représentants du Secteur des services de santé à l’administration centrale et en examinant les documents organisationnels pertinents. Deuxièmement, nous avons cherché à déterminer dans quelle mesure la mise en œuvre s’harmonisait avec les attentes du SCC en examinant des dossiers, en rencontrant des détenus et des membres du personnel en entrevue, et en prenant des notes détaillées sur nos observations lors de visites en établissement.

Photo montrant la vue, à partir d’une cellule, de la rangée thérapeutique de l’Établissement d’Edmonton

Photo montrant la vue, à partir d’une  
cellule, de la rangée thérapeutique  
de l’Établissement d’Edmonton 

Nous nous sommes rendus dans trois des cinq établissements à sécurité maximale qui comptent une rangée thérapeutique : l’Établissement d’Edmonton, l’Établissement de l’Atlantique et l’Établissement de Kent. Note 41 Ces établissements accueillaient la majorité des détenus en rangée thérapeutique, et ils offraient tout l’éventail des interventions conçues par le SCC. Le nombre de détenus et de membres du personnel que nous avons rencontrés en entrevue pendant chacune des visites est indiqué dans le tableau suivant.

Tableau 2. Nombre de membres du personnel et de détenus rencontrés en entrevue lors de chacune des visites d’établissement

INSTITUTION 

DATE DE LA VISITE 

PERSONNEL 

DÉTENUS 

TOTAL 

Edmonton

23-24 octobre 2019

10

5

15

Atlantique

11-12 décembre 2019

6

4

10

Kent

 

15-16 janvier 2020

8

4

12

Total 

 

24 

13 

37 

 

Après chaque visite d’établissement, une lettre servant de séance de débreffage a été envoyée au directeur de l’établissement et à son chef des Services de santé mentale. Cette lettre résumait les conclusions propres à l’établissement, notamment les pratiques exemplaires et les problèmes relevés, et suggérait des plans d’action potentiels, au besoin. Cependant, aucune recommandation officielle n’a été formulée.

Sur une note plus générale et au sujet de la terminologie utilisée, certains employés des Services de santé préfèrent appeler les clients détenus dans des endroits appelés « Unités de soins de santé » (p. ex. rangées thérapeutiques) des « patients ». Cependant, selon notre enquête, je suis d’avis que les personnes détenues à ces endroits sont, en grande partie, traitées et gérées comme des détenus. Cela dit, nous sommes d’accord pour affirmer qu’il serait préférable, pour certaines personnes détenues dans ces rangées, d’être des patients dans un hôpital.

Photo de l’entrée à mi-étage de la rangée thérapeutique de l’Établissement de l’Atlantique

Entrée de la rangée thérapeutique – Établissement de l’Atlantique. 

Résumé des principales conclusions

Notre enquête a révélé les principales conclusions suivantes :

  1. Les rangées thérapeutiques ne semblent pas être au maximum de leur capacité dans l’ensemble des établissements, et le personnel opérationnel continue d’attribuer les places vides en rangée thérapeutique à des détenus qui n’ont pas besoin de soins intermédiaires de santé mentale – ce qui va parfois à l’encontre des souhaits du personnel spécialisé en santé mentale.  

     
  2. Les personnes détenues dans une rangée thérapeutique passent trop de temps dans leur cellule, et une période insuffisante est consacrée à des services de réhabilitation. De plus, les politiques restrictives touchant les déplacements des détenus pourraient mener à une utilisation abusive ou à une mauvaise utilisation, intentionnelle ou non.  

     
  3. Les unités de rangées thérapeutiques ne ressemblent en rien à des unités thérapeutiques. De plus, l’endroit où elles sont situées et leur infrastructure ne sont pas favorables à des soins de santé mentale.  

     
  4. Dans l’ensemble, le nombre d’employés qui travaillent dans les rangées thérapeutiques ne répond pas aux besoins de l’établissement, les services de sécurité sont très présents, la collaboration avec les Services autochtones est insuffisante, tout comme la rétroaction reçue de ceux-ci, et le taux élevé d’attrition parmi les employés chevronnés des Services de santé mentale a eu une incidence négative sur les ressources disponibles, ce qui mène à une orientation insuffisante parmi les travailleurs de première ligne. Sur une note plus positive, le Programme pilote pour les agents des unités thérapeutiques pourrait donner l’exemple en appliquant les pratiques exemplaires en matière de sécurité dynamique, et il devrait être promu et élaboré.  

     
  5. La communication et la collaboration entre le personnel des rangées thérapeutiques manquent de structure et de continuité, ce qui mène à une gestion de cas irrégulière et à des soins inadéquats en matière de santé mentale.  

     
  6. La planification des soins offerts aux détenus des rangées thérapeutiques est irrégulière, et les normes nationales du SCC, présentées dans les Lignes directrices intégrées en matière de santé mentale Note 42 , ne semblent d’aucune utilité.  

     
  7. Les demandes opérationnelles nuisent à la capacité des Services de santé mentale d’offrir des interventions et des traitements individuels appropriés aux détenus désignés. Conséquemment, les détenus semblent mal préparés en prévision de leur retour dans la population carcérale générale, d’un transfèrement dans un établissement dont le niveau de sécurité est inférieur ou d’une éventuelle mise en liberté dans la collectivité.  

     
  8. De façon générale, la prestation des services de santé mentale n’offre pas le degré d’adaptation à la culture autochtone exigé par l’alinéa 4g) de la LSCMLC.  

     

Conclusions particulières

1. Nombre de places, aiguillages et placement

Conformément aux Lignes directrices intégrées en matière de santé mentale du SCC, des soins de santé mentale intermédiaires d’intensité modérée sont offerts dans certains établissements à sécurité moyenne ou maximale. Note 43 Dans les établissements à sécurité maximale, ce niveau de soins est actuellement offert dans les « rangées » thérapeutiques. Ces rangées visent à gérer les détenus qui bénéficient de soins de santé mentale intermédiaires et qui ne répondent pas aux critères des centres de traitement, mais qui ont été évalués comme ayant des besoins allant de considérables à importants à l’aide de l’échelle des besoins en santé mentale (la boîte de texte contient les critères d’admission).

Selon le SCC, il est possible pour les patients de recevoir des soins de santé mentale intermédiaires sans être détenus dans une rangée thérapeutique. Note 44 Ainsi, tous les détenus qui répondent aux critères pour recevoir des soins de santé mentale intermédiaires devraient tirer profit des ressources associées aux rangées thérapeutiques. On nous a prévenus, par contre, qu’il y aurait un écart entre le nombre de places disponibles dans les rangées thérapeutiques et le nombre de détenus qui répondaient aux critères d’admission. Contrairement à l’avertissement du SCC, selon nos observations, aucune des rangées thérapeutiques ne débordait. En fait, aucune des rangées thérapeutiques n’était au maximum de sa capacité. Il semble y avoir deux explications principales à cette situation.

D’un côté, les personnes qui répondent aux critères associés aux soins de santé mentale intermédiaires ne sont pas toutes placées dans une rangée thérapeutique. Certaines d’entre elles reçoivent des soins dans leur cellule (c.-à-d. des soins ambulatoires) ou elles sont gérées dans des unités spécialisées, comme les nouvelles unités d’intervention structurée (UIS). Par exemple, pendant notre visite à l’Établissement de l’Atlantique en décembre 2019 et à l’Établissement de Kent en janvier 2020, nous avons constaté que cinq détenus recevaient des soins de santé mentale intermédiaires dans les UIS. De plus, les problèmes prédominants et immédiats de gestion de la population (p. ex. les cas d’incompatibilité, les gangs, l’intimidation et la victimisation, la gestion des sous-populations) ont une importante influence sur la gestion et le placement des détenus dans une rangée thérapeutique.

 

Critères d’admission aux soins de santé mentale intermédiaires d’intensité modérée

Lignes directrices intégrées en matière de santé mentale (mai 2019) 

  • Maladie mentale , y compris les troubles graves de l’humeur, psychotiques ou post traumatiques, le spectre des troubles d’anxiété et les troubles de la personnalité; ou les troubles cognitifs , comme un handicap intellectuel, une lésion cérébrale acquise et la démence.  

     
  • Besoins allant de considérables à importants qui nuisent à la capacité du délinquant de fonctionner dans une population générale (p. ex. automutilation récurrente, risque de suicide, négligence relative aux soins personnels de base, vulnérabilité aux prédateurs en raison d’une déficience).  

     
  • Besoin d’un soutien quotidien (p. ex. pour la surveillance de l’état mental, une psychothérapie ou une intervention comportementale intensive, de l’aide relative aux soins personnels de base, la prise de médicaments et la supervision), mais pas de soins 24 heures sur 24 ou d’une hospitalisation.  

     
  • Nécessité de mener des évaluations psychiatriques ou spécialisées qui ne sont pas disponibles autrement.  

     
  • Possibilité que le détenu adopte des comportements difficiles ou nécessite un resserrement des mesures de sécurité qui sont secondaires à ses besoins en matière de santé mentale.  

     

 

Photo d’une cellule inoccupée de la rangée thérapeutique de l’Établissement de l’Atlantique

Cellule inoccupée de la rangée  
thérapeutique – Établissement de l’Atlantique. 

D’un autre côté, les personnes détenues dans les rangées thérapeutiques ne répondent pas toutes aux critères d’admission. En fait, certaines y sont placées dans le cadre d’une stratégie de gestion de la population en raison des demandes opérationnelles (comme les cas d’incompatibilité) qui « prennent le dessus » sur les lignes directrices en matière de santé. Par exemple, pendant notre visite à l’Établissement d’Edmonton en octobre 2019, nous avons constaté que des 21 personnes détenues dans la rangée thérapeutique, seulement 12 répondaient aux critères d’admission. Les neuf autres y avaient été placées par le personnel correctionnel. Dans l’ensemble, les équipes de santé mentale coordonnent les aiguillages et les placements (conformément aux politiques), mais le personnel des trois établissements a indiqué que le personnel opérationnel continue de placer des détenus qui ne répondent pas aux critères d’admission dans la rangée thérapeutique.

2. Temps passé en cellule et déplacements restreints des détenus

Le Secteur des services de santé du SCC a indiqué que les rangées thérapeutiques ne doivent pas être considérées comme une stratégie servant à éviter l’isolement. Du point de vue du SCC, les soins de santé mentale jouent un rôle préventif pour éviter des résultats négatifs aux détenus, en leur offrant des services personnalisés en amont . On s’attend à ce que les évaluations et les interventions précoces permettent au Service de déterminer quel est le niveau optimal de soins de santé mentale et d’éviter les placements dans des logements visés par des politiques restrictives en raison de comportements associés à un trouble de santé mentale.

 

Photo de la rangée thérapeutique de l’Établissement de Millhaven

Rangée thérapeutique – Établissement de Millhaven. 

Pendant nos visites, cependant, nous avons appris que l’élimination de l’isolement a eu des conséquences non voulues. Par exemple, un détenu nous a confié que « les gars sont plus souvent enfermés depuis qu’ils ont éliminé l’isolement, on passe plus de temps dans nos cellules ». Dans un autre établissement, un employé de première ligne des Services de santé mentale a affirmé que « l’empressement à vider les cellules d’isolement signifie que le [personnel opérationnel] place les détenus dans la [rangée thérapeutique] sans vraiment nous consulter ». Selon nous, ce « placement » des détenus isolés dans les rangées thérapeutiques semble avoir été une solution temporaire en matière de gestion des délinquants, pendant que les cellules d’isolement et les Unités d’intervention structurée (UIS) faisaient l’objet d’un examen minutieux. On ignore cependant s’il s’agissait d’une stratégie temporaire ou si les rangées thérapeutiques sont devenues une nouvelle forme d’UIS, c’est-à-dire sans les mesures de protection des procédures établies et les services additionnels conformes aux exigences législatives du projet de loi C-83. Ce qui suit laisse entendre qu’il s’agit d’une nouvelle forme d’UIS.

Aussi bien les détenus que les membres du personnel des trois établissements ont signalé que certains passaient jusqu’à 23 heures par jour dans leur cellule d’une rangée thérapeutique. Mes enquêteurs ont été particulièrement troublés lorsqu’un agent supérieur a révélé que « les détenus passent moins de temps en dehors de leur cellule dans la rangée [thérapeutique] que dans [l’Unité d’intervention structurée] ».

À certains égards, le temps passé en dehors de la cellule dépendait aussi du choix des détenus de tirer profit des occasions qui leur étaient offertes. Évidemment, puisque le temps en dehors de la cellule est très réglementé, il est raisonnable qu’une personne puisse ne pas « vouloir » sortir de sa cellule à ce moment . Par exemple, un détenu a dit que « l’endroit est bien connu pour ça : ils [agents correctionnels] affirment qu’ils ont ouvert les portes, mais ils ne le font pas ». Le détenu nous a ensuite parlé de la visite d’un médecin qu’il attendait depuis longtemps, puisque ce serait l’occasion de discuter d’un diagnostic. Cependant, il dormait lorsque le médecin est arrivé. Les agents correctionnels lui ont dit qu’ils avaient ouvert sa porte, mais le détenu n’a jamais été réveillé. Il doit donc maintenant attendre pendant une longue période avant de pouvoir voir le médecin.

 

Photo d’une cellule occupée dans la rangée thérapeutique de l’Établissement de l’Atlantique

Cellule occupée – Rangée thérapeutique – Établissement de l’Atlantique. 

Les routines liées au temps passé en dehors des cellules dans les rangées thérapeutiques peuvent mener à de l’abus intentionnel on accidentel en raison d’une politique très restrictive sur les déplacements des détenus (Directive du commissaire 566-3), qui autorise que les portes des cellules soient ouvertes uniquement pendant la « période de changement établie ou lorsqu’un groupe de détenus revient d’une activité spéciale » et de l’exigence selon laquelle une seule porte de cellule par rangée peut être ouverte lorsque le secteur est protégé.

Notre enquête a révélé que les détenus des rangées thérapeutiques semblent généralement :

  1. passer la plupart de leur temps (ou trop de temps) dans leur cellule;  

     
  2. ne pas être motivés à participer à leur plan de traitement;  

     
  3. hésitants à se voir attribuer un niveau de sécurité inférieur.  

     

Les détenus/patients ne sont donc pas préparés efficacement à leur mise en liberté.

 

3. Infrastructure physique et apparence

Pendant les visites, nous avons trouvé que les ressemblances physiques entre les rangées thérapeutiques et celles utilisées pour l’isolement préventif étaient frappantes.

Rangées thérapeutiques comparativement à celles autrefois utilisées pour l’isolement préventif

Établissement

Rangée Thérapeutique

Rangée autrefois utilisée pour l'isolement préventif

Établissement de l'Atlantique

Photo de la rangée thérapeutique de l’Établissement de l’AtlantiquePhoto de la rangée d’isolement de l’Établissement de l’Atlantique

Établissement d’Edmonton

Photo de la rangée thérapeutique de l’Établissement de l’EdmontonPhoto de la rangée d’isolement de l’Établissement de l'Edmonton

La salle commune et la cour de l’Établissement de l’Atlantique étaient inadéquates. Les fenêtres qui séparaient ces deux espaces étaient mal isolées et devaient clairement être réparées. Pendant l’une de nos entrevues, qui a eu lieu dans la salle commune, nous étions mal à l’aise tellement il faisait froid. La « cour » est un espace fermé, en béton, couvert d’un grillage métallique, qui était à moitié recouvert par de la neige. Elle ne semblait comporter aucun élément thérapeutique ou facilitant la réhabilitation. L’un des détenus nous a dit ceci : « Je reste dans ma cellule et je regarde la télé, j’écris des plaintes – Je ne veux pas aller dehors et voir une liberté que je ne peux pas avoir. Je ne le ferais pas même si j’étais un chien! »

Photo de la salle commune dans la rangée thérapeutique de l’Établissement de l’Atlantique
Photo montrant la salle commune depuis la cour de la rangée thérapeutique de l’Établissement de l’Atlantique
Photo de la salle commune dans la rangée thérapeutique de l’Établissement de l’Atlantique
Photo de la salle commune dans la rangée thérapeutique de l’Établissement de l’Atlantique

Espace commun et cour - Rangée thérapeutique - Établissement de l'Atlantique 

Photo de la mini-cour à l’intérieur de la rangée thérapeutique de l’Établissement d’Edmonton

La mini-cour à l’intérieur de la rangée  
thérapeutique de l’Établissement d’Edmonton 

Photo de la rangée thérapeutique de l’Établissement de Kent

Cour dans la rangée thérapeutique  
de l’Établissement de Kent. 

La mini cour de l’unité D de l’Établissement d’Edmonton était simplement une cage dans une autre cage. Les détenus se plaignaient que l’espace était tellement restreint que parfois, ils ne pouvaient éviter d’entrer en contact avec les autres. Par contre, la cour de l’Établissement de Kent était beaucoup plus grande et ouverte.

Il est raisonnable de supposer que si l’on désigne un espace comme étant « thérapeutique », il devrait avoir une apparence distinctive. Nous avons toutefois constaté qu’il n’y avait aucune différence visible entre les rangées thérapeutiques et les autres secteurs des établissements. Pendant les entrevues, aussi bien les détenus que les membres du personnel ont soulevé des préoccupations au sujet de l’emplacement, de la conception et de l’accessibilité des rangées thérapeutiques. Voici un résumé de ces préoccupations :

  • L’une des difficultés majeures auxquelles les établissements à sécurité maximale font face est la gestion des diverses sous populations. Actuellement, de nombreuses populations ne peuvent se mêler ou interagir, ce qui semble créer un obstacle pour les placements liés à la santé mentale, p. ex. en ce qui a trait aux cas d’incompatibilité.  

     
  • Dans les nouvelles unités de 96 places, la rangée thérapeutique de 24 places est située à côté des trois unités de population générale, ce qui crée une pression supplémentaire et une stigmatisation pour les détenus ayant des problèmes de santé mentale. Les détenus qui reçoivent des soins de santé mentale en prison sont souvent ciblés et intimidés (p. ex. pour des drogues) par d’autres détenus. De plus, la sécurité dynamique n’est pas menée facilement dans ces unités.  

     
  • Les activités et les routines dans les rangées thérapeutiques sont souvent interrompues par les pressions opérationnelles provenant de l’extérieur de l’unité (p. ex. confinement). En raison des besoins particuliers des détenus qui reçoivent des soins de santé mentale, cette population ne devrait pas subir ces interruptions et devrait en être protégée, dans la mesure du possible.  

     
  • Une rangée thérapeutique devrait compter des salles réservées aux programmes pour les activités de groupe ainsi qu’un espace approprié pour les services individuels (p. ex. counselling, thérapie).  

     

En résumé, idéalement, les pressions provenant de l’extérieur de l’unité ne devraient pas avoir une incidence négative sur une rangée thérapeutique, et une rangée thérapeutique devrait permettre aux détenus de se déplacer dans l’unité. Une équipe de santé mentale et du personnel opérationnel exclusifs devraient y œuvrer, et la rangée devrait avoir un aspect thérapeutique.

4. Complément d’effectif

Le Budget 2017 a alloué un nouveau financement pour la création de rangées thérapeutiques dans cinq établissements à sécurité maximale pour hommes. Le modèle relatif aux ressources et à la dotation semblait être fondé sur une unité de 20 places, sauf pour l’Établissement de l’Atlantique, qui a une capacité de 30 places (voir le modèle relatif aux ressources dans le tableau 3, fourni par le SCC le 4 juin 2019).

Tableau 3. Complément d’effectif en santé mentale planifié vs complément d’effectif en santé mentale réel, en date de mai 2019

GROUPE Note 45 

PLAN 

ATLANTIQUE 

PORT-CARTIER 

MILLHAVEN 

EDMONTON 

KENT 

PS-03

1

0,4

1

1

1

1

TS-BES-02

1

3

1

1

1

0

PBE-03

1

0

2

1

0

1

SI-H-03

1

2

1

0

1

2

AR-04

1

1

0,5

1

0,5

1

EP-02

0

0

0

1

1

0

Total 

6,4 

5,5 

4,5 

 

Le SCC a expliqué que ce modèle n’est pas rigide, et qu’il s’attend à une certaine variabilité dans le complément d’effectif réel. De plus, cette variabilité serait traitée en fonction d’« une évaluation des besoins de la population, et non des préoccupations en matière de recrutement ». Mon bureau a tout de même constaté une grande variabilité, beaucoup d’incompatibilité et de nombreuses difficultés en ce qui a trait au recrutement et au maintien en poste du personnel de santé mentale. La dotation planifiée ne correspondait tout simplement pas à la dotation réelle dans l’ensemble des établissements, ce qui provoquait des ratios détenus/personnel de santé mentale élevés et un accès limité aux services de santé mentale. Cette situation est aggravée par le fait que tous les établissements ont signalé des pénuries ou des temps d’attente déraisonnables (de 6 à 12 mois pour rencontrer un spécialiste) en ce qui a trait aux soins spécialisés en santé mentale, c’est à dire des psychologues, des ergothérapeutes et des psychiatres.

 

Pratique exemplaire

Agents des unités thérapeutiques – Établissement de l’Atlantique 

Dans son rapport annuel 2018-2019, le Bureau abordait la façon dont le financement additionnel reçu par l’Établissement de l’Atlantique était utilisé pour créer quatre postes d’agents thérapeutiques de niveau CX-02. Le Bureau se demandait si ce type d’agent amènerait quelque chose de plus qu’un agent correctionnel traditionnel.

Cependant, nous avons été encouragés par ce que nous avons vu pendant la visite de l’Établissement de l’Atlantique. Le « Programme pilote sur les agents des unités thérapeutiques » a été lancé lorsque le psychologue de l’établissement a relevé un besoin dans la rangée thérapeutique : les détenus et les membres du personnel devraient être en sécurité, mais grâce à un type de sécurité qui ne perturberait pas la nature thérapeutique de l’unité ou qui ne lui nuirait pas.

Ce programme vise à assurer la présence d’un visage connu dans la rangée thérapeutique; à éliminer les barrières entre les responsables des soins de santé et de la sécurité ainsi qu’entre le personnel correctionnel et les détenus; en plus de faire participer le personnel correctionnel à davantage d’activités de l’équipe de santé mentale. Les agents ont souvent mentionné à quel point ils aimaient leur rôle.

Tous les membres du personnel et tous les détenus que le BEC a rencontrés en entrevue ont louangé les agents des unités thérapeutiques. Ils étaient tous satisfaits du travail des quatre personnes à qui l’on a confié ce rôle, et ils appuyaient leur mandat et leur fonction. Je crois que ce programme pilote représente non seulement une pratique exemplaire dans le domaine des services correctionnels, mais qu’il indique aussi la valeur ajoutée associée à la mise en œuvre des principes de base d’une bonne sécurité dynamique.

 

5. Communication et collaboration

Dans certains établissements, les bureaux des Services de santé mentale et des Opérations se trouvaient dans les mêmes locaux, près de la rangée thérapeutique. La proximité physique de ces deux groupes semble accroître les occasions d’échanger de l’information et d’éliminer le cloisonnement. Il était également réjouissant d’entendre certains employés opérationnels souligner l’importance de connaître les besoins particuliers des détenus des rangées thérapeutiques ainsi que de chercher à obtenir des commentaires et des conseils auprès du personnel de santé mentale. Pour autant que ces tendances se poursuivent, le fait que les Services de santé mentale et les Opérations soient installés au même endroit semble constituer une pratique exemplaire.

D’un autre côté, l’échange d’information entre le personnel opérationnel pendant les changements de quart de travail et entre le personnel chargé de la santé mentale et celui chargé des opérations semblait irrégulier et ne se faisait pas de façon systématique. Des approches plus formelles en matière de communication des dossiers des détenus devraient être établies afin de veiller à la continuité des traitements et des services.

Espace réservé au déroulement des programmes de la rangée thérapeutique à l'établissement de Kent

Espace réservé au déroulement des  
programmes de la rangée thérapeutique à  
l'établissement de Kent 

Espace réservé au déroulement des programmes de la rangée thérapeutique à l'établissement de Kent

Espace réservé au déroulement des  
programmes de la rangée thérapeutique à  
l'établissement de Kent 

6. Planification irrégulière des traitements

Sur papier, la routine quotidienne des détenus de la rangée thérapeutique semble être semblable à celle des autres détenus dans un établissement à sécurité maximale, à l’exception du degré et de la fréquence des interventions cliniques individuelles ou en groupe. Cela a été confirmé pendant des entrevues menées avec des employés des Services de santé mentale dans les établissements. On s’attend donc à ce que les traitements et les services soient offerts conformément aux plans de traitement individuels de chacun des détenus.

Malgré ces attentes, la plupart des détenus dans les trois établissements ne savaient pas quel était leur plan de traitement ou leurs objectifs, ou ne pouvaient pas s’en rappeler. Dans un petit nombre de cas, lorsqu’nous leur avons demandé de nous faire part de leurs objectifs en matière de traitement, les détenus ont nommé une série d’attentes provenant plus probablement de la culture carcérale que d’un plan de traitement (bien se comporter, faire son temps, participer à des programmes, ne pas avoir d’ennuis). Évidemment, en raison de la prévalence des déficits cognitifs ou intellectuels dans les rangées thérapeutiques, il se pourrait que ces détenus n’aient pas la capacité mentale nécessaire pour se rappeler les détails de leur plan de traitement.

Le personnel s’est aussi plaint du fait qu’il n’avait pas accès à un gabarit standard pour la planification des traitements. Il semble plutôt se fier sur des lignes directrices d’ordre général pour savoir ce qui devrait être inclus.

 

 

Photo de crayons de couleur coupés en deux par mesure de sécurité à l’Établissement d’Edmonton

Crayons de couleur coupés  
en deux par mesure de sécurité  
à l’Établissement d’Edmonton. 

7. Services de santé mentale et planification de la mise en liberté

Les membres du personnel ont expliqué que la planification et l’exécution du traitement dépendent en grande partie du domaine de connaissances de chaque travailleur, de son expérience, des ressources disponibles et du temps dont il dispose. Lorsqu’une pénurie de personnel touche un établissement, les travailleurs de première ligne chargés de la santé mentale ne disposent que de peu de moyens, à l’exception des activités récréatives et des « stratégies d’adaptation. » Un membre du personnel a affirmé que « lorsqu’il y avait plus d’employés, les travailleurs pouvaient consacrer plus de temps à la planification des traitements ». Une autre membre du personnel s’est décrite comme une « mule des stratégies d’adaptation », faisant allusion au fait que maintenant, elle remet principalement des articles (p. ex. jouets, casse tête, papeterie, matériel d’artiste) en tant que moyens d’adaptation à court terme plutôt que de mener des interventions dont l’effet serait plus durable. Souvent, ces stratégies d’adaptation n’étaient liées d’aucune façon évidente aux objectifs établis du traitement.

De plus, les membres du personnel ont fréquemment montré de la frustration face aux restrictions relatives à la sécurité pour ce qui est de l’achat et de l’utilisation de biens de consommation (p. ex. matériel d’artiste), lesquelles restrictions nuisent à l’exécution de nombreux services de thérapie. Par exemple, dans un établissement, le Comité de santé et de sécurité au travail a interdit l’utilisation de crayons de taille régulière, puisqu’il jugeait qu’ils représentaient un risque pour la sécurité. Maintenant, tous les crayons doivent être coupés en deux avant d’être distribués aux détenus de la rangée thérapeutique.

La combinaison des longues heures passées dans une cellule, de la maladie mentale, de la dépendance à la structure et à la routine de la vie en établissement ainsi que du manque de services psychologiques significatifs et offerts individuellement fait ressortir des lacunes évidentes. Actuellement, les programmes d’aide psychologique et comportementale sont surtout exécutés dans le cadre de séances offertes en groupe. Les séances individuelles semblent surtout se concentrer sur les activités récréatives, comme l’artisanat de création. Ces approches sont positives et devraient se poursuivre, mais je crains que les détenus ne reçoivent pas le type de soutien individuel qui les préparerait à un niveau de sécurité inférieur, à un retour dans la population générale ou à une éventuelle réinsertion sociale.

J’étais aussi très inquiet d’apprendre qu’aucun soutien psychologique n’était offert aux personnes qui éprouvaient des problèmes de toxicomanie dans les établissements où il existait un important besoin. Si la toxicomanie constitue un besoin établi dans un plan de traitement, des thérapies d’ordre médical et psychologique devraient être offertes aux détenus des rangées thérapeutiques.

Malgré les préoccupations susmentionnées, la présence d’agents de la santé mentale dans deux des trois établissements (établissements de l’Atlantique et de Kent) semblait positive. Mes enquêteurs ont remarqué que les agents de la santé mentale semblaient très déterminés à offrir des programmes de groupe et individuels efficaces à leurs clients. En collaboration avec leur équipe de la santé mentale respective, ces agents ont tenté d’établir des relations avec les détenus, d’exécuter des programmes en temps opportun et d’atteindre les objectifs des lignes directrices sur les soins de santé mentale intermédiaires. Ils devraient donc être reconnus comme des atouts en ce qui a trait à la prestation des services de santé mentale.

 

PRATIQUE EXEMPLAIRE

Agents de la santé mentale 

Les agents de la santé mentale font partie du groupe PBE-03, ou Programmes de bien-être. Ils ne sont donc pas des agents correctionnels, mais des employés de première ligne pour les Services de santé mentale. Ces agents exécutent des interventions et des programmes individuels et en groupe. Ils semblent avoir étudié ou suivi une formation en travail social ou en psychologie, en neurosciences ou en études comportementales (baccalauréat). Leur description de travail semble être propre à chaque établissement, mais ils exécutent divers services et interventions de première ligne dans le domaine de la santé mentale :

  • Évaluation de l’apparence, de la santé mentale et de l’hygiène.  

     
  • Développement des aptitudes sociales et d’adaptation.  

     
  • Gestion de la colère et des conflits, médiation et tolérance à la détresse.  

     
  • Thérapies comportementales cognitives et dialectales.  

     
  • Mobilisation des détenus pour des évaluations de la santé mentale et des placements.  

     
  • Liaison avec des organismes et des services communautaires.  

     
  • Résolution de problèmes et maîtrise des émotions.  

     

 

Photo du centre culturel autochtone utilisé pour les programmes de la rangée thérapeutique à l’Établissement d’Edmonton

Centre culturel autochtone utilisé pour les programmes  
de la rangée thérapeutique – Établissement d’Edmonton. 

8. Prestation des services de santé mentale à l’intention des détenus autochtones dans la rangée thérapeutique

Dans les établissements de Kent et d’Edmonton, au moins la moitié des détenus de la rangée thérapeutique sont d’origine autochtone. Les personnes à qui nous avons parlé ont confirmé que nombre des détenus autochtones pratiquaient activement (ou souhaitaient pratiquer) leurs traditions spirituelles/culturelles, dans la mesure du possible. Il serait donc prudent de consulter des Aînés pour déterminer quelles interventions et quels services seraient adaptés à la culture (p. ex. interventions en cas d’automutilation). Généralement, il est essentiel que les programmes et les services soient adaptés à la culture et offerts par des employés autochtones (p. ex. Aînés, agents de liaison autochtones, agents de programmes correctionnels autochtones). Cependant, cette enquête a révélé que les détenus autochtones, même s’ils souhaitaient pratiquer leur spiritualité et respecter leurs traditions, disposaient d’un accès limité à ces éléments et étaient rarement en mesure de communiquer avec leurs Aînés.

 

  1. Je recommande que le SCC mène un examen externe portant sur son modèle d’affectation de ressources dans les rangées thérapeutiques, et qu’il s’assure que le nombre de places disponibles et le nombre d’employés reflètent les véritables besoins des Services de santé mentale. Cet examen devrait aussi tenir compte des améliorations suivantes :  

     

Enquêtes d'envergure nationale 

3. Apprendre derrière les barreaux : Enquête sur les programmes d’éducation et la formation professionnelle dans les pénitenciers fédéraux

 

Photo de la bibliothèque a l'Établissement de Donnacona

Bibliothèque à l’Établissement de Donnacona. 

Introduction

Les façons dont les personnes apprennent ont changé de manière importante au cours des vingt dernières années. La technologie numérique a révolutionné la salle de classe, elle a grandement facilité l’accès à l’éducation et elle a fourni de nouvelles façons d’apprendre, de communiquer et de collaborer. Nous pouvons maintenant apprendre à distance, alors que de nombreuses salles de classe sont virtuelles et peuvent inclure des outils comme des séminaires Web, des forums de discussion en ligne, des espaces de collaboration numériques, des outils d’apprentissage fondés sur des jeux, des wikis, des documents Google, du contenu interactif et des balados. Nous pouvons apprendre à partir de tout endroit, en tout temps. Nous avons seulement besoin d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un téléphone intelligent. L’apprentissage numérique permet aux gens de travailler sur divers sujets à leur propre rythme et de personnaliser les outils ainsi que de les adapter pour qu’ils répondent davantage à leurs besoins. Les employeurs cherchent des candidats capables de trouver de l’information et d’utiliser les médias et la technologie ainsi que des gens qui peuvent collaborer et communiquer efficacement à l’aide de la technologie. En raison de la grande quantité d’information disponible, la capacité de la résumer et de lui trouver un sens, puis de la diffuser et de l’utiliser intelligemment est essentielle pour réussir dans l’économie d’aujourd’hui.

Au Canada, les détenus sous responsabilité fédérale sont depuis longtemps privés de la plupart des progrès technologiques en matière d’apprentissage. L’état actuel de l’accès à l’information et à la technologie par les détenus est arriéré et désuet. Les délinquants ont un accès limité à des ordinateurs autonomes désuets qui utilisent toujours des disquettes souples. Note 46 Le SCC exploite des réseaux locaux utilisant des logiciels datant du début des années 2000, qui n’ont pas accès à Internet, qui contiennent un nombre limité d’ouvrages de référence et qui n’offrent presque aucune capacité technique pour appuyer ou faciliter tout type d’apprentissage en ligne. De plus, de nombreux ateliers situés dans les prisons dans lesquels nous nous sommes rendus dans le cadre de cette enquête obligent les délinquants à travailler sur des machines désuètes ou qui ne sont plus utilisées dans la collectivité. Peu d’ateliers industriels exploités par CORCAN offrent une formation ou enseignent des aptitudes qui se rapportent au marché du travail ou qui répondent aux besoins de ce dernier. Le Service a continué de maintenir son infrastructure et ses plateformes technologiques désuètes pendant si longtemps que ces problèmes semblent maintenant insurmontables. Le système correctionnel fédéral maintient des milieux où les détenus sont privés d’information, citant souvent des préoccupations en matière de sécurité pour justifier le maintien du statu quo. Les responsables du système semblent ne pas être motivés à améliorer les choses, comme le montrent les progrès insuffisants réalisés au cours des vingt dernières années.

Malgré tout, nos recherches et notre expérience nous indiquent que l’éducation et la formation professionnelle offertes en prison donnent une occasion hors pair d’influer sur la vie des personnes ainsi que de leur permettre d’acquérir les aptitudes et les connaissances nécessaires pour réussir dans l’économie d’aujourd’hui. La réalité est que la vaste majorité des détenus seront éventuellement mis en liberté dans la collectivité. C’est donc dans l’intérêt supérieur de la société d’offrir, non seulement aux détenus mais à tous les Canadiens, les outils de base qui leur permettront éventuellement de contribuer à la main-d’œuvre et à l’économie canadiennes tout en respectant les lois.

L’offre d’occasions d’apprentissage derrière les barreaux constitue un besoin important. Un pourcentage élevé de détenus ont eu des expériences négatives dans les systèmes d’éducation officiels. Nombre d’entre eux ont décroché, et la plupart ont eu de la difficulté à trouver un emploi légitime ou n’ont jamais eu de travail régulier. En fait, près des trois quarts (72 %) des détenus purgeant une peine de ressort fédéral ont des besoins en matière d’éducation ou d’emploi; 54 % d’entre eux n’ont pas fréquenté le secondaire 4, et 62 % des hommes purgeant une peine de ressort fédéral n’avaient pas d’emploi au moment de leur arrestation. Note 47 L’apprentissage peut aussi offrir aux gens l’occasion d’explorer une nouvelle identité qui ne mène pas d’activités criminelles et qui est positive. Les écoles et la formation professionnelle du milieu carcéral offrent aux détenus un espace sûr où ils peuvent apprendre et devenir des étudiants ou des apprentis. C’est une occasion d’explorer de nouveaux champs d’intérêt et de remettre en question de vieilles façons de penser et d’agir dans un milieu prosocial et positif. Les aptitudes et les connaissances acquises par les détenus et le processus menant à leur acquisition peuvent les aider à accroître leur confiance en soi et leur estime de soi, en plus de les aider à mieux se comprendre. Note 48 

Les indicateurs de rendement du SCC montrent qu’en 2018-2019, 68 % des délinquants ont poursuivi leur éducation et que 60,8 % d’entre eux ont terminé une formation professionnelle avant leur première mise en liberté. Note 49 Cependant, ces indicateurs ne signifient pas nécessairement qu’ils ont obtenu un diplôme d’études secondaires ou qu’ils ont consacré un certain nombre d’heures à un programme d’apprentissage. Ils peuvent simplement indiquer que les détenus ont terminé un seul cours ou obtenu un seul crédit, ou qu’ils ont terminé un programme de formation professionnelle, par exemple sur le Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT), sur les mesures de base pour la prévention des chutes, sur la sécurité au travail relativement aux outils électriques, sur la salubrité des aliments ou sur la santé et la sécurité au travail. Peu de ces formations offrent la possibilité d’obtenir un emploi dans la collectivité après la mise en liberté. Selon les politiques du SCC, l’éducation est un besoin dès l’admission pour tous les délinquants qui n’ont pas obtenu un diplôme d’études secondaires ou l’équivalent. Les besoins en matière d’emploi sont déterminés lors de l’admission pour ceux qui n’ont pas d’antécédents professionnels stables ou qui ne possèdent pas d’aptitudes ou une expérience monnayables. Le SCC consacre environ 64 millions de dollars chaque année à l’apprentissage (études : 24 millions; CORCAN : 40 millions), ce qui représente moins de 3 % de son budget total. Note 50 Ces ressources financières semblent insuffisantes pour une population ayant de tels besoins.

RÉGION 

NOMBRE  
D'ENSEIGNANTS  
À TEMPS PLEIN/  
À TEMPS PARTIEL* 

NOMBRE DE  
PROFESSEURS  
DE COURS  
PROFESSIONNELS 

Atlantique

21

37

Québec

59,5

101

Ontario

51

94

Prairies

60

68

Pacifique

28

30

Total 

219,5 

330 

2019-2020 : NOMBRE  
DE PERSONNES  
SUR UNE LISTE  
D'ATTENTE (MI-ANNÉE) 

2 711** 

694*** 

*Information transmise par les chefs de l’éducation, en date du 23 janvier 2020.

**Source : Entrepôt de données. Données à jour jusqu’au milieu de l’exercice 2019-2020

*** Source : Entrepôt de données. Données à jour jusqu’au milieu de l’exercice 2019-2020. Remarque : Généralement, la formation professionnelle n’utilise pas de liste d’attente en raison de la nature changeante de la durée et du type de formation, entre autres. Les nombres présentés dans le tableau représentent donc seulement certains types de formations particulières, et ne tiennent pas compte de toutes les personnes qui attendent de suivre une formation professionnelle.

 

Depuis près de deux décennies, le SCC reste fermement réfractaire à l’idée d’accroître ou de mettre à jour l’accès des détenus à la technologie et à l’information derrière les barreaux. Depuis 2002, un moratoire interdit aux délinquants d’apporter un ordinateur personnel dans un établissement fédéral. En 2011-2012, le SCC a fermement rejeté la recommandation du Bureau de lever cette interdiction et d’accroître de façon importante l’utilisation des ordinateurs. Ces décisions sont toujours en vigueur aujourd’hui. Au cours des dix dernières années, les réponses du Service aux nombreuses recommandations concernant l’apprentissage et la formation ont généralement porté principalement sur l’étude de la faisabilité de programmes pilotes (p. ex. milieu d’éducation numérique, courriel surveillé, tablettes et ordinateurs portatifs) et sur l’expansion de partenariats avec des industries. Jusqu’à présent, on a répondu à aucune des préoccupations ou des recommandations du Bureau de façon significative ou pratique, ou en adoptant des mesures concrètes.

En raison de la nécessité de favoriser un milieu d’apprentissage robuste, les engagements pris et suivis par le SCC ne sont pas suffisants pour répondre aux besoins ou aux demandes relativement à une réintégration plus sécuritaire. Les lacunes du Service dans la mise en œuvre des avancées technologiques et l’accès à de l’information à jour, particulièrement dans le domaine de l’éducation, font en sorte que les délinquants qui retournent dans la collectivité ne sont pas le mieux préparés possible au marché du travail d’aujourd’hui. Le Bureau a donc examiné de près l’apprentissage dans les établissements fédéraux en 2019-2020, dans le but de mieux comprendre les difficultés et les obstacles auxquels les délinquants font face lorsqu’ils tentent d’accéder aux programmes d’éducation ou de formation professionnelle. Cette enquête permettra aussi de relever des pratiques prometteuses qui préparent davantage les délinquants au marché du travail actuel.

 

Le Bureau présente depuis longtemps des rapports sur l’apprentissage et la formation professionnelle derrière les barreaux, et il a formulé plusieurs recommandations au cours de la dernière décennie :

  1. Accès à des ordinateurs : Procéder à un examen du cadre de sécurité, de de politiques et de procédures qui régit l’accès des détenus au monde extérieur et leurs contacts avec l’extérieur dans le but de favoriser et d’accroître considérablement l’utilisation des ordinateurs. (2011-2012).  

     
  2. Occasions d’occuper un emploi intéressant : Offrir davantage d’occasions d’apprentissage et de placements à l’extérieur. (2012-2013 et 2018-2019).  

     
  3. Modernize CORCAN: Re-tool CORCAN employment and employability program to focus on building capacity in vocational skills training in demand areas, including significantly increasing access to Red Seal trades and apprenticeships, as well as sales, marketing and information technologies. (2014-15).  

     
  4. Plan d’action sur les emplois valables : Élaborer un plan d’action triennal pour répondre à la demande visant les emplois valables, l’acquisition de compétences dans le cadre de séances de formation professionnelle et la participation à des programmes d’apprentissage. (2015-2016).  

     
  5. Étude spéciale sur le travail des détenus : Le ministre de la Sécurité pulique demande que le Comité permanent de la sécurité publique et nationale procède à une étude spéciale sur le travail des détenus et CORCAN. (2016-2017).  

     
  6. Acces à Internet : Donner accès aux détenus au courriel et à Internet sous surveillance, à l’apprentissage en ligne et à des tablettes dans les cellules. (2017-2018).  

     
  7. Études postsecondaires : Accroître l’accès nécessaire aux détenus afin qu’ils poursuivent leurs études postsecondaires dans le cadre de partenariats établis avec des universités et des collèges locaux. (2017-2018).  

     
  8. Compétences informatiques : Améliorer la formation pour l’acquisition de compétences informatiques offerte dans le cadre du programme professionnel. (2018-2019).  

     
  9. Populations vulnérables : Rendre compte de la façon dont les besoins en matière d’employabilité des populations vulnérables seront comblés. (2018-2019).  

     
  10. Fabrication dans les ateliers CORCAN : Moderniser le secteur manufacturier de manière à s’assurer qu’il correspond aux tendances du marché du travail. (2018-2019).  

     

Le plan d’enquête

Les méthodes utilisées lors de cette enquête emploient les composantes suivantes :

1. Examen des politiques, des procédures et des recherches du SCC

Un examen et une évaluation ont été menés au sujet des politiques, des services et des interventions du SCC en matière d’apprentissage (c.-à-d. l’école ou les opérations des ateliers CORCAN) ainsi que des documents pertinents mettant l’accent sur l’incidence de l’école derrière les barreaux et des programmes de formation professionnelle sur les résultats correctionnels.

2. Entrevues individuelles et en groupe avec des employés du SCC et des détenus purgeant des peines de ressort fédéral

Des entrevues confidentielles individuelles et en groupe, auxquelles la participation était volontaire, ont été menées dans des établissements avec des étudiants participant aux programmes d’éducation derrière les barreaux et des personnes travaillant dans des ateliers CORCAN. Il est important de consulter directement les participants aux programmes d’éducation ou à la formation professionnelle, afin que nous leur donnions l’occasion de s’exprimer en ce qui a trait aux façons dont les programmes pourraient être améliorés pour eux. Les entrevues avec les étudiants et les travailleurs nous ont permis d’obtenir des opinions sur l’éducation et la formation professionnelle derrière les barreaux que seule leur expérience pouvait révéler.

Des entrevues ont aussi été menées avec des employés du SCC qui travaillent dans les secteurs de l’éducation et de la formation professionnelle. Les groupes suivants ont participé aux entrevues : enseignants, chefs de l’éducation, responsables de la formation professionnelle, gestionnaire/directeur de CORCAN, conseillers d’orientation, bibliothécaires et coordonnateurs de l’emploi. Nous nous sommes rendus dans les cinq régions (13 établissements) dans le cadre de cette enquête :

  • Ontario : Établissement de Collins Bay, Établissement de Beaver Creek et Établissement Warkworth.  

     
  • Québec : Centre fédéral de formation et Unité spéciale de détention.  

     
  • Prairies : Établissement de Stony Mountain.  

     
  • Atlantique : Pénitencier de Dorchester, Établissement de l’Atlantique et Établissement Nova pour femmes.  

     
  • Pacifique : Établissement de la vallée du Fraser, Établissement de Mission, Établissement Mountain et Établissement de Matsqui.  

     

Au total, des entrevues individuelles ou en groupe ont été menées avec 75 détenus purgeant une peine de ressort fédéral et 41 membres du personnel du SCC.

 

Pourquoi offrir aux détenus des occasions d’apprentissage derrière les barreaux?

  • La participation à des programmes d’éducation peut diminuer l’inconduite en établissement (particulièrement l’inconduite violente).  

     
  • La participation à des programmes d’éducation, de formation professionnelle ou d’apprentissage réduit le récidivisme. Une évaluation du SCC a permis de conclure que les délinquants qui terminaient au moins un niveau d’un programme d’éducation affichaient une baisse de 75 % du taux d’échec de la mise en liberté sous condition pour un nouveau crime, comparativement aux délinquants qui avaient des besoins en matière d’éducation, mais qui n’avaient pas été affectés à un programme d’éducation.  

     
  • Une éducation supérieure a une plus grande incidence sur le récidivisme.  

     
  • La recherche du SCC montre que les délinquants qui ayant un emploi dans la collectivité, sans égard à leur participation à un programme d’emploi en établissement, étaient presque trois fois moins susceptibles de se voir révoquer leur liberté sous condition en raison de la commission d’un nouveau crime, comparativement à ceux qui n’ont pas d’emploi.  

     
  • Les délinquants qui participent à un programme d’éducation ou de formation professionnelle sont plus susceptibles de trouver un emploi après leur incarcération. La recherche du SCC a permis de conclure que les délinquants employés par CORCAN étaient 1,09 fois plus susceptibles que ceux ayant un emploi en établissement ne relevant pas de CORCAN, et 1,37 fois plus susceptibles que ceux n’exerçant pas d’emploi en établissement, d’obtenir un emploi dans la collectivité, même après la prise en compte de facteurs de risque importants.  

     
  • Les délinquants employés dans un atelier CORCAN sont plus susceptibles de se voir accorder une mise en liberté anticipée (semi-liberté). La recherche du SCC a démontré que 61 % des délinquants employés dans un atelier CORCAN se voyaient accorder la semi-liberté, comparativement à 41 % des délinquants ayant un emploi en établissement ne relevant pas de CORCAN et à 51 % des délinquants n’occupant pas d’emploi en établissement.  

     
  • Les participants à un programme d’éducation ont signalé une amélioration des relations avec leur famille.  

     
  • Les enfants de délinquants qui participent à un programme d’éducation étaient plus motivés dans leurs propres études.  

     

 

Note 51 Note 52 Note 53 Note 54 Note 55 Note 56 Note 57 

Conclusion no 1 : La politique en matière d’apprentissage du SCC est désuète

Le cadre stratégique qui appuie l’éducation et la formation professionnelle, même s’il est relativement récent (entre 2105 et 2018), doit être mis à jour. Le point central de la politique du SCC sur l’éducation (DC : 720 – Programmes et services d’éducation pour les délinquants, 720-1 – Lignes directrices sur les programmes d’éducation ) est étroit : donner aux détenus la capacité d’obtenir un diplôme d’études secondaires. Les politiques traitent des études postsecondaires uniquement pour indiquer que les détenus qui détiennent un diplôme peuvent mettre à jour leurs crédits d’études secondaires et que les détenus, sauf dans des circonstances exceptionnelles, doivent financer leurs propres études postsecondaires. Selon la politique, lorsqu’une personne a obtenu son diplôme d’études secondaires ou l’équivalent, le SCC n’est plus tenu de l’aider à poursuivre ses études. La politique indique que les études postsecondaires peuvent être incluses dans le plan correctionnel d’un détenu, mais que cela ne signifie pas que le SCC fournira une aide supplémentaire. Plusieurs personnes ont indiqué, pendant leur entrevue, qu’elles avaient de la difficulté à faire ajouter ces études à leur plan correctionnel. Les politiques ne mentionnent pas non plus les technologies d’apprentissage novatrices et l’apprentissage en ligne et, bien qu’elles mentionnent la nécessité de déceler quels délinquants ont des difficultés d’apprentissage, de veiller à ce que ces derniers bénéficient de mesures d’adaptation raisonnables et d’établir un plan d’études personnalisé, l’absence d’exigences, pour les instructeurs, de posséder une formation formelle fait en sorte qu’il est difficile de mettre en œuvre ces obligations dans la pratique.

L’ensemble de politiques sur l’emploi et l’employabilité (DC 735 : Programme d’emploi et d’employabilité et Stratégie relative à l’emploi et à l’employabilité des délinquants), bien qu’il ait aussi été mis à jour récemment, n’appuie pas totalement l’acquisition de compétences monnayables. La politique ne traite pas adéquatement de la nécessité de veiller à ce que les occasions d’emploi en prison correspondent aux tendances actuelles du marché du travail et, lorsque les politiques en parlent, il suffit de faire des modifications mineures pour appuyer le programme d’employabilité. La stratégie porte exclusivement sur l’ensemble actuel de programmes de formation professionnelle qui sont offerts, et non sur la façon dont les ateliers CORCAN doivent se mettre à jour, s’adapter et changer pour répondre aux demandes du marché du travail actuel. L’ensemble de politiques ne mentionne pas de technologies ou de façons novatrices d’améliorer la formation numérique ou informatique dans les programmes de formation professionnelle. La politique et la stratégie, prises ensemble, maintiennent en fait le statu quo plutôt que de favoriser les compétences professionnelles.

Ordinateurs utilisés par les détenus – Il ne semble pas y avoir de politique liée à la mise à jour du matériel ou des logiciels des ordinateurs utilisés par les détenus. La seule politique pertinente se trouve dans la DC 566-12 – Effets personnels des délinquants , qui offre un aperçu de la mesure dans laquelle la politique est désuète en ce qui a trait aux détenus et aux ordinateurs. Même si elle a été mise à jour en 2015, la DC 566-12 – Effets personnels des délinquants traite toujours de « disquettes » comme moyen de sauvegarder des documents, un support qui n’est plus utilisé depuis le milieu des années 1990. Ceux qui n’ont pas d’ordinateur personnel dans leur cellule Note 58 ont le droit de posséder « cinq disquettes ». Les détenus assez chanceux pour avoir un ordinateur dans leur cellule, dont la possession est un droit acquis, ont le droit de posséder vingt disquettes. L’annexe D de la DC 566-12 traite des logiciels permis sur les ordinateurs appartenant à des détenus, y compris. Ils comprennent Microsoft DOSMD, Microsoft Windows jusqu’à la version Windows 98MD inclusivement, Windows 98 SE et ME ainsi que les suites bureautiques standards de base (p. ex. Microsoft Office 97, WordPerfect, Microsoft Works). Ces logiciels sont désuets depuis 20 ans. La plateforme technologique qui appuie le réseau autonome sur lequel se trouvent les ordinateurs des délinquants est aussi désuète.

Les politiques portant sur l’apprentissage doivent être mises à jour et élargies pour inclure les études et les aptitudes qui sont nécessaires dans le marché du travail actuel, comme des études postsecondaires et des aptitudes liées à la technologie et à l’informatique. Les politiques doivent être mises à jour pour inclure les nouvelles technologies qui facilitent l’apprentissage fait à partir de tout endroit, à tout moment. Les politiques doivent mettre l’accent sur la possibilité, pour les personnes, de répondre à des exigences plus poussées que les exigences de base pour veiller à ce qu’elles soient bien préparées pour retourner dans la collectivité. Les deux politiques doivent aussi être liées plus étroitement pour assurer un partenariat étroit entre les programmes d’éducation et les programmes de formation professionnelle. Actuellement, la politique n’indique aucun chevauchement où les aptitudes nécessaires sur le lieu de travail peuvent être enseignées dans le programme d’éducation (p. ex. math techniques). La politique du SCC dans ce domaine doit clairement reconnaître le fait que la création d’emplois s’est surtout produite dans les industries qui nécessitent des études ou une formation postsecondaires, et que le nombre d’emplois offerts dans les ateliers industriels qui n’ont jamais exigé d’études postsecondaires a diminué considérablement.

Conclusion no 2 : La technologie désuète constitue une importante difficulté

Les difficultés les plus importantes signalées aussi bien par le personnel que par les délinquants étaient liées à la technologie désuète, à l’absence d’accès à Internet et à un accent malencontreux sur la sécurité. Les ordinateurs sont rares dans les établissements fédéraux. Quelques ordinateurs autonomes sont disponibles dans la bibliothèque ou dans une autre aire désignée. Note 59 Les réseaux informatiques destinés aux détenus fonctionnement au moyen de matériel maintenu par le SCC. Ils exécutent des logiciels désuets (p. ex. WORD et Excel 2003 et Encarta ainsi que l’encyclopédie 2012) et utilisent toujours des disquettes souples. Les détenus n’ont pas le droit de sauvegarder leur travail sur un lecteur partagé, une clé USB ou même un CD. Les disquettes souples sont le principal moyen de sauvegarder des documents pour les détenus. Il s’agit d’un moyen non fiable, susceptible d’être corrompu et qui n’est plus fabriqué, sauf si on fait une commande spéciale. Un autre exemple de la technologie archaïque est la bibliothèque numérique de référence (BNR). La BNR, mise à jour tous les trimestres sur les ordinateurs des détenus, est essentiellement la seule plateforme technologique par laquelle les détenus peuvent avoir accès à de l’information. Elle comprend les catégories d’information suivantes :

  • Renseignements de nature générale (mission, priorités et rapports de planification du SCC)  

     
  • Lois pertinentes  

     
  • Documents du SCC portant sur les politiques, les recours des délinquants, les Services de santé, CORCAN et le catalogue national des effets personnels des délinquants  

     
  • Rapports du Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC)  

     
  • Renseignements sur la Commission des libérations conditionnelles du Canada  

     
  • Rapports externes pertinents  

     
  • Renseignements à l’intention des plaideurs qui se représentent eux-mêmes  

     

Ce sont les seuls ouvrages de référence auxquels les détenus ont accès, à l’exception des livres trouvés à la bibliothèque et de quelques journaux/magazines. Il s’agit de la solution technologique la plus simple pour donner accès à de l’information et à l’apprentissage. Il n’y a aucun contenu interactif, aucun module d’apprentissage et aucun moyen de créer ou de sauvegarder des documents ou encore de communiquer ou d’échanger des documents avec d’autres personnes (p. ex. enseignants, agents de libération conditionnelle, agents de griefs). La plupart des ressources sont incomplètes et ne sont pas mises à jour. Beaucoup d’efforts et de ressources sont consacrés au soutien et au maintien d’un cadre stratégique, d’une infrastructure et d’une plateforme technologique qui sont désuets, anachroniques et qui privent les détenus.

Près d’une décennie s’est écoulée depuis que le Bureau a recommandé, pour la première fois, l’utilisation accrue des ordinateurs et l’accès au monde extérieur. Depuis ce temps, l’une des seules solutions fondées sur la technologie qui a fait l’objet d’un projet pilote au SCC est Désir d’apprendre (D2L), un milieu d’apprentissage numérique utilisé dans la collectivité et dans lequel les particuliers peuvent avoir accès à des ressources d’apprentissage à l’aide d’un ordinateur. D2L peut aussi être utilisé par les enseignants pour créer un milieu d’apprentissage plus dynamique et interactif ainsi que par les collèges et les universités pour offrir des cours en ligne (p. ex. le Collège Durham offre actuellement près de 1 000 cours en ligne dans la collectivité à l’aide de D2L. Les domaines couverts par ces cours vont des affaires aux mathématiques en milieu d’apprentissage). Il s’agit d’une initiative très prometteuse, mais comme mentionné, elle est actuellement offerte que dans un établissement et disponible sur des ordinateurs qui sont situés dans les salles de cours, qui sont ouvertes pendant les heures de bureau seulement et auxquelles on ne peut avoir accès qu’avec un laissez-passer. Voici d’autres exemples de programmes fondés sur la technologie et mis en place par divers établissements :

  • Autodesk 3D Design permet aux personnes d’obtenir une certification en conception assistée par ordinateur 3D. Trente étudiants de l’Établissement de Bath ont obtenu cette certification, qui peut les aider à obtenir un emploi lors de leur mise en liberté.  

     
  • Formation informatique (IC3) – La formation IC3 est un jalon reconnu partout dans le monde pour les connaissances de base en informatique, dont les systèmes d’exploitation, le matériel, les logiciels et les réseaux. La formation IC3 (Certification sur les compétences Internet de base) est actuellement offerte au Pénitencier de la Saskatchewan (sécurité moyenne), à l’Établissement de Bowden (sécurité moyenne), à l’Établissement de Stony Mountain (sécurité moyenne) et à l’Établissement de Drumheller (sécurité moyenne).  

     
  • Certifications et crédits en informatique – En partenariat avec CORCAN et les Services de gestion de l’information (SGI), la région de l’Ontario permet aux délinquants de mettre à jour leurs aptitudes informatiques et d’obtenir des certifications offertes par la collectivité par l’intermédiaire de Microsoft, d’AutoCAD et autres.  

     
  • Conception Web – L’Établissement pour femmes Grand Valley (niveaux de sécurité multiples) a collaboré avec Canada en programmation pour offrir un atelier d’une journée et un cours de 13 heures sur la conception de pages Web, enseignant particulièrement aux détenues comment coder en HTML et en CSS.  

     

Ces initiatives sont essentielles pour mettre à jour les aptitudes et les connaissances d’une personne afin de mieux la préparer au marché du travail actuel, mais elles doivent aller au-delà de l’étape de projet pilote et être mises en œuvre dans tous les établissements de façon à ce qu’elles soient accessibles à tous ceux qui souhaitent poursuivre leurs études ou suivre une formation professionnelle.

La technologie désuète ne constitue pas le seul problème. L’absence d’accès à Internet limite sérieusement le nombre d’options qui s’offrent à ceux qui souhaitent poursuivre des études postsecondaires, puisque la plupart des collèges et des universités sont passés à l’apprentissage en ligne. Seules quelques écoles offrent toujours des cours par correspondance sur papier. Cela limite aussi le nombre de cours de niveau secondaire que les détenus peuvent suivre, alors que l’accès à Internet pourrait faciliter l’apprentissage en chimie, en biologie ou en physique, des matières qui ne sont pas enseignées derrière les barreaux. Les détenus sont privés d’information en raison du manque d’ouvrages de référence. Des détenus ont décrit des situations où ils comptaient sur des membres de leur famille pour leur fournir de l’information à jour et exacte afin qu’ils puissent terminer un devoir ou faire des études postsecondaires.

  • Une personne a demandé à son frère de faire des recherches sur Internet, pour ensuite rapidement prendre des notes au téléphone. Cette personne a affirmé qu’elle avait dépensé beaucoup d’argent pour faire des appels téléphoniques afin d’obtenir les renseignements nécessaires pour terminer ses études secondaires.  

     
  • Une autre personne a indiqué qu’elle avait demandé à un(e) partenaire de faire des recherches, d’imprimer les résultats et de les lui envoyer par la poste afin qu’elle puisse terminer ses études postsecondaires.  

     
  • Une troisième personne a affirmé qu’elle avait participé à des cours de niveau postsecondaire au téléphone avec sa grand-mère. Elle disait à sa grand-mère quoi faire et quoi écrire, et elle faisait le travail en ligne. Les coûts des appels téléphoniques étaient extrêmement élevés pour cette personne.  

     

Il semble inconcevable que ceux qui poursuivent leurs études derrière les barreaux ne puissent pas consulter de l’information à jour. Le SCC a tellement pris de retard sur les normes communautaires que la situation remet sérieusement en question ses obligations juridiques relativement à la préparation des détenus à leur mise en liberté et à l’aide qu’il doit leur offrir.

Des membres du personnel ont aussi abordé plusieurs obstacles à la mise à jour de la technologie ou à l’accès à l’apprentissage en ligne qui étaient fondés sur une approche accordant la priorité à la sécurité plutôt qu’à la promotion de l’apprentissage. On nous a dit que le groupe de l’informatique du SCC remettait constamment en question toute tentative de mettre les ordinateurs ou les logiciels à jour. Par exemple, le personnel enseignant a affirmé avoir acheté de nouveaux ordinateurs, mais qu’avant de les utiliser, ils devaient les recouvrir d’un boîtier de sécurité. Les enseignants ont acheté les boîtiers de sécurité que le groupe de l’informatique avait approuvés, seulement pour constater que lorsque les boîtiers sont arrivés, le groupe de l’informatique a refusé de les utiliser, car ils n’étaient pas « assez bons ». Comme avec d’autres aspects de la vie en prison, la sécurité prend le dessus sur l’innovation. Il est temps que le Service entre dans le XXIe siècle en ce qui a trait à la mise à jour de la technologie, et qu’il permette aux détenus d’avoir un accès restreint à Internet et au courriel.

La technologie désuète constitue aussi un problème pour les ateliers CORCAN, où certaines machines sont très vieilles et ne sont plus utilisées dans la collectivité. La formation offerte sur ces machines est essentiellement inutile, ou un programme créant des emplois. Les problèmes de sécurité et les coûts sont depuis longtemps cités comme les raisons pour lesquelles Internet ne peut pas être offert aux détenus des établissements fédéraux. Le SCC a refusé d’introduire la technologie et de permettre un accès restreint à Internet, mais quelques administrations provinciales (p. ex. le Centre de détention provisoire d’Edmonton, le Centre correctionnel du Nord-Est de la Nouvelle-Écosse et le Centre correctionnel du Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse) donnent accès à des tablettes aux détenus. Des tablettes à l’épreuve du vandalisme peuvent permettre aux détenus :

  • d’échanger des courriels avec des personnes inscrites sur une liste de contacts approuvés;  

     
  • de communiquer avec des membres de leur famille et des amis par vidéoconférence plutôt que d’attendre d’utiliser le téléphone dans un endroit qui n’offre pas beaucoup d’intimité;  

     
  • de télécharger des jeux, de la musique, des films et des livres faisant partie d’une sélection limitée;  

     
  • de déposer des griefs;  

     
  • d’avoir accès une bibliothèque de droit;  

     
  • de suivre des cours et une formation professionnelle;  

     
  • de participer à des programmes correctionnels.  

     

Les tablettes n’offrent pas de connexion Internet, mais elles permettent d’avoir accès à un serveur hébergé sur place, qui donne accès à un contenu sélectionné. La technologie vise à offrir un accès restreint à Internet, au courriel et aux vidéoconférences et, bien que le SCC affirme qu’il « étudie les options », cette phase exploratoire est en cours depuis de nombreuses années. L’économie d’aujourd’hui est fondée sur une connectivité constante. Le fait de fournir aux détenus un accès à la technologie moderne et à Internet, ainsi que de leur donner une formation, les préparera davantage en prévision de leur mise en liberté. Tout se fait en ligne, de la présentation d’une demande d’emploi à l’accès à des services gouvernementaux. Les employeurs cherchent des personnes qui possèdent des aptitudes en matière de technologie, et on prévoit que cela augmentera au cours des prochaines années. Les délinquants qui réintègrent la collectivité, particulièrement ceux qui purgent de longues peines, doivent connaître la technologie. Le SCC doit finalement accepter de mettre à jour tout ce qui est lié à la technologie, car les programmes d’éducation et les ateliers CORCAN nécessitent des modifications majeures pour entrer dans le XXIe siècle.

Conclusion no 3 : Les détenus n’acquièrent pas les aptitudes nécessaires dans l’économie d’aujourd’hui

Dans l’économie d’aujourd’hui, le fait d’avoir un diplôme d’études secondaires est à peine suffisant pour obtenir un emploi stable et intéressant ou un emploi pour lequel on recevra un salaire supérieur au salaire minimum. Un diplôme d’études secondaires est une exigence de base et, souvent, ce n’est pas suffisant pour compétitionner dans le marché de l’emploi d’aujourd’hui, axé sur la technologie. Les enseignants aussi bien que les délinquants ont affirmé qu’il est difficile de poursuivre des études supérieures en prison. Il était décevant d’entendre, de la part de quelques enseignants, qu’ils avaient été découragés (certains ont même utilisé le mot « menacés ») par la haute direction d’aider des délinquants à poursuivre des études postsecondaires puisque cela ne faisait pas partie du mandat du programme d’éducation. Fait incroyable, un membre du personnel de la direction du SCC a affirmé : « J’avais peur d’offrir le programme Walls to Bridges Note 60 , car je croyais que ce serait trop de travail, mais un détenu a déposé une plainte et nous avons dû le faire. »

Photo d’une salle de classe à l’Établissement de Stony Mountain.

Une salle de classe à  
l’Établissement de Stony Mountain. 

Le programme Walls to Bridges est entièrement financé par le collège ou l’université qui offre le cours, et le SCC doit uniquement fournir une salle de classe et filtrer les étudiants de la collectivité qui entrent à l’établissement. C’est un contraste frappant avec un établissement où un enseignant a été nommé pour aider les étudiants à mener des études postsecondaires. L’appui aux études postsecondaires varie d’un établissement à l’autre. Certains respectent le mandat et les politiques à la lettre, et d’autres offrent beaucoup de soutien.

Les détenus qui souhaitent mener des études postsecondaires font face à plusieurs obstacles lorsqu’ils tentent de poursuivre leurs études. Le plus important de ces obstacles est l’absence d’un accès à Internet. Très peu de collèges et d’universités offrent des cours par correspondance sur papier. La plupart des cours sont maintenant offerts en ligne et hors de la portée de ceux qui n’ont pas accès à Internet. De plus, alors que quelques établissements ont établi un partenariat avec des établissements d’enseignement postsecondaires pour offrir le programme Walls to Bridges , celui-ci n’est offert que dans quelques établissements au pays , et il n’offre qu’un ou deux cours, deux fois par année. Les étudiants ont aussi signalé des difficultés à financer leurs études postsecondaires. Les délinquants doivent financer leurs propres études secondaires, ce qui est difficile en raison des difficultés associées à la présentation d’une demande de bourses gouvernementales. Note 61 Seules quelques bourses sont offertes par les universités et les collèges, la paie versée aux détenus n’a pas changé en plus de trente ans et les retenues ont augmenté, ce qui laisse très peu d’argent pour les études postsecondaires. Clairement, il est difficile de poursuivre des études postsecondaires derrière les barreaux. Dans chaque établissement, seulement quelques personnes mènent des études postsecondaires, et elles le font avec une aide limitée du SCC, ou sans aide de l’organisation.

 

Occasions d’apprentissage prometteuses dans les établissements du SCC

  1. Walls to Bridges : Le Bureau a traité du programme Walls to Bridges dans son rapport annuel 2017-2018. Le programme était alors offert à l’Établissement Grand Valley. Les éducateurs sont formés dans le cadre d’un cours de 5 jours qui leur est destiné, et ils donnent des cours à l’intérieur des établissements. Ces cours rassemblent des étudiants de la collectivité et de la prison. Ils mettent l’accent sur l’égalité entre les détenus et les étudiants de la collectivité ainsi que les professeurs afin de favoriser un milieu inclusif. Le programme a été élargi pour être offert à d’autres établissements, dont un établissement à sécurité moyenne pour hommes (Warkworth).  

     
  2. Club de lecture : Certains établissements dans lesquels nous nous sommes rendus au cours de l’enquête avaient un club de lecture, donc les membres se réunissaient une fois par mois. Un établissement avait invité l’auteur de l’un des livres que le groupe avait lus pour animer une discussion sur le livre.  

     
  3. Club de débat : Un professeur d’université a enseigné comment tenir un débat à certains détenus de l’Établissement de Collins Bay. Les séances de débat se sont terminées par un débat final, auquel les autres détenus ont invités.  

     
  4. Ma plus belle histoire : Un enseignant à l’Établissement de Donnacona a invité les étudiants à participer au concours d’écriture Ma plus belle histoire , destiné aux étudiants adultes du Québec. Cinquante des meilleurs textes seraient choisis et publiés dans un recueil. Sept étudiants de l’Établissement de Donnacona ont participé, et trois de leurs textes ont été choisis pour le recueil de 2018-2019.  

     
  5. Atelier de poésie : Un enseignant à l’Établissement de Donnacona a animé un atelier de poésie enseigné par un romancier québécois. À la fin de la séance, les participants ont lu leur poème aux autres.  

     
  6. Groupe littéraire : À l’Établissement de Warkworth, des tuteurs ont reçu une formation et ont animé des séances destinées à des détenus qui apprenaient à lire ou qui amélioraient leur niveau de lecture. La salle était pleine de livres et de ressources propres à l’apprentissage de la lecture à divers niveaux.  

     
  7. Tuteurs recrutés parmi les détenus : Certains établissements dans lesquels nous nous sommes rendus au cours de l’enquête avaient un tuteur recruté parmi les détenus qui était assigné à chaque classe. Ces tuteurs fournissaient une aide individuelle aux étudiants et bénéficiaient par le fait même d’un travail intéressant et valorisant.  

     
  8. Partenariat avec les responsables de l’éducation et CORCAN : Le programme de soudage à l’Établissement de Collins Bay nécessite des participants qu’ils utilisent efficacement les concepts liés aux mathématiques techniques. Le personnel des ateliers CORCAN a demandé aux employés responsables de l’éducation d’offrir des cours de mathématiques techniques aux détenus qui souhaitaient participer au programme de soudage.  

     
  9. Le personnel des ateliers CORCAN à l’Établissement de Collins Bay examine régulièrement les offres d’emploi (soudeurs) dans la collectivité pour veiller à ce que ses travailleurs possèdent les aptitudes nécessaires à l’obtention d’un emploi lors de leur mise en liberté. Les offres d’emploi récentes indiquaient qu’il était nécessaire de posséder des aptitudes liées à la lecture de plans détaillés. Le personnel a donc amélioré le programme afin d’inclure cet aspect.  

     
  10. À l’Établissement de Matsqui, un détenu avait lancé un projet visant à recueillir de l’information de partout au Canada (et aux États-Unis) sur les Le personnel des ateliers CORCAN à l’Établissement de Collins Bay cours par correspondance de niveau postsecondaire et les bourses offertes. L’information constitue une ressource pour les détenus qui souhaitent mener des études postsecondaires. On avait présenté ce projet au SCC peu de temps avant pour obtenir son appui.  

     

Difficultés liées à l’acquisition d’aptitudes professionnelles monnayables

Il est également difficile d’obtenir des aptitudes professionnelles rendant aptes à travailler ou monnayables, même pour ceux qui travaillent dans des ateliers CORCAN. Nous avons vu quelques ateliers CORCAN qui permettaient effectivement aux travailleurs d’acquérir des aptitudes pertinentes et recherchées, mais il était aussi évident qu’un nombre trop élevé de travailleurs trimaient jour après jour et n’acquerraient que très peu d’aptitudes qui les aideraient à trouver un emploi. Les employés du SCC ont parlé des « compétences générales » (p. ex. la fiabilité, le travail d’équipe, la résolution de problèmes et la résolution de conflit) que les détenus apprennent dans des emplois qui ne leur permettent d’acquérir que peu d’aptitudes monnayables, mais nombre d’entre eux nous ont aussi confié que les ateliers industriels dans les prisons remplissent en quelque sorte l’horaire d’un détenu plutôt que de lui permettre d’acquérir des aptitudes utiles. Cette situation, combinée à l’élimination de la prime au rendement, fait en sorte qu’il est difficile de recruter des travailleurs pour les ateliers industriels CORCAN. Peu de détenus voulaient travailler toute la journée dans des ateliers CORCAN, où les emplois sont difficiles physiquement, permettent d’acquérir peu d’aptitudes et offrent un salaire équivalent à un nettoyeur de rangée, un emploi qui demande beaucoup moins de temps et de motivation.

Deux ateliers CORCAN se démarquaient en tant que chefs de file en ce qui a trait à la préparation des détenus pour leur mise en liberté dans la collectivité. Le programme de soudure à l’Établissement de Collins Bay est reconnu, et il offre non seulement une formation en soudure, mais il consigne aussi les heures faites par les travailleurs afin qu’on en tienne compte dans le cadre d’un apprentissage. L’Établissement de Collins Bay enseigne les trois niveaux de soudure, qui comprennent du temps passé en classe, de la formation en soudure et du travail de production. Les travailleurs sont inscrits auprès du ministère provincial en tant qu’apprentis et, au fil du temps, ils peuvent travailler en vue d’obtenir le Sceau rouge en soudure. L’Établissement de Matsqui offre aux travailleurs un programme de construction dans le cadre duquel ils sont inscrits auprès du ministère provincial en tant qu’apprentis, et toutes les heures sont consignées en prévision d’un apprentissage en construction. Les travailleurs construisent des immeubles modulaires et acquièrent de l’expérience dans plusieurs métiers de la construction (p. ex. charpenterie, plomberie et électricité).

Photo de personnes participant à la formation de soudeur de CORCAN à l’Établissement de Collins Bay

Personnes participant à la formation  
de soudeur de CORCAN à l’Établissement de Collins Bay 

Photo de personnes participant à la formation de soudeur de CORCAN à l’Établissement de Collins Bay

Matériaux de confection  
à l’Établissement de Warkworth. 

Ces deux ateliers CORCAN sont extrêmement prometteurs, mais leur capacité est limitée. Actuellement, seulement 6,3 % (861) des délinquants travaillent dans un atelier industriel CORCAN. Note 62 Le programme de soudure à l’Établissement de Collins Bay pouvait accueillir dix détenus pour le niveau 1, cinq ou six pour le niveau 2 et de deux à quatre pour le niveau 3 (pour un maximum de 20 travailleurs). En réalité, le nombre véritable de participants est souvent beaucoup plus bas.

Photo de matériaux de confection à l’Établissement de Warkworth

Personnes participant à la formation  
de soudeur de CORCAN à l’Établissement de Collins Bay 

Lors de la visite des représentants du Bureau, le programme comptait huit participants dans le niveau 1 et deux dans chacun des autres niveaux (pour un total de 12 travailleurs, ce qui représente 60 % de la capacité maximale). Le programme de construction de l’Établissement de Matsqui pouvait accueillir cinq travailleurs et, lors de la visite des représentants du Bureau, cinq détenus y travaillaient. En 2017-2018, un total de 567 délinquants étaient inscrits en tant qu’apprentis dans divers métiers (p. ex. soudeur, électricien, cuisinier, fabricant d’armoires et plombier). Note 63 Ce nombre n’est vraiment pas suffisant pour répondre à la demande de personnes possédant une formation professionnelle. On a aussi dit aux enquêteurs qu’on accordait parfois la priorité à la production plutôt qu’à la formation dans le cadre des apprentissages. Les ateliers CORCAN sont non seulement des établissements de formation, mais aussi des entreprises qui doivent s’assurer de produire suffisamment pour les clients. Cette hâte à produire frustrait souvent les travailleurs, puisqu’elle les empêchait d’assister à des cours en classe et d’acquérir de nouvelles aptitudes.

Photo de mitaines terminées à l’Établissement de Warkworth

Mitaines terminées  
à l’Établissement de Warkworth 

Photo de mocassins terminés à CORCAN dans la région du Pacifique

Mocassins terminés à  
CORCAN dans la région du Pacifique 

Photo d’une étiquette de vêtement à CORCAN, Région du Pacifique

Une étiquette de vêtement à  
CORCAN, Région du Pacifique. 

Nombre de placements à l'extérieur de 2009-2010 à 2019-2020

Graphique illustrant le nombre de placements à l’extérieur de 2009-2010 à 2019-2020. En 2009-2010, il y a eu 1 063 placements à l’extérieur; 1 343 en 2010-2011; 876 en 2011-2012; 815 en 2012-2013; 643 en 2013-2014; 489 en 2014-2015; 418 en 2015-2016; 481 en 2016-2017; 444 en 2017-2018; 436 en 2018-2019; 333 en 2019-2020. Le graphique montre une diminution générale et relativement constante des placements à l’extérieur depuis 2010-2011.

Nombre de placements à l’extérieur de 2009-2010 à 2019-2020.  
 

En revanche, d’autres ateliers industriels dans les prisons offraient des occasions d’emploi qui ne correspondaient pas du tout au marché du travail d’aujourd’hui ou qui perpétuaient les stéréotypes de genre. Nous nous sommes rendus dans des ateliers CORCAN qui offraient des emplois dans le domaine du textile où il fallait coudre, des emplois manufacturiers qui utilisaient des machines et des outils désuets qui ne permettaient d’obtenir aucun certificat officiel (p. ex. scie circulaire à table), et des ateliers de peinture et de réparation de petits moteurs qui ne permettaient d’obtenir aucun certificat officiel ni aucune reconnaissance formelle. Une personne a affirmé ceci : « Je n’apprends pas beaucoup. J’utilise une machine à coudre depuis presque 3 ans. » Il est inquiétant que la majorité des détenus que l’on a rencontrés en entrevue dans le cadre de cette enquête et qui travaillaient dans des ateliers CORCAN n’acquièrent que peu d’aptitudes qui pourraient les aider à obtenir un emploi dans la collectivité. Le secteur manufacturier est l’un des secteurs économiques les plus importants au Canada, mais il nécessite une main-d’œuvre compétente, avertie et novatrice (p. ex. concepteurs, chercheurs, programmeurs, ingénieurs, techniciens et personnes de métier). La plupart du temps, il ne s’agit pas du type d’aptitudes ou de compétences que l’on incite les détenus à acquérir ou que l’on enseigne dans les ateliers manufacturiers de CORCAN. Plusieurs détenus ont dit que leur emploi les aidait simplement à passer le temps. Un détenu a affirmé ceci : « Plutôt que d’être assis à ne rien faire, je préfère travailler. Ça passe le temps. Le temps passe vite du matin à l’après midi. Nous demeurons dans la rangée pendant la fin de semaine, et le temps passe lentement. J’aimerais faire des heures supplémentaires la fin de semaine. » Un autre détenu a dit : « Il n’y a aucune expérience liée aux métiers ou quelque chose comme ça ici. Il n’y a rien. Beaucoup de gens disent que je me retrouve à la porte (lors de la mise en liberté), et je n’ai pas d’aptitudes ou d’argent, et je dois faire de l’argent. Je dois donc vendre de la drogue pour faire de l’argent en attendant, me faire prendre, et revenir ici. »

Enfin, le nombre de placements à l’extérieur, qui représentent l’une des occasions d’emploi les plus prometteuses pour les détenus, diminue depuis dix ans. Les placements à l’extérieur offrent aux détenus l’occasion de retourner dans la collectivité pour occuper un emploi et acquérir d’importantes aptitudes qui pourraient les aider à obtenir un emploi lors de leur mise en liberté.

Il était particulièrement décevant de voir que les emplois offerts par CORCAN dans les établissements pour femmes étaient enracinés dans les attentes et les rôles traditionnels, y compris des emplois et de la formation en couture, en conception florale et de bijoux et en cisaillage de laine. En 2017 -018 par exemple, pour les délinquantes, la plupart des emplois offerts par CORCAN étaient dans le domaine du textile (83,5 % [197]). Les affectations dans les domaines de la construction ou de la fabrication représentaient 15,3 % [36] et 1,3 % [3] des affectations de CORCAN destinées aux délinquantes. Note 64 Nous avons entendu des femmes dire qu’elles voulaient plus d’options qui n’étaient pas « si féminisées », des occasions autres que dans le domaine de la construction comme en comptabilité, en administration de bureau, en informatique et en peinture résidentielle ou commerciale. Note 65 

Conclusion no 4 : Les indicateurs de rendement du SCC régissent l’établissement des priorités relatives à la liste d’attente

L’espace limité a pour conséquence que certains établissements ont de longues listes d’attente pour les programmes d’éducation et de formation professionnelle. La politique varie légèrement en ce qui a trait à la détermination de l’ordre de priorité des personnes inscrites sur une liste d’attente pour participer à un cours ou à une formation professionnelle. Selon la DC 720-1 – Lignes directrices sur les programmes d’éducation , en ce qui a trait aux détenus non autochtones, l’ordre de priorité de la participation est déterminé de la façon suivante : les détenus qui ne peuvent pas communiquer efficacement dans l’une ou l’autre des langues officielles et qui doivent suivre une formation linguistique en français ou en anglais, les détenus présentant un potentiel de réinsertion sociale faible ou moyen qui doivent suivre le Programme de formation de base des adultes de niveau III ou IV (y compris les Programmes adaptés de formation de base pour adultes de niveau III et IV), les détenus présentant un potentiel de réinsertion sociale faible ou moyen qui doivent suivre le Programme de formation de base des adultes de niveau I ou II (y compris les Programmes adaptés de formation de base des adultes de niveau I et II), les détenus présentant un potentiel de réinsertion sociale élevé qui doivent suivre un Programme de formation de base pour adultes (y compris les Programmes adaptés de formation de base des adultes), et les détenus qui doivent suivre tout autre programme d’éducation. On accorde aussi la priorité à ceux qui purgent de courtes peines (quatre ans ou moins). Note 66 Selon la DC 735 – Programme d’emploi et d’employabilité, les affectations en matière d’emploi et d’employabilité sont fondées sur les besoins connus et le temps restant avant la mise en liberté, ce qui signifie que la possibilité qu’un détenu reçoive une affectation s’accroît à mesure que sa date de mise en liberté approche.

Cela semble constituer une approche raisonnable, mais dans la pratique, le personnel du SCC a indiqué que les détenus peuvent se retrouver plus loin sur la liste pour maximiser le nombre de personnes qui se voient offrir au moins un programme avant leur mise en liberté. L’exercice semble ne servir qu’à cocher des cases. Dans son Rapport sur les résultats ministériels , le Service établit un objectif : s’assurer que de 54 % à 64,8 % des délinquants pour lesquels un besoin d’améliorer leur formation a été établi l’ait fait et que de 58,2 % à 60,5 % des délinquants pour lesquels un besoin de formation professionnelle a été établi aient terminé une telle formation avant leur première mise en liberté. Les enseignants ont expliqué que, même si cela ne correspond pas à la politique, on tient parfois compte des objectifs de rendement du SCC pour décider qui reçoit une affectation vers un programme d’éducation. Par exemple, un enseignant a indiqué qu’un détenu, qui avait un besoin important en matière d’éducation, a été inscrit plus bas sur la liste d’attente parce qu’il avait suivi un cours sur la sécurité nautique. Étonnamment, cela a compté comme un cours suivi avant la première mise en liberté. On ignorait comment un cours sur la sécurité nautique allait aider le détenu à obtenir un emploi lors de sa mise en liberté.

Les membres du personnel étaient aussi frustrés que l’on retire des détenus de l’école afin qu’ils terminent leur programme correctionnel obligatoire. On nous a indiqué que des détenus qui possédaient un bas niveau d’alphabétisation ou qui ne s’exprimaient pas bien dans une langue officielle étaient retirés de l’école afin qu’ils suivent un programme correctionnel. La DC 705-6 – Planification correctionnelle et profil criminel accorde la priorité aux programmes correctionnels et non aux études ou à l’emploi, mais la DC 720 – Programmes et services d’éducation pour les détenus établit que les programmes de français ou d’anglais devraient être prioritaires et qu’un niveau d’alphabétisation fonctionnelle est nécessaire pour participer aux programmes correctionnels. Encore une fois, il semble que l’atteinte des objectifs de rendement du Service était une priorité, ce qui aide à expliquer que 83,3 % des délinquants pour lesquels un besoin a été établi en matière de programme correctionnel reconnu à l’échelle nationale ont répondu à cette exigence avant leur mise en liberté. Les affectations aux programmes ne devraient pas être fondées sur l’atteinte des indicateurs de rendement, mais plutôt sur les besoins et sur l’assurance que les détenus qui réintègrent la collectivité ont terminé autant d’interventions pertinentes que possible.

Conclusion no 5 : Peu de mesures sont prises pour répondre officiellement aux besoins des détenus qui ont des difficultés d’apprentissage

Les enseignants et les professeurs professionnels du SCC ont indiqué que la majorité de leurs étudiants ou travailleurs avaient un handicap ou un obstacle qui nuisait à l’apprentissage (p. ex. hyperactivité avec déficit de l’attention, langue, toxicomanie ou problème de santé mentale). Un financement a récemment été offert aux régions pour dépister les difficultés d’apprentissage chez les délinquants, mais nous avons constaté que certains enseignants ignoraient l’existence de ce financement et que même lorsqu’un diagnostic officiel est disponible, peu de ressources sont en place pour répondre aux besoins des apprenants. Un enseignant a indiqué qu’il utilisait des solutions « à faible technicité » pour aider les détenus qui éprouvaient des difficultés d’apprentissage, et un autre a affirmé qu’il s’agit « d’une devinette. Je suis loin d’être un expert dans ce domaine. » De même, la DC 735 – Programme d’emploi et d’employabilité exige du SCC qu’il veille à ce que l’on tienne compte de la santé physique et mentale dans le cadre des programmes d’emploi et d’employabilité. Les professeurs professionnels ont aussi indiqué qu’ils utilisaient des moyens de base, comme accorder plus de temps pour terminer les tâches, puisque peu d’aides à l’apprentissage ou à l’enseignement sont disponibles.

Généralement, aussi bien les enseignants que les professeurs professionnels ont indiqué qu’ils faisaient de leur mieux pour répondre aux besoins des détenus, souvent sans savoir s’il existe un diagnostic officiel et à l’aide d’outils très limités et du petit nombre de ressources disponibles. Exemples de mesures d’adaptation : accorder plus de temps pour faire les devoirs, donner des instructions supplémentaires, offrir l’aide d’un tuteur et permettre des pauses fréquentes. Les enseignants ont signalé qu’ils souhaitaient disposer de ressources comme des crayons numériseurs et des ressources audio pour être davantage en mesure d’aider les étudiants, mais que ces demandes ont été rejetées. La majorité des enseignants et des professeurs professionnels que l’on a rencontrés en entrevue n’avaient aucune formation officielle en matière de troubles de l’apprentissage et n’avaient reçu aucune formation sur leur rôle au SCC. Un enseignant qui possédait des antécédents en éducation spécialisée a indiqué que tous les enseignants du SCC devraient suivre une formation en éducation spécialisée ou sur la façon d’aider les personnes qui ont des difficultés d’apprentissage. Cela semble raisonnable, vu le profil des étudiants derrière les barreaux.

Conclusion no 6 : Accès souvent difficile aux outils et aux ressources nécessaires

L’accès aux outils et aux ressources appropriés est essentiel pour terminer tout type de programme d’éducation ou de formation professionnelle. Aussi bien les membres du personnel du SCC que les étudiants ont indiqué qu’ils n’avaient pas à leur disposition certains des outils de base pour faire leur travail. Par exemple, des articles comme les crayons, les stylos, les taille crayons, les enregistreurs et les écouteurs étaient souvent disponibles en nombre insuffisant ou pas disponibles du tout. Ces conclusions sont inquiétantes puisque la DC 720 – Programmes et services d’éducation pour les détenus indique que les salles de classe doivent être munies des articles nécessaires. Les étudiants et les enseignants ont aussi signalé que le matériel didactique était si désuet que certains livres contenaient une feuille de corrections qui mettait le matériel à jour, et que les étudiants qui avaient besoin de lunettes attendaient souvent pendant longtemps avant d’en obtenir une paire.

La bibliothèque était, de loin, la ressource à laquelle les enseignants et les étudiants voulaient avoir davantage accès. On a constamment dit aux enquêteurs à quel point les collections de livres étaient désuètes, qu’il n’y avait pas suffisamment de livres et que les heures d’ouverture étaient trop limitées. En se rendant dans plusieurs des bibliothèques, les enquêteurs ont facilement été en mesure de corroborer l’information entendue pendant les entrevues. Il n’était pas rare de voir des tablettes vides, des ressources éducatives extrêmement désuètes, des tablettes contenant surtout des romans à lire par plaisir et des bibliothèques qui étaient fermées pendant le jour ou qui limitaient le nombre de personnes qui pouvaient s’y trouver en même temps. La DC 720 – Programmes et services d’éducation pour les détenus indique que les services de bibliothèque doivent être offerts dans tous les établissements, que les bibliothèques doivent disposer de ressources, qu’elles doivent appuyer tous les programmes de l’établissement, et qu’elles doivent répondre aux besoins des délinquants en matière de connaissances informatiques et leur offrir des documents présentant du contenu récréatif, culturel, religieux, spirituel, éducatif, juridique et informatif. De toute évidence, le SCC exploite des bibliothèques qui ne fournissent pas les ressources énumérées dans sa propre politique.

On nous a parlé à maintes reprises du processus inutilement complexe permettant l’accès à la bibliothèque. Lorsqu’un étudiant veut se rendre à la bibliothèque, il doit d’abord présenter une demande qui précise la raison de la visite. Lorsque la demande a été présentée, l’étudiant attend habituellement au moins deux semaines pour recevoir une réponse, dans laquelle sont indiquées la date et l’heure à laquelle la visite à la bibliothèque aura lieu. Fait important, chacune des visites est aussi priorisée en se fondant sur le besoin. Donc, par exemple, si un détenu souhaite chercher un nouveau livre à lire, mais qu’un autre détenu doit faire des recherches pour un projet scolaire, il est probable que le projet scolaire soit favorisé puisque la bibliothèque n’est ouverte que pendant un certain nombre d’heures chaque semaine (même pas chaque jour).

Conclusion

Aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, l’un des principaux objectifs du SCC (article 3) est d’aider « au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois ». Le Service offre plusieurs programmes, dont des programmes d’éducation et de formation professionnelle, mais le complément actuel d’occasions d’apprentissage n’assure pas une réadaptation ou une réinsertion sociale efficace et il ne peut pas le faire, particulièrement en raison de l’éparpillement actuel, de la capacité technologique désuète et des allocations de ressources limitées. Le financement doit être accru dans les secteurs ciblés, et les politiques doivent être mises à jour et élargies pour inclure l’éducation et l’accès aux aptitudes, en particulier la culture numérique, que le marché du travail actuel recherche.

Vision de l’enquêteur correctionnel pour 2020-2021

Couverture de l’édition spéciale du bulletin du Réseau d’experts sur la surveillance externe des prisons et les droits de la personne.

Couverture de l’édition spéciale du bulletin du Réseau d’experts  
sur la surveillance externe des prisons et les droits de la personne. 

La pandémie de COVID-19 représente toujours un défi sans précédent pour le système correctionnel fédéral. Il est difficile de prédire avec certitude ce que l’avenir nous réserve, alors que nous nous adaptons à la « nouvelle normalité » de nos vies. Puisque j’écris cette vision pour l’année à venir en pleine pandémie, j’hésite à nommer de nouveaux projets et de nouveaux engagements pour mon bureau en 2020-2021.

En supposant qu’il y aura un retour progressif au travail et que les visites d’établissement reprendront, je m’engage toujours à faire progresser les enquêtes systémiques. Tel qu’il est indiqué dans la section Enjeux d’envergure nationale de mon rapport, ce travail visera particulièrement à mener des enquêtes systémiques et thématiques dans le domaine des services correctionnels aux Autochtones, et à présenter des rapports à ce sujet. Ces enquêtes visent à examiner l’utilisation et l’efficacité de certains des programmes principaux du SCC dans le Continuum de soins pour les Autochtones. Nous nous efforcerons également de mener un examen minutieux des incidents de recours à la force impliquant des détenus autochtones, en particulier ceux qui ont de graves problèmes de santé mentale et les femmes qui s’automutilent.

Mon bureau prévoit aussi d’explorer davantage son rôle et sa fonction en matière d’inspection, conformément à l’article 174 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , qui lui donne le droit de visiter les pénitenciers fédéraux et d’y « faire les enquêtes ou les inspections qu’il juge indiquées ». Au cours de la dernière année, nous avons effectué des travaux préliminaires afin de déterminer comment les activités d’inspection pourraient servir de complément à notre mandat en matière d’enquête. Nous avons l’intention de poursuivre ces travaux en 2020-2021.

Pour terminer, j’aimerais exprimer ma gratitude envers mes collègues et mes partenaires étrangers dans le domaine de la surveillance externe des prisons. Je tiens particulièrement à souligner l’importante contribution du Réseau d’experts sur la surveillance externe des prisons et les droits de la personne, qui a publié un numéro spécial de notre bulletin d’information le 20 avril 2020, intitulé S’adapter à la COVID 19 : la surveillance des prisons pendant une pandémie . L’échange d’information et de pratiques exemplaires avec des pays partenaires nous a aidés à naviguer en eaux inconnues. Comme je l’ai écrit dans mon introduction du bulletin d’information, la surveillance des prisons présente des difficultés même dans les circonstances les plus favorables, mais la pandémie nous a forcés à manœuvrer et à nous adapter comme jamais auparavant. Nous apprenons que pendant une pandémie, lorsque l’accès aux milieux pénaux est très limité ou inexistant, il est plus important que jamais de veiller à ce que la surveillance externe se poursuive.

Au cours de l’année à venir, dans des circonstances changeantes et difficiles, mon bureau, en tant qu’organisme de surveillance des prisons, continuera de fournir un service public qui est essentiel et crucial.

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel

Photo de (de gauche à droite) Marie-France Kingsley, George Myette, Ed McIsaac et Ivan Zinger.

Photo de (de gauche à droite) Marie-France Kingsley,  
George Myette, Ed McIsaac et Ivan Zinger. 

Le Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel a été créé en décembre 2008 en l’honneur de M. Ed McIsaac, qui a longtemps été directeur exécutif du Bureau de l’enquêteur correctionnel ainsi qu’un fervent défenseur des droits de la personne au sein du système correctionnel fédéral. Le Prix Ed McIsaac vise à souligner les services insignes et l’engagement à améliorer les services correctionnels au Canada et à protéger les droits des détenus.

En 2019, le Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel a été remis à George Myette, directeur exécutif national de la Seventh Step Society et directeur des Associations nationales intéressées à la justice criminelle.

ANNEXE A : Sommaire des recommandations

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique établisse un groupe de travail constitué d’experts indépendants pour orienter la mise en œuvre des recommandations, actuelles et antérieures, du Bureau sur l’éducation et la formation professionnelle au sein des services correctionnels fédéraux. Les travaux de ce groupe de travail devraient inclure des échéanciers et des produits livrables clairs.  

     
  2. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique présente, au cours de la prochaine année, un ensemble de mesures législatives prévoyant une approche de tolérance zéro en matière de violence sexuelle au sein des services correctionnels fédéraux et établissant un mécanisme de signalement public afin de prévenir ces incidents, d’en assurer le suivi et de prendre les mesures qui s’imposent, en s’inspirant de la Prison Rape Elimination Act adoptée aux États-Unis.  

     
  3. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique et le ministre de la Justice et procureur général du Canada mettent sur pied un comité d’experts dont les membres délibéreront sur les questions éthiques et pratiques relatives à l’aide médicale à mourir dans les établissements de détention, dans le but de proposer des changements aux politiques et aux lois existantes. Cette délibération devrait tenir compte des questions mises de l’avant par mon bureau ainsi que de la plus récente documentation en matière de lois et d’éthique relative au système correctionnel du Canada. En attendant, et jusqu’à ce que le comité présente un rapport, je recommande un moratoire complet sur l’aide médicale à mourir à l’intérieur des pénitenciers fédéraux, sans égard aux circonstances.  

     
  4. Je recommande que le parc de remplacement des véhicules d’escorte du SCC soit muni de l’équipement de sécurité approprié pour les détenus, dont des poignées de maintien et des ceintures de sécurité, et que tout prototype de véhicule soit inspecté par Transports Canada avant d’être mis en production et en service.  

     
  5. Je recommande que le SCC examine des modèles de défenseur indépendant des droits des patients en place au Canada et à l’étranger, qu’il élabore un cadre de travail pour les services correctionnels fédéraux et qu’il présente un rapport public sur ses intentions en 2020-2021. Je recommande également qu’il procède à la mise en œuvre intégrale d’un système de défenseur externe des droits des patients en 2021-2022.  

     
  6. Je recommande que le SCC publie immédiatement des instructions interdisant l’utilisation des grenades de suppression dans les espaces clos ou confinés, y compris les cellules.  

     
  7. Je recommande que les placements en cellules nues qui excèdent 72 heures soient explicitement interdits au sein des services correctionnels fédéraux.  

     
  8. Je recommande que le Service élabore une directive du commissaire distincte et précise en ce qui concerne les incidents liés à la coercition et à la violence sexuelles impliquant des détenus sous responsabilité fédérale. Cette directive devrait décrire en détail la façon dont tous les employés devraient intervenir lorsque des allégations d’agression sexuelle sont formulées, ou lorsque l’on soupçonne qu’un incident s’est produit. L’ensemble de politiques devrait aussi présenter en détail des mécanismes permettant de prévenir et de détecter de tels incidents, d’en faire le suivi, de les signaler ainsi que de mener des enquêtes connexes. Le SCC devrait examiner les travaux d’autres administrations qui ont élaboré des approches complètes à l’égard des politiques et des pratiques (p. ex. Prison Rape Elimination Act ) en matière d’agressions sexuelles contre des détenus.  

     
  9. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique demande que le SCC désigne des fonds pour la réalisation d’une étude sur le nombre de cas, à l’échelle nationale, de coercition et de violence sexuelles impliquant des détenus dans les établissements fédéraux. Le sondage devrait être élaboré et mené par des experts externes complètement indépendants, qui devraient aussi présenter les résultats publiquement. Ces experts devraient posséder l’expérience et les capacités nécessaires pour mener une recherche à ce sujet dans un milieu correctionnel.  

     
  10. Je recommande que le Service élabore une stratégie fondée sur des données probantes pour prévenir la coercition et la violence sexuelles impliquant des détenus, en portant une attention particulière aux personnes ou aux groupes qui sont plus susceptibles d’être victimes de tels incidents.  

     
  11. Je recommande que, dans l’intérêt de la sécurité du personnel et des détenus, le SCC élabore un indicateur particulier dans le SGD pour les auteurs d’actes de coercition ou de violence sexuelle dans les établissements, et qu’il utilise cet indicateur pour orienter les stratégies de gestion de la population afin d’atténuer les risques potentiels et de veiller à la sécurité des personnes (détenus et membres du personnel) vulnérables.  

     
  12. Je recommande que le SCC élabore et offre des programmes d’éducation, de sensibilisation et de formation destinés à tous les membres du personnel et à tous les détenus au sujet de la coercition et de la violence sexuelles. Des experts qualifiés dans le domaine de la violence sexuelle dans les prisons devraient offrir une formation particulière sur la coercition et la violence sexuelles. Des programmes de sensibilisation à la violence sexuelle devraient être offerts aux détenus lors de leur admission dans un établissement fédéral.  

     
  13. Je recommande que le SCC mène un examen externe portant sur son modèle d’affectation de ressources dans les rangées thérapeutiques, et qu’il s’assure que le nombre de places disponibles et le nombre d’employés reflètent les véritables besoins des Services de santé mentale. Cet examen devrait aussi tenir compte des améliorations suivantes :  

     
    1. Un aspect thérapeutique qui incorpore plus d’espaces ouverts et un plus grand nombre de cours donnant accès à de l’air frais, à un abri et à des loisirs; un espace réservé aux programmes pour le counselling offert aussi bien aux particuliers qu’aux groupes; un accès facile et privé aux installations de soins de santé. Les rangées thérapeutiques ne devraient pas être directement visibles par les autres détenus qui ne résident pas dans la rangée.  

       
    2. Une utilisation accrue des pratiques de sécurité dynamique. Cela peut être accompli, en partie, en mettant en œuvre le Programme pilote sur les agents des unités thérapeutiques dans toutes les rangées thérapeutiques.  

       
    3. Un effectif supplémentaire de personnel correctionnel et des soins de santé mentale, et l’accès aux Aînés et au personnel des Services aux Autochtones, proportionnel à la demande de ces services dans la rangée thérapeutique.  

       
    4. L’élimination des lits qui utilisent le système de contrainte Pinel, c.-à-d. les « lits Pinel », des rangées thérapeutiques.  

       
    5. Permettre de passer à des niveaux de sécurité inférieurs dans l’unité, ce qui minimisera les transfèrements, dans la mesure du possible.  

       

Annexe B : Statistiques annuelles

Tableau A : Plaintes Note 67 présentées au BEC par catégorie et état de résolutions

PLAINTES 

EN COURS 

RÉSOLUE 

TOTAL 

ISOLEMENT PRÉVENTIF

1

86

87

Conditions

22

22

Placement/Examen

1

63

64

Autres

1

1

PRÉPARATION DU DOSSIER

1

89

90

EFFETS GARDÉS EN CELLULE

8

373

381

Cantine

22

22

Échange

1

10

11

Trousse pénitentiaire

68

68

Fouille et saisie

33

33

Transfèrement

105

105

Autres

7

135

142

PLACEMENT EN CELLULE

3

62

65

Double occupation

24

24

Isolement protégé

2

2

Unités/Rangée

2

20

22

Autres

1

16

17

RÉCLAMATION CONTRE LA COURONNE

1

40

41

Décisions

13

13

Traitement

23

23

Autres

1

4

5

SURVEILLANCE DANS LA COLLECTIVITÉ

1

27

28

MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION

4

54

58

Application

3

3

Conditions

13

13

Détention

3

3

Libération conditionnelle totale

1

1

Révocation

1

2

3

Suspension

3

18

21

Autres

14

14

CONDITIONS DE DÉTENTION

7

444

451

Accès aux douches

4

4

Santé et sécurité des lieux de travail des détenus

20

20

Isolement cellulaire

1

38

39

Temps de loisirs

44

44

Hygiène/Propreté

11

11

Température

18

18

Autres

6

309

315

DÉCÈS D’UN DÉTENU

3

3

RÉGIMES

1

63

64

Médicaux

13

13

Religieux

27

27

Régimes spéciaux

14

14

Autres

1

9

10

DISCIPLINE

38

38

Infractions graves

7

7

Infractions mineures

12

12

Procédures

14

14

Autres

5

5

DISCRIMINATION

35

35

Déficience

6

6

Genre

5

5

Race

13

13

Religieux

3

3

Autres

8

8

EMPLOI

2

59

61

Accès

9

9

Suspension

1

25

26

Autres

1

25

26

RENSEIGNEMENTS AU DOSSIER

10

224

234

Accès

2

59

61

Correction

4

76

80

Autres

4

89

93

QUESTIONS FINANCIÈRES

4

111

115

Accès

1

47

48

Paie

23

23

Autres

3

41

44

SERVICES D’ALIMENTATION

1

65

66

GRIEFS

6

118

124

Mesure corrective

2

2

Décision

27

27

Procédure

3

73

76

Autres

3

16

19

HARCÈLEMENT PAR UN DÉTENU

13

13

Sexuel

2

2

Verbal

3

3

Autres

8

8

RÉDUCTION DES MÉFAITS

38

38

Stratégie antidrogue

9

9

Échange de seringues

1

1

Traitement de substitution aux opiacés

28

28

SANTÉ ET SÉCURITÉ

1

28

29

SOINS DE SANTÉ

19

619

638

Accès

7

198

205

Décisions

1

123

124

Soins dentaires

1

45

46

Grève de la faim

11

11

Médicaments

3

162

165

Autres

7

80

87

IMMIGRATION/EXPULSION

2

2

PROCESSUS DE REQUÊTE DES DÉTENUS

30

30

Procédure

18

18

Réponse

4

4

Autres

8

8

ACCÈS JURIDIQUE

3

59

62

COURRIER

2

125

127

Livraison/cueillette

1

73

74

Saisie

3

3

Autres

1

49

50

SANTÉ MENTALE

95

95

Accès

47

47

Décisions

12

12

Qualité

15

15

Automutilation

12

12

Autres

9

9

BEC (PLAINTES REÇUES)

1

54

55

Cas présumés de représailles

3

3

Décisions/Opérations

1

25

26

Autres

26

26

LANGUES OFFICIELLES

7

7

TRIBUNAL EXTÉRIEUR

9

9

DÉCISIONS DE LA COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA

1

116

117

PRATIQUE SPIRITUELLE OU OBSERVATION DE LA RELIGION

35

35

PROGRAMS

3

101

104

Accès

1

56

57

Décisions

1

25

26

Qualité/contenu

5

5

Autres

1

15

16

QUESTIONS PROVINCIALES/TERRITORIALES

13

13

PROCÉDURES DE MISE EN LIBERTÉ

2

77

79

SÛRETÉ/SÉCURITÉ

9

219

228

Incompatibles/Autres détenus

120

120

Membre du personnel (SCC)

5

38

43

Autres

4

61

65

FOUILLE

29

29

Cellules nues

4

4

IONSCAN

7

7

Régulier

10

10

Fouilles à nu

5

5

Autres

3

3

COTE DE SÉCURITÉ

6

122

128

Initiale

8

8

Examen

2

86

88

Autres

4

28

32

ADMINISTRATION DE LA PEINE

3

26

29

UNITÉ SPÉCIALE DE DÉTENTION – EXAMENS DU COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL

1

1

UNITÉS D’INTERVENTION STRUCTURE (UIS)

1

29

30

Conditions

11

11

Placement/Examen

6

6

Autres

1

12

13

MEMBRE DU PERSONNEL (SCC)

16

528

544

Gestion de cas

4

197

201

Personnel correctionnel

3

208

211

La Gestion

1

17

18

Autres

8

106

114

TÉLÉPHONE

7

172

179

Accès

3

78

81

NIP

1

31

32

Suspension d’utilisation

6

6

Autres

3

57

60

PERMISSION DE SORTIR

51

51

Raisons humanitaires

15

15

Avec escorte

31

31

Sans escorte

5

5

TRANSFÈREMENT

10

342

352

ANALYSE D’URINE

18

18

RECOURS À LA FORCE

9

75

84

VISITES

4

196

200

Annulation/Suspension

44

44

Visites familiales privées

2

62

64

Visites normales

1

41

42

Traitement des visiteurs

7

7

Décisions du Comité d’approbation des visiteurs

34

35

Autres

8

8

UNITÉ À ASSOCIATION LIMITÉE, BASE VOLONTAIRE

1

1

Placement/Examen

1

1

CATÉGORIE DE PLAINTE À DÉTERMINER

194

194

RENSEIGNEMENTS INSUFFISANTS POUR ATTRIBUER UNE CATÉGORIE

91

91

TOTAL 

341 

5 212 

5 553 

 

Tableau B : Cas et jours de BEC dans les établissements par région et dans tous les établissements

 

RÉGION/ÉTABLISSEMENT 

CAS 

ENTREVUES 

JOURS EN ÉTABLISSEMENT 

ATLANTIQUE 

648 

122 

41 

Atlantique

273

52

11

Dorchester

194

33

11 Note 68 

Établissement Nova pour femmes

68

23

12

Centre de rétablissement Shepody

39

1

Springhill

72

13

7

QUÉBEC 

1 150 

242 

83 

Archambault

143

21

10 Note 69 

Centre régional de santé mentale

11

0

Cowansville

97

22

7,5

Centre régional de réception (CRR)

130

14

11,5 Note 70 

Donnacona

149

41

11

Drummond

91

9

10,5

Centre fédéral de formation

176

47

8,5

Établissement Joliette pour femmes

157

25

6

La Macaza

63

23

8

Port-Cartier

109

35

9

Unité spéciale de détention

22

4

Centre de ressourcement Waseskun

2

1

1

ONTARIO 

1 072 

225 

106 

Bath

141

24

9

Beaver Creek

144

49

12

Collins Bay

148

22

13,5

Établissement pour femmes Grand Valley

118

22

13

Joyceville

21

4

16 Note 71 

Unité d’évaluation de Joyceville

139

15

Unité de détention temporaire de Joyceville

19

1

Millhaven

158

29

16 Note 72 

Unité d’évaluation de Millhaven

1

0

Unité de détention temporaire de Millhaven

1

0

Centre régional de traitement – Bath

2

0

Centre régional de traitement – Millhaven

18

9

16 Note 73 

Warkworth

162

50

10

PRAIRIES 

1 393 

268 

66,5 

Bowden

151

35

8

Maison de ressourcement Buffalo Sage

2

0

1

Drumheller

147

22

5

Edmonton

327

71

16

Établissement d’Edmonton pour femmes

81

12

8,5

Grande Cache

96

10

4,5

Grierson

8

4

2

Pavillon de ressourcement O-Chi-Chak-Ko-Sipi

0

1

0

Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci

10

0

1

Centre Pê Sâkâstêw

7

0

0

Pavillon de ressourcement spirituel du Grand conseil de Prince Albert

9

0

1

Centre psychiatrique régional

144

31

3,5

Saskatchewan

272

38

7

Centre de guérison Stan Daniels

3

0

2

Stony Mountain

124

44

6

Pavillon de ressourcement Willow Cree

12

0

1

PACIFIQUE 

1 025 

275 

58 

Établissement de la vallée du Fraser pour femmes

126

27

12.5

Kent

172

40

10

Village de guérison Kwìkwèxwelhp

2

0

0

Matsqui

72

41

8,5

Mission

254

42

8

Mountain

183

53

9

Pacifique

77

20

9 Note 74 

Centre régional de réception – Pacifique

39

3

Centre régional de traitement – Pacifique

82

40

William Head

18

9

1

CCC-CRC Note 75 /LIBÉRÉS CONDITIONNELS DANS LA COLLECTIVITÉ 

265 

TOTAL 

5 553 

1 132 

354 

 

Tableau C : Plaintes et entrevues par établissement pour femmes purgeant une peine de ressort fédéral

RÉGION/ÉTABLISSEMENT 

CAS 

ENTREVUES 

JOURS EN ÉTABLISSEMENT 

ATLANTIQUE

68

23

12

Établissement Nova pour femmes

68

23

12

QUÉBEC

157

25

6

Joliette

157

25

6

ONTARIO

118

22

13

Établissement Grand Valley pour femmes

118

22

13

PRAIRIES

93

12

10,5

Maison de ressourcement Buffalo Sage

2

0

1

Établissement d’Edmonton pour femmes

81

12

8,5

Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci

10

0

1

PACIFIQUE

126

27

12,5

Établissement de la vallée du Fraser pour femmes

126

27

12,5

TOTAL 

562 

109 

54 

 

Tableau D : Traitement des plaintes

MESURE 

NOMBRE 

Résolution interne Note 76 

2 900

Demande de renseignements Note 77 

1 996

Enquête Note 78 

669

Résolution non précisée

37

TOTAL 

5 602 Note 79 

 

Table E: Tableau E : Cas, plaignants et population carcérale par région

RÉGION 

CAS 

PLAIGNANTS Note 80 

POPULATION CARCÉRALE Note 81 

Atlantique

648

257

1 274

Québec

1 150

503

2 684

Ontario

1 072

545

3 823

Prairies

1 393

634

3 945

Pacifique

1 025

375

1 994

TOTAL Note 82 

5 288 

2 314 

13 720 

 

Tableau F : Sujets de préoccupation les plus souvent signalés par les délinquants

CATÉGORIE 

NOMBRE 

POURCENTAGE 

POPULATION CARCÉRALE TOTALE 

Soins de santé

638

11,49 %

Membre du personnel (SCC)

544

9,80 %

Conditions de détention

451

8,12 %

Effets gardés en cellule

381

6,86 %

Transfèrement

352

6,34 %

Renseignements au dossier

234

4,21 %

Sûreté/Sécurité

228

4,11 %

Visites

200

3,60 %

Téléphone

179

3,22 %

Cote de sécurité

128

2,31 %

DÉLINQUANTS AUTOCHTONES 

 

 

Soins de santé

175

11,66 %

Membre du personnel (SCC)

161

10,73 %

Conditions de détention

125

8,33 %

Transfèrement

92

6,13 %

Effets gardés en cellule

82

5,46 %

Sûreté/Sécurité

72

4,80 %

Renseignements au dossier

61

4,06 %

Visites

46

3,06 %

Décisions de la Commission des libérations conditionnelles du Canada

38

2,53 %

Recours à la force

36

2,40 %

DÉLINQUANTES SOUS RESPONSABILITÉ FÉDÉRALE 

 

 

Soins de santé

103

17,46 %

Conditions de détention

66

11,19 %

Membre du personnel (SCC)

49

8,31 %

Sûreté/Sécurité

42

7,12 %

Effets gardés en cellule

26

4,41 %

Cote de sécurité

24

4.07%

Programs

21

3,56 %

Téléphone

17

2,88 %

Visites

17

2,88 %

Renseignements au dossier

16

2,71 %

 

Annexe C : Autres statistiques

A. Examens prévus par la Loi menés en 2019-20

Conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), le Bureau de l’enquêteur correctionnel examine toutes les enquêtes du SCC concernant des incidents relatifs à des blessures graves ou au décès de détenus.

 

Examens prévus par la Loi par type d’incident

TYPE D’INCIDENT 

EXAMENS 

Voies de fait

46

Meurtre

3

Suicide

5

Tentative de suicide

11

Blessures (accident)

18

Surdose interrompue

9

Décès (cause naturelle) Note 83 

8

Décès (cause non naturelle)

8

Évasion

1

TOTAL 

109 

 

B. Examens d’incidents de recours à la force menés par le BEC en 2019-20

Le Service correctionnel est tenu de fournir au Bureau tous les documents pertinents concernant les incidents relatifs au recours à la force, notamment :

  • Rapport sur le recours à la force  

     
  • Copie de toute vidéo concernant l’incident  

     
  • Liste de contrôle des Services de santé pour l’examen d’un recours à la force  

     
  • Liste de contrôle après l’incident  

     
  • Rapport d’observation ou déclaration d’un agent  

     
  • Plan d’action pour régler les lacunes  

     

Remarque : Les données dans les tableaux qui suivent représentent seulement les incidents examinés par le BEC en 2019-2020, ce qui constitue un sous-ensemble de tous les dossiers de recours à la force reçus par le Bureau durant la même période. 

 

Tableau 1 : Fréquence des mesures de recours à la force les plus couramment utilisées (à l’échelle nationale et par région)

 

Atlantique 

Québec 

Ontario 

Prairies 

Pacifique 

Nationale 

INCIDENTS DÉCLARÉS EXAMINÉS PAR LE BEC 

118 

271 

238 

336 

146 

1 109 

MESURES LES PLUS COURAMMENT UTILISÉES Note 84 

Contrôle physique 

81

150

142

213

121

707

Intervention verbale 

71

57

40

305

140

613

Agents chimiques/inflammatoires Note 85 

67

166

90

219

71

613

MK-4

23

56

47

93

46

265

MK-9

27

46

17

61

25

176

Détonation de T-21

5

34

11

31

0

81

MK-46

3

21

12

24

0

60

ISPRA

6

1

2

6

0

15

T-16

3

1

0

3

0

7

Autres

 

0

4

0

1

0

5

Grenades (chimiques)

 

0

3

1

0

0

4

Matériel de contrainte (menottes/entraves aux pieds) 

 

41

80

151

172

79

523

Brandissement d’un agent inflammatoire assorti d’ordres verbaux 

 

2

23

27

45

16

113

Équipe d’intervention d’urgence (EIU) 

 

11

11

20

25

4

71

Bouclier 

 

1

8

5

26

3

43

Matériel de contrainte souple (Pinel) 

 

3

10

1

17

3

34

Brandissement/chargement d’une arme à feu 

 

3

2

2

8

1

16

Carabine C8 (arme à feu) 

 

2

0

1

12

0

15

Artifice de diversion DT-25 (« grenade aveuglante ») 

 

3

2

0

6

1

12

Bâton

 

1

2

3

4

1

11

TOTAL Note 86 

 

286

511

482

1 052

440

2 771

 

Tableau 2 : Fréquence des mesures de recours à la force les plus couramment utilisées (établissements pour femmes)

INCIDENTS DÉCLARÉS EXAMINÉS PAR LE BEC 

72 

MESURES LES PLUS COURAMMENT UTILISÉES 

FRÉQUENCE DES MESURES 

Intervention verbale 

62

Contrôle physique 

56

Matériel de contrainte (menottes/entraves aux pieds) 

28

Agents chimiques/inflammatoires 

18

MK-4

15

MK-9

3

Brandissement d’un agent inflammatoire assorti d’ordres verbaux 

10

Matériel de contrainte souple (Pinel) 

2

TOTAL 

 

176 

 

C. Communications sans frais en 2019-20

Les délinquants et les membres du public peuvent communiquer avec le BEC en composant le numéro sans frais (1-877-885-8848) partout au Canada. Toutes les communications entre les délinquants et le BEC sont confidentielles.

Nombre de communications sans frais reçues au cours de la période visée par le rapport : 27 582 

Nombre de minutes d’enregistrement sur la ligne téléphonique sans frais : 78 869 

 

D. Enquêtes menées à l’échelle nationale en 2019-20

  1. Culture du silence : Enquête nationale sur la coercition et la violence sexuelles dans le système correctionnel fédéral (date du dépôt du rapport annuel 2019-2020).  

     
  2. Enquête sur les marges thérapeutiques dans les établissements à sécurité maximale pour hommes (date du dépôt du rapport annuel 2019-2020).  

     
  3. Apprentissage derrière les barreaux : Enquête sur les programmes de formation pédagogique et professionnelle dans les pénitenciers fédéraux (date du dépôt du rapport annuel 2019-2020).  

     

Réponse au 47e Rapport annuel de l’enquêteur correctionnel

Ministre de la Sécurité publique

Recommandation nº 1 : « Je recommande que le ministre de la Sécurité publique crée un groupe de travail d’experts pour guider la mise en oeuvre des recommandations actuelles et passées du Bureau sur l’éducation et la formation professionnelle dans les services correctionnels fédéraux. Ce travail devrait inclure des calendriers et des résultats clairs ». 

Le ministre de la Sécurité publique s’engage à améliorer les perspectives des délinquants sous responsabilité fédérale en multipliant les possibilités de réadaptation des délinquants et de leur réinsertion réussie dans la collectivité, tout en assurant la sécurité publique. L’augmentation des programmes d’éducation, l’amélioration de la formation professionnelle et l’obtention des compétences nécessaires pour obtenir un emploi rémunéré sont plusieurs facteurs clés de la réussite de la réinsertion sociale qui aident à préparer les personnes ayant purgé une peine dans un établissement correctionnel fédéral à a meilleure transition possible vers la collectivité.

Le Service correctionnel du Canada (SCC) s’est engagé et continue de s’engager à examiner attentivement et prendre en considération toutes les recommandations formulées par les partenaires et les intervenants, tant externes qu’internes, pour améliorer la formation professionnelle et l’éducation pour ceux dans les services correctionnels fédéraux. Il est actuellement prévu qu’un certain nombre d’initiatives soient mises en oeuvre, évaluées et dont on fera rapport en cours, et par conséquent, un groupe de travail d’experts, tel que recommandé par l’enquêteur correctionnel, ne sera pas mis en place pour le moment, mais pourrait être examiné à une date ultérieure une fois que ces initiatives actuelles auront été mises en oeuvre et évaluées. La Commissaire, qui reçoit des mises à jour régulières pour être informée de tous les développements pertinents sur les échéanciers et les résultats attendus en ce qui concerne les programmes d’éducation et d’emploi du SCC dans les établissements fédéraux, fera le point sur les progrès réalisés à l’intention du ministre de la Sécurité publique en juin 2021.

Le SCC s’est engagé à moderniser le programme d’éducation pour compléter la participation des délinquants aux programmes correctionnels et d’employabilité en augmentant leur niveau d’éducation, de compréhension et de pensée critique afin d’optimiser l’impact des interventions. Un élément essentiel de l’éducation moderne est celui de la culture numérique et le ministre entend veiller à ce que les initiatives qui développent cette compétence soient mises en oeuvre par le SCC. Par exemple, le SCC mettra en oeuvre le projet pilote d’éducation numérique à l’établissement de Bath d’ici la fin de l’exercice financier en cours. Ce système de gestion de l’apprentissage numérique permettra aux délinquants d’obtenir des crédits spécifiques d’études secondaires grâce à une connexion Internet restreinte à des sites approuvés via un réseau privé virtuel (RPV). Après examen de ce projet pilote, le SCC étudiera les possibilités d’élargir cette offre pour inclure d’autres activités d’éducation et de formation en ligne pour les délinquants.

Bien que les travaux se poursuivent pour explorer les possibilités d’élargir les activités d’apprentissage et de formation en ligne, il convient de noter que la mise en oeuvre des projets de gestion de l’information par le SCC pose des problèmes permanents en raison de l’âge et de l’état de l’infrastructure informatique du SCC. Il est nécessaire de s’assurer que les mesures de sécurité nécessaires sont en place pour permettre la mise à disposition de la technologie dans les établissements correctionnels fédéraux. L’élaboration et la mise en oeuvre d’initiatives dépendent également de la disponibilité des ressources.

Le SCC a élaboré et mis en oeuvre des programmes complets, des stratégies d’intervention, d’éducation et d’emploi permettant aux délinquants d’acquérir les outils et les compétences dont ils ont besoin pour s’intégrer en toute sécurité dans la collectivité en tant que membres productifs. Parmi les exemples, on peut citer la relance des programmes d’emploi agricole du SCC dans les établissements de Collins Bay et de Joyceville. Dans tout le pays, les initiatives d’emploi en établissement et dans la collectivité ont été améliorées pour les délinquantes afin de répondre à leurs besoins d’emploi, comme la possibilité de s’inscrire à des programmes d’emploi liés à la construction sur les six établissements pour femmes. Le SCC offre également une formation professionnelle et en cours d’emploi par le biais d’un emploi de transition aux hommes, aux femmes, aux délinquants autochtones et aux délinquants ayant des besoins en matière de santé mentale qui n’ont pas pu trouver un emploi régulier dans la collectivité et qui ont besoin d’une formation et d’un soutien supplémentaires pour atteindre cet objectif le plus rapidement possible. Par ailleurs, le SCC continue de travailler avec les collectivités autochtones et ses partenaires aux niveaux national, régional et local pour répondre aux besoins des délinquants autochtones. L’Initiative d’emploi des délinquants autochtones continue d’être mise en oeuvre dans les régions des Prairies, de l’Ontario et du Pacifique, en s’appuyant sur les progrès réalisés depuis sa mise en oeuvre en 2017.

La mise en oeuvre de possibilités modernes d’éducation et de formation à l’emploi dans divers établissements qui soutiennent les nouvelles tendances en matière d’emploi est un exemple du travail que le SCC entreprend dans le cadre de son mandat pour préparer les délinquants à leur réinsertion sociale. Ce travail est une priorité pour le ministre et il s’engage à assurer la mise en oeuvre de ces réalisations au niveau national.

Recommandation nº 2 : « Je recommande que le ministre de la Sécurité publique présente, au cours de l’année prochaine, un ensemble de mesures législatives qui approuvent une approche de tolérance zéro à l’égard de la violence sexuelle dans les établissements correctionnels fédéraux et qui établissent un mécanisme de rapport public pour prévenir et suivre ces incidents et y réagir, à l’instar de la Loi sur l’élimination du viol en prison aux États-Unis. » 

Recommandation nº 9 : « Je recommande que le ministre de la Sécurité publique ordonne au SCC de prévoir des fonds pour une étude nationale sur la prévalence de la contrainte et de la violence sexuelles chez les détenus des établissements correctionnels fédéraux. L’étude devrait être élaborée, menée et les résultats rendus publics par des experts externes, totalement indépendants, ayant l’expérience et la capacité de mener des recherches sur ce sujet dans un cadre correctionnel. » 

Le ministre de la Sécurité publique aimerait répondre conjointement aux recommandations nº 2 et nº 9 du rapport annuel de l’enquêteur correctionnel, car ces deux recommandations peuvent contribuer à orienter une stratégie de lutte contre la contrainte et la violence sexuelles (CVS) dans les établissements correctionnels fédéraux. Une approche de tolérance zéro à l’égard de la CVS est conforme à la politique du SCC et est fondamentale pour ses opérations visant à protéger la santé physique et mentale et la sécurité en général des personnes qui vivent et travaillent dans les établissements correctionnels fédéraux.

Étant donné l’importance de mieux comprendre la CVS dans le contexte canadien, la Sécurité publique a élaboré un plan de recherche, qui devrait débuter à l’automne 2020, pour commencer à évaluer la CVS dans les établissements correctionnels fédéraux. En collaboration avec le SCC, la Sécurité publique recueillera des informations et des données sur l’ampleur, la portée et l’impact de ce phénomène, en tenant compte des populations vulnérables telles que les détenus ayant déjà subi des traumatismes, les détenus issus de la communauté LGBTQ2+, les femmes et les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, afin de déterminer les lacunes dans les connaissances. Un rapport intermédiaire sur les travaux entrepris doit être établi d’ici le printemps 2021 et aidera à éclairer les mesures futures nécessaires pour détecter, prévenir et réagir à la violence sexuelle dans les établissements correctionnels. En dirigeant cette recherche, la Sécurité publique collaborera avec le SCC, et d’autres organismes si nécessaire, pour assurer la coordination avec d’autres mesures prises par le SCC sur cette question, comme indiqué dans les réponses aux autres recommandations de ce rapport.

De plus, étant donné la gravité de la question, le ministre a accepté d’écrire au Comité permanent de la sécurité publique et nationale pour lui demander d’envisager la réalisation d’une étude indépendante, accompagnée d’un rapport sur ses conclusions, sur la CVS dans les services correctionnels fédéraux.

Les résultats des recherches internes et externes aideront la Sécurité publique et le SCC à définir les prochaines étapes pour lutter efficacement et correctement contre la CVS.

Recommandation nº 3 : « Je recommande que le ministre de la Sécurité publique, conjointement avec le ministre de la Justice et procureur général du Canada, crée un comité d’experts chargé de délibérer sur les questions éthiques et pratiques liées à la fourniture de l’AMM dans tous les lieux de détention, dans le but de proposer des changements à la politique et à la législation existantes. Cette délibération devrait tenir compte des questions mises en lumière par mon Bureau, ainsi que des dernières publications sur le droit et l’éthique des prisons canadiennes. En attendant, et jusqu’à ce que le Comité présente son rapport, je recommande un moratoire absolu sur la fourniture de l’AMM à l’intérieur d’un pénitencier fédéral, quelles que soient les circonstances ». 

L’aide médicale à mourir (AMM) est une question complexe et profondément personnelle pour tous les Canadiens. La complexité accrue de l’accès à l’AMM dans un environnement correctionnel fédéral souligne la nécessité de garantir un processus solide et compatissant pour soutenir les délinquants souffrant de troubles médicaux graves et incurables qui pourraient souhaiter accéder aux services d’AMM afin de mettre fin à leur vie dans la dignité. Le ministre est conscient du fait que le ministère de la Justice a récemment révisé la législation fédérale sur I’AMM, en concertation avec les Canadiens, les experts, les praticiens, les intervenants, les groupes autochtones, ainsi que les provinces et territoires. Le SCC est seul responsable de toutes les questions liées à la mise en oeuvre de la législation sur l’AMM dans les pénitenciers fédéraux, et le SCC et la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) se partagent la responsabilité des diverses options de mise en liberté.

Les lignes directrices du SCC sur l’AMM exigent qu’un médecin ou une infirmière praticienne (évaluateur externe) externe effectue une évaluation de l’admissibilité et que la procédure d’AMM soit effectuée à l’extérieur du SCC, c’est-à-dire dans un hôpital communautaire ou un établissement de soins de santé, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Ces circonstances exceptionnelles doivent être à la demande du détenu, et un centre de traitement ou un hôpital régional peut-être utilisé, à condition que l’approbation ait été reçue du commissaire adjoint, Services de santé, et que la procédure soit effectuée par un professionnel de la santé externe au SCC. Parmi les procédures d’AMM effectuées depuis la mise en oeuvre de la législation, trois sur quatre ont eu lieu en dehors des établissements du SCC, par des professionnels externes au SCC.

La procédure d’AMM telle qu’elle est actuellement définie dans la politique du SCC est complète et contient de nombreuses garanties pour assurer que les détenus bénéficient d’une protection juridique complète. Toutefois, le ministre convient qu’une analyse plus approfondie et continue de l’éthique médicale de l’AMM dans les établissements correctionnels pourrait être bénéfique. Le ministre a donc demandé que le ministère, ainsi que le SCC et la CLCC, en collaboration avec le ministère de la Justice, s’engagent avec les principaux intervenants et experts en vue de faire des recommandations sur tout changement de politique. Sachant que I’AMM au Canada continue d’évoluer, le ministre s’engage à mener cet examen d’ici la fin de 2021 afin de mieux comprendre et de traiter les questions en suspens.

Réponse au 47e Rapport annuel de l’enquêteur correctionnel

Service correctionnel du Canada

Introduction

Peut-être plus que jamais dans l’histoire du Canada, le Service correctionnel du Canada (SCC) a répondu promptement et habilement à des changements sociétaux rapides. En juin 2019, le résultat des décisions judiciaires au sujet de l’isolement préventif et l’entrée en vigueur de modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ont incité le SCC à profiter de l’occasion pour mettre en place des politiques et pratiques de transformation sans sacrifier la prestation des programmes et des services.

Le SCC est en mesure de surmonter ces défis extraordinaires grâce au travail acharné et au dévouement de son personnel, de ses bénévoles, de ses comités consultatifs et des intervenants de la collectivité. Le Service est en voie de se doter de la souplesse et de la résilience nécessaires pour répondre aux demandes découlant du 21e siècle. Depuis la haute direction jusqu’aux travailleurs de première ligne, l’organisme connaît un important changement culturel qui renforce sa détermination à respecter son énoncé de mission tout en s’appuyant sur ses valeurs fondamentales.

En 2019-2020, le SCC a atteint un nouveau jalon dans le domaine des services correctionnels lorsqu’il a aboli la pratique de l’isolement préventif pour la remplacer par un nouveau modèle d’unités d’intervention structurée qui offre des soins axés sur les besoins des délinquants ayant des besoins complexes. Le SCC a également continué de répondre aux besoins des détenus sous responsabilité fédérale en ce qui a trait aux considérations liées au genre et effectue actuellement de la recherche pour transformer la gestion des groupes vulnérables – notamment les femmes, les Autochtones, les Noirs et les délinquants âgés.

Le SCC continue d’offrir aux détenus des conditions de vie saines et sécuritaires. Conformément à nos attentes, des résultats positifs ont été remarqués dans toutes les inspections de santé réalisées dans nos installations, et tous les menus du SCC respectent maintenant le Guide alimentaire canadien. Nos professionnels des Services de santé continuent de produire d’excellents résultats. Parmi les délinquants présentant un besoin en matière de santé mentale au moment de leur admission, 97 % ont reçu un service de suivi; 88 % des délinquants infectés au VIH reçoivent maintenant un traitement; et 97 % des personnes qui ont terminé un traitement contre l’hépatite C ont obtenu une réponse antivirale soutenue.

Le SCC a également réalisé d’importants progrès dans la réalisation de sa mission consistant à contribuer activement à la réadaptation et à la réinsertion sociale sécuritaire des délinquants. En 2019, une étude détaillée des taux de récidive des délinquants sous responsabilité fédérale a été publiée, rapportant une diminution absolue de 17,2 % des nouvelles condamnations de 1996-1997 à 2011-2012. Également en 2019, le SCC a réalisé une évaluation du Modèle de programme correctionnel intégré (MPCI) dans le système correctionnel fédéral canadien. Des analyses de l’efficacité du MPCI ont révélé que les profils de risque et de besoins des hommes étaient correctement déterminés au moment de l’admission dans le système correctionnel fédéral; que ces hommes étaient affectés au bon niveau d’intensité et au bon volet; et que ceux ayant terminé un programme étaient plus susceptibles de se voir accorder une libération anticipée et, surtout, moins susceptibles d’être réincarcérés dans un établissement fédéral. Ces résultats correctionnels reflètent l’importante diminution (-992 ou 6,7 %) de la population carcérale fédérale, qui est passée de 14 712 détenus à la fin de 2015-2016 à 13 720 détenus en 2019-2020, ainsi que l’augmentation substantielle (+1 037 ou 12,4 %) du nombre de délinquants sous surveillance dans la collectivité (de 8 345 à la fin de 2015-2016 à 9 382 en 2019-2020). Même si ces résultats sont impressionnants, le SCC cherche toujours des occasions d’apprendre et d’exceller. La relation entre le SCC et le Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC) est un élément central de l’introspection et de l’amélioration du SCC. Grâce à des échanges collaboratifs avec le BEC, nous avons pu en apprendre plus au sujet de nos opérations et mettre en place des méthodes plus sécuritaires de garde, de réadaptation et de réinsertion sociale des délinquants.

Réponses aux recommandations

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique établisse un groupe de travail composé d’experts pour orienter la mise en oeuvre des recommandations actuelles et passées du Bureau concernant l’éducation et la formation professionnelle dans le système correctionnel fédéral. Ces travaux devraient comprendre des échéanciers et produits livrables clairs.  

     

Voir la réponse à la recommandation du Ministre de la Sécurité publique.

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique présente, au cours de la prochaine année, un ensemble de mesures législatives à l’appui d’une approche de tolérance zéro à l’égard de la coercition et de la violence sexuelles dans le système correctionnel fédéral et établisse un mécanisme de production de rapports destinés au public pour prévenir ces incidents, en assurer le suivi et y répondre, semblable à la Prison Rape Elimination Act des États-Unis.  

     

Voir la réponse à la recommandation du Ministre de la Sécurité publique.

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique, de concert avec le ministre de la Justice et procureur général du Canada, constitue un comité d’experts qui aura pour mandat de discuter de questions pratiques et d’éthique concernant l’aide médicale à mourir dans tous les endroits de détention, dans le but de proposer des modifications aux politiques et aux lois existantes. Dans le cadre de ces délibérations, le comité devrait tenir compte des enjeux soulevés par mon Bureau, ainsi que de la littérature la plus récente des domaines du droit et de l’éthique pour les établissements carcéraux du Canada. Entre-temps, et jusqu’à ce que le comité présente son rapport, je recommande qu’un moratoire absolu soit imposé relativement à la prestation de l’aide médicale à mourir au sein d’un pénitencier fédéral, peu importe les circonstances.  

     

Voir la réponse à la recommandation du Ministre de la Sécurité publique.

  1. Je recommande que le parc de véhicules d’escorte du SCC soit remplacé par des véhicules munis du matériel de sécurité approprié pour les détenus passagers, y compris des poignées de maintien et des ceintures de sécurité, et que tout prototype de véhicule soit inspecté par les autorités de Transports Canada avant d’être mis en production et en service.  

     

Le SCC s’est engagé à remplacer son parc de véhicules d’escorte de sécurité afin de tenir compte des progrès récents de l’industrie en matière de conception et de configuration, tout en assurant la sécurité du public, du personnel et des délinquants.

Un nouveau prototype de Ford Transit T80R, qui comprend une cabine pouvant transporter jusqu’à quatre délinquants et cinq agents correctionnels, a été élaboré et présenté au SCC, à l’UCCO-SACC-CSN et au BEC en septembre 2019.

À la suite de l’examen du prototype, le SCC étudie actuellement avec Ford et Farmbro d’autres caractéristiques, comme l’ajout d’un banc en « L » des deux côtés de la cabine, pour permettre aux délinquants de grande taille d’allonger leurs jambes, et le prolongement de la cabine de sécurité.

Selon les indications initiales, la cabine de transport pourrait être modifiée pour ajouter ces caractéristiques. Les options concernant les ceintures de sécurité et les poignées de maintien sont également à l’étude. Enfin, il convient de noter que nos fournisseurs doivent s’assurer que les véhicules qu’ils fournissent respectent les normes de sécurité nationales établies par Transports Canada.

  1. Je recommande que le SCC examine les modèles indépendants de défense des droits des patients au Canada et à l’étranger, élabore un cadre pour le système correctionnel fédéral et rende compte publiquement de ses intentions pour l’exercice 2020-2021, et mette intégralement en oeuvre un système externe de défense des droits des patients en 2021-2022.  

     

Le SCC donne aux délinquants un accès à des services de défense des droits des patients conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. En vertu de la politique du SCC, et conformément aux exigences de leurs ordres professionnels de réglementation en matière de santé, les professionnels de la santé (y compris ceux qui offrent des services à contrat) doivent utiliser leur expertise et leur influence pour défendre, au nom des patients, le droit qu’ont ces derniers de recevoir des soins qui favorisent leur santé et leur bien-être. Le SCC facilite également l’accès à des défenseurs des droits des patients nommés par la province pour les délinquants qui sont déclarés inaptes aux termes d’une loi provinciale sur la santé mentale et encourage activement la participation de ces organismes indépendants. De plus, le SCC demeure déterminé à appuyer le travail des défenseurs des droits des détenus provenant d’organismes non gouvernementaux, comme la Société John Howard, l’Association des femmes autochtones du Canada et l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry.

En se servant du financement approuvé dans le cadre du projet de loi C-83, le SCC établira un plan de mise en oeuvre d’ici la fin de l’exercice2022-2023 dans le but de mettre en oeuvre intégralement le modèle révisé d’ici la fin de l’exercice 2023-2024. Depuis l’entrée en vigueur du projet de loi C-83, le SCC a livré des séances de formation aux gestionnaires des services de la Santé afin de les appuyer dans l’exercice de leur rôle quant à la livraison de services de santé axés sur le patient. De plus, un rappel des actions attendues dans le cadre de la livraison de soins axés sur le patient a été fait auprès de tous les employés des services de santé de première ligne. Finalement, des discussions à tous les niveaux de l’organisation se poursuivent quant à la livraison de soins axés sur le patient.

Le SCC reconnaît le rôle essentiel de la défense des droits des patients dans la prestation des services de santé et a l’intention d’élaborer un cadre de défense des droits des patients pour les établissements correctionnels fédéraux. La première étape de cette initiative consiste à examiner les modèles indépendants de défense des droits des patients au Canada et à l’étranger.

  1. Je recommande que le SCC diffuse des instructions immédiates interdisant l’utilisation des grenades de surpression dans des espaces clos ou confinés, y compris des cellules.  

     

Les artifices de diversion (aussi appelés grenades de surpression) sont couramment utilisés au sein des services correctionnels et des services de police pour gérer les incidents en créant un avantage tactique. Cet outil est approuvé pour son utilisation par les équipes d’intervention en cas d’urgence (EIU). C’est un moyen efficace qui permet une intervention rapide lorsque la stratégie d’intervention requiert une reprise de contrôle rapide lors de situations à haut risque. Dans un espace clos, y compris une cellule, les artifices de diversion servent à appuyer les manoeuvres tactiques offensives en suscitant un sentiment de diversion chez le sujet. Les facteurs situationnels (comme un détenu armé ou une prise d’otage) augmentent le niveau de risque, de sorte qu’un artifice de diversion devient un outil raisonnable lors d’une entrée dans une pièce et d’une intervention.

Il est reconnu que les artifices de diversion peuvent causer des dommages, et c’est pourquoi leur utilisation est limitée aux équipes d’intervention d’urgence qui reçoivent une formation spécialisée, y compris une formation sur l’utilisation des artifices de diversion. Cette formation porte sur les précautions à prendre en cas de dangers, tels que l’inflammabilité ou le bruit. En ce qui a trait à la chaleur générée et à l’inflammabilité des matériaux dans la zone en cause, le SCC a mis à l’essai l’aérosol capsique qui a été utilisé lors de l’incident mentionné dans le Rapport annuel. D’après les résultats, la préparation utilisée dans cet aérosol est hautement inflammable. Un communiqué a été envoyé immédiatement pour informer les établissements de ce danger. En outre, le SCC est en voie d’examiner d’autres types d’aérosol capsique en vue de les utiliser lorsque des artifices de diversion sont requis. Les procédures continuent de prescrire la présence d’un extincteur d’incendie sur les lieux à titre de précaution.

Cela dit, un examen de la formation du SCC sur les artifices de diversion a permis de relever des aspects qui pourraient être améliorés afin de mieux préparer le personnel à évaluer la nécessité d’utiliser cet équipement pour atténuer davantage les risques en fonction des facteurs situationnels et des secteurs liés au déploiement stratégique. Le SCC actualisera la formation d’ici la fin de l’exercice 2020-2021.

  1. Je recommande que les placements en cellule sèche excédant 72 heures soient explicitement interdits dans le système correctionnel fédéral.  

     

On s’attend à ce que les établissements limitent dans tous les cas les placements en cellule nue à ce qui est raisonnablement nécessaire et à la période la plus courte possible. Étant donné que les conditions de détention peuvent être limitées pendant le placement, le personnel correctionnel, le directeur de l’établissement et le personnel des soins de santé surveillent continuellement le détenu. Le détenu doit toujours avoir de la literie, de la nourriture, des vêtements et des articles de toilette adéquats. Le SCC doit fournir un accès raisonnable à des services d’aide médicale, psychologique et spirituelle, et un professionnel de la santé doit rendre visite au détenu quotidiennement. Les activités sont autorisées, sauf si elles compromettent la récupération des objets interdits. Les ordres permanents des établissements décrivent les exigences propres aux activités et aux procédures liées à la sécurité. Les placements en cellule sèche excédant 72 heures ne sont pas interdits car l’évacuation des selles à une fréquence de plus de 72 heures n’est pas hors du commun. En fait, plusieurs publications médicales soutiennent que certaines personnes n’évacuent leurs selles qu’une (aux 168 heures) ou deux fois (aux 80-90 heures) par semaine. C’est donc pour cette raison que les plus récents changements législatifs n’ont pas imposé des limites de temps mais ont plutôt imposé une surveillance médicale.

Au fil des ans, le SCC a apporté nombre d’améliorations aux exigences relatives aux cellules nues. On a présenté dans le cadre stratégique (Directive du commissaire 5667 – Fouille des délinquants) mis à jour en juin 2012 des exigences nationales pour les placements en cellules nues, qui comprenaient une supervision et une surveillance accrues. Les garanties procédurales énoncées dans la politique exigent que le directeur de l’établissement examine le placement tous les jours. Pour permettre qu’une personne autre que le directeur de l’établissement effectue la surveillance, il faut aviser le sous-commissaire adjoint, Opérations correctionnelles, à l’administration régionale de tout placement de plus de 72 heures. Le SCC envisagera des garanties et des mesures de surveillance additionnelles liées à l’utilisation de cellules nues dans les prochaines révisions de ses politiques.

  1. Je recommande que le Service élabore une directive du commissaire distincte et précise pour les incidents de coercition et de violence sexuelles impliquant des détenus sous responsabilité fédérale, qui décrit en détail la façon dont tous les membres du personnel devraient réagir lorsque des allégations d’agression sexuelle sont faites ou qu’on soupçonne qu’un incident s’est produit. Cette suite de politiques devrait également décrire en détail les mécanismes de détection, de suivi, de signalement, d’enquête et de prévention de tels incidents. Le SCC devrait consulter d’autres administrations qui ont élaboré des approches globales à l’égard des politiques et des pratiques (p. ex., la Prison Rape Elimination Act ) en lien avec les agressions sexuelles impliquant des personnes incarcérées.  

     

Le SCC souhaite donner suite aux recommandations 8, 10, 11 et 12 conjointement puisqu’elles portent toutes sur la coercition et la violence sexuelles à l’endroit des délinquants sous responsabilité fédérale. Le Service prend la question très au sérieux. Afin d’assurer un environnement sûr et sécuritaire pour tous les délinquants sous sa responsabilité, le SCC a mis en place de nombreuses mesures pour faire en sorte que ces actes soient traités rapidement. À cette fin, il a mandaté des commissions d’enquête responsables d’examiner de tels incidents, et prend des mesures afin d’améliorer la manière dont il reconnaît ces actes de violence, dont il mène des enquêtes à leur sujet, et dont il y donne suite. En fait, à la lumière des 19 recommandations issues de 24 rapports de commissions d’enquête pour de tels incidents, 14 recommandations ont été acceptées par le SCC et des actions ont été entreprises alors que deux autres font l’objet de consultations.

En vue de continuer à améliorer son approche, le SCC doit faciliter les efforts de Sécurité publique qui visent à évaluer ce qui est actuellement connu au sujet de la coercition et de la violence sexuelles dans le système correctionnel fédéral, et à recueillir des renseignements et des données sur l’ampleur, la portée et l’incidence de cette question afin de déterminer les lacunes dans les données et les connaissances. Ces connaissances contribueront à façonner l’approche du SCC.

À l’avenir, le SCC mobilisera d’autres organismes correctionnels dans le cadre d’un effort de collaboration avec l’Association internationale des affaires correctionnelles et pénitentiaires, dont la mission est de promouvoir et d’échanger des pratiques correctionnelles éthiques et efficaces afin d’améliorer la sécurité publique et la santé des collectivités dans le monde entier. Cette collaboration permettra de cerner les pratiques exemplaires en matière de prévention et d’intervention efficaces en cas d’agression sexuelle mettant en cause des personnes incarcérées. Ces travaux orienteront davantage l’approche globale du SCC dans ce domaine et renforceront sa capacité d’atténuer les risques et de protéger tous les délinquants et tous les membres du personnel.

De plus, dans le cadre du Programme de formation correctionnelle (PFC) auquel toutes les nouvelles recrues participent, un module de formation s’adresse à la « sous-culture » entre détenus afin de préparer celles-ci à reconnaitre les différentes monnaies d’échange au sein des murs. Par exemple, cette monnaie d’échange peut inclure l’offre de services sexuels afin d’obtenir l’acceptation des autres, des drogues ou même pour obtenir des services de protection.

Enfin, il convient de noter que le Système de gestion des délinquant(e)s du SCC permet déjà l’utilisation d’une alerte pour désigner les délinquants qui sont vulnérables ou autres, ou qui sont des prédateurs (c.-à-d. qui peuvent exploiter des membres du personnel ou des délinquants). Le Service surveille de près les personnes pour lesquelles une alerte a été émise en raison de leurs comportements vulnérables ou prédateurs, et cela éclaire également l’élaboration des stratégies de gestion de la population.

  1. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique ordonne au SCC de désigner des fonds en vue de la réalisation d’une étude nationale sur la prévalence de la coercition et de la violence sexuelles impliquant des détenus dans le système correctionnel fédéral. L’étude devrait être élaborée et menée par des experts indépendants externes qui possèdent l’expérience requise et sont en mesure de mener de la recherche à ce sujet dans un milieu correctionnel, et les résultats devraient être rendus publics.  

     

Voir la réponse à la recommandation du Ministre de la Sécurité publique.

  1. Je recommande que le Service élabore une stratégie fondée sur des données probantes pour prévenir la coercition et la violence sexuelles impliquant des individus incarcérés, en accordant une attention particulière aux personnes ou aux groupes qui sont réputés être exposés à un risque accru de victimisation.  

     

Voir la réponse à la recommandation nº 8.

  1. Je recommande que, pour assurer la sécurité du personnel et des détenus, le SCC établisse une alerte précise dans le SGD pour les auteurs de coercition et de violence sexuelles en établissement et qu’il s’en serve pour éclairer les stratégies de gestion de la population afin d’atténuer les risques potentiels et d’assurer la sécurité des personnes vulnérables (détenus et membres du personnel).  

     

Voir la réponse à la recommandation nº 8.

  1. Je recommande que le SCC élabore et offre des programmes d’éducation, de sensibilisation et de formation destinés à tous les membres du personnel et les détenus sur la coercition et la violence sexuelles. Une formation précise sur la coercition et la violence sexuelles devrait être offerte aux membres du personnel par des experts certifiés dans le domaine de la violence sexuelle dans les prisons. Des programmes de sensibilisation à la violence sexuelle devraient être offerts aux détenus dès leur admission dans un établissement correctionnel fédéral.  

     

Voir la réponse à la recommandation nº 8.

  1. Je recommande que le SCC mène un examen externe de son modèle de ressources pour les rangées de suivi thérapeutique et qu’il veille à ce que le nombre de places et la dotation en personnel reflètent les besoins réels des Services de santé mentale. Cet examen devrait également tenir compte des améliorations suivantes :  

     
  2. Permettre le passage d’un délinquant à un niveau de sécurité inférieur au sein de l’unité, en réduisant au minimum les transfèrements dans la mesure du possible et s’il y a lieu.  

     

 

Note 1

À ma connaissance, le Canada est l’un des rares pays qui permettent que l’aide médicale à mourir soit offerte en milieu carcéral.

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Note 2

La « libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel » est un mécanisme juridique visant à permettre d’étudier la possibilité d’accorder la libération conditionnelle à titre exceptionnel aux détenus qui n’ont toujours pas atteint la date d’admissibilité à la libération conditionnelle, et seulement dans certaines circonstances. Ces circonstances incluent la maladie terminale d’un délinquant, ou un délinquant dont la santé mentale ou physique subira probablement d’importants dommages si ce dernier demeure détenu, ou encore un délinquant pour qui la détention continue constituerait une épreuve excessive qui n’a pas été prévue raisonnablement lors du prononcé de la peine.

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Note 3

J’ai demandé des conseils sur ces questions au comité sur l’éthique de l’Association médicale canadienne.

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Note 4

Selon la Commission des libérations conditionnelles du Canada, sept dossiers relatifs à la liberté conditionnelle accordée à titre exceptionnel ont été reçus l’an dernier, et quatre des demandes ont été acceptées.

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Note 5

Le SCC doit fournir une cause de décès pour tous les décès qui surviennent en établissement. Jusqu’à très récemment, le décès d’un détenu ayant reçu l’aide médicale à mourir était considéré comme un « suicide ».

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Note 6

La politique du SCC exige le recours à deux agents pour l’escorte d’un détenu (dont le conducteur), et à un agent additionnel pour chaque autre détenu. Sans égard à la question de savoir s’il y avait suffisamment d’espace dans le compartiment pour transporter plus de deux détenus simultanément, les représentants du SCC n’ont pas pu répondre adéquatement lorsqu’on leur a demandé si les nouveaux véhicules seraient utilisés pour transporter quatre détenus classés à sécurité moyenne ou maximale.

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Note 7

Avant les plus récentes modifications apportées aux règlements fédéraux sur les véhicules automobiles, qui visaient principalement les ceintures de sécurité dans les autobus destinés au transport de passagers, ces règlements ne traitaient pas des véhicules réservés au transport de détenus. Dans les dernières modifications, Transports Canada a adopté les normes américaines en ce qui a trait aux caractéristiques de sécurité des autobus et, ce faisant, a adopté des exclusions semblables relatives aux ceintures de sécurité pour ce que l’on appelle les « voitures cellulaires » (par définition, des véhicules destinés au transport d’au moins dix détenus). Puisque les véhicules d’escorte du SCC comptent moins de dix sièges désignés, ils ne sont pas exclus de l’exigence fédérale d’être munis de ceintures de sécurité.

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Note 8

En 2016, Penal Reform International et le Centre des droits de la personne de l’Université d’Essex ont organisé une réunion à laquelle ont participé des experts internationaux pour délibérer au sujet de l’interprétation et de la mise en œuvre des Règles Mandela (Penal Reform International, 2017).

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Note 9

Voir, par exemple, Pont, J., Enggist, S., Stöver, H., Williams, B., Greifinger, R. et Wolff, H. (2018). « Prison health care governance: Guaranteeing clinical independence ». American Journal of Public Health, 108 (4), 472-476.

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Note 10

La recommandation d’adopter un modèle de défenseur des droits des patients remonte à bien avant le projet de loi C-83. Le Bureau a recommandé que le SCC nomme un défenseur « indépendant » des droits des patients dans chacun de ces cinq centres de traitement pour la première fois en 2013. Cette recommandation reprenait l’idée contenue dans une mesure similaire (c.-à-d. le conseiller indépendant en matière de droits et le défenseur des droits des détenus) mentionnée dans l’enquête du coroner de l’Ontario sur le décès évitable d’Ashley Smith (décembre 2013).

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Note 11

Une « grenade de suppression », aussi appelée « grenade aveuglante », « munition traumatisante », « pétard », « bombe assourdissante » ou « grenade de distraction » est un appareil explosif https://https://fr.wikipedia.org/wiki/Arme_non_l%C3%A9tale non létal, utilisé pour désorienter une personne temporairement. Ce dispositif est conçu pour produire un éclair aveuglant et un son très assourdissant. L’éclair provoque une cécité temporaire (environ cinq secondes). La détonation provoque une surdité et une perte d’équilibre. Malgré sa nature non létale, la surpression causée par l’explosion peut aussi causer des blessures, et la chaleur créée a déjà enflammé des matières inflammables.

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Note 12

Aux fins de mise en contexte et de référence, voir Dysfonctionnement à l’Établissement d’Edmonton , Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel 2018 2019.

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Note 13

La surreprésentation est encore plus importante parmi les femmes autochtones, qui représentent maintenant 42 % des femmes détenues au Canada.

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Note 14

Perreault, (2015). La victimisation criminelle au Canada , 2014. Juristat. Catalogue de Statistique Canada 85-002-X.

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Note 15

La définition est adaptée de la définition incluse dans les Lignes directrices du SCC sur la réaction aux agressions sexuelles.

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Note 16

Beck et Berzofsky, (2013). Sexual Victimization in Prisons and Jails Reported by Inmates, 2011 2012 . Département américain de la Justice, Bureau of Justice Statistics : Sondage national auprès des détenus, 2011 2012.

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Note 17

Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (2019). Preventing and Addressing Sexual and Gender-Based Violence in Places of Deprivation of Liberty: Standards, Approaches and Examples from the OSCE Region. (Warsaw, Pologne).

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Note 18

Zakaria, Thompson, Jarvis, et Borgatta, (2010). Résumé des premiers résultats du Sondage national de 2007 auprès des détenu(e)s sur les maladies infectieuses et les comportements à risque. Service correctionnel du Canada.

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Note 19

Wakefield, (7 novembre 2018). Alberta prisoners made 67 allegations of sexual assault in the last five fiscal years; Only one resulted in a criminal charge. https://edmontonjournal.com/news/insight/violent-and-coercive-sexual-assault-behind-bars-is-a-taboo-topic-but-statistics-tell-only-part-of-the-story/ . The Edmonton Journal. 

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Note 20

Prison Rape Elimination Act (2003). PREA Resource Centre. https://www.prearesourcecenter.org/about/prison-rape-elimination-act-prea 

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Note 21

McFarlane et Lerner-Kinglake, (2016). The Prison Rape Elimination Act and beyond: Sexual violence in detention. https://www.penalreform.org/blog/prison-rape-elimination-act-beyond-sexual-violence-detention/ Penal Reform International.

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Note 22

Rantala, (2018). Sexual victimization reported by adult correctional authorities, 2012-15. U.S. Département de la Justice, Bureau des statistiques juridiques.

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Note 23

Tous les rapports d’incident faisant partie de la sous catégorie « Agression sexuelle » ont été inclus dans l’analyse.

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Note 24

Tous les rapports de CE ont été fournis par la Direction des enquêtes sur les incidents du SCC. Le Bureau a compté sur la Direction pour relever les rapports qui remplissaient les critères permettant de les inclure dans l’enquête. Fait important, les rapports d’incidents générés par le SGD contiennent peu de détails sur les incidents ou de renseignements démographiques sur les personnes qui auraient été impliquées. On a donc consulté les rapports du CE pour obtenir advantage d’information détaillée et qualitative.

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Note 25

Le Bureau a formulé des commentaires sur les lignes directrices révisées en décembre 2019. Le SCC n’a pas fourni de réponse précise aux commentaires du Bureau.

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Note 26

Service correctionnel du Canada. Procédures à suivre après un incident. Intranet du SCC : HUB. Consulté le 1er avril 2020.

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Note 27

La décision de convoquer un CE est à la discrétion du commissaire, du directeur général de la DEI ou du directeur d’établissement. La convocation d’un CE nécessite souvent des visites d’établissement et des entrevues avec les parties en cause (dont des employés), ainsi que la production d’un rapport d’enquête détaillé.

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Note 28

Service correctionnel du Canada. À propos des enquêtes sur les incidents. Intranet du SCC : HUB. Consulté le 1er avril 2020.

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Note 29

Il y a eu 67 rapports d’incident et 23 rapports de CE. Pour cinq des CE, nous n’avons pas pu trouver de rapport d’incident correspondant. Nous estimons donc que le nombre total d’incidents liés à la violence sexuelle était de 72.

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Note 30

Les trois établissements où se sont déroulés le plus d’incidents menant à un CE étaient les suivants : 1) Établissement de la vallée du Fraser pour femmes, 2) Drumheller, 3) Pénitencier de la Saskatchewan.

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Note 31

Les incidents impliquant un membre du personnel sont traités comme des incidents disciplinaires ou des griefs qui sont consignés/signalés à l’aide d’un mécanisme différent des rapports d’incident utilisés pour la présente analyse.

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Note 32

Au total, 43 % des cas indiquaient qu’une « agression sexuelle » se serait produite, sans aucune autre information; et 16 % des cas indiquaient que ces agressions impliquaient des pressions de nature sexuelle non voulues.

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Note 33

Les enquêtes locales sont initiées par les directeurs d’établissement en vertu des articles 19, 97 ou 98 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions (LSCMLC). Les enquêtes nationales de niveau I sont initiées par la commissaire en vertu des articles 19 ou 20 de la LSCMLC pour enquêter sur des questions concernant le fonctionnement du SCC, et un membre de la collectivité y participe habituellement. Les enquêtes nationales de niveau II peuvent être initiées par le directeur général, Enquêtes sur les incidents, en vertu des articles 19, 97 ou 98 de la LSCMLC. Un membre de la collectivité peut participer à ces enquêtes.

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Note 34

Les incidents impliquant un membre du personnel sont souvent traités à l’aide du processus de griefs et de plaintes plutôt que dans le cadre d’une enquête.

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Note 35

Une feuille de codage détaillée a été élaborée pour coder les caractéristiques des incidents, des victimes, des agresseurs et de l’enquête de façon fiable dans tous les rapports rédigés par des comités d’enquête.

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Note 36

2ELGBTQQIA+ = bispirituel, lesbienne, gai, bisexuel, transgenre, queer, en questionnement, intersexe, asexué, plus autres.

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Note 37

Les « autres » formes de coercition ou de violence sexuelle comprennent : la masturbation forcée, l’invitation à des attouchements sexuels, les contacts sexuels à l’aide d’objets.

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Note 38

Le SCC compte sur une alerte de « comportement prédateur » dans le SGD, mais cette alerte est utilisée pour divers comportements, et non seulement pour la violence sexuelle.

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Note 39

Établissements visités : Stoney Mountain, Millhaven, Warkworth, Établissement de la vallée du Fraser, Matsqui, Mission (minimale et moyenne) et La Macaza. En raison des restrictions concernant les déplacements associées à la pandémie de COVID-19, les entrevues prévues pour mars et avril 2020 dans des établissements situés dans la région de l’Atlantique ont dû être annulées.

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Note 40

Sullivan, (9 mai 2020). « Ex-guard Charged with Sexual Assault ». Halifax Chronical Herald. 

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Note 41

Les enquêteurs assignés aux établissements de Millhaven et de Port Cartier ont assuré un suivi afin d’élargir le caractère général de nos conclusions. Toutefois, pendant la période où cette enquête a été menée, ni l’un ni l’autre de ces établissements n’avait terminé la mise en place de ses rangées thérapeutiques.

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Note 42

Mai 2019.

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Note 43

Cela s’applique uniquement aux établissements pour hommes. Comme l’indiquent les Lignes directrices intégrées du SCC en matière de santé mentale (p. 39) : « Les soins de santé mentale intermédiaires destinés aux femmes sont offerts au Centre psychiatrique régional, dans les milieux de vie structurés (MVS) et dans tous les établissements généraux pour femmes. »

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Note 44

Correspondance du commissaire adjoint, Services de santé, datée du 4 juin 2019. Propos réitérés le 23 septembre 2019, pendant notre réunion avec le Secteur des services de santé du SCC à Ottawa.

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Note 45

Groupes définis de la façon suivante : PS = Psychologie; TS-BES = Travail social-Bien être social; PBE = Programmes de bien être (agents de santé mentale); SI-H = Soins infirmiers – Hôpital; AR = Administratif et réglementaire; EP = Ergothérapeutes et physiothérapeutes.

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Note 46

La région de l’Ontario, à l’exception de l’Établissement de Collins Bay (sécurité moyenne et maximale), utilise un réseau accessible aux détenus pour permettre à ces derniers de sauvegarder de l’information sur leur propre lecteur.

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Note 47

SCC, Stratégie relative à l’emploi et à l’employabilité des délinquants – Exercice 2018 2019 et suivants (30 avril 2018).

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Note 48

Voir : Szifris, Kirstine, Fox, et Bradbury, (Juin 2018). « A realist model of prison education, growth, and desistance: A new theory ». Journal of Prison Education and Re-entry, 5 (1), p. 41 à 62; et Behan et Cormac, (2014). « Learning to escape: Prison education, rehabilitation and the potential for transformation ». Journal of Prison Education and Re-entry, 1 (1), p. 20 à 31.

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Note 49

SCC. (2018 2019). Rapport sur les résultats ministériels. 

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Note 50

Le 19 décembre 2019, le Bureau a demandé au SCC de lui transmettre de l’information et certaines données au sujet de l’éducation et de la formation professionnelle. Le SCC a finalement répondu au Bureau le 3 juin 2020, plus de deux semaines après que l’on a apporté la dernière main au rapport et qu’on l’a envoyé au Service aux fins d’examen et de correction des erreurs et des omissions.

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Note 51

SCC. (Janvier 2014). Résultats des programmes d’emploi pour les délinquants : incidence de la participation au programme d’emploi de CORCAN. 

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Note 52

SCC. (Février 2015). Programmes et services d’éducation pour délinquants. Rapport d’évaluation.

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Note 53

Erisman et Contardo. (Novembre 2005). Learning to reduce recidivism: A 50-state analysis of postsecondary education policy. The Institute for Higher Education Policy. 

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Note 54

Esperian, (Décembre 2010). The effect of prison education programs on recidivism. The Journal of Correctional Education, 61 (4).

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Note 55

Pompaco, Wooldredge, Lugo, Sullivan, Latessa, (2017). Reducing inmate misconduct and prison returns with facility education programs. Criminology and Public Policy, 16 (2).

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Note 56

Projet sur l’éducation en prison : Pourquoi l’éducation en prison? http://prisonstudiesproject.org/why-prison-education-programs/ 

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Note 57

Vera Institute of Justice. (Janvier 2019). Investing in futures: Economic and fiscal benefits of postsecondary education in prison.

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Note 58

Une décision datée d’octobre 2002 interdit aux délinquants d’apporter un ordinateur personnel dans un établissement fédéral, mais permet aux détenus qui possédaient déjà un ordinateur de le garder. Il ne reste probablement que quelques ordinateurs dans les établissements, et la majorité d’entre eux se trouvent probablement dans des étalissements à sécurité minimale.

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Note 59

L’accès à la bibliothèque est souvent restreint pour permettre la présence de seulement quelques détenus à la fois, et la bibliothèque n’est ouverte que quelques heures par semaine.

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Note 60

Walls to Bridges est un programme dans le cadre duquel des professeurs de collèges ou d’universités se rendent dans un établissement, en compagnie de leurs étudiants provenant de la collectivité, pour y enseigner des cours.

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Note 61

Les délinquants sont admissibles à la Bourse pour étudiants à temps partiel du gouvernement du Canada, mais ils ont besoin d’une déclaration de revenus récente et d’une copie de leur carte d’assurance sociale ou d’une lettre officielle pour présenter une demande. Certains délinquants ne possèdent pas ces documents et ont besoin d’aide pour les acquérir.

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Note 62

Entrepôt de données du SCC, 26 avril 2020.

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Note 63

SCC (2017 2018). Rapport sur les résultats en matière d’emploi et d’employabilité. 

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Note 64

SCC (2017-18). Rapport sur les résultats en matière d’empoi et d’employabilité. 

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Note 65

Le SCC signale que CORCAN tente d’élargir la formation à l’emploi dans les établissements pour femmes depuis l’automne 2017. Cela a mené à la mise en œuvre de formatons liées à la construction et à des affectations en milieu de travail dans tous les établissements pour femmes.

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Note 66

Pour les femmes et les détenus autochtones, on ne tient pas compte du potentiel de réintégration lorsqu’on établit les priorités pour la participation aux programmes d’éducation. Autrement, on accorde la priorité de la même façon à ces détenus.

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Note 67

Le BEC peut commencer une enquête à la réception d’une plainte présentée par un délinquant ou au nom de celui-ci, ou de sa propre initiative. Les plaintes sont reçues par téléphone ou lettres et durant des entrevues avec du personnel d’enquête du BEC dans les établissements correctionnels fédéraux.

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Note 68

Cela inclut le Centre de rétablissement Shepody.

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Note 69

Cela inclut le Centre régional de santé mentale.

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Note 70

Cela inclut l’Unité spéciale de détention.

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Note 71

Cela inclut l’Unité d’évaluation et l’Unité de détention temporaire de Joyceville.

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Note 72

Cela inclut l’Unité d’évaluation et l’Unité de détention temporaire de Millhaven.

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Note 73

Comprend tous les Centres régionaux de traitement de l’Ontario.

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Note 74

Cela inclut le Centre régional de traitement du Pacifique.

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Note 75

CCC – CRC : Centres correctionnels communautaires et centres résidentiels communautaires.

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Note 76

Résolution interne: Lorsque l’enquêteur examine seulement les renseignements et les notes d’un dossier ou parle avec le délinquant avant de fermer l’incident.

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Note 77

Demande de renseignements : Semblable à la résolution interne, mais l’enquêteur effectue aussi une mesure en réponse à la plante pour obtenir des renseignements supplémentaires avant de fermer le dossier.

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Note 78

Enquête : Comme pour une demande de renseignements, sauf qu’il doit y avoir au moins deux autres mesures. Une enquête diffère d’une demande de renseignements par le fait qu’elle est plus complexe et nécessite une analyse plus approfondie. Tout incident qui donne lieu à une recommandation doit aussi être classé à titre d’enquête. Une enquête peut également porter sur un incident systémique qui nécessite la surveillance d’une situation.

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Note 79

Un dossier peut être rouvert et résolu plus d’une fois, et les raisons pour fermer le dossier peuvent être différentes chaque fois. C’est ce qui explique que le nombre total de ce tableau soit plus élevé que le nombre de plaintes indiqué au tableau A.

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Note 80

Le nombre de délinquants ayant communiqué avec notre bureau pour formuler une plainte (c.-à-d. les plaignants). Quatorze dossiers ont été ignorés parce qu’aucun numéro SED de détenu n’était indiqué ou parce que le plaignant souhaitait rester anonyme.

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Note 81

Population carcérale ventilée par région : en date du 12 avril 2020, selon le Système intégré de rapports du Service correctionnel du Canada.

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Note 82

N’inclut pas les CCC-CRC/libérés conditionnels dans la collectivité. Il y a eu 146 contacts différents dans la collectivité.

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Note 83

Les décès survenus en raison de « causes naturelles » font l’objet d’une enquête menée en vertu d’un processus d’examen des cas de décès distinct qui comprend un examen du dossier à l’administration centrale.

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Note 84

Un incident de recours à la force peut comprendre plus d’une mesure.

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Note 85

Les agents inflammatoires, , communément appelés aérosol capsique ou « gaz poivré », contiennent un ingrédient actif naturel, la capsicine, dérivé en général de l’aérosol capsique ou le « poivre de cayenne », contiennent de la capsaïcine, un ingrédient naturel provenant de la plante du poivre. Les agents chimiques contiennent un ingrédient chimique actif qui crée une irritation extrême des yeux et des tissus, ce qui provoque la fermeture involontaire des yeux. Les appareils présentés ici sont conçus pour répandre des agents inflammatoires, des agents chimiques ou les deux.

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Note 86

Les totaux sont supérieurs au nombre d’incidents évalués par le BEC, car chaque incident peut impliquer plus qu’une mesure.

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Date de modification 

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Office of the Correctional Investigator - Report

Rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel 2014-2015

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Le 26 juin 2015

L'honorable Steven Blaney 
Ministre de la Sécurité publique 
Chambre des communes 
Ottawa, Ontario

Monsieur le Ministre,

J'ai le privilège et le devoir conformément aux dispositions de l'article 192 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de vous présenter le quarante deuxième Rapport annuel de l'enquêteur correctionnel.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments distingués.

Howard Sapers 
L'enquêteur correctionnel,


Table des matières

Message de l'enquêteur correctionnel 

Message du directeur exécutif 

1. Soins de santé dans les établissements correctionnels fédéraux 

Soins de santé physique 

Santé mentale 

 

2. Prévention des décès en établissement 

3. Conditions de détention 

4. Services correctionnels pour Autochtones 

5. Réinsertion sociale en temps opportun et en toute sécurité 

6. Femmes purgeant une peine de ressort fédéral 

Aperçu pour 2015-2016 

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel 

Annexe A : Sommaire des recommandations 

Annexe B : Statistiques annuelles 

Annexe C : Autres statistiques 


Message de l'enquêteur correctionnel


Howard Sapers - Correctional Investigator of Canada.  Description follows.

Howard Sapers 
Enquêteur correctionnel 
Juin 2015

J'ai le privilège de présenter mon onzième rapport annuel en tant qu'enquêteur correctionnel du Canada. Depuis ma nomination en avril 2004, j'ai été témoin de nombreux changements dans les conditions d'incarcération et la population carcérale fédérale au Canada. Depuis toujours, les pénitenciers mettent en lumière les problèmes et les inégalités de la société au sens plus large dont ils sont issus. Cette réalité demeure vraie aujourd'hui alors que la toxicomanie et la dépendance, la pauvreté et le dénuement, la discrimination et l'exclusion sociale, et les maladies mentales et la stigmatisation continuent de définir et de façonner les politiques, les pratiques et les populations carcérales canadiennes modernes.

Au cours de la décennie allant de 2005 à 2015, la population carcérale fédérale a augmenté de 10 % 1 . La majorité de cette croissance est attribuable à des augmentations stables année après année des admissions en établissement d'Autochtones, de minorités visibles et de femmes. Pendant cette période, la proportion de détenus autochtones et de détenues a augmenté de plus de 50 %, alors que la proportion de détenues autochtones a presque doublé. Bien que les peuples autochtones représentent 4,3 % de la société canadienne, 24,6 % de la population carcérale totale actuelle est composée d'Autochtones, et les femmes autochtones représentent maintenant 35,5 % de la population de femmes détenues. Dans cette même période, le nombre de détenus de race noire a augmenté de 69 %. Le taux d'incarcération dans un établissement fédéral de personnes de race noire est trois fois plus élevé que leur taux de représentation dans la société en général. Ces augmentations continuent malgré les changements demandés dans les enquêtes et les commissions publiques, et malgré les exhortations à la retenue des décisions de la Cour suprême du Canada.

Un coup d'œil derrière la barrière des pénitenciers permettra de voir ce qui suit :

  • Un détenu sous responsabilité fédérale sur quatre est âgé d'au moins 50 ans. La population de détenus vieillissants ou âgés a augmenté de façon considérable, et elle a bondi de près d'un tiers au cours des cinq dernières années seulement.
  • À leur admission dans un établissement fédéral, environ 60 % des délinquants ont des besoins en matière d'emploi. Avant leur admission en établissement, la plupart de ces délinquants étaient soit sous-employés chroniques, soit au chômage.
  • Le taux de scolarité moyen des délinquants au moment de leur incarcération dans un établissement fédéral reste bas. À leur admission en établissement fédéral, plus de 60 % des délinquants ont des besoins en matière d'éducation, ce qui signifie qu'ils n'ont pas terminé leurs études secondaires. Plus de 60 % de l'ensemble de la population carcérale a une 8 e année ou moins.
  • Près de quatre délinquants sur dix doivent subir des examens additionnels à l'admission pour déterminer s'ils ont des besoins en matière de santé mentale. Chez les délinquantes, 30 % de celles-ci ont déjà été hospitalisées pour des raisons d'ordre psychiatrique, alors que six femmes incarcérées sur dix reçoivent une sorte quelconque de médicament psychotrope pour gérer leurs problèmes de santé mentale.
  • Près de 70 % des délinquantes sous responsabilité fédérale disent avoir subi des agressions sexuelles, et 86 % d'entre elles ont subi des sévices physiques à un moment ou un autre de leur vie. Il n'est pas facile de séparer les traumatismes qu'elles ont subis et leurs démêlés avec la justice.
  • Chez les délinquants, 80 % d'entre eux luttent contre la toxicomanie ou la dépendance. Les deux tiers des délinquants sous responsabilité fédérale étaient sous l'effet d'une substance intoxicante au moment de commettre l'infraction à l'origine de leur peine.

Dans le langage correctionnel, ce profil représente une population à risque et à besoins élevés qui requiert une vaste gamme de services et de mesures de soutien, dont certains dépassent la définition classique des pénitenciers ou de leur fonction. Même si la vocation des établissements pénitentiaires fédéraux n'a jamais été de servir de résidence de soins psychiatriques, palliatifs ou de longue durée, ils sont de plus en plus appelés à remplir régulièrement ces fonctions.

Au cours de la dernière décennie, les indicateurs de garde sécuritaire se sont détériorés graduellement. Le nombre d'incidents de recours à la force a presque doublé, les admissions en isolement préventif ont augmenté de 15,5 %, le nombre d'incidents d'auto-mutilation dans les établissements carcéraux a triplé et le surpeuplement des établissements correctionnels a atteint des niveaux sans précédent alors que les taux d'octroi de la libération conditionnelle ont atteint leur niveau le plus bas. Notre système carcéral actuel libère la majorité des délinquants lorsqu'ils ont atteint leur date de semi-liberté, c'est-à-dire lorsqu'ils ont purgé les deux tiers de leur peine. Les délinquants représentant les risques et les besoins les plus élevés, et qui aujourd'hui sont pour la plupart libérés d'établissements à niveaux de sécurité multiple, sont maintenant ceux qui passent le moins de temps sous supervision dans la collectivité.

Compte tenu de l'évolution du profil des délinquants et de la nécessité de répondre à des besoins plus complexes, les coûts du secteur de la justice pénale (services de police, tribunaux, services correctionnels et libération conditionnelle) ont augmenté de presque 25 % au cours de la dernière décennie, alors que le taux national de criminalité a baissé d'environ ce même pourcentage. Dans la décennie 2003-2013, les dépenses relatives aux services correctionnels ont augmenté d'un peu plus de 70 %. Alors que les dépenses du Service correctionnel du Canada ( SCC ) atteignaient un point culminant, en 2013-2014, le budget annuel du SCC dépassait les 2,75 milliards de dollars. C'est également pendant cette période que l'élargissement le plus important de la capacité du système correctionnel de l'histoire du SCC a eu lieu, avec la construction ou la rénovation de 2 700 cellules dans plus de 30 pénitenciers différents, pour un coût total de plus de 700 millions de dollars.

Bien que les dépenses commencent à baisser dans la foulée de l'adoption de diverses mesures visant à limiter les coûts, dont la contribution du SCC de 300 millions de dollars au Plan d'action pour la réduction du déficit ( PARD ) du gouvernement du Canada annoncé dans le budget de 2012, les dépenses prévues en 2015-2016 pour les services correctionnels fédéraux sont quand même de 2,35 milliards de dollars. À l'heure actuelle, il coûte environ 71 $ par année à chaque Canadien pour soutenir le système correctionnel fédéral. Le coût moyen de détention d'un détenu sous responsabilité fédérale est de 108 376 $ par année; pour les femmes, ce coût est presque le double de celui des hommes. Par contraste, les coûts afférents à la garde sécuritaire d'un délinquant dans la collectivité sont 70 % moins élevés.

Comme je l'énonce clairement dans mon rapport de cette année, les détenus doivent assumer des coûts de plus en plus élevés pour se vêtir, se nourrir, s'héberger et se faire soigner pendant leur incarcération. Bien que la rémunération des détenus n'ait pas augmenté depuis son introduction en 1981 (et qui a un salaire journalier maximal de 6,90 $), l'application élargie des retenues pour la nourriture et l'hébergement vient gruger dans la capacité des délinquants de réaliser des économies suffisantes pour leur permettre de subvenir à leurs besoins au moment de leur réinsertion sociale et de s'acquitter de leurs obligations familiales à l'extérieur. De nouveaux frais administratifs ont été ajoutés pour compenser l'utilisation du système téléphonique destiné aux détenus. Les soins dentaires « non essentiels » ont été éliminés, tout comme la « prime de rendement aux détenus » qui était accordée aux détenus employés dans les ateliers industriels de CORCAN dans les établissements. Bien que la modernisation des méthodes de préparation, de livraison et de distribution des aliments dans les pénitenciers (technique de cuisson-refroidissement) a permis de réaliser certaines économies, l'introduction de cette technique a entraîné une légère diminution, dans l'ensemble, de la qualité, de la sélection et de la quantité des aliments fournis. Elle a aussi réduit considérablement le nombre d'emplois et, par conséquent, de possibilités de formation accessibles aux détenus.

D'autres mesures de réduction des coûts, comme la fermeture des prisons agricoles, la réduction du financement accordé aux programmes de réinsertion et de mise en liberté comme Option-Vie et Cercles de soutien et de responsabilité, ou la réduction du financement permettant l'accès à des services psychologiques dans certaines collectivités nuisent aux efforts de réinsertion. Au mieux, les économies réalisées dans la foulée de l'application de ces mesures sont minimes; toutefois, elles peuvent avoir de vastes répercussions pour ce qui est des incidences négatives sur les progrès correctionnels, sur les possibilités de réinsertion sociale réussie et en temps opportun, et sur le soutien à cet égard.

Entre temps, toute une série de décisions globales de « transformation opérationnelle » ont été mises en œuvre, comme la fusion ou le regroupement des services aux établissements, le remaniement des activités de gestion des cas, la réorganisation des ressources dans les centres de traitement, la rationalisation des bureaux de l'administration centrale et régionale et le renouvellement de formules de financement, ce qui amène à dire qu'on fait plus avec moins. Seules quelques-unes de ces mesures administratives sont fondées sur des éléments probants et, pour la plupart, aucun lien évident démontrant une amélioration de la sécurité publique n'a été démontré. Il n'est pas difficile d'imaginer quelles conséquences plus vastes ces réductions de services pourraient entraîner. Les détenus qui ont été endurcis par leur expérience carcérale et dont les besoins sont restés ignorés seront moins susceptibles de tirer profit de leur incarcération et ils seront beaucoup moins bien préparés à leur mise en liberté. Autrement dit, les coupures dans les services aux détenus pourraient avoir l'effet contraire à celui souhaité et entraîner une augmentation des risques pour la sécurité publique.

Dans les cinq dernières années, nous avons vu un nombre sans précédent de réformes pour ce qui est des politiques et de la détermination de la peine. Mis ensemble, l'effet cumulatif de toutes ces réformes a profondément changé les pratiques et le discours de la justice pénale au Canada et contribué à l'érosion de certaines pratiques et de certains principes correctionnels qui ont cours depuis longtemps et qui étaient fondés sur des éléments probants. Je continue de trouver inquiétant le fait qu'on gruge des concepts comme la mesure la moins restrictive et le maintien des droits ou qu'on les remplace par un langage plus vague, comme des « mesures proportionnelles et nécessaires ». Maintenant, les modifications apportées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition exigent clairement que la peine soit gérée en fonction de la « nature et de la gravité de l'infraction » et du « degré de responsabilité du délinquant ». Plutôt que d'être le résultat d'un système juste et équilibré, la sécurité publique est devenue le principe dominant et elle a préséance sur tous les autres objectifs, comme la réhabilitation et la réinsertion sociale en sécurité, qui sont tout aussi valables.

Les répercussions de ces changements commencent à se faire sentir. Les facteurs de risque statiques (nature et gravité de l'infraction, durée de la peine) revêtent maintenant une plus grande importance dans les décisions sur la mise en liberté qui ont une incidence sur la classification de sécurité, le placement pénitentiaire et l'accès à la collectivité. Malgré cela, gérer une peine d'emprisonnement en fonction de la gravité (ou de la notoriété) d'un crime plutôt que du respect des principes de l'individualité ou de la proportionnalité va à l'encontre de la plupart de nos connaissances concernant les méthodes modernes de gestion du risque. Les services correctionnels visent à favoriser les changements personnels et la réforme; ils sont tournés vers l'avenir plutôt que le passé, et ils doivent être axés de façon appropriée sur l'évaluation des risques et des besoins criminogènes à mesure qu'ils évoluent au fil du temps.

Alors qu'on accorde de plus en plus d'importance à l'incarcération, parallèlement, les systèmes correctionnels et la libération conditionnelle sont vus comme étant de moins en moins importants, à un point tel qu'il n'y a que très peu de tolérance pour le risque, même lorsque celui-ci est très bien géré. Comme je le suggère dans ce rapport, le système a une telle aversion aux risques qu'il n'est pas rare que même des personnes âgées et des personnes atteintes d'une maladie chronique ne représentant plus un risque continu ou dynamique pour la sécurité publique sont maintenues en détention jusqu'à leur date d'admissibilité à la libération d'office ou d'expiration du mandat. Ironiquement, et contre toute preuve, les peines d'emprisonnement plus longues et plus sévères au terme desquelles le temps purgé dans la collectivité a été moins long permettent en fait de prévoir la récidive. Il semble que nous ayons le regard tourné vers le passé, vers la période où « rien ne fonctionne », alors que le mieux que nous attendions de nos établissements carcéraux était une garde sécuritaire et où les détenus étaient considérés comme moins que des citoyens et dénués de droits.

Le programme stratégique correctionnel a inspiré de nombreux débats publics passionnés, et tous n'étaient pas favorables à l'intention ou à l'orientation du gouvernement. Diverses mesures ont été contestées avec succès devant les tribunaux, et les contestations ont porté sur des motifs d'ordre procédural, d'équité et liés à la Charte . Par exemple, les tribunaux se sont prononcés contre la tentative du gouvernement d'éliminer rétroactivement la procédure d'examen expéditif pour les délinquants ayant déjà été condamnés. Ils ont aussi déclaré inconstitutionnel le fait de restreindre le temps alloué sous garde avant le prononcé de la peine. La Cour suprême du Canada a tranché que les peines minimales obligatoires pour certains crimes commis au moyen d'une arme à feu contreviennent à la Charte . Entre temps, la question de la suramende compensatoire obligatoire découlant des dispositions prévues dans la Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l'égard des victimes n'a toujours pas été résolue. Je m'attends à ce que le nombre de contestations judiciaires augmente à mesure que les délinquants demandent un redressement judiciaire en regard des conditions de détention et des réformes de politiques qu'ils estiment être illégales ou injustes.

J'ai peut-être un parti pris dans ce contexte, mais mon expérience me donne à croire que dans un tel environnement, une surveillance indépendante solide, ainsi que l'ouverture et la transparence sont plus importantes que jamais. Les actes et les décisions portant sur les soins et la garde des personnes privées de liberté doivent être considérés en s'inspirant des principes des droits de la personne et de l'équité. Nous savons par expérience que les chances de réussite des personnes incarcérées sont meilleures lorsqu'elles ont été traitées équitablement, lorsqu'elles ont eu accès à des programmes et à des interventions qui correspondent à leurs besoins et à leurs risques, et lorsque ces mesures de soutien sont offertes par les personnes appropriées au bon moment de leur peine. Il sera plus efficace de gérer le risque en appliquant les leçons retenues, pas en les ignorant. Cela ne signifie pas que les délinquants méritent qu'on leur confère des droits spéciaux ou accrus, ou qu'ils ne devraient pas subir les conséquences de leurs infractions. Cela signifie plutôt que lorsqu'une personne est privée de liberté parce qu'elle est incarcérée, les politiques fondées sur les éléments de preuve et la primauté du droit devraient être respectées jusque dans l'enceinte de l'établissement et appliquées tout au long de la peine infligée.

Au cours des 11 années où j'ai occupé le poste d'enquêteur correctionnel, j'ai vu passer deux premiers ministres, cinq ministres de la Sécurité publique et trois commissaires du SCC . J'ai témoigné devant de nombreux comités parlementaires dans la foulée d'un nombre sans précédent de réformes de la justice pénale. J'estime qu'approximativement de 200 000 appels et plaintes ont été traités pendant mon mandat. Dans cet environnement exigeant, j'ai toujours pu compter sur le soutien d'un personnel professionnel et dévoué. Pendant mon mandat, environ 90 hommes et femmes ont travaillé au Bureau, et chacun d'entre eux a démontré tout ce qu'une petite équipe de fonctionnaires dévoués peut accomplir. Les agents de réception des plaintes, les analystes, les enquêteurs, le personnel administratif et des ressources humaines, les conseillers en matière de politiques, les gestionnaires et les directeurs ont fonctionné avec cohérence et maintenu une cadence très élevée. Leur travail a parfois été de nature émotive, et il a toujours été exigeant. Leurs efforts ont profité aux clients et à l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes. Je les remercie de tout cœur.

Alors que je termine mon mandat, je voudrais profiter de l'occasion pour vous dire à quel point ce fut un honneur pour moi de servir le Canada à titre d'enquêteur correctionnel. Cette expérience a été précieuse et enrichissante à bien des égards. Pendant ma transition vers la suite de ma carrière, j'aimerais rappeler aux Canadiens et Canadiennes et aux parlementaires que l'application régulière de la loi, l'équité, la proportionnalité, la rationalité et la compassion sont les marques d'un excellent système de justice pénale. Il faut favoriser et protéger le principe de la dignité humaine, aussi et surtout pour ceux qui sont privés de liberté. Autrement, notre propre humanité s'en trouve affaiblie.

Message du directeur exécutif


L'exercice 2014-2015 a été une autre année chargée pour le Bureau. L'équipe d'enquêteurs a traité une des plus importantes charges de travail des dernières années, ce qui correspond à plus de 6 200 plaintes déposées par des délinquants. Les enquêteurs ont mené 2 110 entrevues avec des délinquants et des employés des services correctionnels, et ils ont passé un total de 381 jours en visites dans des pénitenciers fédéraux de partout au pays. Les agents de réception des plaintes ont reçu plus de 22 000 appels. Les équipes du Bureau chargées de l'examen des incidents graves et de recours à la force ont effectué 1 510 examens de conformité dans les cas de recours à la force et 167 examens prévus par la loi et portant sur des agressions, des décès, des tentatives de suicide et des incidents d'automutilation. Pour ce qui est des politiques, le Bureau a réalisé deux enquêtes systémiques de portée nationale au cours de la période visée par le rapport, soit Examen triennal sur les suicides de détenus sous responsabilité fédérale (2011 – 2014) ainsi qu'une enquête sur le Formulaire pharmaceutique national du SCC .

En plus d'aider l'enquêteur correctionnel à s'acquitter de ses engagements publics, cette production représente une charge de travail remarquable pour un si petit organisme de surveillance, qui ne compte que 36 employés à temps plein et un petit budget annuel de 4 millions de dollars.

Du point de vue de l'entreprise, le Bureau a participé au Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux pour la première fois de son existence, et il est en train d'élaborer un plan d'action pour donner suite aux problèmes relatifs au milieu de travail ayant été dégagés dans le sondage. Les activités du Bureau mises en place dans le cadre de Destination 2020 ont été menées par un groupe de travail interne, et celui-ci a formulé des recommandations à court et à moyen terme visant l'intégration de nouvelles technologies et d'innovations dans l'environnement de travail du Bureau de l'enquêteur correctionnel ( BEC ). Comme l'a fait la fonction publique, le groupe organisationnel a dirigé l'élaboration de politiques visant le cadre de gestion du rendement du Bureau, ce qui comprend les critères d'évaluation individuels concernant les volets des enquêtes, des politiques, de la réception des plaintes et de l'organisation.

Au cours de l'année à venir, le Bureau mettra en œuvre un certain nombre d'améliorations aux processus à l'appui de diverses activités liées au travail, notamment un système permettant de mieux gérer les demandes d'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, un outil de suivi de la correspondance, et une nouvelle plateforme pour remplacer le système commun de gestion des dossiers du Bureau.

L'exercice 2015-2016 sera également une période de transition pour le Bureau alors que ce dernier entreprend un exercice de planification stratégique pour renouveler sa direction, établir les priorités de l'organisation et déterminer des plans d'enquête pour les cinq prochaines années.

Ivan Zinger, J.D., Ph.D. 
Directeur exécutif et avocat général

1. Soins de santé dans les établissements correctionnels fédéraux


Pleins feux 

Estimations de prévalence des maladies chroniques chez les détenus sous responsabilité fédérale

Maladie respiratoire

15,4%

Hypertension

16,0%

Diabète

8,0%

Hépatite C

16,5%

Douleurs chroniques

27,0%

Antécédents en matière de toxicomanie (drogues ou alcool)

52,5% (montrent des signes de dépendance à une substance)

Surpoids ou obésité

68% (passe à 90 % chez les détenus qui sont âgés d'au moins 65 ans)

Sources : Stewart, L., Sapers, J., Nolan, A. et Power, J. (2014). État de santé physique auto-déclaré des délinquants de sexe masculin nouvellement admis sous responsabilité fédérale (rapport de recherche R-314). Ottawa, ON : Service correctionnel du Canada.

Beaudette, J. N., Power, J. et Stewart, L. A. (2015). La prévalence nationale des troubles mentaux chez les délinquants de sexe masculin sous responsabilité fédérale nouvellement admis (Rapport de recherche, R-357). Ottawa (Ontario) : Service correctionnel du Canada.

Soins de santé physique


Il a été universellement établi que les établissements correctionnels hébergent des personnes fragiles et vulnérables sur le plan de la santé et qui vivent souvent en marge de la société. De plus, les lacunes en matière d'alphabétisation, d'éducation, d'emploi, de réseaux de soutien social, de revenu et de statut social sont toutes associées à un taux de morbidité et de mortalité accru. En raison de leur mode de vie criminel, les délinquants sont plus à risque de développer des problèmes de santé chroniques. Les maladies mentales, la toxicomanie et les maladies infectieuses figurent parmi les problèmes de santé les plus fréquents chez les délinquants.

Puisqu'ils font partie d'un groupe difficile à traiter, la plupart des délinquants n'a eu que peu ou pas de contacts réguliers avec des intervenants des services de santé avant d'être incarcéré. Ils arrivent souvent en établissement avec des problèmes de santé chroniques n'ayant pas été décelés ou traités, et cette situation comporte tant des difficultés que des possibilités pour le Service correctionnel du Canada. Comme les soins de santé nécessitent invariablement la prise de décisions en matière d'autonomie individuelle, de consentement et de contrôle, les préoccupations relatives aux soins de santé des délinquants – l'accès aux services de soins de santé, la qualité des services offerts et, de plus en plus, les décisions portant sur le recours à des médicaments prescrits – entrent souvent en conflit avec d'autres priorités opérationnelles, par exemple la sécurité, le déplacement de la population, la routine de l'établissement et la disponibilité du personnel pouvant escorter les délinquants chez des spécialistes et des fournisseurs externes de soins de santé dans la collectivité.

D'un autre côté, « la prison est parfois la seule occasion d'adopter une démarche logique afin d'évaluer et de traiter les besoins en matière de santé des prisonniers dont le style de vie avant leur incarcération a été chaotique [traduction] » 2 . Par conséquent, il importe de tendre vers l'adoption d'un modèle pénitentiaire sain, une approche qui fait la promotion des soins de santé primaires, du dépistage et de l'évaluation, de la prévention, du traitement et du contrôle des maladies, et de la réduction des méfaits.

Après avoir reçu de nombreuses plaintes des délinquants ayant trait à des questions de santé, en 2014-2015, le Bureau a effectué une série d'études axées sur la santé. Les conclusions de ces études et enquêtes sont énoncées ci-bas.

Enquête sur le Formulaire pharmaceutique national du SCC

De façon semblable aux régimes provinciaux d'assurance médicaments publics, le Formulaire pharmaceutique national du SCC énumère les médicaments des délinquants sous responsabilité fédérale qui sont financés par le SCC . Ce formulaire permet aux médecins et aux pharmaciens du SCC d'accéder à une pharmacothérapie rentable qui est sécuritaire et appropriée dans le contexte carcéral. Lorsqu'il est possible de le faire, les pharmacies régionales du SCC fournissent des médicaments génériques interchangeables. Selon le SCC , depuis l'introduction du Formulaire pharmaceutique national en 2009, l'accès aux médicaments est maintenant uniforme dans l'ensemble du pays.

Le Bureau a demandé l'aide de deux médecins externes pour effectuer son examen du Formulaire. Ces médecins devaient surtout se pencher sur l'accès aux pharmacothérapies utilisées pour gérer la douleur chronique et aux médicaments psychotropes. Le Bureau a également examiné la politique du SCC sur les soins de santé et mené des entrevues auprès de 16 médecins en établissement et de responsables de Gestion des services de santé à l'administration centrale.

Bien qu'il ait été déterminé que, dans l'ensemble, le Formulaire pharmaceutique national est complet et semblable aux programmes d'assurance médicaments publics en vigueur dans les provinces, le Bureau a tout de même dégagé un certain nombre d'éléments à améliorer ayant spécifiquement trait au processus, notamment :

  1. Les nouveaux délinquants admis et ceux qui transfèrent dans un nouvel établissement subissent souvent des interruptions de leurs soins pharmaceutiques (c.-à-d. les médicaments sous ordonnance sont souvent arrêtés, retirés ou changés).
  2. Les décisions rendues concernant les demandes pour des médicaments non inscrits au formulaire ne sont pas uniformes à l'échelle du pays ni d'une même région.
  3. Les traitements inscrits au formulaire et l'autonomie du médecin étaient limités souvent pour des raisons opérationnelles, administratives ou de sécurité imprécises.
  4. Le formulaire n'offre pas assez d'options de traitement pour certains troubles médicaux (comme la douleur chronique et le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention).

Dix recommandations ont été formulées à la suite de l'examen, dont voici les plus importantes :

  1. Le médecin traitant de l'établissement devrait voir, dans les 72 heures suivant leur admission, tous les nouveaux délinquants admis dans un établissement correctionnel qui ont une prescription valide ou qui ont besoin de traitement médical.
  2. Le SCC devrait modifier immédiatement ses politiques pour faire en sorte que les médicaments des délinquants transférés ne sont pas arrêtés ou changés subitement avant que l'évaluation en établissement soit effectuée.
  3. Le SCC devrait mettre en place une base de données pharmaceutique nationale électronique pour fournir de l'information fiable sur les tendances de l'utilisation des médicaments.
  4. Le SCC devrait effectuer un examen administratif du processus de traitement pour les demandes de médicaments non inscrits au formulaire en fonction des problèmes soulevés dans le présent examen, notamment en évaluant s'il est approprié pour les pharmaciens régionaux de rendre la décision finale sur les demandes pour des médicaments non inscrits au formulaire.
  5. En consultation avec les médecins en établissement, le SCC devrait modifier les éléments du formulaire où il semble manquer d'options de traitement (c.-à-d. psychothérapie, gestion de la douleur chronique, trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention).

La réponse du SCC à ces recommandations a été mitigée. Le Service a reconnu que le bilan comparatif des médicaments peut représenter une difficulté, mais il n'est pas d'accord avec l'allégation selon laquelle les changements ou les modifications aux médicaments d'ordonnance sont pratique courante surtout pour les nouveaux délinquants admis dans un établissement correctionnel fédéral et dans les cas où un détenu est transféré d'un établissement du SCC à un autre. Néanmoins, la pratique selon laquelle les médicaments d'ordonnance sont retirés ou modifiés subitement à l'établissement d'accueil a été dûment étayée, et elle est particulièrement inquiétante dans les cas où un détenu sort d'un centre de traitement et retourne dans son établissement d'origine avec un plan de traitement pharmacologique nouveau ou différent. Comme l'indiquent les conclusions de l'examen, une interruption ou un changement des soins pharmaceutiques peut être particulièrement inadéquat ou dangereux dans les cas des délinquants qui en sont à leur première peine de ressort fédéral et ayant des problèmes de santé mentale.

L'enquête a aussi mis au jour un autre problème, notamment la capacité qu'ont les pharmaciens régionaux de refuser de donner des médicaments qui ne sont pas inscrits au formulaire sans consulter le médecin prescripteur. Bien que les médecins soient tenus de fournir des justifications pour leurs demandes de médicaments ne figurant pas sur le formulaire, certains mettent en doute l'utilité d'un processus qui permet au pharmacien régional de refuser d'honorer une pharmacothérapie prescrite même s'il n'a pas une connaissance directe du cas ou de contact clinique avec le patient. Bien que le SCC se soit engagé à présenter cette question ainsi que quelques autres éléments à élucider à son Comité national de pharmacologie et de thérapeutique, on ne peut pas dire clairement si ces lacunes procédurales seront rapidement corrigées. La communication accrue ou facilitée entre les pharmaciens régionaux et les médecins en établissement est une solution facile à mettre en œuvre qui doit être envisagée.

Dans l'ensemble, l'enquête permet de conclure que des améliorations au processus relatif au Formulaire pharmaceutique national du SCC doivent être apportées, et qu'il est possible de le faire. Nous encourageons la Direction des services de santé à l'administration centrale d'y donner suite.

Accès aux nouvelles thérapies contre l'hépatite C

Après avoir reçu de nombreuses plaintes de délinquants portant sur l'accès à de nouvelles thérapies possiblement révolutionnaires contre l'hépatite C qui, à l'heure actuelle, ne sont pas inscrites au Formulaire pharmaceutique national du SCC , le Bureau a entrepris d'examiner les enjeux que cela représente pour les services correctionnels fédéraux, notamment l'état, la disponibilité et les coûts des traitements du virus de l'hépatite C actuels et nouveaux 4 . Selon les données de tests et de contrôles de dépistage du SCC , le taux de prévalence d'infection au virus de l'hépatite C parmi les détenus étaient de 17,2 % en 2013. Conformément à un ensemble de données auto-déclarées et épidémiologiques, les taux estimatifs de prévalence d'infection au virus de l'hépatite C sont de trente à quarante fois plus élevés dans les établissements correctionnels que dans la population canadienne 5 .

Le traitement de l'infection au virus de l'hépatite C est un domaine qui évolue rapidement. Depuis 2013, Santé Canada a approuvé un certain nombre de nouvelles pharmacothérapies donnant des taux de guérison plus élevés et dont la durée est moins longue que celle des thérapies actuelles, en plus de comporter moins d'effets secondaires que ces thérapies. Même si les nouvelles pharmacothérapies sont plus coûteuses, il pourrait être plus utile de considérer les nouvelles options de traitement du virus de l'hépatite C comme un investissement à court terme qui pourra donner des avantages à long terme sur le plan de la sécurité et de la santé publique. La prévention, le traitement et le contrôle des maladies infectieuses dans les établissements correctionnels fédéraux doivent être vus comme un enjeu touchant la santé publique. L'accès aux thérapies de traitement, combiné aux mesures de réduction des méfaits mises en place dans les pénitenciers, permet de réduire le risque de transmission après le retour des délinquants dans la collectivité.

1. Je recommande que le SCC prépare une analyse de rentabilisation pour tenter d'obtenir du financement additionnel pendant l'actuel exercice afin d'élargir l'accès des délinquants aux nouvelles thérapies de traitement du virus de l'hépatite C. Cette initiative devrait être présentée sous la forme d'un investissement dans la santé et la sécurité publique. 

Évaluation de l'utilisation des médicaments

Pour donner suite à des renseignements et à des critiques selon lesquels le SCC recoure abusivement aux psychotropes, surtout dans les cas des délinquantes purgeant une peine de ressort fédéral, le SCC a accepté d'effectuer une évaluation de l'utilisation des médicaments au moyen d'un échantillon aléatoire représentatif. Puisque le Service n'a pas de base de données pharmaceutique nationale électronique, pour mener cette évaluation, il a fallu sortir et coder manuellement les dossiers et l'information sur les soins de santé. L'étape initiale du projet mettra l'accent sur les délinquantes. Ces données de base sont importantes puisqu'elles aident à estimer la prévalence de certains problèmes de santé mentale dans la population carcérale. Ces sources d'information, prises en combinaison avec l'examen en cours sur l'estimation de la prévalence des maladies chroniques chez les détenus sous responsabilité fédérale, devraient servir à élaborer des réponses et des stratégies de gestion des soins de santé qui sont appropriées et fondées sur des données probantes. Après avoir reçu et examiné les premières estimations de la prévalence des maladies chroniques, nous trouvons encourageant de constater que le SCC déploie des efforts à court terme qui sont axés sur le diabète et les maladies cardiovasculaires et respiratoires chroniques.

2. Je recommande que les efforts déployés par le SCC afin d'établir des estimations de la prévalence des problèmes chroniques de santé mentale et physique soient complétés d'une analyse complète des renseignements annuels sur les tendances et les causes suivies et signalées de mortalité naturelle dans la population carcérale fédérale. 

Soins et garde de délinquants âgés

Dans mon rapport annuel de 2010-2011, j'ai mis un accent particulier sur les problèmes et les difficultés avec lesquels les délinquants âgés doivent composer dans les établissements fédéraux. À cette époque, la population de délinquants âgés (d'au moins 50 ans) représentait moins de 20 % de la population carcérale totale 6 . Aujourd'hui, la proportion de délinquants de plus de 50 ans représente un peu moins de 25 %, soit une augmentation totale de presque un tiers au cours des cinq dernières années seulement 7 . Le nombre croissant de personnes plus âgées qui sont derrière les barreaux est attribuable aux effets démographiques combinés d'une population générale vieillissante, de l'augmentation du nombre de délinquants qui entrent dans les pénitenciers à un âge plus avancé, de la prolongation du temps passé dans les établissements avant d'être admissibles à mise en liberté et de l'augmentation du nombre de délinquants qui purgent des peines de longue durée, de durée indéterminée et à perpétuité. Aujourd'hui, un délinquant sous responsabilité fédérale sur quatre est un condamné à perpétuité. Malgré tout ce qui se dit, au Canada, une peine à perpétuité signifie vraiment à perpétuité; tous les délinquants qui purgent une peine à perpétuité mourront avant d'avoir fini de purger leur peine.

À mesure que ces tendances s'accélèrent et s'intensifient, le SCC a du mal à suivre le rythme. De façon générale, les délinquants plus âgés représentent un risque moindre en établissement et pour la sécurité publique, mais leurs besoins sont plus grands en ce qui a trait aux soins de santé. Du point de vue financier, la population carcérale vieillissante est un des principaux facteurs de l'augmentation des coûts des soins de santé en établissement. Pendant leur incarcération, certains des délinquants plus âgés souffriront d'une maladie chronique ou terminale, ou ils en souffrent déjà; d'autres auront besoin de soins palliatifs et décèderont en établissement de causes naturelles. Les délinquants âgés sont ceux qui souffrent le plus en établissement et qui subissent les pires conséquences sur leur santé, alors que cette cohorte d'âges est la plus coûteuse à maintenir en établissement même si elle représente le risque le moins élevé pour la sécurité publique de toutes les cohortes d'âges en établissement.

Compte tenu du nombre accru de personnes âgées qui sont derrière les barreaux, les modèles de prestation des services de santé en milieu carcéral doivent être revus. On pourrait notamment désigner des établissements ou des rangées en particulier en tant qu'unités de gériatrie et y affecter des équipes de spécialistes des soins de santé, comme des gérontologues, des spécialistes en soins palliatifs, des ergothérapeutes et des audiologistes. À l'heure actuelle, certains établissements ont formé et engagé d'autres délinquants pour offrir des services de base en soins palliatifs, où certaines tâches sont effectuées par des pairs comme changer la literie et les vêtements, aider avec l'hygiène et l'alimentation et tenir compagnie aux délinquants en soins palliatifs tout au long de la journée. Ces initiatives devraient être davantage encouragées et développées.

3. Je recommande que le SCC demande à son Comité consultatif des soins de santé d'élaborer un modèle de soins visant les maladies chroniques ou à long terme qui pourra répondre aux besoins du nombre accru de personnes âgées derrière les barreaux. Le modèle devrait être présenté de façon à pouvoir être pris en compte dans le budget opérationnel de 2016-2017 du SCC

Soins et garde des délinquants âgés

Agrément des Services de santé du SCC 

Les Services de santé du SCC participent au programme d'Agrément Canada, qui établit indépendamment des normes de qualité et de sécurité dans le milieu de la santé au Canada et partout dans le monde. Dans le cadre du programme d'agrément, les installations du SCC font régulièrement l'objet de visites sur place. Les dernières visites ont eu lieu entre avril et juin 2014, et un rapport a été diffusé en septembre 2014. Même si le SCC conserve son agrément, dans l'ensemble, il y a matière à amélioration pour de nombreux éléments dans les établissements et à l'échelle régionale ou nationale, notamment :

  1. Les restrictions visant les infrastructures et les espaces et qui nuisent à la capacité du personnel des services de santé d'offrir des soins sécuritaires et optimaux.
  2. La nécessité de répondre aux besoins complexes de santé d'une population carcérale vieillissante.
  3. La résolution des conflits de rôle et éthiques (les besoins de santé des délinquants sont considérés comme étant secondaires aux besoins de sécurité ou opérationnels).
  4. Les normes de prévention et de contrôle des infections qui ne sont pas respectées dans de nombreux établissements.
  5. L'absence de système de dossier médical électronique aux services correctionnels fédéraux.
  6. Les normes et les formules de financement relatives à l'affectation des ressources à l'échelle nationale, ce qui comprend le rapport infirmiers/infirmières-patients.
  7. Les critères non respectés de leadership clinique en ce qui a trait aux services de santé mentale.

La plupart de ces problèmes ne sont pas nouveaux pour le SCC . Je suis tout à fait convaincu que l'on tiendra compte des normes non respectées décrites dans le dernier accord des services de santé du SCC , et que le programme servira de moteur pour améliorer continuellement la qualité relativement à l'application de programmes, de politiques et de pratiques touchant les patients.

4. Je recommande que le SCC élabore sans délai un plan d'action présentant en détail les mesures à prendre pour résoudre les questions préoccupantes soulevées dans le rapport d'agrément Canada en septembre 2014. Ce plan devrait être présenté à la prochaine réunion du Comité consultatif des soins de santé. 

Santé mentale


Pleins feux 

Prévalence des problèmes de santé mentale graves chez les délinquants sous responsabilité fédérale nouvellement admis

Échantillon de délinquants sous responsabilité fédérale nouvellement admis (N = 1 110)

Problèmes de santé mentale graves 

Taux de prévalence ( %) 

Trouble de l'humeur

16,9%

Psychose primaire

3,3 %

Troubles liés à la consommation d'alcool ou d'autres drogues

49,6%

Troubles anxieux

29,5%

Jeu pathologique

5,9%

Trouble de la personnalité limite

15,9%

Trouble de la personnalité antisociale

44,1%

Source : Beaudette, J. N., Power, J. et Stewart, L. A. (2015). La prévalence nationale des troubles mentaux chez les délinquants de sexe masculin sous responsabilité fédérale nouvellement admis (Rapport de recherche, R 357). Ottawa (Ontario) : Service correctionnel du Canada.

Conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , « soins de santé mentale s'entend du traitement des troubles de la pensée, de l'humeur, de la perception, de l'orientation ou de la mémoire qui altèrent considérablement le jugement, le comportement, le sens de la réalité ou l'aptitude à faire face aux exigences normales de la vie. » Ces troubles sont de plus en plus courants parmi la population carcérale, ce qui met en évidence les avancées plus générales dans les systèmes de justice pénale, de santé mentale, juridiques et sociaux. Les établissements fédéraux hébergent dorénavant certaines des concentrations les plus importantes de personnes ayant des problèmes de santé mentale au pays.

Des données sur la prévalence complètes et fiables sur les troubles de santé mentale actuels parmi la population carcérale totale ne sont pas disponibles. Selon un échantillon prélevé en 2015 de délinquants admis dans un établissement fédéral, l'estimation de la prévalence est très élevée pour certains troubles. On croit que les problèmes de santé mentale sont de deux à trois fois plus courants dans les pénitenciers que dans la collectivité. Près de la moitié des délinquants admis ont des troubles liés à la consommation d'alcool ou d'autres drogues alors que plus du tiers des délinquants répondent aux critères de troubles concomitants, ce qui est un signe de taux élevés de comorbidité. Bien que les estimations connues soient élevées pour de nombreux troubles de santé mentale, il se pourrait même que les taux réels soient plus élevés 8 .

Ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale ( ETCAF )

Les estimations de la prévalence des ETCAF parmi les populations carcérales varient de façon importante, les données allant de 9,8 % à 23,3 % 9 . En 2011, le SCC a réalisé l'une des premières études de recherche les plus complètes sur la prévalence de L' ETCAF dans la population carcérale sous responsabilité fédérale 10 . L'étude a révélé que parmi un échantillon de délinquants adultes nouvellement admis (âgés de moins de 30 ans), 10 % des participants répondaient aux critères fixés en matière d' ETCAF . Un autre 15 % de l'échantillon répondait à certains critères relatifs au diagnostic, mais il manquait de données essentielles pour poser ou formuler un diagnostic positif. Le taux de personnes atteintes de l' ETCAF dans l'échantillon observé était 10 fois supérieur aux estimations pour la population canadienne en général (9 sur 1 000, selon Santé Canada).

Fait intéressant, aucun des délinquants diagnostiqués dans le cadre de cette étude de recherche n'avait auparavant reçu de diagnostic d' ETCAF . L'étude conclut qu'au sein du Service correctionnel du Canada, une population carcérale est atteinte de ce type de troubles, qui ne sont pas actuellement identifiés au moment de l'admission. Par conséquent, les délinquants ne se voient pas offrir les services ou les programmes répondant à leurs besoins particuliers. Il est essentiel de dépister les délinquants qui risquent d'être atteints de ces troubles, et il est démontré qu'il est possible d'effecteur ce dépistage en milieu correctionnel. »

Ainsi, quatre ans plus tard, le Service correctionnel du Canada ne dispose toujours pas d'un système validé et fiable pour dépister, évaluer et diagnostiquer l' ETCAF chez les délinquants nouvellement admis purgeant une peine de ressort fédéral. Il s'agit d'une population vulnérable ayant des besoins importants en matière de santé mentale et de comportement. Selon un échantillon plus récent de détenus atteints de l' ETCAF dans des pénitenciers fédéraux, ces détenus présentent des déficits neurologiques graves au niveau de l'attention, des fonctions exécutives et de l'adaptation comportementale qui affectent leur capacité à s'adapter au milieu carcéral. Ces délinquants étaient plus susceptibles que les autres d'avoir déjà été déclarés coupables et incarcérés, que ce soit en tant que jeunes ou adultes. Ainsi, ils sont plus enclins à être impliqués dans des incidents en établissement, que ce soit comme instigateurs ou comme victimes, et à faire l'objet d'accusations d'infractions disciplinaires. Ils sont beaucoup moins nombreux à compléter leur programme correctionnel, et ils passent généralement plus de temps en incarcération avant leur première libération. Les délinquants atteints de l' ETCAF sont plus susceptibles de retourner dans la collectivité sur libération d'office 11 .

Le spectre de déficits cognitifs associés à l' ETCAF – difficultés à comprendre les conséquences des gestes, incapacité de faire des liens de causalité, impulsivité, abus de drogues ou d'alcool et incapacité d'apprendre de ses erreurs – a de grandes répercussions juridiques et pratiques sur le système de justice pénale 12 . La triste réalité est qu'une proportion appréciable des délinquants atteints de l' ETCAF arrive dans un établissement carcéral sans que ces délinquants aient été diagnostiqués, et la plupart continue de ne pas recevoir de traitements. Il n'existe aucune intervention spécialement conçue pour les délinquants atteints de l' ETCAF , même si le SCC peut adapter les programmes en fonction des styles et des besoins d'apprentissage, ce qu'il fait par ailleurs. Certaines données portent largement à croire que les personnes atteintes de l' ETCAF bénéficient de programmes structurés, hautement répétitifs et qui recourent à différents moyens. En l'absence de programmes, de soutien et de services spécialisés, les résultats pour les délinquants atteins de l' ETCAF sont compromis de façon importante. Bien que de telles stratégies soient en place, il faut satisfaire à une condition préalable visant à identifier les délinquants ayant un déficit cognitif qui pourraient bénéficier d'interventions adaptées 13 .

5. Je recommande que le SCC forme un comité consultatif permanent d'experts sur l' ETCAF pour établir le taux de prévalence, donner des conseils sur des modèles de dépistage, d'évaluation, de traitement et de programmes à l'intention des délinquants atteints de l' ETCAF . Le comité doit recommander, au cours du prochain exercice, une stratégie relative à l' ETCAF à l'intention du comité de direction du SCC

Modèle « optimal » pour les soins de santé mentale

Afin de gérer le nombre croissant de délinquants atteints de problèmes de santé mentale, d'endiguer les coûts et de mieux faire correspondre le niveau de service au besoin prévu, le Service met en œuvre ce qu'il appelle le modèle « optimal » (ou « amélioré ») pour la prestation de services de santé mentale. Selon ce modèle, certaines places pour les services de traitement dans ses centres régionaux de traitement seront retirées de la liste. Grâce aux économies réalisées, le SCC réorganisera la capacité de traitement pour ajouter des soins intermédiaires tant dans les centres de traitement que dans certains de ses établissements. À la fin de la période visée par le rapport (le 31 mars 2015), le SCC prévoyait augmenter le nombre total de places en santé mentale dans les services correctionnels fédéraux pour le porter à 778, comprenant 150 places en milieu psychiatrique et 628 places pour les soins de santé intermédiaires. Bien que la capacité de soins intermédiaires soit nouvelle, elle semble être ajoutée aux dépens d'environ 500 places de traitement psychiatrique.

Les estimations initiales du nombre de places en santé mentale (ou l'équilibre « optimal » entre les soins actifs et les soins intermédiaires) sont fondées sur des données relatives à la prévalence des troubles de santé mentale figurant dans un rapport interne commandé par le Service. Selon l'évaluation du présent rapport de septembre 2013, qui est fondée sur un modèle de services de santé mentale privilégié par l'Organisation mondiale de la Santé 14 , environ 3,5 % de la population carcérale ayant des problèmes aigus de santé mentale nécessitent des interventions, et 6,4 % de cette population requiert certains soins de niveau intermédiaire. Bien qu'on utilise des modèles et des méthodes (dont la durée du séjour) plus élaborés pour évaluer les besoins estimatifs du SCC pour ce qui est des places requises, selon la population totale sous garde comptant environ 15 000 détenus, le Bureau estime les besoins réels du SCC à plus de 500 places pour les troubles psychiatriques aigus et à près de 1 000 places pour les soins de santé intermédiaires tout simplement pour répondre aux besoins et demandes actuels. En d'autres mots, le modèle amélioré pourrait avoir un manque à gagner d'environ la moitié du nombre de places requises pour correspondre aux besoins actuels sans parler de besoins futurs 15 .

Selon le plan, des centaines de places auparavant désignées pour les troubles psychiatriques aigus en milieu hospitalier seront supprimées et remplacées par des places de soins intermédiaires. Les répercussions de ces changements à l'échelle locale et régionale sont considérables. Pour la région de l'Atlantique, la réorganisation du Centre de rétablissement Shepody, qui se trouve au même endroit que le complexe du Pénitencier de Dorchester, a mené au transfert de certains patients atteints de troubles mentaux graves dans d'autres régions, notamment le Québec, où la langue, la culture et la séparation de la famille peuvent représenter un frein puissant. À titre d'organisme fédéral national, le Service est tenu par la loi d'assurer la qualité d'accès à des services de soins de santé essentiels, même dans des régions insuffisamment desservies. Le modèle « optimal » de soins, mis en œuvre à l'échelon national, doit tenir compte de l'écart en matière de niveaux d'accès à des soins ou de la capacité à l'égard de la prestation de services dans les cinq régions du Canada.

Il est troublant de constater que la capacité en matière de soins intermédiaire est rendue possible grâce à l'élimination ou à la réduction du nombre de places pour des soins psychiatriques au pays. Le retrait de la liste ou la conversion des hôpitaux psychiatriques visant à créer et à assumer les coûts des besoins en matière de soins intermédiaires a des implications réglementaires, de surveillance et d'accréditation qui ne semblent pas avoir été prises en compte. Dans tout cela, on ne sait pas exactement comment la réduction du nombre de places pour des soins psychiatriques peut donner lieu à un modèle « optimal » ou efficace relatif à la prestation de services de santé mentale. En effet, du point de vue du Bureau, les hypothèses et les estimations relatives à la prévalence qui orientent ce modèle n'ont pas fait l'objet d'une analyse, d'un essai ou d'une corroboration indépendants de manière suffisante.

6. Je recommande que la commission du ministère de la Sécurité publique, en partenariat avec Santé Canada, procède à une validation indépendante du modèle « optimal » pour les soins de santé mentale du SCC et qu'elle rende compte de constatations au ministre de la Sécurité publique. 

Réponse du SCC à l'enquête du coroner sur le décès d'Ashley Smith

La réponse très attendue du SCC à l'enquête du coroner sur le décès d'Ashley Smith a finalement été publiée le 11 décembre 2014, près d'un an après le verdict. Au total, 104 recommandations ont été formulées par le coroner de l'Ontario 16 alors qu'il s'était écoulé sept ans bien sonnés après le décès d'Ashley dans une cellule d'isolement dans l'établissement pour femmes Grand Valley en octobre 2007 17 .

La réponse en soi, tant par sa forme que par son contenu, est frustrante et décevante. La réponse, articulée autour de cinq domaines précédemment annoncés par le ministre de la Sécurité publique dans une réponse provisoire (Plan d'action sur la santé mentale pour les délinquants sous responsabilité fédérale) en mai 2014, ne tient pas précisément compte des recommandations particulières du jury. En raison de cette approche, il est difficile de savoir quelles sont les recommandations approuvées et appuyées par rapport à celles qui ont été rejetées, ignorées ou appuyées en partie seulement.

Le SCC soutient qu'une réponse thématique avait été demandée parce que les 104 recommandations du jury portaient sur une vaste gamme d'enjeux. Même s'il est fait allusion à une réponse concrète, exhaustive et complète, il ne s'agit pas d'un point de vue largement partagé. Les commentaires du public et des intervenants, le jour même de la publication et par la suite, n'ont pas été favorables.

À de nombreux niveaux, la réponse rate simplement la cible. Il s'agit largement d'une rétrospective passéiste d'un domaine familier plutôt que d'un engagement à élaborer un programme correctionnel davantage axé sur des réformes. Elle ne réussit pas à souscrire à des recommandations de base en matière de prévention, de surveillance et d'obligation de rendre compte formulées par le jury.

J'ai soulevé ces problèmes et d'autres préoccupations lors d'entretiens avec le ministre de la Sécurité publique. Je lui ai donné à entendre qu'il avait encore la possibilité – et une attente à cet égard – de donner suite à des recommandations non appuyées, à savoir :

  1. Interdire le placement en isolement pour une longue durée (de plus de 15 jours) des détenus souffrant de maladies mentales.
  2. Prendre l'engagement de s'orienter vers un environnement exempt de contrainte pour les délinquants qui souffrent de troubles mentaux dans les établissements fédéraux.
  3. Nommer des défenseurs des droits des patients et des conseillers sur les droits des patients dans chacun des centres régionaux de traitement.
  4. Assurer des services de soins infirmiers sur place 24 heures par jour, 7 jours par semaine dans tous les établissements à sécurité maximale, moyenne et à niveaux de sécurité multiples.
  5. Conférer une autorité claire et directe au sous-commissaire pour les femmes relativement à toutes les questions liées à la prise en charge et à la garde des délinquantes purgeant une peine de ressort fédéral.
  6. Appliquer une politique et des pratiques mieux adaptées aux besoins uniques des jeunes délinquants (moins de 25 ans).
  7. Établir un plan quinquennal de vérification interne sur les principales préoccupations figurant dans les recommandations de l'enquête du jury concernant la conformité aux lois et aux politiques.

L'un des éléments les plus frustrants de ce dossier a été la décision du SCC de retarder la réponse à certains des rapports et recommandations en suspens de mon bureau alors qu'il se penchait sur la réponse à l'enquête du coroner. En termes pratiques, cela se traduit par le fait que, jusqu'à tout récemment, je n'avais pas obtenu de réponses au rapport intitulé « Une affaire risquée » : enquête sur le traitement et la gestion des cas d'automutilation chronique parmi les délinquantes sous responsabilité fédérale. Il s'agit d'un rapport qui avait été initialement publié en septembre 2013. Les réponses aux nombreuses recommandations sur les soins en santé mentale et le recours à la force formulées dans les rapports annuels du bureau de 2012-2013 et de 2013-2014 ont aussi été retardées puisqu'il s'agissait de la réponse à l'Examen triennal sur les suicides de détenus sous responsabilité fédérale de mon Bureau publié lors de la journée mondiale de la prévention du suicide (le 10 septembre 2014) 18 . Le SCC a soutenu avoir besoin de temps pour mener à bonne fin un examen approfondi et intégrer des implications de ces rapports et des recommandations connexes avant d'y répondre.

Depuis ce temps, j'ai demandé et obtenu d'autres informations au sujet de certaines des initiatives, nouvelles ou en cours, que le SCC prend par suite de sa réponse à l'enquête. Ces initiatives comprennent notamment les suivantes :

  1. Initiative du SCC visant à identifier les délinquants nouvellement admis susceptibles d'être placés en isolement dès le début de leur peine.
  2. Projet de recherche sur l'efficacité de la Stratégie d'intervention en isolement du SCC .
  3. Détail de la Stratégie de renouvellement de l'isolement du SCC , notamment des modifications réglementaires proposées aux dispositions concernant l'isolement préventif.
  4. Examen du modèle de gestion de situations en cas d'urgences médiales, d'incidents impliquant des comportements d'automutilation et portant sur des délinquants atteints de troubles de santé mentale.
  5. Situation des partenariats avec des hôpitaux médico-légaux provinciaux pour les soins psychiatriques en milieu hospitalier.
  6. Mise en œuvre d'une combinaison optimale de services de santé mentale, et recentrage des places actuelles dans les hôpitaux pour des places en soins intermédiaires en santé mentale.
  7. Études de cas sur l'expérience d'Ashley Smith.

Ces engagements continus révèlent clairement que le dossier d'Ashley Smith est loin d'être fermé. Le Bureau entend continuer à tenir le Service responsable et comptable des engagements qui ont été pris, de même que ceux qui n'ont pas encore été honorés.

Automutilation en prison

Les incidents d'automutilation dans les pénitenciers fédéraux sont en hausse. En fait, ils ont plus que doublé au cours des cinq dernières années. En 2013-2014, plus de 578 incidents d'automutilation impliquaient 60 détenus de sexe féminin purgeant une peine de ressort fédéral. Les cinq détenus de sexe féminin les plus importants qui s'automutilaient de manière chronique ont représenté 58,3 % de tous les incidents d'automutilation impliquant des femmes. Ensemble, ces femmes ont représenté près du tiers du total des incidents d'automutilation de l'ensemble de la population des détenus. En fait, deux de ces femmes étaient d'origine autochtone. Près des trois quarts de tous les incidents impliquant des femmes se sont produits dans un établissement, soit au Centre psychiatrique régional ( CPR ) situé à Saskatoon.

Incidents d'automutilation en établissement Tendences.

Les cinq détenus de sexe masculin les plus importants qui s'automutilent de manière chronique ont représenté 14,8 % de tous les incidents impliquant des hommes. En fait, trois de ces cinq détenus les plus importants qui s'automutilaient de manière chronique étaient d'origine autochtone. En ce qui concerne les hommes, 55,3 % de tous les incidents d'automutilation se sont produits dans des centres de traitement régionaux. Ce fait n'est peut-être donc pas étonnant étant donné que les hommes et les femmes dans les centres de traitement sont plus susceptibles de remplir les critères diagnostiques d'un trouble mental et d'avoir été victimes de violence sexuelle, psychologique et physique et de négligence affective durant leur enfance 19 .

En 2014-2015, une intervention de recours à la force a été signalée dans 16,3 % de tous les incidents d'automutilation. Il s'agit d'une tendance récurrente où les comportements liés à un problème de santé mentale sont souvent résolus par une intervention de sécurité plutôt que thérapeutique. Comme il a été indiqué dans le rapport « Une affaire risquée », je suis toujours préoccupé par la gestion par le SCC des détenus qui s'automutilent de façon chronique, en particulier, le recours à l'isolement et au matériel de contrainte pour contrôler ou gérer les automutilations à répétition. De plus en plus d'études ont établi des liens entre les comportements d'automutilation et les expériences traumatisantes. Ce lien semble un présage tant chez les détenus de sexe masculin que de sexe féminin qui adoptent un comportement d'automutilation dans les établissements carcéraux. Ces nouvelles connaissances devraient permettre d'orienter les plans de traitement et d'intervention personnalisés pour ces délinquants.

7. Je recommande que le SCC examine les recherches et les pratiques exemplaires à l'échelon international afin de déterminer les traitements et les services appropriés axés sur les traumatismes pour les délinquants ayant des comportements d'automutilation chroniques et d'élaborer une stratégie d'intervention complète en fonction de cet examen. 

2. Prévention des décès en établissement


Suicide en établissement

Le suicide est la principale cause de décès non naturel dans les pénitenciers fédéraux, ce qui représente environ un décès sur cinq en établissement au cours d'une année donnée 20 . Le taux de suicide en établissement est en baisse, mais il est toujours beaucoup plus élevé que dans la population en général 21 .

Pour souligner la Journée mondiale de la prévention du suicide, le 10 septembre 2014, le Bureau a publié un rapport d'enquête dans le cadre duquel 30 cas de suicide commis par des détenus au cours d'une période de trois ans ont été examinés (de 2011 à 2014) 22 . Comme l'examen l'a précisé, la plupart des détenus ayant mis fin à leurs jours en établissement avaient des problèmes de santé mentale connus, des antécédents de tentative de suicide, des idées suicidaires et des comportements autodestructeurs. Juste un peu moins de la moitié de ceux qui ont fini leurs jours en prison prenaient des médicaments psychotropes prescrits au moment du décès, un événement déclencheur potentiel dont a également fait état le rapport du deuxième Comité d'examen indépendant sur les décès en établissement 23 .

La constatation la plus troublante de cet examen était le fait que 14 des 30 suicides se sont produits dans des cellules d'isolement. Il a été considéré que les détenus placés en isolement présentaient un facteur indépendant de risque de suicide très élevé. Presque tous les détenus placés en isolement avaient des problèmes importants de santé mentale connus des autorités. La majorité de ces détenus avaient été dirigés vers un professionnel de la santé mentale et/ou étaient suivis pendant qu'ils étaient en isolement. Fait important, 10 des 14 détenus qui se sont suicidés dans une cellule d'isolement, dont le cas a été étudié dans le cadre de l'enquête, étaient en isolement depuis plus de 15 jours. En fait, cinq de ces détenus étaient en isolement depuis plus de 120 jours lors de leur décès. Le fait que les détenus placés en isolement aient eu les moyens et l'occasion de s'enlever la vie dans un secteur du pénitencier, qui est censé être sécuritaire et faire l'objet d'une surveillance constante, représente une importante faiblesse organisationnelle.

Pleins feux 

Examen triennal des suicides de détenus sous responsabilité fédérale (2011–2014)

Examen triennal des suicides de détenus sous responsabilité fédérale

Principales constatations

  • La majorité des détenus qui se suicident sont des hommes de race blanche qui ne sont pas mariés et qui sont âgés de 31 à 40 ans.
  • Des 30 cas examinés, 14 suicides ont été commis pendant que le détenu était en isolement. Presque la moitié (14 détenus) étaient incarcérés dans un établissement à sécurité moyenne, et 9 l'étaient dans un établissement à sécurité maximale.
  • La plupart d'entre eux avaient déjà tenté de mettre fin à leurs jours; sept avaient déjà fait plus de deux tentatives. Près de 25 % entre eux avaient exprimé des idées suicidaires dans les jours précédant leur décès.

Le rapport soulève la possibilité que certains de ces décès par suicide aient pu être évités grâce à une procédure de dépistage plus rigoureuse, aux échanges plus efficaces d'informations ou à un accès plus opportun à des services de santé mentale. L'enquête a permis de souligner certains lacunes et risques récurrents dans l'ensemble des décès en établissement figurant dans la stratégie de prévention du SCC :

  1. Gestion des délinquants atteints de troubles mentaux en isolement
  2. Qualité des examens d'enquête après incident
  3. Placement en isolement en tant que facteur indépendant des décès en établissement
  4. Dépistage, identification et surveillance des risques de suicide (signes précurseurs)
  5. Défaut de tirer des leçons d'erreurs répétées

Dans mon rapport d'examen sur les suicides en établissement, j'ai formulé une critique quant au processus d'enquête interne du Service :

« Un facteur qui nuit grandement aux progrès semble être le manque de suivi immédiat et intensif, surtout en ce qui concerne la diffusion des leçons retenues des comités d'enquête au sein d'un Service très décentralisé. Le fait que les mesures correctives soient normalement présentées à la haute direction plusieurs mois (voire même années) après l'incident augmente invariablement la probabilité que les mêmes erreurs organisationnelles se répètent continuellement. Les vérifications et les enquêtes après incident sont presque exclusivement axées sur la conformité opérationnelle, et il est surprenant de constater le peu d'attention qu'elles portent aux risques organisationnels et aux dangers environnementaux (p. ex. l'accès aux soins et au soutien en santé mentale, l'isolement en tant que variable indépendante, l'accès à des points de suspension dans les cellules), qui devraient raisonnablement être atténués. [...] Les leçons retenues de chaque suicide devraient avoir une incidence durable sur l'organisation et sur ses efforts liés à la prévention et aux rapports publics concernant les décès en établissement. Les enquêtes après incident devraient inciter à des réformes nécessaires en matière de transparence et de responsabilisation [...] » 24 

Le SCC prend les mesures qui s'imposent pour tenir compte de cette critique. Une série de documents internes – bulletins des leçons retenues, guides de discussion et analyse thématique – est en cours de production par la Direction des enquêtes sur les incidents pour faciliter et favoriser de façon plus générale des échanges et des communications avec le personnel de première ligne portant sur des recommandations, des pratiques exemplaires et des mesures correctives tirées et découlant d'enquêtes nationales. L'accent collectif de cet effort est mis sur l'apprentissage et l'amélioration. Ces travaux doivent être favorisés, étendus et intégrés dans l'ensemble du Service.

Il existe plusieurs autres façons d'accroître les efforts de prévention du SCC . Quatre années se sont maintenant écoulées depuis que le Service a publié son dernier Rapport annuel sur les cas de suicide des détenus, une initiative qui remonte à 1992. Trois ans après s'être engagé à le faire, le Service a enfin diffusé son premier rapport public annuel sur les décès en établissement 25 . Le gouvernement du Canada ne semble pas souhaiter créer un forum consultatif national indépendant où l'on échangerait des renseignements et des leçons retenues pour la réduction du nombre et du taux de décès en établissement au Canada. Le SCC continue de placer les détenus atteints d'un trouble mental, qui s'automutilent ou qui sont suicidaires en isolement préventif de longue durée dans des cellules comprenant des points d'attache connus. Il continue également de rejeter les demandes de communication courante et rapide des rapports d'enquête sur les décès en établissement aux membres de la famille désignés, ainsi qu'aux bureaux des coroners et des médecins légistes provinciaux et territoriaux.

Il s'agit là d'occasions ratées qui pourraient favoriser un système correctionnel plus responsable, ouvert et transparent. J'estime que ces lacunes ne seraient tolérées dans aucun autre milieu de soins en établissement. Le fait de les tolérer dans le système correctionnel va à l'encontre du devoir de diligence envers les personnes sous le contrôle de l'État.

Décès en établissement dus à des causes naturelles

Étant donné que davantage de personnes vieillissent derrière les barreaux, un pourcentage accru de la population carcérale souffre de maladies chroniques et de mortalité. En 2014-2015, 43 décès dans les établissements du SCC ont été attribués de façon préliminaire à des « causes naturelles ». Suivant le nombre croissant de personnes âgées derrière les barreaux, le nombre annuel de décès de causes naturelles dépasse désormais largement toutes les autres causes de décès de causes non naturelles derrière les barreaux combinées (suicide, meurtre, surdose, accident). On peut s'attendre à ce que la mortalité de cause naturelle (et les coûts associés aux soins de fin de vie en prison) augmente encore plus à mesure que la population carcérale, comme le reste de la société canadienne, vieillira.

Pendant la période visée par le rapport, le SCC a formé une équipe pour réduire l'arriéré des examens de cas de décès, qui ne s'était pas encore réunie; certains de ces décès remontaient à 2011. Les conclusions de l'arriéré de 94 cas ont une incidence importante sur les politiques et les pratiques liées à la prévention des décès en établissement. On a déjà indiqué que, comme dans le cas des taux de mortalité nationaux, le cancer est la principale cause naturelle de décès au sein de la population carcérale. Les problèmes cardiovasculaires représentent 24 % des décès en établissement. Le foie (cirrhose et insuffisance hépatique) était en cause dans 15 % des cas, suivi des infections (9 %) et des insuffisances respiratoires (4 %). De tous les décès de causes naturelles, 36 % ont été jugés « inattendus » (résultant d'un arrêt cardiaque soudain, de complications liées à des procédures médicales ou de la progression rapide d'une maladie).

Qui plus est, près de 60 détenus décédés de causes naturelles recevaient des soins palliatifs (de fin de vie). De ces personnes, 60 % sont décédées dans un hôpital régional du SCC , 31 % dans un hôpital communautaire et 9 % dans un établissement du SCC . Les prisons n'ont jamais été censées servir d'hôpitaux, de foyers de soins infirmiers ou de centres de soins palliatifs, mais on leur demande de plus en plus d'assumer ces fonctions.

Pleins feux 

Mortalité naturelle dans les pénitenciers fédéraux

Causes des décès n=94 

Mortalité naturelle dans les pénitenciers fédéraux.

Âge moyen au moment du décès : 60 ans. 

*Les autres causes comprennent les suivantes : maladie d'Alzheimer, complications postopératoires, saignement gastro-intestinal, insuffisance rénale et pancréatite nécrosante.

Source : Service correctionnel du Canada. Services de santé, Rapport d'examen de cas de décès : Examen du processus modifié. Document de présentation (le 5 mars 2015).

Les dispositions de libération conditionnelle à titre exceptionnel (mise en liberté pour des raisons de compassion) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ont été examinées dans 36 des 55 cas de soins palliatifs. De ces 36 cas, 14 demandes ont été soumises à l'examen de la Commission des libérations conditionnelles du Canada; seulement 4 libérations ont été accordées. Dans 19 des 55 cas de soins palliatifs, l'évolution rapide de la maladie n'a pas donné suffisamment de temps pour explorer des solutions de rechange à l'incarcération. Cinq détenus ont refusé de présenter une demande de libération conditionnelle à titre exceptionnel; certains souhaitaient demeurer dans un établissement du SCC pour recevoir des soins de fin de vie. La gestion des soins palliatifs dans un milieu carcéral est difficile, sans compter l'érosion de la dignité humaine qu'implique un décès derrière les barreaux.

En 2014-2015, le SCC a apporté des changements à son processus d'examen des cas de décès, notamment en réponse à des problèmes soulevés et à des recommandations faites par le Bureau 26 . Notons parmi ces changements le rôle accru du conseiller médical principal qui participe désormais plus directement aux décisions de mener un examen de cas de mortalité. Maintenant, le conseiller médical préside et approuve les examens des cas de décès, apportant davantage de rigueur et d'attention à la cause du décès et aux incidents médicaux pertinents qui ont précédé le décès. En augmentant également la rapidité et l'efficacité des examens des cas de décès, ainsi que l'attention portée aux causes, le SCC s'attend à produire des résultats en temps réel, ce qui permettra de s'attarder plus rapidement aux mesures correctives et aux initiatives d'amélioration de la qualité de la prestation des soins de santé.

L'une des principales critiques du processus d'examen des cas de décès est qu'il donnait rarement lieu à des conclusions ou à des recommandations d'importance nationale. Quand les examens en retard parviendront à mon Bureau, je m'attends à observer que le nouveau processus comble cette importante lacune organisationnelle. Les examens des cas de décès devraient aussi établir des liens plus directs avec des stratégies de soins de santé visant à prévenir, à gérer et à traiter, dès le début, les maladies chroniques derrière les barreaux.

Orientations pour la réforme

Indépendamment de ces réformes des procédures internes, je m'inquiète du fait que l'âge moyen des délinquants sous responsabilité fédérale qui meurent de causes naturelles en établissement ou sous surveillance dans la collectivité est bien inférieur à l'espérance de vie à l'échelle nationale. La moyenne d'âge des détenus sous responsabilité fédérale à leur décès est basse (autour de 60 ans), ce qui est bien plus jeune que l'espérance de vie au Canada, c'est-à-dire 78,3 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes. Cette tendance de décès prématurés se maintient pour les délinquants sous surveillance dans la collectivité, où l'âge moyen au décès était de 62,5 ans. Bien que les délinquants aient tendance à avoir une santé physique, mentale et sociale moins bonne que la population générale, je suis d'avis qu'une peine de ressort fédéral ne devrait pas, en soi, prédire une espérance de vie plus courte.

Le nombre croissant de décès de causes naturelles derrière les barreaux montre la nécessité d'orientations claires en matière de politique publique. À l'heure actuelle, le détenu le plus âgé purgeant une peine dans une prison fédérale a 88 ans. Environ 630 détenus ont 65 ans ou plus. Environ 265 ont 70 ans ou plus. Bien peu, s'il y en a, de ces délinquants seraient jugés comme présentant un risque actif ou permanent pour la sécurité publique. Bon nombre de ces délinquants vieillissants ont, ou auront, une maladie chronique pendant leur incarcération; certains auront besoin de soins palliatifs et mourront d'une cause naturelle. Comme plusieurs de ces détenus âgés sont également condamnés à perpétuité, ils seront condamnés pour le reste de leur vie, qu'ils soient incarcérés ou en surveillance dans la collectivité.

Alors que les coûts liés aux soins de santé dans les prisons augmentent en raison des efforts exigés pour gérer des maladies chroniques et complexes, il est peut-être temps d'examiner plus sérieusement les mesures adoptées par d'autres administrations qui peinent aussi à suivre la taille et le coût croissants de la population carcérale vieillissante. Aux États-Unis, par exemple, certaines administrations ont créé des dispositions de libération conditionnelle pour des raisons médicales, qui permettent à un détenu ayant une courte espérance de vie ou jugé comme ne présentant plus une menace pour la société d'être mis en liberté conditionnelle dans la collectivité. Le Bureau of Prisons des États-Unis permet désormais aux délinquants de 65 ans et plus ayant une maladie chronique ou de graves problèmes de santé et ayant purgé au moins la moitié de leur peine de demander une mise en liberté anticipée. Les personnes qui ont l'âge requis, mais qui ne sont pas en fin de vie peuvent également présenter une demande si elles ont purgé au moins 10 ans ou 75 % de leur peine.

La décision d'offrir des occasions de mise en liberté aux détenus âgés qui présentent un risque faible pour la sécurité publique est non seulement sensée sur le plan économique, mais elle est également appuyée par des études qui montrent que le risque criminel diminue grandement à mesure que les personnes vieillissent. Nous devrions utiliser ces connaissances pour mieux orienter les politiques publiques à l'égard du vieillissement et de la criminalité. Par exemple, je suggère que le risque d'évasion n'est pas une raison entièrement valable, proportionnée ou nécessaire de garder une personne de 60 ou 70 ans dans un établissement à sécurité moyenne.

Le SCC devrait accroître ses partenariats avec des fournisseurs de services externes et prendre des dispositions qui permettraient aux détenus très malades de purger leur peine dans un établissement de soins de longue durée ou palliatifs. Il faut également mieux utiliser les dispositions liées à la libération conditionnelle à titre exceptionnel. Il est inacceptable qu'un délinquant en phase terminale meure derrière les barreaux simplement parce que les intervenants n'étaient pas en mesure de suivre les étapes administratives nécessaires pour porter son dossier à une audience de la CLCC, ou disposés à le faire. Avec un coût d'incarcération moyen de plus de 108 000 $, il est temps d'explorer des options de rechange dans la collectivité qui sont sécuritaires, appropriées et rentables.

Les concepts de dignité et de décence devraient orienter nos efforts. Pour des raisons juridiques et économiques, le système correctionnel fédéral a besoin de solutions de rechange viables, adaptées et efficaces à l'incarcération des délinquants âgés et ayant besoin de soins gériatriques. D'autres administrations nous montrent la voie, le Canada a du rattrapage à faire.

8. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique demande au Comité permanent de la sécurité publique et nationale ( SECU ) du Parlement de mener une étude et des audiences publiques concernant les options stratégiques de gestion des soins, de l'incarcération et de la libération sécuritaire des détenus de 65 ans ou plus qui ne présentent plus un risque corroboré pour la sécurité publique. 

3. Conditions de détention


Section spéciale sur l'isolement préventif

Pleins feux 

Qu'est-ce que l'isolement préventif?

  • Aux termes de l'article 31 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, « L'isolement préventif a pour but d'assurer la sécurité d'une personne ou du pénitencier en empêchant un détenu d'entretenir des rapports avec d'autres détenus ».
  • En réalité, il s'agit d'une « prison dans la prison », et les lois et les politiques du Canada permettent le recours à l'isolement préventif pour une durée aussi courte que possible, dans certains cas, et seulement s'il n'y a pas de solution de rechange raisonnable ou sécuritaire.
  • L'isolement préventif ne doit pas servir de mesure punitive.
  • La loi ne prévoit pas de durée maximale pour le placement d'un détenu en isolement préventif, mais des examens obligatoires des procédures sont menés après 5, 30 et 60 jours. Quelques détenus ont été placés en isolement perpétuel, à long terme ou de durée indéfinie, pendant des années dans certains cas.
  • On utilise, souvent de façon interchangeable, de nombreux termes tels qu'isolement, dissociation, confinement, isolement protecteur et isolement cellulaire pour décrire l'isolement. Ces termes englobent diverses conditions de détention, mais ils ont des éléments communs, comme la restriction des libertés d'association, de réunion et de mouvement, et impliquent un certain degré de privation perceptive et sensorielle en plus de l'isolement social. Le terme généralement accepté qui englobe ces éléments communs, ce qui comprend l'isolement préventif, est « isolement cellulaire ».
  • Dans Manuel de référence : isolement cellulaire (2008), Sharon Shalev, autorité internationale en matière d'isolement cellulaire, écrit :

[...] l'isolement cellulaire est défini comme une forme d'isolement où les détenus sont maintenus seuls dans leur cellule pendant 22 à 24 heures par jour, séparés les uns des autres. Malgré les sens différents donnés à chacun de ces termes selon les systèmes pénitentiaires, « isolement cellulaire » (ou « isolement »), « emprisonnement cellulaire », et « ségrégation » sont utilisés indifféremment pour décrire un régime de détention où les détenus n'ont pas de contact les uns avec les autres sauf, dans certains systèmes pénitentiaires, pendant une période d'exercice en plein air.

  • Dans le contexte fédéral canadien, le terme « isolement préventif » correspond aux contextes restrictifs évoqués par la définition d'isolement cellulaire. L'isolement préventif implique la séparation sociale, le confinement et l'isolement d'un détenu dans un environnement peu stimulant.
  • En pratique, les détenus en isolement sont seuls dans leur cellule (ne contenant qu'un lit et une toilette, pas de table ni de chaise) 23 heures par jour. Le détenu en isolement mange tous ses repas seul dans sa cellule, peut faire une heure d'exercice à l'extérieur par jour (si la température le permet et, si possible, avec des détenus compatibles), a l'occasion de se doucher aux deux jours et a un accès restreint au téléphone.
  • Les délinquants en isolement pour plus d'une semaine ont normalement droit à quelques effets personnels, dont une télévision.
  • La majorité des interactions avec le personnel correctionnel, les infirmiers et les psychologues se font par l'ouverture dans la porte pour le passage des plateaux-repas. L'expérience est telle que les détenus en isolement ont très peu de contacts humains ou sociaux réels.
  • Selon M me Shalev, entre le tiers et 90 % des détenus subissent des effets négatifs de leur isolement cellulaire à long terme. Les symptômes peuvent comprendre l'insomnie, la confusion, un sentiment de désespoir, des perceptions déformées et des hallucinations.

Pendant plus de 20 ans, le Bureau a indiqué dans de nombreux rapports qu'on utilise trop l'isolement préventif. Avec une population carcérale quotidienne moyenne dépassant à peine 14 500 détenus, le SCC a fait 8 300 placements en isolement préventif en 2014-2015. Le 1 er avril 2014, 749 détenus étaient en isolement préventif. On ne peut nier que l'isolement préventif est devenu l'outil de gestion de la population le plus commun pour régler les tensions et les conflits dans les établissements correctionnels fédéraux. Pendant la période visée par le rapport, 27 % de la population carcérale a été placée en isolement préventif. On y a tellement recours que près de la moitié (48 %) des détenus actuels ont été placés en isolement au moins une fois au cours de la peine qu'ils purgent.

Isolement préventatif.

En outre, on a souvent recours à l'isolement préventif pour gérer les délinquants atteints de troubles mentaux, qui s'automutilent ou qui sont à risque de se suicider. Les détenus en isolement préventif sont deux fois plus susceptibles d'avoir des antécédents d'automutilation et de tentative de suicide, et 31 % plus susceptibles d'avoir des troubles de santé mentale. Chez les détenus des centres régionaux de traitement (hôpitaux psychiatriques désignés), 68 % ont déjà été placés en isolement préventif, ce qui montre que le SCC a recours à l'isolement pour gérer les comportements associés aux troubles mentaux.

Le recours excessif à l'isolement n'est pas uniforme; certains groupes incarcérés sont plus touchés que d'autres, notamment les délinquantes sous responsabilité fédérale souffrant de troubles mentaux, les autochtones et les noirs. Les détenus autochtones continuent d'avoir la plus longue moyenne de période en isolement de tous les groupes.

En 1992, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est venue ajouter des garanties procédurales importantes gouvernant le recours à l'isolement préventif dans le système correctionnel fédéral. Les dispositions juridiques comprennent :

  • Il faut mettre fin à l'isolement préventif dès que possible.
  • Il faut d'abord explorer toutes les autres solutions avant d'avoir recours à l'isolement préventif.
  • Les détenus en isolement préventif ont les mêmes droits que les autres détenus, à l'exception de ceux dont ils ne peuvent se prévaloir en raison de restrictions propres à l'isolement préventif ou d'exigences de sécurité.
  • Le SCC doit tenir compte de l'état de santé du délinquant et des soins qu'il requiert dans toutes les décisions liées à l'isolement préventif.


 

Pleins feux 

Isolement préventif et obligations internationales du Canada

  • Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ratifié par le Canada en 1976) précise que « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». En 1994, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a noté que l'isolement cellulaire prolongé peut être assimilé à des actes prohibés de torture.
  • La Convention relative aux droits des personnes handicapées (ratifiée par le Canada en 2010) précise que l'isolement cellulaire ne devrait jamais être imposé à une personne handicapée, particulièrement s'il s'agit d'un handicap psychosocial ou s'il y a un danger pour la santé générale de la personne.
  • L'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (ratifié par le Canada en 1977) précise que « les peines de l'isolement et de la réduction de nourriture ne peuvent jamais être infligées sans que le médecin ait examiné le détenu et certifié par écrit que celui-ci est capable de les supporter ».
  • Les Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus (1990) exigent que des « efforts tendant à l'abolition du régime cellulaire ou à la restriction du recours à cette peine doivent être encouragés ».
  • Le Rapporteur spécial du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies sur la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2011) a conclu que :
    • L'isolement cellulaire va à l'encontre des objectifs centraux du système pénitencier, à savoir la réhabilitation et la réintégration;
    • Il faut complètement abolir l'isolement cellulaire de plus de 15 jours;
    • L'isolement cellulaire de personnes souffrant de troubles de santé mentale, peu importe la durée, est considéré comme un traitement cruel, inhumain ou dégradant.
  • L'Organisation mondiale de la Santé ( OMS Europe) a publié en 2014 un rapport intitulé Prisons et santé. On y conclut que :
    • L'isolement cellulaire a une incidence négative sur la santé et le bien-être de ceux qui y sont soumis, particulièrement pour une période prolongée;
    • Les personnes souffrant de troubles mentaux sont particulièrement vulnérables aux effets de l'isolement cellulaire;
    • L'isolement cellulaire peut nuire aux efforts et aux chances de réinsertion sociale des détenus après leur mise en liberté.
  • Les lois internationales sur les droits de la personne exigent de garder au minimum le recours à l'isolement cellulaire et de le limiter aux quelques cas où il est absolument nécessaire et à une durée aussi courte que possible.

Malheureusement, sans égard aux dispositions législatives qui guident l'isolement disciplinaire, le SCC est seulement chargé de placer et de maintenir les délinquants en isolement préventif et de respecter les normes mentionnées ci-dessus. Soutenant qu'il a besoin de l'isolement préventif pour la gestion sécuritaire de ses établissements, le SCC a refusé pratiquement toutes les demandes de réformer ou de limiter son recours à l'isolement et de mettre en place une forme de supervision externe. Au cours des dix dernières années, le Bureau a formulé 31 recommandations distinctes liées au renforcement du cadre de responsabilisation et de gouvernance de l'isolement préventif, dont :

  • Mettre en place un arbitrage indépendant pour examiner les cas de placement en isolement préventif;
  • Améliorer les procédures officielles;
  • Interdire l'isolement pour les détenus souffrant de troubles mentaux graves, qui s'automutilent ou qui sont suicidaires;
  • Refuser l'isolement pour une durée indéfinie;
  • Trouver des solutions de rechange à l'isolement (unités de soins de santé mentale intermédiaires) pour respecter les critères moins restrictifs;
  • Interdire la double occupation (placement de deux détenus dans une cellule qui est conçue pour un seul) pour l'isolement préventif;
  • Trouver des solutions de rechange pour réduire le recours à l'isolement chez les jeunes délinquants;
  • Éliminer les points de suspension dans les cellules d'isolement.

Au fil des ans, le SCC a accepté quelques recommandations concernant la formation du personnel et a apporté des changements administratifs mineurs au cadre d'isolement. Il agit maintenant en créant une capacité de soins de santé mentale intermédiaires, qui pourrait apporter une solution très nécessaire à l'isolement préventif des détenus souffrant de troubles mentaux. Toutefois, le SCC rejette constamment toute demande visant à combler les lacunes en matière de surveillance et de responsabilisation.

Récemment, dans sa réponse de décembre 2014 à l'enquête sur le décès d'Ashley Smith, le Service a mentionné qu'il ne pouvait pas entièrement souscrire à plusieurs aspects des dix recommandations formulées par le jury qui limiteraient le recours à l'isolement « sans que cela entraîne des risques inacceptables pour la gestion sécuritaire du système correctionnel fédéral ». Même s'il admet qu'en général, l'isolement préventif « ne favorise pas un mode de vie sain », le SCC a clairement rejeté des recommandations importantes du jury qui demandaient :

  1. l'abolition de l'isolement cellulaire d'une durée indéfinie;
  2. l'interdiction du placement en isolement de longue durée, à des fins cliniques, de traitement ou d'observation;
  3. la restriction du recours à l'isolement à 
    15 jours consécutifs, conformément aux normes internationales;
  4. l'interdiction de l'isolement pendant plus de 
    60 jours par année.

Dans sa réponse, le SCC indique qu'il élabore actuellement une Stratégie de renouvellement de l'isolement qui réduira apparemment la durée et le nombre des placements en isolement, préviendra les admissions injustifiées et motivera les délinquants à mettre fin à leur isolement lorsque le risque n'est plus justifié. Selon le SCC , « cette stratégie vise à repenser la façon dont l'isolement est utilisé au SCC ainsi qu'à renforcer les mécanismes de surveillance et de prise de décisions. L'objectif de la stratégie consiste à limiter le recours à l'isolement par l'élaboration de meilleures options et de solutions de rechange novatrices qui favorisent la réintégration des détenus en toute sécurité ». À cette fin, comme le Service l'a mentionné dans sa réponse à l'enquête sur Ashley Smith, le ministre prévoit proposer un certain nombre de modifications réglementaires portant sur l'isolement préventif en ce qui concerne les délinquants atteints de troubles de santé mentale. Le SCC s'est engagé à modifier son cadre stratégique pour qu'il reflète l'intention de ces changements réglementaires dans le premier trimestre de 2015. J'encourage le Service et le ministre à en faire une priorité.

Pleins feux 

Principaux faits et tendances concernant l'isolement préventif aujourd'hui

En date de mars 2015 

  • 48 % de la population carcérale actuelle a déjà été en isolement.
  • 26 % de tous les détenus de sexe masculin ont été placés en isolement au moins une fois au cours de l'exercice 2014-2015, comparativement à 25 % des délinquantes sous responsabilité fédérale.
  • Aujourd'hui, la durée moyenne d'un séjour en isolement préventif est de 27 jours (par rapport à 40 jours il y a dix ans).
  • Les détenus autochtones et noirs sont surreprésentés dans les placements en isolement. Le tiers des détenus autochtones ont été placés en isolement au moins une fois en 2014 2015. Leur séjour moyen en isolement est également plus long.
  • Des 659 détenus actuellement en isolement, 13,7 % ont des antécédents d'automutilation. De tous les détenus sous responsabilité fédérale ayant des antécédents d'automutilation, plus de 85 % ont également été placés en isolement.
  • Les détenus ayant déjà été placés en isolement sont plus susceptibles de présenter un risque élevé, de grands besoins, une faible motivation, un faible potentiel de réinsertion sociale et une faible responsabilisation.
  • Les détenus déjà placés en isolement sont plus susceptibles d'avoir des troubles de comportement, de santé mentale ou cognitifs nécessitant une intervention.
  • Plus de 20 % de ces détenus ont également déjà été placés dans un centre régional de traitement (hôpital psychiatrique).
  • Plus des deux tiers de la population carcérale actuelle qui a été placée dans un centre de traitement a également été placée en isolement. Chez les femmes, le taux est de 78,9 %, et chez les détenus autochtones, il est de 72,9 %.

L'un des éléments les plus dérangeants de l'évolution du cadre d'isolement préventif est qu'il est utilis�� comme mesure punitive afin de contourner les exigences plus dispendieuses des procédures officielles du système d'isolement préventif. Pendant la période visée par le rapport, il n'y a eu que 209 placements en isolement disciplinaire (2,5 % des placements en isolement) par rapport à 8 309 placements en isolement préventif. La disparité entre les garanties procédurales de l'isolement préventif et de l'isolement disciplinaire aide à expliquer cette différence. L'isolement disciplinaire comporte beaucoup de garanties procédurales, notamment l'échange de renseignements avec les délinquants, la tenue d'audiences devant un président indépendant externe et un fardeau de preuve plus rigoureux (« hors de tout doute raisonnable »). Il existe également des garanties procédurales pour l'isolement préventif, mais elles sont administrées à l'interne par le SCC . L'isolement disciplinaire a également une durée maximale de 30 jours, alors que l'isolement préventif n'en a pas. En fait, la durée moyenne du placement en isolement préventif est supérieure au double de celle du placement en isolement disciplinaire.

La LSCMLC précise que le SCC doit suivre le processus disciplinaire pour traiter les infractions disciplinaires mineures et graves. Toutefois, il semble qu'il soit devenu commun de contourner le processus disciplinaire pour isoler, contenir, séparer, contrôler, gérer et même punir les détenus. Il est plus facile de régler les tensions et les conflits en plaçant un délinquant en isolement préventif qu'en déposant des accusations officielles d'infraction disciplinaire et de risquer une audience devant un PPI externe.

Également, il fait peu de doute que ceux qui souffrent de troubles mentaux voient l'isolement préventif comme une punition. En septembre 2013, le Bureau a publié un rapport d'enquête se penchant sur les cas d'automutilation chronique chez les délinquantes sous responsabilité fédérale dans les prisons ( Une affaire risquée ). Les femmes ont indiqué au Bureau qu'elles ne voyaient pas de différence entre l'isolement préventif, l'isolement disciplinaire, la surveillance du risque de suicide, l'isolement clinique et le confinement. Elles considèrent ces placements, peu importe leur nom et leur objectif, comme des punitions pour leur comportement d'automutilation. De plus, comme le Bureau l'a indiqué dans son enquête sur les suicides, il a été déterminé que l'isolement constitue un facteur indépendant de hausse du risque de suicide.

La distinction juridique entre l'isolement préventif sollicité et imposé est grandement illusoire et de moins en moins utile. Il n'y a rien de « volontaire » dans un isolement sollicité – plusieurs détenus cherchent refuge dans l'isolement préventif parce qu'ils craignent pour leur sécurité. La majorité des détenus qui demandent l'isolement préventif retourneraient avec l'ensemble des détenus si le risque pour leur intégrité physique n'existait plus et que leur sécurité était assurée par le SCC .

L'isolement est l'expérience la plus pénible et privative que l'État peut légalement imposer au Canada; il serait plus qu'approprié que les mesures de protection correspondent au degré de privation. Le système a désespérément besoin d'une réforme, pas d'un « renouvellement ». À titre d'ombudsman des établissements correctionnels du Canada, je continuerai de réclamer des réformes importantes, profondes et durables du cadre juridique et opérationnel de l'isolement préventif.

9. Je recommande que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en vue de limiter grandement le recours à l'isolement préventif, d'interdire son utilisation chez les détenus souffrant de troubles mentaux et chez les jeunes délinquants (jusqu'à 21 ans), d'imposer un plafond d'au plus 30 jours consécutifs, et de mettre en place une surveillance judiciaire ou un arbitrage indépendant pour tout isolement subséquent dépassant le placement initial de 30 jours. 

Griefs des détenus

Le nombre de griefs internes déposés par des détenus contre le SCC connaît une hausse. En 2014-2015, 32 340 griefs ont été déposés. Voici les cinq catégories de plaintes les plus fréquentes :

  1. Conditions et pratiques courantes (27,6 %)
  2. Visites et loisirs (23,9 %)
  3. Interactions (17,8 %)
  4. Santé (8,8 %)
  5. Programmes et paye (6,9 %)

Les principales caractéristiques des plaintes internes et du système de suivi des griefs pour la période visée par le rapport sont grandement liées aux changements stratégiques et opérationnels importants, particulièrement ceux associés aux mesures de responsabilisation des délinquants. Par exemple, 75 % des plaintes de la catégorie Visites et loisirs portent sur la correspondance et les communications téléphoniques. Plus du quart (27 %) des plaintes de la catégorie Conditions et pratiques courantes portaient sur les commodités – nourriture et régime. Les délinquants se sont également plaints de la hausse des retenues relatives au logement et aux repas du salaire des détenus, ainsi que du partage de l'hébergement. De façon significative, plus des trois quarts des plaintes de la catégorie Interactions portaient sur le rendement du personnel.

Il n'est pas surprenant qu'il y ait un arriéré grandissant et des délais prolongés de réponse aux griefs des délinquants dans l'ensemble du Service, et particulièrement à l'échelle nationale. En janvier 2015, plus de 3 500 plaintes et griefs actifs s'étaient rendus au niveau national. Le taux de conformité général national pour le troisième trimestre de 2014-2015 était légèrement supérieur à 30 %, et le taux est encore plus bas (13 %) pour les griefs nationaux prioritaires. On a souvent recours à des prolongations, même pour des questions simples. Il n'est pas rare que le SCC prenne plus d'un an pour répondre à un grief non prioritaire. La situation actuelle est de moins en moins tenable et ne respecte aucunement l'exigence législative de régler de façon « expéditive » les griefs des délinquants. Le règlement rapide et juste des plaintes des détenus constitue un élément essentiel de tout système correctionnel efficace. C'est aussi ce que prescrit la loi.

10. Je recommande que Sécurité publique Canada procède à une vérification du respect par le SCC de son obligation législative d'offrir une procédure de règlement juste et expéditif des plaintes et des griefs à laquelle les délinquants ont libre accès. 

Cette situation continue d'avoir une grande incidence sur les opérations du Bureau, car un nombre grandissant de délinquants communiquent avec le BEC concernant des délais ou le manque de réponse du système interne de règlement des griefs. Les plaintes et les communications des détenus ont grandement augmenté en 2014-2015 par rapport à l'exercice précédent.

Un plan a été mis en place pour réduire l'arriéré et respecter les exigences prévues par les lois et les politiques. Il est toutefois inquiétant de constater qu'alors que les tensions et le nombre de griefs augmentent, le SCC réduit son initiative de règlement extrajudiciaire des différends qui était à l'essai dans dix établissements. Tout indique que le projet pilote était un succès, permettant de régler 50 % des plaintes et des griefs dans les établissements. Cette initiative ne sera plus offerte dans trois établissements à sécurité maximale, et l'on prévoit que le projet pilote prendra fin à la fin du mois de mars 2016.

11. Je recommande que le SCC réaffecte des ressources à l'initiative de règlement extrajudiciaire des différends, afin de s'assurer que le programme soit financé et offert dans tous les pénitenciers fédéraux. 

Modernisation des services d'alimentation

Modernization des services d'alimentation.

Le BEC a mené des enquêtes sur des plaintes de délinquants liées au lancement initial de l'initiative de modernisation des services d'alimentation du SCC , qui comporte un modèle de production alimentaire industrielle nommé « cuisson-refroidissement » et la mise en place d'un menu national. En ce qui concerne les questions soulevées par le Bureau quant au choix, à la qualité de la nourriture et à la taille des portions, le Service a répondu de la façon suivante :

[TRADUCTION] Le menu national a été élaboré dans le but de normaliser les recettes et la taille des portions pour les repas servis à tous les détenus de sexe masculin sous responsabilité fédérale, dans l'ensemble du pays. Il respecte les normes et les recommandations du Guide alimentaire canadien. Il prévoit la consommation de 2 600 calories par jour, niveau d'énergie recommandé par Santé Canada pour des hommes âgés de 31 à 50 ans; soit le profil du détenu moyen sous responsabilité fédérale. La mise en œuvre du menu national et des portions normalisées nous a permis de renforcer nos pratiques de gestion pour réaliser des économies et accroître la cohérence et le respect des règles nutritionnelles. De plus, le SCC continue de fournir une ration quotidienne d'environ 4,98 $ qui varie légèrement selon la méthode de livraison de la nourriture.

On peut se demander comment une somme quotidienne aussi basse peut fournir des aliments ayant une valeur nutritionnelle adéquate. De plus, l'adoption de méthodes industrielles de production alimentaire, notamment à l'extrémité élevée du spectre de la sécurité, semble viser à limiter les coûts et à trouver un mécanisme de prestation des services alimentaires qui repose sur la distribution dans les cellules. La méthode de cuisson-refroidissement semble être une adaptation d'un régime de sécurité de plus en plus serré qui limite et contrôle les déplacements des détenus. Les modèles traditionnels où la cuisine se fait à partir d'aliments non préparés et les aliments sont gardés au chaud pendant de courtes périodes de temps jusqu'au service nécessitent une main-d'œuvre carcérale et une supervision suffisantes pour fonctionner efficacement. Autrement dit, les exigences opérationnelles en matière de sécurité ont eu un effet défavorable sur la production alimentaire et la prestation de services, d'où la nécessité d'avoir des modèles plus « efficaces », comme la méthode de cuisson-refroidissement. La qualité nutritionnelle ainsi que les possibilités d'emploi semblent être des préoccupations secondaires du système d'alimentation des détenus, qui se fondent plutôt sur les paramètres du contrôle des coûts, de la taille des portions et de la gestion de l'effectif.

12. Je recommande que, en 2015-2016, le SCC procède à une vérification externe de ses services de préparation des repas, en mettant particulièrement l'accent sur les pratiques de manipulation sécuritaire des aliments, la distribution équitable des repas et la concordance entre les normes définies dans le menu national et la valeur nutritionnelle des repas fournis aux détenus. 

Drogues en milieu carcéral

De plus en plus de ressources sont consacrées à l'objectif ambitieux, voire irréaliste selon certains, de créer des établissements sans drogue 27 . À cette fin, le SCC a doublé son taux d'analyses d'urine aléatoires, et son objectif minimal est maintenant de soumettre 10 % de la population carcérale à des analyses chaque mois. En 2012-2013, le SCC a demandé près de 14 000 échantillons à des détenus sous responsabilité fédérale, ce qui représente 63 % de la population carcérale 28 . Environ 81 % de ces demandes étaient faites de façon aléatoire, 10 % étaient fondés sur des motifs raisonnables et 9 % étaient attribuables aux relations des détenus avec la collectivité. Pour ce qui est des résultats, 6 % des échantillons testés de façon aléatoire ont donné des résultats positifs à la présence de drogues illicites; la drogue la plus souvent décelée est le tétrahydrocannabinol ou THC (le principal ingrédient psychotrope de la marijuana) 29 .

Malgré une augmentation du dépistage et des ressources consacrées à l'application de la politique de tolérance zéro, le taux de résultats positifs aux analyses d'urine demeure remarquablement stable. Il ne faut pas oublier que 50 % des délinquants de sexe masculin qui arrivent dans un établissement fédéral ont des antécédents de toxicomanie ou de dépendance. Des préoccupations au sujet de l'efficacité, de la fréquence et de la légalité (« caractère aléatoire ») du dépistage de drogue dans les établissements fédéraux donnent matière à des critiques fondées quant aux avantages en matière de sécurité publique et au rapport qualité-prix du programme. Une façon plus efficace et rentable d'empêcher les crimes et de réduire la consommation de substances consiste à consacrer une plus grande partie de nos ressources limitées à des mesures de traitement, de prévention et de réduction des méfaits correspondant aux besoins des délinquants dont le risque criminel est lié à leurs problèmes de toxicomanie.

Recours à la force

Le Bureau a examiné 1 501 incidents de recours à la force en 2014-2015.

Préoccupations

  • Les délinquants autochtones représentaient 30,8 % de tous les incidents de recours à la force examinés, une augmentation de 2,3 % par rapport à l'exercice précédent.
  • Les délinquantes autochtones sous responsabilité fédérale étaient impliquées dans 24 % des incidents dans les établissements pour femmes.
  • Les délinquants de race noire représentaient 14,9 % de tous les incidents de recours à la force examinés, une augmentation de 2,3 % par rapport à l'année dernière.
  • Dans 16,3 % des cas, les recours à la force se sont produits en réponse à des incidents d'automutilation.
  • Le SCC a indiqué des problèmes de santé mentale dans 30,8 % de tous les incidents.
  • Un aérosol capsique a été utilisé dans 55,4 % de tous les incidents.
  • Dans 41,6 % de tous les incidents examinés, le recours à la force s'est produit dans la cellule du délinquant.
  • Les délinquants ont subi ou rapporté des blessures dans 10,65 % de tous les incidents.

En ce qui a trait à la conformité,

  • le Modèle de gestion de situations ( MGS ) n'a pas été respecté dans 15,3 % de toutes les interventions examinées;
  • il y avait des problèmes de conformité aux procédures de décontamination dans 29 % de tous les incidents de recours à la force examinés;
  • dans 53,1 % des cas examinés, des lacunes ont été relevées au sujet des évaluations de soins de santé à la suite d'incidents de recours à la force;
  • les procédures concernant la fouille à nu n'ont pas été suivies dans 30,8 % de toutes les interventions;
  • dans 83,5 % des cas examinés, des problèmes de conformité ont été relevés au sujet des procédures d'enregistrement vidéo;
  • dans 6,2 % des incidents examinés, les délinquants allèguent que des niveaux de force inappropriés ont été utilisés.

Le Bureau demeure préoccupé par la hausse du nombre d'interventions nécessitant un recours à la force auprès de délinquants souffrant de problèmes de santé mentale. Conformément aux recommandations formulées par le Bureau, le SCC a accepté de procéder à des examens obligatoires des incidents de recours à la force dans les établissements et les régions où des délinquants qui s'automutilent sont en cause, ainsi qu'à des examens à l'échelle nationale concernant l'utilisation aux équipes pénitentiaires d'intervention en cas d'urgence.

13. Je recommande que le Bureau du vérificateur général du Canada envisage de procéder à une vérification de la conformité au processus d'examen du recours à la force du SCC

Patrouilles avec bouclier

Conformément aux politiques, le SCC a l'obligation d'effectuer un dénombrement des détenus et une patrouille des rangées régulières afin de confirmer visuellement que les délinquants sont en vie. Dans les établissements à sécurité maximale, à sécurité moyenne et à niveaux de sécurité multiples, et dans les unités de garde en milieu fermé des établissements pour délinquantes, des patrouilles de sécurité sont effectuées le plus souvent possible, soit au moins une fois l'heure à compter de la dernière patrouille. Pendant les patrouilles, les employés confrontent parfois des délinquants non coopératifs qui ont obstrué la fenêtre de leur cellule. Pour assurer le mieux-être de ces délinquants, le SCC a établi un protocole pour ce type de détenus non coopératifs qui autorise le déploiement de quatre agents munis d'un bouclier, d'un bâton, d'agents inflammatoires et d'une radio pour effectuer une patrouille intérimaire.

Les employés effectuent ces patrouilles, qui ne sont pas des interventions immédiates, sans consulter au préalable le gestionnaire correctionnel et les agents de santé. Ils n'utilisent pas de caméra pour capter l'intervention sur vidéo. Le Bureau a examiné 12 incidents de recours à la force suivant ce protocole et où des agents inflammatoires ont été utilisés contre des détenus qui ont fait un mouvement en direction de la porte de la cellule ouverte. Le Bureau a constaté ce qui suit :

  • Le Modèle de gestion des situations ( MGS ) n'a pas été suivi dans la plupart des cas examinés.
  • Des problèmes de santé mentale ont été relevés dans 14 % des incidents de recours à la force.
  • Plus de la moitié des incidents liés aux patrouilles avec bouclier sont survenus en isolement.
  • Les trois quarts des délinquants exposés à des agents inflammatoires ont été laissés sans surveillance dans leur cellule contaminée.
  • La quantité d'agents inflammatoires utilisée pendant ces interventions varie de 27 à 462 grammes.
  • Les délinquants allèguent qu'un niveau inapproprié de force a été utilisé dans 30 % de tous les incidents qui se sont produits lors d'une patrouille avec bouclier.
  • Dans 78 % des cas, les examens ont relevé des lacunes concernant les évaluations de soins de santé à la suite d'incidents de recours à la force.
  • Les examens effectués à la suite d'un incident de recours à la force indiquent que, dans 20 % des cas, les agents ont omis de signaler qu'ils avaient pointé un dispositif de diffusion d'agents inflammatoires, et ce, contrairement à la politique concernant le recours à la force.

14. Je recommande que les patrouilles avec bouclier soient abandonnées ou qu'elles soient sinon considérées comme un recours à la force et donc assujetties aux politiques concernant les recours à la force et aux exigences en matière de déclaration. 

4. services correctionnels pour autochtones


En mars 2015, les détenus autochtones représentaient 24,4 % de la population carcérale sous responsabilité fédérale alors que les Autochtones ne constituent que 4,3 % de la population canadienne. Au cours de la décennie entre mars 2005 et mars 2015, la population carcérale autochtone a augmenté de plus de 50 %, comparativement à une croissance démographique générale de 10 % pendant la même période. En tant que groupe, les Autochtones représentaient la moitié de la croissance totale de la population carcérale sous responsabilité fédérale au cours de cette période. La situation est encore plus troublante chez les femmes autochtones purgeant une peine fédérale. Au cours des dix dernières années, le nombre de détenues autochtones a doublé. À la fin de la période visée par le rapport, 35,5 % des détenues étaient d'origine autochtone 30 .

Pleins feux 

Profil des délinquants autochtones

Comparativement aux délinquants non autochtones, les détenus autochtones :

  • sont plus jeunes (âge moyen de 27 ans);
  • sont moins scolarisés;
  • sont plus susceptibles d'avoir des antécédents de toxicomanie et de problèmes de santé mentale;
  • sont plus susceptibles d'être incarcérés pour une infraction violente;
  • sont plus susceptibles d'avoir déjà purgé une peine en tant qu'adolescents et/ou d'adultes;
  • ont de manière disproportionnée des antécédents liés à la violence familiale ou physique;
  • sont plus susceptibles de faire partie de gangs.
Répartition régionale
  • Les détenus autochtones représentent 47,21 % des détenus dans la région des Prairies. La région des Prairies a été en tête de la croissance de la population, et elle est maintenant la région la plus importante, sur les plans géographique et démographique.
  • Plusieurs établissements dans la région des Prairies ont une population carcérale autochtone supérieure à 50 % de leur population totale :
    • Établissement d'Edmonton pour femmes – 60,26 %
    • Pénitencier de la Saskatchewan – 60,19 %
    • Établissement de Stony Mountain – 57,32 %
    • Centre psychiatrique régional ( CPR ) – 56,36 %
Résultats correctionnels
  • Les détenus autochtones :
    • présentent un taux de risque plus élevé et des besoins plus grands dans des domaines comme l'emploi, la réinsertion sociale, la toxicomanie et le soutien familial;
    • sont surreprésentés dans la population carcérale en isolement et dans les établissements à sécurité maximale;
    • sont, de manière disproportionnée, visés dans les interventions de recours à la force et impliqués dans les cas d'automutilation en prison;
    • sont libérés plus tard au cours de la peine;
    • risquent davantage d'être incarcérés de nouveau (pour une nouvelle infraction ou une révocation de la libération conditionnelle).

Services correctionnels pour autochtones.

Les répercussions intergénérationnelles des antécédents sociaux autochtones (c.-à-d. expériences vécues dans les pensionnats; expérience des systèmes de protection et d'adoption des enfants 31 ; déplacement et dépossession des peuples autochtones; pauvreté et mauvaises conditions de vie dans de nombreuses réserves autochtones; antécédents de suicide dans la famille ou la collectivité, de toxicomanie et/ou de victimisation) continuent s'être à la source du nombre disproportionné d'Autochtones aux prises dans le système de justice pénale du Canada. Malheureusement, et tragiquement, le nombre d'Autochtones qui purgent une peine de ressort fédéral devrait continuer à augmenter en raison de la démographie plus jeune de la population autochtone au Canada 32 . Les circonstances uniques et les antécédents sociaux qui donnent lieu à des taux disproportionnés de délinquance et de victimisation chez les Autochtones doivent être mieux intégrés dans les interventions dans l'éventail des sphères de la justice pénale (services de police, tribunaux, services correctionnels et libérations conditionnelles).

La plupart des détenus autochtones déclarent être membres de Premières Nations (68 %), puis Métis (26,5 %) et Inuits (5,5 %). Bien que la majorité des programmes et des interventions destinés aux Autochtones soient élaborés selon le point de vue des Premières Nations, les circonstances et les cheminements des Autochtones sont distincts et différents. À titre d'exemple, de récents travaux de recherche du SCC indiquent que les délinquants des Premières Nations sont plus susceptibles d'avoir eu des activités criminelles à l'adolescence que les Métis et les Inuits et qu'ils sont aussi plus susceptibles d'être incarcérés pour une infraction avec violence. D'autres différences renvoient à des interventions et à des besoins précis. Les délinquants des Premières Nations avaient davantage de difficulté à s'adapter à la vie en établissement, avaient une plus grande incidence d'accusations d'infraction disciplinaire, passaient plus de temps en isolement et avaient les taux les plus élevés d'automutilation et de suicide en établissement. Par comparaison, les délinquants métis étaient plus susceptibles de purger une peine plus longue (six ans ou plus) et d'avoir déjà purgé une peine sous ressort fédéral. Les délinquants inuits étaient les plus susceptibles de purger une peine pour infraction sexuelle, mais ils étaient aussi plus susceptibles de faire l'objet d'une mise en liberté discrétionnaire de la part de la Commission des libérations conditionnelles du Canada 33 .

La recherche a montré que les délinquants autochtones obtiennent de meilleurs résultats en matière de traitement et après la mise en liberté lorsqu'ils renouent avec leur spiritualité et leurs traditions culturelles, et lorsque les programmes et les interventions sont adaptés à leur culture et de nature holistique. Selon une étude récente du SCC , les programmes adaptés à la culture étaient essentiels afin que les délinquants autochtones fassent face aux traumatismes du passé et cessent de s'automutiler 34 . Il y a certains progrès à signaler à ce sujet. En 2014, par exemple, deux programmes de traitement correctionnels exécutés par des intervenants de programmes inuits avec l'appui d'un Aîné ont été offerts à l'Établissement de Beaver Creek afin de répondre aux besoins précis de la population carcérale inuite. En tout, 17 détenus ont mené à bien ces deux programmes. J'encourage le SCC à continuer d'adapter son modèle de programmes correctionnels pour répondre aux besoins précis de chaque groupe autochtone.

Intégration des principes de l'arrêt Gladue dans la prise de décisions en matière correctionnelle

Dans sa décision novatrice concernant l'affaire Gladue (1999), la Cour suprême du Canada reconnaît la présence de facteurs sociaux atténuants et de circonstances historiques qui devraient être pris en considération dans la détermination de la peine des délinquants autochtones. Bien que le Service ait intégré les principes de l'arrêt Gladue dans sa politique et qu'il ait fourni de la formation aux membres du personnel, les éléments ayant trait aux antécédents sociaux énoncés dans l'arrêt Gladue sont encore appliqués de manière insuffisante et inégale dans la prise de décisions en matière correctionnelle. Par exemple, il n'est pas rare de trouver dans le dossier d'un délinquant autochtone une référence indiquant que les antécédents sociaux des Autochtones ont été pris en considération dans une décision correctionnelle qui a des répercussions sur le maintien de la sécurité et les droits à la liberté (p. ex. classification de sécurité, placement pénitentiaire, transfèrement, isolement, discipline interne). Toutefois, souvent, il y a très peu d'analyse utile quant à savoir comment ces considérations ont touché, influencé, modifié ou atténué la décision. Le simple fait d'énoncer que les antécédents sociaux des Autochtones ont été pris en considération n'en fait pas une réalité et n'est pas gage de la diligence raisonnable attendue en regard des exigences de la politique.

Pleins feux 

Extrait d'un dossier de gestion de cas

En fonction de l'information présentée et compte tenu des recommandations de tous les membres de l'équipe de gestion de vas et du gestionnaire de l'évaluation et des interventions, les cotes suivantes sont acceptées :

Adaptation en établissement – RÉSULTAT ÉLEVÉ

Risque d'évasion – MODÉRÉ

Sécurité publique – RISQUE ÉLEVÉ

La sécurité MAXIMALE est APPROUVÉE.

Les antécédents sociaux des Autochtones ont été pris en considération dans le processus décisionnel. Si vous n'êtes pas satisfait de la décision du directeur de l'établissement, vous pouvez utiliser le processus de grief. Vous pouvez présenter un grief au deuxième palier (sous-commissaire, Prairies) par l'entremise du coordonnateur des griefs en établissement.

En réponse à une recommandation formulée dans mon dernier rapport annuel, le SCC mène une recherche se penchant sur les antécédents sociaux des Autochtones (facteurs liés aux principes de l'arrêt Gladue ) dans la gestion des cas et leur influence sur les résultats des décisions concernant les délinquants autochtones. Les résultats de la recherche ont été regroupés dans un rapport qui a été publié en mars 2015 35 . Bien que la recherche puisse s'avérer utile, la situation exige davantage que la publication d'autres rapports. Il doit y avoir une attention appliquée et soutenue pour apporter des améliorations valables dans ce domaine des pratiques correctionnelles.

15. Je recommande que le SCC publie son étude sur l'incidence des antécédents sociaux des Autochtones (facteurs liés aux principes de l'arrêt Gladue) sur la gestion des cas et son influence sur les résultats des décisions en matière correctionnelle sur les délinquants autochtones. Cette étude devrait être accompagnée d'un plan d'action de la gestion. 

Le Bureau a examiné les procès-verbaux des réunions du Comité de la haute direction du SCC tenus pendant la période visée par le présent rapport et il a trouvé quelques références précises aux délinquants autochtones ou aux services correctionnels pour Autochtones. Le SCC a un Comité consultatif national sur les questions autochtones, mais on ne sait pas dans quelle mesure il influence l'orientation stratégique générale du Service. Le dernier Plan stratégique relatif aux services correctionnels pour Autochtones qui a été rendu public porte sur la période allant de 2006-2007 à 2010-2011. Dans le dernier rapport de mi-exercice 2014-2015 du SCC portant sur le Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones, on reconnaît que, malgré des gains nominaux dans l'accès aux programmes correctionnels et la réalisation de ceux-ci, les délinquants autochtones sont encore libérés dans une moindre mesure que leurs homologues non autochtones et que leur réincarcération fondée sur des manquements aux conditions dépasse largement le taux de réincarcération des délinquants non autochtones.

Alors que le fossé en matière de résultats correctionnels continue de se creuser pour les délinquants autochtones et malgré le fait qu'un bon quart de la population carcérale est d'origine autochtone, le Service insiste encore pour dire qu'il n'est pas nécessaire de nommer un sous-commissaire responsable des services correctionnels pour Autochtones, même si un tel poste de cadre supérieur existe pour les délinquantes purgeant une peine de ressort fédéral. Selon le SCC , certains indicateurs révèlent des tendances dans la bonne direction. Par exemple, les délinquants autochtones accèdent à leur premier programme plus rapidement, le pourcentage de délinquants autochtones recevant une formation professionnelle avant leur première libération augmente, il y a moins de surclassements et un plus grand nombre de délinquants autochtones participent à des programmes de permission de sortie pour avoir accès à des activités culturelles et maintenir des liens avec la collectivité.

Le Service rapporte aussi certains progrès chez les délinquants qui participent à ses unités des Sentiers autochtones 36 : ils sont moins susceptibles de faire l'objet d'accusations d'infraction disciplinaire; ils sont moins susceptibles d'être placés en isolement non sollicité; ils sont moins susceptibles d'être impliqués dans des incidents de sécurité; et ils sont plus susceptibles d'obtenir une libération discrétionnaire 37 . Il s'agit d'une bonne nouvelle qui en dit long sur la nature des détenus qui participent aux Sentiers autochtones. Il ne faut pas oublier que cette initiative (maintenant en place dans plus de 25 établissements) a été financée et élargie tandis que les initiatives communautaires autorisées, dont les placements dans les pavillons de ressourcement autochtones et la participation de la collectivité autochtone à la planification de la mise en liberté (articles 81 et 84 de la LSCMLC ) n'ont pas augmentées de façon similaire. Je n'ai aucun doute que les délinquants qui obtiennent de bons résultats dans les Sentiers autochtones tireraient profit d'une mise en liberté sous surveillance dans la collectivité plus rapide.

5. Réinsertion sociale en temps opportun et en toute sécurité


Les délinquants sont libérés des établissements fédéraux et ils constatent qu'ils sont mal préparés pour la vie dans la société. Bon nombre d'entre eux n'ont pas accès à un logement abordable et sécuritaire et ils ont très peu d'économies. Leur employabilité et leurs compétences professionnelles sont souvent limitées, tout comme leurs possibilités de gagner un revenu. Ils sont nombreux à continuer à vivre avec un problème de santé mentale non réglé et à avoir des problèmes de dépendance. Ils sont tous marqués du stigmate de la peine d'emprisonnement et de la possession d'un casier judiciaire, lesquelles comptent sans doute parmi les principaux obstacles à une vie rémunératrice et prosociale après la mise en liberté dans la collectivité.

Le rapport du printemps 2015 du vérificateur général du Canada compte un chapitre sur les services correctionnels fédéraux intitulé « La préparation des détenus à la mise en liberté ». Il confirme bon nombre des récentes constatations du Bureau dans ce domaine, ce qui indique un glissement dans le mandat et la capacité du SCC à préparer les délinquants à une réinsertion sociale en temps opportun et en toute sécurité. Selon les constatations du vérificateur général :

  • En 2013-2014, seulement 20 % des délinquants (par rapport à 26 % en 2011-2012) avaient un dossier préparé à temps pour leur première date d'admissibilité à la libération conditionnelle.
  • En 2013-2014, 65 % des délinquants n'avaient pas terminé leurs programmes correctionnels avant leur première date d'admissibilité à la libération conditionnelle.
  • Près des deux tiers des délinquants admissibles à la libération conditionnelle totale ont renoncé à l'audience de libération conditionnelle en 2013-2014 ou l'ont reportée (un indicateur de la diminution de la capacité du SCC à remplir le registre des interventions et à le présenter à la Commission des libérations conditionnelles d'une manière efficace et en temps opportun).
  • Les délinquants à faible risque représentaient environ la moitié de ceux qui demeurent sous garde au-delà de leur première date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Trente-neuf pour cent des délinquants à faible risque ont été mis en liberté pour la première fois à leur date de libération d'office plutôt qu'à l'obtention d'une semi-liberté ou d'une libération conditionnelle totale.
  • En 2013-2014, 54 % des délinquants réintégrés dans la collectivité étaient mis en liberté à la date de libération d'office (aux deux tiers de peine) plutôt qu'à la date de libération conditionnelle. 
    Du nombre de libérations d'office, 64 % étaient faites à partir d'un établissement à sécurité moyenne et 11 % à partir d'un établissement à sécurité maximale.
  • En 2013-2014, Le SCC a dépensé 17 millions de dollars pour la prestation des programmes d'emploi et 19 millions de dollars à la prestation des programmes d'éducation, mais il ne sait pas dans quelle mesure ces programmes aident les délinquants à progresser en vue d'une réinsertion sociale en toute sécurité.
  • Le SCC n'a pas élaboré de lignes directrices visant à établir les priorités en ce qui concerne la prestation de ses programmes d'éducation parmi les autres interventions prévues dans le plan correctionnel des délinquants.

Comme le conclut le vérificateur général, au bout du compte, la diminution du taux de mise en liberté entraîne des coûts d'incarcération plus élevés (et évitables).

La recherche et la pratique confirment que la sécurité publique est assurée avant tout grâce à une mise en liberté opportune, structurée et surveillée des délinquants. La neutralisation devrait être réservée aux délinquants les plus dangereux. Le fait de garder en établissement la majorité des autres délinquants jusqu'à leur libération d'office ou leur date d'expiration du mandat n'est pas une pratique correctionnelle efficace et sécuritaire. Au cours des dix dernières années, le taux d'octroi de la semi-liberté a diminué de 15 % et le taux d'octroi de la libération conditionnelle totale de 40 %. Ces tendances font état de certains éléments troublants dans un système de mise en liberté où la Commission des libérations conditionnelles du Canada ne participe pas à la majorité des réinsertions sociales des délinquants effectuées de nos jours.

Le temps que passent les délinquants derrière les barreaux devrait servir à aborder de façon constructive les besoins, les risques et les comportements qui les ont menés à avoir des démêlés avec la justice. La plupart des délinquants arrivent dans les établissements fédéraux avec d'importants besoins en matière d'éducation et d'emploi. Par exemple, pour plus de 60 % des délinquants, on établit à l'admission qu'ils ont un besoin en matière d'éducation, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas obtenu un diplôme d'études secondaires. À l'heure actuelle, trois délinquants sous responsabilité fédérale sur cinq ont huit ans ou moins de scolarité. En 2013-2014, on a évalué que 74 % des délinquants incarcérés avaient besoin d'améliorer leurs compétences relatives à l'employabilité. Des occasions de poursuivre des études, d'avoir un emploi valorisant en établissement et d'acquérir des compétences professionnelles sont essentielles à la préparation des délinquants à la mise en liberté. Malheureusement, comme le révèle l'examen fait par le Bureau de l'accès aux programmes dans un établissement à sécurité maximale, les délinquants qui ont le plus besoin d'une intervention structurée fondée sur les facteurs criminogènes et le risque pour la sécurité publique sont bien souvent les moins susceptibles à l'obtenir.

Un centre correctionnel communautaire

Pleins feux 

Accès aux affectations aux programmes dans un établissement à sécurité maximale

Le Bureau a examiné l'accès aux affectations aux programmes dans un établissement à sécurité maximale. L'examen s'est appuyé sur des entrevues avec le personnel du SCC et les comités de détenus, des données statistiques ainsi qu'un sondage auprès des détenus.

Programmes correctionnels de base
  • En 2013-2014, les détenus de l'établissement ont participé en tout à onze programmes (p. ex. programme pour délinquants violents, programme pour délinquants sexuels, programme de traitement de la toxicomanie, programme de prévention de la violence familiale).
  • L'absence de programmes de base pour les délinquants avec des problèmes de santé mentale semble avoir moins à faire avec leur motivation à participer aux programmes qu'à la capacité des intervenants de programme à répondre à leurs besoins.
  • Le personnel du SCC a indiqué que le manque de salles de programme et de ressources, l'isolement cellulaire et la routine d'un établissement à sécurité maximale étaient d'importants obstacles empêchant de répondre à l'ensemble des besoins en programme de la population carcérale.
Éducation
  • À leur arrivée à l'établissement, près des deux tiers des délinquants ont un niveau de scolarité inférieur à une huitième année, et un peu plus de 80 %, un niveau inférieur à une dixième année.
  • En juin 2014, 119 détenus (34 % de la population carcérale) participaient à des programmes d'études. De ce nombre, 60 faisaient leur apprentissage en classe, 43 étudiaient seuls grâce aux études en cellule et 16 faisaient des études postsecondaires à distance à l'aide des études en cellule.
  • En mai 2014, 46 délinquants ont été mis sur une liste d'attente pour suivre des cours. Environ la moitié d'entre eux sont en attente pour obtenir une formation de base des adultes de niveau 1, 2 ou 3 (c.-à-d. de la première à la dixième année).
Emploi

En février 2014 :

  • Vingt pour cent (69) des délinquants travaillaient à temps plein à des opérations en établissement. Un autre 17 % (60) travaillait à temps partiel.
  • Près des deux tiers des délinquants n'avaient un emploi en établissement, mais ces délinquants auraient pu être inscrits à un programme correctionnel de base ou à des cours.
  • Les détenus ont indiqué qu'ils attendaient en moyenne douze semaines avant de commencer à travailler après avoir présenté une demande d'emploi.
  • Bien que de nombreux employés du SCC aient mentionné un manque d'emplois pour les détenus, l'étude de cas a permis de constater que les taux de postes vacants représentaient aussi un problème. Dans certains cas, plus de 60 % des emplois n'étaient pas comblés.

Examen des ateliers industriels dans les établissements

Les programmes d'emploi et de formation professionnelle en milieu correctionnel offrent de nombreuses leçons transférables et des compétences psychosociales, dont la satisfaction éprouvée après avoir accompli une bonne journée de travail et l'estime de soi qui découle de la ponctualité, de l'autodiscipline, de la fiabilité et de la responsabilité. Dans le cadre du programme d'emploi et d'employabilité de CORCAN, le SCC exploite 106 ateliers dans 28 établissements fédéraux un peu partout au pays 38 . Les dépenses prévues en 2015-2016 pour ce programme, « conçu pour permettre aux délinquants d'acquérir des compétences et d'adopter des attitudes et des comportements prosociaux qui sont prisés par les employeurs », s'élèvent à 41,5 M$.

Étant donné la nature industrielle de la plupart des ateliers de CORCAN, la majorité des emplois sont offerts dans les domaines de la transformation et du secteur primaire. Les principales industries de CORCAN sont les suivantes :

  1. Secteur manufacturier – 42 %
  2. Services – 25 %
  3. Textiles – 23 %
  4. Construction – 10 %

En situation de plein emploi, les ateliers de CORCAN ont une capacité d'emploi totale d'un peu plus de 1 700 détenus. Le 10 février 2015, les ateliers industriels de CORCAN employaient 1 307 délinquants sur un nombre total de 15 021 délinquants. Autrement dit, CORCAN fournit un emploi à seulement 8,7 % de l'ensemble de la population carcérale. Ce jour là, les ateliers industriels de CORCAN ne fonctionnaient qu'à environ 75 % de leur capacité.

On ne saurait trop insister sur la différence entre les deux types d'emploi en établissement – les ateliers industriels de CORCAN et les emplois en établissement. Les délinquants participant aux ateliers de CORCAN ont dans l'ensemble des taux inférieurs de placement en isolement, font l'objet de moins d'accusations d'infraction disciplinaire, sont plus susceptibles de se voir accorder une semi-liberté et ils sont beaucoup plus susceptibles d'obtenir un emploi dans la collectivité 39 . La recherche du SCC confirme que les emplois de CORCAN sont intrinsèquement beaucoup plus prisés par la population carcérale que les emplois en établissement. Comme la plupart d'entre nous, les délinquants ont tendance à apprécier les emplois intéressants, utiles et donnant un sentiment d'accomplissement et à tirer de la fierté de ces emplois. Les salaires plus élevés, les références positives, les possibilités de certification et les emplois plus attrayants font partie des avantages décrits par les délinquants participants aux ateliers industriels de CORCAN. Les délinquants indiquent que les emplois de CORCAN donnent des moyens prosociaux de structurer leur temps en établissement. La plupart d'entre eux conviennent que leurs emplois dans le cadre du programme CORCAN les aideront à s'abstenir d'avoir d'autres activités criminelles.

Un important problème a trait au fait que l'expérience de travail offerte dans les établissements fédéraux ne correspond souvent pas aux besoins des employeurs dans la collectivité. Même dans les emplois hautement prisés du programme CORCAN, il y a souvent une absence de corrélation entre la formation professionnelle et la préparation à l'emploi. Une étude du SCC sur la concordance entre la formation en cours d'emploi de CORCAN et les types d'emplois obtenus après la mise en liberté confirme trois importantes constatations :

  1. La plus grande concordance (65 %) entre la formation offerte par CORCAN et les emplois obtenus dans la collectivité se trouve dans les secteurs des métiers, des transports et de la machinerie.
  2. Le secteur des ventes (25 %) était le prochain grand secteur où les délinquants trouvaient de l'emploi après la mise en liberté.
  3. Seulement 13 % des délinquants ont obtenu un emploi dans le domaine de la transformation et dans le secteur primaire 40 .

Un atelier CORCAN

Il semble y avoir place à ce que les emplois de CORCAN reflètent mieux les réalités actuelles et émergentes du marché de l'emploi du Canada. Par exemple, l'industrie du textile n'est plus un des principaux secteurs de l'économie canadienne. Tous les principaux indicateurs économiques de cette industrie sont en déclin (contribution au PIB, emplois, expéditions et exportations).

Par comparaison, la demande dans le secteur des métiers demeure relativement stable et forte. Tel qu'il est mentionné précédemment, la grande majorité des délinquants mis en liberté trouvent des emplois dans ce secteur dans la collectivité. Les ateliers de CORCAN offrent différentes compétences professionnelles et des occasions d'apprentissage et de formation dans les métiers, des niveaux de base aux niveaux avancés, notamment en charpenterie, en plomberie, en réparation de carrosserie d'auto et en cuisine professionnelle. Toutefois, en 2012-2013, seulement 154 délinquants sous responsabilité fédérale ont consigné des heures d'apprentissage en ateliers CORCAN dans un métier désigné Sceau rouge.

CORCAN mène aussi ses activités dans les cinq établissements régionaux pour délinquantes. Les femmes purgeant une peine de ressort fédéral travaillent presqu'exclusivement dans le domaine des textiles. Elles y fabriquent, entre autres, des draps, des couvertures, des couvre-lits, des tabliers, des uniformes et des taies d'oreillers. Le programme a le mérite d'avoir récemment offert quelques cours sur le logiciel Autocad et en conception graphique dans certains établissements régionaux. Le personnel du SCC a aussi indiqué qu'il doit y avoir plus d'occasions, pour les délinquantes, de suivre une formation professionnelle, dont un plus grand nombre de programmes d'emploi axés sur les femmes et plus de fonds consacrés à la formation des femmes sous surveillance dans la collectivité.

Selon une récente vérification des programmes d'emploi et d'employabilité du SCC , la moitié des employés rencontrés en entrevue ont mentionné qu'ils n'avaient pas toujours assez d'occasions d'emploi pour occuper les délinquants. Certains établissements ont eu recours à des attributions de travail qui n'ajoutaient presque rien à l'expérience de travail. Nombre de personnes croyaient qu'une pénurie d'infrastructures et de ressources adéquates expliquait pourquoi il n'y avait pas assez d'emplois pour engager les détenus de façon significative.

Les établissements à sécurité maximale ont le plus de difficulté à embaucher les détenus dans des industries CORCAN ou à fournir un travail en établissement qui a une valeur et une signification intrinsèques. Les procédures de sécurité, les fréquents isolements cellulaires et les restrictions relatives aux déplacements des détenus et à leurs contacts nuisent à l'assiduité au travail et aux calendriers de production.

Une vérification interne du programme d'emploi et d'employabilité de CORCAN, menée en janvier 2013, a permis de faire plusieurs constatations importantes :

  1. Absence de vision organisationnelle et d'un ensemble d'objectifs stratégiques pour le programme d'emploi et d'employabilité au sein des services correctionnels fédéraux.
  2. Aucune structure générale de gouvernance n'était en place.
  3. Aucun instrument de politique clair et unique propre à l'emploi et à l'employabilité au sein des services correctionnels fédéraux.
  4. Les résultats des initiatives en matière d'emploi et d'employabilité n'étaient pas toujours disponibles.
  5. Nombre limité de mesures du rendement en place en ce qui a trait à la formation professionnelle.

Ces enjeux ne sont pas nouveaux. Le Comité d'examen du SCC , qui a présenté un rapport au ministre de la Sécurité publique il y a huit ans (avril 2007), a fait des observations semblables au sujet du programme d'emploi en milieu carcéral :

  1. Les membres du Comité remettent en question la capacité de CORCAN de continuer à assurer l'équilibre entre les revenus et les dépenses pour continuer à offrir des emplois en établissement et de la formation professionnelle sous son régime d'exploitation actuel.
  2. Ils se demandent si l'objectif principal de CORCAN est suffisamment centré sur sa responsabilité de base, qui est de bien former les détenus afin qu'ils soient prêts à entrer sur le marché du travail lors de leur libération dans la collectivité.
  3. Il faut remplacer l'embauche d'un grand nombre de délinquants pour des postes d'entretien général par des occasions d'acquérir des compétences utiles qui serviraient à préparer le délinquant à l'emploi après sa mise en liberté.

Pour conclure, il est possible d'améliorer la façon dont le programme d'emploi et de formation en milieu carcéral est mené et offert dans les établissements fédéraux. Plusieurs éléments connexes sont nécessaires pour faire avancer les choses :

  • Établir un plus grand nombre de partenariats directs entre le SCC et les secteurs de pointe de l'industrie au Canada.
  • Accroître le nombre d'occasions, pour les délinquants, d'occuper un emploi dans la collectivité, notamment en augmentant le nombre de placements à l'extérieur.
  • Multiplier les occasions d'apprentissage d'un métier désigné Sceau rouge et de devenir apprenti dans les établissements fédéraux.
  • Réévaluer la rémunération des détenus, dont les taux ont été établis en 1981 et sont demeurés inchangés. S'assurer que des incitatifs financiers font partie de la structure de rémunération des détenus pour influencer la qualité et la valeur du travail effectué en milieu carcéral conformément aux attentes de la collectivité 40 .
  • Réduire l'accent mis sur l'industrie du textile dans les prisons; remplacer les outils des ateliers de CORCAN pour le XXI e siècle.
  • Mettre davantage l'accent sur les connaissances en informatique et les applications pratiques des technologies de l'information dans l'économie canadienne.
  • Mettre en place une vision organisationnelle claire et s'engager à fournir des emplois pertinents et significatifs, une formation axée sur les compétences et des expériences de travail pour les délinquants sous responsabilité fédérale.

16. Je recommande au SCC de ré-outiller son programme d'emploi et d'employabilité CORCAN pour mettre l'accent sur le renforcement de la capacité dans le domaine de la formation professionnelle dans les secteurs en demande, notamment en accroissant de façon importante l'accès aux métiers et aux postes d'apprenti désignés Sceau rouge, ainsi que les ventes, le marketing et les technologies de l'information. 

Surveillance électronique

En mai 2015, en commençant par la région de l'Ontario, le SCC mènera un projet pilote à l'échelle du pays sur son programme de surveillance électronique. Le Bureau éprouve de sérieux doutes quant au cadre de gouvernance proposé pour cette initiative, et il les a communiqués au Service :

  1. L'évaluation du projet pilote initial sur la surveillance électronique n'a pas permis de tirer des conclusions au sujet des répercussions du programme sur le récidivisme ou la rentabilité.
  2. En raison de la violation des libertés résiduelles qu'entraîne la surveillance électronique, les garanties procédurales et les considérations relatives à l'application régulière de la loi doivent être renforcées, surtout en ce qui a trait au respect des répercussions, pour un délinquant, du refus de porter ou d'enlever le dispositif de surveillance.
  3. Il faut préciser la façon dont la surveillance électronique sera utilisée, qui elle ciblera, dans quel but et pendant combien de temps. En d'autres mots, la portée du projet pilote doit être étroite plutôt que large.
  4. Absence de rôles et de responsabilités clairs en matière de prise de décisions entre l'autorité de mise en liberté (la Commission des libérations conditionnelles du Canada) et l'autorité de supervision (le SCC ).

Ce dernier point est crucial en ce qui concerne le bon fonctionnement du cadre de surveillance électronique, puisque la décision d'imposer une condition liée à des restrictions géographiques lors de la mise en liberté d'un délinquant revient à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Il est important que le SCC , à titre d'autorité de supervision, reçoive et suive des directives de la Commission sur la façon dont la condition de mise en liberté sera surveillée. Même si le SCC est habilité à prendre des décisions lorsqu'il s'agit d'imposer la surveillance électronique, ces décisions doivent tout de même être conformes aux normes juridiques et constitutionnelles, c'est-à-dire qu'il doit s'agir d'une mesure proportionnelle et nécessaire qui ne mène pas à une violation arbitraire et déraisonnable des droits et libertés que les détenus peuvent toujours exercer.

Il va sans dire que le Bureau surveillera de près la façon dont ces préoccupations relatives aux activités, à la gouvernance, à l'efficacité et aux coûts seront prises en compte lors de la mise en œuvre du projet pilote national.

Femmes purgeant une peine de ressort fédéral


De 2005 à 2015, le nombre de délinquantes sous responsabilité fédérale a augmenté de plus de 
50 %. Ce taux de croissance est nettement supérieur à celui de la population carcérale masculine, qui a augmenté de moins de 10 % au cours de la même période. Les femmes purgeant une peine de ressort fédéral représentent maintenant 4,6 % de la population carcérale totale sous responsabilité fédérale (elles représentaient 2,9 % de cette population en 2004-2005).

Pleins feux 

Profil des délinquantes sous responsabilité fédérale

  • 16 % des détenues sont âgées de 50 ans ou plus.
  • Plus de 70 % ont des enfants de moins de 18 ans.
  • 68 % des femmes déclarent qu'elles ont été victimes d'abus sexuel et 86 %, de violence physique.
  • La plupart des délinquantes sous responsabilité fédérale sont classées à sécurité moyenne (55 %), 
    33 % sont classées à sécurité minimale et 12 %, à sécurité maximale.
  • Plus de la moitié (52,3 %) purgent des peines de 2 à 4 ans.
  • Comparativement aux délinquants, les délinquantes :
    • sont deux fois plus susceptibles d'avoir un diagnostic de trouble mental grave;
    • sont deux fois plus susceptibles de purger une peine à la suite d'une infraction liée à la drogue;
    • sont plus susceptibles de purger une peine plus courte;
    • sont plus susceptibles d'avoir des personnes à charge à l'extérieur;
    • sont plus motivées à faire l'objet d'interventions correctionnelles et ont un plus grand potentiel de réinsertion.
Distribution régionale
  • Au cours des dix dernières années, la région des Prairies a connu la plus grande croissance du nombre de femmes purgeant une peine de ressort fédéral. 34 % de toutes les femmes sont incarcérées dans la région des Prairies, 27 % le sont en Ontario, 15 %, au Québec, et 12 % (chaque), dans les régions du Pacifique et de l'Atlantique.
  • 59 % de toutes les détenues d'origine autochtone sont incarcérées dans les Prairies.
  • Presque 1 femme sur 4 vient d'une province ou d'un territoire qui ne compte pas de centre régional ou de pavillon de ressourcement. 66 % de ces femmes sont d'origine autochtone.


 

À mesure que le nombre de délinquantes incarcérées a augmenté, il y a eu une érosion de certains des principes clés des services correctionnels aux délinquantes articulés dans La création de choix 42 . Les problèmes à régler dans les cinq établissements régionaux pour femmes ressemblent de plus en plus à ceux que l'on constate dans les établissements pour hommes. Par exemple, au cours des cinq dernières années :

  • Le taux de double occupation (le fait de placer deux détenues dans une cellule conçue pour une personne) est passé de 0 % à 10,7 %.
  • Le nombre d'admissions en isolement a augmenté de 15,8 % (461 admissions en 2014-2015).
  • Le nombre d'incidents impliquant un recours à la force a augmenté de 53,5 % (218 incidents 
    l'an dernier).
  • Les voies de fait et les combats ont augmenté de 10,9 % (183 incidents l'an dernier).
  • Le nombre d'incidents d'automutilation a augmenté de 4,6 % (251 incidents impliquant 71 femmes l'an dernier) 43 .

Sur une note plus positive, au cours de la dernière année, le SCC a ouvert une unité à sécurité minimale dans quatre des cinq établissements régionaux pour femmes. Ces unités sont installées dans les complexes à niveaux de sécurité multiples, mais elles sont situées à l'extérieur du périmètre. Cette initiative, que le Bureau réclamait depuis longtemps, représente une excellente occasion d'améliorer la préparation des délinquantes purgeant une peine de ressort fédéral à la mise en liberté dans la collectivité et permet de lancer de nouveau, ou de renforcer, les programmes axés sur les femmes, comme le Programme mère-enfant, qui avaient progressivement disparu en raison des problèmes opérationnels, de population et de sécurité.

17. Je recommande au SCC de tirer pleinement profit de la capacité accrue dans les unités à sécurité minimale pour maximiser la participation à la composante résidentielle du Programme mère-enfant dans les centres régionaux pour femmes. 

Femmes autochtones.

Femmes autochtones

En tant que groupe, les femmes autochtones représentent maintenant la population carcérale affichant la croissance la plus rapide parmi les délinquants sous responsabilité fédérale. Le nombre de délinquantes autochtones incarcérées a presque doublé au cours des dix dernières années. Elles représentent maintenant 35,5 % des détenues sous responsabilité fédérale 44 . Comparativement aux détenues non autochtones, les délinquantes autochtones :

  • sont plus jeunes (moyenne d'âge de 33 ans, comparativement à une moyenne d'âge de 38 ans pour les femmes non autochtones);
  • sont moins susceptibles d'être mariées ou dans une relation de conjoint de fait;
  • sont plus susceptibles d'être classées au niveau de sécurité maximale;
  • sont plus susceptibles de purger une peine en raison d'une infraction liée à la drogue;
  • sont plus susceptibles d'être classées comme ayant un faible potentiel de réinsertion;
  • sont plus susceptibles d'être considérées comme ayant des besoins élevés et présentant un risque élevé.

Les délinquantes d'origine autochtone font face à des défis disproportionnés pendant leur incarcération, ce qui peut avoir des répercussions sur la réussite de leur réintégration dans la collectivité. Au cours des dix dernières années, le nombre de voies de fait contre des détenues impliquant des femmes autochtones a presque doublé, et le nombre d'incidents impliquant le recours à la force a plus que triplé. Le taux d'automutilation impliquant des femmes autochtones est 17 fois plus élevé que le taux de ce type d'incident impliquant des femmes non autochtones. En 2013-2014, presque la moitié des admissions en isolement impliquaient des délinquantes autochtones.

Ces tendances sont alarmantes. Il est essentiel de mettre davantage l'accent sur les interventions et les programmes adaptés à la culture si l'on souhaite aider les femmes autochtones à se réinsérer dans la collectivité.

Examen indépendant de voies de fait survenues dans les unités de garde en milieu fermé

Le 28 avril 2015, j'ai reçu la version finale de la réponse et du plan d'action du Service en ce qui a trait aux recommandations présentées dans l' Examen indépendant de voies de fait survenues dans les unités de garde en milieu fermé (2011-2012), une initiative menée à la suite d'une recommandation faite dans mon rapport annuel de 2011-2012. Après une attente de trois ans, la réponse est particulièrement décevante, puisqu'elle manque de profondeur et de substance. Le Service s'engage à mettre à jour certaines politiques et à améliorer la formation dans certains domaines, mais il ne va pas jusqu'à accepter d'évaluer certains domaines clés qui, selon l' Examen indépendant , présentent des lacunes. Par exemple, le Service reconnaît qu'il existe des lacunes dans la sécurité active (interaction régulière et constante entre un agent de correction et une délinquante) dans les établissements pour femmes, mais il ne s'engage qu'à mener des consultations locales à ce sujet.

Lors de visites effectuées dans les établissements pour femmes pendant la période visée par le rapport, des représentants du Bureau ont soulevé des préoccupations au sujet de la sécurité active auprès des directeurs, dont :

  • le langage utilisé par les agents lors de leurs interactions avec les délinquantes;
  • le nombre élevé d'agents qui gèrent les unités de garde en milieu fermé à sécurité maximale, comparativement au nombre d'agentes;
  • les interactions utiles avec les femmes qui ont des problèmes de santé mentale;
  • les échanges minimes entre le personnel et les femmes pendant les dénombrements.

Je m'inquiète aussi du fait que le Service a indiqué dans sa réponse qu'un éventail d'activités étaient disponibles pour les femmes dans les unités de garde en milieu fermé, mais qu'il n'existait aucun engagement au sujet de la mise en œuvre de ces activités. Il y a une différence entre la présentation d'un « menu » de services disponibles et le fait de les offrir. Des enjeux importants au sein des unités de garde en milieu fermé sont liés à la population croissante et à l'infrastructure physique limitée. Plus de femmes sont placées en double occupation, et le temps consacré aux programmes est de plus en plus limité. On ignore de quelle façon les changements que le SCC a présentés dans sa réponse auront une incidence sur le nombre croissant de voies de fait commises dans les unités de garde en milieu fermé à sécurité maximale dans les établissements régionaux.

Dans sa lettre d'accompagnement adressée au Bureau, le Service indique que ce dossier est maintenant fermé. Je remarque qu'on n'a toujours pas suivi ma recommandation, faite dans mon rapport annuel de 2013-2014, de mener un examen des évaluations et des tâches en vue de la double occupation des cellules dans les unités de garde en milieu fermé. Dans sa réponse à cette recommandation, le SCC a accepté de mener un examen, au plus tard en mars 2015, dans le cadre de sa mise à jour du plan de logement à long terme. Le Service n'a toujours pas respecté cet engagement.

Soins de santé axés sur les femmes

Au cours des dernières années, comme la plupart des autres ministères et organismes fédéraux, le SCC a plusieurs fois réduit ses ressources (financières et humaines), comme l'exigeait le Plan d'action de réduction du déficit du gouvernement fédéral du Canada, en plus d'adopter d'autres mesures budgétaires et de limitation des coûts. Cela a mené à des pressions financières dans l'ensemble du Service. Il est important de veiller à ce que les ressources soient utilisées de la façon la plus efficace et efficiente possible, mais je suis de plus en plus inquiet du fait que ces mesures ont des répercussions directes et disproportionnées sur le bien-être des délinquantes.

Au cours de la période visée par le rapport, deux cas ont retenu l'attention du Bureau et ont mené son personnel à remettre en question les répercussions des contraintes financières sur les budgets en matière de soins de santé. Le premier cas était celui d'une femme atteinte de problèmes de santé mentale, dont des antécédents documentés d'automutilation et de comportement suicidaire qui avaient nécessité de nombreuses hospitalisations. La délinquante a retenu l'attention du Bureau pendant une visite dans un établissement, quand on a remarqué qu'elle hallucinait. Le personnel de cet établissement gérait cette délinquante en la plaçant continuellement dans une cellule à sécurité maximale ou d'observation.

Comme sa santé mentale se détériorait, plusieurs employés du SCC qui s'occupaient de son dossier ont demandé qu'une évaluation psychologique soit menée. Ces demandes ont été refusées en raison d'un manque de financement. Le personnel de l'établissement a tenté de gérer le cas avec les ressources limitées dont il disposait, mais leur intervention n'était pas appropriée du point de vue des soins de santé. Le Service a ultérieurement transféré la détenue, en vertu de la Loi sur la santé mentale , dans un établissement externe de soins de santé mentale, où elle a reçu un diagnostic de schizophrénie.

Le second cas était celui d'une délinquante à besoins élevés qui avait un comportement d'automutilation chronique. Au cours d'une période de huit mois, cette délinquante a été impliquée dans dix incidents documentés d'automutilation, pendant lesquelles, par exemple, elle se frappait la tête, s'infligeait des coupures aux bras et aux poignets et s'asphyxiait. Il fallait souvent utiliser des moyens de contention. À plusieurs reprises, souvent après qu'elle se soit automutilée à l'aide d'une ligature, elle a été transférée dans un centre de traitement régional qui ne traitait que des hommes afin qu'elle puisse y être surveillée, puisqu'il était impossible de lui prodiguer des soins de santé 24 heures sur 24 à son établissement d'origine. Il est inacceptable de placer une femme qui a été victime d'abus sexuel dans un établissement qui n'accueille que des hommes. Cela contrevient aux normes internationales et ne respecte pas les politiques du SCC . Des fonds additionnels ont été demandés à l'administration régionale du SCC afin de pouvoir fournir des soins de santé 24 heures sur 24, mais cette demande a été rejetée.

Le SCC a mis sur pied un Comité national de haut niveau sur les cas complexes de santé mentale, composé d'employés de plusieurs secteurs de l'Administration centrale nationale. Les membres du Comité se réunissent régulièrement et collaborent avec leurs homologues régionaux pour repérer et superviser les cas complexes de santé mentale, en mettant l'accent sur les délinquants qui ont un comportement d'automutilation chronique. Un financement national est disponible pour mener, au besoin, des évaluations psychologiques externes spécialisées, avec l'approbation du Comité national sur les cas complexes de santé mentale. Comme le démontrent ces deux cas, il semble être difficile d'avoir accès à ce financement central.

18. Je recommande que le Comité national sur les cas complexes de santé mentale supervise le traitement et les plans d'intervention des délinquants qui ont un comportement d'automutilation chronique et qu'il veille à ce que des évaluations psychologiques externes soient menées dans ces cas. 

Aperçu pour 2015-2016

À titre d'ombudsman auprès des délinquants sous responsabilité fédérale, le Bureau de l'enquêteur correctionnel est au service des Canadiens et contribue à ce que les services correctionnels soient sécuritaires, humains et respectueux de la loi en assurant une surveillance indépendante du Service correctionnel du Canada, notamment en effectuant en temps opportun un examen impartial et accessible des préoccupations individuelles et généralisées 45 .

La visibilité du bureau auprès du public est peut-être meilleure que jamais, en partie en raison de ses rapports axés sur six domaines qui soulèvent des préoccupations constantes au sein de la population au sujet des services correctionnels fédéraux :

  1. Accès aux services en matière de santé mentale
  2. Prévention des décès en établissement
  3. Conditions de détention
  4. Autochtones au sein du régime correctionnel fédéral
  5. Réinsertion sociale dans des conditions sûres et en temps opportun
  6. Délinquantes sous responsabilité fédérale

L'exercice 2015-2016 promet d'être un exercice de transition pour le Bureau de l'enquêteur correctionnel. De nouveaux dirigeants seront nommés, et le Bureau mènera un exercice de planification stratégique pour renouveler ses priorités organisationnelles, en plus d'établir une orientation pour les plans d'enquêtes pour les cinq prochaines années. Je suis impatient d'informer le ministre au sujet des enjeux qui continuent de soulever des préoccupations ainsi que de la planification de la transition. Je suis convaincu que l'accent que met le Bureau sur la conformité, la légalité et l'équité servira bien le nouvel enquêteur correctionnel.

J'ai toutes les raisons de m'attendre à ce que le renouvellement de l'orientation organisationnelle et de la direction du Bureau soit mené dans le respect de principes qui ont guidé ce dernier dans la prestation, en temps opportun, de services accessibles et impartiaux à titre d'ombudsman au cours de la dernière décennie :

  • Indépendance
  • Impartialité
  • Accessibilité
  • Équité
  • Confidentialité
  • Respect
  • Intégrité
  • Professionnalisme

Les délinquants et leurs familles, et tous les Canadiens, ne méritent rien de moins.

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel 2014.

De gauche à droite : M. Ed McIsaac, Mme Beth Parkinson (centre) et M. Howard Sapers. 

Le Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel a été créé en décembre 2008, en l'honneur de M. Ed McIsaac, qui a été longtemps le directeur exécutif du Bureau de l'enquêteur correctionnel ainsi qu'un fervent défenseur des droits de la personne au sein du système correctionnel. Il vise à souligner les services insignes et l'engagement à améliorer les services correctionnels au Canada et à protéger les droits des détenus.

Beth Parkinson, ancienne avocate pour le Prisoners' Legal Services of British Columbia , était la récipiendaire du Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel de 2014.

ANNEXE A : 
Sommaire des recommandations

  1. Je recommande que le SCC prépare une analyse de rentabilisation pour tenter d'obtenir du financement additionnel pendant l'actuel exercice afin d'élargir l'accès des délinquants aux nouvelles thérapies de traitement du virus de l'hépatite C. Cette initiative devrait être présentée sous la forme d'un investissement dans la santé et la sécurité publique. 
  2. Je recommande que les efforts déployés par le SCC afin d'établir des estimations de la prévalence des problèmes chroniques de santé mentale et physique soient complétés d'une analyse complète des renseignements annuels sur les tendances et les causes suivies et signalées de mortalité naturelle dans la population carcérale fédérale. 
  3. Je recommande que le SCC demande à son Comité consultatif des soins de santé d'élaborer un modèle de soins visant les maladies chroniques ou à long terme qui pourra répondre aux besoins du nombre accru de personnes âgées derrière les barreaux. Le modèle devrait être présenté de façon à pouvoir être pris en compte dans le budget opérationnel de 2016-2017du SCC
  4. Je recommande que le SCC élabore sans délai un plan d'action présentant en détail les mesures à prendre pour résoudre les questions préoccupantes soulevées dans le rapport d'agrément Canada en septembre 2014. Ce plan devrait être présenté à la prochaine réunion du Comité consultatif des soins de santé. 
  5. Je recommande que le SCC forme un comité consultatif permanent d'experts sur l' ETCAF pour établir le taux de prévalence, donner des conseils sur des modèles de dépistage, d'évaluation, de traitement et de programmes à l'intention des délinquants atteints de l' ETCAF . Le comité doit recommander, au cours du prochain exercice, une stratégie relative à l' ETCAF à l'intention du comité de direction du SCC
  6. Je recommande que la commission du ministère de la Sécurité publique, en partenariat avec Santé Canada, procède à une validation indépendante du modèle « optimal » pour les soins de santé mentale du SCC et qu'elle rende compte de constatations au ministre de la Sécurité publique. 
  7. Je recommande que le SCC examine les recherches et les pratiques exemplaires à l'échelon international afin de déterminer les traitements et les services appropriés axés sur les traumatismes pour les délinquants ayant des comportements d'automutilation chroniques et d'élaborer une stratégie d'intervention complète en fonction de cet examen. 
  8. Je recommande que le ministre de la Sécurité publique demande au Comité permanent de la sécurité publique et nationale ( SECU ) du Parlement de mener une étude et des audiences publiques concernant les options stratégiques de gestion des soins, de l'incarcération et de la libération sécuritaire des détenus de 65 ans ou plus qui ne présentent plus un risque corroboré pour la sécurité publique. 
  9. Je recommande que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en vue de limiter grandement le recours à l'isolement préventif, d'interdire son utilisation chez les détenus souffrant de troubles mentaux et chez les jeunes délinquants (jusqu'à 21 ans), d'imposer un plafond d'au plus 30 jours consécutifs, et de mettre en place une surveillance judiciaire ou un arbitrage indépendant pour tout isolement subséquent dépassant le placement initial de 30 jours. 
  10. Je recommande que Sécurité publique Canada procède à une vérification du respect par le SCC de son obligation législative d'offrir une procédure de règlement juste et expéditif des plaintes et des griefs à laquelle les délinquants ont libre accès. 
  11. Je recommande que le SCC réaffecte des ressources à l'initiative de règlement extrajudiciaire des différends, afin de s'assurer que le programme soit financé et offert dans tous les pénitenciers fédéraux. 
  12. Je recommande que, en 2015-2016, le SCC procède à une vérification externe de ses services de préparation des repas, en mettant particulièrement l'accent sur les pratiques de manipulation sécuritaire des aliments, la distribution équitable des repas et la concordance entre les normes définies dans le menu national et la valeur nutritionnelle des repas fournis aux détenus. 
  13. Je recommande que le Bureau du vérificateur général du Canada envisage de procéder à une vérification de la conformité au processus d'examen du recours à la force du SCC
  14. Je recommande que les patrouilles avec bouclier soient abandonnées ou qu'elles soient sinon considérées comme un recours à la force et donc assujetties aux politiques concernant les recours à la force et aux exigences en matière de déclaration. 
  15. Je recommande que le SCC publie son étude sur l'incidence des antécédents sociaux des Autochtones (facteurs liés aux principes de l'arrêt Gladue) sur la gestion des cas et son influence sur les résultats des décisions en matière correctionnelle sur les délinquants autochtones. Cette étude devrait être accompagnée d'un plan d'action de la gestion. 
  16. Je recommande au SCC de ré-outiller son programme d'emploi et d'employabilité CORCAN pour mettre l'accent sur le renforcement de la capacité dans le domaine de la formation professionnelle dans les secteurs en demande, notamment en accroissant de façon importante l'accès aux métiers et aux postes d'apprenti désignés Sceau rouge, ainsi que les ventes, le marketing et les technologies de l'information. 
  17. Je recommande au SCC de tirer pleinement profit de la capacité accrue dans les unités à sécurité minimale pour maximiser la participation à la composante résidentielle du Programme mère-enfant dans les centres régionaux pour femmes. 
  18. Je recommande que le Comité national sur les cas complexes de santé mentale supervise le traitement et les plans d'intervention des délinquants qui ont un comportement d'automutilation chronique et qu'il veille à ce que des évaluations psychologiques externes soient menées dans ces cas. 

ANNEXE B : 
Statistiques annuelles

Tableau A : Plaintes par catégorie

Mesure interne (2), Enquête (3)

Catégorie

M/I(2)

Enq. (3)

Total

Isolement préventif 

   

Conditions

44

61

105

Placement/Examen

86

184

270

Total 

130 

245 

375 

Préparation de cas 

   

Libération conditionnelle

37

36

73

Après la suspension

10

15

25

Permission de sortir

6

3

9

Transfèrement

6

21

27

Total 

59 

75 

134 

Effets gardés en cellule 

185 

171 

356 

Placement en cellule 

18 

42 

60 

Demande 

   

Décisions

13

12

25

Traitement

29

21

50

Total 

42 

33 

75 

Programmes et supervision communautaires 

19 

25 

Libération conditionnelle 

14 

20 

Conditions de détention 

   

Contrat de comportement

0

2

2

Services d'alimentation

3

4

7

Confinement aux cellules

27

21

48

Other

195

224

419

Temps de loisirs

10

13

23

Usage du tabac

0

1

1

Unités spéciales

2

14

16

Total 

237 

279 

516 

Condamnation/peine-infraction actuelle 

Correspondance 

75 

69 

144 

Décès ou blessure grave 

13 

Décisions (en général) – Mise en application 

48 

54 

102 

Régimes alimentaires 

   

Pour raisons médicales

12

14

26

Pour motifs religieux

9

8

17

Total 

21 

22 

43 

Discipline 

   

Décisions du président indépendant

2

4

6

Décisions des tribunaux pour infractions mineures

1

13

14

Procédures

16

17

33

Total 

19 

34 

53 

Discrimination 

14 

20 

Double occupation des cellules 

10 

11 

21 

Emploi 

34 

32 

66 

Questions financières 

   

Accès

41

41

82

Rémunération

37

53

90

Total 

78 

94 

172 

Services alimentaires 

26 

40 

60 

Grief 

   

Examen au 3 e niveau

29

16

45

Décision

25

18

43

Procédure

47

54

101

Total 

101 

88 

189 

Harcèlement 

33 

41 

74 

Santé et sécurité – Lieux de travail/programmes des détenus 

Soins de santé 

   

Accès

111

235

346

Décisions

47

101

148

Médicament

85

124

209

Total 

243 

460 

703 

Soins de santé – Soins dentaires 

16 

44 

60 

Grève de la faim 

13 

15 

Immigration et expulsion 

Information 

   

Accès/Divulgation

56

41

97

Correction

38

40

78

Total 

94 

81 

175 

Requête du détenu 

21 

29 

Détecteur ionique 

Avocat – Qualité 

29 

29 

58 

Santé mentale 

   

Accès/Programmes

9

24

33

Qualité

0

8

8

Automutilation

3

30

33

Total 

12 

62 

74 

Méthadone 

11 

15 

26 

BEC 

Langues officielles 

Opérations/Décisions du BEC 

11 

14 

Tribunal de l'extérieur 

14 

Décisions – Libérations conditionnelles 

   

Conditions

25

37

62

Semi-liberté

10

21

31

Détention

7

11

18

Libération conditionnelle totale

9

10

19

Révocation

44

51

95

Total 

95 

130 

225 

Décisions des services de police ou mauvaise conduite 

Visites familiales privées 

33 

83 

116 

Programme/Services 

   

Femmes

3

1

4

Autochtones

3

13

16

Accès

19

20

39

Décisions

17

20

37

Autre

9

12

21

Total 

51 

66 

117 

Questions de compétence provinciale 

Processus de mise en liberté 

30 

48 

78 

Motifs religieux/spirituels 

21 

21 

42 

Sécurité 

   

Incompatibilités

20

41

61

Lieu de travail

0

4

4

Total 

20 

45 

65 

Sécurité des délinquants 

27 

50 

77 

Fouille et saisie 

23 

26 

49 

Classification de sécurité 

52 

87 

139 

Administration de la peine 

14 

14 

28 

Effectif 

195 

217 

412 

Téléphone 

138 

130 

268 

Permission de sortir 

   

Avec escorte

9

31

40

Sans escorte

5

9

14

Total 

14 

40 

54 

Décision – Permission de sortir 

13 

29 

42 

Transfèrement 

   

Mise en œuvre

25

53

78

Non sollicité

66

131

197

Placement pénitentiaire

14

25

39

Articles 81/84

1

0

1

Sollicité

71

73

144

Total 

177 

282 

459 

Analyses d'urine 

11 

20 

31 

Recours à la force 

17 

28 

45 

Visites 

45 

74 

119 

Plainte n'appartenant à aucune catégorieb( *

  

169 

Grand Total 

  

6252 

[*] Comprend les sujets de plaintes qui ne sont pas représentés par les catégories de plaintes ci-dessus et les plaintes qui concernent plusieurs catégories à la fois. 

Tableau B : Plaintes réparties selon l'établissement ou la région ( * )

Mesure interne (2), Enquête (3) 

Région/Établissement

Nombre de plaintes

Nombre d'entrevues

Nombre de 
jours passés 
dans l'établissement

FPPF 

   

Établissement d'Edmonton pour femmes

126

36

6

Vallée du Fraser

64

10

4

Établissement Grand Valley

218

57

8

Établissement Joliette

98

30

8

Établissement Nova

37

8

2

Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci

13

4

1

Maison de ressourcement Buffalo Sage

0

2

0,5

Total 

556 

147 

29,5 

Atlantique 

   

Atlantique

255

55

9

Pénitencier de Dorchester 
(Pénitencier de Dorchester / 
Établissement Westmorland)

438

129

9

Centre de rétablissement Shepody

17

4

1

Établissement de Springhill

146

52

7

Total 

856 

240 

26 

Ontario 

   

Établissement de Bath

89

22

13

Établissement de Collins Bay 
(Établissement de Collins Bay / 
Établissement Frontenac)

107

42

12

Établissement Fenbrook 
(Établissement Fenbrook/ 
Établissement de Beaver Creek)

204

77

10

Établissement de Joyceville 
(Établissement de Joyceville / 
Établissement Pittsburg)

283

99

14

Établissement de Millhaven

267

66

13

CRT Ontario

18

9

3

Établissement de Warkworth

207

79

14

Total 

1 175 

394 

79 

Pacifique 

   

Établissement de Kent

187

104

14

Village de guérison Kwìkwèxwelhp

1

2

1

Établissement de Matsqui

78

40

7

Établissement de Mission (Établissement de Mission / 
Établissement Ferndale)

152

55

8

Établissement Mountain

221

134

13

CRT Pacifique

96

35

9

Établissement William Head

22

13

1,5

Total 

757 

383 

53,5 

Prairies 

   

Établissement de Bowden

192

45

7

Établissement de Drumheller

111

43

9

Établissement d'Edmonton

138

31

10

Établissement Grande Cache

118

31

10

Établissement Grierson

4

3

1

Centre Pê Sâkâstêw

25

3

1

CPR Prairies

161

43

9

Pénitencier de la Saskatchewan 
(Pénitencier de la Saskatchewan / 
Établissement Riverbend)

260

67

11.5

Centre Stan Daniels

6

0

1

Établissement de Stony Mountain 
(Établissement de Stony Mountain / 
Établissement de Rockwood)

172

49

12

Pavillon de ressourcement Willow Cree

3

14

1

Total 

1190 

344 

71,5 

Québec 

   

Établissement Archambault 
(Établissement Archambault / 
Établissement de Sainte-Anne-des-Plaines)

205

85

17,5

Établissement de Cowansville

94

38

10

Établissement de Donnacona

212

84

14

Établissement Drummond

90

29

9

Centre fédéral de formation 
(Centre fédéral de formation / 
Établissement Montée Saint-François)

282

102

15

Établissement de La Macaza

132

64

6

Établissement de Port-Cartier

203

114

20

Centre régional de réception – Québec

142

38

8

Unité spéciale de détention

54

23

8

Pavillon de ressourcement Waseskun

5

5

2

Total 

1 419 

582 

109,5 

CCC/CRC/libérés conditionnels dans 
la collectivité 

281 

20 

12 

Détenus sous responsabilité fédérale dans des établissements provinciaux 

Plainte n'appartenant à aucune catégorie 

10 

Grand Total 

6 252 

2 110 

381,0 

[*] Depuis le 1 er avril 2014, le SCC a fusionné 22 établissements dans des établissements colocalisés pour former 11 « établissements regroupés ». Puisque que c'est la première année que les données du BEC reflètent ces changements, les noms des établissements avant la fusion sont indiqués, entre parenthèses, après le nom officiel de l'établissement regroupé. 

Tableau C : Plaintes et population carcérale selon la région

Région

Nombre total de plaintes

Population carcérale ( * )

Atlantique 

856 

1 459 

Québec 

1 19 

3 581 

Ontario 

1 175 

3 470 

Prairies 

1 190 

3 787 

Pacifique 

757 

2 102 

Établissements pour femmes 

556 

692 

CCC/CRC/Libérés conditionnels dans la collectivité/Établissements provinciaux 

289 

S.O. 

Plainte n'appartenant à aucune catégorie 

10 

S.O. 

Grand Total 

6 252 

15 091 

[*] Population carcérale répartie selon la région : au 31 mars 2015, d'après le Système intégré de rapports du Service correctionnel du Canada.

Tableau D : Traitement des plaintes selon le type de mesure

Mesure

Traitement

Nombre de plaintes

Réponse interne 

  
 

Plainte n'appartenant à aucune catégorie

58

 

Conseils/renseignements fournis

1 632

 

Aide fournie par l'établissement

168

 

En attente

5

 

Recommandation

3

 

Renvoi au processus de règlement des griefs

252

 

Renvoi au personnel de l'établissement

295

 

Renvoi au directeur de l'établissement

25

 

Plaintes non fondées rejetées

107

 

Plaintes globales/multiples

25

 

Plaintes retirées

71

 

Total 

2 641 

Enquête préliminaire 

  
 

Plainte n'appartenant à aucune catégorie

58

 

Conseils/renseignements fournis

825

 

Aide fournie par l'établissement

1 234

 

En attente

10

 

Recommandation

26

 

Renvoi au processus de règlement des griefs

181

 

Renvoi au personnel de l'établissement

432

 

Renvoi au directeur de l'établissement

91

 

Plaintes non fondées rejetées

151

 

Plaintes globales/multiples

45

 

Plaintes retirées

43

 

Total 

3 096 

Enquêtes 

  
 

Plainte n'appartenant à aucune catégorie

56

 

nseils/renseignements fournis

150

 

Aide fournie par l'établissement

126

 

En attente

2

 

Recommandation

25

 

Renvoi au processus de règlement des griefs

26

 

Renvoi au personnel de l'établissement

22

 

Renvoi au directeur de l'établissement

15

 

Plaintes non fondées rejetées

47

 

Plaintes globales/multiples

29

 

Plaintes retirées

17

 

Total 

515 

 

Grand Total 

6 252 

Tableau E : Sujets de préoccupation le plus souvent signalés par les délinquants

Population carcérale totale 

Catégorie

#

%

Soins de santé 

703 

11,24 % 

Conditions de détention 

516 

8,25 % 

Transfèrement 

459 

7,34 % 

Effectif 

412 

6,59 % 

Administrative Segregation 

375 

6,00 % 

Effets gardés en cellule 

356 

5,69 % 

Téléphone 

268 

4,29 % 

Décisions – Libérations conditionnelles 

225 

3,60 % 

Griefs 

189 

3,02 % 

Information 

175 

2,80 % 

Délinquants autochtones 

Catégorie

#

%

Conditions de détention 

84 

11,41 % 

xxSoins de santé 

74 

10,05 % 

Transfèrements 

62 

8,42 

Effectif 

56 

7,61 % 

Isolement préventif 

48 

6,52 % 

Effets gardés en cellule 

45 

6,11 % 

Téléphone 

30 

4,08 % 

Décisions – Libérations conditionnelles 

24 

3,26 % 

Correspondance 

23 

3,13 % 

Information 

23 

3,13 % 

Délinquantes 

Catégorie

#

%

Conditions de détention 

88 

14,26 % 

Soins de santé 

70 

11,35 % 

Effectif 

63 

10,21 % 

Isolement préventif 

39 

6,32 % 

Effets gardés en cellule 

35 

5,67 % 

Santé mentale 

33 

5,35 % 

Téléphone 

22 

3,57 % 

Placement en cellule 

18 

2,92 % 

Classification de sécurité 

18 

2,92 % 

Visites 

17 

2,76 % 

ANNEXE C : 
Autres statistiques


A. Examens prévus par la Loi menés en 2014-2015

Conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ( LSCMLC ) , le Bureau de l'enquêteur correctionnel examine toutes les enquêtes du SCC concernant des incidents relatifs à l'automutilation ou au décès de détenus.

Examens obligatoires par type d'incident

Voie de fait

54

Meurtre

0

Suicide

5

Tentative de suicide

18

Automutilation

13

Blessures (accident)

31

Interruption de surdose

30

Mort (cause naturelle)

7

Mort (cause non naturelle)

5

Autres ** 

4

Total 

167 

[*] Les décès survenus en raison de « causes naturelles » font l'objet d'une enquête menée en vertu d'un processus d'examen des décès distinct qui comprend un examen du dossier à l'Administration centrale.

[**] ** Enquêtes convoquées en vertu des articles 97 et 98 de LSCMLC , notamment en cas de troubles, de voies de fait, etc.

B. Examens des incidents de recours à la force menés par le BEC en 2014-2015

Conformément à la politique, le Service correctionnel est tenu de fournir au Bureau tous les documents pertinents relatifs aux incidents de recours à la force, notamment :

  • Rapport sur le recours à la force
  • Copie de toute vidéo concernant l'incident
  • Liste de contrôle des Services de santé pour l'examen d'un recours à la force
  • Liste de contrôle après l'incident
  • Rapport d'observation ou déclaration d'un agent
  • Plan d'action pour régler les problèmes soulevés

BEC – Statistiques sur le recours à la force au cours de l'exercice 2014-2015

Atlantique

Québec

Ontario

Prairies

Pacifique

Femmes purgeant une peine fédérale

Échelle nationale

Incidents signalés examinés par le BEC 

148

328

258

414

155

198

1 501

Recours à la force Mesures prises

Atlantique

Québec

Ontario

Prairies

Pacifique

Femmes purgeant une peine fédérale

Échelle nationale

Équipe d'intervention d'urgence

34

24

31

29

10

9

137

Intervention verbale

143

256

211

384

153

185

1 332

Contrôle physique

122

199

189

315

127

166

1 118

Matériel de contrainte

122

220

156

298

133

147

1 076

Utilisation du gaz poivré

74

224

128

213

110

83

832

Utilisation d'agents chimiques

1

14

5

1

1

0

22

Artifice de diversion

0

1

0

6

2

1

10

Bouclier

16

24

27

35

21

10

143

Bâton

4

11

18

9

3

0

45

Brandir/charger une arme à feu

0

0

5

9

4

0

18

Usage d'une arme à feu – Coup de semonce

0

0

1

3

2

0

6

Usage d'une arme à feu – Tir visé

0

0

0

0

0

0

0

Indicateurs de préoccupation

Atlantique

Québec

Ontario

Prairies

Pacifique

Femmes purgeant une peine fédérale

Échelle nationale

Autochtone

27

48

49

227

45

67

463

Femmes

0

1

0

66

1

183

251

Problèmes de santé mentale relevés ( SCC )

91

69

44

202

52

135

593

Blessures

Atlantique

Québec

Ontario

Prairies

Pacifique

Femmes purgeant une peine fédérale

Échelle nationale

Blessures infligées à un délinquant

18

47

25

40

16

14

160



 

C. Communications par la ligne sans frais en 2014-2015

Les délinquants et les membres du public peuvent communiquer avec le BEC en composant le numéro sans frais (1-877-885-8848) partout au Canada. Toutes les communications entre les délinquants et le BEC sont confidentielles.

Nombre de communications sans frais reçues au cours de la période visée par le rapport : 22 065.

Nombre de minutes d'enregistrement sur la ligne téléphonique sans frais : 111 686.

D. Enquêtes menées à l'échelon national en 2014-2015

  1. Décès en établissement (suicide) – Examen triennial sur les suicides de détenus sous responsabilité fédérale (2011-2014) – Publié le 10 septembre 2014
  2. Enquête sur le formulaire national des médicaments du SCC , février 2015
  3. Examen de la modernisation des services d'alimentation (« cuisson-refroidissement »)
  4. Examen de la surveillance électronique
  5. Examen des ateliers industriels dans les prisons (Corcan)
  6. Accès aux affectations dans les programmes dans un établissement à sécurité maximale
  7. Mise au point particulière sur l'isolement préventif
  8. Examen de la conformité à la DC-843 (Gestion des comportements d'automutilation et suicidaires chez 
    les détenus)



 


Date de modification 
2015-12-14 



 

 

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Rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel 2012-2013

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Le 28 juin 2013

L'honorable Vic Toews 
Ministre de la Sécurité publique 
Chambre des communes 
Ottawa, Ontario

Monsieur le Ministre,

J'ai le privilège et le devoir conformément aux dispositions de l'article 192 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de vous présenter le quarantième Rapport annuel de l'enquêteur correctionnel.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments distingués.

L'enquêteur correctionnel, 
Howard Sapers


« Il est dit qu’on ne connaît réellement une nation qu’en visitant ses prisons. On ne devrait pas juger une nation sur la façon dont elle traite ses citoyens les plus riches mais sur son attitude vis-à-vis de ses citoyens les plus pauvres. » - Nelson Mandela


Table des matières

Message de l’enquêteur correctionnel 

Message du directeur exécutif 

Attention particulière à la diversité en milieu correctionnel 

Étude de cas sur la diversité en milieu carcéral 

I. Accès aux soins de santé 

II. Décès en établissement 

III. Conditions de détention 

IV. Questions autochtones 

V. Accès aux programmes 

VI. Femmes purgeant une peine de ressort fédéral 

Transparence et responsabilisation dans les services correctionnels 

Vision de l’enquêteur correctionnel pour 2013-2014 

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel 

Annexe A : Sommaire des recommandations 

Annexe B : Statistiques annuelles 

Annexe C : Autres statistiques 


Message de l’enquêteur correctionnel


Le 1 er juin 1973, l’honorable Warren Allmand, alors solliciteur général du Canada, a annoncé la nomination du premier enquêteur correctionnel pour les détenus purgeant une peine de ressort fédéral. Le Bureau de l’enquêteur correctionnel ( BEC ) a été créé pour répondre au Rapport de la Commission d’enquête sur le soulèvement survenu au pénitencier de Kingston qui recommandait la création d’un organisme indépendant pour examiner les griefs légitimes des détenus et leur offrir un recours. Selon la Commission, les conditions de détention au pénitencier de Kingston en avril 1971 étaient « déprimantes et déshumanisantes ». Pendant quatre jours, les détenus avaient déclenché une émeute et s’étaient livrés à des actes de violence, entre autres la prise en otage de six membres du personnel, des actes de violence brutale, le meurtre de deux détenus et la destruction quasi totale d’une section de l’établissement. Aussi stupéfiants qu’aient été ces événements, l’émeute au pénitencier de Kingston n’était pas un incident isolé, mais comptait au nombre d’une série de perturbations de plus en plus violentes dans les établissements à la fin des années 1960 et au début des années 1970.

Plus important, la Commission d’enquête rapportait que « le recours à la violence était, dans l’esprit de nombreux détenus, nécessaire afin de redresser les torts de longue date et de sensibiliser le public aux abus dont ils étaient victimes. » Elle a conclu que le Service canadien des pénitenciers (c’était le nom du Service correctionnel du Canada à ce moment-là) ne possédait aucune procédure transparente et impartiale pour traiter les plaintes des détenus : il n’y avait aucun processus pour exprimer des griefs légitimes ni aucun recours pour examiner les mesures ou les décisions prises par les autorités des établissements, aucun mécanisme pour sensibiliser la population aux conditions de vie en prison, et au fait que les détenus étaient traités durement et de façon agressive ou dégradante. Malgré les 40 années qui se sont écoulées depuis les circonstances qui ont entraîné une des émeutes en prison les plus notoires de l’histoire des services correctionnels canadiens, l’évaluation des causes de cet incident par la Commission demeure remarquablement pertinente et judicieuse :

Nous avons déjà relevé un certain nombre de causes qui expliquent l’échec de Kingston : installations vétustes, surpopulation, pénurie de personnel professionnel, et programme en grande partie restreint, détention d’un certain nombre de personnes dont la détention à sécurité maximale ne se justifiait pas, stations trop longues dans les cellules, manque de moyens suffisants pour traiter les plaintes et manque de personnel qualifié; ce sont toutes ces causes qui ont provoqué la faillite des méthodes établies pour traiter les requêtes des détenus. […]. Ces faits ont été établis sans doute possible par les témoignages entendus par la Commission.

De l’avis de la Commission, la raison fondamentale de l’échec du système était que l’on n’accordait pas l’attention appropriée à l’objectif rééducateur (ou correctionnel) de comme l’indique clairement mon rapport, beaucoup des problèmes endémiques à la vie carcérale au début des années 1970 – surpopulation, stations trop longues dans les cellules, restriction de déplacement, d’association et de contacts avec le monde extérieur, le nombre restreint de programmes, la pénurie de formation professionnelle ou de travail valorisant en prison et la polarisation entre les détenus et le personnel de garde – font toujours partie des pratiques correctionnelles modernes.

Les pressions relatives à la gestion de la population à l’intérieur des pénitenciers fédéraux continuent de s’aggraver. Plus de 20 % des détenus partagent une cellule conçue au départ pour une seule personne. Plus la population des pénitenciers augmente, plus ces endroits deviennent dangereux et imprévisibles pour le personnel et les détenus. Les voies de fait contre des détenus entraînant des blessures et le taux d’incidents violents dans les établissements ont augmenté encore l’an dernier. Le nombre de plaintes et d’accusations d’infractions disciplinaires demeure élevé, tout comme le nombre de placements en isolement et d’incidents de recours à la force dans des cas où des troubles de santé mentale ont été cernés. Ce climat est particulièrement difficile pour un nombre de plus en plus élevé de détenus ayant des besoins complexes – les femmes purgeant une peine de ressort fédéral, les détenus ayant des problèmes de santé mentale, les détenus autochtones, d’une minorité visible ou âgés.

Reflétant ces réalités internes, le rythme auquel les détenus obtiennent une libération conditionnelle continue d’atteindre un creux historique. Les courbes de tendance sont claires – un pourcentage plus élevé de détenus se voit imposer des peines plus longues et une plus grande partie de leur peine derrière les barreaux dans des conditions de détention de plus en plus instables et dures. Étant donné que plus de détenus demeurent plus longtemps en détention, il est tout aussi urgent aujourd’hui de se pencher de nouveau sur les obligations du SCC en matière de réadaptation et de s’engager plus à fond dans la réinsertion sociale dans la collectivité que ce ne l’était il y a quarante ans.

Le 40 e anniversaire de la création du Bureau de l’enquêteur correctionnel nous rappelle que l’histoire des services correctionnels canadiens est marquée de crises et de réduction suivis de réformes et de progrès. Comme l’a conclu la Commission en 1971, le contexte opérationnel carcéral avait dissimulé l’injustice, l’iniquité et même la brutalité aux yeux de la population. Dans une société démocratique, l’intervention externe grâce à la surveillance d’un organisme externe, des tribunaux, des commissions d’enquête et du Parlement a été nécessaire pour établir un système correctionnel plus sécuritaire, humain et efficace. À titre d’ombudsman indépendant, nos efforts ciblés pour établir un processus décisionnel juste et raisonnable fondé sur les principes des droits de la personne permet de maintenir la responsabilisation comme principe prioritaire des services correctionnels.

Il y a d’excellentes raisons pour lesquelles la règle de droit s’applique aux délinquants jusqu’à l’intérieur des pénitenciers; elle ne disparaît pas une fois la porte d’entrée franchie. La Cour suprême du Canada a affirmé que même lorsqu’elle est privée de sa liberté, une personne détenue ne cesse pas d’être un citoyen canadien et bénéficie encore des droits et libertés assurés par la Charte. Selon la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ( LSCMLC ) « le délinquant continue à jouir des droits reconnus à tout citoyen, sauf de ceux dont la suppression ou la restriction légitime est une conséquence nécessaire de la peine qui lui est infligée. » La détention ne signifie pas la déchéance totale et la suppression absolue des droits. Selon la loi, les détenus doivent être traités avec dignité et respect, ils ont droit à la sécurité, ils ne doivent pas être victimes de discrimination à cause de leur origine ou de leur religion et sont protégés de tout traitement ou peine dégradant, cruel et inhumain.

La conformité à la loi, bien qu’elle soit importante, n’est pas le seul critère pour évaluer le comportement du SCC . Le personnel du Ministère prend chaque année des milliers de décisions discrétionnaires. Un bon processus décisionnel va plus loin que la conformité à la loi. Se conformer à la loi, constitue la base et non l’objectif lorsqu’on veut établir la norme en matière d’équité dans les mesures administratives. Il faut faire plus que le minimum pour établir de bonnes pratiques et des pratiques exemplaires.

Les Canadiens s’attendent à ce que le SCC respecte et applique les principes et les valeurs d’une société libre et démocratique − la transparence, la responsabilisation, l’égalité, le respect des droits de la personne et l’équité. Ce n’est pas pour rien que je continue de demander au SCC de répondre publiquement (donc de façon ouverte et transparente) à mes préoccupations et à mes recommandations. Cela signifie plus que simplement satisfaire aux exigences de reddition de compte du gouvernement; il faut être proactif et voir à ce que des renseignements de qualité sont disponibles et que les motifs des décisions soient clairs et complets. Ce qui se passe derrière les murs d’une prison reflète la santé et la vitalité de la société canadienne. Je suis d’avis que les points soulevés dans mes rapports annuels, soit le recours à la force, le traitement des détenus atteints d’une maladie mentale, les décès pendant la détention, la surpopulation et la violence dans les établissements carcéraux et l’accès aux programmes de réadaptation − constituent d’importants sujets d’intérêt et de préoccupation du public. La plupart des délinquants retourneront un jour dans leur collectivité lorsqu’ils seront libérés. Les conditions de détention doivent les préparer à leur réinsertion sociale dans la collectivité. Après tout, l’objectif ultime de la détention n’est pas de former des détenus modèles, mais de les aider à devenir de meilleurs citoyens.

Dans le rapport de cette année, je porte une attention spéciale à la diversité et à la complexité accrues de la population carcérale. Entre mars 2003 et mars 2013, près de 2 100 détenus se sont ajoutés à la population carcérale, ce qui représente une augmentation totale de 16,5 %. Pendant cette période, le nombre de détenus autochtones a augmenté de 46,4 %. Au cours des 10 dernières années, la population de femmes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral a augmenté de plus de 80 %. Les groupes de personnes appartenant à des minorités visibles (les personnes de race noire, les personnes d’origine hispanique, asiatique, de l’est de l’Inde et d’autres ethnicités) qui sont incarcérées ont augmenté de près de 75 % pendant cette période. Pendant cette même période, on a observé une augmentation annuelle de près de 90 % du sous-groupe des hommes de race noire incarcérés alors que la population des détenus de race blanche a en fait diminué de 3 %.

Howard Sapers - Enquêteur correctionnel du Canada Juin 2013

Howard Sapers 
Enquêteur correctionnel du Canada 
Juin 2013

Le nombre de détenus autochtones combiné au nombre de détenus appartenant à une minorité visible dépasse maintenant 6 000 au sein d’une population carcérale d’environ 15 000. Autrement dit, en tout temps, 40 % de la population carcérale est maintenant de race autre que blanche. L’accroissement récent de la population carcérale est presque exclusivement dû aux augmentations absolues et relatives du nombre de détenus d’origine ethnique et culturelle diverse.

Le profil plus complexe et diversifié de la population carcérale reflète les tendances et les modèles plus élargis de la société canadienne. Comme le rapporte Statistique Canada, une des tendances reflète une population pluraliste multiculturelle plus jeune dont la diversité s’est développée avec le temps par l’arrivée de nouveaux immigrants et de Canadiens nés à l’étranger. Une autre tendance reflète le nombre croissant de Canadiens d’origine autochtone et une troisième tendance reflète une population vieillissante largement blanche qui diminue aussi bien en termes relatifs qu’absolus. À un tout autre niveau, les taux d’incarcération disproportionnés chez certains groupes minoritaires, notamment les noirs et les Canadiens autochtones, reflètent les failles de notre tissu social et soulèvent des préoccupations quant à l’inclusion sociale, la participation et l’égalité des chances. Les nouvelles tendances et constantes démographiques façonneront et définiront qui occupe les pénitenciers fédéraux pour des générations à venir.

Pendant la période visée par le présent rapport, la contribution du SCC au programme financier global du gouvernement a eu une incidence sur la prestation des services et un certain nombre de secteurs de programme, notamment la Caisse de bienfaisance des détenus, les programmes d’emploi et les programmes correctionnels. Des mesures de réduction de coûts et des mesures visant à générer des recettes annoncées en 2012-2013 se traduiront pour les détenus par une augmentation des coûts pour les appels téléphoniques et des retenues pour la nourriture et l’hébergement, l’élimination de la prime au rendement pour le travail dans les ateliers industriels dans les prisons, l’annulation des activités sociales pour les détenus (qui aident à établir un lien entre la prison et le monde extérieur) ainsi que la fermeture de certaines bibliothèques des détenus ou un accès réduit à celles-ci.

La décision de ne pas renouveler les contrats des aumôniers de prison à temps partiel, qui touchent principalement les détenus non chrétiens, a semé la controverse, allant à l’encontre de la proportion grandissante de détenus de différentes cultures, nationalités, croyances et affiliations religieuses dans les établissements du SCC . De façon semblable, l’élimination du financement du programme Option vie , qui offre des services d’intervenants-accompagnateurs internes et externes et un soutien aux condamnés à perpétuité, semble non justifiée et contraire à une pratique de longue date. Lorsque l’on examine toutes ces mesures, elles reflètent une réduction du potentiel de réadaptation des services correctionnels.

Message du directeur exécutif


Le rythme et le volume de travail demeurent élevés pour le Bureau de l’enquêteur correctionnel. Du 1 er avril 2012 au 31 mars 2013, les 32 employés du Bureau (qui compte un volet ministériel, politique, exécutif et des enquêtes) ont passé plus de 330 jours cumulatifs à visiter les établissements fédéraux, ont rencontré 1 309 détenus dans des établissements, ont répondu à plus de 5 400 plaintes faites par des délinquants et répondu à 18 259 appels de la ligne sans frais. De plus, notre équipe sur les cas de recours à la force a examiné plus de 1 400 dossiers d’incidents survenus dans les établissements du SCC .

Le nombre d’appels reçus ou de dossiers ouverts ne constitue pas le seul ou même le meilleur moyen de mesurer la charge de travail. Il faut également tenir compte de la nature complexe des problèmes examinés et des nombreuses plaintes. Par ailleurs, le Bureau continue de cerner et d’examiner des sujets de préoccupation systémiques et de les résoudre en vue de réduire le nombre total de plaintes individuelles des délinquants.

Pendant la période visée par le présent rapport, le Bureau a continué de mettre l’accent sur les préoccupations visant l’ensemble du système : une étude de cas pour examiner le traitement de détenues qui s’automutilent de manière chronique, un examen des pratiques dans un pénitencier à sécurité maximale et une enquête sur les décès dus à des causes « naturelles » pendant la détention dans un établissement fédéral. De plus, les résultats sommaires d’un examen de l’expérience des détenus de race noire dans les établissements correctionnels fédéraux sont présentés dans le présent rapport annuel; cet examen fait partie d’une approche thématique élargie que le Bureau a adoptée sur la diversité en milieu correctionnel.

Pour un petit organisme, les enquêtes de cette nature sont intenses et exigeantes, il faut procéder à une importante réaffectation du personnel, partager la charge de travail et composer avec des priorités tout en continuant de mettre l’accent sur le mandat fondamental du Bureau, c’est-à-dire donner suite aux plaintes individuelles de délinquants incarcérés. Le Bureau maintient son engagement de s’investir dans des rapports thématiques et des études de cas qui portent des préoccupations importantes à l’attention du SCC , du ministre de la Sécurité publique, des parlementaires et de la population canadienne.

Pour ce qui est des autres accomplissements du Bureau en 2012-2013, on peut citer le lancement de son site Web restructuré (qui a enregistré près de 2 millions de visiteurs l’an dernier), l’élaboration d’un nouvel énoncé de mission et la mise en œuvre d’un nouveau Code de conduite fondé sur les valeurs et les principes associés à son rôle et à son mandat (l’indépendance, l’accessibilité, la confidentialité et l’équité).

Ivan Zinger, J.D., Ph.D. 
Directeur exécutif et avocat général 
 

Attention particulière à la diversité en milieu correctionnel


Le profil du milieu carcéral canadien change et reflète une société de plus en plus diversifiée, multiethnique et pluraliste. La population de délinquants (dans la collectivité et en établissement) de minorité visible 2 a augmenté de 40 % au cours des cinq dernières années. Les minorités visibles constituent maintenant 18 % de la population totale des délinquants purgeant une peine de ressort fédéral (dans la collectivité et en établissement), ce qui correspond grandement aux taux de représentation dans la société canadienne. En 2011-2012, les délinquants de race blanche constituaient toujours la proportion la plus importante de la population de délinquants sous responsabilité fédérale (62,3 %) comparativement aux Autochtones 19,3 %, aux délinquants de race noire (8,6 %), asiatique 3 (5,4 %), hispanique 4 (0,9 %) et d’autres groupes de minorité visible (3,4 %) 5 .

Pour les cinq dernières années seulement, 1 539 délinquants (une augmentation de 7,1 %) se sont ajoutés à la population totale de délinquants (dans la collectivité et en établissement). On peut attribuer la nouvelle croissance nette de la population des délinquants à l’augmentation de groupes autochtones (+793), noirs (+585), asiatiques (+337) et d’autres minorités visibles. Au contraire, pendant cette même période, la population totale de délinquant de race blanche a diminué (-466 ou 3 %).

Tendances relatives à la population des délinquants pour une période de 10 ans : (en établissement et dans la collectivité)

Diversité au sein de la diversité

Bien que la tendance soit de regrouper tous les délinquants de minorité visible dans une même catégorie, ces délinquants forment en fait une population très diversifiée. Presque un délinquant de minorité visible sur quatre est né à l’étranger, est originaire d’un autre pays, et un grand nombre d’entre eux ont une culture, des traditions et des coutumes très différentes. Favoriser l’adaptation au milieu carcéral et la réinsertion sociale dans la collectivité pour ces délinquants présente des difficultés considérables.

En vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ( LSCMLC ) , les politiques, programmes et pratiques correctionnels doivent respecter entre autres les différences ethniques, culturelles et linguistiques. Le SCC doit composer avec des pressions de plus en plus grandes pour répondre à un vaste éventail de besoins liés à la langue, à la culture, à l’appartenance religieuse, à l’alimentation et à l’ethnicité. La diversité religieuse dans les établissements correctionnels reflète la réalité actuelle au sein de la population canadienne. Bien que la majorité des détenus s’identifient comme chrétiens, plusieurs autres groupes confessionnels sont représentés, p. ex., la foi musulmane (6 %), la spiritualité autochtone (6 %) le bouddhisme (2 %) et le sikhisme (1 %). Le SCC doit répondre aux besoins des croyants en ce qui a trait aux différents régimes alimentaires, vêtements, médicaments, livres et pratiques pour des motifs religieux.

Environ 6 % de la population carcérale rapporte que la langue parlée à la maison n’est ni l’anglais ni le français 6 . Le SCC doit fournir les services d’un interprète aux délinquants qui ne parle pas l’une des deux langues officielles du Canada pour toute audience officielle ou pour leur permettre de comprendre les documents qui leur sont fournis. Bien qu’on s’assure ainsi que les détenus reçoivent ces services pour les procédures officielles, ces mesures ne résolvent pas les difficultés qu’ils rencontrent chaque jour pour communiquer avec le personnel ou pour participer aux programmes correctionnels.

Résultats correctionnels

Dans l’ensemble, les détenus de minorité visible semblent obtenir de meilleurs résultats correctionnels que le reste de la population carcérale. Au cours des sept dernières années, en moyenne moins de 5 % des détenus de minorité visible ont été incarcérés de nouveau dans les deux années qui ont suivi la date d’expiration de leur mandat. Toutefois, le fait de regrouper les minorités visibles masque d’importantes différences entre ces groupes très distincts. Par exemple, l’étude de cas relative à l’expérience des détenus de race noire dans des établissements carcéraux fédéraux montre que les résultats correctionnels ne sont pas aussi encourageants pour ce groupe de minorités visibles que pour d’autres.

Lorsque l’on examine la diversité dans le milieu carcéral, il est important de comprendre la réalité en termes relatifs et absolus. Par exemple, le nombre total d’accusations d’infractions disciplinaires a diminué de 5 731 au cours des quatre dernières années, ce qui peut être entièrement attribuable à la diminution du nombre d’accusations d’infractions à l’égard de détenus de race blanche (-6 463) alors qu’on a constaté une augmentation du nombre d’accusations d’infractions disciplinaires à l’égard de détenus de minorité visible (+510) et de détenus autochtones (+222) au cours de la même période, même en tenant compte des augmentations au sein de ces populations. Les détenus de race noire sont surreprésentés dans les incidents de recours à la force et, de façon générale, les détenus de minorité visible sont surreprésentés dans les cas d’isolement.

Étude de cas sur la diversité en milieu carcéral : l’expérience des détenus de race noire dans les pénitenciers fédéraux


Dans son rapport annuel de 2011-2012, le Bureau s’est engagé à examiner l’expérience et les résultats des détenus de race noire dans les établissements fédéraux. Une étude de cas a été effectuée pendant une période de quatre mois (de novembre 2012 à février 2013) et comprenait une analyse documentaire, une analyse de données et des entrevues qualitatives avec des membres des comités de détenus noirs, des détenus de race noire, des membres du personnel du SCC , des représentants d’Audmax (une organisation actuellement sous contrat avec le SCC et qui fournit des services ethnoculturels dans la région de l’Ontario) et des bénévoles dans la collectivité. Des visites sur place ont aussi été effectuées dans des établissements des régions de l’Ontario, du Québec et de l’Atlantique, ce qui a permis de constater que la majorité des détenus de race noire purgeant une peine de ressort fédéral (86 %) sont incarcérés dans ces régions.

On a communiqué avec le président du Comité de détenus de race noire de chaque établissement pour les informer de l’étude de cas et demander leur participation et leur collaboration en vue de consulter des membres des comités afin de cerner les problèmes qui doivent être soulevés dans le cadre de l’étude de cas. Des avis ont également été affichés sur toutes les rangées des établissements pour informer tous les détenus de race noire de l’étude et de la possibilité d’y participer sur une base volontaire. Le président du Comité des détenus de race noire de chaque établissement a été rencontré. Des entrevues ont également été menées sur une base volontaire avec des détenus de race noire dans un des formats suivants : rencontre individuelle, en petits groupes (2 ou 3 participants) ou en plus gros groupes (15 à 20 participants). En tout, 73 détenus de race noire ont été rencontrés (30 femmes et 43 hommes). Des entrevues ont également été menées avec 24 membres du personnel du SCC occupant différents postes (directeur/directrice d’établissement, agents correctionnels, gestionnaires de programme), deux bénévoles dans la collectivité et des représentants d’Audmax. De plus, le BEC a retenu les services de l’Afrikan Canadian Prisoner Advocacy Coalition ( ACPAC ) pour une analyse documentaire, son expertise et une analyse des Canadiens de race noire qui ont des démêlés avec la loi.

Établissements visités pour l’étude de cas

Établissement

Région

Niveau de sécurité

Nombre de détenus de race noire en 2011-2012

Pourcentage de détenus de race noire par rapport à la population totale de l’établissement

Joyceville 

Ontario

Moyen

137

37 %

Collins Bay 

Ontario

Moyen

109

27 %

Établissement Grand Valley pour femmes 

Ontario

Multiple

43

23 %

Archambault 

Québec

Moyen

35

10 %

Dorchester 

Atlantique

Moyen

30

8 %

Conclusions

Les détenus de race noire forment une des sous-populations qui augmente le plus rapidement dans les établissements correctionnels fédéraux. Au cours des 10 dernières années, le nombre de détenus de race noire purgeant une peine dans un établissement fédéral a augmenté de 80 %, passant de 778 à 1 403. Ils représentent maintenant 9,5 % de la population carcérale totale (une augmentation de 6,3 % depuis 2003-2004) alors qu’ils ne représentent que 2,9 % de la population canadienne 8 .

Gestion de la population et conditions de détention

Les détenus de race noire sont incarcérés de façon disproportionnée dans les établissements de l’Ontario et du Québec. Bien qu’il y ait cinq établissements à sécurité moyenne en Ontario, près de 60 % des détenus de race noire sont incarcérés dans deux de ces établissements (Joyceville et Collins Bay). La situation est la même au Québec où il y a cinq établissements à sécurité moyenne, mais deux d’entre eux accueillent 60 % des détenus de race noire de la province (Cowansville et Archambault). Cette pratique se maintient malgré la Stratégie de gestion de la population du SCC , qui encourage l’intégration des différentes populations en vue de maintenir la diversité dans les établissements. Le personnel du SCC a indiqué que la diversité ethnoculturelle contribue à réduire la violence et à établir un milieu où il y a moins de discrimination et de stéréotypes culturels.

Pleins feux

Bien que beaucoup de détenus de race noire aient indiqué avoir des relations considérées respectueuses avec d’autres détenus et des membres du personnel, presque tous ceux qui ont été rencontrés ont affirmé avoir fait l’objet de discrimination de la part des agents correctionnels. Même si on utilise un langage raciste dans tous les établissements, les détenus rencontrés ont indiqué qu’il ne s’agit pas d’une pratique généralisée. Certains comportements adoptés par beaucoup de membres du personnel préoccupaient davantage les détenus de race noire. Comme l’indique la documentation, la façon d’exprimer ou de démontrer de la discrimination et des préjugés a changé avec le temps, alors qu’autrefois ces comportements étaient flagrants (p. ex., langage et attitudes racistes), on a maintenant recours à des moyens plus subtils et discrets (p. ex., ne pas prêter attention, exclure), il est donc souvent difficile de reconnaître ces comportements et d’y remédier 9 . La plupart de ce qu’ont rapporté les détenus au Bureau correspond à ce que la documentation décrit comme de la discrimination implicite.

Par exemple, beaucoup ont indiqué qu’on ne prête pas attention à eux lorsqu’ils posent des questions : un détenu a affirmé que les agents correctionnels « le regardent comme s’il n’était pas là et ne lui disent rien. C’était comme s’ils ne me voyaient pas, comme si je n’étais pas là, juste devant eux. » Il semble que leurs besoins ne constituent pas une priorité; souvent, on ne tient pas compte de leurs préoccupations, et beaucoup d’entre eux étaient d’avis qu’il y a « des règles distinctes » pour les détenus de race noire. Bien que le sentiment que le personnel correctionnel ne leur prête pas attention ou ne tient pas compte d’eux soit bien réel pour beaucoup de détenus, ce comportement est particulièrement connu des détenus de race noire, car il reflète leur vécu quotidien en fait de comportement raciste et discriminatoire tout au long de leur vie. En prison, ce comportement accroît le sentiment de marginalisation, d’exclusion et d’isolement.

Les détenus de race noire ont également donné beaucoup d’exemples de stéréotypes culturels où on les traitait surtout de « membres d’un gang », de « fauteur de trouble », de « trafiquant de drogues » ou de « coureur de jupons ». L’étiquette de membre de gang était particulièrement troublante et considérée comme appliquée de façon générale aux détenus de race noire. Ils avaient l’impression que tout ce qu’ils faisaient ou disaient était analysé comme appartenant au domaine des gangs. Leur langage corporel, leur façon de parler, leurs expressions, leur style vestimentaire et leur relation avec les autres étaient souvent perçus par le personnel comme des comportements associés aux gangs. Beaucoup de membres du personnel du SCC conviennent que certains employés utilisent régulièrement des stéréotypes, considérant tous les faits et gestes des détenus de race noire en fonction de leurs préjugés. Cette étiquette a une incidence sur la prise de décisions en matière de classification de sécurité, de participation aux programmes, d’attribution des tâches et de recommandations de libération conditionnelle.

Les détenus de race noire ont indiqué qu’ils se sentaient ciblés en ce qui concerne les accusations d’infractions disciplinaires, surtout dans les cas de décisions plus discrétionnaires que les cas où les agents correctionnels devaient faire preuve de plus de jugement. Le personnel du SCC considérait souvent la nature expressive de beaucoup de détenus de race noire comme étant agressive ou irrespectueuse, alors que les détenus de race noire indiquent que cela « fait simplement partie de notre culture ». En 2011-2012, les détenus de race noire étaient surreprésentés dans beaucoup de catégories d’accusations qui pourraient être considérées comme discrétionnaires. Par exemple, la représentation était disproportionnée dans le cas des détenus de race noire accusés d’avoir manqué de respect à l’égard du personnel (13 %), d’avoir désobéi à un ordre (20 %), d’avoir compromis la sécurité de l’établissement ou d’une autre personne (23 %). D’un autre côté, les détenus de race noire semblent être sous-représentés dans les catégories qui exigent une preuve de l’infraction, notamment la possession de biens volés (5 %) ou d’objets interdits (8 %).

Un examen des données des cinq années précédentes révèle que les détenus de race noire sont constamment surreprésentés dans les dossiers d’isolement préventif, surtout dans les cas d’isolement non sollicité et disciplinaire. En 2012-2013, les détenus de race noire étaient surreprésentés dans les incidents de recours à la force.

Affiliation à un gang

Bien que les détenus de race noire soient deux fois plus susceptibles d’appartenir à un gang que la population générale, la majorité d’entre eux (80,7 %) n’est pas membre d’un gang. Malgré ce fait, l’étiquette d’appartenance à un gang constitue une réalité qui semble distinguer et définir l’expérience des détenus de race noire dans les pénitenciers fédéraux. Les préjugés ont été bien documentés dans d’autres études et recherches sur le système de justice pénale canadien 10 . La recherche canadienne suggère que le profilage racial existe, car les personnes de race noire sont beaucoup plus susceptibles d’être arrêtées par la police et de faire l’objet d’une fouille 11 . Faire l’objet d’une surveillance plus étroite par la police a non seulement entraîné une plus grande probabilité de se faire prendre en cas d’infraction à la loi, mais cela « aliène encore davantage les personnes de race noire dans la société canadienne dominante et renforce les perceptions de discrimination et d’injustice raciales » 12 . Il est peu surprenant que cette expérience collective se reproduise pour les Canadiens de race noire incarcérés.

En surface, l’affiliation à un gang, telle qu’elle est cernée, évaluée et définie par le SCC , semble être fondée sur des critères objectifs : source de renseignements fiable (informateurs, sources communautaire ou institutionnelle), preuve écrite ou électronique tangible (p. ex., photographies), marque commune ou symbolique (cicatrices, signes et tatouages ou signes distinctifs des organisations criminelles) et comportement observé qui, par sa nature ou une association donne raison de croire que le délinquant appartient à un gang 13 . Dans la pratique, ces critères sont discrétionnaires et sujets à des préjugés en matière de confirmation, la tendance à interpréter l’information ou le comportement de manière à ce qu’elle confirme les jugements préconçus et subjectifs. Lorsque ce jugement est appliqué, la validité et la fiabilité de l’étiquette de gang semblent rarement remises en question, surtout par les titulaires de postes opérationnels qui travaillent avec des détenus de race noire. Ce genre d’étiquetage est particulièrement suspect lorsqu’il est fondé sur des renseignements de sécurité obtenus à l’interne ou d’informateurs incarcérés, qui ne sont pas toujours corroborés par un organisme d’exécution de la loi externe, un tribunal ou des autorités judiciaires.

Programmes

Bien qu’ils soient considérés de façon générale comme un groupe présentant un plus faible risque de récidive et ayant moins de besoins 14 , les détenus de race noire sont 1,5 fois plus susceptibles d’être placés dans des établissements à sécurité maximale où les programmes, les possibilités d’emploi, l’éducation, les activités sociales et de réinsertion sont limités. Ils ont aussi moins de chance que leur cote de sécurité d’après l’Échelle de classement par niveau de sécurité soit modifiée et qu’ils soient placés dans un établissement à sécurité moyenne ou minimale.

Pleins feux

Emploi

Les détenus de race noire ont constamment indiqué qu’ils avaient de la difficulté à trouver un emploi, surtout des emplois ou des postes de « confiance » dans le cadre desquels il est possible d’obtenir une formation dans un secteur particulier (p. ex., le secteur manufacturier, la construction). En 2012-2013, le taux officiel de délinquants sans emploi dans les établissements était de 1,5 %. Toutefois, le taux pour les détenus de race noire était 7 %. On considère également que ces derniers sont moins susceptibles d’avoir un emploi dans les ateliers industriels de CORCAN – 32 % des détenus travaillait dans un établissement de CORCAN comparativement à seulement 25 % des détenus de race noire 15 . Le taux salarial des détenus de race noire qui travaillent est essentiellement semblable à celui de la population générale des détenus.

Griefs

En 2011-2012, les trois principales catégories de griefs de tous les détenus étaient les conditions de détention et les activités quotidiennes de l’établissement (27 %), l’interaction (24 %) et les soins de santé (10 %). Les détenus de race noire étaient plus susceptibles de déposer un grief lié à l’interaction (29 %), aux conditions de détention et aux activités quotidiennes de l’établissement (22 %) et les visites et les loisirs (13 %), faisant valoir que la qualité des relations entre le personnel et les délinquants constitue une préoccupation particulière pour les détenus de race noire. Si l’on examine plus en profondeur les sous-catégories de « l’interaction », il est clair que les détenus de race noire sont surreprésentés en ce qui concerne le dépôt de grief pour discrimination. De tous les griefs déposés par les détenus pour discrimination, 25 % ont été présentés par des détenus de race noire. Ces derniers étaient aussi surreprésentés dans la catégorie des griefs liés au rendement du personnel.

Programmes et services culturels

Bien que les détenus de race noire aient été d’avis que les programmes du SCC leur donnaient des outils et des stratégies importants, ils ne considéraient pas qu’ils reflétaient adéquatement leur réalité culturelle. Ils ont indiqué qu’ils ne se voyaient pas représentés dans le matériel didactique et les activités du programme et que ceux-ci n’étaient pas fondés sur leurs expériences culturelles ou traditionnelles. Par ailleurs, un grand nombre d’initiatives et de services utilisés comme d’importants compléments des programmes du SCC ne répondaient pas aux attentes. Voici ce qu’a révélé notre examen :

  • Soutien non uniforme pour les événements culturels dans les établissements. Certains comités des détenus de race noire n’obtenaient pas suffisamment de conseils pour la planification d’événement alors que d’autres indiquaient obtenir peu ou pas d’aide, à un point tel que très peu d’événements avaient eu lieu au sein de l’établissement.
  • Manque de soutien communautaire. Beaucoup de détenus de race noire n’avaient jamais vu ou rencontré une personne appartenant à un groupe de la communauté noire ou parlé à quelqu’un de la communauté noire pendant leur détention, bien que la plupart aient exprimé un profond désir d’établir et de maintenir des liens avec ces groupes communautaires. (Il est important de souligner que cette forme de soutien est un élément clé du Plan stratégique relatif aux services correctionnels pour Autochtone s du SCC .)
  • La nécessité de donner aux détenus de race noire un meilleur accès à un plus grand nombre de produits d’hygiène personnelle conçus particulièrement pour leur type de cheveux et de peau et mieux répondre à leurs besoins en matière d’aliments culturels à la cantine.
  • Un taux d’octroi plus faible en ce qui concerne les permissions de sortir, la semi-liberté et la libération conditionnelle totale. Les programmes qui offrent une mise en liberté graduelle et sous surveillance ont démontré qu’ils réduisent le risque de récidive.

Préoccupations des femmes de race noire purgeant une peine de ressort fédéral

En 2011-2012, il y avait 55 femmes de race noire purgeant une peine dans un établissement fédéral, ce qui représente 9,12 % de la population des détenues. Au cours des 10 dernières années, le nombre de femmes de race noire en détention a très peu changé entre 2002 et 2010, mais à ce moment-là, on a observé une augmentation de 54 % suivie d’une autre augmentation de 28 % entre 2010 et 2012. Le nombre de femmes de race noire incarcérées semble augmenter rapidement.

La majorité des femmes de race noire incarcérées (78 %) sont placées à l’Établissement Grand Valley ( EGV ), dans la région de l’Ontario. Elles étaient plus susceptibles d’être incarcérées pour des infractions visées à l’annexe II (drogues) 16 (53 %). Des entrevues avec des femmes de race noire à l’ EGV ont révélé que la plupart des détenues de race noire étaient incarcérées pour trafic de drogues. Beaucoup ont indiqué avoir transporté des drogues au-delà des frontières internationales principalement pour tenter de se sortir de la pauvreté. Certaines d’entre elles ont rapporté ou indiqué avoir été forcées de le faire après avoir été victimes de menaces de violence à leur égard ou à l’égard de leur famille.

La plupart des femmes de race noire rencontrées étaient des ressortissantes étrangères. Beaucoup ont indiqué qu’en raison des coûts élevés des appels à partir de la prison, elles parlaient rarement à des membres de leur famille. La politique du SCC ne permet pas l’utilisation de cartes d’appel qui sont considérablement moins coûteuses. (Le Bureau examinera plus en détail le coût des appels téléphoniques des détenus au cours de la prochaine année). Les contacts restreints avec le foyer et les membres de la famille entraînent de grosses difficultés de réinsertion, particulièrement parce que beaucoup risquent la déportation à la fin de leur peine.

D’autres préoccupations ont été soulevées par les femmes pendant les entrevues de groupe ou individuelles : la non-disponibilité de crèmes et d’onguents médicamentés pour la peau et les cheveux ou le manque d’accès à ces produits, le manque d’apprentissage de compétences approprié (plutôt que les tâches de buanderie, de pliage et de repassage de linge et de couture), les coupes des services d’aumôniers à temps partiel, ce qui reflète une préoccupation que les aumôniers chrétiens ne peuvent répondre à leurs besoins spirituels. Enfin, bien que beaucoup de femmes de race noire à l’ EGV aient été incarcérées pour trafic de drogues, la condamnation pour ce genre d’infraction ne signifie pas nécessairement que la personne a un problème de toxicomanie. Plusieurs femmes ne comprenaient pas pourquoi elles devaient suivre ces programmes même si le besoin n’avait pas été établi.

Résultats correctionnels

En tant que groupe, les détenus de race noire s’en tirent relativement bien après leur libération. Au cours des cinq dernières années (2007-2008 à 2011-2012, le taux de réussite pour les délinquants sous responsabilité fédérale en semi-libération, en libération conditionnelle totale et en libération d’office était constamment plus élevé pour les délinquants de race noire. De plus, à plus long terme (pour les peines qui ont pris fin entre 1996-1997 et 2000-2001, de tous les délinquants qui ont terminé leur peine en libération conditionnelle totale, en libération d’office ou à la fin de leur mandat, les délinquants de race noire étaient habituellement moins susceptibles d’être incarcérés de nouveau pour purger une nouvelle peine de ressort fédéral. 17 

Conclusion : Que signifie la diversité pour le SCC ?

Dans le cadre de son examen de la diversité en milieu correctionnel et de l’étude de cas sur l’expérience des détenus de race noire purgeant une peine de ressort fédéral, le Bureau conclut que le SCC a eu le mérite de mettre en œuvre un certain nombre de mesures pour mieux cerner les besoins d’une population carcérale plus diversifiée sur le plan ethnoculturel et y répondre. Il a également mis sur pied une structure organisationnelle pour appuyer ces efforts : des comités de la diversité (p. ex., des comités consultatifs régionaux et nationaux sur les minorités ethnoculturelles, un Comité consultatif national sur la diversité, un Comité national sur la diversité), des programmes culturels et des activités de sensibilisation, des séances de sensibilisation et de formation sur la diversité et des initiatives à l’intention du personnel visant à accroître la représentation des groupes visés par l’équité en emploi dans le milieu de travail (p. ex., recours au recrutement ciblé, Comité de diversité et d’équité en emploi, programmes de mentorat et de leadership).

Cependant, il y a encore des défis à relever pour refléter la diversité, y répondre et en tenir compte. Le SCC doit tout d’abord s’assurer que la formation sur la diversité offerte, ses efforts de recrutement et ses politiques et pratiques de rétention sont uniformes dans toutes les régions, intégrés au cadre général de formation, et qu’il offre par la suite une formation pratique continue et un soutien et assure le suivi des résultats. Un plan de formation et de sensibilisation sur la diversité qui commence pendant l’orientation de l’employé et se poursuit pendant toute sa carrière permettrait une meilleure sensibilisation aux cultures et améliorerait le savoir-faire culturel dans les rangs du SCC . Cette formation devrait être fondée sur une expérience opérationnelle pratique, cibler les agents correctionnels de première ligne et être considérée comme une priorité.

Bien que le SCC atteigne et dépasse souvent les objectifs d’équité en matière d’emploi sur une base nationale, ce n’est pas le cas dans tous les établissements. Comme il fallait s’y attendre, les détenus de race noire indiquaient des relations plus positives entre le personnel et les détenus dans un établissement où la proportion de membres du personnel de minorité visible reflétait mieux le nombre de détenus de minorité visible. Les stratégies de recrutement et de rétention doivent cibler les établissements de première ligne qui accueillent la plus grande proportion de délinquants appartenant à des minorités ethnoculturelles et mettre la priorité sur ces établissements (pas seulement sur les administrations régionales et centrale). Les agents correctionnels qui parlent d’autres langues que le français et l’anglais constituent des ressources de plus en plus importantes pour améliorer les interactions et la communication avec le nombre croissant de détenus nés à l’étranger.

L’examen de la diversité en milieu correctionnel effectué par le Bureau a également permis d’en arriver à certaines conclusions importantes à l’égard du contenu, de la prestation et de la pertinence des programmes correctionnels. Par exemple, des programmes ethnoculturels sont souvent offerts dans un seul établissement par région. Cette pratique donne lieu à des stratégies de gestion de la population qui vont à l’encontre des pratiques et des principes d’intégration. Il est également clair que, du point de vue de la diversité, les programmes correctionnels essentiels doivent être examinés, révisés et mis à jour afin d’y intégrer plus de modules, d’exemples et d’éléments tirés de la réalité ethnoculturelle. Un plus grand nombre d’animateurs de programme appartenant à une minorité visible permettrait d’assurer la pertinence, la participation et la rétention, ce qui pourrait se traduire par de meilleurs taux de réussite des programmes.

Enfin, comme le montrent clairement les résultats du Sondage sur le climat éthique 2012 , il y a place pour une grande amélioration quant à la valeur qu’accorde le SCC au respect, à l’équité, à l’inclusion, à la responsabilisation et au professionnalisme dans le milieu de travail et à la façon dont il applique ces principes 18 . Le sondage facultatif auprès du personnel a permis de recueillir de l’information sur l’abus de pouvoir, la discrimination, le harcèlement, les comportements inappropriés et d’autres traitements brutaux et dégradants. De façon générale, près de 25 % des répondants ont indiqué avoir été victime de discrimination fondée sur des motifs de distinction illicites (race = 45 %, sexe = 43,6 % et âge = 36,3 %) au cours de la dernière année. Plus de 60 % des personnes ayant été victimes de discrimination ont indiqué que la source de la discrimination était d’autres collègues de travail occupant un poste supérieur au sein du Ministère, y compris des gestionnaires 19 . De l’échantillon rapporté, 31,8 % ont été harcelé dans le milieu de travail au cours de la dernière année, le plus souvent par d’autres membres du personnel qui occupent un poste supérieur aux leurs, un superviseur immédiat ou des collègues de leur propre unité. Ces résultats contribuent à ce qui est considéré dans le sondage comme un milieu de travail malsain, voire « toxique ». Considérant le fait que, de leur propre admission, les employés du SCC ont indiqué adopter un comportement médiocre à l’égard les uns des autres, il est important de se demander comment les délinquants de cultures, nationalités, religions, croyances ou races différentes sont traités derrière les murs des pénitenciers.

L’examen et l’étude de cas sur la diversité dans les établissements correctionnels fédéraux menés par le Bureau suggèrent qu’on peut faire mieux dans un certain nombre de secteurs. Pour favoriser ces améliorations, je formule deux recommandations importantes :

1. Je recommande au SCC d’élaborer un plan national de sensibilisation et de formation sur la diversité qui comprend un volet de formation pratique et opérationnelle sur la diversité, la sensibilisation aux cultures et la compétence culturelle. Ce plan de formation doit être intégré au cadre général de formation. 

2. Je recommande au SCC de créer un poste d’agent de liaison sur l’ethnicité à chaque établissement, dont les responsabilités seraient d’établir et de maintenir des relations avec les groupes et organismes communautaires de différentes cultures, de veiller à ce qu’on réponde aux besoins des détenus de minorité visible et de favoriser l’élaboration et l’exécution de programmes qui tiennent compte des différentes cultures au sein de l’établissement. 

I. Accès aux soins de santé


Pleins feux

Les autorités correctionnelles canadiennes continuent de faire face à des coûts de plus en plus élevés et des défis de plus en plus grands pour la gestion d’une proportion plus grande de délinquants atteints de problèmes mentaux. Selon les plus récentes données disponibles, le Service correctionnel a offert au moins un service de santé mentale en établissement à 48,3 % de la population carcérale totale, 47 % des délinquants autochtones et 75 % des détenues ayant reçu ces services en 2011-2012. L’an dernier, un peu plus de 90 % (ou 4 065) des délinquants nouvellement admis dans un établissement correctionnel a subi une évaluation exhaustive visant à dépister des troubles de santé mentale; près des deux tiers ont été signalés en vue d’une intervention de suivi en santé mentale. Le Service a également offert la formation Principes fondamentaux en santé mentale à 2 438 employés au cours de l’exercice 2011-2012 20 .

Photo I. Accès aux soins de santé

Depuis 2005, le Service a investi environ 90 M$ de nouveau financement pour renforcer la prestation de service de soins de santé mentale primaires en établissement, a mis en œuvre le dépistage des troubles de santé mentale à l’admission, a offert des séances de formation et de sensibilisation en santé mentale au personnel de première ligne et a amélioré les partenariats communautaires et la planification de la libération des délinquants atteints de troubles de santé mentale. Ces initiatives font partie de la Stratégie en cinq points en matière de santé mentale du SCC .

Les soins de santé demeurent la principale catégorie des plaintes des délinquants présentées au Bureau. Des visites du personnel dans les établissements du SCC partout au pays ont permis de confirmer que l’accès aux soins de santé, plus particulièrement aux services de santé mentale et de soins actifs ou complexes, demeure fragmentaire et variable, surtout dans les pénitenciers plus éloignés.

Comme je l’ai indiqué plus tôt en ce qui concerne l’accès des détenus à des soins de santé qui répondent aux normes de soins professionnels et communautaires reconnues, le SCC est confronté à d’importantes difficultés en matière de dotation, de recrutement et de rétention du personnel. Au total, 1 200 professionnels de la santé travaillent pour le Service, notamment des infirmières, des psychologues, des pharmaciens, des médecins et des travailleurs sociaux. En 2011-2012, le taux de postes de soins de santé vacants au SCC atteignait un peu plus de 8,5 %. Le taux de postes de psychologue vacants en 2011-2012 était de 16 % (51 postes). Ce taux était le plus élevé dans la région de l’Ontario où il atteignait 29 % (23 postes). Des 329 postes de psychologue, 50 (ou 15 %) étaient occupés par des titulaires qui sont des employés non agréés (ou « employés de niveau inférieur ») et ne peuvent pas offrir le même niveau ou la même gamme de services que les psychologues agréés. Autrement dit, près du tiers de tous les postes de psychologue du SCC est vacant ou occupé par des « employés de niveau inférieur » 21 . Des préoccupations au sujet du cadre de pratique, de la certification interprovinciale, de la rémunération, du perfectionnement professionnel et des conditions d’emploi compliquent le recrutement et la rétention de professionnels.

Soins intermédiaires

Neuf ans après le lancement de sa Stratégie en santé mentale en 2004, il n’y a toujours pas de source de financement permanent pour le volet des soins intermédiaires pour les délinquants de sexe masculin 22 . La seule unité de soins de santé mentale intermédiaires pour hommes au pays est un projet pilote au pénitencier de Kingston qui a commencé en novembre 2010 et a pris fin en mars 2013 23 . Comme partout ailleurs dans le réseau, le projet pilote a connu des problèmes communs :

  1. Une infrastructure vieillissante et inappropriée non conçue à des fins thérapeutiques.
  2. Le roulement constant du personnel en raison des problèmes de financement et de recrutement.
  3. Le recours au recrutement de personnel non agréé (ou « employés de niveau inférieur ») pour doter les postes de professionnels des soins de santé.
  4. L’absence d’un programme de soins de santé 24 heures sur 24, sept jours sur sept (aucune ressource réservée pour la prestation des soins en dehors des heures normales ou la fin de semaine).
  5. L’absence de formation spécialisée en soins de santé mentale pour le nouveau personnel.

L’annulation du projet pilote d’unité de soins intermédiaires est déplorable, mais pas entièrement surprenante étant donné le contexte et les difficultés déjà soulignées. Malheureusement, cela signifie que la majorité des détenus qui ont besoins d’interventions de niveau intermédiaire pour gérer leurs besoins en santé mentale resteront parmi la population carcérale générale ou seront placés en isolement dans les établissements à sécurité moyenne et maximale parce qu’ils n’ont pas accès aux services de soins de santé mentale et aux mesures de soutien connexes. Ces détenus doivent compter sur les ressources de soins de santé primaires disponibles offertes dans les pénitenciers, ils ne peuvent pas bénéficier du niveau de services de santé plus intensifs que les unités de soins intermédiaires pourraient offrir. Ces délinquants n’ont pas accès aux services du centre régional de traitement puisque les critères d’admission les en empêchent, à juste titre.

Gestion des délinquants qui s’automutilent de manière chronique

J’ai rapporté l’an dernier que le nombre d’incidents d’automutilation dans les prisons fédérales a plus que triplé au cours des cinq dernières années. Le nombre de détenus autochtones ayant un comportement d’automutilation constitue une dimension particulièrement troublante de ce problème. Les délinquants qui s’automutilent sont souvent placés dans des unités d’isolement à sécurité maximale ou dans des cellules d’observation où les conditions de détention, l’absence de stimuli externe et les contacts limités peuvent entraîner une plus grande détérioration de l’état de santé mentale et mener une automutilation plus fréquente et plus grave. Dans certains cas, le recours à l’automutilation est un moyen d’affronter et de soulager la monotonie, les émotions négatives et les privations associées à la vie carcérale. Les facteurs de protection et de prévention connus à l’égard de l’automutilation dans les prisons, notamment moins de temps enfermés dans une cellule, un emploi, des contacts véritables avec d’autres personnes, la participation aux programmes correctionnels, de bons contacts réguliers avec la famille, semblent tout à fait contraires aux mesures de sécurité et aux mesures adoptées à la suite d’incidents qui, dans les cas chroniques, se limitent à simplement maintenir le délinquant en vie.

Incidents d’automutilation concernant des délinquants de sexe féminin et autochtones

Le Bureau a documenté une série de préoccupations concernant les ressources et les mesures du Service correctionnel en matière de prestation de services de santé mentale :

  1. Trop grand recours à la force et aux mesures de contrôle (p. ex. moyens de contention et restrictions quant aux déplacements et aux possibilités d’association comme moyen pour gérer les délinquants qui s’automutilent.
  2. Non-respect du consentement volontaire et éclairé aux protocoles de traitement;
  3. Accès limité aux services spécialisés intensifs pour les délinquantes purgeant une peine de ressort fédéral.
  4. Caractère inadéquat de l’infrastructure physique, du personnel, des ressources et de la capacité pour répondre aux besoins de santé mentale complexes.
  5. Surveillance et supervision inadéquates de l’utilisation des moyens de contention.

À mon avis, l’absence de progrès et les lacunes susmentionnées en matière de capacité, d’infrastructure et de prestation de services justifient qu’on envisage le recours à un défenseur des droits des patients ou à un coordonnateur de la qualité des soins pour le service correctionnel fédéral. Ces modèles deviennent la norme dans la pratique des soins de santé mentale dans la collectivité, tant au Canada qu’à l’étranger. Les enjeux juridiques, éthiques et opérationnels des centres régionaux de traitement du SCC sont complexes − p. ex., consentement éclairé et volontaire, droit de refuser de suivre ou de poursuivre le traitement, la déclaration d’inaptitude en vertu des lois et règlements en matière de santé mentale. Bien qu’ils soient établissements psychiatriques, les centres de traitement du SCC sont en fait des établissements « hybrides », moitié « hôpitaux » et moitié « pénitenciers ». En tant qu’hôpitaux, ces centres sont assujettis aux dispositions des lois provinciales pertinentes en matière de santé mentale. En tant que pénitenciers, ils sont exploités en vertu de lois fédérales.

Sur le plan opérationnel, l’interaction entre ces entités crée son propre lot de tensions et de contradictions – patient par rapport à détenu, sécurité comparativement à traitement, hôpital par opposition à pénitencier. De plus, l’accès aux soins et la continuité des soins peuvent constituer un problème lorsque les délinquants font la transition de la prison à la collectivité. Il est encore plus urgent de mettre en poste un défenseur des droits des patients étant donné la décision d’annuler le programme d’unité de soins de dix places pour les besoins complexes pour les détenus qui s’automutilent de manière chronique, un projet pilote mis en œuvre au Centre régional de traitement dans la région du Pacifique depuis novembre 2010.

3. Je recommande au SCC de nommer des défenseurs des droits des patients ou des coordonnateurs de la qualité des soins indépendants dans chacun des cinq centres régionaux de traitement. 

Mesures de rechange en matière de soins de santé mentale

En décembre 2012, on a remis au commissaire et au ministre de la Sécurité publique un résumé de six dossiers de délinquants atteints de troubles mentaux graves qui, de l’avis du Bureau, ne peuvent pas être gérés ou soignés adéquatement dans un pénitencier fédéral. Ces six délinquants ont fait l’objet d’interventions mises en œuvre par le Bureau, qui recommandait leur transfert dans un établissement psychiatrique externe. Chacun de ces résumés présentait, à un certain niveau, de troublants aspects parallèles au décès évitable d’Ashley Smith en octobre 2007. Comme Ashley, ces délinquants ont des besoins de soins de santé mentale aigus et complexes qui ne peuvent être humainement gérés de façon sécuritaire avec les ressources et la capacité qu’offre le Service.

Les dossiers mis de l’avant par le Bureau montrent que ces personnes doivent purger la peine imposée dans un environnement médical, et leurs comportements autodestructeurs nombreux et fréquents justifient un transfèrement dans des établissements de traitement extérieurs. La plupart d’entre eux ont fait l’objet de dizaines d’interventions de recours à la force afin de prévenir ou d’interrompre des comportements autodestructeurs répétitifs. Certains sont déclarés inaptes en vertu des lois provinciales en matière de santé mentale. La plupart ont été victimes de violence physique, mentale et sexuelle dans leur enfance. Quelques-uns ont un fonctionnement intellectuel lent, leurs réactions et leur développement émotionnel se rapprochant plus de ceux d’un enfant. Un de ces délinquants est défiguré et souffre de lésions cérébrales permanentes en raison de coups à la tête répétés. Tous ont de longs antécédents de maladie mentale et un diagnostic a été rendu à cet effet. Un est un contrevenant « à double statut » après avoir été jugé non criminellement responsable . Les dossiers de plusieurs ont fait l’objet d’examens par des comités d’enquête nationaux. Le comportement de ces délinquants peut être perturbateur et causer beaucoup de stress pour le personnel, et la gestion et les soins pour ces personnes peuvent être extrêmement coûteux. Beaucoup ont fait l’objet de surveillance préventive jour et nuit, sont placés la plupart du temps en isolement à long terme ou dans des cellules d’observation où il n’y a aucun stimulus.

Au moment de rédiger le présent rapport, le Bureau n’a pas encore reçu une réponse complète à sa correspondance de décembre 2012. Le SCC doit et peut offrir des mesures de soutien en santé mentale à la majorité des délinquants purgeant une peine de ressort fédéral. Cependant, il devrait donner en sous-traitance les services pour les quelques délinquants qui requièrent des interventions de soins de santé mentale et des traitements très spécialisés. En ce qui concerne la gestion des troubles de santé physique graves, le Service place régulièrement des délinquants dans des hôpitaux communautaires et des centres de traitement externes. Il est nécessaire de faire la même chose pour la gestion des cas de troubles de santé mentale graves. Les hôpitaux psychiatriques externes fournissent un environnement thérapeutique où les interventions sont assurées par une équipe de professionnels des soins de santé. Ce n’est pas le cas dans les pénitenciers fédéraux, pas même dans les centres régionaux de traitement, où les premiers répondants sont habituellement des agents de correction qui peuvent ou non être accompagnés de membres du personnel des services de santé. L’isolement, le gaz poivré et les mesures de contention ne sont pas des traitements adéquats pour les personnes atteintes de troubles mentaux.

La gestion et le traitement de personnes atteintes de problèmes de santé mentale dans les établissements correctionnels sont des tâches extrêmement difficiles. Nous ne devrions pas nous attendre à ce que le Service correctionnel fasse l’impossible. Le Bureau ne remet pas en question l’intégrité, la détermination et le professionnalisme du travail du SCC . Cependant, nous ne devrions pas compter sur des établissements qui n’ont jamais été conçus pour héberger ou soigner des personnes atteintes de troubles mentaux graves ou celles qui s’automutilent de façon grave et chronique. Je suis de plus en plus convaincu qu’il n’est pas de l’intérêt public de réformer de manière modeste et progressive un système qui possède des lacunes fondamentales. Certaines personnes atteintes de maladies mentales sont placées dans des pénitenciers fédéraux, mais ne devraient pas y être. Il est prioritaire de les transférer dans des établissements de traitement externes.

4. Je recommande au SCC d’identifier sans délai les détenus, hommes et femmes, atteints des troubles mentaux les plus graves aux fins d’examen par des experts en santé mentale externes, et qu’il suggère des options de traitement et de placement axés sur la santé. 

II. Décès en établissement


En 2011-2012, il y a eu 53 décès dans les établissements du SCC , soit huit suicides en établissement et 35 décès dus à des causes « naturelles ». Ces données reflètent en partie le fait qu’un plus grand nombre de délinquants purgent des peines plus longues, que les peines visent des délinquants plus âgés et qu’un plus grand nombre d’entre eux vieillissent et meurent derrière les barreaux. Au fur et à mesure que la population carcérale vieillit, le nombre de décès attribuables à des causes « naturelles » est beaucoup plus élevé que pour d’autres types de décès et il s’agit de la principale cause de décès dans les établissements de détention fédéraux.

Article 19 et examens des décès en établissement

Photo II. Décès en établissement

En 2012-2013, conformément à l’article 19 de la LSCMLC sur les enquêtes en cas de décès en établissement, le Bureau a fait enquête dans un dossier troublant où les procédures de notification des proches ont très mal tourné. Tenant compte de l’examen de ce dossier et d’autres dossiers, on comprend pourquoi le manque d’information transmise aux familles par le SCC concernant les circonstances et les causes du décès d’un être cher continue d’être préoccupant. L’aspect « naturel » d’un décès dans un établissement de détention fédéral est très limité. Quelques détenus en phase terminale ont droit à une « mise en liberté anticipée pour des raisons de compassion » afin de pouvoir mourir avec un semblant de dignité dans la collectivité. Toutefois, la façon dont le SCC choisit d’informer le public d’un décès dans un de ses établissements suggère qu’il peut faire beaucoup plus pour respecter la dignité, l’intimité et la confidentialité de toutes les parties visées.

Le processus d’examen relativement nouveau des cas de décès dû à des causes soi-disant naturelles chez les détenus incarcérés dans les établissements du SCC soulève des préoccupations considérables. Ce processus semble être un moyen accéléré qui ne semble pas répondre aux exigences de l’article 19. Ces méthodes font actuellement l’objet d’une enquête, et les conclusions seront publiées au cours de la prochaine année.

Forum national pour la prévention des décès en établissement

Il n’y a pas au Canada de mécanisme indépendant et de haut niveau pour examiner et prévenir les décès en établissement. Il n’existe pas de comité ministériel ou parlementaire pour examiner le nombre ou le taux de décès qui surviennent dans les établissements de détention fédéraux, les prisons provinciales et territoriales ou dans les centres de détention des organismes d’application de la loi ou de l’immigration 24 . Pendant la période visée par le présent rapport, le Bureau a examiné les circonstances ayant contribué aux décès de détenus purgeant une peine de ressort fédéral, et les résultats suggèrent que l’on continue de répondre à ces incidents de façon épisodique plutôt que systématique. Malgré quelques tentatives d’ébauche, le SCC n’a pas encore de stratégie globale de mesure du rendement et de responsabilisation axée sur la prévention et la réduction de décès évitable ou prématuré dans les établissements de détention fédéraux qui soit accessible au public.

Les examens, les enquêtes et les rapports des coroners et des médecins légistes continuent de démontrer l’ampleur des apprentissages encore possible grâce à l’application des leçons apprises en matière d’évaluation et de gestion du risque de suicide, de surdoses et d’autres décès pendant la détention. Cependant, ces examens ont eu peu d’incidence continue en partie parce qu’il n’y a pas d’organisme officiel pour communiquer leurs conclusions et encore moins appliquer leurs recommandations. Dans la pratique, certaines compétences provinciales ne procèdent automatiquement à aucun examen ou à aucune enquête lorsque survient un décès « prévu » ou attribuable à des causes « naturelles » dans un établissement de détention fédéral. De plus, les enquêtes publiques sur les décès sont souvent menées longtemps après l’incident, ce qui soulève d’importantes préoccupations quant à la capacité du SCC de cerner et de corriger des lacunes systémiques en temps opportun et de façon raisonnable.

5. Je recommande au ministère de la Sécurité publique de créer un forum consultatif national indépendant regroupant des experts, des praticiens et des groupes d’intervenants afin d’examiner les tendances, de communiquer les leçons apprises et de proposer des projets de recherche qui permettront de réduire le nombre et le taux de décès dans les établissements de détention du Canada. 

53 décès sont survenus dans les établissements de détention fédéraux en 2011-2012

III. Conditions de détention


Gestion de la population

Photo III. Conditions de détention

Entre mars 2010 et mars 2013, la population carcérale fédérale s’est accrue de 8,4 % (1 214 détenus) 25 . Lorsqu’on procède à la répartition des données, il est clair que la croissance récente de la population carcérale n’est pas égale dans les cinq régions du SCC . Les régions de l’Ontario et des Prairies ont connu la plus forte croissance, tant en termes proportionnels qu’absolus. Les deux régions continuent d’excéder leur capacité pondérée et ont eu recours à des mesures extraordinaires pour gérer le nombre croissant de détenus, y compris les transfèrements interrégionaux et les transfèrements non sollicités, qui soulèvent plusieurs questions importantes relativement aux garanties juridiques, à l’application régulière de la loi et à l’équité.

Le système démontre des efforts pour gérer de façon sécuritaire une population carcérale croissante à l’aide d’activités quotidiennes et en offrant un accès adéquat aux programmes et aux services. Il existe à l’échelle nationale, régionale et locale des politiques et des procédures visant à limiter le nombre de délinquants qui peuvent avoir des contacts sur une rangée, dans la cour extérieure ou à la cafétéria. Avec l’accroissement de la population carcérale, il devient de plus en plus difficile de coordonner des activités correctionnelles quotidiennes qui sont conformes aux directives établies dans les lois, les politiques et les procédures.

Double occupation des cellules

Au 31 mars 2013, le taux national de double occupation des cellules, la pratique selon laquelle deux détenus sont logés dans une cellule conçue pour une personne, était de 20,98 %. Depuis longtemps, le Bureau exprime des préoccupations au sujet de cette pratique. En janvier 2013, le Bureau a reçu un document envoyé par le représentant de la section locale de l’UCCO-SACC-CSN à l’Établissement de Bath, un établissement à sécurité moyenne de l’Ontario, soulignant ses inquiétudes à l’égard de la double occupation des cellules. Voici un extrait de la lettre qui résume les points soulevés :

Il existe un lien entre la double occupation des cellules et l’augmentation des incidents graves en établissement. Cette pratique crée des problèmes, car elle multiplie la population de délinquants dans une infrastructure limitée. Lorsqu’on force de gros groupes de détenus à vivre ensemble dans un espace minimal, ils commencent à se disputer au sujet des toilettes, des télévisions, des téléphones, de la nourriture, des espaces de loisirs et de l’équipement. [...] Par conséquent, les taux élevés de voies de fait, de violence, de blessures causées par d’autres et de comportements d’automutilation peuvent augmenter [...] parce qu’on expose ainsi des personnes déjà stressées à un niveau d’anxiété plus élevé et que cette situation exige plus d’elles. Les détenus répondent habituellement à ce type d’anxiété en abandonnant les programmes et les activités professionnelles et de loisirs, car ils sont déprimés ou agressifs, ce qui diminue grandement leur chance de mener à bonne fin leur plan correctionnel. La surpopulation et le manque d’emploi dans les établissements conduisent également à une augmentation des incidents liés à la sécurité dans les établissements 26 . [TRADUCTION]

L’opinion des détenus en ce qui concerne la double occupation des cellules est presque aussi négative et pessimiste. Être enfermé dans un espace d’environ la taille d’une salle de bain moyenne avec une autre personne se traduit inévitablement par une intimité plus limitée et moins de dignité, et cela augmente la possibilité de tension et de violence. Les détenus ont indiqué au Bureau que cette situation est démoralisante et dégradante.

La région des Prairies est un bon exemple de ces pressions. Au cours des cinq dernières années, le nombre d’incidents de voie de fait (y compris les voies de fait sur d’autres détenus, des visiteurs et des membres du personnel, les bagarres entre détenus et les agressions sexuelles) a augmenté de 60 % (de 366 en 2008-2009 à 586 en 2011-2012). Le nombre d’incidents de recours à la force a augmenté de 48 % (passant de 265 à 393) pendant la même période. Au cours des trois dernières années, cinq détenus ont été assassinés dans la région des Prairies, soit plus de la moitié de tous les détenus tués dans les pénitenciers fédéraux.

Ces incidents violents causent souvent des perturbations aux activités quotidiennes de l’établissement, ce qui entraîne beaucoup d’isolement cellulaire, de fouilles, de temps passé en cellule et le refus du personnel de travailler pour des motifs liés à la santé ou à la sécurité. Il y a eu 428 cas d’isolements cellulaires consignés dans les établissements du SCC en 2012-2013. Les mesures prises lors de ces incidents ont des répercussions négatives sur le personnel et les délinquants et soulèvent évidemment des préoccupations pour la sécurité personnelle et la sécurité de l’établissement. D’autres indicateurs de rendement liés à la perturbation de la situation à l’intérieur des établissements fédéraux (comme le nombre d’infractions disciplinaires et d’accusations en établissement, les incidents de recours à la force, et d’automutilation, le nombre de perturbations mineures et majeures, les placements en isolement, les griefs des délinquants) suggèrent que la situation empire.

Pleins feux

Pleins feux

Politique sur le logement des détenus

Au cours de la période visée par le présent rapport, le Service a enfin promulgué ses normes de politique révisées tant attendues sur le logement des détenus. La nouvelle Directive du commissaire comporte beaucoup de lacunes et constitue un changement spectaculaire en matière de principes et de normes. Plus important encore, la nouvelle directive élimine deux principes de longue date des pratiques correctionnelles fédérales : « la cellule individuelle est la forme de logement des délinquants la plus souhaitable et la plus appropriée sur le plan correctionnel » et « la double occupation n’est pas une forme de logement à long terme appropriée dans un milieu correctionnel ». L’omission de ces deux éléments normalise la double occupation en fait de moyen pour répondre aux pressions relatives à la population carcérale plutôt que de considérer cette mesure comme une option exceptionnelle ou temporaire ou comme une possibilité de dernier recours.

La politique révisée présente d’autres problèmes. Par exemple, la nouvelle politique exige toujours que les agents de correction procèdent à une évaluation de la double occupation des cellules afin d’assurer la compatibilité des détenus placés dans une même cellule. Le Bureau est depuis longtemps d’avis que cette pratique est inadéquate − surtout en raison de la quantité d’information et du niveau d’évaluation requis pour pouvoir porter des jugements éclairés (profil psychologique, information médicale, antécédents judiciaires, compatibilité, comportement permissif ou agressif et vulnérabilité). Le Bureau est d’avis que ce genre d’évaluation est plus appropriée si elle est effectuée sous la supervision du directeur de l’établissement, et elle devrait être examinée régulièrement par des autorités régionales.

Lors d’une récente vérification du SCC , on a indiqué que des 216 dossiers de délinquants placés en double occupation dans une cellule examinés, seulement 56 % (ou 120 des 216 dossiers) avait fait l’objet d’une évaluation concernant les délinquants occupant une même cellule 27 . Même avec la nouvelle politique, le personnel de première ligne continue de signaler de la confusion quant à la question de savoir qui est responsable de procéder aux évaluations de la double occupation. Ces conclusions confirment l’opinion du Bureau selon laquelle ces évaluations sont souvent manquantes, incomplètes ou superficielles.

Dans la nouvelle norme de politique, on a également supprimé la référence au nombre maximal de détenus qu’un établissement doit accueillir par niveau de sécurité. La taille et la capacité d’un établissement correctionnel sont extrêmement importantes. Les grands établissements (accueillant plus de 300 délinquants) tendent à favoriser un climat d’anonymat et peuvent inciter des sentiments d’impuissance, d’isolement et d’amertume, des sentiments qui vont à l’encontre des programmes et des objectifs de réinsertion. L’élimination des limites maximales est contraire à la preuve de longue date, qui suggère que les établissements de plus petite capacité sont plus sécuritaires, mieux gérés et donnent de meilleurs résultats correctionnels 28 .

En réponse à ces préoccupations, le sous-commissaire principal a indiqué dans une correspondance du 29 octobre 2012 que les nouvelles normes relatives au logement des détenus [traduction] « ne doivent pas être interprétées comme un changement d’orientation, car le SCC reconnaît que la cellule individuelle est la forme de logement des délinquants la plus souhaitable et la plus appropriée. » Si c’est en fait le cas, il y a alors lieu de se poser la question suivante : pourquoi a-t-on supprimé du cadre stratégique de logement les normes relatives à l’occupation simple des cellules, qui semble « souhaitable » et « appropriée » et aux limites de la capacité physique des établissements du SCC ? Dans un récent rapport de recherche du SCC visant à évaluer les conséquences du surpeuplement dans les prisons, on convient que « La littérature indique qu’il y a un lien entre la surpopulation et le stress psychologique et physiologique chez les délinquants [...] », et, par ailleurs, que la surpopulation carcérale « a un effet mineur sur l’inconduite en établissement. » Le rapport conclut que « les universitaires et les organisations de la justice pénale, dont le SCC , reconnaissent que la double occupation des cellules ne devrait pas devenir une pratique courante ou une stratégie à long terme dans les établissements correctionnels. 29 » La politique révisée du SCC sur le logement des détenus est contraire aux données disponibles et à l’expérience, qui indiquent que si des mesures de protection appropriées ne sont pas mises en place, la double occupation des cellules comme solution au surpeuplement des prisons est une pratique qui compromet la sécurité du personnel et des détenus.

6. Je recommande au SCC de rétablir dans sa politique sur le logement des détenus le principe selon lequel la cellule individuelle est la forme de logement des délinquants la plus souhaitable et la plus appropriée. 

Pleins feux

Le Bureau a cerné certaines lacunes graves dans le processus d’examen du recours à la force par le SCC , qui encore une fois remet en question la capacité du Service de détecter et de corriger les anomalies. Dans le cadre des changements apportés à la politique relative au processus d’examen du recours à la force, qui est entrée en vigueur en avril et en juin 2012, le nombre et le type d’incidents qui font l’objet d’un examen régional ou national a été réduit de façon considérable. Selon les nouvelles règles, les incidents de recours à la force « modérés » font maintenant l’objet d’un examen régional (ou de niveau deux) dans seulement 25 % des cas. Un examen national vise un échantillon alléatoire « sélectif » de 5 % des incidents de recours à la force tirés du processus d’examen régional. Le Bureau s’inquiète que les incidents de recours à la force non conformes ou inappropriés ne sont pas soumis aux niveaux d’examen ou à la chaîne de responsabilisation comme ils le devraient. Il n’y a toujours pas de directive nationale claire sur la sélection des dossiers au niveau de l’administration régionale et de l’administration centrale pour les ratios de 25 % et de 5 %. À moins que l’intervention de recours à la force ne soit « signalée » au niveau régional, elle ne sera peut-être jamais portée à l’attention des autorités nationales.

À mon avis, il n’est pas approprié d’utiliser un processus de sélection aléatoire pour l’examen des interventions de recours à la force. L’expérience et le bon sens exigent que l’on s’assure que, dans un milieu correctionnel, la force est utilisée de façon appropriée, judicieuse et proportionnelle à l’incident. Des mécanismes fiables doivent être en place pour consigner et examiner les incidents de recours à la force et produire les rapports connexes. Auparavant, les autorités nationales examinaient tous les incidents de recours à la force dans tous les établissements du SCC au pays, mais, selon les nouvelles directives, ces autorités examinent maintenant « au hasard » seulement 5 % de plus de 1 200 incidents rapportés chaque année. La raison d’un processus d’examen du recours à la force est sûrement de tenir l’organisation responsable de cerner les secteurs de non-conformité et de corriger les lacunes. Il n’est simplement pas sage de réduire la supervision ou de se décharger de la responsabilité de cette activité à risque élevé.

Le Bureau a signalé de graves problèmes de longue date en matière de non-conformité aux directives actuelles relatives au recours à la force, notamment en ce qui concerne les évaluations de soins de santé à la suite d’incidents de recours à la force, l’enregistrement vidéo de ces incidents et les procédures de décontamination. Ces lacunes sont particulièrement inquiétantes, car près de 60 % de tous les scénarios de recours à la force comportent l’utilisation d’aérosol inflammatoire, dans 16 % des incidents des problèmes de santé mentale ont été signalés et dans près de 10 % des cas, l’option de recours à la force la plus raisonnable et sécuritaire ou la moins restrictive possible n’a pas été utilisée. Il va sans dire que ces taux de conformité déjà médiocres nécessitent plus, pas moins d’attention de la part des autorités nationales.

7. Je recommande que tout incident de recours à la force impliquant un délinquant atteint d’un trouble mental fasse l’objet d’un examen obligatoire au niveau de l’établissement et au niveau régional. Les problèmes de non-conformité doivent être rapportés à l’Administration centrale aux fins d’examen et de détermination de mesures correctives. 

8. Je recommande que les autorités régionales examinent tous les incidents de recours à la force auxquels participent les équipes d’intervention en cas d’urgence. 

Il est troublant de constater que certains employés de première ligne continuent d’insister que la procédure pour signaler les incidents au cours desquels ils ont sorti ou brandi une arme (p. ex., un bâton, du gaz poivré ou même un fusil) doit être différente que lorsqu’ils ont utilisé ou déchargé ces armes. Il y a depuis longtemps des écarts entre les incidents et le signalement de ce qui est considéré comme « devant être signalé » (et par conséquent digne d’un examen) et ce qui est considéré comme habituel. La politique à ce sujet est tout à fait claire : un incident de recours à la force devant être signalé comprend l’utilisation ou la menace d’utilisation, l’exposition, le chargement d’une arme, y compris l’exposition d’un contenant de gaz poivré 30 . Il ne devrait y avoir aucune ambiguïté à ce sujet parmi le personnel formé, accrédité et professionnel; des règlements semblables régissent tous les organismes d’application de la loi au Canada. Il y a de bons motifs juridiques et pratiques pour lesquels ces procédures ont été adoptées et pour lesquels il faut s’y conformer à titre de procédure et de principe.

Il existe d’autres pratiques inquiétantes. Les examens de recours à la force ne respectent pas systématiquement les délais prévus pour l’examen : il n’est pas rare qu’un délinquant soit libéré ou transféré ou qu’il passe à autre chose avant que l’examen de l’incident soit terminé. Il y a certains dossiers de recours à la force qui datent d’aussi loin que 2009 et qui sont encore considérés « en cours » par le SCC . Trop souvent, lorsque le dossier est finalement examiné ou passe à l’étape de l’examen, les intervenants ne sont plus les mêmes et il est alors simplement impossible d’assurer un bon suivi ou de prendre des mesures correctives adéquates. Pour le SCC , lorsque le statut d’un dossier est « en cours », cela signifie souvent « aucune autre mesure requise ».

Cette année, le Bureau a examiné un certain nombre de rapports d’examen de niveau national qui étaient tous à peu près semblables, n’indiquaient qu’un effort d’analyse minimal et n’offraient que peu de valeur ajoutée. Les examens étaient souvent superficiels et symboliques sur le plan du format et de la méthode. Plus important encore, le Bureau a relevé une interférence de l’Administration centrale concernant certaines des demandes de partage d’information ou de dossiers présentées par des autorités régionales. Le Bureau n’est pas informé régulièrement comme il le devrait des incidents graves qui surviennent ou comme le prévoit la politique. Des dossiers qui, de l’avis du Bureau, méritent d’être acheminés directement aux fins d’un examen « prioritaire » au niveau national peuvent trainer ou être laissés en attente très longtemps en raison de retards procéduraux. Cela étant dit, le Bureau n’est pas une mesure de remplacement (ou une mesure de sécurité) en lieu du processus d’examen du recours à la force du SCC . Le Service est requis par la loi de s’assurer que les interventions de recours à la force sont conformes à la lettre de la loi.

Équipes d’intervention en cas d’urgence

Dans les dossiers de recours à la force examinés par le Bureau pour l’année 2012-2013, les équipes d’intervention en cas d’urgence ( EIU ) sont intervenues dans plus de 10 % de tous les incidents de recours à la force dans les établissements pour hommes. Bien qu’autrefois on ait eu recours à l’intervention de l’ EIU seulement pour les procédures à risque élevé (dissiper les émeutes, procéder à l’extraction d’un détenu qui oppose une résistance physique de sa cellule), on l’utilise maintenant de plus en plus dans un rôle de soutien, soit comme escorte ou dans le cadre de mouvements internes de la population. Dans certains établissements, « l’encadrement » du personnel de première ligne par l’ EIU est devenu une procédure normale pour faciliter une fouille dans une rangée par exemple. L’ EIU , vêtue de tout leur équipement protecteur a même été utilisée pour « superviser » un traitement médical. En vertu des nouvelles procédures d’examen du recours à la force, il n’y a aucune obligation de signaler le déploiement de l’ EIU .

Il y a de plus en plus d’incidents de recours à la force concernant des personnes atteintes de troubles mentaux. On peut également faire appel à l’ EIU pour maîtriser un délinquant atteint de trouble mental qui est « en crise ». Les incidents de recours à la force visant des détenus « à problème » ou des détenus récalcitrants sont souvent liés à des situations où le comportement « bizarre » ou « menaçant » est causé par un problème de santé mentale. Dans le cadre des déploiements concernant des délinquants atteints de problèmes de santé mentale, la composition et le comportement d’une EIU armée et utilisant tout l’équipement de protection ne laissent habituellement aucune place à la subtilité quant à l’objectif ou aux mesures. Le Bureau a examiné des enregistrements vidéo de certaines mesures prises par l’ EIU qui soulèvent de graves préoccupations quant à la nature et au caractère approprié du niveau de force utilisé dans le cadre d’incidents visant des délinquants atteints de troubles mentaux. Il ne s’agit pas de cas isolés.

9. Je recommande que la formation d’intervention en cas d’urgence soit mise à niveau afin d’y inclure des normes et des protocoles à utiliser dans le cadre d’intervention où un trouble de santé mentale est cerné. Des séances de sensibilisation et de formation sur les troubles de santé mentale et l’automutilation, notamment les techniques de désamorçage, devraient être des éléments obligatoires de cette formation. 

Information et protection de la vie privée

La Loi sur la protection des renseignements personnels impose certaines obligations aux ministères et organismes fédéraux en ce qui concerne la protection des renseignements personnels qu’ils recueillent, archivent, utilisent ou communiquent. Étant donné la quantité et la gamme de renseignements de nature délicate que le SCC recueille et conserve, il est tenu de s’assurer qu’il y a en place des pratiques et des processus pour se protéger de tout risque concernant les renseignements personnels ou le partage non autorisé de ces renseignements.

Chaque année, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada reçoit de délinquants purgeant une peine de ressort fédéral un nombre important de plaintes officielles, ces plaintes représentent environ le tiers de toute sa charge de travail en matière de plaintes. Ces dernières visent habituellement l’utilisation inadéquate de renseignements personnels, l’accès inapproprié aux renseignements détenus ou recueillis par le SCC ou la divulgation de ceux-ci. Dans un milieu carcéral, le manquement aux obligations en matière de renseignements personnels protégés, par exemple, les dossiers médicaux de détenus, les renseignements de sécurité ou les antécédents criminels, peut avoir des conséquences graves.

10.  Je recommande au SCC de procéder à une vérification interne de ses pratiques et procédures en matière de protection des renseignements personnels des détenus. 

Pleins feux

IV. Questions autochtones


Photo IV. Questions autochtones

« En clair, les tribunaux doivent prendre connaissance d’office de questions telles que l’histoire de la colonisation, des déplacements de populations et des pensionnats et la façon dont ces événements se traduisent encore aujourd’hui chez les peuples autochtones par un faible niveau de scolarisation, des revenus peu élevés, un taux de chômage important, des abus graves d’alcool ou d’autres drogues, un taux élevé de suicide et, bien entendu, un taux élevé d’incarcération. » ( R. c. Ipeelee , 2012 CSC 13)

La population de délinquants autochtones purgeant une peine de ressort fédéral est complexe. Comme les Autochtones forment un des segments de la population du Canada les plus jeunes et qui augmentent le plus rapidement, il est probable que le taux d’incarcération pour cette partie de la population va continuer d’être disproportionné 31 . On estime que le taux d’incarcération autochtone est déjà 10 fois plus élevé que la moyenne nationale 32 . Aujourd’hui, 22 % de la population carcérale fédérale se dit d’origine autochtone. Les femmes autochtones représentent 33,6 % de toutes les femmes purgeant une peine de ressort fédéral au Canada. Les tendances actuelles en matière de détermination de la peine et la population croissante de jeunes indiquent que la surreprésentation des Autochtones dans le système carcéral du Canada augmentera probablement.

Certains progrès sont signalés :

  • Les délinquants autochtones participent plus rapidement à leur premier Programme correctionnel reconnu à l’échelle nationale ( PCREN ) que les délinquants non autochtones.
  • Un pourcentage plus élevé de délinquants autochtones chez qui on a cerné un besoin en emploi suit une formation professionnelle ou obtient un certificat connexe durant l’incarcération avant leur date d’admissibilité à la libération conditionnelle totale comparativement aux délinquants non autochtones.
  • Les délinquants autochtones accèdent à leur premier PCREN plus rapidement que les délinquants non autochtones.
  • Le pourcentage de délinquants aiguillés vers des programmes d’éducation approuvés dans les 120 jours de leur admission est plus élevé chez les délinquants autochtones que chez les délinquants non autochtones.

Toutefois, comme l’indiquent beaucoup d’indicateurs de rendement clés et de résultats en milieu correctionnel, l’écart entre les délinquants autochtones et non autochtones continue de s’élargir :

  • Les délinquants autochtones restent en prison plus longtemps et à des niveaux de sécurité plus élevés que les délinquants non autochtones.
  • Ils sont surreprésentés dans les placements en isolement, les populations d’établissements à sécurité maximale, et en ce qui concerne les accusations d’infractions disciplinaires et les incidents de recours à la force.
  • Bien que le taux d’octroi de libération conditionnelle soit faible pour tous les détenus, il est bien pire et se détériore rapidement pour les détenus autochtones (hommes et femmes); en fait, la plupart des détenus autochtones sont libérés d’office (aux deux tiers de la peine) ou à la date d’expiration du mandat, mais pas parce qu’ils bénéficient d’une libération conditionnelle.
  • Au cours du dernier exercice, des délinquants autochtones étaient impliqués dans 45 % de tous les incidents d’automutilation survenus dans les prisons fédérales 33 .

Depuis 2005-2006, la population de détenus autochtone a augmenté de plus de 40 %. Il y a maintenant plus de 3 500 Autochtones incarcérés dans les pénitenciers fédéraux. Plus de la moitié du nombre moyen quotidien dans plusieurs établissements de la région des Prairies est autochtone.

La surreprésentation des détenus autochtones (hommes et femmes) qui ont des démêlés avec le système de justice pénale canadien n’est pas un fait nouveau. Les facteurs sociaux, culturels, historiques et économiques qui entraînent la hausse des taux d’incarcération, qui sont 10 fois plus élevés chez les Autochtones ont été largement documentés. Dans les arrêts R. c. Gladue (1999) et R. c. Ipeelee (2012), la Cour suprême du Canada a confirmé qu’il faut prendre en compte les antécédents sociaux des Autochtones lorsque les intérêts relatifs à la mise en liberté d’un délinquant autochtone sont en cause :

  • Répercussions du régime des pensionnats;
  • Expérience avec les organismes de protection de la jeunesse ou d’adoption;
  • Répercussions du déplacement massif et de la dépossession des peuples autochtones;
  • Antécédents de suicide, de toxicomanie ou de victimisation dans la famille ou la collectivité;
  • Perte ou problème d’identité culturelle/spirituelle;
  • Niveau de scolarité ou manque d’instruction du délinquant;
  • Pauvreté et mauvaises conditions de vie;
  • Exposition ou adhésion aux gangs de rue autochtones.

Malgré l’intégration des principes Gladue au cadre stratégique du SCC , il y a peu de données probantes qui suggèrent que ces principes sont appliqués régulièrement par les autorités du SCC ou qu’ils changent concrètement la vie des détenus autochtones qui purgent une peine de ressort fédéral.

Une question de spiritualité

C’était le contexte lorsque le Bureau a publié le 7 mars 2013 un rapport d’enquête systémique sur la façon dont le SCC a répondu aux directives du Parlement visant le partage des soins et de la garde des délinquants autochtones avec les communautés autochtones en vertu des articles 81 et 84 de la LSCMLC . Pour la deuxième fois seulement dans l’histoire du Bureau les dispositions de l’article 193 de la LSCMLC – Rapport spécial au Parlement – sont utilisées, cette fois-ci dans le rapport, intitulé Une question de spiritualité : les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition 34 . Selon l’évaluation du Bureau, les problèmes auxquels sont confrontés les Autochtones incarcérés dans le réseau des pénitenciers fédéraux sont importants et urgents, et demandent des solutions exhaustives et immédiates.

Il y a eu une série de retards procéduraux imprévus avant le dépôt du rapport au Parlement. Le rapport final a été présenté au commissaire le 22 octobre 2012. Selon la pratique courante du bureau, on a demandé au commissaire de répondre aux 10 recommandations formulées dans le rapport au plus tard le 12 novembre 2012. Malgré de nombreuses demandes de suivi, à la fin de décembre, je n’avais toujours pas reçu de réponse du commissaire. Le 7 janvier 2013, j’ai demandé au ministre d’intervenir. Comme réponse, le 30 janvier 2013, le ministre m’a demandé de lui présenter mon rapport en vue de son dépôt au Parlement, conformément aux dispositions de l’article 193 ( Rapport spécial ) de la LSCMLC . Étant donné l’importance et l’urgence des problèmes signalés, et comme je n’avais toujours pas reçu de réponse du SCC , j’ai décidé de communiquer le rapport conformément à l’article 193. Une question de spiritualité a finalement été déposé au Parlement le 7 mars 2013, quatre mois après avoir été envoyé au commissaire aux fins de réponse.

Je m’attendais à des mesures importantes et exhaustives, comparables à celles qui avaient été prises pour le dépôt du rapport Une question de spiritualité déposé devant le Parlement. En fin de compte, la réponse du Service correctionel n’a satisfait aucune de mes attentes. Dans une correspondance envoyée au commissaire le 8 mars 2013, j’ai indiqué que la réponse du SCC manquait de « substance, d’éloquence et de clarté ». En ce qui concerne certains points, par exemple ma recommandation de nommer un sous-commissaire responsable des services correctionnels pour les Autochtones, la réponse a été simplement une reformulation de la position antérieure du SCC . Ma conclusion à l’époque, et encore aujourd’hui, est que la réponse du SCC ne satisfait pas à l’urgence ou à l’importance qu’exigeaient les problèmes soulignés dans mon Rapport spécial au Parlement. J’ai par la suite fait part au ministre de mes préoccupations à l’égard de la réponse du SCC .

11. Je recommande au Service correctionnel du Canada de publier une fiche de rendement publique résumant les principaux résultats correctionnels, programmes et services pour les Autochtones, qui devra être présentée au Parlement par le ministre de la Sécurité publique. 

12. Je recommande que, dans les années à venir, le Service correctionnel du Canada publie une mise à jour de sa réponse au rapport Une question de spiritualité , en collaboration et en consultation avec son Comité consultatif national sur les questions autochtones. 

13. Je recommande au Service correctionnel du Canada de procéder à une vérification de l’utilisation des principes de l’arrêt Gladue dans le processus de prise de décisions correctionnelles lorsque les importants intérêts relatifs à la vie et à la mise en liberté des délinquants autochtones sont en cause, y compris les placements pénitentiaires, la classification de sécurité, l’isolement, le recours à la force, les soins de santé et la libération conditionnelle. 

V. Accès aux programmes


Photo V. Accès aux programmes

Travail et formation professionnelle en milieu carcéral

Environ trois délinquants sur cinq ont des besoins associés à l’emploi lorsqu’ils sont admis dans un établissement correctionnel. La recherche menée par le SCC a confirmé un certain nombre d’associations positives entre les délinquants qui ont un travail en milieu carcéral et qui suivent une formation professionnelle pendant leur incarcération :

  • Taux d’admission en isolement plus faible;
  • Moins d’accusations d’infractions disciplinaires;
  • Taux d’obtention de libération conditionnelle plus élevé;
  • Meilleure possibilité d’obtenir et de conserver un emploi dans la collectivité.

De plus, il y avait presque trois fois moins de risque que les délinquants occupant un emploi dans la collectivité voient leur libération révoquée en raison d’une nouvelle infraction que ceux qui n’ont pas d’emploi 35 .

Bien que ces résultats soient encourageants, il y a encore plusieurs obstacles à la formation professionnelle. Le plus grand obstacle à une participation active aux programmes d’emploi et de formation professionnelle n’est pas le manque d’intérêt du détenu, mais plutôt le manque de possibilités d’emploi et de formation valorisantes. L’utilisation du placement à l’extérieur a diminué de près de 39 % au cours des 10 dernières années; en 2011-2012, seulement 363 détenus ont bénéficié d’un placement à l’extérieur autorisé par le directeur de l’établissement 36 . Bien que le travail pour les industries de production de CORCAN soit considéré comme un programme de réadaptation par le SCC et offre une formation professionnelle limitée et un certificat de compétences, on s’inquiète que les emplois, principalement ceux dans les secteurs de la buanderie et des textiles, de la fabrication et de la construction, ne correspondent pas aux réalités et aux exigences actuelles du marché de l’emploi.

Bien que les délinquantes participent à de nombreuses activités de formation axée sur les compétences et de formation professionnelle (y compris la préparation des aliments, le service à la clientèle, la coiffure, le toilettage d’animaux et l’informatique), beaucoup d’entre elles continuent d’exprimer le désir d’acquérir des compétences autres que celles liées aux tâches « ménagères » (buanderie, couture, repassage et pliage de vêtements, par exemple). Pour les détenus de sexe masculin, la formation professionnelle et les programmes d’apprentissage – par exemple, la menuiserie, l’électricité et les travaux mécaniques – fournissent une meilleure base pour trouver un emploi, gagner leur vie et ne pas récidiver après leur libération dans la collectivité.

14.  Je recommande au SCC d’augmenter le nombre de placements à l’extérieur et d’améliorer l’accès à des possibilités de travail et de formation professionnelle valorisantes en milieu carcéral pour répondre aux besoins établis dans un plan correctionnel afin de mieux préparer les délinquants à leur libération sécuritaire et réussie dans la collectivité. 

Aumônerie

En octobre 2012, on a annoncé que les contrats à temps partiel de services d’aumônerie ne seraient pas renouvelés à la fin de l’exercice 2012-2013. Cette décision a principalement une incidence sur les services religieux fournis par les aumôniers non chrétiens à forfait dans les établissements du SCC . À l’exception de quelques-uns, les quelque 70 aumôniers à temps plein du SCC représentent la foi chrétienne. Les aumôniers à temps partiel seront remplacés par différents bénévoles, alors que les aumôniers permanents devront offrir des conseils d’ordre spirituel et une orientation religieuse multiconfessionnels à la population carcérale générale.

Le Canada est une société multiculturelle et multiconfessionnelle. L’appartenance religieuse des délinquants est de plus en plus diversifiée. Les prisonniers ne perdent pas leur droit constitutionnel d’exprimer leurs croyances religieuses et spirituelles parce qu’ils sont incarcérés. Le SCC a une obligation certaine de répondre aux différents besoins en matière d’appartenance et de croyances religieuses.

15. Je recommande qu’on procède en 2013-2014 à un examen externe de l’accès des détenus à des services spirituels, à la liberté d’expression religieuse et à la pratique de leur foi dans les établissements du SCC

VI. Femmes purgeant une peine de ressort fédéral


Photo VI. Femmes purgeant une peine de ressort fédéral

Tendances en matière de population

Le nombre de femmes purgeant une peine de ressort fédéral demeure faible par rapport aux hommes, mais il augmente à un rythme beaucoup plus rapide. Entre mars 2003 et mars 2013, la population carcérale féminine a augmenté d’un peu plus de 60 %. Une femme purgeant une peine de ressort fédéral sur trois est autochtone. Depuis 2003, ce groupe a augmenté de 83,7 %.

En septembre 2012, est publié un rapport d’examen indépendant demandé par le ministère de la Sécurité publique intitulé Marginalisées : L’expérience des femmes autochtones au sein des services correctionnels fédéraux 37 . Le rapport externe examinait les raisons de la surreprésentation des femmes autochtones dans les pénitenciers fédéraux, dressant un triste portrait de désorganisation, d’isolement, de violence, de pauvreté, de victimisation et de discrimination. Les auteurs y examinent plusieurs thèmes qui appuient les conclusions et les recommandations du Bureau relativement à ce secteurs des services correctionnels : le surclassement des détenues autochtones, le taux élevé d’automutilation chez les femmes autochtones, le manque de programmes appropriés sur le plan culturel et le recours limité aux dispositions de la LSCMLC sur la prise en charge et la garde partagées des délinquants autochtones avec les communautés autochtones.

Il existe une gamme de services, de programmes et de mesures de soutien particulièrement adaptés pour les délinquantes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral. Malgré cela, les femmes autochtones, comme leurs pairs de sexe masculin, sont surreprésentées dans les unités d’isolement, les unités à sécurité maximale et les incidents de recours à la force. En 2011-2012, des femmes autochtones étaient concernées dans près de 75 % de tous les incidents d’automutilation visant des délinquantes. Trop souvent, les mesures axées sur la sécurité prises pour répondre à ces incidents – accusations d’infractions disciplinaires, placement en isolement, réévaluation du niveau de sécurité – limitent l’accès aux services et aux mesures de soutien qui pourraient être bénéfiques pour ces femmes.

16. Je recommande au SCC de répondre publiquement aux problèmes et aux préoccupations soulevés dans le rapport externe intitulé Marginalisées : L’expérience des femmes autochtones au sein des services correctionnels fédéraux. 

Tendance sur une période de 10 ans relative aux femmes purgeant une peine carcérale de ressort fédéral

Regard sur l’avenir des services correctionnels pour les femmes

Au cours de la prochaine année, le Bureau lancera une enquête sur le traitement et la gestion des délinquantes qui s’automutilent de manière chronique pendant qu’elles purgent une peine dans un établissement du SCC .

En réponse aux plaintes déposées par les femmes purgeant une peine de ressort fédéral, le Bureau continuera d’assurer un suivi des enjeux en matière de gestion de la population en Ontario et dans les Prairies, la participation au programme mère-enfant, l’accès au monde extérieur et la nécessité d’offrir des possibilités d’emplois et de formation professionnelle valorisantes pour les femmes.

Transparence et responsabilisation dans les services correctionnels


Le SCC et le BEC croient que de bons rapports de travail se caractérisent notamment par l’ouverture, la bonne foi, le respect, la coopération et la communication efficace 38 .

Il est de l’intérêt de toutes les parties de résoudre rapidement les plaintes des délinquants et les préoccupations concernant les conditions de détention, ce qui devrait presque toujours être possible dans le contexte d’une relation de travail productive et professionnelle axée sur la collaboration entre le SCC et le Bureau. À titre d’enquêteur correctionnel, mon pouvoir se limite à formuler des recommandations, je ne peux pas forcer le Service correctionnel à les accepter ou à les mettre en œuvre. J’accepte le fait qu’il y aura toujours certains points sur lesquels un organe d’examen et l’organisation qu’il supervise ne pourront pas s’entendre, mais même lorsqu’il n’est pas d’accord, l’organisation est quand même tenue de répondre. L’obligation de rendre compte est en fait une obligation centrale d’un service correctionnel moderne et réceptif.

Les rapports annuel et spécial du Bureau sont déposés au Parlement par le ministre de la Sécurité publique. Comme le veut une pratique exemplaire qui date de plusieurs années et qui a été adoptée pour répondre aux observations de la Commission d’enquête Arbour en 1996 et de l’examen quinquennal de la LSCMLC par un sous-comité parlementaire en mai 2000, la réponse du SCC aux recommandations contenues dans mes rapports annuels a été incluse comme partie intégrante du rapport même. Bien que, techniquement, il ne s’agisse pas d’une obligation établie par la LSCMLC , c’est une pratique courante pour la plupart des organes d’examen. Les rapports du vérificateur général du Canada, par exemple, comprennent les réponses des ministères ou organismes relativement à ses conclusions et à ses recommandations.

Après une décision prise pendant la période couverte par le présent rapport, j’ai été informé par une correspondance du commissaire datée du 1er février 2013, que le gouvernement du Canada ne répondrait qu’après le dépôt de mes rapports au Parlement. Ce n’est pas ainsi que je préfère faire les choses. Mon Bureau, les personnes purgeant une peine et leur famille, le Parlement et tous les Canadiens ont le droit de savoir comment le SCC répond aux recommandations visant à accroître la responsabilisation et à assurer la justice, la légalité et la conformité aux politiques. Si le SCC appuie ou accepte une recommandation formulée par le Bureau, on a toute raison de s’attendre à ce qu’il y réponde de bonne foi de façon opportune et proactive. D’un autre côté, si le Service n’appuie pas ou rejette une recommandation, il devrait expliquer publiquement pourquoi, et cette opinion pourra alors faire l’objet d’un débat lors du dépôt au Parlement.

17. Aux fins de transparence et de responsabilisation, je recommande le rétablissement de la pratique exemplaire visant l’inclusion de la réponse du Service correctionnel du Canada comme partie intégrante de mes rapports déposés au Parlement. 

Vision de l’enquêteur correctionnel pour 2013-2014


Je suis conscient que c’est une période difficile pour le Service correctionnel du Canada. Au cours de la prochaine année, l’incidence cumulative d’une série de réformes juridiques et politiques sera ressentie de façon plus intégrale, et il y aura beaucoup de pression sur le SCC pour qu’il accomplisse plus avec moins de ressources. D’ici la fin de 2014, la contribution du Service au Plan d’action pour la réduction du déficit (PARD) mis de l’avant par le gouvernement représentera une réduction de 295 M$ de son budget de fonctionnement. Les dépenses prévues par le SCC pour 2013-2014 s’élèvent à 2,6 milliards de dollars, soit une diminution de 14 % comparativement à l’année précédente. La fermeture de trois pénitenciers (Leclerc, Kingston et le Centre régional de traitement de l’Ontario) ainsi que le transfèrement de 1 000 détenus de l’Ontario et du Québec, certains d’entre eux ayant des besoins complexes en matière de santé mentale, constituent une immense tâche sur les plans logistique et opérationnel. Entretemps, l’investissement massif de 637 M$ pour construire ou rénover 2 700 cellules dans plus de 30 établissements opérationnels d’ici la fin de 2014 ajoute des pressions opérationnelles et budgétaires considérables sur le Service.

Les médias et le public devraient continuer de suivre minutieusement l’enquête en cours sur le décès de Ashley Smith, ce qui soulèvera sans doute plus de questions troublantes quant à la pertinence de la gestion de troubles mentaux graves dans un environnement carcéral. Au cours de la prochaine année, le Bureau lancera une enquête sur le traitement et la gestion des délinquantes qui s’automutilent, et je m’attends entièrement à ce que le Service fasse des progrès réels pour trouver d’autres solutions plus humaines et appropriées que la prison pour gérer les besoins complexes en matière de santé mentale.

Comme l’indique clairement mon rapport cette année, l’accroissement de la diversité ethnoculturelle apporte un important éventail de défis quant à la prestation et à la pertinence des programmes correctionnels et à la nécessité d’accroître les compétences et les activités de sensibilisation et de formation relatives aux cultures pour le personnel du SCC . Comme le suggèrent les données d’un récent recensement, ce sont des défis à long terme et il faut les relever avec détermination et leadership engagé. Dans le rapport de cette année on trouve des conclusions et des recommandations à ce sujet sur lesquelles devraient être fondées les réformes à venir.

Le Bureau reçoit plus de plaintes visant les relations entre le personnel et les détenus, les conditions de détention et les activités quotidiennes dans les établissements. Il s’agit de points qui semblent tous en partie attribuables à des facteurs liés au climat actuel au sein de l’effectif. Le nombre élevé de membres du personnel qui refusent de travailler dans des conditions qui vont à l’encontre des normes de santé et de sécurité établies dans le Code canadien du travail ne constitue qu’un indicateur des conditions de travail du personnel de première ligne, tout comme les résultats troublants du Sondage sur le climat éthique 2012 du SCC .

La déstabilisation du milieu de travail entraîne un processus décisionnel affaibli. Il est difficile de se concentrer sur l’équité à l’égard des autres lorsqu’on se considère traité injustement soi-même. La plus grande partie du travail d’un ombudsman est d’évaluer dans quelle mesure une décision administrative est raisonnable et équitable. Ce faisant, le Bureau essaie de déterminer si le décideur a tenu compte de tous les éléments de preuve et de toutes les politiques et s’il existe un lien clair entre les faits et la conclusion. Pour qu’une décision soit raisonnable, tous les arguments doivent avoir été examinés et le processus ou la mesure utilisé pour résoudre le problème doit établir que bien que d’autres résultats aient été possibles, tous les facteurs regroupés ont conduit à un seul résultat approprié et équitable. Il ne suffit pas que le personnel correctionnel confirme que la politique a été respectée. Les décisions raisonnables vont plus loin que la simple conformité, il faut aussi être en mesure de démontrer qu’elles sont équitables. Les décisions discrétionnaires ne doivent pas seulement être liées de façon rationnelle à la politique, elles doivent être claires, fondées sur l’examen de tous les facteurs pertinents et exemptes de tout préjugé. Nous ferons plus d’efforts au cours des prochaines années pour favoriser une culture d’équité dans l’ensemble du SCC et s’assurer que les décisions prises sont non seulement juridiquement fondées, mais qu’elles sont aussi raisonnables et équitables.

Bien que le Bureau n’ait jamais fait de commentaires sur les relations de travail, dans certains établissements, l’environnement de travail négatif nuit de plus en plus aux conditions de détention et aux activités quotidiennes des détenus. À la lumière de ces développements, le Bureau n’hésitera pas à mener une enquête lorsque ces problèmes ont une incidence négative sur la capacité du Service à appliquer des pratiques correctionnelles légales, sécuritaires, équitables et appropriées.

À l’avenir, je voudrais voir le Service faire des progrès dans différents secteurs de préoccupation cernés dans le présent rapport. Comme le requiert mon mandat, je surveillerai les manquements et les lacunes en ce qui concerne les pratiques correctionnelles et j’informerai le commissaire, le ministre et le Parlement des mesures correctives à prendre au besoin. Au cours de la prochaine année, je m’engage de nouveau, ainsi que le Bureau, à appliquer les principes auxquels est assujetti le Bureau depuis sa création, c’est-à-dire l’indépendance, l’impartialité, l’accessibilité et la souplesse.

Pleins feux

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel


Le Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel a été créé en décembre 2008 en l’honneur de M. Ed McIsaac, qui a longtemps été directeur exécutif du Bureau de l’enquêteur correctionnel et un fervent défenseur des droits de la personne au sein du système correctionnel. Ce prix vise à souligner les services insignes et l’engagement à améliorer les services correctionnels au Canada et à protéger les droits des détenus.

En 2012, le Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel a été remis à M. Jean-Claude Bernheim, criminologue et chargé de cours à l’Université Laval.

Prix Ed McIsaac pour la promotion des droits de la personne dans le système correctionnel

De gauche à droite : M. Howard Sapers, M. Jean-Claude Bernheim (au centre) et M. Ivan Zinger

Annexe A : Sommaire des recommandations


  1. Je recommande au SCC d’élaborer un plan national de sensibilisation et de formation sur la diversité qui comprend un volet de formation pratique et opérationnelle sur la diversité, la sensibilisation aux cultures et la compétence culturelle. Ce plan de formation doit être intégré au cadre général de formation. 
  2. Je recommande au SCC de créer un poste d’agent de liaison sur l’ethnicité à chaque établissement, dont les responsabilités seraient d’établir et de maintenir des relations avec les groupes et organismes communautaires de différentes cultures, de veiller à ce qu’on réponde aux besoins des détenus de minorité visible et de favoriser l’élaboration et l’exécution de programmes qui tiennent compte des différentes cultures au sein de l’établissement. 
  3. Je recommande au SCC de nommer des défenseurs des droits des patients ou des coordonnateurs de la qualité des soins indépendants dans chacun des cinq centres régionaux de traitement. 
  4. Je recommande au SCC d’identifier sans délai les détenus, hommes et femmes, atteints des troubles mentaux les plus graves aux fins d’examen par des experts en santé mentale externes, et qu’il suggère des options de traitement et de placement axés sur la santé. 
  5. Je recommande au ministère de la Sécurité publique de créer un forum consultatif national indépendant regroupant des experts, des praticiens et des groupes d’intervenants afin d’examiner les tendances, de communiquer les leçons apprises et de proposer des projets de recherche qui permettront de réduire le nombre et le taux de décès dans les établissements de détention du Canada. 
  6. Je recommande au SCC de rétablir dans sa politique sur le logement des détenus le principe selon lequel la cellule individuelle est la forme de logement des délinquants la plus souhaitable et la plus appropriée. 
  7. J e recommande que tout incident de recours à la force impliquant un délinquant atteint d’un trouble mental fasse l’objet d’un examen obligatoire au niveau de l’établissement et au niveau régional. Les problèmes de non-conformité doivent être rapportés à l’Administration centrale aux fins d’examen et de détermination de mesures correctives. 
  8. Je recommande que les autorités régionales examinent tous les incidents de recours à la force auxquels participent les équipes d’intervention en cas d’urgence. 
  9. Je recommande que la formation d’intervention en cas d’urgence soit mise à niveau afin d’y inclure des normes et des protocoles à utiliser dans le cadre d’intervention où un trouble de santé mentale est cerné. Des séances de sensibilisation et de formation sur les troubles de santé mentale et l’automutilation, notamment les techniques de désamorçage, devraient être des éléments obligatoires de cette formation. 
  10. Je recommande au SCC de procéder à une vérification interne de ses pratiques et procédures en matière de protection des renseignements personnels des détenus. 
  11. Je recommande au Service correctionnel du Canada de publier une fiche de rendement publique résumant les principaux résultats correctionnels, programmes et services pour les Autochtones, qui devra être présentée au Parlement par le ministre de la Sécurité publique. 
  12. Je recommande que, dans les années à venir, le Service correctionnel du Canada publie une mise à jour de sa réponse au rapport Une question de spiritualité , en collaboration et en consultation avec son Comité consultatif national sur les questions autochtones. 
  13. Je recommande au Service correctionnel du Canada de procéder à une vérification de l’utilisation des principes de l’arrêt Gladue dans le processus de prise de décisions correctionnelles lorsque les importants intérêts relatifs à la vie et à la mise en liberté des délinquants autochtones sont en cause, y compris les placements pénitentiaires, la classification de sécurité, l’isolement, le recours à la force, les soins de santé et la libération conditionnelle. 
  14. Je recommande au SCC d’augmenter le nombre de placements à l’extérieur et d’améliorer l’accès à des possibilités de travail et de formation professionnelle valorisantes en milieu carcéral pour répondre aux besoins établis dans un plan correctionnel afin de mieux préparer les délinquants à leur libération sécuritaire et réussie dans la collectivité. 
  15. Je recommande qu’on procède en 2013-2014 à un examen externe de l’accès des détenus à des services spirituels, à la liberté d’expression religieuse et à la pratique de leur foi dans les établissements du SCC
  16. Je recommande au SCC de répondre publiquement aux problèmes et aux préoccupations soulevés dans le rapport externe intitulé Marginalisées : L’expérience des femmes autochtones au sein des services correctionnels fédéraux. 
  17. Aux fins de transparence et de responsabilisation, je recommande le rétablissement de la pratique exemplaire visant l’inclusion de la réponse du Service correctionnel du Canada comme partie intégrante de mes rapports déposés au Parlement. 

Annexe B : Statistiques annuelles


Tableau A : Plaintes (1) par catégorie

Tableau A : Plaintes (1) par catégorie Plaintes – consulter le Glossaire (1), Mesure interne – consulter le Glossaire (2), Enquête – consulter le Glossaire (3)

Catégorie

M/I(2)

Enq. (3)

Total

 

Isolement préventif 

Conditions

52

64

116

Placement/Examen

131

177

308

Total 

183 

241 

424 

Préparation de cas 

Libération conditionnelle

9

35

44

Après la suspension

8

5

13

Permission de sortir

2

4

6

Transfèrement

4

6

10

Total 

23 

50 

73 

Effets gardés en cellule 

220 

179 

399 

Placement en cellule 

22 

26 

48 

Demande 

Décisions

4

2

6

Traitement

18

10

28

Total 

22 

12 

34 

Programmes et supervision communautaires 

16 

Libération conditionnelle 

13 

Conditions de détention 

306 

203 

509 

Condamnation/peine-infraction actuelle 

Correspondance 

51 

33 

84 

Décès ou blessure grave 

13 

15 

28 

Décisions (en général) – Mise en application 

310 

62 

372 

Régimes alimentaires 

Pour raisons médicales

8

10

18

Pour motifs religieux

5

9

14

Total 

13 

19 

32 

Discipline 

Décisions du président indépendant

6

6

12

Décisions des tribunaux pour infractions mineures

7

2

9

Procédures

18

15

33

Total 

31 

23 

54 

Discrimination 

13 

Double occupation des cellules 

18 

Emploi 

44 

36 

80 

Questions financières 

Accès

24

26

50

Rémunération

26

33

59

Total 

50 

59 

109 

Services alimentaires 

47 

30 

77 

Grief 

Examen au 3e niveau

12

10

22

Décision

15

18

33

Procédure

65

43

108

Total 

92 

71 

163 

Harcèlement 

35 

29 

64 

Santé et sécurité – Lieux de travail/programmes des détenus 

Soins de santé 

Accès

86

135

221

Décisions

78

85

163

Décisions

82

89

171

Total 

246 

309 

555 

Soins de santé – Soins dentaires 

10 

12 

22 

Grève de la faim 

Information 

Accès/Divulgation

43

31

74

Correction

51

37

88

Total 

94 

68 

162 

Requête du détenu 

19 

12 

31 

Avocat – Qualité 

18 

14 

32 

Santé mentale 

Accès/Programmes

4

13

17

Qualité

8

2

10

Automutilation

14

33

47

Total 

26 

48 

74 

Méthadone 

16 

Langues officielles 

Opérations/Décisions du BEC 

12 

12 

Tribunal de l’extérieur 

Décisions – Libérations conditionnelles 

Conditions

22

11

33

Semi-liberté

16

9

25

Détention

36

12

48

Libération conditionnelle totale

13

5

18

Révocation

43

18

61

Total 

130 

55 

185 

Programme/Services 

Femmes

0

3

3

Autochtones

8

3

11

Accès

26

25

51

Décisions

15

8

23

Accès aux langues

1

3

4

Autre

5

4

9

Total 

55 

46 

101 

Questions de compétence provinciale 

Processus de mise en liberté 

34 

36 

70 

Motifs religieux/spirituels 

10 

25 

35 

Sécurité 

Incompatibilités

15

22

37

Lieu de travail

0

1

1

Total 

15 

23 

38 

Sécurité des délinquants 

17 

37 

54 

Fouille et saisie 

17 

25 

Classification de sécurité 

78 

37 

115 

Administration de la peine 

13 

Effectif 

228 

140 

368 

Téléphone 

69 

66 

135 

Permission de sortir 

Avec escorte

23

22

45

Sans escorte

5

4

9

Total 

28 

26 

54 

Décision – Permission de sortir 

22 

20 

42 

Transfèrement 

Mise en œuvre

22

51

73

Non sollicité

99

79

178

Placement pénitentiaire

20

15

35

Articles 81/84

0

1

1

Sollicité

48

41

89

Total 

189 

187 

376 

Analyses d’urine 

Recours à la force 

12 

19 

31 

Visites 

Visites familiales privées

51

44

95

Visites régulières

63

55

118

Total 

114 

99 

213 

Plainte n’appartenant à aucune catégorie (*) 

  

61 

Grand Total 

  

5477 

(*) Comprend les sujets de plaintes qui ne sont pas représentés par les catégories de plaintes ci-dessus et les plaintes qui concernent plusieurs catégories à la fois.

Glossaire


Plainte :

Les plaintes peuvent être formulées par un délinquant ou par une personne agissant en son nom, par téléphone, par télécopieur, par lettre ou au cours d’entrevues menées par le personnel enquêteur du BEC dans les établissements correctionnels fédéraux. Selon la loi, le BEC peut également entreprendre une enquête de sa propre initiative ou à la demande du ministre.

Réponse interne :

Toute réponse fournie à un plaignant, qui ne nécessite pas la consultation de sources d’information à l’extérieur du BEC .

Enquête :

Toute plainte exigeant de la part du personnel enquêteur du BEC certaines recherches auprès du Service correctionnel du Canada, ou encore l’examen ou l’analyse de documents, avant que l’aide ou l’information demandée par le délinquant ne puisse être fournie. Les enquêtes varient considérablement quant à leur portée, à leur complexité, à leur durée et aux ressources requises. Certaines questions peuvent se régler assez rapidement, alors que d’autres exigent un examen approfondi des documents pertinents, de nombreuses entrevues et une correspondance soutenue avec les divers niveaux de gestion du Service correctionnel du Canada. Les enquêtes systémiques examinent des sujets de préoccupation commune des délinquants et peuvent être réalisées à l’échelle de l’établissement, de l’administration régionale ou de l’administration nationale.

Tableau B : Plaintes réparties selon l’établissement ou la région

Région

Établissement

Nombre de plaintes

Nombre d’entrevues**

Nombre 
de jours 
passés dans l’établissement

FPPF 

    
 

Établissement d’Edmonton pour femmes

63

24

6

 

Vallée du Fraser

40

23

4,5

 

FPPF - Centre psychiatrique régional

0

0

0,5

 

Établissement Grand Valley

144

56

9

 

Établissement Joliette

47

12

4

 

Établissement Nova

65

15

3

 

Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci

32

13

2

 

Total 

391 

143 

29 

Atlantique 

    
 

Atlantique

232

74

14

 

Pénitencier de Dorchester

167

23

4

 

Centre de rétablissement Shepody

12

3

0,5

 

Établissement de Springhill

1009

51

11

 

Établissement Westmorland

15

8

2,5

 

Total 

535 

159 

32 

Ontario 

    
 

Établissement de Bath

58

27

9

 

Établissement de Beaver Creek

41

0

3

 

Établissement de Collins Bay

63

27

8

 

Établissement Fenbrook

144

39

6

 

Établissement Frontenac

20

12

2

 

Établissement de Joyceville

105

17

6

 

Pénitencier de Kingston

281

105

19

 

Établissement de Millhaven

126

73

7,5

 

Unité d’évaluation de Millhaven

45

0

7,5

 

Établissement Pittsburg

38

20

4

 

CRT Ontario

71

15

7

 

Établissement de Warkworth

165

0

0

 

Total 

1157 

335 

70 

Pacifique 

    
 

Établissement Ferndale

7

5

2

 

Établissement de Kent

293

40

18

 

Village de guérison Kwìkwèxwelhp

4

1

0,5

 

Établissement de Matsqui

75

27

5

 

Établissement de Mission

76

13

4

 

Établissement Mountain

153

32

5

 

CRT Pacifique

144

45

8

 

Établissement William Head

11

4

1

 

Total 

763 

167 

43,5 

Prairies 

    
 

Établissement de Bowden

189

75

12,5

 

Annexe de l’Établissement de Bowden (minimale)

1

0

1.5

 

Établissement de Drumheller

53

21

4

 

Annexe de l’Établissement de Drumheller (minimale)

1

0

1

 

Établissement d’Edmonton

188

40

10

 

Établissement Grande Cache

142

36

6

 

Établissement Grierson

7

3

1

 

Centre Pê Sâkâstêw

14

7

1

 

Établissement Riverbend

26

7

1

 

Établissement de Rockwood

17

6

2

 

CPR Prairies

92

6

1,5

 

Pénitencier de la Saskatchewan

109

31

3

 

Unité à sécurité maximale du Pénitencier de la Saskatchewan

124

0

3

 

Centre Stan Daniels

7

1

1

 

Établissement de Stony Mountain

137

35

7

 

Pavillon de ressourcement Willow Cree

1

35

1

 

Total 

1108 

303 

56,5 

Québec 

    
 

Établissement Archambault

82

33

10

 

Archambault – Centre régional de santé mentale

35

13

5

 

Établissement de Cowansville

65

23

8

 

Établissement de Donnacona

107

52

13

 

Établissement Drummond

83

48

9,5

 

CFF

77

13

6

 

Établissement de La Macaza

224

68

7

 

Établissement Leclerc

89

15

4

 

Établissement Montée Saint-François

26

12

4

 

Établissement de Port-Cartier

224

32

7

 

Centre régional de réception – Québec

92

14

9

 

Unité spéciale de détention

209

67

12

 

Établissement de Sainte-Anne- des-Plaines

19

12

2

 

Pavillon de ressourcement Waseskun

11

4

1

 

Total 

1343 

406 

97,5 

 

CCC/CRC/libérés conditionnels dans la collectivité 

172

0

0

Détenus sous responsabilité fédérale dans des établissements provinciaux 

8

0

0

 
 

Grand Total 

5477 

1513 

337,5 

** Comprend des entrevues menées dans le cadre d’enquêtes systémiques, ainsi que des entrevues visant à examiner les plaintes individuelles des délinquants.

Tableau C : Plaintes et population carcérale selon la région

Région

Nombre total de plaintes

Population carcérale (*)

Région

535

1373

Québec

1343

3204

Ontario

1157

3655

Prairies

1108

3623

Pacifique

763

1821

Établissements pour femmes

391

513

CCC/CRC/Libérés conditionnels dans la collectivité/Établissements provinciaux

180

S/O

Grand Total 

5477 

14189 

* Population carcérale répartie selon la région : au 14 avril 2013, d’après le Système intégré de rapports du Service correctionnel du Canada.

Tableau D : Traitement des plaintes selon le type de mesure

Mesure

Traitement

Nombre de plaintes

Réponse interne

 
 

Plainte n’appartenant à aucune catégorie

63

 

Conseils/renseignements fournis

1803

 

Aide fournie par l’établissement

222

 

En attente

7

 

Recommandation

1

 

Renvoi au processus de règlement des griefs

193

 

Renvoi au personnel de l’établissement

190

 

Renvoi au directeur de l’établissement

270

 

Plaintes non fondées rejetées

173

 

Plaintes globales/multiples

26

 

Plaintes retirées

77

 

Total 

3025 

Enquête préliminaire

 

Plainte n’appartenant à aucune catégorie

3

 

Conseils/renseignements fournis

653

 

Aide fournie par l’établissement

835

 

En attente

17

 

Recommandation

29

 

Renvoi au processus de règlement des griefs

85

 

Renvoi au personnel de l’établissement

256

 

Renvoi au directeur de l’établissement

131

 

Plaintes non fondées rejetées

149

 

Plaintes globales/multiples

26

 

Plaintes retirées

23

 

Total 

2207 

Enquêtes

 

Plainte n’appartenant à aucune catégorie

0

 

Conseils/renseignements fournis

70

 

Aide fournie par l’établissement

37

 

En attente

3

 

Recommandation

24

 

Renvoi au processus de règlement des griefs

8

 

Renvoi au personnel de l’établissement

18

 

Renvoi au directeur de l’établissement

48

 

Plaintes non fondées rejetées

21

 

Plaintes globales/multiples

14

 

Plaintes retirées

2

 

Total 

245 

 
 

Grand Total 

5477 

Tableau E : Sujets de préoccupation le plus souvent signalés par les délinquants

Catégorie

#

%

Population carcérale totale 

Soins de santé

555

10,13 %

Conditions de détention

509

9,29 %

Isolement préventif

424

7,74 %

Effets gardés en cellule

399

7,29 %

Transfèrement

376

6,87 %

Décisions (en général) – Mise en application

372

6,79 %

Effectif

368

6,72 %

Visites

213

3,89 %

Décisions – Libérations conditionnelles

185

3,38 %

Griefs

163

2,98 %

 

Délinquants autochtones 

Effectif

70

10,77 %

Soins de santé

61

9,38 %

Conditions de détention

58

8,92 %

Isolement préventif

51

7,85 %

Effets gardés en cellule

41

6,31 %

Transfèrements

41

6,31 %

Santé mentale

27

4,15 %

Décisions – Libérations conditionnelles

27

4,15 %

Décisions (en général) – Mise en application

25

3,85 %

Visites

22

3,38 %

 

Délinquantes 

Conditions de détention

65

15,44 %

Soins de santé

40

9,50 %

Santé mentale

36

8,55 %

Isolement préventif

29

6,89 %

Effectif

27

6,41 %

Effets gardés en cellule

20

4,75 %

Décisions (en général) – Mise en application

17

4,04 %

Téléphone

16

3,80 %

Permission de sortir

14

3,33 %

Placement en cellule

13 

3,09 %

Annexe C : Autres statistiques


A. Examens prévus par la Loi menés en 2012-2013

Conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ( LSCMLC ) , le Bureau de l’enquêteur correctionnel examine toutes les enquêtes du SCC concernant des incidents relatifs à l’automutilation ou au décès de détenus.

Examens obligatoires par type d’incident

Voie de fait

68

Meurtre

1

Séquestration

0

Suicide

3

Tentative de suicide

15

Automutilation

21

Blessures (accident)

31

Interruption de surdose

17

Mort (cause naturelle) *

3

Mort (cause non naturelle)

6

Autres **

0

Total 

165 

* Les décès survenus en raison de « causes naturelles » font l’objet d’une enquête menée en vertu d’un processus d’examen des décès distinct qui comprend un examen du dossier à l’Administration centrale.

** Enquêtes convoquées en vertu des articles 97 et 98 de LSCMLC , notamment en cas de troubles, de voies de fait, etc.

B. Examens des incidents de recours à la force menés par le BEC en 2012-2013

Conformément à la politique, le Service correctionnel est tenu de fournir au Bureau tous les documents pertinents relatifs aux incidents de recours à la force, notamment :

  • Rapport sur le recours à la force
  • Copie de toute vidéo concernant l’incident
  • Liste de contrôle des Services de santé pour l’examen d’un recours à la force
  • Liste de contrôle après l’incident
  • Rapport d’observation ou déclaration d’un agent
  • Plan d’action pour régler les problèmes soulevés
BEC – Statistiques sur le recours à la force au cours de l’exercice 2012-2013

Atlantique

Québec

Ontario

Prairies

Pacifique

Femmes purgeant une peine fédérale

Échelle nationale

Incidents signalés examinés par le BEC 

127 

286 

291 

376 

191 

187 

1458 

Recours à la force-Mesures prises 

Équipe d’intervention d’urgence

38

42

29

8

11

8

136

Intervention verbale

122

242

282

337

179

171

1333

Contrôle physique

121

192

233

268

163

175

1152

Matériel de contrainte

109

235

219

273

150

148

1134

Agitation d’un aérosol inflammatoire

11

81

125

154

52

33

456

Utilisation du gaz poivré

34

142

113

117

96

43

545

Utilisation d’agents chimiques

1

16

5

5

0

5

32

Artifice de diversion

0

5

2

2

2

1

12

Bouclier

6

51

41

11

19

14

142

Bâton

3

30

20

6

6

3

68

Brandir/charger une arme à feu

0

5

2

6

1

0

14

Usage d’une arme à feu – Coup de semonce

0

1

3

4

2

0

10

Usage d’une arme à feu – Tir visé

0

0

1

0

0

0

1

Indicateurs de préoccupation 

Autochtone

28

21

38

179

49

45

360

Femmes

0

0

0

0

0

196

196

Trouble de santé mentale cerné ( SCC )

31

13

34

33

39

37

187

Blessures 

Blessures infligées à un délinquant (blessures mineures)

7

62

56

33

24

13

192

Blessures infligées à un délinquant (blessures graves)

0

2

1

2

3

1

9

C. Communications par la ligne sans frais en 2012-2013

Les délinquants et les membres du public peuvent communiquer avec le BEC en composant le numéro sans frais (1-877-885-8848) partout au Canada. Toutes les communications entre les délinquants et le BEC sont confidentielles.

Nombre de communications sans frais reçues au cours de la période visée par le rapport : 18 259. Nombre de minutes d’enregistrement sur la ligne téléphonique sans frais : 84 437.

D. Enquêtes menées à l’échelon national en 2012-2013

  1. Délinquants autochtones - Une question de spiritualité : Les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition – Publié le 7 mars 2013.
  2. Délinquants de race noire dans le système correctionnel fédéral - Une étude de cas sur la diversité en milieu carcéral : l’expérience des détenus de race noire dans les pénitenciers fédéraux – Attention spéciale – Diversité dans le milieu carcéral : rapport annuel 2012-2013.
  3. Décès pendant la détention (examen de la mortalité) – doit être publié en 2013-2014.
  4. Automutilation chronique chez les délinquantes – doit être publié en 2013-2014.
  5. Suivi du rapport Recours non autorisé à la force : enquête sur l’utilisation dangereuse d’armes à feu à l’Établissement de Kent durant la période du 8 janvier au 18 janvier 2010 – en cours.

[1] Rapport de la commission d’enquête sur le soulèvement survenu au pénitencier de Kingston, en avril 1971. J.W. Swackhamer, président, 24 avril 1972.

[2] Les membres des minorités visibles sont ainsi définis par la Loi sur l’équité en matière d’emploi : « Font partie des minorités visibles les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n’ont pas la peau blanche. »

[3] Les délinquants d’origine « asiatique » comprennent les délinquants arabes, asiatiques, chinois, de l’est de l’Inde, philippins, japonais, coréens, du sud-est de l’Asie, arabes/asiatiques et sud-asiatiques.

[4] Les délinquants d’origine « hispanique » comprennent les délinquants hispaniques et latino-américains.

[5] Sécurité publique Canada, Aperçu statistique : le système correctionnel et la mise en liberté sous condition 2012. 

[6] Entrepôt de données du SCC , consulté le 30 avril 2013.

[7] L’ ACPAC est une coalition de recherche à laquelle les membres contribuent des connaissances, des compétences, une expertise et des expériences uniques et distinctives en ce qui concerne la surreprésentation des Afro-Canadiens dans le milieu carcéral, les groupes de personnes souffrant de maladie mentale, les groupes marginalisés victimes de discrimination fondée sur la race et la compétence culturelle.

[8] Statistique Canada, Immigration et diversité ethnoculturelle au Canada, 2013 .

[9] Eduardo Bonilla-Silva et David Dietrich, “The New Racism: The Racial Regime of Post-Civil Rights America,” dans Covert Racism: Theories, Institutions, and Experiences (2011).

[10] Entre autres : La représentation des Premières Nations sur la liste des jurés en Ontario : rapport de l’examen indépendant mené par Frank Iacobbuci, 2013; Le racisme derrière les barreaux : le traitement des détenus noirs et appartenant aux autres minorités raciales dans les établissements correctionnels en Ontario, Commission sur le racisme systémique dans 
le système de justice pénale en Ontario, 1994; Report of the Commission of Inquiry into Matters Relating to the Death of Neil Stonechild , 2004.

[11] Scot Wortley, « Hidden Intersections: Research on Race, Crime and Criminal Justice in Canada », Canadian Ethnic Studies Journal , 2004, vol. 35, n o 3, p. 99-117.

[12] Scot Wortley et Julian Tanner, « Discrimination or ‘Good’ Policing: The Racial Profiling Debate in Canada », Our Diverse Cities , n o 1, printemps 2004.

[13] SCC , Évaluation de l’affiliation à un groupe menaçant la sécurité .

[14] Les infractions visées à l’annexe II comprennent des infractions graves liées aux drogues ou un complot en vue de commettre une infraction grave liée aux drogues.

[15] Système intégré de rapports du SCC , consulté le 24 avril 2013.

[16] Les infractions visées à l’annexe II comprennent des infractions graves liées aux drogues ou un complot en vue de commettre une infraction grave liée aux drogues.

[17] Commission des libérations conditionnelles du Canada, Rapport de surveillance du rendement 2011-2012 .

[18] SCC , Sondage sur le climat éthique 2012 : Résultats et analyse .

[19] Le personnel du SCC travaille dans un environnement difficile et souvent stressant. Il ne fait aucun doute que le personnel du SCC fait également parfois l’objet de harcèlement et de menaces de la part de détenus. Toutefois, comme l’indique clairement le sondage, la principale source de harcèlement et de discrimination était des collègues de travail et non des délinquants, comme l’a rapporté le personnel du SCC .

[20] SCC , Rapport de rendement ministériel 2011-2012 .

[21] SCC , Rapport sur le rendement des Services de santé 2011-2012 , novembre 2012.

[22] Les unités en milieu de vie structuré dans les établissements régionaux pour femmes offrent des soins de santé mentale intermédiaires. Grâce à l’agrandissement de chaque établissement régional, le SCC aura une capacité totale de 60 lits pour ces services pour la population carcérale féminine purgeant une peine de ressort fédéral.

[23] L’unité de soins intermédiaires au pénitencier de Kingston est encore opérationnelle. Les ressources doivent être 
transférées à l’établissement de Millhaven à la fermeture du pénitencier de Kingston.

[24] Voir par exemple le Ministerial Council on Deaths in Custody (Conseil ministériel sur les décès en établissement) au Royaume-Uni, qui comporte trois niveaux : un comité ministériel, un comité consultatif indépendant et un groupe de praticiens et d’intervenants. http://iapdeathsincustody.independent.gov.uk (en anglais seulement)

[25] Système intégré de rapports du SCC , mars 2013.

[26] Double Bunking at Bath Institution (reçu en janvier 2013), énoncé à l’intention du Union of Canadian Correctional Officers (UCCO), Syndicat des agents correctionnels du Canada (SACC) et Confédération des syndicats nationaux (CSN) : A Critical Review of the Practice of Double Bunking within Corrections: The Implications on Staff, Inmates, Correctional Facilities and the Public, avril 2011

[27] SCC , Vérification de la gestion de la population de délinquants , janvier 2013.

[28] Frederic Moyer, « Current Theory and Application », Prison architecture: an international survey of representative closed institutions and analysis of current trends in prison design , Nations-Unies, 1975.

[29] Rapport de recherche SCC , Revue de la littérature sur la surpopulation carcérale et la double occupation des cellules , novembre 2012.

[30] En 2012-2013, le Bureau a examiné 1 458 incidents de recours à la force survenus dans les établissements du SCC . De ces incidents, 31 % visait l’exposition d’un contenant de gaz poivré et 37 % l’utilisation de ce dernier (ou la décharge de ce produit). Si l’on combine ces incidents, l’exposition et/ou l’utilisation du gaz poivré ont été signalées dans presque 70 % de toutes les interventions de recours à la force l’an dernier. Le SCC a enregistré 1 495 incidents de recours à la force en 2012-2013, ce qui représente une augmentation de près de 20 % depuis 2008-2009. En mai 2011, on a rendu plus claire la politique du SCC en matière de recours à la force qui indique maintenant que : « Le fait de retirer un dispositif d’agents chimiques ou inflammatoires de son étui et de le montrer à une ou des personnes est considéré comme un recours à la force. » Entre 2008-2009 et 2012-2013, l’exposition d’un contenant de gaz poivré (retiré de son étui) est devenue un incident de recours à la force « devant être signalé » (et par conséquent, devant faire l’objet d’un examen). Le fait que l’exposition d’un contenant de gaz poivré constitue un incident de recours à la force « devant être signalé » a une incidence sur le nombre croissant d’incidents de recours à la force.

[31] De nos jours, la population autochtone représente 4,3 % de la population canadienne totale, une augmentation de 3,8 % depuis le recencement de 2006. Les jeunes de 14 ans et moins représentent 28,0 % de l’ensemble de la population autochtone comparativement à 16,5 % de la population non, Statistique Canada, Les peuples autochtones au Canada : Premières Nations, Métis et Inuits, Enquête nationale auprès des ménages, mai 2013.

[32] En 2010-2011, le taux d’incarcération global au Canada était de 140 par 100 000 adultes.

[33] Le petit nombre de délinquantes autochtones qui s’automutilent de manière chronique représente un nombre disproportionné de tous les incidents.

[34] Bureau de l’enquêteur correctionnel. Une question de spiritualité : les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , mars 2013, disponible à www.oci-bec.gc.ca 

[35] SCC , Résultats des programmes d’emploi pour les délinquants : incidence de la participation au programme d’emploi de CORCAN , août 2012.

[36] Sécurité publique du Canada, Aperçu statistique : le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , 2012.

[37] The Wesley Group, L’expérience des femmes autochtones au sein des services correctionnels fédéraux , 2012.

[38] Protocole d’entente entre le Bureau de l’enquêteur correctionnel et le Service correctionnel du Canada, 2000


Date de modification 
2013-11-26 



 

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